Territoire et identité

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RAPPORT D’ETUDES

Territoire et identité

de Audrey Schouteten L3 ENSAPLV Encadré par M. Conci et L. Destombes



C’est après avoir étudié un an en géographie et aménagement du territoire à l’université Sorbonne Paris IV que j’ai intégré l’Ecole Nationale Supérieure d’architecture de Paris la Villette il y a trois ans. Je réalise ce rapport d’études en troisième année d’architecture, à partir de questionnements personnels ayant émergé durant mon parcours. J’ai été marqué par mon année en géographie qui m’a permis d’appréhender des notions que l’on retrouve en architecture, le territoire, la ville, le paysage ... J’y ai également découvert les différentes géographies qui existent, celle des populations et dynamiques urbaines, celle de l’économie celle des paysages agraires, du système-terre, de la biosphère. Dans chacun de ces domaines, la cartographie était présente, à l’origine de la compréhension de nos territoires. Je suis arrivée en architecture avec ce parcours derrière moi sans jamais m’en défaire. Les interrogations que j’ai pu avoir depuis la première année m’ont amené à la question de l’identité dans la conception architecturale et urbaine, que je développerai dans ce rapport.


Charpente réalisée en bois local, Photographie réalisée sur un chantier humanitaire auquel j’ai participé en 2018 dans le village de Las Minas en Equateur

Croquis d’observations des usages à la piscine de la Butte-aux-Cailles à Paris dans le cadre d’une étude en sociologie urbaine, 2018


AVANT-PROPOS Naissance des questionnements Je réalise cette étude dans un contexte ou la réflexion territoriale sur la biorégion urbaine, défendue par A. Magnaghi commence à être intégrée dans la pensée des professionnels mais aussi au sein des Ecoles Nationales d’architecture telles qu’à Lyon, Bordeaux ou encore Grenoble. La thématique du territoire et de son identité est pour moi évidente puisqu’elle m’a suivie tout au long de ma licence, mais aussi au cours d’expériences que j’ai pu vivre en parallèle comme la participation à la conception et réalisation d’une école en Equateur au sein d’une association humanitaire. Dès la première année, j’ai été sensibilisé à l’observation d’un lieu à travers notamment des travaux de sociologie urbaine. J’ai été attiré par la manière dont on peut enquêter et appréhender le terrain par le regard mais également par la rencontre et le dialogue avec des interlocuteurs qui apportent un nouveau regard à la compréhension d’un site. Ce travail de terrain, se retrouve aussi en atelier de projet afin d’avoir une connaissance de là où nous allons réfléchir à un projet. De plus, nous avons toujours été encouragé à réaliser un projet tissant des liens avec la temporalité, l’histoire du site, la manière dont les habitants habitent le quartier, l’architecture existante. Au fur et à mesure des semestres j’ai remarqué que les enseignants cherchaient à ce que nous valorisions ce qui fait la particularité d’un lieu, ses valeurs, sa singularité, que ce soit le paysage végétal, le paysage bâti, l’éthique, les habitants. Toutes ces choses m’ont conduite à m’interroger sur l’identité qui est pour moi essentielle dans la pensée d’un projet.


Je répondrais à mes interrogations en faisant des parallèles entre la théorie et la pratique selon un plan qui traite de l’identité dans la réalité d’un territoire vécu et pratiqué, dans la législation et pour finir dans la conception.

Une urbanisation qui avance à grand pas à Noisy-le-Grand, 15 mars 2019


SOMMAIRE Territoire et identité Introduction .....................................................................................................1

I. Entre théorie et observation :

Identification des critères distinctifs d’un lieu, ce qui fait identité ..............3 - L’identité chez Alberto Magnaghi et Mathias Rollot ............................................................3 - Le choix d’un terrain d’étude : le centre historique de Noisy-Le-Grand .................................5 - Déceler l’identité du lieu ..................................................................................................7

II. Une construction de l’identité territoriale guidée par la législation :

Comparaison du territoire du Grand Paris avec la métropole de Grenoble..17 - Un territoire du Grand-Paris voué à se transformer ............................................................17 - La place d’un centre historique dans la métropole : le cas de Noisy-le-Grand .....................21 - De Noisy-le-Grand à la métropole Grenobloise : quelle comparaison ? .............................25

Conclusion : Rétrospective sur un projet urbain ........................................33


INTRODUCTION

Aujourd’hui, alors que la grande urbanisation ne cesse de progresser, les questions liées à l’identité se développent chez les habitants qui prennent de plus en plus d’initiatives mais également chez les professionnels de l’aménagement et de l’architecture, voyant celle-ci menacée. L’architecture s’ouvre à de nombreux questionnements qui n’étaient pas traité avant, s’entremêlant davantage à d’autres disciplines. La notion de territoire est récente dans les réflexions architecturales. Dans ce développement, je considérerais le territoire selon la définition élaborée par l’italien Alberto Magnaghi dans son livre sur la biorégion urbaine : Le territoire est « Le résultat de la co-évolution nature/culture. Il se forme par la relation des hommes qu’ont avec la terre sur laquelle ils vivent. » C’est en partant de l’idée que l’humain, son installation sur les terres, ce qu’il a construit, mais aussi ce qui persistent de naturel constituent le territoire par le biais d’échanges et interactions que je vais développer ma problématique puisque la question d’identité est inséparable de celle du territoire.

