Vivre l'Espagne de l'intérieur : Héritage et Enjeux des villages de Colonisation - Part 1/4

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VIVRE L’ESPAGNE DE L’INTÉRIEUR : HÉRITAGE ET ENJEUX DES VILLAGES DE COLONISATION A travers une étude territoriale du Bajo-Guadalquivir Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-La-Villette Séminaire Milieux habités : « Héritages, créations et régénérations »

Audrey Schouteten Mémoire de Master 2 en Architecture



REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidé à élaborer ce travail de mémoire de recherche. Je remercie tout d’abord Pierre Bouilheul, qui m’a encadré à distance dans mes premières intuitions et investigations lors de mon année à Séville. Je remercie ensuite Victor Fraigneau, qui m’a accompagné dans la rédaction, mise en forme et finalisation du mémoire. Je voudrais remercier l’ensemble des encadrants du séminaire Milieux Habités, pour tous nos échanges, et particulièrement Céline Bodart et Dimitri Szuter, Xavier Bonnaud, responsable du séminaire, Clara Delmond, qui m’a permis d’échanger avec son équipe de MEAT Architecture pour le projet de La Bazana : Claire Vernhes et Adrien Picandet. Je remercie le laboratoire Gerphau, groupe d’études et de recherches philosophie, architecture, urbain. Je remercie biensûr également l’ETSA Séville, l’Université de Séville où j’ai étudié pendant un an dans le cadre de mon Erasmus qui m’a permis de découvrir les territoires Andalou et notamment Eduardo Mosquera, professeur du cours « Paisaje, Territorio y Arquitectura de Andalucía » qui a contribué à mon intérêt pour l’Andalousie et m’a aiguillé dans certaines recherches. Je remercie, l’ENSAPLV pour l’accompagnement dans mon parcours depuis la première année et qui m’a permis de réaliser l’Erasmus à Séville. Et pour finir, je remercie ma famille pour son indéfectible soutien.

Mémoire de Master 2 en Architecture Soutenance Janvier 2021 Encadrants : Victor Fraigneau, Pierre Bouilhol, Céline Bodart Responsable du Séminaire : Xavier Bonnaud Première de couverture : Au bord du village de Los Chapatales, Croquis personnel, Juillet 2020


Cartographie de la vallée du Guadalquivir, Dessin personnel réalisé à la main, Octobre 2019

« Hay dos Españas, hay una España urbana y Europea, y una España interior y despoblada, que he llamado España vacía... Y, sin embargo, la España urbana no se entiende sin la vacía. Los fantasmas de la segunda están en las casas de la primera. » Sergio del Molino


AVANT-PROPOS

C’est suite à mon année de mobilité passée à Séville, en Espagne, que je rédige ce mémoire. La découverte des territoires sud-espagnols aura été pour moi très enrichissante et à l’origine de toutes mes réflexions et questionnements. Dès mes premiers pas en Andalousie, j’ai été interpellé par les paysages ruraux, leur étendue et leur caractère singulier. L’expérience initiale, qui m’a fortement marqué, est celle du trajet Séville-Cordoue par le train… « A peine sorti de la gare, le train passe devant quelques immeubles, des entrepôts et très vite on ne perçoit que des champs. Alors que dans les grandes villes françaises, on trouve généralement la banlieue après la ville, ici le changement est brusque. La ville s’arrête là où commence la campagne. On peut observer quelques habitations, des fermes isolées, des infrastructures routières qui traversent le paysage de manière conséquente, tout semble inhabité. Certains champs sont asséchés, d’autres très verdoyants, des champs de coton, d’oliviers. Le train s’arrête dans certaines gares desservant ce qui semble être des petites villes, sans vie, aucun habitant, des logements qui paraissent précaires, compactes, une église, des entrepôts en ruine. Le temps est passé, les édifices enduits laissent apparaître la pierre... Entre chacune de ces villes, ce ne sont que des champs sur une distance assez importante. Elles se succèdent au pied des vallons, le long de la voie ferrée qui s’entremêle avec le tracé du Guadalquivir, le fleuve qui traverse Séville ainsi qu’une grande partie de l’Andalousie. » D’après mes notes du 19 Septembre 2019, Sur le chemin de Cordoue

C’est à la suite de ce voyage que sont nées mes premières interrogations sur ces villages ou petites villes qui semblaient inhabités : Qui habitent ces petites villes ? Comment vivent-ils loin des grandes villes auxquelles elles paraissent déconnectées ?

