Cycle & Bénéfice, quand matière dernière devient matière première

Page 1

CYCLE & BÉNÉFICE « Quand matière dernière devient matière première. »

Audrey Bertacchini

DSAA Créateur-Concepteur design de produits École La Martinière-Diderot, Lyon - Session Juin 2012


2


3

AVANT-PROPOS À travers cet écrit et ces recherches, je vais essayer de rendre compte de la situation à laquelle nous faisons face à l’heure actuelle, à savoir le fait que nos modes et rythmes de vie ne sont plus compatibles avec une planète dite « finie ». Notre consommation de ressources dépasse de loin les possibilités offertes par notre environnement, et nous constatons des déséquilibres profonds entre la vie humaine et les écosystèmes. Je souhaite revoir cette notion d’« inutile » présente dans chacun de nos usages et qui a installé de profonds paradoxes dans notre relation au monde. L’usage engendre fondamentalement une perte qui fait qu’aujourd’hui et depuis l’émancipation de l’industrie, de précieuses matières sont perdues. La volonté de la réflexion qui va suivre est d’établir une logique de pensée et de conception liée à notre exploitation des ressources disponibles et, comme le définit l’expression « développement durable », de « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Ainsi j’aimerais aboutir à une application réaliste de ma pensée de designer socialement et moralement engagée.


4


5

sommaire INTRODUCTIOn .................................................................. [7] I/ LE DÉCHET .................................................................... [11]

1 – Qu’est-ce qu’un déchet ? 2 – Historique du déchet 3 – La considération des ressources au XXe siècle 4 – Les ressources aujourd’hui 5 – [Éco]logique

II/ un BÉNÉFICE global ................................................. [27] 1 - Usage et bénéfice, deux notions indissociables 2 – L’efficacité par la collectivité 3 – Le schéma de l’écosystème 4 - Autonomie et autosuffisance

III/ CONNEXIONS ET MISE EN RÉSEAU ............................ [41] 1 – Une boucle de flux 2 – Les réseaux urbains, la connexion par les usagers 3 – La « transparence » dans la consommation 4 – Le territoire d’exploration du projet

CONCLUSION ...................................................................... [59] ressources ...................................................................... [61]


6


7

INTRODUCTION Du berceau au tombeau, voici l’expression qui résume notre relation aux objets et notre façon de consommer depuis les premières révolutions industrielles et encore de nos jours. Ce sont le chimiste Michael Braungart et l’éco-architecte William McDonough qui expliquent ce principe dans le livre Cradle to Cradle (1), définissant une société qui extrait continuellement les ressources fossiles sans, ou presque, opérer de retour. Ils disent d’ailleurs que « l’espèce humaine est la seule à prendre au sol de grandes quantités de nutriments nécessaires aux processus biologiques sans les lui retourner sous une forme utilisable ». L’écosystème est régi par la notion simple de cycle. Le scénario concret de cette affirmation peut être celui de l’arbre, qui puise les ressources nécessaires à sa croissance dans la terre, forme des feuilles, des fleurs, des fruits qui à l’automne tomberont pour se dégrader dans le sol et recréer des nutriments qui nourriront l’arbre. Un équilibre naturel est intrinsèquement présent dans cet écosystème originellement autosuffisant. C’est à se demander pourquoi l’homme a cette manie de ramasser les feuilles et de les enfermer dans des sacs, privant ainsi l’arbre de précieux nutriments. Le souci majeur du XXe siècle et encore du début du XXIe est que

(1) Cradle to cradle : Créer et recycler à l’infini, 2011, Michael Braungart et William McDonough, p 131


8

l’homme extrait des ressources qui sont limitées, et qui, à l’échelle de la nature, mettent des millions d’années à se reconstituer. Les activités humaines sont en totale contradiction avec les principes fondamentaux de l’écosystème. Nous assistons aujourd’hui à une perte continuelle et à une raréfaction des ressources. La production et la consommation illimitées s’opposent au renouvellement lent des ressources fossiles. Naturellement, un organisme vivant va tirer profit de son environnement pour le bon déroulement de son existence et pour préserver l’équilibre de l’écosystème. Il va puiser les ressources dont il a besoin et en rejeter d’autres qui seront nécessaires à une autre espèce, et ainsi de suite. Le phénomène de la respiration illustre cette idée. Il est basé sur l’échange de ressources gazeuses, avec l’absorption d’oxygène et le rejet de gaz carbonique. À l’inverse, le phénomène de photosynthèse, aussi appelé « respiration végétale», engendre une absorption de gaz carbonique et un rejet d’oxygène. Chacun contribue à la vie d’un autre. Ce fait repose à la fois sur les notions de cycle et de bénéfice, ainsi que sur celles d’autosuffisance et de dépendance. C’est autour de ce principe de transformation et d’équilibre, où matière dernière devient matière première, que je compte orienter ma réflexion et ainsi associer activités humaines et équilibres naturels. Je souhaite avec ce projet reconsidérer ce que nous appelons communément les « déchets », que je vais rebaptiser dans mon propos les « restes ». À l’image de l’équilibre naturel présent dans l’écosystème, comment peut-on aujourd’hui valoriser les « restes » dans nos activités ? Comment ancrer ces notions de bénéfice et d’autosuffisance dans nos pratiques si irrespectueuses de ce principe fondamental ?


9

Il convient tout d’abord de revoir notre perception de ce « reste », et ainsi de questionner la notion même de « déchet ». Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui le terme « usé » est synonyme d’inutile ? L’usage induit fondamentalement un bénéfice. Par définition, c’est le fait de se servir de quelque chose. Autrement dit, l’objet nous rend service, et nous en tirons donc un bénéfice. Le bénéfice fera l’objet d’une seconde partie, où nous questionnerons les notions d’usage et d’échange. Finalement, en s’inspirant du phénomène de cycle de l’écosystème, nous nous questionnerons sur la manière d’appliquer toute cette réflexion, et nous aborderons les principes de connections et de mise en réseau.


10


11

I/ LE DÉCHET 1 – Qu’est-ce qu’un déchet ? Par définition, un déchet est « une perte, une partie irrécupérable de quelque chose »(1). Cette définition ne convient qu’aux activités humaines car on ne retrouve pas cette idée d’« irrécupérable » dans la nature. Dans le cycle naturel, le déchet n’existe pas. Toute matière résiduelle revient à sa source, la Terre, essentiellement par le phénomène de dégradation, d’altération. Dans ce cas, nous ne parlons pas de déchets mais de nutriments, comme nous invite à penser le chimiste Michael Braungart dans Cradle to Cradle. Ce qu’il reste est utile au bon équilibre de l’écosystème. Il y a une logique dans le processus de vie, dans la consommation et l’échange de ressources. Plus « humainement », d’après l’article 1 de la loi du 15 juillet 1975 : « Est un déchet tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit […] que son détenteur destine à l’abandon. » Nous percevons clairement le paradoxe de la pensée humaine quant à ses activités, qui décrit tout « reste » comme inutile, sans intérêt, indigne de toute réutilisation. L’usage induit l’usé, la consommation induit la perte. Dans la logique humaine, la matière usée a perdu toutes ses qualités fonctionnelles, c’est pourquoi elle est éloignée et traitée pour disparaître. L’homme se focalise sur ce

(1) Dictionnaire Larousse : n.m de déchoir, par la 3e personne de l’indicatif présent il déchiet.