Si l’on considère que l’architecte dans sa conception, doit répondre à la manière d’habiter du lieu où l’on construit, on peut se demander : A quel moment doit-on en tant qu’architecte intégrer l’identité territoriale, si celle-ci existe, pour quelles raisons et par quels biais ? Parler d’identité, c’est s’intéresser aux caractéristiques d’un espace qui en fait un endroit particulier, qu’elles soient sociales, culturelles, ou géographiques … Cette identité se remarque sur un espace défini qui est le territoire. En géographie, le territoire est considéré comme un espace approprié. Pierre Merlin et Françoise Choay parlent de la « dimension temporelle d’appropriation et de constitution ». L’identité ne serait donc pas forcément définie et se constituerait sur une longue durée, une construction. L’identité évolue, peut exister, se transformer, se perdre et même revenir. L’identité n’est pas fixe mais plutôt liée aux temps et aux habitants. L’identité peut être traité et faire l’objet d’interventions architecturales à différentes échelle mais je m’intéresserais particulièrement à la grande échelle du territoire. L’identité est une construction collective, un commun que l’on met en place, il constitue les ressources, les biens possédés par une espace et une population. C’est dans le commun qu’on trouve ce qui est distinctif d’un territoire à un autre, d’une identité à une autre. En France, on peut observer des paysages différents, des cultures différentes, des territoires différents et donc une diversité des identités. En partant de cette hypothèse, je tenterais de répondre de manière non exhaustif à la problématique en développant une réflexion pré-


-cise sur un territoire choisi. Mes recherches se baseront d’une part sur des lectures théoriques et d’autre part sur l’analyse d’un terrain, Noisy-leGrand, et de sa législation. Pour cela je me poserais la question :

Qu’est ce qui fait l’identité du centre historique de Noisy-le-Grand et quels sont les enjeux liés à cette identité, d’un territoire du Grand Paris voué à se transformer, dans le projet urbain ? Dans une première partie, je partirais à la recherche de la définition d’identité à partir des discours tenus par deux théoriciens en architecture. Il s’agit tout d’abord d’Alberto Magnaghi, architecte, urbaniste et professeur à l’Université de Florence en Italie. J’ai découvert son ouvrage de la Bio-région urbaine au cours de ma première année d’architecture. Je le relis aujourd’hui, avec du recul pour parler d’identité et de territoire, en le confrontant à un ouvrage de Mathias Rollot, architecte et enseignant-chercheur à l’Ecole d’architecture, de la ville et des territoires de Marne-la-Vallée, qui vient sur certains points s’opposer aux propos d’Alberto Magnaghi. Ceci me permet de voir deux approches différentes du territoire tournant autour de la notion d’identité. Je tenterais ensuite, de déceler l’identité d’un territoire. Selon moi, le noyau historique d’une ville est un sujet pertinant à observer, cartographier puisqu’il définit de nombreux enjeux à une échelle territoriale et surtout en terme d’identité puisqu’on y trouve un héritage encore présent et singulier. Ainsi, j’étudirais le centre historique de Noisy-le-Grand, un choix basé sur mon travail de projet urbain en dernier semestre de licence, un centre qui pose question

face au développement du Grand Paris qui implique en plus d’une urbanisation, certaines transformations notamment concernant les modes de vie, le vécu d’un territoire, ses pratiques, son paysage ... Dans une seconde partie, je réfléchirais au territoire avec une approche géographique de la définition. J’approcherais ensuite les réflexions identitaires du Grand Paris à partir de recherches mais aussi à partir de documents législatifs et leurs études territoriales cartographiées. Je m’interrogerais sur l’outil de la cartographie qui mobilise mes connaissances en géographie réintroduites par le projet urbain. Pour appuyer sur la fragilité de l’identité d’un centre historique de «banlieue» Parisienne, je réaliserais une comparaison entre le PLU de Noisy-le-grand au PLUi de la métropole de Grenoble. Deux textes qui ont pour sujets des échelles différentes, comparables du fait de ce rapport à la commune ou à l’intercommunalité qu’entretiennent les acteurs qui écrivent. Ce sont des textes qui traduisent un projet de territoire. L’analyse de ces règlementations me permet de montrer comment l’élaboration d’un texte peut conduire à guider un projet territorial et par conséquent l’indissociabilité des documents de planification au projet. Le choix de la métropole de Grenoble, appliquant la théorie de la biorégion urbaine développée par Alberto Magnaghi dans les études territoriales, fut pour moi évident. Finalement, je conclurais par une retrospective critique sur ce semestre de projet urbain concernant ce territoire de Noisy-le-Grand, les enjeux de l’architecte en tant que constructueur d’un territoire. 2


