DOSSIER
Jeune cuisine : qu’as-tu fait de tes 15 ans ? CAHIER DE CUISINE
Claire Heitzler & Cédric Grolet
food � book 9
SOMMAIRE MAGAZINE BANC D’ESSAI
SARDINES BIEN HUILÉES P. 7
LA TECHNIQUE
L’IKÉJIMÉ P. 10
L’INGRÉDIENT
LEVURE FRAÎCHE CHAMPIGNON HALLUCINANT P. 13
LE CONDIMENT
MYSTÈRE MISO
REPORTAGE
Sulauze DOMAINE BIEN LUNÉ P. 19
STYLE
T’AS DE BEAUX CHEVEUX, TU SAIS… P. 27
P. 14
LES ESSENTIELS
Illustré par Jérémy Perrodeau P. 18
PLAYLIST
planer en ballons avec du jazz P. 28
MINI-GUIDE
les flamands osent P. 31 → 43
PORTFOLIO
CHASSE PRENDS GARD À TOI P. 44
ATLAS
rallumons le feu P. 53
DOSSIER
GUIDE
TENTATIVE D’INVENTAIRE AVANT ÉPUISEMENT
LES 9 DE 2018
— LE CUISINIER MODERNE — L’ASTRANCE RACONTÉE PAR PASCAL BARBOT P. 67
CAHIER DE CUISINE
PALMARÈS
P. 85 → 91
GUIDE 2018
VILLE À VILLE P. 93
PARIS P. 111
SUPPLÉMENTS
SUR LE POUCE — GREEN — ASIATIQUES — SUCRÉ — BOULANGERIES P. 127 → 141
P. 144
BANC D’ESSAI
SARDINES BIEN HUILÉES PAR CLAIRE LOZZA PHOTOS ROMAIN BASSENNE
La conserve de sardines fait partie des ba- de sa conservation. Mais c’est pas mal pour un siques de nos placards. À la tomate, aux épices petit poisson bleuté dont l’histoire avec une douces, aux poivrons grillés, au vin blanc, au boîte en fer ne remonte pas d’hier : les Gallopastis… Il y en a pour tous les goûts, même les Romains conservaient déjà les sardines par plus farfelus, les fabricants rivalisant d’ima- salaison. Grâce à l’appertisation mise au point gination pour conquérir le client, jouant avec en 1795 par Nicolas Appert, le Nantais Pierreles codes du design, notamment, et profitant Joseph Colin a industrialisé la conservation de du marché : en 2016, 53,1 % des ménages fran- la sardine vers 1820. Une industrie tellement çais ont acheté des conserves de sardines, à florissante, qu’une ligne de chemin de fer a hauteur de 16 252 tonnes, pour un prix moyen été construite en Bretagne afin que la France d’environ 10,10 euros/kg et un chiffre d’affaires puisse être abondée en sardines. total de 164 millions d’euros. C’est la conserve Au restaurant, on vous la sert en rillettes à de poisson la plus achetée après le thon en boîte. même la boîte en fer à dégoupiller soi-même, Alors que ce qui devrait compter en premier et sous toutes les formes en pleine saison, rôtie, lieu, c’est la qualité de la sardine – optimale grillée, marinée, frite ou farcie. D’un process quand elle est pêchée entre mars et août – et identique pour la mise en boîte, la qualité peut
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différencier d’une conserverie à l’autre. Pour ce banc d’essai, nous avons choisi la traditionnelle et basique sardine à l’huile d’olive, fabriquée « à l’ancienne » (saumurée, étêtée, vidée et rapidement frite). Sept références, dont trois millésimées, réputées pour exprimer au mieux le goût du poisson qui se bonifie au fil des ans (retourner la boîte tous les six mois pour que la sardine s’imprègne bien de l’huile d’olive afin de confire au mieux). Que nous avons dégustées avec un peu d’huile d’olive au goût affirmé quand il le fallait, du pain sans gluten, graines de lin, tournesol, sésame, et pas mal d’eau minérale. Nous avons noté sur 10 l’aspect du contenu, le goût de la sardine, le goût de l’huile et le design du contenant. Verdict pages suivantes.
BANC D’ESSAI
BANC D’ESSAI
SARDINES MILLÉSIMÉES CONFRÉRIE DE LA SARDINE SAINTGILLES-CROIX-DE-VIE 17/40
MADEMOISELLE PERLE MILLÉSIME 2015 PERLE DES DIEUX 34/40
5,35 € la boîte de 115 g, soit 46,52 € le kilo
4,20 € la boîte de 115 g ; soit 36,52 € le kilo
Qui l’a fait ? Philippe Gendreau, président de la conserverie du même nom et Claudie Vardelle, épicurienne et passionnée, qui ont misé sur le côté collector de leurs boîtes, designées par l’artiste Delphine Cossais. Aspect (8/10) 4 par boîte, de calibre inégal, mais qui donne un aspect artisanal et naturel. Sardines dodues et appétissantes. Dégustation (17/20) Les sardines sont parfaitement cuites, ce qui offre une chair rosée à l’arête. L’huile d’olive a bon goût. Utilisation Délicieuse, elles sont parfaites pour être mangées telles quelles. Design (9/10) Delphine Cossais raconte la vie de Mlle Perle sur les boîtes. Celle-ci fait référence au premier voyage de Capucine, la fille de Mlle Perle.
SARDINES SAINTGEORGES À L’HUILE D’OLIVE BELLE ILOISE 17/40 3,30 € les 115 g, soit 28,70 € le kilo
Qui l’a fait ? Une conserverie familiale installée à Port-Maria, pile proche du port de pêche de Quiberon, fondée en 1932 par Georges Hilliet. Elle est maintenant gérée par la troisième génération.
Aspect (5/10) 3 sardines entières par boîte. Bel aspect, fond à la découpe. 80 % de sardines, 18 % d’huile d’olive et du sel. Dégustation (7/20) Joli goût, pas métallique mais moins frais que les Groix & Nature. Utilisation Émiettées sur des légumes frais avec du boulgour et de la roquette. Design (5/10) Saint Georges de Lydda en rouge vif sur la boîte, est un hommage au flamboyant fondateur de la maison, Georges Hilliet.
SARDINES À L’HUILE D’OLIVE BIO CONSERVERIE DE KEROMAN 8/40
Qui l’a fait ? Gendreau est la dernière conserverie du département (Pays de la Loire) et, de fait, du premier port sardinier de France. Aspect (6/10) 5 par boîte, l’huile d’olive est suave. Le poisson a un bel aspect brillant. Dégustation (10/20) Sardine faible en goût et en parfum, asséchante. Utilisation À la croque au sel. Design (1/20) Ça n’a pas l’air d’être le souci majeur chez eux, le design.
10,50 € LE BOCAL DE 245 G NET, SOIT 42,65 € LE KILO
SARDINES À L’ANCIENNE, À L’HUILE D’OLIVE VIERGE EXTRA CONNÉTABLE 19/40
SARDINES À L’HUILE D’OLIVE GROIX & NATURE 25/40
2,15 € la boîte de 115g (soit 18,95 € le kilo)
4,25 €, LES 115 G, SOIT 36,95€ LE KILO
SARDINES À L’HUILE D’OLIVE PRÉPARÉES À L’ANCIENNE, MILLÉSIME 2017 J.C. DAVID 25/40
Qui l’a fait ? Une sélection de sardines préparées à l’ancienne à l’huile d’olive, mises en boîte à Douarnenez, haut lieu de la sardine depuis le XVIIe siècle. Aspect (6/10) 7 petites sardines dans la boîte. Elles sont fragiles, peau entamée mais brillante. Elles ont un aspect moins appétissant que les Connétable. L’arête s’enlève facilement. Dégustation (16/20) L’huile d’olive est intéressante au nez, nous sentons bien l’olive et la saumure. Elles sont parfaitement assaisonnées et la qualité du poisson nous offre une belle mâche. Utilisation Elles se suffissent à elles-mêmes : croque au sel ! Design (3/10) Le design est sobre, craft, qui dit « un produit de qualité, artisanal ».
7,75 € LA BOÎTE DE 115 G, SOIT 67,39 € LE KILO
Qui l’a fait ? La seule maison française à fumer dans un four à bois, ce qui augmente le temps de fumage. Aspect (7/10) 4 par boîte, les sardines sont très brillantes avec une peau fine. L’aspect est très appétissant, découpe simple. Dégustation (14/20) La sardine a un léger goût de fumé. L’huile d’olive bio offre un bon goût. Utilisation À la croque au sel. Design (4/10) Noire et dorée, jolis reflets du côté « premium » de la sardine.
