L'inutile dans l'art, La Cloaca de Wim Delvoye

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L’inutile dans l’art

A C A CLO lvoye Wim de

Audrey Bertacchini 2011 - 2012


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L’inutile dans l’art

A C A CLO lvoye Wim de

Audrey Bertacchini 2011 - 2012


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Sommaire Wim delvoye ......................................................... 5 Anal(yse) personnelle ................................... 11 la critique de l’art intellectuel et ellitiste ................12 le rapport entre la valeur de l’art et son contexte........14 la societe capitaliste, societe "boulimique" ..................16 la matiere universelle ................................................20 l’art vivant ..............................................................22 anal(yse) approfondie .......................................27 la belgitude ..............................................................28 le jeu ......................................................................32 la production .............................................................40 ANNEXE ...................................................................57 interview avec thierry prat .........................................58 bibliographie ......................................................69

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Wim delvoye Wim Delvoye est un artiste plasticien Belge né à Wervik en 1965. Il a fait l’école des Beaux Arts de Gand, en Belgique. En 1991 il fait sa première exposition à la galerie Sonnaben à New York. Il est connu dans le monde de l’art pour son sens de l’humour très particulier et sa maîtrise des techniques artistiques les plus diverses : sculpture sur bois, vitraux, imageries diverses, photographies. Dans ses oeuvres Wim Delvoye s’est directement confronté au corps, à ses déjections, aux viscères, au squelette, au sexe et à la mort. Il est surtout célèbre pour Cloaca. C’est un «artiste-entrepreneur», et il gère son oeuvre comme une véritable entreprise. Dans son travail il confronte l’histoire de l’art, la tradition artisanale flamande et l’industrie de manière souvent extravagante, voire provocante. Il perturbe par la dérision et l’insolence qu’il prend plaisir à utiliser dans l’élaboration de ses oeuvres. Wim Delvoye s’empare des codes visuels populaires ou des objets de masse pour questionner les clichés. Exposée au musée d’Art contemporain de Lyon en 2003, au MAMCO de Genève en 2005 ou au Kaohslung Museum of Fine Arts de Kaojslung à Taïwan, son oeuvre se moque des codes de la société libérale et mêle l’obscène et l’impur aux notions d’hygiène et de religion.

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"L’inutilitÉeé est la seule raison de son existence" Wim Delvoye

Parmi les multiples oeuvres qui ont alimenté mon inventaire, j’ai choisi la fameuse machine à caca de l’artiste Belge Wim Delvoye : Cloaca. La citation ci-dessus m’a évidemment convaincue dans le fait d’analyser de façon approfondie cette oeuvre, étant donné que la seule raison de son existence est exactement la notion qui m’a conduite à faire cet écrit : l’inutilité.

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Première version de Cloaca 2000 11


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Anal(yse) personnelle Avant tous il convient d’expliquer ce qu’est cette fameuse machine à caca. Cloaca est une installation de l’artiste Belge Wim Delvoye réalisée en 2000. Elle est la première d’une série de huit. L’artiste a consacré sept années à la mise au point de cette impressionnante machine à faire de la merde. Elle reproduit précisément le processus de transformation de la nourriture, à la manière d’un tube digestif humain. Cloaca est une machine de douze mètres de long, deux mètres huit de large et deux mètres de haut, et reproduit précisément toute les étapes menant à la défécation d’aliments. Elle est composée de six cloches en verre, qui, à l’aide de réactions bio-chimiques complexes, constituent chacune une phase de la digestion. Les cloches sont reliées entre elles par une série de tubes, tuyaux et pompes. Tel un être humain et pour le bon déroulement de la digestion de Cloaca, la machine est maintenue à 37,2°C, la température du corps humain. Cloaca est contrôlée par ordinateur, elle est nourrit deux fois par jours, pour donner après vingt sept heures de digestion en moyenne, de beaux et banals étrons. Une grande quantité de ressources, énergétiques et alimentaires, sont délivrées pour cette machine, pour finalement produire ce que chacun peut faire au quotidien, de la merde. La démarche paraît étrange en effet, je vais dans la suite m’interroger sur les éventuelles raisons de la réalisation de Cloaca. 13


LA CRITIQUE DE L’ART INTELLECTUEL ET ELLITISTE L’art est une discipline qui a pris en complexité dès le XXème siècle, avec les premières contestations de l’art officiel et académique et la libération des codes. Longtemps considéré comme un moyen de représentation réservé aux grandes scènes historiques et aux puissants personnages, l’art devient au fil du temps un moyen d’expression à part entière et tend vers un éclectisme et une diversité surprenante. Ce qui caractérise particulièrement l’oeuvre de Wim Delvoye c’est son caractère purement et simplement inutile. Nous pouvons penser que c’est un moyen de la part de l’artiste de représenter et décrire globalement la discipline de l’art et ce qu’elle est devenue, c’est-à-dire une énorme machine, coûteuse et imposante, servant à produire quelque chose de totalement inutile mais qui se vend et s’achète. Dans un musée d’art contemporain, il est courant d’entendre des réflexions de la part des visiteurs telles que « Un gamin de quatre ans aurait pu le faire ». L’art est une discipline difficile à saisir pour qui n’y est pas sensible, ou non initié. En effet, vous dites à une personne complètement vierge de culture artistique que vous venez d’acquérir l’étron d’une machine à merde, soit vous passez pour un fou, soit pour un scatophile! Cette 14


immense machine à faire des excréments peut en effet être le reflet de l’art aujourd’hui. Ou en tout cas le reflet de la perception qu’une grande majorité peut a de l’art, dans le sens où nous avons besoin de mettre une fonctionnalité, une raison, derrière tout acte humain. La volonté de l’artiste était donc peut- être d’avoir un regard critique face à l’art et l’évolution que cette discipline a subi depuis le début du XXème siècle, mais aussi de dénoncer le statut que l’art peut prendre, selon ce que l’on en fait et ce que l’on en dit. Je pense que Wim Delvoye dénonce le fait que le nom de l’artiste, et sa renommée, peut acquérir plus de valeur que les qualités de l’œuvre elle même. Le marché de l’art devient un support de flux. Certaines œuvres sont achetées pour la renommée de leur créateur, et de quelques manières que ce soit leur acquéreur en tirera un certain profit. Que ce soit un profit financier en la remettant dans le marché de l’art après que sa côte soi montée, ou que ce soit un profit psychologique, où l’œuvre d’art est un objet de «monstration», reflet du caractère intellectuel et cultivé que le possesseur souhaite renvoyer de lui-même. Le fait que Wim Delvoye poursuive son installation en proposant d’acquérir une petite partie de cette grande œuvre, démontre une certaine absurdité dans la discipline. Le statut d’oeuvre d’art change la perception que l’on a du commun. Enlevez à cette merde le statut d’oeuvre d’art et la réalité refait surface! Les acquéreurs achètent les excréments produits par Cloaca car c’est une œuvre d’art de l’artiste Wim Delvoye qui est exposé dans des musées du monde entier. Cependant vous leur proposez, vous humble mortel, d’acheter un excrément provenant d’un illustre inconnu, bien sûr qu’ils refuseront. Le statut d’art est primordial. Il faut un nom, il faut un contexte, il faut une démarche et une pensée artistique. Un excrément en soi est accessible par tous quotidiennement. Mais les pièces que délivre Cloaca, qui sont ensachetées sous vide puis vendu en tant que continuité de l’œuvre d’art, ne sont pas à la portée de tous. L’art devient un investissement, une œuvre est alors perçue en monnaie, en argent, en somme, quand elle est exposée chez des particuliers. On peut même parler de la valeur de son créateur, la valeur de ses gestes. Ce n’est pas l’œuvre en soi le plus important, mais toute la sphère virtuelle qui l’englobe et qui lui donne son statut d’œuvre d’art.