I. ENTRE THÉORIE ET OBSERVATION : IDENTIFICATION DES CRITERES DISTINCTIFS D’UN LIEU, CE QUI FAIT IDENTITÉ Pour parler d’identité, il faut d’abord pouvoir définir les critères qui font qu’un endroit se distingue d’un autre. Dans cette partie, je chercherais à déterminer ces critères à partir des propos de Mathias Rollot dans Les territoires du vivant et d’Alberto Magnaghi dans deux de ses publications : Le projet local et la Biorégion urbaine.

A partir de textes des architectes Mathias Rollot et Alberto Magnaghi : Qu’est ce que l’identité ? Dans ces ouvrages, la question de l’identité est centrale. Bien qu’elle soit plus explicitement exprimée chez Albert Magnaghi, on en trouve une définition également chez Mathias Rollot. Mon hypothèse était que l’identité se constituait à partir d’une culture, d’une géographie, des habitudes d’une société. Mais ces architectes vont plus loin dans leur définition, me permettant d’extraire des variables qui diffère selon les lieux.

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Pour les deux auteurs, l’identité ressort comme ce qui distingue les territoires. Elle se lit à travers des biens communs, des ressources mais aussi un patrimoine que l’on ne peut pas définir comme critère à part entière car c’est une notion trop large et complexe mais qui fait inévitablement identité. Tout d’abord, nous pouvons parler des critères qui ont selon Alberto Magnaghi une « valeur d’existence ». Il s’agit de ce qui est déjà là, le paysage physique. Mais pour compléter la définition d’une identité, ces critères physiques sont indissociables d’autres critères à « valeur d’usage » qui sont mis en évidence à travers des rapports sociaux, une utilisation, une dynamique. C’est ce qui amène également à parler de territoire puisqu’on traite de la relation entre la terre et comment elle est occupée et vécue par la population, depuis son installation à aujourd’hui. Les critères identifiés : - Le bâti : Ce qui est construit, son architecture à l’échelle de l’édifice, mais aussi le tissu urbain. Il semble que le bâti dans sa totalité participe à l’identité puisque la morphologie urbaine peut être aussi bien singulière que le type bâti. On compte dans ce critère également ce qui relève de la monumentalité et du patrimoine historique. - Le paysage naturel ou travaillé par l’homme : Il peut s’agir d’espaces végétaux qu’ils soient naturels ou bien constitués par l’homme tel que les forêts domaniales ou les paysages agricoles. On peut également parler des formes du relief et du paysage de l’eau. - Les pratiques, habitudes et manières d’habiter : Ce critère a un caractère social et humain. Il s’agit de la manière dont un lieu se vit en lien avec sa population, ce qu’on y trouve et les relations collectives qui en ressortent. - La culture, l’histoire : La culture s’identifie par un passé commun, l’héritage d’un groupe. Cela peut être des usages, des lieux symboliques, une mémoire commune sur des événements passés, un environnement. - L’humain : On peut le considérer comme un critère à part puisque même s’il interagit avec chacun des autres critères, l’humain est fondateur de l’identité. Ainsi, tout ces éléments forment des territoires distinctifs qui possèdent un patrimoine naturel, bâti, culturel et humain propre à lui-même. Ces critères sont à étudier, selon moi, dans leur relation et non individuellement car ils sont tous étroitement liés comme Alberto Magnaghi le défend. Mathias Rollot a lui une vision différente puisqu’il isole davantage le bâti (qu’il lie au patrimoine) et la culture. On parle d’identité car ils font la différence, sont des repères pour les individus, mais aussi parce qu’ils sont sujets à des enjeux d’héritages et de transmissions. 1. MAGNAGHI A. Le projet local. Manuel d’aménagement territorial, Mardaga, 2003, p. 37-38-65-67 2. MAGNAGHI A. La conscience du lieu, Rhizome, 2017, p. 21-24-25-28 3. MAGNAGHI A. La Biorégion urbaine. Petit traité sur le territoire bien commun, Rhizome, 2014, p. 11-16-60-61-94 4. ROLLOT M. Les territoires du vivant. Un manifeste biorégionaliste, Editions François Bourin, 2018, p. 63-65-86