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Qui l’a fait ? Connétable est la marque de la conserverie Chancerelle, ouverte depuis 1853, à Douarnenez. De notre sélection, c’est la seule boîte achetée en grande surface. Aspect (7/10) 5 par boîte, toutes de même calibre, elles sont entières et bien conservées. La peau de la sardine est intacte et brillante. À la découpe, elles se tiennent. Dégustation (9/20) Elle a un bon goût de poisson, mais l’huile d’olive est un peu rance et l’assaisonnement faible. La texture est légèrement farineuse. Utilisation Pimpez avec une bonne huile d’olive et des zestes de citron. Sinon l’utiliser en salade, rillettes ou avec des pâtes (linguine). Design (3/10) La Connétable offre un design efficace en termes de marketing. Nous retrouvons l’emblème de la Bretagne, le Gwenn-ha-Du associé à des olives.
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Qui l’a fait ? Fondée par Eric Guygniec, gérant de l’armement Keroman, qui compte actuellement cinq chalutiers et une conserverie artisanale sur le port de Lorient. Aspect (2/10) Elles sont entières, très grosses et dodues, mais le conditionnement en bocal provoque de la casse quand on les sort. Dégustation (4/20) L’huile avait un goût rance et la sardine un goût métallique. Utilisation Rillettes. Design (2/10) L’image mentale de l’institut médico-légal n’est pas loin, ce qui confirme tout le mal qu’on pense de ce conditionnement… mais on voit le produit.
LE CONDIMENT
Pas de repas japonais ou japonisant sans miso. Et on ne vous parle pas ici de cette sorte d’infâme bouillon lyophilisé servi dans tous les bouis-bouis d’ici avec deux bouts de tofu fadasse qui se battent en duel dans un petit bol, mais bien du formidable condiment qu’il est. On a même trouvé un Japonais qui en produit artisanalement en France, du côté de Tours. PAR ZAZIE TAVITIAN PHOTOS ROMAIN BASSENNE
Imaginez un Japonais qui ne mangerait que le goût de ces enivrants misos non pasteurisés, des baguettes gavées de mauvais gluten et trop produits artisanalement au Japon. cuites, ce serait pour lui le goût du pain traditionnel français. Et bien, c’est exactement LA BASE, C’EST IMPORTANT ce que nous, Français, faisons avec le miso À Veigné, dans le domaine de Thorigny près (prononcer « misso »). Nous associons cette de Tours, Takayoshi Hirai (photo ci-contre) vit pâte fermentée, introduite au Japon par les avec sa femme et ses deux fils. Il y occupe une bouddhistes chinois au VIe siècle, à une soupe petite aile modeste dans une ancienne fabrique marron clair, trop salée, dans laquelle flottent de vin, en bois et chauffée au poêle. Originaire des carrés de tofu fade et quelques champi- de la région de Kobé, il est arrivé en France il gnons lyophilisés. La préparation méticu- y a quatorze ans pour enseigner les mathémaleuse de ce condiment qui révèle des saveurs tiques. Il se consacre désormais à la production incroyables fait penser à celles des brasseurs de kojis et misos qu’il fabrique et commercialise artisanaux, sa palette de couleurs est complexe, sous la marque bio Sanga. Une reconversion allant du blanc au rouge foncé, en passant par pas si étonnante : « En mathématiques, tout est le doré et l’ocre. lié : la base, c’est important. C’est pareil pour En France, si l’on en trouve de plus en plus dans la cuisine. J’ai d’abord voulu savoir cultiver la les magasins bio ou les rayons spécialisés des terre, les légumes puis, petit à petit, j’ai appris grandes surfaces, il est compliqué de retrouver à fabriquer des condiments. »
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Et à la base de la cuisine japonaise il y a… le miso. Et à la base du miso, il y a… le koji. Le koji, c’est un ferment de céréales, généralement du riz ou de l’orge, que l’on fait cuire à la vapeur et auquel on ajoute ensuite un petit champignon, l’Aspergillus Oryzae, que l’on va laisser fermenter quatre jours à 40 °C. Cette base sert à la fabrication du saké, du shōchū (eau-de-vie japonaise), du mirin et… du miso. Pour ce dernier on va ajouter au koji du soja et du sel marin et laisser fermenter le tout naturellement, parfois jusqu’à trois ans. C’est parce qu’il ne trouvait pas de koji dans la région de Tours, que Takayoshi s’est mis à fabriquer le sien : « Je me suis dit : « Si mon grand-père faisait le koji lui-même à la maison, je peux peut-être le faire aussi, ça ne doit pas être si difficile. » Presque tous les Japonais d’il y a deux générations fabriquaient ce condi-
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LES ESSENTIELS PAR VALENTINE DE LAGARDE ILLUSTRATION JÉRÉMY PERRODEAU
restaurants 1
ATELIER CRENN
3127, Fillmore Street www.ateliercrenn.com La Française Dominique Crenn fait partie de ces chefs paysagistes, capables de vous immerger dans une géographie sensible en décomposant et recomposant la matière comme on excave une terre pour tracer des sentiers. De son enfance en Bretagne, elle a gardé le goût de l’iode, l’enracinement dans les dunes, herbes marines, pointes salées, qui viennent perforer ça et là des plats en déséquilibre savant. C’est cette intuition d’une terre imaginée qu’on vient chercher chez Crenn. 2
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de la table disparaît sous les plats (salade de kale, hotdog, salade de nouilles soba, tartare de bœuf) et les cocktails création. Parfaitement balancés, ils font oublier que c’est de l’alcool et on se surprend à commander notre troisième mix en moins d’une heure. 4 HANG AH DIM SUM TEA HOUSE
1, Pagoda Place Un rade à dim sum à fort turnover. Les chaises sont couvertes de plastique, les bols et assiettes sont en céramique indestructible, les pots de sauce sont collants et des lignes de démarcation témoignent des derniers « refills », un écran dans l’angle passe des clips de musique asiatique. On jauge les assiettes des voisins de table et on fait son choix, un peu au hasard. Les baos – petits pains à la farine de riz fourrés – sont délicieux, les dim sum végétariens avec la sauce piment dégoulinent de jus. Sitôt le repas terminé, l’addition et on dégage.
MISSION CHINESE FOOD
2234, Mission Street www.missionchinesefood.com/sfo L’original de Danny Bowien. Bien que le lieu semble désuet, la cuisine y est remarquable, moderne et fraîche. Salade d’herbes fraîches enroulées dans une pâte de riz fine, trempées dans une sauce légèrement relevée de piment et de gingembre. Des aubergines taïwanaises dont la chair onctueuse fait monter les émotions en appelant une gorgée de bière fraîche pour calmer la cavalcade du piment de la sauce.
TRICK DOG
3010, 20th Street www.trickdogbar.com Il est 19 heures et le bar – première partie du Trick Dog, dans le Mission District huppé – est déjà bondé. Mais l’attente sera courte pour un verre à l’équilibre parfait. À l’étage, quelques tables couvertes de nappes blanches s’accordent à merveille avec les murs industriels et les tableaux légèrement suggestifs. Une mezzanine surplombe la foule grouillante. Très vite, le blanc
c’est un pari que Brandon Jew s’est lancé en 2014 et qu’il a relevé aujourd’hui. 100 % californien dans son sourcing – hors les vins et quelques produits tel l’huile – son menu est lui complètement asiatique, voire chinois, twisté avec quelques créations hétéroclites, à l’image de la ville. Et tant la qualité que les goûts laissent coi. Des buns à la texture extraordinaire, aux champignons sauvages ou à la poitrine de porc caramélisée au barbecue, des huîtres locales à la mignonnette de gingembre, des tendrons de bœuffeuille de céleri-piment, un pâté de pied de porc, des aubergines à la taïwanaise dont la chair tenue fond en bouche… Sur les plats s’expriment des épices, des piments, des sauces maison mijotées longuement. Pour les desserts, il dispose de la fameuse Melissa Chou, auteure d’accords surprenants – gâteau au sésame noir, mousse de gingembre, poires pochées – pour un coup de fouet et une fin grandiose.