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LE RAPPORT ENTRE LA VALEUR DE L’ART ET SON CONTEXTE Wim Delvoye change le statut de l’art, et justement rompre avec cette inaccessibilité intellectuelle et financière. Il a choisi un moyen de reconnaissance qui est celui de l’argent. Il travaille avec ses avocats et ses conseillers financiers sur la cotation en bourse de Cloaca. L’œuvre est alors véritablement considérée comme une petite entreprise. Ainsi il souhaite que l’art acquière une valeur dans la société, dans la rue, ailleurs que dans le musée, et c’est pourquoi il l’associe aux flux de l’argent. Ce sont les gens qui investisse dans le « business Cloaca » qui font fructifier l’entreprise et qui dans le même temps amène une réelle valeur à l’œuvre d’art. D’une certaine façon en agissant ainsi l’artiste fait basculer l’art dans la réalité, il lui confère un aspect « lisible» par tous. Cependant le fait d’associer la merde et l’argent est aussi une manière de dire que nous faisons beaucoup d’effort pour rien. La transformation de la nourriture en excrément est un travail de longue haleine, qui demande de l’énergie et de la patience, pour finalement nous permettre de recommencer le processus indéfiniment. C’est un cycle, il n’y a pas 16


de finalité. En comparaison avec l’argent c’est donc un cercle vicieux, il n’y a pas de plafond, il n’y en a jamais trop. C’est donc peut-être aussi le moyen de nous montrer que rien ne sert de s’acharner, de courir après la fortune, car cela n’a finalement pas de sens.

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LA SOCIÉeTeÉ CAPITALISTE, SOCIÉeTeÉ « "BOULIMIQUE" » Plusieurs facteurs me font penser que Cloaca est une sorte d’allégorie de la société Occidentale et plus particulièrement du Capitalisme. Cette immense machine est le reflet d’un contexte économique basé sur l’abondance, la profusion et la surproduction, amenant a un gaspillage démesuré. Je perçois cette œuvre comme l’incarnation du « monstre Capitaliste » qui a sans cesse besoin de ressources pour ne jamais s’arrêter. Des efforts financiers et humains sont mis en place autour de ce monstre pour une finalité totalement inutile, une perte totale en tout point. Cela reflète l’absurdité du contexte sociétal, consistant à nourrir un système qui n’est jamais rassasié, pour finalement arriver à une finalité plus que médiocre. Dans cette idée, le procédé de Cloaca possède un escalier en métal qui mène à une petite plate forme qui permet d’atteindre « la bouche» de la machine et donc de la nourrir. Cette bouche se présente sous la forme d’un saladier troué en son fond. En comparaison à l’immensité de l’installation, l’endroit où les aliments sont ingurgités est minime. De même pour le bout du circuit, où les étrons sortent par extrusion d’un simple tuyau. Cela met en évidence le laborieux processus de 18


transformation, et caractérise ainsi la complexité des activités humaines. L’ironie de ce processus, c’est que l’homme met en œuvre beaucoup de moyen autour de cette machine pour finalement obtenir quelque chose de simple et que tout le monde peut faire. C’est peut-être aussi une manière de nous dire « simplifiez-vous la vie ! ». Nous pouvons aussi parler du logo que l’artiste a dessiné pour cette entreprise, qui est un mélange entre le logo de la marque Coca-Cola et Ford. Deux grandes marques connues et consommées mondialement. Est-ce une manière de la part de Wim Delvoye de dénoncer en particulier certaines pratiques de ces entreprises, ou plus globalement de viser les grandes marques de la consommation? C’est la société de consommation et tous ses acteurs qui sont ici remis en cause et largement critiqués. De façon plus individuelle, cette machine peut tout aussi bien être le reflet de chacun, et faire le lien avec notre appétit insatiable de consommation et nos perpétuels désirs insatisfaits. L’Homme est peut-être ici comparé à une machine, qui reproduit sans cesse le même mécanisme, pour finalement recommencer le processus indéfiniment. Mais finalement, la mise en forme d’une énorme machine à merde n’est-elle pas une manière de ramener une part d’humanité dans ce gigantesque dispositif qu’est devenue la société ?

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LA MATIÈeRE UNIVERSELLE Wim Delvoye s’est approprié une des seules conditions qui lie absolument tous les êtres humains, du président de la République au boulanger du coin, celle de déféquer. Il traite de la dimension organique de l’Homme, de sa condition animale. Le caca est selon lui « le meilleur garant de l’égalité ». Il y a dans ce discours une part d’humilité dans le sens où cela nous remet à notre place, à notre statut d’être vivant éphémère et impuissant face à la Nature. Car le fait de déféquer est étroitement lié à celui de vivre, tous simplement. Encore une fois cela peut dénoncer aussi la stupidité des Hommes à établir des différences entre plusieurs êtres humains selon certains codes superficiels. Wim Delvoye traverse le visible et nous donne à voir ce qui naturellement nous est inaccessible, le travail de nos entrailles. Ce qui est étrange avec Cloaca, et plus globalement avec l’usage de la merde dans son oeuvre, c’est que malgré le caractère répulsif de la matière, nous, spectateurs, accordons une attention toute particulière à ce qui nous est montré. L’aspect scientifique et sérieux de la mise en scène de ce phénomène le déplace de son scénario habituel, et nous amène a considéré différemment la matière fécale. 22


Pour l’anecdote, vous pouvez voir sur des vidéos amateurs prises dans un musée que certains visiteurs n’hésite pas à toucher et sentir les fameux étrons sortant de la filière. Malgré l’aspect similaire des produits provenant de cette intestin géant avec ceux sortant de nos propres intestins, le détournement d’univers, du domestique à celui de l’art, retourne partiellement la réaction habituellement connue vis à vis de la matière fécale. Cela éveille une certaine curiosité envers nos propres capacités naturelles, tous simplement car cela est fait par une machine, par une «force extérieure».