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Le choix d’un territoire d’étude : Le centre historique de Noisy-Le-Grand L’identité concerne une multitude d’échelle, de l’identité d’un pays, d’une métropole à l’identité plus locale d’un quartier, voire même d’un bâtiment ou d’un espace plus étroit. Le choix d’un territoire d’étude me permet de me poser les bonnes questions, les enjeux liés à l’identité étant différent selon l’endroit. Ainsi, mes travaux en projets urbains m’ont amené à m’intéresser au territoire de Noisy-Le-Grand, Neuilly-sur-Marne, Gournay-sur-Marne et Neuilly-Plaisance, selon ce cadrage déterminé par les enseignants. L’analyse cartographique réalisée dans le cadre de l’atelier de projet m’a permis d’avoir une connaissance du site et donc de pouvoir appréhender l’identité du territoire plus facilement. Le territoire se situe entre Paris et Marne-la-Vallée. L’identité existant par le fait que celle-ci soit menacée, j’ai trouvé pertinent de revenir dans ce rapport de licence sur ce territoire appartenant au Grand Paris et donc qui est susceptible d’évoluer considérablement d’ici quelques années. Je m’interroge sur la manière dont le territoire local va être pensé au sein de la métropole du Grand Paris. C’est ce jeu d’échelle qu’il est intéressant de mettre en rapport avec la question d’identité. Parler d’un territoire de banlieue est d’autant plus justifié puisque comme l’indique le terme « banlieue », il y a déjà des interrogations sur la distinction de chacun des territoires constituant la première et deuxième couronne de Paris. Plus particulièrement, j’étudierais le centre historique de Noisy-le-Grand qui a préservé sa caractéristique de bourg sur un terrain assez restreint, alors qu’une ville nouvelle a été édifiée au sein de la même commune. Ce site amène à plusieurs questionnements auxquels je m’intéresserai tout le long du développement. Je commencerai par observer et enquêter au sein de ce centre historique afin d’en tirer une identité. J’essayerais de comprendre par la suite comment l’identité d’un centre historique est défendu ou non par les acteurs ayant du pouvoir (maire, collectivités) et les acteurs de la conception (aménagement, architecture).

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5 km

Situation de Noisy-le-grand par rapport à Paris

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Carte de Cassini - XVIIIe Un noyau villageois fortifié

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500 m

Carte d’Etat Major - 1818-1835 Le déploiement d’un village le long d’un axe historique, ligne de crête du côteau

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Observer pour déceler l’identité d’un lieu

Pour tenter d’identifier cette identité du centre historique de Noisy-Le-Grand, je me suis rendue sur le site, après avoir arpenté le territoire. J’ai commencé par la place de la mairie qui semblait pour moi, le lieu primordial de ce coeur de ville. A partir de là, j’ai découvert la rue Brossolette, la rue historique de Noisy-le-grand, qui sera la base de ma réflexion. Alors que l’avenue Aristide Briand, menant à la mairie est surmontée d’immeubles collectifs modernes et néo-modernes construits pour la plupart au XXe siècle, la rue Pierre Brossolette est constitué d’un assemblage de bâtiments pour la plupart en R+2, R+3 au plus haut. Ces bâtiments, accolés les uns aux autres formes une façade sur rue hétérogène, ni les toitures, ni les ouvertures, ni même tout autre détails de la façade ne s’alignent au bâtiment suivant. Cette composition du bâti est caractéristique d’un bourg. En me déplaçant dans cette rue, j’ai découvert que cette façade dissimulait des cours arrières, distribuant des habitations de typologies variées. En observant bien, on découvre qu’une vie se déroule derrière la rue, articulée autour des cours communes à des petites maisons équipées de jardin. On ressent l’âme rurale du centre historique de Noisy-le-Grand, de part cette manière d’habiter.

PERMANENCE D’UN VILLAGE-RUE Plan sensible représentant la rue Pierre Brossolette depuis la place de la mairie. Le 19 mai 2019

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UN PATRIMOINE CONSTRUIT ? Croquis détail du bâti de la rue Pierre Brossolette Le 19 mai 2019

Croquis de l’alignement bâti sur la rue Pierre Brossolette Le 19 mai 2019

Photographies de la rue Pierre Brossolette Le 19 mai 2019

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La morphologie urbaine est marquée par ce type d’habitat, qui n’a pas bougé depuis sa construction, mais aussi par le tracé viaire de la rue Pierre Brossolette qui est une des rues héritée du Moyen-Âge. Le bâti, ainsi que le tracé de la rue a une valeur patrimoniale liée à sa permanence et son histoire. En effet, cette architecture de bourg s’est constituée à une époque où les normes étaient différentes, ce qui a permis de faire exister cet aspect à la fois hétérogène du bâti et unifié par la singularité forte qu’il dégage.On a ici ce qui semble s’apparenter à un village rue, c’est-à-dire, un village constitué le long d’une rue et entouré de ses terres agricoles, puisque Noisy-Le-Grand fut un village rural jusqu’au XXe siècle. Cette rue était caractérisée par son artisanat. On remarque en effet, des porches ouverts sur des cours partagées. Avant, ces arrières étaient occupées par des artisans.

Les cours-arrières, Noisy-Le-Grand, 17 mai 2019 LA COUR PARTAGEE : UNE TYPOLOGIE QUI FAIT IDENTITE ?