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FLOUR + WATER
2401, Harrison Street www.flourandwater.com En plein Mission District et presque en face de Trick Dog, ce restaurant aux airs marins, régale les amoureux des pâtes et de la cuisine italienne. Monté en 2009 par le chef Thomas McNaughton, ce lieu concentre l’art de la pasta, avec différentes céréales, sauces, cuissons. Cappellettis salsifis, ricotta, ail noir, torchios au pollen de fenouil avec de l’épaule de porc braisé, kale, fenouil et pomme fuji, papardelles au blé complet, agneau braisé, butternut, trévise, groseilles. Les pizze sont aussi au menu avec une pâte faite maison qui repose 48 à 72 heures. Un menu de saison californien et dans la tradition italienne.
BARS À COCKTAILS 8
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PETIT CRENN
609, Hayes Street www.petitcrenn.com Après sa grande table, Dominique Crenn rêvait d’un bistrot plus simple, plus convivial où, dans la décontraction, les clients peuvent déguster une cuisine raffinée, travaillée avec de bons produits. Il est parfois compliqué de trouver un couvert, mais on trouve toujours une solution pour se payer son menu court, qui varie souvent et offre la découverte d’une cuisine fraîche et colorée. Panais, consommé de homard, gingembre et épinard, truite de Mont Lassen grillée, beurre de haricot, artichauts, sauce vierge, tarte tatin de poire et frangipane, sorbet chocolat, noix caramélisées… Différent de son aîné Atelier, Petit Crenn est tout aussi réjouissant.
ABV
3174, 16th Street abvsf.com Trouver un bar à cocktails à San Francisco est chose facile, en trouver un bon est plus compliqué. Ici, on frôle la perfection sur les classiques. Mais danser sur
MISTER JIU’S
28, Waverly Place www.misterjius.com Reprendre un restaurant iconique de dim sum dans le vieux Chinatown pour en faire l’un des lieux les plus excitants de la métropole,
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les créations est un peu plus complexe. Negroni rond envoyé et servi en quelques minutes avec excellence, suivi d’un Whisky in Church (scotch fumé, oloroso, sirop d’érable, bitter fumé) sur un twist de Old Fashioned. Pour accompagner dignement les cocktails : chou-fleur grillé et aïoli, carottes rôties, zaatar et labné, tacos, ribs, mini-burger… 9
COMSTOCK SALOON
155, Columbus Avenue www.comstocksaloon.com Encore dans son jus des années 30, ce bar à cocktails-restaurant, vous plonge dans une ambiance toute particulière. On opte pour la première partie plus intime et lumineuse. Le petit bar arrondi accueille certaines âmes solitaires et les tables hautes rondes en marbre blanc rassemblent les amateurs d’un verre avant de passer à table. On y déguste des cocktails secs tirés au cordeau et des plats, simples et sophistiqués : choux de Bruxelles frits, pecorino, calamars frits, falafel et tzatziki, salade de betteraves, fromage de chèvre et vinaigrette à la grenade.
CAFÉ 10
SIGHTGLASS COFFEE
270, 7th Street sightglasscoffee.com Un lieu magique et improbable. Un grand garage avec, au centre, ce comptoir ovale d’où sont extraits les cafés. Çà et là, des sacs de café, des cartons, des rangements… À l’étage, sur une mezzaninecoursive, des tables pour se poser et/ou travailler. Mi-torréfacteur mi-coffee shop, ce lieu hybride a un charme fou.
BOULANGERIE-PÂTISSERIE 11
TARTINE BAKERY
600, Guerrero Street www.tartinebakery.com Que ce soit sur place ou à emporter, Tartine Bakery attire les amateurs de pâtisserie légèrement complexe (tarte au citron, aux fruits rouges, au chocolat, millefeuille, etc.) mais aussi de layer cakes (superbes, il faut l’avouer). Mais pour le café de 8 heures du matin, les connaisseurs se précipitent sur leurs viennoiseries, doughnuts et chaussons.
reportage
DOMAINE BIEN LUNÉ Sulauze, c’est un domaine de 500 hectares biodynamiques dans les Bouchesdu-Rhône, où on fait du vin, de la bière artisanale en se servant des céréales et du houblon maison, de l’huile d’olive, de l’élevage de taureaux et de cochons noirs. Une diversification vertueuse réussie par des « paysans philosophes » qu’on vous raconte ici. PAR AMÉLIE RIBEROLLE PHOTOS ARNOLD JEROCKI
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style
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T’AS DE BEAUX CHEVEUX, TU SAIS… PAR SYLVIE BERKOWICZ ILLUSTRATION PIERRE LA POLICE
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Après avoir cédé à la mode de la barbe, des tatouages et des sneakers immaculés, les chefs se débrident désormais capillairement. On a appelé à la rescousse David Lucas, coiffeur préféré des stars, pour démêler ce sujet. Forcément, on en voit de toutes sortes en cuisine : des hirsutes, des rasés, des crantés, des frisés, des chignons serrés, des planqués sous une casquette. Des toqués ? De moins en moins. Le cheveu est aujourd’hui rarement coiffé d’un couvre-chef ou même d’une résille. Pourtant, (presque) pas de cheveu dans la soupe, hygiène et hype semblent compatibles. Nos chefs et cheffes sont soucieux de leur image et coté coiffure, ils naviguent entre le pragmatisme qu’impose leur métier et la coquetterie que requiert désormais leur exposition médiatique. Nous avons demandé au charmant – et bouclé – coiffeur David Lucas, grand amateur de cuisine, de décrypter les types de coiffure repérés chez nos cuisiniers préférés. Sans grande surprise, ce qu’il décrit du style capillaire des grands référents que nous avons identifiés rejoint souvent le caractère de leur cuisine.
1 LA QUEUE DE CHEVAL
7 LE DÉCOLORÉ
LA RÉFÉRENCE : ANNE-SOPHIE PIC
LA RÉFÉRENCE : KEI KOBAYASHI
« C’est une bonne idée, simple et efficace. Elle met son visage à nu et je vois de la franchise, de l’honnêteté et de la transparence. Et en même temps, on ne peut pas dire que ça n’est pas une coiffure. Pour un petit peu plus de fantaisie, je ferais un bun plus haut sur la tête et peut-être pas de raie. »
« Ça me fascine ce coté très affirmé. Il faut oser faire une décoloration, ce dont les Asiatiques sont plus capables que nous. Ça lui va bien. Il pourrait paraître dur et, du coup, ça l’adoucit énormément. En cheveux naturels, il projetterait sans doute une toute autre image et paraîtrait peut-être plus jeune. Je n’arrive pas à savoir quel est son âge. »
2 LE COURT ASYMÉTRIQUE LA RÉFÉRENCE : DOMINIQUE CRENN
8 L’HIRSUTE
« On voit qu’il y a de l’énergie chez cette femme ! Avec peut-être une cuisine plus déstructurée, plus éclatée. Avec un côté très franc aussi puisqu’elle dégage sa nuque et met son visage en avant. Et un souci aussi de féminiser sa coupe courte. »
LA RÉFÉRENCE : PIERRE SANG BOYER
« Lui, je le connais ! Sa coiffure est comme son caractère : sympa, généreux, expansif. Il a un vrai look et je l’aime bien comme ça, quand ses cheveux sont un peu longs et fous. »
3 LE RASÉ
LA RÉFÉRENCE : VIVIEN DURAND
LA RÉFÉRENCE : THIERRY MARX
« Il a une chevelure poivre et sel très marquée et je sens qu’avec son bandeau ou son petit bun, il a envie de se débarrasser de ces cheveux qui doivent le gêner pour travailler. Il a raison d’avoir les cheveux un peu longs par rapport à son visage, je ne le vois pas avec des cheveux trop courts ».