12

qu’il considère comme utile, il entreprend une action dans le but de répondre à un besoin. Il y a donc dans les activités humaines deux manières de percevoir la matière : la matière utile et la matière inutile. La transformation engendre fatalement cette séparation et cette dévalorisation. La peau d’une vache est utile pour se couvrir, se protéger, et la viande sert à se nourrir. Les abats non consommés (os, poumons, etc.) sont considérés comme des déchets de préparation animale. Globalement, ils sont broyés, transformés en farine et graisse animale par des usines de traitement agréées, puis détruits par incinération.(11 L’homme perçoit naturellement dans la matière restante une perte car elle est la résultante d’une utilité. Nous pouvons aller jusqu’à considérer que les notions d’« utile » et d’« inutile » sont indissociables. Comment pouvonsnous aujourd’hui changer cette fatalité et faire qu’« utile » ne rime plus avec « inutile » ? 2 – Historique du déchet Afin de mieux comprendre la mise en place de cette opposition « utile/inutile », voyons comment a pu évoluer notre rapport aux « restes » au fil des siècles, et plus particulièrement notre rapport à la matière et aux ressources consommées en général. Les premières considérations sur la matière restante visent principalement les matières organiques, pour des raisons d’hygiène et de confort de vie en société. C’est au temps de l’Antiquité que nous voyons apparaître les premiers systèmes d’évacuation des restes. Jusqu’alors ils étaient simplement laissés à l’abandon à l’endroit même (ou presque) où la matière avait été consommée. À Athènes, les Grecs inventent des toilettes (1) Ademe, ( Agence de L’Environnement et de la Maîtrise d’Énergie), Les déchets organiques et agricoles.


13

publiques et font emporter les déchets hors de la ville. Ce sont les premières interventions visant à éloigner la matière résiduelle du monde fonctionnel et de la vie humaine. À Rome, nous voyons les premières fosses installées en dehors de la ville, où les habitants déposent leurs ordures et les restes d’animaux sacrifiés. Au Moyen Âge, vers l’an 1000, on assiste aux premiers phénomènes d’exode rurale. Les hommes commencent à se regrouper dans des villes, ce qui génère de nombreux déchets. À cette époque, il est d’usage de jeter les déchets dans les fleuves et rivières. À Paris, par exemple, les gens boivent l’eau de la Seine, entraînant de nombreux cas de peste et autres maladies liées au manque d’hygiène. L’accumulation des déchets fait que les villes sont sales, boueuses et malodorantes. Dans le but d’évacuer la puanteur incessante qui règne dans la ville et pour la mise en place d’une certaine qualité de vie urbaine, Philippe Auguste ordonne en 1185 de paver les rues principales et crée des canaux et fossés centraux pour nettoyer certains quartiers. Au fil des siècles, des règlements sont établis pour pallier le manque d’hygiène : au XIIIe siècle, il devient interdit de laisser traîner ses ordures devant sa maison. Dans tous les quartiers sont créés des puits appelés « trou punais » où chacun doit déverser ses immondices et en 1343 Charles V fait construire des fossés d’évacuation couverts pour éviter les odeurs. Les usages imposés concernant les résidus organiques sont difficilement adoptés par la population. Les cours d’eau continuent à être pollués, ce qui entraîne des épidémies de peste, comme celle de la peste noire de 1347 qui fit des millions de morts en Europe. À la Renaissance, aux XVe et XVIe siècles, les rues ne sont pas encore toutes pavées et les excréments sont toujours jetés dans les rues ; celles-ci sont boueuses, des passerelles ou ponts


14

flottants sont utilisés pour traverser les rues. Certains agriculteurs tirent profit de la situation en récupérant cette boue pour fertiliser leurs champs. Seulement, ces initiatives ne sont pas encouragées et la logique de l’époque et les services municipaux mis en place veulent que la matière soit portée loin de toutes activités humaines. En 1531, grâce aux conseils des médecins, une ordonnance impose que toutes les maisons possèdent des fosses et l’élevage d’animaux (cochons, oiseaux, lapins) est interdit dans Paris. Ces restrictions visent à limiter la création de matière usée dans les villes, ainsi qu’à les faire disparaître, les cacher, les éloigner des usages quotidiens. Au XVIIe siècle, des chiffonniers parcourent les rues à la recherche de matières en tout genre (vieux vêtements, chiffons, os d’animaux, etc) afin de les réutiliser et tenter de subvenir à leurs besoins. Ce sont les premiers « recycleurs ». Les os sont utilisés pour fabriquer des manches de couteaux, ou, une fois bouillis, ils forment une graisse avec laquelle on confectionne des bougies. Quant au tissu, il sert à faire du papier. C’est le besoin qui pousse ces individus à reconsidérer la matière dite « inutile » et à leur trouver une nouvelle raison d’être dans le milieu fonctionnel du quotidien. C’est sous le règne d’Henri IV que le traitement de l’eau est à son tour considéré, avec la construction de la première machine hydraulique(1), pour l’alimentation de la ville en eau potable et principalement la lutte contre les épidémies. La situation tend à s’améliorer légèrement sous Louis XIV grâce aux lourdes taxes délivrées par la police. La matière résiduelle est alors associée par la population à quelque chose de négatif, qui signifie une perte et s’oppose à la notion de bénéfice. En 1870, Louis Pasteur met en évidence le lien entre l’hygiène (1) L’énergie hydraulique est l’énergie fournie par le mouvement de l’eau, sous toutes ses formes


15

et la santé et c’est en 1884 que le préfet Eugène Poubelle met en place ces récipients spéciaux munis d’un couvercle, disposés à accueillir ces déchets qui courent les rues, avant d’êtres ramassés par les services municipaux. Dès lors les restes sont plus que dévalorisés, ils sont synonymes d’impureté, d’inutilité et d’inefficacité. Tout est organisé pour les faire disparaître et les rendre « inactifs ». Dès 1896, la capitale dispose de centres de traitement des déchets, notamment à Saint-Ouen, où les déchets ou « gadoue » étaient transportés dans des tombereaux (2) puis vidés dans une fosse. Des ouvriers séparaient les différentes matières afin de ne laisser passer que les matières organiques qui, une fois broyées, étaient utiles à l’agriculture. Ce qui ne pouvait être vendu à l’agriculture était détruit dans des fours qui créaient de la vapeur et de l’électricité. Malgré l’effort de réutilisation des restes, avec la production d’énergie en stade final, la matière n’en reste pas moins détruite, rayée de la planète, comme si elle n’avait jamais existé. Fin XIXe, la gestion des déchets ne faisant pas l’objet d’une réglementation nationale, certaines communes rurales n’ont connu la collecte municipale des déchets ménagers que récemment. En France, la première grande loi-cadre sur la gestion des déchets a été promulguée le 15 juillet 1975, instaurant l’obligation pour chaque commune de « collecter et d’éliminer les déchets des ménages ». Depuis ces dispositions nationales, de nombreux déchets ménagers sont envoyés en décharge, ce qui représente une perte considérable de matières premières et de hauts risques de pollutions. En tout point, depuis les premières attentions pour les restes, la matière a subi une forte dévalorisation dès lors qu’elle est usée. (2) Voiture en tôle tirée par des chevaux.