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L’ART VIVANT En effet, l’homme éprouve souvent une fascination pour la vie en générale, mais plus particulièrement quand elle est imitée. L’élaboration de cette machine est aussi pour Wim Delvoye une façon de se moquer des contemporains et de leur fascination pour la machine, pour la technologie, pour tous ce qui se détache finalement de l’humain. Il a donc associé de manière absurde les caractéristiques de la machine avec celle des humains. Les témoins de ce spectacle, qui est de nourrir une énorme machine qui digère, éprouvent en quelques sortes un émerveillement, une curiosité envers ce gigantesque mécanisme qui reproduit en fin de compte quelque chose de banal pour un être vivant. Mais justement toute la bizarrerie est là, c’est une machine, un être non-vivant, qui produit ce que le vivant fait naturellement. C’est surtout le fait de voir un ensemble d’éléments neutres, sans vie, articulés entre eux pour produire finalement une action «vivante», qui est fascinant. Le spectateur assiste à un phénomène vivant réalisé par une machine. 24


C’est un grand paradoxe. L’Homme accepte de voir ce phénomène, et d’en éprouver un certain intérêt, à condition que la démonstration ne soit pas réalisée par un vrai être vivant. Comme si la vie réelle était trop intime, trop familière, et qu’il avait besoin de s’en détacher pour pouvoir l’observer, l’analyser, et donc la comprendre.

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"J'ai d'abord eu l'idéee de faire une mach machine aà faire du caca. J'ai penseé aux T manger, àa cette fascination du deéb

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hine nulle, seule, avant de concevoir une Temps Modernes, aà Chaplin, àa sa machine aà ébut du XXe sieècle pour la machine." Wim Delvoye

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Anal(yse) approfondie Après de multiples recherches sur l’oeuvre de Wim Delvoye et sur l’artiste lui-même, je parviens maintenant à mieux saisir les différentes motivations qui font l’art si particulier de cet artiste. Il y a un point que je n’ai pas traité dans mon interprétation de Cloaca et qui me paraît maintenant crucial : Wim Delvoye est Belge.

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LA « "BELGITUDE" En effet je pense que nous pouvons réellement parler de la culture Belge. Le trivial, le décalé, l’humour, la dérision, sont des données qui sont comme intrinsèques à l’art Belge. Je peux évidemment citer en exemple l’œuvre du peintre Jérôme Bosch, Le Jardin des délices, qui est un triptyque peint entre 1503 et 1504. (voir double page ci-après) Le thème de la religion, avec la représentation de l’Eden avec Adam et Ève, du jardin des délices vu comme une extension de l’Eden et de l’Enfer, a clairement une dimension satirique. Nous y voyons une multitude de scènes étranges, bizarres, des animaux fantastiques, des architectures fantasmagoriques, etc. L’ensemble crée un sentiment de désordre, d’agitation, comme si le peintre avait voulu faire l’apologie du plaisir et de la débauche. Déjà ici l’ironie et la dérision étaient un moyen d’expression, un moyen de dénoncer un contexte, une institution, une société. De même nous pouvons citer Brueghel, Magritte, Jan Fabre, qui sont tous des artistes Belges qui ont une vraie dimension décalée dans leur travail. Wim Delvoye fait partie de ces artistes qui font de la dérision leur outil de communication. Cloaca en est l’exemple parfait. Plus que par le discours, l’artiste va illustrer son message par le visuel, par des images lisibles, par l’impact d’un fait réel. En agissant ainsi, l’artiste souhaite rendre compte d’une situation, d’un fait. Il se moque sans pour autant effectuer un parti pris. Il dit d’ailleurs dans une interview recueillit par Geneviève Breerette en 2005 : «Je suis belge, je suis flamand. Je n’ai rien à gagner à prendre part. Je n’ai pas d’opinion». 30


En créant Cloaca, Wim Delvoye montre le système, sans pour autant déclarer qu’il est contre, la démarche est ironique. L’humour et l’aspect absurdes de ses œuvres sont pour lui des outils qui font partie intégrante de sa culture, de sa personnalité. La culture Belge, contrairement à la culture Française, est ancrée de cet art visuel, plus que celui du discours. En France, l’essor tardif des musées d’arts contemporains (environ dans les années 80 avec le plan quinquennal du ministère de la culture sur le développement des arts visuels) fait qu’aujourd’hui nous avons besoin de mettre des mots derrière une image. Nous acceptons plus difficilement le fait qu’une image puisse exister pour elle-même, or Wim Delvoye le dit lui-même: « Je ne suis pas écrivain, je suis un artiste visuel ! ». Il parle aussi de son intérêt pour l’art américain pour son efficacité visuelle, le « You see what you see ». Il y a une volonté de travailler avec le concret, dans cette culture du visuel, du direct. Les artistes Belges sont imprégnés de cette vérité exagérée, qui dérange, d’un surréalisme troublant, cela fait véritablement partie de la culture Belge. Wim Delvoye joue avec la réalité, il s’approprie des codes, des signes, et fait des associations incongrues dans un souci permanent de vérité. En fusionnant des codes culturels, en adoptant un « langage du quotidien » Wim Delvoye apporte une lisibilité universelle, il a clairement la volonté d’investir la vie quotidienne, de s’y fondre. Quand il a commencé à dessiner Cloaca, en 1992, il faisait des mosaïques à décors d’étrons. Il voyait dans la merde le meilleur garant de l’égalité.

« Le caca, c’est très démocratique »

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Jérôme Bosch, Le Jardin des délices, 1503-1504

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LE JEU Dans l’idée d’art populaire, il y a l’idée d’attraction, voire de «parc d’attractions », car finalement le parc d’attractions est un lieu ou se rassemble réel et irréel, commun et étrange. Et c’est justement cette association qui fait de l’art de Wim Delvoye, un art populaire, un art proche de la réalité et qui nous perturbe et nous fascine. Je pense à l’exemple bien connu de la femme à barbe, qui a longtemps était un phénomène de foire. Si nous décortiquons ce « phénomène » nous y voyons simplement une femme d’une part, et une barbe de l’autre. Rien de plus commun me direz-vous. C’est justement l’idée d’associer « l’innassociable » qui crée la réaction, la curiosité et finalement l’attraction. Wim Delvoye a associé un acte inhérent à la vie avec la machine, c’est l’association incongrue qui suscite des réactions. Il joue avec les codes de notre propre réalité, il la déconstruit et la reconstruit de manière à perturber la perception que nous avons de cette réalité. Cette démarche me rappelle le travail de l’artiste australienne Patricia Piccinini, qui travaille depuis les années 1990 sur le rapports entre la nature, les sciences et les biotechnologies. Cette artiste créait des sculptures hyperréalistes de créatures qui mêle réalité et fiction. Ce qui est étrange et qui peut amener un mal à l’aise avec les oeuvres de Patricia Piccinini c’est cette illusion du vivant. Les scènes qu’elle créait autour de ces créatures mi-humaines mi-fantastiques sont 34


issues du quotidien, d’une réalité tranquille, quotidienne. Je pense particulièrement à l’oeuvre «The long Awaited» (2008), où l’on voit un enfant et une créature ,aux caractéristiques physiques d’un vieillard et d’une sorte de morse malformé, dormir paisiblement sur un banc. La scène est attendrissante et perturbante à la fois. Nous retrouvons vraiment dans son travail le paradoxe du beau et du laid, de l’attirant et du repoussant. Patricia Piccinini elle aussi à sa manière joue avec les codes du quotidien pour mieux le révéler. Ces artistes agissent comme des modeleurs de réalité.

patricia piccinini, The long Awaited, 2008

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patricia piccinini, The comforter, 2010

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patricia piccinini, Doubting Thomas, 2008