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UN PAYSAGE URBAIN PRESERVE Perspective sur la rue Pierre Brossolette, Noisy-Le-Grand, 17 mai 2019

Nous découvrons les prémices de ce qui serait l’identité locale du centre historique de Noisy-Le-Grand, identifié par une rue, avec des commerces en rez-de-chaussé et des arrières cours semi-privées, qui a su préserver son esprit de village. 10


J’ai tout de suite remarqué le caractère à la fois convivial et paisible d’une rue comme on pourrait aujourd’hui l’observer dans les bourgs ruraux. Les gens la traversent, se déplacent d’un commerce à un autre, conversent. Les pratiques observées mettent en évidence une vie qui se déroule tout le long de cette rue. Dans le centre historique de Noisy-Le-Grand, on peut voir que les commerces de proximité en rez-de-chaussée persistent, malgré la difficulté de faire face à la multiplication des grands centres commerciaux et supermarchés accessibles par l’automobile. Cette activité commerciale a été, et est toujours, fondamentale dans la construction de l’identité de ce centre historique, puisque ces commerces et les quelques cafés/restaurants existants sont des lieux d’échanges, de rencontre, de partage. Ils permettent aux habitants et aux commerçants de créer des relations, tout comme les relations de voisinage qui peuvent se développer dans les cours partagées, les gens se reconnaissent, se connaissent. Ainsi, ils peuvent s’identifier à ce lieu, où ils ont leurs repères. Mais en s’ouvrant un peu au delà de la rue Pierre Brossolette, on peut voir qu’une dynamique urbaine et sociale existe, notamment au niveau de la place de la mairie. On s’imagine souvent la place de la mairie comme un espace où les gens se rassemblent, se posent, comme un point d’ancrage. Alors que très souvent, dans des moyennes villes équivalentes à Noisy-le-Grand, la place de la mairie n’est qu’un grand parvis vide et sans mouvement, comme à Corbeil-Essonnes, la ville où j’ai grandi. Ici, étonnemment, on peut parler de la place de la mairie comme de ce lieu vivant. J’ai pu observer tout au long de ma visite différentes personnes qui s’installent au bord de la fontaine, qui se regroupent et discutent, des enfants qui jouent. L’affluence fut forte à 16h30, l’heure de la sortie d’école. Autant de travailleurs, que de personnes âgées et parents accompagnés de leurs enfants. C’est un lieu d’interaction qui semble avoir été résilient à l’urbanisation contemporaine. On peut supposer que cette place créée des usages « habituels », qu’il existe une vie de quartier et une identité tout du moins sociale, propre à ce centre historique.

Photographies réalisées sur la place de la mairie, le 17 mai 2019

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UN ESPRIT DE VILLAGE VIVRE ENSEMBLE

Croquis d’usages réalisés sur la place de la mairie, le 17 mai 2019

Lieu de regroupement des personnes âgées, habitants du quartier

Discussion à la sortie du bureau S’installer avec ses enfants à la sortie de l’école, pour l’heure du goûter

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L’espace public de la rue entièrement pavée, plus ou moins étroite et qui se dilate aux niveaux des intersections pour créer des placettes triangulaires mais aussi la place de la mairie et le parvis du marché, favorisent les relations sociales et créer une communauté rassemblant les habitants des alentours en un coeur historique. Comme tout centre historique, un marché se déroule. Le marché est un évènement du quotidien qui joue un rôle dans les rapports sociaux qu’entretiennent les habitants. Trois fois dans la semaine, le grand parvis qui fait face à la mairie devient le lieu de rencontre. Des stands s’installent tôt le matin, pour que les gens fassent leurs achats : nourritures ... durant toute la matinée. A seulement 15 minutes à pied de la gare de Noisy-Mont-d’Est et très facilement desservi par le bus, on peut imaginer qu’il n’y a pas seulement les Noiséens qui se rendent au marché, mais aussi les habitants des communes alentours.

La rue Pierre Brossolette est un axe historique et structurant pour la ville. Il la traverse d’Ouest en Est, parallèlement à la Marne. C’est aussi la ligne de crête du côteau. Pour comprendre l’histoire, les caractéristiques naturelles de ce site et l’installation des hommes sur ces terres, il faut s’intéresser à une autre échelle, celle du territoire de la Marne. Le centre historique de Noisy-Le-Grand se situe à flanc de côteau, entre le Plateau de Brie au Sud et la Marne au Nord. Le paysage de la Marne et le paysage de côteau et de plateau sont caractéristiques de ce territoire. Le végétal est peu présent mis-à-part en lisière de Marne et dans les bois plus éloignés vers le réseau routier et la ville Nouvelle. La vallée de la Marne a marqué les paysages. La Marne a conduit à l’installation de foyer urbain le long de sont lit, mais aussi à la présence forte d’une nature qu’on peut voir dans le Parc de la Haute-Ile sur la rive opposée à Noisy-Le-Grand. Ce paysage de la Marne a conduit à rendre accessible les berges de la ville telle une promenade. Depuis le côteaux, les rues dévoilent des points de vue sur ce paysage naturel de l’eau et du végétal, à l’image d’un Belvédère. Une des caractéristiques fondamentale du territoire est que la Marne créée une discontinuité forte entre les deux rives, séparant le Nord et le Sud. Ainsi, le territoire de Noisy-Le-Grand connaît une continuité urbaine plutôt associée aux communes de Brie-sur-Marne et Gournay-sur-Marne. Même si le réseau de transports ferroviaire et celui des infrastructures routières sont très développées, il reste un manque de franchissement de la rivière de la Marne, notamment en ce qui concerne la circulation piétonne.