16

Tous les efforts mis en place ont pour seul but de nier l’existence de cette matière dernière et de l’éloigner du monde fonctionnel. Ces usages établis participent à la perception que nous avons de ce que nous appelons communément « les déchets ». 3 – La considération des ressources au XXe siècle Aujourd’hui, cette considération de la matière usée s’est propagée à l’ensemble des usages et donc des objets. Un objet qui ne peut plus répondre à la fonction attendue est immédiatement considéré comme inutile et la matière est alors perçue comme un déchet. L’eau utilisée pour se laver les mains devient de l’eau usée, une ampoule dont le filament est rompu est un déchet, tout comme une pile vidée de son énergie. Leur statut final fait qu’ils sont écartés du domaine de l’utile, alors qu’ils sont composés de ressources précieuses, qui aujourd’hui s’amoindrissent à une vitesse alarmante. Notre relation aux objets et à la matière a fondamentalement changé dès les premières révolutions industrielles au XIXe siècle. Car l’objet se banalise, il devient accessible afin de massifier des usages quotidiens, et ainsi élever la qualité de vie de la population. Le XIXe siècle correspond au passage d’une société principalement artisanale et agricole, où l’acquisition de biens se faisait sur le long terme et par la transmission, à une société industrielle et commerciale. Nous parlons de la société de production. La transformation de la matière, la création de nouveaux usages et la production d’objets deviennent des moyens d’alimenter le système économique, de générer de l’argent pour croître à l’infini. Comme le dit l’économiste Serge Latouche : « Nous vivons dans une société dont la logique n’est pas de croître pour satisfaire les besoins mais de croître pour croître. »(1) La croissance

(1) Prêt à jeter : obsolescence programmée, reportage Arte, 2011, 75 minutes.


17

se fait par l’acte d’achat, par la consommation, et pour cela l’objet ne doit pas durer. Il faut donc le rendre inutile aux yeux des consommateurs. C’est la société de consommation. Le XXe siècle est une période de progrès technique intense. La machine se substitue à l’homme pour toujours plus de production et de consommation. Des changements et des bouleversements dans notre besoin de l’objet se sont opérés rapidement : en moins d’un siècle, le nombre d’objets qui nous entourent a plus que décuplé. Une famille de quatre personnes qui possédaient entre 150 et 200 objets en possèdent aujourd’hui entre 2 000 et 3 000.(2) Nous subissons une certaine dépendance aux objets. Ils constituent « notre milieu objectif familier », pour reprendre l’expression du philosophe et designer Pierre Damien Huyghe dans son essai Faire place(3). Car les objets sont les supports de nos usages et nos usages s’installent de façon pérenne dans nos vies dès lors qu’ils sont reproduits quotidiennement et sur le long terme. Dans notre société, il est d’usage de porter des vêtements, de marcher avec des chaussures, de manger avec des couverts, etc. L’objet est donc nécessaire à la réalisation de ces usages, que nous pouvons qualifier de mœurs tellement ils sont ancrés dans notre vécu. L’objet étant le moyen de l’usage, il se doit d’être présent et valide. Sa défaillance, son obsolescence invitent l’usager à le renouveler, participant ainsi à la croissance et au maintient du système économique. L’industrie a accéléré la diffusion de certains usages, qui sont aujourd’hui bien installés dans la société. Victor Papanek dit, dans le livre Design pour un monde réel que « l’industrie a encouragé l’acceptation rapide par le public de tout ce qui était nouveau, de tout ce qui était différent »(4). Nous sommes après la guerre et la population a besoin d’oublier la dureté du temps passé, de tirer un trait sur ce qui peut évoquer cette époque et de passer à une (2) Il y aura l’âge des choses légères, Thierry Kazazian, 2003, p 43. (3) Faire place, Pierre Damien Huyghe, 2009. (4) Design pour un monde réel, Victor Papanek, 1974, p 59.


18

ère nouvelle. Papanek prend l’exemple de la vente du stylo à bille Reynolds peu après la fin de la guerre. Ce stylo vendu 25 cents pièce par les magasins Gimbel a provoqué une un véritable engouement. Certains vendaient leur place dans la queue de 5 à 10 dollars, et la demande en stylo fut tellement forte que les magasins Gimbel imposèrent la consigne de ne vendre qu’un seul stylo à bille par client. Les stylos se revendaient facilement à 50 ou 60 dollars pièce. Avec le stylo Reynolds, vous pouviez « écrire sous l’eau », il faisait des pâtés, fuyait dans la poche et n’avait pas de cartouches de rechange car il se jetait après usage et même parfois avant, mais il marquait le début d’une ère nouvelle. L’acte de jeter est ainsi rentré dans les mœurs de la société contemporaine. La matière est dévalorisée par l’absence d’usage et par le remplacement immédiat par une matière « neuve », un objet actif. Sur cette idée, nous pouvons évoquer le « mythe du cargo » expliqué par le philosophe Jean Baudrillard dans son livre La société de consommation(1), qui consiste à dire que la profusion et l’abondance matérielles qui règnent au quotidien nous donnent l’illusion que le manque, la rareté n’existent pas. Il y a comme un mécanisme « magique » qui nous donne ce que nous voulons au moment où nous le voulons. Les exemples du robinet et de l’interrupteur illustrent parfaitement cette idée : il nous suffit d’un geste simple, appuyer sur un bouton ou tourner une poignée, pour avoir accès à une ressource à l’infini. C’est cette illusion d’infini qui engendre des comportements en totale contradiction avec la réalité, une réalité qui n’est pas infinie, dont les ressources sont limitées et nécessitent du temps pour se reconstituer. Les usages mis en place ne nous permettent pas de nous rendre compte clairement de notre consommation et de la matière que nous usons au quotidien. C’est la pratique même de l’objet qui nous déresponsabilise face à la matière consommée, il y a un (1) La société de consommation, Jean Baudrillard, 1970, p 29.


19

manque crucial de « transparence » dans les dispositifs actuels, nous amenant même à croire l’irréel : l’abondance infinie, l’inexistence du manque et de la finitude des choses. Il convient alors de revoir notre façon même de consommer les ressources, d’établir une nouvelle manière d’aborder la matière, de l’utiliser d’une façon plus logique et en cohérence avec le fait que la consommation illimitée n’existe pas et qu’il y a une fin à tout. De nombreuses contradictions sont perceptibles dans cette société de croissance, il y a un lourd déséquilibre entre croissance naturelle et croissance humaine. Cette organisation est aujourd’hui fortement remise en question car elle se base sur une contradiction flagrante, qu’explique Serge Latouche : « Celui qui croit qu’une croissance infinie est compatible avec une planète finie est soit un fou soit un économiste, le drame c’est qu’au fond nous sommes tous des économistes maintenant. » (2) 4 – Les ressources aujourd’hui L’extraction continuelle des ressources associée aux notions d’inutile et de déchet, inhérentes à tout usage, engendre des préoccupations planétaires concernant les générations à venir. Notre système, basé sur le schéma « du berceau au tombeau »(3), est aujourd’hui remis en question. De nombreuses études ont été faites pour rendre compte de l’état des ressources environnementales. C’est dans les années 1970 que l’on constate un basculement entre la consommation humaine des ressources naturelles et les capacités biologiques de la Terre. D’après une étude établie par la World Wild Foundation (WWF) dans les années 2000, deux planètes et demie seraient nécessaires pour satisfaire les besoins d’une population mondiale (2) Prêt à jeter : obsolescence programmée, reportage Arte, 2011, 75 minutes. (3) Cradle to cradle : Créer et recycler à l’infini, 2011, Michael Braungart et William McDonough.