Ces observations m’ont poussé à m’intéresser aux relations entre milieux urbains et milieux ruraux dans le cas des territoires sud-espagnols, mais aussi à la question de l’héritage de ces villages semblant abandonnés et dépeuplés et la manière d’y habiter, isolé de la « vie urbaine », des grands noyaux urbains densément peuplés, loin de cette société de consommation que nous vivons actuellement. Par la suite j’ai découvert, les « Pueblos de colonización », les villages de colonisation agraire, qui ont attiré mon attention tant par leur identité architecturale, urbaine et paysagère, que par la richesse sociale, culturelle et historique qui s’est développée sur ces territoires au cours du temps et implique de nombreux enjeux de nos jours, dépassant la question du dépeuplement. Ces anciennes « villes agricoles » feront l’objet d’étude de mon mémoire, permettant de me questionner sur le rapport exploitation agricole/peuplement et la relation des habitants à leur territoire. Ayant étudié un an de géographie à l’Université Paris Sorbonne avant d’intégrer l’école d’architecture de Paris-La Villette, j’ai toujours eu un intérêt pour la grande échelle et les notions de paysages, territoires, qui me semblent indissociables des paysages bâtis et de l’architecture. Ce mémoire fait également suite à mon rapport de licence dans lequel j’abordais déjà la tension projet bâti et projet de territoire à travers la notion d’identité territoriale. Le développement de ce mémoire sera basé sur une étude de cas, une réalité concrète qui interroge, celle des villages du Bajo-Guadalquivir, que je croiserais avec des données scientifiques, des théories, des modes de pensées et des projets contemporains. Je souhaite donner une place importante au territoire d’étude, par le travail de terrain, la cartographie et la photographie.


Le territoire sévillan, en s’éloignant de la métropole ...

Séville, capitale Andalouse, Photographie argentique couleur, Septembre 2019


Santiponce, « Ville satellite », Photographie argentique couleur, Septembre 2019 A 12 km de Séville, déjà un paysage de campagne dominant.


Les rues de Santiponce, Photographie argentique couleur, Septembre 2019


Aux abords de Santiponce, Photographie argentique couleur, Septembre 2019 Les infrastructures routières longent et traversent la ville.


SOMMAIRE

Introduction ............................................................................................1

1. Etude d’un territoire : Les villages « oubliés » du Bajo-Guadalquivir ............................... 7 1.1. Une construction historique et géographique d’un territoire rural dominé par l’eau .................................................................................... 9 1.2. Los Chapatales et El Trobal : Des villages qui ont traversé le temps sans se renouveler ...........................................................................21 1.3. L’observation d’une déterritorialisation ................................................... 45

2. Une recontextualisation à l’échelle globale : La colonisation agraire du XXe, Patrimoine rural ....................... 75 2.1. La « colonisation agraire » : Récurrences d’un phénomène de l’Europe d’après-guerres ............................................................................ 77 2.2. Les territoires colonisés de nos jours : Les héritages de la période de modernisation ......................................................................... 87 2.3. Les spécificités de la colonisation agraire Espagnole ....................... 101

3. Vers une reterritorialisation des villages : Des actions pour faire vivre ces territoires ruraux ..................... 123 3.1. Renouer avec le territoire, localité, ruralité .......................................... 125 3.2. L’architecte face aux villages de colonisation et l’émergence de projets en Espagne .............................................................................. 131 3.3. Pour un scénario de vie : initiatives et acteurs .................................... 143


Conclusion ......................................................................................... 157 Bibliographie ..................................................................................... 161 Table des matières ............................................................................167


INTRODUCTION

1.

Selon les propos d’Eric Charmes dans l’ouvrage La revanche des villages, Essai sur la France périurbaine, p.8

A l’heure de la mondialisation, de la saturation des espaces terrestres, de la multiplication des grandes villes et des espaces urbains, les professionnels de diverses disciplines se questionnent sur de nouveaux modes d’habiter. Le conflit de la ville contre la campagne est dépassé et la ruralité est au centre des discours¹. Les réflexions émergent au sujet du rural, de sa place au sein du territoire et plus largement de la question du local et du global.