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UN PAYSAGE DE COTEAU Analyse cartographique réalisée dans le cadre de l’atelier de projet du Semestre 6 de Licence, 2019

MAILLAGE VIAIRE ET PAYSAGER DU TERRITOIRE


Jusqu’au XXe siècle, le centre historique de Noisy-Le-Grand fut un village rural, encadré par des terres agricoles au sud et des jardins pour le seigneur au Nord le long de la Marne. Le végétal, bien que déjà modelé par l’homme, était très présent. On pouvait se considérer à la campagne. En 1901, la ville est devenue touristique avec l’émergence de guinguettes le long de la Marne, liée à l’arrivée d’un tramway. Aujourd’hui, cette nature a disparu du fait de l’urbanisation intense qu’a connu la ville qui s’est constituée au fur et à mesure comme banlieue parisienne. On retrouve tout de même sur les berges de la Marne des espaces boisés ou de prairies abandonnées. Mais cette identité rurale se traduit aujourd’hui, simplement par des quartiers pavillonaires datant de l’entre-deux-guerres, où l’architecture est hétérogène et où chaque maison possède son jardin. Quand on s’y promène, on découvre un paysage végétal très foisonnant. Le long de la Marne, ces guinguettes ont disparu à l’exception d’une qui a ouverte récemment. UNE IDENTITE AGRAIRE OUBLIEE ? QUELLE NATURE AUJOURD’HUI?

Reportage photographique réalisé le 17 mai 2019 15


Pour finir au sujet de cette identité, j’aborde la notion de culture qui est essentielle. La culture s’est formée au fil du temps, en s’enrichissant à chaque fois. Mais ce qui est intéressant, c’est aussi la manière dont les héritages vont être transmis et perpétués ou non au cours du temps. Mes recherches et mon observation m’ont permis de réfléchir à une temporalité du centre historique de Noisy-LeGrand. La culture s’observe dans les rapports sociaux qu’entretiennent ses habitants. J’ai pu voir ce qui semblait être une solidarité, une entente et un partage entre ses populations. Vivre les bords de Marne, photographie de mars 2019

Cette observation résulte de cette histoire d’un passé rural et d’une dimension sociale communautaire qui a persisté. L’origine rurale du quartier bien qu’il ne se ressente très peu aujourd’hui a constitué ses populations et leurs manières de vivre, le long d’une rue, l’habitude de se rendre dans les commerces locaux le matin ou bien d’aller se poser le long de la Marne et se regrouper comme les gens le faisaient avant à la guinguette. Aujourd’hui, c’est plutôt pour jouer à la pétanque qu’ils s’y rendent. La culture s’observe au travers de l’humain et des différentes populations. En m’y promenant, j’y ai remarqué une certaine diversité autant dans les âges que dans les genres et origines. Depuis la naissance de la ville, le nombre d’habitants a fortement augmenté, atteignant aujourd’hui presque 70 000 habiants. C’est l’urbanisation massive mais aussi la construction de la ville-nouvelle qui a permis de loger autant d’habitants. Ceci a aussi contribuer à l’apport d’une population nouvelle, venue d’ailleurs, qui vient avec sa propre culture et ses modes de vie. Ainsi la culture ici résulte de cette mixité. Elle est très liée aux pratiques existantes depuis toujours et et celles générées par une population arrivée plus tardivement. Ainsi, l’observation, la réalisation de croquis et de recherches historiques m’ont permis de déceler l’identité d’un centre historique à origine rural que je considère comme «oublié». Ayant marché dans une grande partie de la ville et des alentours, j’ai réellement remarqué une singularité de la rue Pierre Brossolette. Son identité résulte de la relation entre toutes ces observations énoncées précedemment à partir des critères d’Alberto Magnaghi et Mathias Rollot. Maintenant, ce qui va m’intéresser, c’est de voir si cette identité est défendue ou non par les élus locaux, et comment l’identité du territoire du Grand-Paris va interférer avec cette identité plus locale, mais aussi comment l’identité est-elle traitée dans les projets d’architecture et d’urbanisme.