20

vivant selon nos standards européens, et cinq selon les standards nord-américains. Un fort déséquilibre s’est installé entre les populations de l’hémisphère nord et celles de l’hémisphère sud. Les ressources disponibles sur la planète sont inéquitablement consommées : 20 % de la population consomment 80 % des ressources naturelles extraites(1). Cette situation est en partie due à la relation qui s’est installée entre l’usager et l’objet. Cette relation autrefois durable est devenue avec la société de consommation une relation fondamentalement éphémère. Il y a un paradoxe entre la durée d’usage de l’objet et sa durée de vie. La matière transformée par l’homme met des années voire des centaines d’années à retrouver un état qui puisse être réabsorbé par la Terre. Chaque seconde, 570 sacs plastiques sont distribués dans le monde. Leur durée d’utilisation moyenne est de 20 minutes, mais ils mettront 100 à 400 ans pour se dégrader. Il y a un déséquilibre aberrant entre la consommation massive que nous faisons des ressources et le temps de régénération de celles-ci. En moyenne, 108 milliards de barils de pétrole sont consommés par an dans le monde. Des études estiment que la réserve de pétrole disponible est d’environ 105 années, soit 16 000 milliards de barils, sachant que le pétrole est le résultat de la fossilisation de minuscules animaux marins sur 10 millions d’années. Ainsi, en moyenne, un an de consommation énergétique humaine équivaut à un million d’années naturelles.(2)

(1) Il y aura l’âge des choses légères, Thierry Kazazian, 2003, p 24. (2) Il y aura l’âge des choses légères, Thierry Kazazian, 2003, p 38.


21

PÉTROLE

105 ans

Estimation grossière (16 000 milliards de barils)

Le monde consomme 108 milliards de barils par an Industrie

Organisation pétrolière

23 ans

14 ans

13 ans

1 ans

Institut d’études géologiques des États-Unis

Oil & Gas journal

OPEP

Wikipédia

Gouvernement américain

Source : Datavision, David McCandless, 2011.

Internet


22

Le concepteur d’aujourd’hui se doit de tenir compte du temps de renouvellement des matières premières. Nous pouvons distinguer deux catégories : les ressources renouvelables et les ressources non renouvelables. Aujourd’hui, nombre de nos activités reposent sur la consommation massive des ressources limitées. Des initiatives sont mises en place progressivement pour pallier cette pénurie proche. Seulement ce n’est pas la manière dont fonctionnent ces usages « gourmands » en ressources, limitées ou non, qu’il faut revoir mais certainement l’usage lui-même. Le designer a alors pour rôle d’amener une logique dans l’exploitation que nous avons des ressources.

LES RESSOURCES RENOUVELABLES Matières végétales et animales

air

eau

solaire

terre

flore

Temps de renouvellement Inférieur ou égal à une vie humaine

faune


23

5 – [Éco]logique Dans « écologique » nous voyons « logique ». À travers la conception, l’innovation, qui façonnent le monde et la société, nous nous devons aujourd’hui de rétablir une logique dans nos relations avec le monde. L’objet fait partie de notre vie, nous vivons avec, nous en sommes constamment entourés. Il nous faut revoir notre rapport à celui-ci, et aux ressources en général, afin de retrouver un équilibre entre activité humaine et environnement.

LES RESSOURCES NON RENOUVELABLES Matières minérales et combustibles fossiles

pétrole

charbon

métaux

Temps de renouvellement Largement supérieur à une vie humaine (millions d’années)


24

Par définition, l’écologie est la « science ayant pour objet les relations des êtres vivants (animaux, végétaux, micro-organismes) avec leur environnement, ainsi qu’avec les autres êtres vivants ».(1) Étymologiquement, ce terme provient du grec Oikos, qui signifie « maison », et logos, « science », « connaissance ». C’est donc littéralement la science de l’habitat, autrement dit la science de l’environnement. Plus précisément, l’écologie est la science qui étudie les milieux et les conditions d’existence des êtres vivants et les rapports qui s’établissent entre eux et leur environnement, ou plus généralement avec la nature. L’écologie a été définie par le biologiste allemand Ernst Haeckel en 1866 comme étant « la science des relations des organismes avec le monde environnant, c’est-à-dire, dans un sens large, la science des conditions d’existence ». Depuis, la définition de l’écologie a été précisée par le scientifique Dajos, en 1983. La définition généralement admise aujourd’hui est que l’écologie est la science qui étudie les conditions d’existence des êtres vivants, les interactions et relations existantes entre les êtres vivants et les interactions entre les êtres vivants et leur milieu, c’est-à-dire les écosystèmes. L’écosystème, c’est « le système formé par un environnement (biotope) et par l’ensemble des espèces (biocénose) qui y vivent, s’y nourrissent et s’y reproduisent »(1). Un équilibre et une logique sont naturellement présents dans l’écosystème afin que celui-ci puisse exister. L’environnement est organisé de manière à ce que chaque espèce puisse s’épanouir. Une forme d’intelligence est intrinsèquement présente dans la nature. C’est de cette organisation logique que le designer doit s’inspirer, comme l’a dit l’architecte et designer Richard Buckminster (1) Dictionnaire Larousse.


25

Fuller dans l’ouvrage de Victor Papanek, Design pour un monde réel : « Lorsque nous disons qu’il y a design, cela indique qu’une intelligence a organisé des événements en un réseau judicieux et conceptuel de modèles entrelacés. »(2) Ce qui paraît judicieux aujourd’hui c’est d’ancrer une certaine logique dans notre manière de concevoir nos modes d’existence. Mais surtout de rendre logique l’accès aux ressources et usages nécessaires à la vie humaine dans la société contemporaine. Ces usages devant être accessibles par tous sont par exemple : l’accès à l’eau, à un mode d’éclairage, à un mode de chauffage, et ceci dans le souci d’une équité sociale. Il s’agit d’accorder la priorité aux besoins essentiels de tous, et de réduire les situations d’exclusion. C’est ce que conclut le célèbre rapport de Bruntland(3), présidée par la Norvégienne Gro Harlem Brundtland. Ce rapport a popularisé l’expression de « développement durable » et a notamment apporté la définition communément admise du concept : « Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. » Cette logique d’accès induit les notions d’autonomie et d’autosuffisance. Chacun doit pouvoir accéder aux ressources nécessaires à une bonne qualité de vie. Il convient maintenant de se demander comment le designer peut s’approprier le schéma cyclique observé dans l’écosystème et qui permet à celui-ci de se suffire à lui-même ? Comment ancrer dans les usages de la société contemporaine le principe de cycle, et ainsi amener l’individu vers une autonomie pour l’acquisition d’une logique et d’un confort de vie ?

(2) Design pour un monde réel, V.Papanek, 1970, p 10. (3) Publication rédigée en 1987 par la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’Organisation des Nations Unies.


26


27

II/ un BÉNÉFICE global 1 - Usage et bénéfice, deux notions indissociables La société humaine est caractérisée par sa capacité à transformer la matière, à la modeler en vue d’une fin désirée. L’acte de « design », le fait même de concevoir dirons-nous, est présent dès les premiers usages attribués à l’homme. Le designer Victor Papanek dit dans Design pour un monde réel : « La préparation et le modelage de toute action en vue d’une fin désirée et prévisible : tel est le processus du design. »(1) La taille d’un silex a pour but de couper, la création d’un feu de chauffer, d’éclairer, l’élévation d’un mur vise à protéger, séparer, cacher, etc. Chaque usage induit dans sa finalité un bénéfice pour l’homme et sa façon d’appréhender le monde. Nous effectuons un acte, un usage, en vue d’un bénéfice perceptible qui participe à notre qualité de vie et rend celle-ci plus facile, plus confortable. Nous utilisons un objet en vue d’un usage, lui-même en vue d’un bénéfice pour un certain confort de vie. L’objet n’est que le moyen, l’intermédiaire entre l’usage et le bénéfice. Aujourd’hui, cet intermédiaire tend à se dématérialiser au profit du service. Que ce soit un usage fonctionnel ou même moral, l’objet ou le service permet à l’homme de satisfaire un besoin, un désir, une volonté. Nous transformons la matière et nous la modelons dans

(1) Design pour un monde réel, V.Papanek, 1970, p 31.