9 LE MI-LONG ATTACHÉ
« Quand on arrive à zéro cheveu, c’est qu’on n’a pas le choix. Aucun homme au monde ne choisit d’être dégarni quand il peut avoir des cheveux. Après, cela devient une image de marque. Il doit se raser tous les matins et cela devient un rituel, le rasage, la crème ensuite. Il a un très beau crâne, il peut donc se le permettre ! » 4 LE CRANTÉ LA RÉFÉRENCE : YANN COUVREUR
« Mais c’est un vrai mannequin ! Il a le look du moment, la petite barbe, un peu de longueur sur le dessus de la tête, c’est carré sans être strict. Certains ne supporteraient pas cette petite ondulation parce que ça n’est pas dans le contrôle. Tout est en place et je dirais qu’il se connaît très bien. »
L’EXCENTRIQUE LA RÉFÉRENCE : FLORENT LADEYN
LA RÉFÉRENCE : PIERRE GAGNAIRE
« Quelle personnalité ! Ça lui va, c’est bien, et je ne le vois pas autrement. Ça va être très dur pour lui de changer de style. Il se rase sur les cotés et pourtant, lui, il a plein de cheveux ! Le petit bun est certainement un souci d’hygiène et une façon de se faciliter la vie au boulot. Ça lui donne un coté grand sage, un peu bouddha… »
« Tout simplement très beau. Cette coiffure a toujours été son style avec des variantes plus ou moins longues. On sent bien que ça peut tomber et peut-être qu’il les replace en arrière. Nous avons tous une gestuelle induite par nos cheveux. Ça bouge, c’est vivant. »
LA RÉFÉRENCE : PAUL PAIRET
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« Fabuleux ! Les cheveux gominés comme ça, j’adore ! Là, c’est très propre mais il faut faire attention, car ça peut vite faire crado. Il n’y a pas un cheveu qui dépasse. On sent bien qu’il s’humidifie les cheveux tous les matins, qu’il met un produit et passe le peigne. Il y a un coté classique mais il est en même temps tellement moderne. J’adore ! »
5 LE MI-LONG
6 LE PLANQUÉ SOUS UNE CASQUETTE
LE GOMINÉ LA RÉFÉRENCE : GUILLAUME SANCHEZ
« Mais que camoufle-t-il ? Pourquoi porter ça tout le temps ? Je me pose la question… Il doit y avoir un truc qu’il n’aime pas et cette image lui convient mieux. Il doit se sentir bien avec cette visière. Cela fait partie de son identité et j’imagine que sans il se sentirait nu. Est-ce que moi, le jour où je serai dégarni, je ne me mettrai pas à porter un bonnet ? »
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SOMA
33 Wolstraat, 2000 Anvers +32 3 290 04 03
www.soma.restaurant
Adriana Zafiris, la BelgoGrecque et Frédéric, le FrancoColombien, ont choisi de se fixer à Anvers pour ouvrir l’an dernier Sõma, après avoir œuvré tous les deux à Arsenic (Lyon) sous la férule de Christian Têtedoie – Frédéric Chastro fut son second. L’endroit, une vieille bâtisse flamande, possède un charme fou, une vingtaine de couverts, une cuisine attenante bricolée maison, où les deux jeunes chefs cuisinent à quatre mains leurs influences et accents.
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De Superette 29 Guldenspoorstraat 9000 Gand +32 9 278 08 08 www.de-superette.be
Monté par Kobe Desramaults et Sarah Lemke, boulangère américaine d’exception, De Superette est le rendez-vous de fin de semaine pour un petit déjeuner tranquille, un déjeuner entre amis et un verre de manière détendue. Du grand four à bois, Sarah et son équipe sortent des pains pour la boulangerie, le res-
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taurant et le reste de la restauration, ainsi que des pizze à la pâte charnue, craquante et intense en goût. Des levains naturels et des farines variées pour apprécier différents types de pains.
Sail and Anchor
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www.sailandanchor.be
60 Guldenvliesstraat 2600 Anvers +32 3 430 40 04
Tapta
Dans l’ancien Veranda de Davy Schellemans, non loin de la gare de Berchem, s’est posé Michael Yates, cuisinier anglais et Marijke Van Haecke, sa compagne flamande, au service. Le timide Michael sort de la brèche dans le mur menant à la cuisine improbable, les mains encombrées d’assiettes. Sourdough à la bière brune et son beurre maison, pâté maison de lièvre et cranberries, longe de lièvre rôtie, poires saisies à la poêle et chicorée, couvert d’un jus bien tendu, œuf mollet, salsifis fondants, champignons sauvages et kacha pour la mâche, une assiette de fromage bien sûr, avant de passer aux desserts où le sticky toffee pudding vous fera oublier en une bouchée tout ce que vous avez dégusté avant. C’est indécent tellement c’est bon.
64A Mechelsesteenweg 2018 Anvers +32 3 369 37 35 www.tapta.be
Ancienne du Dôme sur Mer aux côtés de Julien Bobichon, puis aux manettes de son propre restaurant à Berchem, Magalie Verbaet s’est désormais installée à la galerie d’art Tapta pour tenir un café-restaurant de journée. Un espace plongé dans la lumière du jour, aux pieds des structures et œuvres de Maria Irena Boyé (aka Tapta), artiste et sculpteure belgo-polonaise. Sa cuisine est fraîche, simple et tirée de produits de qualité et de goût avant d’être super instagrammable. Des plats qui changent au fil des saisons et qui s’accompagnent frivolement d’un petit verre de vin nature dont elle gère personnellement la sélection.
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Bon Bon
453 B avenue de Tervueren 1150 Woluwe Saint-PIerre +32 2 346 66 15 www.bonbon.restaurant
Son Bon bon, Christophe Hardiquest (lire son portrait pages 40-43) le présente comme un « salon d’artisan cuisinier ». Trois mots parfaitement cintrés, complémentaires, l’hôtel particulier ressemblant dehorsdedans à l’atelier d’un couturier – les robes siglées et les boutons de manchette sont d’ailleurs de sortie –, comme un écrin d’où, pourtant, jaillirait l’impétuosité d’une cuisine flamande. Ainsi, l’anguille fumée au vert ou les moules parquées à la marollienne deviennent-elles sous ses mains de petits chefs-d’œuvre surpuissants côtoyant une carte plus policée de foie gras et de truffe blanche. À Omnivore, c’est l’Hardiquest-paysan qu’on préfère.
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Couvert COUVERT
171 Sint-Jansbergsesteenweg 3001 Heverlee +32 16 29 69 79 www.couvertcouvert.be
Pourquoi diable aller à Heverlee depuis Paris, Londres ou New
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York ? Le mangeur contemporain, repu d’Instagram et de Facebook, serait sûrement tenté de ne pas prendre le chemin de Louvain, tant les Folmer sont ce qu’on fait de moins visible sur la toile. Le mangeur contemporain est un veau. Mais vous, êtes avisés et savez déjà que Laurent et Vincent Folmer se taisent car ils ont mieux à faire : proposer chaque jour avec la même énergie totale, cette cuisine incarnée, d’une délicatesse infinie, quand tout, de la fine gaufre à la vergeoise au crabe et tourteau ; tout, de la poule faisane et salsifis au chou-fleur à la flamande, converge techniquement et sensuellement vers l’expression d’un goût pur, intègre, d’une sincérité atomique. Nous allons à Couvert Couvert pour l’une des cuisines les plus essentielles d’Europe. Et nous les récompensons du prix Proche 2018 (lire page 90).
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Schnitzel 53 Paardenmarkt 2000 Anvers
www.schnitzelantwerpen.be
Chez Schnitzel, tout déroute, à dessein. À commencer par le nom. Ici, point d’escalopes autrichiennes au menu, mais une belle sélection de plats à partager, réalisés de main de maître par un chef au parcours exemplaire, Geert Weyn, qui a choisi de sortir des sentiers battus sans
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abandonner sa technique. Des charcuteries maison impeccables – du boudin au pastrami en passant par les saucissons, le jambon ou l’incroyable saucisse de lièvre –, des vins nature à l’avenant et une carte de saison qui se plie aussi bien aux grignotages façon izakaya qu’aux festins à rallonge entre copains. De la vraie belle cuisine exigeante, joyeuse et authentique.
Graanmarkt 13 13 Graanmarkt 2000 Anvers
www.graanmarkt13.com
Concept à la sauce londonienne, Graanmarkt 13 est à la fois un restaurant, au sous-sol, et l’un des temples de la mode anversoise dans ses étages supérieurs. Un combo inédit mais sans conteste l’une des meilleures tables de la ville. Seppe Nobbels est un hyperactif de la cause végétale. Les légumes sont l’alpha et l’omega de sa cuisine, qu’il met en lumière avec les herbes cultivées sur le toit de son repaire souterrain. Purs et droits, les plats de Seppe se partagent sans formalité, surtout du côté des accompagnements, servis en bols pout toute la table. Et tout ça pour une toute petite poignée d’euros.
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Veranda
The Jane
www.restaurantveranda.be
www.thejaneantwerp.com
La vraie star anversoise, c’est lui. Aussi discret que sa clientèle est haute en couleur, Davy Schellemans est l’incarnation parfaite de l’esprit de révolte qui règne chez les jeunes chefs de Flandre. Le bibendum barré à l’entrée du restaurant clame ce que les assiettes de Davy tissent savamment : mange camarade, le vieux monde est derrière toi. Une cuisine pure, inventive, sans triche, avec des explosions végétales splendides et une constante justesse dans l’équilibre des saveurs. C’est brut et doux à la fois, simultanément et successivement, toujours surprenant, jamais complaisant. Les liquidités ne sont pas en reste, avec des vins forcément naturels, et une belle pléiade de bières. Cerise sur le gâteau, perdu au nord d’Anvers, aux confins du quartier des abattoirs, Veranda donne l’occasion de découvrir une autre facette de la ville, tatouée comme un docker et rebelle dans l’âme.