L’ESPAGNE RURALE 2. D’après les propos de Sergio Del Molino, écrivain espagnol, dans son ouvrage La España Vacía, Viaje por un país que nunca fue. Il engage avec cet ouvrage un débat sur les conséquences de l’abandon du milieu rural qui est pour lui bien établit aujourd’hui. 3. D’après les chiffres de l’INE Madrid et les textes « Mapa de la España Vacía » et « Población y despoblación en España 2016, El 50% de los municipios españoles, en riesgo de extinción ».

« Where people live in Europe ? », Cartographie de la répartition d’une densité de 10 habs/ km2, http:// www.statsmapsnpix.com/2017/12/ population-density-in-europe.html

L’Espagne est un pays qui n’a pas échappé à la crise du rural qui s’est observée dans l’ensemble de l’Europe. Sergio Del Molino, parle de « l’Espagne vide », une Espagne intérieure qui serait dépeuplée à la différence de « l’Espagne urbaine » associée aux grandes villes tel que Madrid ou Barcelone ainsi que du littoral2. Il parle de l’Europe comme un continent homogène et peuplé alors que l’Espagne est vide, constituée de paysages rares, désertiques et montagneux. Le pays touché aujourd’hui par un « déclin rural », a toujours entretenu une relation ville/campagne particulière. La ville et la campagne ont toujours eu des difficultés à communiquer bien que l’une ne fonctionne pas sans l’autre. Au cours de l’histoire, les villages se sont dépeuplés par divers épisodes d’exode rural jusqu’à aujourd’hui où la grande partie de la population vit dans les villes. Un grand nombre de ces villages risque l’extinction, certains ne sont déjà plus que des ruines. Les campagnes ont longtemps été délaissé par les politiques espagnoles, davantage tournées vers les capitales que vers la réalité vécue de son arrière-pays. Les campagnes perçues comme des lieux hostiles représentent pourtant 96 % du territoire espagnol dont 50 % des municipalités seraient en risque d’extinction. Le constat actuel est le suivant : 80% de sa population vit en ville, soit sur 4% du territoire3. Durant l’époque moderne toute l’Europe a connu une croissance de ses villes de plus en plus forte alors que les campagnes se sont appauvries. Karl Marx, dans Le Capital parle de « triomphe de la ville sur la campagne ». Le « Grand traumatisme », correspondant aux années 1950 à 1970, a grandement affecté l’Espagne qui s’est soudainement urbanisée et a vu ses villes doubler de tailles en seulement 20 ans. Alors que les villes connurent cette croissance démographique, les campagnes ont continué à se vider à l’exception des grands bassins fluviaux du pays. C’est en effet à cette même période, que la politique franquiste s’est tournée vers les espaces ruraux en y décidant de construire des villages pour héberger un grand nombre de colons dans l’objectif d’un développement rural basé sur une gestion de l’eau associée aux fleuves. Ainsi, ces vallées ont connu un schéma inverse par rapport aux autres territoires ruraux en accueillant de nouveaux habitants. A la différence de certains

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Ruines du village de Pardos, Zaragoza, https://www.enjoyzaragoza. es/pueblos-abandonados-aragon/

villages inhabités, les « Poblados de colonización », qui sont des petites villes anciennement agricoles, ont été construits tardivement, ce qui fait qu’ils n’ont pas été autant affectés par le temps et les exodes ruraux. Certains de ces villages de construction récente ont été abandonné et tendent à suivre l’évolution des villages vers le « déclin rural », d’autres rendus inhabitables par les inondations dues à des infrastructures liées à l’eau trop importantes qui ont fragilisé le milieu, mais d’autres persistent, sans jamais avoir perdu ses habitants, dégageant une certaine force identitaire et une potentielle manière d’habiter le rural qui interroge. Un exemple de village ancien, qui représente beaucoup d’autres dans le pays et qui met en évidence l’abandon du milieu rural

Cartographie de la densité de population espagnole, un point correspondant à 100 habs/km2, https://www.soycorredor.es/noticias/municipios-menos-10000-habitantes-tampoco-tendran-franjas-horarias_55377_102.html

« Aujourd’hui, l’Espagne est le pays le plus dépeuplé d’Europe (...), 13% de son territoire est déjà officiellement un désert démographique. » Ethic, « Mapa de la España Vacía »