28

le but d’une finalité. Cette fin apparaît plus importante que l’objet en soi : qu’un couteau soit en acier, en céramique ou en bambou, ce qui nous paraît primordial c’est que celui-ci coupe. L’objet doit avant tout répondre à ce pour quoi il existe et ce pourquoi il a été inventé par l’homme. La notion de confort est très importante dans un usage car c’est la raison pour laquelle il a été répandu et adopté par une population. Par définition, l’usage c’est bien sûr le fait de se servir de quelque chose, mais c’est aussi une pratique habituellement observée dans un groupe, dans une société. Nous retrouvons les notions de productivité et de mimétisme : lorsqu’un acte est réalisé par un individu ou un groupe d’individus afin de répondre à une finalité précise, et que cette finalité produit un effet bénéfique au quotidien, cet acte est alors reproduit, mimé. La diffusion et la propagation engendrées par le « mime » ancrent cet acte dans les usages, et l’installent comme une habitude à part entière dans la civilisation concernée. Nous pouvons faire référence à un scénario observé dans le milieu naturel, celui d’un groupe de primates qui mangent des fruits sur une plage. Les fruits sont granuleux car pleins de sable. Une guenon remarque par hasard qu’en trempant le fruit dans l’eau avant de le manger, le sable « disparaît ». Le groupe remarque la nouvelle pratique de la guenon et le confort que cela produit, ainsi l’usage se répand dans le groupe. Un usage commence de manière isolée et se développe avec la collectivité. 2 – L’efficacité par la collectivité Ainsi il est important d’adopter une dimension collective dans la démarche de design et d’acceptation d’un usage. Comme le dit V. Papanek : « Le but final du design est de transformer l’environnement et les outils de l’homme et, par extension, l’homme


29

lui-même. »(1) Si l’on souhaite transformer les coutumes de vie et ainsi faire évoluer la société vers une démarche de vie plus responsable, la démarche de design doit se positionner dans la dimension collective et non individuelle. Les institutions, les conventions, sont à l’origine du « façonnage de nos existences » pour reprendre l’expression du philosophe Bernard Stiegler(2). Elles installent dans la réalité de la population un modèle de vie. Nous pouvons parler de responsabilité industrielle dans le sens où ce sont les industries qui ont, dès la révolution industrielle et la mise en œuvre d’une production et distribution de masse, permis aux gens de vivre autrement, d’« user » autrement. En terme de responsabilité institutionnelle, nous pouvons prendre exemple sur le programme pédagogique sur l’environnement mis en place par la ville de Curitiba, au Brésil. Depuis 1989, ce programme encourage chaque citoyen à trier et séparer la partie organique de ses déchets. Un service municipal récolte la matière triée, un troc est alors effectué : quatre kilos triés est égale à un kilo de légumes frais ou à un ticket de bus ou d’opéra. Ainsi l’initiative municipale, grâce à ce programme, a inscrit le tri des restes organiques dans les habitudes de la population. La responsabilité individuelle induit la notion de propriété, le principe d’appartenance. Le champ d’action est différent, le propriétaire d’un objet a un lien avec celui-ci, il a un droit de regard sur son usage. La propriété n’est pas compatible avec le principe d’accès à un usage pour la société. Le champ d’action s’inscrit dans une logique d’accès que n’a pas par principe la propriété. C’est un travail sur le comportement et la relation que nous avons à l’objet, c’est la remise en question de la propriété au profit d’une liberté d’usage. Nous parlons de liberté d’expression (1) Design pour un monde réel, V.Papanek, 1970, p 51. (2) Le design de nos existences : à l’époque de l’innovation ascendante, Bernard Stiegler, 2008.


30

quand il s’agit de pensées, aujourd’hui l’objectif est peut-être alors d’inventer la « liberté de consommation », pour un accès libre aux usages les plus essentiels. La logique de cette réflexion est donc d’accéder à un usage plus que de posséder un objet qui nous permet d’y accéder. Accéder c’est atteindre quelque chose, obtenir un état, une situation, pouvoir disposer d’un usage. Le bénéfice est justement d’écarter les contraintes de la possession pour jouir pleinement du service voulu. C’est l’usage qui est valorisé plus que l’objet, celui-ci est un moyen d’avoir accès à un service et plus une fin en soi. Pour illustrer cela, nous pouvons prendre l’exemple de l’autoroute : nous accédons à une autoroute, à ses avantages, nous ne la possédons pas. Le designer Thierry Kazazian parle dans l’ouvrage collectif Il y aura l’âge des choses légères de produit « léger ». Il dit ceci : « Le produit «léger» se présente comme l’outil d’une logique économique plus humaniste dans laquelle on accède au bien-être par une satisfaction procurée par l’usage plutôt que par la possession. »(1) L’idée est simplement de ramener une certaine logique dans nos usages, de passer d’une société basée sur la propriété individuelle à une société de service. Nous voyons de nombreuses initiatives visant à simplifier les modalités de l’usage, comme le prêt d’outils entre particuliers ou le covoiturage, en réponse à ces aberrations du système actuel qui consiste à faire une accumulation de bien inertes. En effet, de nos jours, la durée effective d’utilisation des objets est très inférieure à leur potentiel : 30 minutes par an pour une perceuse grand public, dont la durée de vie moyenne est de dix ans. Une automobile reste à l’arrêt 92 % de son temps, sachant qu’en 1999 on estimait le nombre de voitures circulant sur la planète à 1 999 680 millions.(2) (1) Il y aura l’âge des choses légères, Thierry Kazazian, 2003, p 33.


31

Nous tendons aujourd’hui vers un rapport à l’objet plus simple mais aussi plus confortable. Le fait de ne pas posséder implique une déresponsabilisation de stockage, d’entretien, etc. Nous parlons d’« usufruit ». Ce terme indique un « démembrement du droit de propriété conférant à son titulaire l’usage d’un bien appartenant à autrui et le droit d’en percevoir les fruits naturels et civils ».(3) Contrairement à la propriété, l’usufruit a nécessairement une durée, l’objet est utilisé le temps d’un usage précis. Toucher le groupe c’est favoriser l’acceptation d’une nouvelle pratique, par le processus du mimétisme et de la répétition, comme nous l’avons vu, mais c’est aussi favoriser la mise en place d’un schéma de vie pérenne, devenant ainsi une habitude indissociable du quotidien. C’est ancrer un standard de vie dans la société, et l’associer de façon évidente à la vie quotidienne de façon à ce qu’elle ne puisse s’en détacher. L’usage devient une évidence, comme il est aujourd’hui évident pour 99,8 % des Français de conserver ses aliments dans un réfrigérateur (4). La société adopte l’usage à partir du moment où celui-ci apporte un bénéfice, un confort de vie. 3 – Le schéma de l’écosystème Cette notion de bénéfice est intrinsèquement présente dans l’écosystème. Pour reprendre l’exemple énoncé dans l’introduction, le phénomène de la respiration illustre l’idée qu’une action effectuée par un être vivant va générer un bénéfice pour un autre. Les végétaux rejettent de l’oxygène après absorption de gaz carbonique et les animaux rejettent du gaz carbonique après absorption d’oxygène. Chacun tire profit des ressources générées pour le bon déroulement de son existence. R. Buckminster Fuller

(2) Estimation du programme des Nations Unies pour l’Environnement. (3) Dictionnaire Larousse. (4) INSEE, « Taux d’équipement des ménages en 2007».