II. UNE CONSTRUCTION DE L’IDENTITE TERRITORIALE GUIDEE PAR LA LEGISLATION : COMPARAISON DU TERRITOIRE DU GRAND PARIS AVEC LA METROPOLE DE GRENOBLE Dans cette partie, je commencerais une réflexion sur les enjeux identitaires du Grand Paris qui mettront en tension la question des localités. Je les mettrais par la suite en lien avec les documents écrits. C’est le projet de territoire qui est traduit par une règlementation. La mise en comparaison avec un document où l’identité est au centre du texte permet de montrer de quelle manière la législation peut jouer son rôle dans la boucle identitaire d’un territoire. C’est pour la métropole de Grenoble que les idées d’Alberto Magnaghi sont développées et appliquées dans son étude du territoire.

Un territoire du Grand Paris voué à se transformer : quelle place pour l’identité d’un centre historique tel que celui de Noisy-leGrand ? Conserver, renouveler ou concilier ? Les premières questions que l’on peut se poser sont : l’idée est-elle de construire une identité pour le Grand Paris ou de préserver la diversité des lieux qui le constitue et leurs identités ? Quelle est la place d’un centre historique dans une métropole ? C’est en écoutant une conférence intitulée « La fabrique identitaire du Grand Paris » que j’ai pu voir l’importance des enjeux liée à celle-ci et notamment concernant la manière d’habiter et de vivre en ville. Cette conférence menée par les chercheurs du département géographique de l’ENS en partenariat avec le pôle d’aménagement de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme, montre l’intérêt pluridisciplinaire de la question de l’identité. Au fur et à mesure, j’ai pu tirer des enjeux liés à l’identité du Grand Paris mais aussi des territoires qui le constitueront.

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Tout d’abord, la métropole du Grand Paris recherche une attractivité à l’échelle internationale de l’Ile-deFrance et non uniquement de Paris même. Il est évoqué le terme « d’adaptation » comme si les territoires du Grand Paris devaient changer pour correspondre à cette attractivité internationale. Or, les habitants de ces territoires comme à Noisy-Le-Grand ne ressentent pas forcément ce besoin, et n’ont peut-être pas l’envie de voir leur ville se remplir de touristes. Cependant, ils viennent aussi à s’interroger sur l’habitant, la manière dont il va s’approprier la notion du « Grand Paris », la manière dont il va vivre la métropole et son sentiment d’appartenance. Des questionnements sont introduits tel que « Vont-ils se sentir plus parisiens ? » (en parlant des habitants de villes de banlieues), « Va-t-on vivre à la parisienne ? ». Ceci m’interpelle puisque les habitudes des habitants et leurs territoires sont très différents de la ville de Paris. De plus, cela sous-entend qu’il existe une identité « parisienne », je m’interroge alors : qu’est ce que vivre à la parisienne et être parisien ? Alors, qu’à Paris, on trouve des paysages urbains différents, des cultures différentes selon les quartiers. Selon moi, on ne vit pas de la même manière dans le quartier de la Chapelle, que dans le quartier du Marais ou encore dans le quartier d’Olympiades. Mais surtout, il existe à Paris aussi bien des quartiers à l’architecture Haussmanienne, donc d’immeuble collectif en R+5/R+6, que des quartiers constitués de ruelles pavillonnaires avec un bâti ne dépassant pas le R+2 comme dans le quartier de la Butte-aux-Cailles ou le quartier de la MouzaÏa près des Buttes-Chaumont où l’esprit de village existe. On retrouve des identités disparates dans l’ensemble de la ville, des ambiances différentes et des pratiques sociales différentes. Ces quartiers que je cite sont d’ailleurs pour la plupart des quartiers ayant été annexés à Paris au fur-et-à mesure de son élargissement. Ainsi je me questionne, doit-on créer une identité du Grand Paris quand la ville de Paris elle-même possède non pas une mais des identités ? L’identité « parisienne » dont parle ces chercheurs est plutôt une image qui même si elle reflète une majorité de la ville, ne se retrouve pas dans sa globalité. La conférence a également abordé le sujet de la population au sein du Grand Paris, s’il y aura des ressemblances ou non de l’autre côté du périphérique. Ceci implique que les projets vont modifier la population existante. Dans ce cas là, on remarque que les identités des territoires de la région Ile-de-France sont menacées. Je pense que les enjeux majeurs sont donc celui de la résilience des différentes identités existantes et la place de l’habitant au sein du projet métropolitain.

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«Vivre à la Parisienne ?», Place de la Madeleine, Paris, le 11 mai 2019 Photographie réalisée dans le cadre d’un exercice d’histoire sur le mobilier urbain comme fabricant d’une identité. Les pratiques sont tout aussi intéressantes à observer.