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Le critique d’art Jean-Pierre Criqui qualifie Wim Delvoye comme étant un joueur. Il dit que c’est quelqu’un qui a compris que le monde de l’art est un jeu, et que l’art doit se pratiquer comme un jeu. L’artiste l’a d’ailleurs dit lui-même dans un entretien quand il dit que « l’art n’est qu’un jeu avec des règles, où l’on ne peut gagner qu’en changeant ces règles. » Wim Delvoye s’amuse depuis une vingtaine d’années à changer ces règles, ces normes, ces coutumes, c’est un agitateur de réalité. Il rassemble les contraires, il fait de deux entités opposées une unité. Nous percevons parfaitement cette idée de confrontation du réel et de l’irréel, du beau et du laid, de l’attirant et du répugnant, mais aussi du commun et du rare, avec par exemple son projet Cement Truck (réalisé en 1990-91) qui est une bétonnière en acajou sculpté avec des motifs de feuilles d’acanthes Baroques, ou encore ses Bouteilles de gaz peintes. Avec Cloaca, Wim Delvoye a associé le vivant et la machine, le fonctionnel à l’inutile, le contrôlable à l’incontrôlable. La singularité de cette œuvre fait aujourd’hui la renommée de l’artiste Belge, qui fait partie des artistes les plus controversés du début du XXIème siècle. La force de ses objets c’est, comme il le dit lui-même, qu’elles ont la carte d’entrée dans le musée et dans la banlieue. Par ses interventions, ses objets ont une « crédibilité de la rue ». Les paradoxes amenés par Cloaca remettent justement ces notions de réalité et de vérité. Pour reprendre les mots du philosophe et scientifique allemand Gottfried Wilhelm Leibniz (16461716) : « Cette simulation est vraie ». En agissant ainsi, il souhaite retrouver la réalité, voir les choses telles qu’elles sont. Il souhaite agir au cœur du monde dans lequel nous vivons et ne plus confiner l’art au contexte du musée, en distance de la réalité. Wim Delvoye utilise des codes populaires pour justement effacer ce fossé qui fait que pour beaucoup l’art est un langage incompréhensible, et il se fait ainsi acteur de la société. C’est évidemment les raisons pour lesquelles il cherche à faire une « cotation » de l’art, le lien avec l’argent, avec la valeur marchande, est directement lié à la réalité du système économique de la société. L’exemple de son Action Doll, produite en 2007, convient parfaitement dans l’idée de s’approprier les codes de notre quotidien. Il vend des poupées à son effigie, avec sa petite veste noire, ses lunettes grises, 38


ainsi que son pistolet à tatouer qui renvois à son projet ArtFarm. Les figurines ne sont ni signées ni numérotées, elles sont accompagnées d’une version miniature de la Cloaca Quattro en plastique injecté, et tout ceci fabriqué en Chine. Rien de bien différent comparé aux classiques poupées vendues en magasins. Cette démarche montre clairement la volonté de l’artiste de s’inscrire dans un processus en cohérence totale avec le système sociétal. Il s’affranchit totalement de ce que l’on se fait habituellement de l’art classique, il adopte le langage de la vie comme nous l’a vivons au quotidien

Wim delvoye, Action Doll, 2007

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Delvoye vient perturber le monde de l’art en y amenant la vie. Cloaca engendre des contraintes intrinsèquement liées au vivant, qui sont celles d’être nourrie régulièrement et correctement, si l’on ne veux pas voir l’organisme dégénérer, ce qui entraînerait en quelque sortes «la mort» de l’oeuvre. Avec son projet ArtFarm, ses cochons tatoués transforment temporairement le musée en étable. Pour l’anecdote, le musée Het Domein à sittard aux Pays-Bas a été enregistré comme porcherie avec autorisation officielle et a reçu le numero UBN 2408356. Son travail vient perturber le fonctionnement même du musée, du lieux même où doit se situer l’art classiquement, en y imposant de troublantes contraintes. Il dit dans une interview : « Je copie les fonctions de l’humain, plutôt que la forme de l’humain ». Il y a dans le travail de Wim Delvoye cette volonté de rendre le corps « transparent ». Grâce à Cloaca nous pouvons clairement voir les différentes étapes de notre processus de digestion. Chaque bocal est transparent et nous révèle ce qui nous est habituellement invisible et inaccessible. Dans la même idée, je pense particulièrement à son projet X-Ray, débuté dans les années 2000, où l’on voit (par exemple) des radiographies de scènes pornographiques. L’artiste se questionne sur l’identité de l’humain, il se demande biologiquement parlant qui nous sommes, comme si il cherché à comprendre les mystères de la vie et de la procréation. Avec l’outil de la radiographie il rend le corps translucide, ce sont finalement les os qui sont visibles plus que l’enveloppe, la peau est « ignorée ». Nous retrouvons la même intention que Cloaca, celle de montrer l’égalité, l’universalité de l’humain. Avec les X-Rays le contraste homme/femme est effacé, le squelette ressort, il est similaire.

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Wim delvoye, X-RAYS, kiss, 2000

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la production Nous remarquons dans l’œuvre de Wim Delvoye, depuis les premières productions de pelles par exemple, cet investissement qu’il met dans la réalisation de ses projets. La réalisation du Cement Truck (voir page suivante) qui a demandé presque un an de travail à un village d’une cinquantaine de personnes en Polynésie, sept années de développement pour la réalisation de Cloaca, 200 000 dollars d’investissement, la construction d’une ferme en Chine pour élever des cochons,… Comme dit Thierry Prat, quand Wim a une idée, il la pousse, il va jusqu’au bout des choses, il ne se met pas de limite. N’importe quelle personne qui aurait eu l’idée de concevoir une machine à caca, aurait estimé l’ampleur du travail et aurait rapidement abandonné l’idée. La singularité de cet artiste, c’est qu’il se lance des défis, et se donne finalement les moyens de parvenir à ses fins. Il y a aussi dans son travail une forme de performance, dans le sens où personne n’a jamais réalisé ce genre d’exploit, car nous pouvons réellement parler d’exploit avec Cloaca, nous parlons même de machine « célibataire » car c’est une production unique et complètement novatrice dans le monde de l’art et même dans celui de l’industrie.

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Wim Delvoye a cet égo de l’artiste qui veut marquer les esprits, marquer l’histoire. Son travail s’adresse à tout le monde, pas à une seule et restreinte élite artistique. Nous pouvons d’ailleurs faire le rapprochement avec cet engouement qu’il a pour les signes et particulièrement les logos. Il s’approprie les logos de grandes marques comme Ford, Coca-cola, Chanel, pour finalement avoir une visibilité mondiale. Quand il tatoue ses cochons, il prend un temps particulier à signer son nom avec la même typographie que Walt Disney. « Si la signature ou le nom propre on tellement d’importance pour Wim Delvoye, c’est que très littéralement il s’agit avant tout pour lui de laisser un nom dans l’histoire de l’art. » dit le critique d’art JeanPierre Criqui. En prenant autant de temps à signer, en s’investissant de la sorte dans ses œuvres, Wim Delvoye nous prouve cette volonté de construction, cette envie de marquer les esprits, ce qui explique dans le même temps l’impressionnant investissement qu’il met dans la réalisation de ses oeuvres.