32

explique ceci dans le livre de Victor Papanek, Design pour un monde réel, en disant : « Tous les gaz produits et dégagés par la végétation donnent les gaz chimiques essentiels à la poursuite de toute vie animale sur terre ; une fois consumés par les mammifères, ils sont à nouveaux transformés, par combinaisons et décompositions chimiques, en sous-produits gazeux nécessaires à la régénération de la végétation. »(1)

CO2

O2

Une intelligence lie chaque intervention de la nature pour créer (1) Design pour un monde réel, V.Papanek, 1970, p 10.


33

un équilibre global. Buckminster Fuller ajoute dans son propos que « le contraire du design est le chaos ». Nous avons pu voir qu’actuellement l’organisation de la société ne reproduit pas le schéma logique de l’écosystème. La matière première est continuellement extraite, la transformation et l’utilisation faites par les activités humaines la convertissent en déchet, concept inventé par l’homme, comme nous avons pu le voir précédemment, et la rendent ainsi inutile à ses yeux. Comme le dit le chimiste Michael Braungart dans le livre Cradle to Cradle : « L’espèce humaine est la seule à prendre à la Terre une grande quantité de nutriments sans jamais les lui retourner sous une forme utilisable. »(2). Il ajoute que « la nature ne produit pas de déchets, elle ne produit que des nutriments ». Cette phrase résume la relation logique que nous devrions adopter vis-à-vis de l’exploitation que nous faisons des ressources, c’est-à-dire considérer les rejets issus de nos usages comme de la matière, apte à être réintégrée dans un cycle bénéfique.

(2) Cradle to cradle : Créer et recycler à l’infini, 2011, Michael Braungart et William McDonough, p 130


34


35

Il convient alors de considérer les « restes » non comme une perte, une matière devenue obsolète, mais comme une ressource et une matière première à part entière. La matière dernière devient matière première. Le rôle du designer est aujourd’hui de faire prendre conscience de la préciosité de ces matières dernières issues de nos activités et de rendre compte de leurs qualités fonctionnelles et nourricières. Ainsi, le designer, en s’inspirant de ce principe fondamental, inscrit sa démarche dans un cycle écologique régénérateur. L’application de ce principe la plus répandue de nos jours est le traitement des déchets organiques. Nous voyons de nombreuses interventions visant à valoriser et s’approprier les qualités nourricières de ces matières résiduelles issues principalement de nos pratiques alimentaires. Nous observons par exemple que la pratique du vermicompostage (ou lombricompostage) s’installe de plus en plus dans les usages quotidiens. Cette pratique consiste en une transformation entièrement naturelle des déchets organiques domestiques grâce à l’intervention de vers de terre des espèces Eisenia fetida ou Eisenia andreï. D’après une étude de l’ADEME effectuée en 2009, les déchets organiques représentent en moyenne 25 % de nos déchets ménagers. Ainsi le compostage domestique permet de réduire notre poubelle d’un quart et de favoriser l’engrais naturel. Le vermicomposte a de multiples effets bénéfiques sur le sol et les plantes.


36

Les effets bénéfiques du vermicompostage Amélioration de l’aération de la terre Amélioration de l’infiltration et de la diffusion de l’eau dans la terre Amélioration de l’absorption des oligo-éléments et du phosphore par les plantes Augmentation de l’aptitude des graines à germer Stimulation du développement de la plante et de la formation des racines Augmentation du métabolisme des plantes Libération lente des substances minérales, donnant à la plante une source d’alimentation constante pendant toute sa période de croissance Amélioration de la résistance de la plante à la sécheresse, au gel, au mildiou, aux maladies, aux champignons et aux radiations Augmentation de la production de chlorophylle, de vitamine C, d’hydrates de carbone, de protéines, d’acides aminés, d’huiles et d’autres substances nécessaires Frein à l’accumulation des nitrates dans les plantes notoirement préjudiciables à la santé humaine Amélioration de l’apparence et du goût des cultures traitées Régénère le sol et assure la restauration d’un pH optimal.

Source : lombricomposteur.org


37

4 - Autonomie et autosuffisance La nature est régie par la notion de cycle, c’est-à-dire une suite de phénomènes qui se répètent de manière régulière, créant ainsi un mouvement infini. Le concept du cycle induit inéluctablement les notions de besoin et de dépendance. Chaque composant de la boucle génère un élément essentiel à un autre. L’activité est en constant mouvement. Si un composant est soumis à un manque, c’est l’ensemble du cycle qui est touché : c’est l’effet domino. La matière « dernière » est alors essentielle, elle devient indispensable à l’existence de chaque corps du cycle. Nous voyons émerger des projets concepts s’inspirant de ce principe, tels que le Microbial Home Concept de Philips présenté à la Dutch Design Week à Eindhoven en novembre 2011(1). Ce projet est un équipement pour usage domestique en cuisine. Il est composé de plusieurs pôles, dont un point central nommé le Bio-digester kitchen island. Cet îlot se compose d’un bac recevant les déchets organiques mélangés à l’eau et récupère le méthane produit par la fermentation pour alimenter des plaques de cuisson ainsi que des lampes. L’usage du feu de cuisson et d’éclairage dépend des ressources en gaz généré par l’accumulation des restes organiques. Ainsi est proposé un équipement autosuffisant en énergie, donc bénéfique à l’usager, mais qui dépend de l’implication de celui-ci. C’est l’usager qui contribue à sa propre autonomie énergétique.

(1) voir page-double suivante.


38

BIO-GA

Microbial Home Concept, Philips, 2011.


39

BIO-GAZ

ORGANIQUES

AZ

FERMENTATION


40


41

III/ CONNEXIONS ET MISE EN RÉSEAU 1 – Une boucle de flux Le cycle existe grâce à la mise en relation des flux de matière : nous parlons d’une boucle de flux. Il s’agit de faire des connexions entre les ressources dégagées et les besoins. Nous avons vu qu’avec le Microbial Home Concept de Philips, le bio-gaz dégagé par la fermentation de la matière organique est associé aux fonctions de cuisson et d’éclairage. Nous retrouvons le même processus auto-suffisant à plus grande échelle avec le Parc éco-industriel de Kalundborg situé au Danemark. Plusieurs entreprises se sont regroupées dans ce parc et y échangent leurs matières dernières. Les restes de l’un deviennent les ressources de l’autre. Chaque entreprise dépend de l’activité qui lui fournit sa matière première, ainsi un processus cyclique permet l’autonomie de chacune, pour des bénéfices environnementaux, économiques, locaux et sociaux. Cette organisation est le résultat d’une mise en relation logique des flux. Le développement de ce principe à grande échelle a des conséquences considérable sur l’impact environnemental ainsi que sur l’économie des industriels. (1)

(1) Économie de : 3 millions de m3 d’eau par an économisés; 20 000 tonnes de mazout par an, soit une tonne par an et par habitant; 200 000 tonnes de gypse


42

Nous retrouvons le schéma de la matière organique qui est soit utilisée comme fertilisant dans les fermes soit conduite dans l’usine de traitement des déchets et génère du bio-gaz. Une réelle symbiose a été mise en place autour de la ville de Kalundborg. Ces échanges entre partenaires se sont installés progressivement dans la région à partir des années 1970, essentiellement pour des raisons économiques au départ. C’est en 1989 que la symbiose est véritablement apparue comme un facteur fondamental de ce complexe industriel. (1) Cette démarche de mise en relation des flux est issue au départ d’une volonté d’économie et de bon sens. La centrale électrique générait du gypse dont elle devait se débarrasser en payant pour le mettre en décharge, et juste à côté l’entreprise Gyproc payait pour importer d’Espagne cette même matière première. Cette situation est fréquente dans le système industriel d’aujourd’hui, c’est « une série de flux parallèles qui s’ignorent entre eux ». Le principe dit «en cascade», de la valorisation des ressources, est théorisé par les scientifiques américains Robert Frosch et Nicholas E. Gallopoulos dans un article d’un magazine scientifique datant de 1989. Ils expliquent la démarche ainsi : « Dans un tel système, la consommation de matière et d’énergie est optimisée, et les effluents d’un processus servent de matière première à d’autres processus. » C’est le principe du berceau au berceau, de la matière qui finalement n’acquière pas le statut de déchet mais reste dans la boucle en y étant constamment présente et utile.