L’ancienne église d’un hôpital militaire désaffecté. On y arrive en parcourant les allées d’un domaine qui aurait pu servir de décor à un épisode du Prisonnier. Curieux îlot au cœur de la ville et parfait pèlerinage liminaire à la messe profane dite par Nick Bril. Le chef néerlandais, associé à son compatriote star Sergio Herman, compose son menu comme une véritable litanie. Une succession de plats, dont certains donnent littéralement envie de se mettre à genoux, aux allures plus baroques que cisterciennes, mais dont la personnalité et l’inventivité ne laissent personne indifférent. Sous le lustre monumental de la nef, plafond vertigineux et vitraux colorés, la lumière prend le soir des allures de maître d’autel. Une expérience totale, comme les officiers du culte local aiment à la définir, et sans conteste le plus brillant des phares anversois.
34 Lange Lobroekstraat 2060 Anvers
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© Frederik Vercruysse
© Frederik Vercruysse
© Jesse Willems
© Jesse Willems
© Anthony Dehez
RESTAURANTS
1 Paradeplein 2018 Anvers
CHASSE PRENDS GARD À TOI Un week-end pluvieux de février, avec les chasseurs de la société de chasse Saint-Hubert de Tavel, dans le Gard. Notre photographe a traqué la bête dans la garrigue qui borde le plateau des Vestides, bijou du vignoble de Tavel. Ils chassent toute la période d’ouverture les mercredis et week-ends et tuent environ une centaine de sangliers par saison, une cinquantaine de chevreuils. Ce n’est pas du sport, mais vraiment
une attitude paysanne. Ces chasseurs, aussi vignerons pour certains, ont une haute idée de l’importance de leur action pour la protection du vignoble et des cultures en général. Ils assument une fonction, régulent les nuisibles, et s’inquiètent de l’avenir, car les jeunes ont du mal à prendre la relève. Photos meyer / Tendance Floue
rubrique
DOSSIER
Par Luc Dubanchet
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DOSSIER
LE CUISINIER MODERNE
Bien sûr, on les aime. Beaucoup même. Mais il faut avouer que, parfois, ils nous agacent avec leurs caprices et leurs contradictions. Portrait-robot de ces chefs issus d’une improbable union entre Paul Bocuse et Anthony Bourdain. D’une génération qui ressemble à son époque, engagée, certes bosseuse mais pas au prix d’une vie sacrifiée.
PAR SYLVIE BERKOWICZ ILLUSTRATIONS JÉRÉMY PERRODEAU
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DOSSIER
Dans toutes les cuisines, du fin fond du Mexique à la forêt boréale, ils ont fini par tous se ressembler. Il a une belle et grande gueule, un corps tatoué, la barbe en bataille, Instagram toujours dégainé et le même discours souvent copié-collé. Il faut dire qu’on lui en demande beaucoup. On le veut chaque jour dans sa cuisine, mais on le réclame aussi sur les plateaux télé et dans des événements au bout du monde. Il doit être connu pour survivre et survivre en attendant d’être connu. Contrairement à ses prédécesseurs, il a vraiment choisi son métier. Il a tout appris de ses maîtres, y compris ce qu’il
s’est juré de ne pas faire. Enfin, de stage en stage, de poste en poste, il trouve son mentor. C’est la révélation. Dès lors il peut commencer à rêver sa cuisine et son restaurant. Sera-t-il repéré ? Doit-il participer à Top Chef ? Pourra-t-il trouver des partenaires financiers ? Sera-t-il invité un jour à l’Élysée ? Le chef d’aujourd’hui est aussi celui qui en douce et en silence fait son bout de chemin seul, loin des trottoirs parisiens et d’une cartographie balisée. On le trouve au bout d’une route de montagne, sur une île de Bretagne, aux confins du cercle
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polaire… Aventurier immobile, jusqu’auboutiste, il transcende la difficulté et joint le geste à la parole. Seul et isolé mais cependant toujours connecté à sa communauté. Jamais le chef ne s’est autant interrogé sur son métier, sa responsabilité et la justesse de ses actes. Entrepreneur ? Militant ? Artiste ? Forcément tout cela à la fois. Mais avant tout pourvoyeur de bonheur. Ne lui reste qu’à devenir ELLE, car en écrivant ces lignes on réalise à quel point le masculin l’emporte tant dans l’écriture que dans la cuisine. LA cheffe se fait encore rare... Si le chef d’aujourd’hui n’est pas encore une femme. Il le sera demain.
DOSSIER
—Et c’est là que Christophe me dit « on va ouvrir un petit restaurant… » — je dis : « oh ! tu crois, un petitrestaurant… ? » L’ASTRANCE RACONTÉE PAR PASCAL BARBOT
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DOSSIER
Comme il y a dix-huit ans, on a refait le chemin jusqu’à l’Astrance, pour une discussion à bâtons rompus avec Pascal Barbot. Plus que nul autre, il incarne cette certaine idée de la cuisine qu’accompagne Omnivore depuis sa création. Un véritable rebelle, qui donne du « Monsieur » aux grands qu’il a croisés et qui, sans se la jouer, arrive à nous dire qu’il n’est pas encore un chef !
ENTRETIEN RÉALISÉ PAR LUC DUBANCHET PHOTOS BAPTISTE LIGNEL
DOSSIER
Début janvier, on le retrouve dans le petit bu- Et vous préférez cette vie-là à l’école ? reau conquis dans l’arrière-cour, au premier Bah je préfère… Disons que j’ai pas le choix, étage de l’immuable 4 rue Beethoven. Deux c’est la vie, c’est l’éducation, on ne se pose pas heures d’un entretien comme jadis – c’est-à- la question, on est éduqué comme ça. Mon frandire en l’an 2000 et dans les années qui sui- gin, qui est de trois ans mon aîné, part faire son virent la création de l’Astrance –, quand on s’en- apprentissage chez un plâtrier-peintre. Tout tretenait avec lui fiévreusement après chaque ça, moi, ça ne m’intéresse pas. Moi je préfère repas, bombardés de questions, comme si sa aider ma mère à faire la vinaigrette, la salade. propre vie dépendait de la réussite d’un repas. Alors je veux faire la cuisine, même si de toutes De fait, on a toujours eu l’impression que sa ces années avec mes parents, nous ne sommes vie en dépendait. jamais allés manger au restaurant. La cuisine et Pascal Barbot, ne font qu’un depuis qu’on le connaît, depuis qu’on pratique Jamais ? l’Astrance et son exigence, sous l’ironie pai- Jamais, jamais, jamais ! sible et bienveillante de Christophe Rohat (cicontre, de face) en salle. La cuisine, où ce matin C’était culturellement inenvisageable de janvier encore, le feu couve pour la réalisa- et financièrement pas possible ? tion d’un pâté en croûte qui viendra régaler en Ah bah non, c’est pas possible, pas possible. fin de semaine les habitués lors qu’un « pique- Donc, mon frangin fait son apprentissage chez nique » aussi amical que déterminant dans la un patron. Je me dis, l’apprentissage… Je sais manière dont l’Astrance a toujours traité ses qu’il y a aussi l’école hôtelière. Alors j’aimeclients, ses fidèles. rais bien aller à l’école hôtelière. Je me dis que Pascal Barbot s’est assis derrière son bureau ça va être la sécurité. Le BEP cuisine est créé. surchargé de paperasses, à peine classées, Je fais ça, en contrôle continu, en deux ans, dans un désordre qui fait penser à ses cheveux ça se passe super bien […] Je fais des stages à bouclés et à ses idées qui fusent, débit de mi- la Bonne friture, au Pont-de-Menat (dans le traillette, aussi concentrées que synthétiques Puy-de-Dôme), donc t’imagines le restaurant quand bien même elles semblent dispersées. à l’ancienne, avec le fourneau à bois, on est Et voici trente années de cuisine qui défilent, trois en cuisine à sortir 60 couverts, c’est l’été, d’une densité incomparable. Trente années c’est la grosse saison et il faut faire la salade de exemplaires d’un jeune cuisinier à cheval sur chèvre chaud, les truites meunières, les truites deux siècles. Et qui incarnent, comme nul autre aux amandes, le foie de volaille est frais, cuit et que Pascal Barbot, la figure d’un enfant de la déglacé minute, il y a les poissons frits, la tarte cuisine. Tatin, la tarte aux framboises… Il faut envoyer ! Omnivore Je voudrais comprendre d’où vous
venez, où est le petit Barbot quand il décide de devenir cuisinier… Pascal Barbot Mes parents, mon frère et moi, on vit à côté de Vichy, à 15 kilomètres de Vichy. Dans un tout petit bled ? Ah oui, complétement ! Vos parents font quoi ? Maman travaille dans une maison de retraite et mon père est à l’usine. Il est employé, ouvrier d’usine. Et donc le sauvage, le jardin, c’est vraiment essentiel au foyer.