Wim delvoye, ArtFarm, Cendrillon, 2005 43


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Wim delvoye, Cement truck I , 1990-99 45


Wim Delvoye est un artiste pluridisciplinaire, il a le besoin de produire constamment, le besoin d’agir, il est toujours à la recherche du mieux, du plus, à la recherche d’une certaine perfection peut-être. Nous pouvons le voir avec son projet Marble floor réalisé en 1999, qui consiste à créer des mosaïques avec de la charcuterie. Sans évoquer le jeu malsain avec l’Islam clairement perceptible, comme dit Thierry Prat il aurait pu en faire une et puis s’arrêter. Mais non, il en fait dix, vingt, tous différents! Il est évidemment accompagné de ses assistants, ce qui lui permet de créer en abondance, de pousser l’idée jusqu’à une certaine satisfaction. En produisant ses œuvres, comme les Marble Floors, Ciment Truck, ou ses tours, il s’inspire d’un art classique, d’un savoir-faire, qu’il explore en profondeur, comme s’il cherché à maîtriser et à comprendre en tout point le style qu’il s’approprie. Il dit : «Pour moi faire une oeuvre d’art c’est maîtriser les choses, contrôler les choses, et Cloaca c’est l’ultime pour moi. » Plus concrètement il y a dans cette profusion d’oeuvres la simple volonté de faire tourner «l’Entreprise» de l’artiste pour continuer encore et toujours à créer, et à surprendre. Il y avait dans le projet Cloaca une difficulté extrême, voire une forme d’utopie ne serait ce que dans le fait de vouloir reproduire un acte biologique complexe. Dans cette volonté de contrôler, de comprendre comment cela fonctionne, comprendre le « don » comme il dit, nous pouvons y voir la volonté de se rapprocher d’une certaine « divinité ». Wim reproduit et restitue pour mieux comprendre, ce qui est en fin de compte une quête infinie. J’évoque le divin car il y a dans la vie quelque chose que l’on ne comprend pas, un « autre ». Wim Delvoye renvois souvent à des codes issus de la religion dans ce sens, où « L’art n’a pas plus de sens que la nature » disait l’artiste allemand Hans Arp.

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Wim delvoye, Marble Floor , 1999 47


WIM LE BUSINESSMAN L’extension de Cloaca avec la vente de ses étrons, la création d’une entreprise côté en bourse, toutes ses déclinaisons qui font que Cloaca est devenue un business démontre que Wim Delvoye ne se restreint pas à son statut d’artiste et l’idée que l’on s’en fait. Depuis quelques années, il est devenu un réel entrepreneur. Il ne vend pas sa production personnelle, ses créations, mais la production de ses entreprises. C’est le même principe avec son projet ArtFarm, une ferme en Chine où il élève des cochons pour les faire tatouer, puis vendre leur peau en tant qu’œuvres d’art. Nous retrouvons cette volonté qu’il a d’être un artiste qui ne soit pas confiné au monde de l’art, au musée, mais qui comme le dit J-P Criqui : « puisse pénétrer les couches les plus profondes de la société et finalement parler à ce que Dubuffet aurait nommé «l’homme du commun» ». Comme j’ai pu l’interpréter auparavant dans mon analyse personnelle, il y a derrière la démarche de création d’Entreprise et de mise en bourse, une volonté première de se confondre avec la réalité, bien sûr, mais aussi et tout simplement de se moquer, d’ironiser sur le système, sans toute fois émettre une opinion claire. Nous pouvons voir sur le site dédié à Cloaca que de multiples produits dérivés sont disponibles, on y trouve des tee-shirts Cloaca, du papier toilette estampillé Cloaca, et même une figurine de Wim Delvoye ! En créant ces différents supports « extra-œuvre » il ancre sa démarche dans le concret, dans une réalité commune à tous. Il a créé tout un univers autour de cette production en série d’étrons, à la manière d’un nouveau produit innovant sortis sur le marché, qui va révolutionner la vie des collectionneurs d’art. À l’image des téléshoppings, qui font d’un banal économe un outil de haute précision et d’une absolue nécessité au quotidien, des témoignages sont visibles par les visiteurs et potentiels acquéreurs des produits Cloaca. Ces témoignages de collectionneurs attestent que leur investissement dans une merde de Cloaca a réellement changé de manière positive leur vie au quotidien. « Leur sexualité est plus épanouie, ils ont plus confiance en eux, ils ont de meilleures relations avec leur entourage, et sont plus riches ! » Wim Delvoye en agissant ainsi ne fait qu’imiter, avec ironie, les systèmes de vente qui régissent notre société et l’influence qu’ils exercent sur les 48


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consommateurs. Les produits Cloaca sont annoncés comme étant des objets à devoir acquérir absolument ! Tous ses artifices mis en place autour de cette machine à caca, reprennent les codes de la consommation capitaliste, qui consistent à susciter le désir, à stimuler l’envie d’acquérir, de posséder CET objet, qui est ici une merde, et produit dérivée de celleci. Toute cette promotion autour des produits Cloaca amène ceux-ci à devenir des objets de désir et de spéculations pour les collectionneurs d’arts. À l’image d’un système capitaliste constamment dans le renouvellement, dans l’innovation, Wim Delvoye ne c’est pas limité à une seule machine, ce qui est en soi un projet de taille. Il en a réalisé huit, toutes différentes. Il explique ceci en prenant l’exemple de la voiture, où une autre version plus adaptée, améliorée, plus performante, etc, est disponible quelque temps après la sortie de l’ancien modèle. Il en est de même avec la plupart des objets issus d’un système capitaliste, basé sur la croissance et le profit. Wim Delvoye en proposant la Cloaca personnelle par exemple, se moque de ce système d’insatisfaction perpétuelle. Dans le même temps en proposant à des collectionneurs d’acquérir leur propre machine à caca, il engendre des contraintes, qui sont celles de la vie tout simplement, car la machine doit être nourrie régulièrement et convenablement, si l’acquéreur ne veut pas voir son investissement défaillir. Wim Delvoye en agissant ainsi se moque de l’autorité que peut avoir l’artiste, et il pousse le vice en créant une machine inutile et coûteuse. Wim Delvoye devient comme une marque, l’artiste s’amuse avec la frontière de l’art et de la réalité. Il joue avec le désir des collectionneurs fétichistes, mais aussi avec son image.