(1) Voir schéma page 44-45 + explication page 46-47.


43

« Why would not our industrial system behave like an ecosystem, where the wastes of a species may be resource to another species ? Why would not the outputs of an industry be the inputs of another, thus reducing use of raw materials, pollution, and saving on waste treatment ? »

R. Frosch et N. Gallopoulos

« Pourquoi notre système industriel ne pourrait pas se comporter comme un écosystème, où les déchets d’une espèce deviennent les ressources d’une autre ? Pourquoi les rejets d’une industrie ne pourraient être les ressources d’une autre, réduisant ainsi l’utilisation des matières premières, la pollution et l’énergie nécessaire pour le traitement des déchets ? »

2 – Les réseaux urbains, la connexion par les usagers


44

eau

Fermes

biomasse

la tis

novo nordisk

vapeur

cendre

cent élect asn

eau usée

bioteknisk jordrens

cimenterie

boues

la symbiose industrielle de kalundborg Explication détaillée page suivante.

vill kaund


45

ac sso

eau

vapeur

le de dborg

raffinerie statoil

eau usĂŠe gaz

souffre

gaz

trale trique naes

Engrais

gypse

gyproc chaleur rĂŠsiduelle

aquaculture


46

la symbiose industrielle de kalundborg

« Ce schéma offre un aperçu des synergies existant entre les principaux partenaires de la symbiose industrielle de Kalundborg. On voit en particulier grâce aux flèches bleues indiquant des flux d’eau, qu’il existe une importante cascade de valorisation de l’eau à Kalundborg. En effet, la même eau à des températures différentes peut être utilisée comme eau de refroidissement ou, à l’inverse, comme eau de réchauffement ou eau de rinçage par différentes entreprises. On remarque deux flux rouges quittant la centrale électrique. Le premier concerne la chaleur résiduelle sous forme de valeur qui permet de chauffer la quasi-totalité des ménages de Kalundborg, via le réseau de chauffage à distance de la municipalité. Le second permet de faire prospérer une ferme d’aquaculture au pied de la centrale. La flèche verte désigne le flux de gypse qui va de la centrale électrique vers Gyproc. On voit également deux flux de gaz de raffinage provenant de Statoil, l’un pour le séchage du gypse chez Gyproc, l’autre comme complément d’énergie pour la centrale électrique. Dans les deux cas, ce gaz de raffinerie est offert à un prix très avantageux à Gyproc et à Asnaes, puisqu’il s’agit normalement d’un déchet pour les raffineries souvent brûlé sans valorisation, tout en représentant une source de revenu complémentaire pour Statoil.

SOURCE : UVED (Université Virtuelle Environnement et Développement durable)


47

On observe également un flux de biomasse issu de Novo Nordisk ; il s’agit essentiellement de levure morte, environ 200 tonnes par jour. Cette biomasse non contaminée est donnée gratuitement aux agriculteurs de la région qui l’utilise comme fertilisant en lieu et place d’engrais chimique. Cela évite à Novo Nordisk de devoir incinérer cette biomasse à grands frais. Quant aux boues de la station d’épuration municipale, elles sont traitées par une entreprise spécialisée en biotechnologie, ce qui permet de réutiliser les résidus dans diverses applications (construction, agriculture). On voit également que les cendres de la centrale électrique sont valorisées en cimenterie et que le soufre issu de la raffinerie est valorisé sous forme d’acide sulfurique pour la fabrication d’engrais. » C. Francis, d’après J. Christensen, 1999


48

La démonstration d’un parc éco-industriel tel que Kalundborg inscrit ce principe dans le concret et prouve qu’il est possible de l’inscrire dans la réalité même à grande échelle. Nous avons vu que la connexion entre les différents usages industriels s’est opérée de manière presque naturelle, normale, et qu’elle est aujourd’hui complètement intégrée dans le processus de transformation. La logique voudrait qu’aujourd’hui ce principe soit étendu à la vie en général, que cette démarche de valorisation de la matière et de bénéfice global s’inscrive dans les usages de la société, à l’échelle du collectif et de l’individu. Il convient alors d’analyser les flux quotidiens dégagés usuellement pour les intégrer dans une boucle. Les designers Laurent Lebot et Victor Massip, de l’agence de design nantaise Faltazi, ont questionné nos relations aux ressources locales et leur implantation sur le territoire avec le « projet système » Les Ékovores. À travers la mise en place d’un nouveau système de vie urbaine et périurbaine, ils abordent la question de l’économie circulaire urbaine et de la production alimentaire locale, biologique et de saison. L’objectif étant de « créer une dynamique qui génèrera l’expansion d’une nouvelle complicité entre agriculteurs et mangeurs locaux ».(1) Le projet consiste en la création d’équipements pour chaque étape de production locale de ressources liées à l’alimentation. La création de quartiers fermiers avec des systèmes préfabriqués de fermes d’urgence favorise la production dite « en ceinture verte ». Le projet-concept est conçu de manière à toucher différentes échelles, de l’échelle collective à l’échelle individuelle. Des dispositifs « urbagricoles » sont installés dans les espaces publics, comme des légumeries et des conserveries de quartier, des composteurs de quartier, des poulaillers urbains, des (1) http://www.lesekovores.com


49

toilettes sèches publiques. Des équipements sont pensés selon la topographie du lieu pour la production, comme les jardins familiaux flottants, ou pour la distribution des productions avec les bateaux-marché. (2)

les ékovores, l’intra-connection

Chacun contribue de manière collective à la mise en place du (2) Voir page 52 à 55.


50

les toilettes sèches publiques

les composteurs de quartier


51

les bateaux-marchĂŠ

les jardins familiaux flottants


52

les poulaillers urbains


53

les lĂŠgumeries

les conserveries de quartier


54

cycle, le but étant de créer une symbiose urbaine entre les matières organiques résiduelles et la production de denrées alimentaires. Ces initiatives ont pour objectif de remodeler le réseau urbain, pour installer de façon pérenne une logique d’échange. En observant, en analysant les flux d’un territoire, une mise en réseau peut s’installer progressivement. Cela nous amène à penser de nouveaux scénarios de vie en lien avec les flux de ressources. Dans ce type de démarche, l’individu passe du statut d’usager à celui de contributeur. Il contribue au bon fonctionnement du cycle, il est à la fois « donneur » et « receveur ». Sans lui, le dispositif n’a pas lieu d’être. Il est fait par lui et pour lui. Les questions à se poser pendant l’élaboration d’un nouveau modèle de vie sont celles de l’ancrage dans le quotidien : ce modèle peut-il être généralisé ? Quel est son potentiel de développement et d’extension ? C’est pour cela que le projet doit se penser de manière à ce que les contributeurs saisissent réellement les bienfaits et les avantages que cela engendre sur leur quotidien. 3 – La « transparence » dans la consommation Afin de sensibiliser la société à la valorisation des ressources, le mieux est sans doute d’adopter un langage « transparent », dans le sens où l’information doit être parfaitement accessible. La faille du système existant, c’est qu’il ne nous permet pas clairement de nous rendre compte de l’impact de nos usages, de la consommation que nous faisons des ressources. Nous l’avons vu, après usage, la matière est immédiatement dissimulée.