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TERRRITOIRE ET QUESTIONNEMENTS Dans le contexte actuel de crise liée à l’industrialisation, la croissance urbaine sans précédent, la mondialisation, l’Espagne a su préserver une grande partie de son territoire du peuplement humain cependant, son territoire a été fortement transformé par les infrastructures liées à la modernisation et la mécanisation de l’agriculture. Le régime Franquiste avait dénoncé cette situation de pauvreté mais les transformations réalisées ont grandement altéré l’Espagne rurale et ses paysages. Les travaux de la modernité, liés à la politique franquiste décriée, ont laissé une empreinte de l’activité humaine dans le territoire et ont grandement transformé le milieu et minéralisé le sol.

Qu’en est-il de cet héritage ? Que deviennent ces constructions en milieu rural de nos jours ? Comment se vivent ces villages aujourd’hui ? Sont-ils habitables ? Quel impact peut-avoir le progressif dépeuplement sur le territoire ? Quel est l’état d’abandon ou de conservation ? Que doit-on faire d’un tel héritage dont l’histoire est assez lourde ? Que faut-il conserver ? Comment agir et s’intéresser à ces villages méconnus et délaissés ? Un grand nombre de ces villages se trouvent en Andalousie. Dans cette région, la situation est particulière, puisque le changement climatique à des conséquences importantes dans une région déjà chaude au climat méditerranéen, ce qui incite probablement à rejoindre les grandes villes comme Séville ou bien les villes du littoral, bien que ce soit la région du pays la plus homogène en terme de peuplement. Je m’intéresserais au territoire du Bajo-Guadalquivir, situé entre Séville et la côte Atlantique, un territoire qui comprend plusieurs villages de colonisation associé au bassin fluviale du Guadalquivir dans l’idée d’étudier les spécificités locales d’un territoire anciennement colonisé qui aujourd’hui a perdu tout lien avec ses habitants et les villages qu’ils habitent, tout en inscrivant ce phénomène à une échelle globale. 4. Selon l’ouvrage La biorégion urbaine : petit traité sur le territoire bien commun d’Alberto Magnaghi p.10. 5. Dans l’ouvrage Un sol commun : Lutter, habiter, penser de Marin Schaffner. Pour Bruno Latour, sociologue et anthropologue Français, Il y a une complexité puisque la réponse à cette crise de la globalisation ne peut pas seulement être locale. « La tension locale/globale est problématique. » p.93-94

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Alberto Magnaghi définit le territoire comme le résultat d’une « co-évolution » entre le milieu vivant et les sociétés humaines4. Pour les géographes, il s’agirait d’un « espace approprié ». Bruno Latour, dans l’ouvrage Un sol commun, définit le territoire comme non pas un découpage administratif mais « ce dont on dépend collectivement ». Il affirme « Il y a une crise extrême de ré-habitation de territoires »5. Chaque territoire présente des spécificités, des réalités divergentes qui mèneraient à des réponses différentes. A la différence de certains paysages ruraux tels qu’on pourrait les observer en France où les villages sont généralement rattachés aux champs, où il existe des relations, des cheminements, la distance entre les villages en Espagne est davantage importante et la relation aux terres comme établit durant la fin du XXe siècle a disparu. Avec le temps et les changements qui se sont opérés dans


la société. Les colons et leurs descendants ont perdu leurs terres, leur autonomie économique, et le lien qu’ils entretenaient avec leur sol. Aujourd’hui, les villages semblent être des « lieux dortoirs », sans aménités, et les habitants vivent détachés des paysages qui les entourent et qui sont pourtant la raison pour laquelle ils se trouvent ici.