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Wim delvoye, Cloaca Personnelle , 2006 51


WIM LE « FERMIER » Depuis les années 2000 avec la première Cloaca, puis son projet Art Farm en 2007, Wim Delvoye souhaite laisser dans son œuvre une part de vie, une part de hasard et d’incontrôlable. Cloaca produit des merdes constamment différentes, plus ou moins dures, foncées, il est comme le « chef des travaux finis » qui vient inspecter la production. Et cette production, il en fait des œuvres d’art. Il souhaite que le collectionneur contribue à son art, avec la Cloaca personnelle, c’est le propriétaire qui choisit le type d’aliment pour «nourrir » sa machine, et en fin de compte l’aspect de ses sculptures finales. C’est le même principe avec sa ferme en Chine, les cochons sont tatoués jeunes, ils font alors une trentaine de kilos, puis ils vivent leur vie de cochons, paisiblement dans la ferme construite par Wim. Les cochons grandissent, grossissent, le tatouage devient de plus en plus grand au fur et à mesure que le cochon vieillit. C’est quand il approche les deux cents kilos que le cochons est finalement abattu et que la vie fait place à l’œuvre d’art. Comme l’artiste l’explique : « Il y a œuvre quand le cochon est mort. Avant cela, quand le cochon est en vie, il y a art, art vivant. » Le bien et service que fournissent ces entreprises, Cloaca et Art Farm, consistent en des œuvres d’art. Wim Delvoye intègre le processus de croissance dans l’art lui-même. Il dit d’ailleurs : « je ne produis pas, je récolte ». Quand un collectionneur achète une part de la ferme, une action, il contribue au processus de création de l’œuvre d’art final, il est acteur de l’œuvre.

« Je ne produis pas, je récolte. » Wim Delvoye

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Wim delvoye, Art Farm Yang Zhen , 2005 54


Wim delvoye, ArtFarm, Jean-Pierre , 2005 55


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UN ARTISTE DU RÉEL

Je pense que nous pouvons considérer Wim Delvoye comme un artiste de la réalité, dans la recherche constante d’une vérité, exprimé de façon «crue», qu’elle soit biologique, sociétale, humaine. Il est un acteur du monde réel et en ce sens rompt avec l’art classique du musée et de l’élite. Il utilise les outils de communication propre à l’humain, l’humour et la dérision en font partie, ainsi que notre système d’échange. Il inscrit une nouvelle valeur à l’art, il efface la distance que l’on retrouve constamment entre l’art et le monde réel. C’est justement parce qu’il n’est plus confiné au monde l’art, que les productions de cet artiste Belge bouleversent la vision inscrite dans la mémoire collective. Son art est vrai, il se déploie à l’aide d’une activité hors du champs artistique, mais au contraire en plein dans le système de notre propre réalité. « Il ne crée pas d’œuvre d’art, ni ne les vend. Il vend les produits de ses entreprises. » Et c’est en agissant ainsi que Wim Delvoye réinterroge le discipline de l’art, sa valeur, le statut de l’artiste, La société,… Il le fait en s’investissant dans ce qu’il y a de plus commun, la vie.

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annexe

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interview avec

thierry prat

Directeur de production du Musée d’Art Contemporain de Lyon & Commissaire d’exposition de l’exposition de Wim Delvoye en 2003.

6 janvier 2012 / Durée de l’interview : 50 minutes. • Bonjour, donc vous étiez en effet commissaire d’exposition de l’exposition de Wim Delvoye en 2003, vous connaissez l’artiste personnellement ? •Je le connais bien oui, depuis de nombreuses années. • Globalement que pouvais-vous me dire de cette exposition qu’il y a eu en 2003 ici au MAC ? • En gros c’était quasiment une rétrospective parce qu’il y avait des pièces très anciennes, il y avait les premières pelles, les premières bétonnières. Et puis on avait aussi bien sur développé tout un truc autour de Cloaca car c’est quand même l’acmé du travail de Wim. • Alors comment cette fameuse machine à caca a fait réagir les 60


visiteurs ? • Et bien c’est sur qu’à partir du moment où on fait une machine qui chie ça fait réagir, alors évidemment suivant les pays ça réagit différemment. Aux Etats-Unis elle avait été montré à New York, les américains se réunissaient tous à l’heure où elle allait chier et quand elle faisait sa bouse ils applaudissaient. • C’était considéré comme un vrai spectacle ! • Quand elle a été montrée en Allemagne, ça c’était moyennement passé car les Allemands trouvaient que c’était un scandale de donner à manger a une machine. C’est vraiment complètement lié à la culture du pays. • Et ici à Lyon ? • Chez nous rien, tout le monde trouvé ça normal une machine qui chie, en plus on l’a nourrit avec des chefs puisque l’on avait convoqué une vingtaine des plus grand chefs de Lyon. • Et ces chefs là comment ont-ils réagit par rapport à cette demande assez incongrue ? • Et bien ils étaient bien contents, ça a bien fonctionné la-dessus, on avait les Trois gros, Lebecque, et d’autre. Et sinon on lui donné le plat du jour du bistrot du musée tous les jours. • D’accord donc c’était presque comme une entité propre, comme un être vivant finalement, avec son besoin vital de nourriture journalière. • Oui tout à fait, c’est à ce moment là d’ailleurs que Wim était entrain de travailler sur deux choses, la Cloaca Turbo, une machine a qui on donné 300 kg de nourriture par jour et qui faisait 100 kg de merde, et les Cloacas personnelles, qui étaient à peu près du format d’une machine à laver. Et la première Cloaca lui a demandé quasiment l’investissement d’un million de dollars. Il a vendu un Duchamps et un Warhol pour pouvoir 61


financer Cloaca ! • Donc je suppose qu’il devait une grande motivation pour la conception de cette machine. • Oui, au moment où on a exposé il commençait à mettre les merdes de Cloaca en bourses. • Ah donc ça ne faisait pas partis d’une volonté première de l’artiste de faire de cette machine un vrai business ? • Après c’est là qu’il a commencé à les commercialiser, nous on les gardait, elles étaient mises sous vide. Donc c’était entrain de se mettre au point, mais c’était ça d’après Duchamps qui avait créé les actions de la roulette de Monte-Carlo. Et Wim il est comme ça, quand il a une idée il y va a fond. • Et comment lui est venu cette idée de machine à merde ? J’ai lu qu’il avait pu s’inspirer des Temps modernes de Chaplin avec la machine à faire manger. • Oui mais tous ça c’est venu après, il s’est réveillé un matin et il s’est dis « je vais faire une machine qui chie ! ». C’est aussi simple que ça, Wim est comme ça quand il a une idée il va jusqu’au bout. Ce qui est terrible car n’importe quelle artiste qui se réveille avec ce genre d’idée il y pense trois minutes puis il oublie, lui pas du tout quand il a une idée comme ça il va jusqu’au bout. • Et quels peuvent être les motifs de cette idée ? • Il est un peu scato. • C’est personnel, subjectif ? • Déjà le fait de vouloir faire une machine inutile c’est un peu étrange mais c’est surtout que les merdes finales il les considèrent comme des sculptures. • Donc l’utilisation de la matière est purement artistique. 62


• Oui bien sûr, il n’y a pas que de la provocation chez Wim Delvoye, il y a aussi de l’art. En faite il n’y a rien de scandaleux chez Wim Delvoye, il est Belge c’est tout. Regarde Brueghel, Bosch, Magritte,… • Ce sont des artistes en décalage

• Vraiment décalé oui, il y a une vraie culture belge, une culture un

peu triviale. C’est quasiment une donnée intrinsèque à l’art Belge.