55

Comment peut-on prendre conscience de la matière consommée si celle-ci disparaît ? C’est en cela que dans un premier temps, il convient de se questionner sur la manière de sensibiliser l’individu sur la quantité de matière utilisée lors d’un usage, non dans un but de culpabilisation mais bien d’information. Étant donné que dans le principe du cycle, chaque matière dernière est une matière première, la lecture quantitative des ressources utilisées est une information utile. Afin que le nouvel usage lié à la consommation des ressources soit accepté et s’installe de façon pérenne dans le quotidien de la population, il doit paraître évident aux yeux des individus. Nous parlons d’« affordance » (terme inventé par le psychologue James J. Gibson en 1977) qui signifie que la forme parle d’elle-même, qu’elle induit la fonction. L’affordance, c’est la capacité qu’a un objet à suggérer sa fonction. Comme l’a dit Henry Dreyfuss(1) : « Si le point de contact entre le produit et l’utilisateur devient un point de friction, c’est que le designer industriel a manqué son but. »(2) La forme de l’ampoule induit la fonction d’éclairer, une chaise la fonction de s’asseoir. Il y a dans ce terme d’« affordance » un lien avec l’archétype, avec la mémoire collective et la représentation commune des choses. Évidemment, cette capacité à comprendre spontanément un objet est directement liée à une culture, à une société. Une forme ne suggérera peut-être pas la même fonction en Europe et en Asie, par exemple. Nous pouvons aussi simplement expliquer ce principe par le terme d’ « ergonomie visuelle ». Nous parlons d’ergonomie en ce qui concerne le corps, plus précisément d’anthropométrie, mais aussi d’ergonomie visuelle, ce qui signifie que l’objet doit être visuellement lisible, compréhensible. Cela induit une utilisation (1) Henry Dreyfuss (1904 - 1972), designer, ergonome et co-fondateur du mouvement Streamline aux États-Unis dans les années 1930. (2) Design pour un monde réel, V.Papanek, 1970, p 53 .


56

intuitive, qui se fait naturellement, voire inconsciemment, et permet ainsi de créer des gestes simples qui vont se répéter et devenir intimement liés au quotidien. L’interrupteur Switch des Radi designer illustre parfaitement cette idée. Le principe est que le fil doit être « cassé » pour éteindre la lumière. L’objet est affordant car son usage paraît évident. La position rompue « empêche » l’électricité de passer, la position continue laisse le flux d’énergie éclairer la lampe. Il y a dans l’usage de cet objet une gestuelle qui fait sens, et qui s’intègre immédiatement dans une logique d’utilisation. Cette notion d’affordance prend en compte les caractéristiques des usagers, leur capacité physique, car il y a dans le fait de rendre un objet spontanément lisible une volonté de le rendre simple à utiliser et ainsi de toucher une majorité.

4 – Le territoire d’exploration du projet

Interrupteur Switch, Radi Designer, Osaka, 1995.


57

4 – Le territoire d’exploration du projet Problématique L’ensemble de cette réflexion nous amène maintenant à considérer la question suivante : comment ancrer le cycle et le bénéfice dans les usages de la société et ainsi effacer la notion de déchet ? Contexte et positionnement La mise en place d’un cycle induit l’autonomie des usagers, et donc le moyen de vivre avec un standard de vie défini. C’est en cela que la question du logement est importante à traiter. Il convient de donner la possibilité à chacun d’user des ressources nécessaires à une bonne qualité de vie. Les usages tels que se chauffer, se laver, doivent par le biais de ce questionnement s’inscrire dans une logique d’accès. Le contexte collectif est un « support » de diffusion et d’acceptation. Un usage reproduit et répété par un groupe a plus d’impact et de portée. Ma démarche de projet s’inscrit sur le territoire du Campus de La Doua situé à Villeurbane , au nord de Lyon. Le site a une superficie de 100 hectares et plus de 26 000 personnes y circulent tous les jours. Les flux de personnes, d’énergie, de ressources sont plus qu’abondants sur ce lieu ; nous pouvons parler d’une « micro-ville ». Cible Près de 4 200 étudiants sont logés dans les 12 résidences du site de La Doua. D’après une étude de l’INSEE, en moyenne, sur 2,1 millions de jeunes qui suivent des études dans le supérieur, 19,2 % d’entre eux cumulent emploi et études(1). Pour beaucoup, c’est le moyen de pouvoir assumer ses études et son logement.

(1) Étude INSEE 2004-2006.


58

Malgré des aides comme les bourses nationales, l’étudiant est une cible connue pour être régulièrement en difficulté financière. C’est pour cela que ma démarche de cycle et de bénéfices s’inscrit dans le contexte des résidences étudiantes du campus de La Doua, avec comme cible les étudiants et leur besoin d’autonomie et d’autosuffisance. Cette démarche est un moyen d’amener une certaine égalité et de favoriser l’accès à l’éducation supérieure.

arrêt tram station vélo’v accueil

/ gardiens

bureau des étudiants bibliothèques universitaires culturel

/ science de l’information U / cafeteria

restaurant

infrastructure sportive centrale thermique

RÉSIDENCES ÉTUDIANTES MAISON INDIVIDUELLE


59

campus de

la doua ÉTAT DES LIEUX

département physique département mathématique cnrs département génie industriel

département informatique département science de la terre département chimie et biochimie espace vert

département télécommunication, services et usages


60


61

CONCLUSION La notion de déchet installée depuis les premiers regroupements de population est aujourd’hui remise en question. Le principe de la matière qui devient inutile après l’usage est obsolète et ne convient plus au rythme de vie imposé par les activités humaines. Il est question maintenant de revoir notre rapport aux ressources pour établir de nouveaux scénarios de vie, plus cohérents avec les principes fondamentaux observés dans l’écosystème. L’objectif du designer est alors d’inciter à de nouveaux réflexes quotidiens, en valorisant les réels apports bénéfiques que cela engendre sur les individus, sur la société, sur l’environnement et ainsi sur le confort de vie des générations à venir. La recherche de la symbiose est une démarche visant à soulager l’usager des contraintes actuelles d’accès aux besoins essentiels. Le but est d’amener l’usager à devenir contributeur de son propre confort, en proposant des dispositifs simples, qui s’intégreront progressivement dans la réalité. Ce projet est une prémisse d’extension à l’ensemble de la société, il est générateur de schémas pouvant être reproduits et étendus. Ainsi, en positionnant le projet dans l’éducation, en amenant les jeunes générations à adopter de nouveaux automatismes et à apprécier leurs bénéfices, la popularisation de la symbiose urbaine acquerra une réelle légitimité.


62


63

ressources bibliographie • Jean Baudrillard, La société de consommation, Édition Gallimard, 1996 (première édition1970). • Michael Braungart et William McDonough, Cradle to Cradle : Créer et recycler à l’infini, Édition Alternatives, 2011 (première édition 2003). • Pierre Damien Huyghe, Faire place, Éditions Mix, 2009. • Thierry Kazazian (sous la direction de) Il y aura l’âge des choses légères, Éditions Victoires, 2003. • Victor PAPANEK, Design pour un monde réel, Éditions Mercure de France, 1974. • Bernard Stiegler, Le Design de nos existences : à l’époque de l’innovations ascendante, Éditions Mille et une nuits, 2008. • John Thackara, In the bubble, de la complexité au design durable, IRDD Cité du Design, 2008.

site www.ademe.fr/ www.insee.fr/ www.uved.fr/ www.lombricomposteur.org/ www.lesekovores.com/

reportage • Prêt à jeter, obsolescence programmée, documentaire Arte, 2011, 75 minutes.





Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.