Et ça vous plaît ? Ça me plaît oui, oui ça me plaît ! C’est dur, extrêmement dur. Mais ça fait partie de mon éducation. J’apprends. Je découvre en fait. Je découvre une nouvelle vie, je découvre un nouveau milieu, je découvre des responsabilités, je découvre le travail en équipe, je découvre des clients, des gens qui paient, des gens qui ont des belles voitures, qui viennent manger... À 14 ans, en Auvergne, on découvre la vie, on découvre les relations avec les autres. Les coups de gueule aussi… Je sors du cocon familial.
Vous êtes une famille française des années 80, c’est l’écosystème jardin-cueillette-élevage… Très français, très, très français ! Un prototype hyper classique quoi. On tue le lapin, on fait le civet de lapin. On va ramasser les noix. La pêche ! Avec mon père on va à la pêche. Alors on mange de la friture, l’anguille quand c’est la saison. Quand c’est la saison des noix, on fait les croquets ou les biscuits aux noix. Les prunes tombent, il faut ramasser les prunes, et faire la tarte aux prunes… Le sauvage ! Les champignons, la salade de pissenlit. On mange ce qu’il y a autour de nous. Donc, enfant j’ai une vraie notion des saisons.
Vous continuez avec le bac pro, on vous imagine insatiable de curiosité… Oui, je suis très curieux, pas dissipé, appliqué. Je ne suis pas le premier de la classe, je ne suis pas non plus le dernier. Je suis un élève pas chiant, je fais mon job. Je fais mes devoirs. Je suis posé, je suis calme. De 14 à 18 ans, je passe quatre années extraordinaires, et pendant toutes les vacances, chaque année, je bosse dans un petit restaurant en Auvergne, le Buron de La Chaux-de-Fonds, chez Mireille et Jean-Louis Dume, une famille extraordinaire. Je fais aussi grâce à eux un stage à Clermont chez monsieur Claver, une étoile Michelin. Il me parle de la maison Troisgros, mais pour moi tout cela est inaccessible !
Vous faites le jardin avec votre père ? Complétement, et ce n’est même pas un plaisir, c’est une nécessité.
Le bout du monde ? Mythique ! Je n’ose même pas envoyer un CV. Ah non, non. Troisgros, c’est pour les bons,
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GUIDE 2018
VILLE À VILLE ANNECY LE CLOS DES SENS 3 RUE JEAN-MERMOZ, 74940 ANNECY-LE-VIEUX
www.closdessens.com 04 50 23 07 90 Fermé un dimanche midi sur deux, lundi et mardi midi Menus 50-70-120-160-190 €
Lacustre et végétale. Dix ans après avoir sorti un livre au titre improbable mais au propos novateur, « Images cuisinées des grands lacs de Savoie », Laurent Petit, épanoui dans sa cinquantaine – à l’âge où les cuisiniers ont tendance à se tasser –, met plus que jamais l’accent sur cette nature prodigue, montage et lac, qui l’entoure. Il porte clairement sa création et son regard sur ces matières premières fécondes et respectueuses d’une terre qu’il a conscience de représenter et qu’il se fait un devoir de préserver. Tout comme la liberté qui consiste ici à choisir menu ou carte sans être ni forcé ni pénalisé, un savant mélange de proposition gardant intacte le champ d’action du mangeur qui pourra se laisser guider parmi la perche comme un anchois, arête croquante, le lavaret en croustillant d’écaille, le fenouil rôti et confit ou la truite confite et soupe de poutargue de lotte du lac d’Annecy comme si Laurent Petit le prenait par la main à la découverte d’une région préservée et prodigue.
ARLES
AUBERGE DU PÈRE BISE JEAN SULPICE
LA CHASSAGNETTE
303 ROUTE DU CRÊT, 74290 TALLOIRES-MONTMIN
perebise.com Menus : 98 (dim soir au vendredi midi)–210 € Carte : 152–210 € Fermé mardi et mercredi
ROUTE DU SAMBUC, 13200 ARLES
www.chassagnette.fr 04 90 97 26 96 Menus 55 (déj.)–85–115 € Plats à partager 69-79 € personne
En descendant de Val-Thorens où il s’est fait connaître, Jean Sulpice a pris un gros risque. La reprise d’une institution oubliée n’est jamais chose aisée… Mais le quadragénaire, en quelques mois et après rénovation totale des chambres aux cuisines, a réussi la première partie de son pari : faire renaître le Père Bise. Il faut cependant le savoir : venir chez le nouveau Sulpice de Talloires a un prix, frôlant voire dépassant les 200 euros par personne, c’est la côte part à payer pour assister au spectacle inouï des bords du lac d’Annecy et soutenir cette jeune ancienne maison en pleine renaissance. Le brochet enroulé sur lui-même, cuit vapeur, à la verveine et aux légumes de saison, le joli « plin » – ravioli – d’escargots au beurre d’herbes, l’omble chevalier sans un délicat pas de deux à la violette ou le fabuleux carré d’agneau cuit au foin et à la pistache, en cocotte « valent largement le détour », comme dirait un guide rouge qui ne tardera pas à lui décerner la plus haute récompense, tout cadrant parfaitement dans le paysage. C’est le deuxième pari – légitime – de Jean Sulpice.
Le verger, la pêche : voici résumé le champ opératoire d’Armand Arnal qui, après une bonne décennie passée au Sambuc, n’a jamais été aussi à l’aise dans ses Converse et sa cuisine. Il s’appuie sur des hectares de productions bio et un réseau unique de petits pêcheurs pour fonder une cuisine d’une sincérité totale, déconnectée de tout artifice, privilégiant les terre ou mer à partager : gigot, daurade ou légumes géants, préparés entiers pour en préserver l’intégrité, et découpés en salle. Accompagnés de riz de Camargue, of course.
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BLAINVILLE LE MASCARET 1 RUE DE BAS, 50560 BLAINVILLE-SUR-MER
www.lemascaret.fr 02 33 45 86 09 Fermé dim. soir et lundi Menus 29-43-57 €
Le turbot arrive immaculé sur son assiette gris sombre. Découpe étrange pour un regard occidental, en aile d’avion épaisse, arêtes tranchantes et fibres apparentes. C’est la signature de Philippe Hardy. Chez lui, on ne transige pas, le poisson doit être tué selon la méthode japonaise de l’ikéjimé (décérébré et saigné vivant), jamais conservé on the rocks, rassis quelques jours, taillé en respectant la texture de la chair, et cuit à basse température. C’est pour cela qu’il s’est installé au bord de la mer et que, depuis, il évangélise le plus de pêcheurs possibles. Un sacerdoce. Mais pas gratuit. Avec une tombée de chou et un fond de veau à l’orange, son turbot atteint des sommets de subtilité, comme s’il venait juste de sortir de l’eau et mourait encore un petit peu. Même le porc de Bayeux est l’objet de toute l’attention du cuisinier et rosit comme une jeune fille avec sa réduction de Banyuls et moka. Ça confine au minimalisme mais, de ces presque riens, on retire beaucoup. Pour 19 ou 24 euros, payez-vous un déjeuner peu ruineux à la Petite Table, et surtout, pensez à réserver.
GUIDE 2018
PARIS I CLOVER GRILL ER
6 RUE BAILLEUL, 75001
www.clover-grill.com 01 40 26 08 07 Fermé dimanche Carte 60-80 €
côte de bœuf de prime Angus à partager à deux (mais on pourrait s’y mettre à trois tout en étant à l’aise), grillée à la perfection, d’une jutosité inouïe. Cher ? Si vous devez manger une fois dans l’année une belle viande maturée et parfaitement cuite, inutile de calculer : c’est là !
change chaque jour en fonction des produits disponibles. Et Chi Wah, monsieur Grattard, continue d’étonner avec ses accords mets-thés.