• Est ce que cette culture du triviale il l’a aussi développé aux Beaux Arts de Gands ? Est ce que déjà pendant ces études dans ses productions, il manipulait la dérision l’humour de cette façon ? • L’humour, la dérision comme tu dis existe dans l’art belge. On le voit chez Ferdinand Knopf, chez Magritte, chez Brueghel. Quand il fait des motifs orientaux avec du salami, c’est de la dérision, bon c’est un jeu un peu malsain avec l’Islam, mais c’est son truc. • Est-ce que dans la mise en œuvre de cet appareil à digérer géant Wim n’a pas aussi la volonté de comprendre le phénomène de la vie ? Je pense aussi à ses radiographies de couple pendant l’acte sexuel, X-Ray. • Les X rays oui c’est typique, la première fois qu’il m’a parlé de ce projet je lui ai demandé comment il avait fait, est-ce qu’il avait trouvé des acteurs, il m’a répondu que non il avait demandé à son père, à sa mère, sa sœur, voilà ce genre de chose. Ce qui de notre point de vue est particulier, il n’y a que les belges qui peuvent faire ça ! C’est très Belge. • Est-ce que l’on peut parler d’absurde ? • Non je ne pense pas que l’on puisse parler d’absurde, Yann Fabre par exemple pense que tous les liquides corporelles sont importants. Le sang, le sperm, les larmes, la merde,… car sans tous ça il n’y a pas d’humains. • Il travaille sur la nature intrinsèque de l’humain finalement, c’est en 63


quelques sortes une manière de montrer une certaine vérité ? • Oui je pense peut-être, mais c’est nous qui concluons, il n’y a pas forcément de raison.Par exemple Wim Delvoye quand il fait ses marquetteries, ses faux marbres en charcuterie, il le fait par dérision au départ vis à vis de l’Islam, mais il pourrait en faire un et puis s’arrêter, et non il en fait 500 ! • Et pourquoi cette sur-production ? • Parce qu’il faut qu’il accumule, il faut qu’il fasse. Wim aujourd’hui il a sept ou huit assistants qu’il doit payer tous les mois. • Est-ce qu’il a aussi besoin d’en mettre plein les yeux dans le sens où il va faire quelque chose d’énorme ? • Oui je pense, Wim il a envie de séduire, alors séduire les femmes mais aussi le public bien sur. Les femmes sont très très importantes pour Wim. • Wim s’intéresse à l’acte de déféquer, un acte intrinsèquement lié au vivant et qui réunit l’ensemble du vivant, qui est universel, pourquoi cet acte en particulier, pourquoi la merde ? • Ce qui intéresse Wim surtout je pense que c’est qu’une matière dernière devienne une matière première. C’est ça qui est intéressant dans l’usage de la merde dans l’art c’est qu’une matière dernière, qui symbolise la fin d’un cycle, se retrouve finalement en première place par l’intermédiaire de l’art. Alors bien sur on peux y voir un jugement de valeur, surtout quand certains artiste utilise cette matière pour peindre, François Devaux (?) par exemple a peint des autoportraits de Rembrandt avec sa merde, et il l’assumait complètement il indiquait «merde sur papier ». Il y a vraiment rapport scatologique de l’artiste à la matière. L’acte de peindre avec sa merde est aussi associé à l’enfance, le fait de jouer avec la matière comme ça… mais en l’occurrence pour Wim c’est pas vraiment ça, il se fout de tous ce que l’on peut raconter lui il fait, il produit. Quand il a décidé par exemple de faire une série de mosaïques 64


avec des motifs-étrons, il a mis presque six mois à trouver la forme parfaite ! • Ah oui donc quand il a une idée il l’aboutit de manière très minutieuse et précise ! Il prend très au sérieux la réalisation de ses œuvres. • Oui, ce fameux étron il l’a fait dans un hôtel en Italie, tous les jours il chiait sur une feuille blanche, et il a fini par faire la forme « parfaite » à ces yeux et a appelé le plus grand photographe d’Italie qui est venue pour faire une photo de son étron. Quand il a une idée, elle ne le quitte plus. • Finalement son œuvre représente vraiment le personnage de Wim Delvoye, quelqu’un qui pousse les choses à fond. • Oui, c’est quelqu’un qui n’est pas du tout dans la fiction, au contraire il est dans la réalité permanente. • Cela explique le fait qu’il produise énormément, il a besoin de produire de façon intense? • C’est une machine à produire tout à fait, comme son atelier à Gand. • Le fait d’allier arts et «sur-production artistique» comme ça n’engendre t-il pas un aspect négatifs, qui rappel la production de masse des industries ? • Absolument pas, ça revient complètement à ce qu’était la Factory de Warhol, et ça revient à ce qu’était l’atelier de Rubens, avec ses douze ou treize assistants, un spécialiste des plumes, un des poils, un des cuirasses, … • Est-ce que l’on peut parler d’un business de l’art? • Oui, comme y en a plein, Jeff Koons est un businessman. • Chacun s’il le souhaite peut acheter une merde de Cloaca. Et justement quand on pense qu’aujourd’hui on peux acheter une merde 65


faite par une machine, vous pensez quoi de ce qu’est devenu l’art aujourd’hui ? • C’est pas une merde c’est une sculpture. On achète une pièce à un sculpteur, on achète une sculpture. C’est de la matière produite par une machine . • On retrouve l’idée de la production en série, de l’usine finalement avec cette machine à caca. • Oui exactement, et ce qui est fabuleux c’est que si on donne cette matière produite par Cloaca à un médecin légiste et qu’il l’analyse il déduira que c’est un excrément fait par un humain, alors qu’en réalité elle a été produite par une machine. • Oui voilà, elle est finalement là pour se substituer à l’Homme, pour faire le travail à sa place, étant donné qu’un humain ne pourrait pas avoir le même rendement qu’elle. Mais, sans parler du rendement, il aurait très bien pu aussi vendre ses propres merdes ? • Manzoni l’a déjà fait, et ça n’aurait du coup pas bien d’intérêt. Mais Manzoni l’a lui aussi intégré dans un processus de série avec ses boîtes de conserve et considérait, je pense, lui aussi cette matière comme une matière première tout simplement. • Il l’a considérée, la matière fécale, comme une ressource comme une autre, comme un nutriment. • Oui et je pense que Wim est surtout très fier d’avoir conçut une machine qui digère, et qu’il faut nourrir. C’est quand même très important, d’ailleurs les Cloacas personnelles c’est assez intéressant d’avoir un collectionneur qui, au lieu d’acheter une sculpture, achète une machine qu’il est obligé de nourrir tous les jours, car sinon les bactéries font dégénérer l’organisme. • Avec les Cloacas personelles, autant qu’avec toutes les autres d’ailleurs, on a donc la lourde contrainte du vivant, comme avec un animal de compagnie, il y a une dépendance. Et le fait de pousser « le vice » encore plus loin en proposant des 66


