Dans le brasier bourguignon PHOTOS Flore Deronzier
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Fin avril, le froid s’installe et le gel menace le vignoble bourguignon. Flore Deronzier, photographe grandie à Beaune, est à l’affût. à Meursault et Pommard, elle a saisi sur le vif les tentatives – souvent désespérées – d’une région solidaire de ses vignerons pour lutter contre le dérèglement climatique.
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La nuit de Nicolas a été anxieuse, parce que la météo a annoncé des températures négatives, en cette fin avril. « Le 22 au matin, au réveil, j’avais un mauvais pressentiment. Dans les rangs, les bourgeons étaient grillés ; les feuilles
pointaient vers le bas, alors qu’à cette heure de la journée, d’habitude, elles regardent le soleil. » Sur certaines de ses parcelles, l’Angevin Nicolas Réau a perdu 100 % de ses raisins dans cet épisode 2017 de « violence
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climatique, répétée, presque récurrente ». Pas assuré, comme 85 % des vignerons, ravagé autant que ses vignes ce matin-là, Nicolas Réau ajoute : « Malheureusement, je ne suis pas le seul. »
De fait, la France enregistre cette année sa pire récolte depuis 1945 et – 17 % par rapport à l’année précédente.
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Le printemps 2017 a été dévastateur. Il s’annonçait bien pourtant et puis le gel a opéré des coupes claires, à coups de – 4 / – 5°, dans tout le vignoble français : Bordeaux, Vaucluse, Cahors, Bugey, Chablis, Bourgogne…
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À Chablis, des vignerons ont vaporisé de l’eau sur les vignes, pour que la pellicule de glace enrobe et protège feuilles et bourgeons plutôt que les attaquer en profondeur.
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Ailleurs, comme à Meursault et Pommard, viticulteurs et villageois ont allumé bougies et feux de paille.
Flore Deronzier est née, vit et travaille à Beaune. Depuis qu’elle a 14 ans, elle sait qu’elle veut faire de la photographie. Au grand angle. Pour son plaisir, elle parcourt les rangs de vignes à toute heure et en toute saison parallèlement
à la gestion de son agence, Rouge Cerise. De ce qu’elle a saisi, elle en a fait une collection, « Hymne à la vigne ».
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Fin avril, le froid s’installe et le gel menace le vignoble bourguignon. Flore est à l’affût. Et nous raconte : « Les syndicats des différents villages de la côte de Beaune s’organisent. Les agriculteurs, très solidaires,
fournissent des bottes de paille. Elles sont disposées dans toutes les parcelles. Certains décident d’utiliser les bougies. Une technique connue, mais coûteuse et longue à mettre en place.
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Disposée dans chaque rang à environ un mètre d’intervalle, elles permettent de réchauffer les plants. Cette fois-ci, elles ne seront utilisées que marginalement.
« Le 27 avril au petit matin, les Meurisaltiens sont sur le pied de guerre. Viticulteurs, amis, famille, voisins, tout le monde est mobilisé. Les bottes s’allument, la fumée s’échappe. Elle recouvre petit à petit l’ensemble des parcelles du village.
Au lever du soleil, le paysage féérique que dégagent les fumées contraste avec l’enjeu. La température est relevée au fur et à mesure que les rayons du soleil arrivent. La couche protectrice des fumées fonctionne. La vigne tiendra bon.
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La journée du 29 avril fut la plus compliquée à gérer. Les températures prévues étaient très basses, et les météorologistes ne s’étaient pas trompés. C’est également cette journée qui restera sans doute ancrée dans
toutes les mémoires. Dès 4h30 du matin, l’ensemble de la côte de Beaune s’embrasait littéralement. À Pommard, les vignerons ne laissaient aucune chance au gel. Des feux étaient allumés de toutes parts. La technique
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a fonctionné. Quelques parcelles ont souffert mais la plupart ont été préservées. En plus d’être soulagés, les viticulteurs ont retenu une chose essentielle : ensemble et unis tout est possible ! »