ENJEUX Aujourd’hui, le problème est que la population se concentre dans les villes ce qui génère une urbanisation qui s’étend sur des territoires non construits, tandis que les campagnes se vident et des constructions existantes deviennent inutilisées, des déchets de béton… Ce qui est préoccupant, c’est que toutes les constructions qui ont transformé ces territoires vont finalement persister sans que personne n’en bénéficie alors que vont se multiplier de nouvelles interventions en périphérie des villes qui vont avoir un fort impact économique et écologique. Le sujet fait intervenir divers enjeux qui concernent la société actuelle. Tout d’abord, il y a un enjeu écologique, lié à l’habitabilité de la Terre6. Le mode de vie occidental qui se développe suite à la fin de la Seconde Guerre mondiale a souhaité s’affranchir de toutes les contraintes, en exploitant les ressources sans limite et que celui-ci s’est développé sur l’ensemble de la planète, « entraînant de profondes perturbations sociales et environnementales »6. L’habitabilité du milieu rural participe à cette notion d’équilibre. Aujourd’hui le milieu rural constitue un enjeu essentiel. Phillipe Descola affirme le fait qu’il existe des inégalités dans l’habitabilité dont il faut se préoccuper puisque avec le réchauffement climatique, une partie des territoires va devenir inhabitable7. A cela s’ajoutent les enjeux économiques. Il serait favorable de réhabiliter, de redonner vie à l’existant plutôt que de construire davantage sur des territoires inoccupés. Ainsi, on se pose de nouvelles questions.

L’existant serait-il la source d’une nouvelle habitabilité du territoire ? Comment réhabiliter, redynamiser de manière économique et écologique ? Par quels moyens revitaliser ? En quoi habiter le rural est-il une « solution » à l’équilibre territorial ? En Espagne, les enjeux sont importants puisque le dépeuplement est un phénomène préoccupant qui s’intensifie, provoquant une « détérioration » au sein de la communauté qui ne peut par conséquent plus survivre, et du territoire. En effet, le rural est touché par les exodes vers les villes, mais aussi le vieillissement de sa population. Il s’agit d’un enjeu social. Ce dépeuplement est la conséquence d’une déterritorialisation8. José Fariña Tojo identifie les superficies de faibles densités urbanisés et fragmentées comme les actuels territoires concernés par la réhabilitation et régénération urbaine. Pour elle, ces territoires dépendant des mobilités horizontales interroge dans le contexte actuel. En 2000, l’empreinte écologique espagnole était de 5,7 HA/hab alors que la moyenne de l’Union européenne était de 4,8 HA/hab9.

6. D’après l’ouvrage Un sol commun : Lutter, habiter, penser de Marin Schaffner. L’écologie est définie comme « la science des conditions d’existence ». Elle interroge les manières d’habiter et la notion d’équilibre, et par conséquent de déséquilibre. p.65 7. Comme l’explique Xavier Guillot et Phillipe Descola dans le Volume 1 de l’ouvrage ERPS : « Réflexions introductives / stratégies pédagogiques ».

8. D’après l’article intitulé « Informe sobre núcleos deshabitados » : « Les conséquences du dépeuplement et de l’abandon du patrimoine bâti se manifestent sous la forme d’une détérioration générale du capital territorial. Lorsqu’une ville est inhabitée, il y a une perte sensible de capital naturel en raison de la perte de biodiversité associée aux usages traditionnels. La diminution du capital physique, dans la dégradation des éléments bâtis et dans les réseaux de gestion des terres est également visible. Les pertes en capital humain sont visibles. Il y a également la ruine du capital social, la disparition de la capacité collective à mettre en oeuvre et à maintenir une stratégie culturelle de gestion des ressources locales ». p.6 9. D’après les propos de José Fariña Tojo dans l’article intitulé « Ciudad sostenible, rehabilitación arquitectónica y regeneración urbana » : « Ce devient une problématique de gestion des territoires à partir du moment où la consommation planétaire dépasse sa capacité en ressources. » p.15

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10. Dans ce même article « Ciudad sostenible, rehabilitación arquitectónica y regeneración urbana ». 11. Dans l’article « Ciudad sostenible, rehabilitación arquitectónica y regeneración urbana » : « Le vrai problème du XXIe siècle est de faire face à cela dans les zones d’interface fragmentées de faible densité. Nous devons convertir tous ces territoires d’urbanisation fragmentés et dispersés en quelque chose de différent, qui peut fonctionner avec une consommation de la planète bien inférieure à celle actuelle et permettant malgré cela une vie décente à ses habitants ». p.15 Dans l’article « Nuevos instrumentos de planificación y gestión de la rehabilitación y la regeneración urbana » : « La réhabilitation des bâtiments et la régénération urbaine sont aujourd’hui un impératif social, collectif qui doit être abordé dans une perspective d’action urbaine et comme alternative économique ». p.42