machines personnelles, qui demande du temps, de la nourriture, de l’énergie pour de la merde, et ce que cela a pu scandaliser, comme avec les Allemands comme on disait tout à l’heure ? • Il s’en fout. C’est là que je dis qu’il est Belge. • Ça fait partie de la culture… • Oui, je crois vraiment, et l’idée de choquer c’est pas son truc, ce qui l’amusait, et lui plaît beaucoup, c’est la différence de réception suivant les différents pays où il exposait. C’est un effet secondaire de la machine. En tout cas ça le faisait bien rire de voir les Américains applaudir pendant des heures tous les jours devant Cloaca qui chie. • C’était comme un spectacle, il a reproduit un phénomène vivant, c’est ça qui est incroyable. Mais derrière tout ça est ce qu’il n’y aurait pas un côté un peu « divin », avec cette volonté de contrôler le vivant, de percer les secrets de la nature ? • Non, il y a plus de divin chez James Turrell qui fait son volcan arasé que chez Wim. Lui ce qui l’intéresse c’est de produire des pièces, qui peut-être lui coûte très cher dans un premier temps mais qui finissent par lui rapporter après, ce qui lui permet non seulement de faire tourner son atelier avec ses assistants, sa ferme en Chine,etc, et surtout de continuer à faire son œuvre. • Et finalement est ce que l’on peut dire que toute son œuvre tourne autour d’une forme de jeu ? • Oui Wim est quelqu’un qui s’amuse continuellement, on a le même âge et il est incroyablement juvénile. Il est constamment en mouvement, il a besoin de faire, de faire ce qu’il lui plaît. Après ce qui l’intéresse aussi beaucoup c’est le dessin et les logos. Le logo de Cloaca c’est un mélange du logo Ford et Coca-Cola, il y a Monsieur Propre évidemment, et puis le logo de Cloaca Turbo, la machine qui chiait 100 kg de merde, c’était Harley Davidson. • Ah oui donc il joue en permanence avec les codes. Il signe aussi Wim Delvoye avec la typo de Walt Dysney, il s’amuse, il est dans son monde. 67


Comme son site internet, un grand parc d’attractions ! • Oui voilà, après je pense aussi que son soucis dans la vie c’est de rester au top du marché international, de distancer Jan Fabre qui est à la fois son ami et son ennemi, ils ont le même âge, ils sont tous les deux Belges, tous les deux de Gand. • Et pourquoi cette volonté d’être au top ? d’être le « premier » ? des raisons financières ? d’égo ? … • Oui voilà d’égo, mais je te dis ça pour situer l’individu, il n’en fait pas une maladie, il ne parle pas sans arrêt de Jan Fabre. De toute façon c’est très difficile d’être sur le marché international quand on est artiste et d’y rester, de garder le statut de leadership c’est un combat permanent. Et contrairement à Jan il ne fait pas dans le spectacle, Jan est surtout connue pour ses chorégraphies. La production lui permet de continuer surtout, et c’est quelqu’un qui est insatiable, qui travaille en permanence, qui a réellement le besoin de produire, produire, produire. • Et toute cette énergie est investis dans ses productions, pour faire des dizaines et des dizaines de mètres carrés de motifs orientaux en charcuterie par exemple, ou une immense machine complexe et coûteuse pour faire de la merde, est-ce qu’il ne cherche pas finalement à faire quelque chose qui va nous apparaître presque choquant dans le fait d’allier quantité et inutile? • Wim ne cherche pas spécialement à choquer, comme je t’ai dis il a le besoin incessant de produire, et la volonté de maîtriser aussi. • Le fait qu’il est fait une machine avec Cloaca, une machine sousentend une fonctionnalité, une raison d’être… • Cette machine c’est hyper sérieux, c’est 2 ou 3 ans de recherche avec des ingénieurs, des scientifiques, pour arriver à avoir les bonnes bactéries, les bonnes réactions. Il peut même la contrôler par ordinateur pour obtenir une matière plus ou moins molle, plus ou moins foncée,… 68


• Purement dans le but de contrôler la sculpture finale ? • Exactement. Wim va jusqu’au bout des choses, il les pousse. C’est un gars qui est de la génération Hara-kiri, pour lui on peut rire de tout. • C’est ce qui fait d’après vous que Wim Delvoye est un bon artiste? • Ce qui fait, d’après moi un bon artiste contemporain, c’est déjà la culture des arts plastiques et des arts visuels. Je crois que le gros problème des Français c’est que la France n’est pas un pays d’art visuel, la France est un pays de pensée, de discours. Donc évidemment quand on voit une œuvre visuelle, les gens attendent le discours. Mais ça c’est dans notre culture, ce n’est pas comme ça en Allemagne, aux E.U car ils ont une culture visuelle, et beaucoup moins une culture de langage. La France c’est le pays des lumières, et nous n’avons pas été sensibilisé aux arts visuels car on a eu la malchance d’avoir un ministère de la culture. On était le premier pays à avoir un ministère de la culture, quand Malraux est arrivé au pouvoir, il a donc du créer ce ministère de la culture sans vraiment savoir ce que c’était. Et il c’est demandé ce que pouvait être le problème culturel en France au moment, à l’époque le soucis majeur était l’alphabétisation, le fait que 30% de la population ne savait pas lire. Donc le ministère de la culture a commencé à se développer du côté de la lecture publique. Il a crée des plans quinquennaux, et développé ainsi pendant cinq ans les lectures publiques. Puis après cinq ans il s’est occupé de la musique, puis le théâtre, et ça jusqu’au année 80, où les arts visuels, les musées, n’avait pas tellement était abordés. C’est donc Jack Lang qui a développé les FRAC, les DRAC, quelques musées d’arts contemporains. Du coup les français ont commencé à s’intéresser aux arts visuels que vers les années 80, alors que dans toutes les petites villes allemandes de 30/40 000 habitants il y avait un musée d’arts contemporains. Du coup les questions que nous nous posons en France ne sont pas du tout les mêmes que dans les autre pays. Les Belges ont toujours eu une relation à leur peinture, à la peinture flamande, qui était très importante en Belgique. Il y a beaucoup de collectionneurs en 69


Belgique. C’est une affaire culturelle. • Je me rends compte que tout ce que l’on peut lire, dans des articles français, sur le travail de Wim Delvoye est vraiment vu d’un point de vue culturel français, avec beaucoup de discours finalement. • Vu du point de vue du journaliste moyen, Wim Delvoye est quelqu’un qui se moque de tous. Vu du point de vue des gens qui s’intéresse à l’art Wim Delvoye est quelqu’un qui remet en cause un certain nombre de codes sociaux et qui a une œuvre protéiforme et qui n’hésite pas à y aller.

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bibliographie • WIM DELVOYE, New & Improved, Cloaca, New Museum of Contemporary Art, New York, in association with Rectapublishers. • WIM DELVOYE, Scatalogue, Merz. • Article Le Monde, édition du 26.08.05, par Geneviève Breerette. • Art & Flux, International Platform for critical companies, interwiew par Aurélie Bousquet. • Reportage Arte Vidéo, Portraits de plasticiens, une collection produite par Jean-Paul Boucheny. Wim Delvoye, réalisation Frédéric Le Clair en 2006. Durée du reportage : 26 min • Interwiew de Wim Delvoye par Isabelle Lenormand, Prato 2003. > http://www.youtube.com/watch?v=9pEXtuwsudU • Repas de Wim Delvoye avec Cloaca et analyse comparative en laboratoire. > http://www.youtube.com/watch?v=5vcmIUqN-rg 71


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