ELLSWORTH 34 RUE DE RICHELIEU, 75001
www.ellsworthparis.com 01 42 60 59 66 Mardi-Samedi 12 :15-14 :15 Lundi-Samedi 19 :00-22 :30 Dimanche 11 :30-15 :00 Midi : 22-28 € / Soir : 35-65 €
YAM’TCHA 121 RUE SAINT-HONORÉ
La vraie rôtisserie à Paris ? Ne cherchez plus, elle est là, dans cette historique rue de Bailleul, aussi étroite que son histoire dans le Paris ancien est long. Jean-François et Élodie Piège y ont créé le pendant du Clover germanopratin version gros mangeur. Dans une carte d’une joyeuse profusion, on plonge immédiatement vers la galantine de canard pistaché, tranche épaisse, magnifique telle une mosaïque lustrée comme il se doit d’une mince pellicule de gelée. Goûts francs, mâche rustique, c’est impeccable et ça fait office de mise en jambes avant l’immense – vraiment, dans tous son sens – entre-
75001
www.yamtcha.com 01 40 26 08 07 Fermé du dimanche au mardi Menu (déj.) 70 € Dégustation 150 €
Ellsworth est la seconde table du duo américain Braden Perkins et Laura Adrian, qui officient au restaurant Verjus et bar à vins un peu plus haut dans la rue. La cuisine y suit les mêmes lignes : assiettes simples mais précises, avec des goûts francs. Des coques au bouillon à la bière, un os à moelle avec un gratiné sucré au vin rouge, un poulet frit juteux, une dorade accompagnée de topinambours rôtis et saisis pour apporter du moelleux et du craquant à la fois. En note sucrée, les beignets à la ricotta
Une longue salle en L épousant une cour intérieure, trente-cinq couverts espacés, une sobriété qui sous-entend l’Asie : Yam’Tcha est devenu l’une des plus belles tables de Paris. Dans son assertion la plus large, belle et bonne tant la cuisine d’Adeline Grattard – et ce n’est pas nouveau – ne cesse de montrer en douceur sa formidable intensité. Le menu
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sont une transition légère malgré la friture et le duo glace malt et sorbet chocolat noir lié par un espuma de café apporte la touche finale et subtile d’un dessert non bourratif.
UMA 7 RUE DU 9-JUILLET, 75001
www.uma-restaurant.fr 01 40 15 08 15 Lundi-Samedi 12 :30-14 :30 19 :30-22 :30 Déjeuner 19-22-27-32 € Diner 67-82 €
Coincé entre le jardin des Tuileries et la grouillante rue SaintHonoré, Lucas Felzine travaille dans son Uma une cuisine singulière. Imprégnée de ses passages en cuisine chez Alain Passard et chez William Ledeuil, le chef dessine une carte nikkei (mélange des cultures japonaise et péruvienne) végétale et exotique. Au rez-de-chaussée, dans une ambiance bar à tapas, les tacos de bœuf au sésame et à la prune, empanadas et bolas de kaboutcha et chou mariné se marient à la per-
GUIDE 2018
SUPPLÉMENTS SUR LE POUCE COINSTOT VINO 26-28 PASSAGE DES PANORAMAS, 75002
lecoinstotvino.com 01 44 82 08 54 Lundi-vendredi 12 :00-14 :00 18 :00-00 :30
Les années passent (huit ans déjà) et le Coinstot demeure le bon vieux repaire à bien manger (sourcé) et bien boire (nature de tous les coins de France et d’ailleurs) du passage des Panoramas. Guillaume Dupré ne baisse pas de pied, pour toujours s’assurer qu’on prenne le nôtre avec ses tapas ravageurs qui appellent le glouglou qui va bien : « Tu manges quoi ? » et il trouve la quille adéquate, qui tape toujours dans le mille. Tarama incontournable, pizzas fondantes, plat du jour, planche de charcute, fromage ou les deux… Sur le pouce et sur la longueur, le temps de faire honneur à ce qui vous est servi, à l’abri sur la terrasse d’angle couverte ou au chaud dans la belle salle.
FRENCHIE BAR À VINS 6 RUE DU NIL, 75002
www.frenchie-restaurant. com / 01 40 39 96 19 Ouvert 7/7 18 :30-23 :00
Grégory Marchand passe pas mal de temps à Londres, depuis qu’il s’y est installé et y a ouvert Frenchie Covent Garden. Mais les Frenchie de Paris (Restaurant, Wine Bar, To Go), tous tankés rue du Nil, tournent à plein. Sur le pouce, ça se passe au Bar à vins, en face du restaurant, où obtenir une table demeure une affaire de grosse patience (1 à 2 mois complet à l’avance). Rillettes de cochon maison, au vadouvan et toasts melba, coques, légumes de saison, porc Kintoa, bœuf longhorn… Comme ils disent, « les assiettes sont concues pour être partagées », alors régalezvous pour pas beaucoup d’euros compte tenu de la qualité des produits, des cuissons et des vins aux étiquettes saines. Et les fromages sont britons, affinés chez Neal Yard’s Dairy. Et si on veut jouer à Frenchie à la maison, la bible éponyme en 75 recettes existe désormais, récompensée du prix Collet du livre de chef fin 2017.
MIZNON 22 RUE DES ÉCOUFFES, 75004
Lundi-jeudi, dimanche 12 :00-23 :00 Vendredi 12 :00-16 :00 Entrées 4-5,50 €, plats 9,50-12 €
Les pitas d’Eyal Shani, chef-star de Tel-Aviv, et leurs garnitures sont toujours aussi addictives : bœuf bourguignon fibreux, moelleux et juteux, salade de poulet aux herbes – ou d’herbes au poulet ! – ou la régressive pita ratatouille/œuf/tahini. En accompagnement, toujours quelques légumes « brisés », comprenez bien caramélisés : chou-fleur et brocolis, entre autres.
KRAFT HOT DOG 15 RUE DES ARCHIVES, 75004
krafthotdog.com Lundi-jeudi 12 :00-23 :00 / Vendredi-samedi 12 :00-00 :00 / Dimanche 12 :00-23 :00 Hot dog 4-6 € / Formule 7,50 €
GRILLÉ
Chez Kraft, les prix sont cadeau : 4 euros le chien chaud classique. Et pourtant, on ne lésine pas sur la qualité. Dans ce dernier, par exemple, une saucisse made in France et un medley mayo-ketchup comme on n’ose plus en faire. D’autres variantes également : guacamole, choucroute, wok de légumes… Le tout s’accompagne de nachos au cheddar fondu ou de coleslaw maison, par forcément plus light.
15 RUE SAINT-AUGUSTIN, 75002
Lundi-samedi 12h-16h Grillés 8,90 €
Le petit coin de rue, ouvert par Christophe Pellé et Fred Peneau, affiche toujours complet : ça tombe bien, pas vraiment de places assises ici. On prend son grillé agneau, cochon de lait ou veau (pourvus par Hugo Desnoyer) qui dégouline joliment d’herbes d’Annie Bertin, de sauce maison (herbes ou fromage blanc) et c’est gaiement que l’on repart se promener dans les passages cachés du IIe arrondissement.
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LE CAFÉ DE LAMAIRIE NOUVELLE 19 RUE DES FOSSÉS SAINT-JACQUES, 75005
01 44 07 04 41 Lundi-Vendredi 12 :00-14 :00 20 :00-22 :30 Carte 4-26 €
Ça crie de partout, entre le passe et le bar en bois et inox, autour des tables et chaises en bois, des colonnes. Mais c’est le prix à payer pour des œufs mayo régressifs, de la saucisse sèche, de la terrine de foies de volaille ou de la tête de veau roulée. La Grange aux belles, Fanny Sabre, les références sur les quilles sont bien connues et signent un sansfaute avec la proposition food. Pas étonnant que les célébrités de passage à Universal en face s’arrêtent un instant, histoire de retrouver la terre ferme et le vrai.