Aujourd’hui, l’idée des professionnels est de rechercher des manières durable d’aménager les territoires. Les villes laissent de larges espaces entre chacune d’elles, un espace davantage important dans les territoires espagnols où les noyaux de populations sont peu nombreux10. L’enjeu d’habiter le rural est celui d’une urbanisation qui se baserait sur l’idée de réhabiliter, reconstruire, réutiliser l’existant, l’urbain de manière plus écologique, tout en offrant une qualité de vie à ses habitants11. Il survient la question de l’héritage de l’existant, du patrimoine et de sa réutilisation et revitalisation mais aussi la question de l’identité. Le territoire du Bajo-Guadalquivir et plus largement les villages de colonisation ouvrent une réflexion au croisement entre une problématique générale liée à des tensions locales, associées ici aux problématiques du rural; avec le global, lié au phénomène de mondialisation et de l’héritage de la modernité; de l’identité et de l’ancrage territorial. L’enjeu principal est de reconnecter les habitants au territoire et de comprendre pourquoi ces paysages ruraux modernes se sont appauvris et de quelle manière il serait possible de renouer les habitants au territoire dans lequel ils vivent. Il s’agit également de redonner une place aux territoires ruraux dans l’organisation territoriale, impliquant une redéfinition des rôles des acteurs locaux. Il s’agit d’une réappropriation.

Quels sont les enjeux que constituent les villages de colonisation dans la manière d’habiter le milieu rural en Espagne ? Comment et pourquoi réhabiliter et revitaliser des villages modernes d’origine Franquistes ? Comment développer ces villages de manière à rattacher les habitants à leurs terres, à leur paysage, en leur offrant un projet de vie durable au sein de ces villages ?

PROBLÉMATIQUE Il y a 50 ans, la colonisation agraire a engendré la construction de nouveaux villages qui ont contribué au développement économique du pays tout en abritant une nouvelle population rurale qui souhaitait une nouvelle vie. Aujourd’hui, cette période de l’histoire laisse des traces dans les territoires ruraux de l’ensemble du pays. Témoins d’un acte très modernisateur, ces territoires sont à récupérer afin que le bâti ne devienne pas que des ruines. Les villages de colonisation constituent de nombreux enjeux. Tout d’abord, leur construction plutôt récente fait que les villages n’ont pas encore été décolonisés pour la plupart, mais qu’ils ne se sont pas repeuplés non plus ou très peu, constituant un risque pour le devenir du village. De nos jours, ces villages sont en situation d’impuissance face au contexte politique et économique actuel qui donne davantage d’importance à la grande ville, lieu d’emploi, de consommation… Les villages sont délaissés par les politiques

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et peu connus de sa population et pourtant des habitants y vivent et il faudrait prendre en considération leurs valeurs, aux nouveaux usages qu’ils requièrent. Je poserais donc la problématique suivante :

Quels sont les enjeux que constituent les villages de colonisation d’origine Franquiste dans la manière de ré-habiter de manière durable le milieu rural en Espagne ? MÉTHODOLOGIE Dans un premier temps, j’effectuerais une étude du territoire du Bajo-Guadalquivir, à travers les villages d’El Trobal et Los Chapatales au sein de leur paysage agraire permettant d’identifier les spécificités du territoire et des localités auxquelles nous nous intéressons et de faire émerger les premiers enjeux à partir d’un travail d’observation de terrain et de recherches. Dans un second temps, je chercherais à recontextualiser le territoire d’étude en traitant du phénomène de colonisation agraire, à l’origine de la transformation des territoires ruraux par la modernité, à une échelle globale et principalement Européenne. Nous verrons à partir d’études de cas et de recherches historiques et actuelles, que ces territoires hérités soulèvent aujourd’hui des questions au croisement entre développement rural et patrimoine rural. Et pour finir, je m’interrogerais sur la manière de rattacher les habitants à leur territoire, en vue de penser une reterritorialisation. Il s’agira de définir les processus territoriaux et d’en expliquer les principes à partir de discours de théoriciens de diverses disciplines, avant de s’intéresser aux initiatives, actions et projets contemporains qui peuvent avoir lieu dans ces territoires dans l’objectif de les faire vivre, en identifiant des outils, des enjeux,

des acteurs.

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