BONVIVANT 7 RUE DES ÉCOLES, 75005
www.bonvivant.paris 01 43 26 51 34
Avec huit restaurants à leur actif (Beaucoup, Grandcoeur, Jaja, Glou...), Julien Fouin et Ludovic Dardenay en ont vu défiler des bouteilles sympathiques. De quoi garnir leur cave à vins sur la rive gauche, à côté de leur petit dernier, le bistrot Bonvivant. Au verre, nos dernières tocades durables : le P’tit sans gêne, de Bertrand et Lise Jousset en magnum ; et Faustine, du domaine corse Abbatucci. Une bonne vieille Dupont fait également l’affaire pour accompagner le burger
Garden Party, gâteau de Claire Heitzler pour Ladurée, à déguster à Pâques. Recette page 170
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Trente mètres de couloirs plus loin, d’emblée, c’est un gâteau qui sortira dans la salle aux murs blancs du labo juste après Pâques. » Pour l’heure, nous Recherche et développement, les mains sommes en pleine période de Noël, « la de sa petite équipe opèrent : chacune cinquième saison des pâtissiers », et elle de ses idées prend corps ici, s’étaye, s’est attaquée à une montagne : alléger se goûte et se finalise par une série le mont-blanc. « Les classiques, ça rasde tests physiques plutôt drastiques. sure, même si je suis la première à dire L’office sert aussi à la préparation des que c’est un classique très sucré. » Elle nombreux envois presse, activité plus a donc décidé de le revoir en chromie importante qu’il n’y paraît. Une vitre de inversée : l’ovoïde monticule neigeux séparation donne sur un labo jumeau repose sur sa coque de meringue franoù quelques silhouettes en blouses im- çaise, d’une blancheur mate comme maculées bâtissent des pyramides de du papier. Le cercle s’évase en petits macarons décoratives. Anthony, Lucie, picots de la même matière, plantés Guillaume et Pierre circulent sans cesse dans un glaçage iridescent. Répondant autour du marbre, ouvre et ferme les à ce décor comme d’inspiration Fabergé, frigos, jouent de la gâchette du pisto- un disque de vermicelles en crème de let à colorant, débullent les glaçages châtaigne, grammé comme une matière au mixeur plongeant. C’est elle en per- précieuse, sert de socle à un marron glasonne qui a débauché les talents créatifs cé. En l’ouvrant en deux, la consistance des grands restaurants ou des services ferme de la crème fouettée diffuse sa en interne, condition sine qua non pour petite musique vanillée ; dans le creux qu’elle intègre la maison. de la meringue, on a étiré au pinceau Claire détaille un à un les dés de confit une marmelade concentrée pour en de fruits rouges qui viendront ponc- rafraîchir le sucre. Enfin, la Fleur noire tuer de géométriques rappels d’acidité (recette page 171), dessert oxymorique en la pelouse vert printemps de sa « Gar- forme de palet arrondi, renferme une den Party » (recette page 170). C’est une fraîche mousse de chocolat qui s’entrecomposition millimétrée de disques mêle au crémeux vanille pour ne faire très fins – sablé, confit de fruits rouges plus qu’un. « Je peux facilement en manet de pâte de pistache – sur laquelle est ger cinq à la suite, j’en raffole ! » propulsée au pistolet une poudre velou- Plus loin dans le couloir, des hommes en tée de chocolat blanc et de pistache. Elle charlotte ouvrent des boîtes de litchis. nous offre à croquer quelques margue- « La priorité, c’est revoir la composition rites en sucre. Des framboises en plein des glaces », tranche Claire. À cet égard, mois de décembre complètent le décor. Ladurée représente bien tout ce qu’il « Ce n’est pas de saison, s’excuse-t-elle reste à faire en pâtisserie : apporter un
discours clair, aller dans le sens d’une Armé de fines piques de bois qu’il plante certaine transparence qui faisait défaut dans une grande boîte de polystyrène, jusque là. « La difficulté, quand on est Guillaume immobilise la douzaine pâtissier, c’est qu’on travaille beaucoup de gâteaux réalisés pour Cédric Groles fruits déjà transformés. C’est l’une let. L’exercice met fin à l’inexorable des grandes différences avec la cuisine. machinerie à l’œuvre derrière chaque Alors on s’assure que la pâte de pistache, nouvelle sortie : une fois les pâtisseries par exemple, soit 100 % pistache, sans goûtées, approuvées et passées au feu arôme, sans sucre », explique-t-elle. du test de vieillissement – le glaçage ne On imagine bien le défi pour cette an- doit perdre ni en brillance ni en finesse cienne cheffe de palace à grands moyens, avant la dégustation –, c’est l’heure lorsqu’elle a dû laisser de côté tous les du crash test. Claire le réalise souvent petits producteurs de son répertoire. elle-même. « Je prends la voiture, je les Les quelque « 900 macarons écoulés balade. J’essaye de faire ce qu’un client chaque jour à Paris sont assemblés à la pourrait faire, ses pâtisseries à la main, main par une centaine de personnes », avant de rentrer chez lui. » mais pour mettre l’économat au dia- Elle a quitté sa veste de cuisine cinpason de l’exigence contemporaine, la trée pour une ample robe en denim cheffe a dû se retrousser les manches. et des boots à talons hauts. La menue « Dans le macaron chocolat orange, silhouette rejoint le crossover, dépose qu’on a conçu pour tous les pays, on a son chargement de pâtisseries sur la utilisé des oranges bio. Ça nous a pris banquette arrière et démarre direction six mois pour mettre en place le proces- quartier de la Madeleine. sus. Quand on veut tout bio, il faut anticiper, réserver les fruits auprès d’un maximum de producteurs de confiance. Mais on n’est jamais à l’abri d’un aléa climatique sur la production... Ça représente beaucoup, beaucoup d’anticipation. Surtout, et c’est là où ça ne va pas encore assez loin, il faut que ça arrive à l’oreille des clients, mais impossible de communiquer si on n’est pas sûrs à 100 % qu’on aura les fruits sur l’ensemble de la production. »
Cédric Grolet, solaire, au Meurice.
UNE FOIS LES PÂTISSERIES GOÛTÉES, APPROUVÉES ET PASSÉES AU FEU DU TEST DE VIEILLISSEMENT, C’EST L’HEURE DU CRASH TEST
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LE CAHIER DE CUISINE DE CÉDRIC GROLET
MANDARINE TIMUT
PÂTE DE MANDARINES —Q S* de mandarines
GANACHE MONTÉE POIVRE TIMUT Ingrédients —2 30 g de chocolat de couverture ivoire — 54 g de masse gélatine — 1 000 g de crème — 4 g de poivre timut mixé — 2 pièces de zestes de mandarine
Procédé Enlever leurs pédoncules, couper les fruits en 8, retirer l’intérieur en laissant juste 3 mm de chair. Mixer le tout au Thermomix.
Procédé Chauffer un quart de la crème avec le poivre timut. Laisser infuser 30 min. puis réaliser une émulsion avec le chocolat et la masse gélatine. Mixer en ajoutant progressivement le reste de la crème. Chinoiser. MANDARINE POCHÉE CONFITE Ingrédients — 500 g de mandarines — 1 000 g de sucre — 2 000 g d’eau — 1 000 g de sucre n°2 Procédé Enlever les pédoncules de mandarines, couper les fruits en 8, retirer l’intérieur en laissant 3 mm de chair. Les blanchir 3 fois dans l’eau (départ eau froide). Bouillir le sirop, y plonger les fruits et laisser frissonner à couvert sans dépasser 70 °C. Ajouter le sucre n°2 en plusieurs fois dans le sirop afin de le concentrer. Quand les fruits sont tendres, les égoutter, cuire le sirop à 103 °C. Refroidir le sirop puis y replonger les fruits et stocker.
ÉCORCES DE MANDARINES CONFITES Ingrédients — 2 500 g d’écorces de mandarine — 12 500 g de jus de mandarine — 6 250 g de sucre Procédé Mettre dans une casserole les écorces de mandarines prélevées à l’économe sans le blanc. Puis ajouter le jus et le sucre. Laisser frémir jusqu’à ce que les écorces soient suffisamment confites.
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INSERT MARMELADE MANDARINE TIMUT Ingrédients —6 50 g de jus de mandarine — 1 00 g de jus de citron —5 1 g de sucre — 1 2 g d’agar agar —2 50 g de mandarine confite —2 50 g de mandarine fraîche —2 50 g de mandarine acide —2 50 g de pâte de mandarine —2 g de poivre timut Procédé Faire un gel à l’agar agar avec les jus de citron et mandarine. Ajouter la pâte de mandarine, les mandarines confites, la mandarine acide et le poivre timut. Garnir des moules sphère (4,5 cm de diamètre). Faire le montage dans des moules de 5,5 cm de diamètre.
ENROBAGE ORANGE Ingrédients —5 00 g de chocolat de couverture ivoire —5 00 g de beurre de cacao —5 g de colorant liposoluble orange — 1 0 g de colorant liposoluble jaune Procédé Faire fondre le chocolat et le beurre de cacao ensemble, puis mixer en ajoutant les colorants. * QS : quantité suffisante