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D’autres recherches ont compléter ces propos, il s’agit d’une étude pour l’Apur, de Frédéric Gilli, économiste spécialiste dans les questions urbaines sur « les grand parisiens ». Dans son enquête auprès des habitants de la métropole, il démontre que les habitants, n’habitant pas à Paris se revendiquent comme parisien mais sont aussi fortement attachés à leurs identités locales. La métropole est déjà un espace que les populations s’approprient puisque elle est pour une grande partie, traversée et parcourue de part et d’autres. Frédéric Gilli parle d’une « complémentarité » de l’identité territoriale, correspondant au local, avec l’identité de la métropole. Il n’y aura donc pas a choisir entre une identité conservée du territoire ou une nouvelle identité du Grand Paris, ni d’ajouter une identité sur un territoire possédant déjà des particularités propres. Pour lui, « la métropole doit permettre la construction d’identités multiples ». La singularité des territoires, les diversités patrimoniales et plus largement les identités locales font la richesse du Grand Paris. Cette étude met en évidence le fait qu’interroger les habitants et donc d’analyser en quelque sorte le territoire permet d’apporter de nombreuses informations sur le vécu et les pratiques sociales mais aussi d’identifier les frontières et relations entre territoires, les bassins de vie. Ceci est un élément essentiel à prendre en compte dans le projet urbain. Pour cela il existe un dialogue entre Paris et les collectivités locales et une relation entre chercheurs et praticiens faisant intervenir selon les territoires plus ou moins d’acteurs. La conciliation semble être le moyen de préserver les diversités et singularités de chaque lieu au sein du Grand Paris tout en cherchant une unité par la mise en relation des territoires. Il y a une concaténation des espaces qui met en évidence l’imbrication des différentes échelles du territoire. Nous revenons ainsi au propos défendus par Magnaghi, et sur le fait que le territoire est sujet à une notion de temporalité, et donc que l’identité serait en perpétuelle reconstruction, avec également une évolution de ce qui est hérité et transmit.

5. MAGNAGHI A. Le projet local. Manuel d’aménagement territorial, Mardaga, 2003, p. 69 « La construction historique du territoire et la formation de son identité en tant que processus évolutif.» 6. MAGNAGHI A. Le projet local. Manuel d’aménagement territorial, Mardaga, 2003, p. 37 « Aucun processus de reterritiorialisation ne peut être amorcé sans une définition préalable de l’identité territoriale, à l’échelle de la région géographique et du lieu. Cette définition doit résulter d’une lecture des divers processus de formation du territoire dans la longue durée, permettant d’en comprendre les invariances, les permanences, les sédimentations physiques et mentales. En réorganisant et en transformant le territoire, chaque cycle de territorialisation accumule et dépose une sagesse environnementale qui lui est propre et qui lui est propre et qui, tandis qu’elle enrichit ses règles génétiques, contribue à la conservation et à la reproduction de l’identité territoriale.» 20


De l’espace au lieu ou du lieu à l’espace : comment penser le territoire en relation à ses héritages culturels, sociaux, géographiques : Noisy-Le-Grand dans la métropole du Grand Paris Bien qu’il existe une volonté d’unité du Grand Paris, le périphérique reste une frontière à la fois physique et symbolique très forte qui divise Paris de la banlieue elle même constituée d’une diversité de territoires. Alberto Magnaghi, dans son ouvrage parle du territoire comme quelque chose de défini et bien délimité bien que mis en relation et interagissant avec d’autres, il s’agit de lieux, à la différence de l’espace, indéfini et illimité. Pour penser le Grand Paris, la métropole a été découpé en «établissements publics territoriaux», regroupant chacun plusieurs communes à la suite d’un décret du 1er janvier 2016. Ainsi, le cas de Noisy-Le-Grand est associé aux villes tel que Clichy-sous-Bois, Vaujours, Coubron et Livry-Gargan dans le territoire T9 : Est Ensemble. Ceci a pour objectif d’établir des politiques communes de développement économique, de gestion de l’eau ou encore de l’habitat au sein de ces territoires. Hors, cette délimitation s’est faite de manière hasardeuse, probablement, puisque le bassin de vie de Noisy-Le-Grand ne correspond pas à ce découpage. En effet, la ville entretient des relations de pratiques et de dynamiques urbaines et sociales plutôt avec les villes au Sud comme Bry-sur-Marne, Gournay-sur-Marne et Villiers-sur-Marne. Ceci correspond également aux analyses cartographiques que j’ai pu réalisées en classe qui montre un réel clivage lié à la traversée de la Marne entre les deux rives et donc de Noisy-Le-Grand avec les villes du Nord auxquelles elle a été associé. A travers cette décision, qui parait avoir été prise sans dialogue avec les acteurs du terrain, c’est l’identité même de NoisyLe-Grand qui est oubliée. On peut donc voir que la notion de territoire est présente mais que celle-ci n’est pas utilisé en cohérence avec sa définition, celle d’un endroit défini et approprié par une population qui le pratique et l’habite. L’identité des territoires comme elle existe dans la réalité du terrain est contrariée. La métropole ne peut pas être considérée comme un territoire mais comme un ensemble de territoire dont la limite est floue et même inexistante. C’est le réseau routier, ferroviaire et virtuel qui unit ses territoires dans une étendue illimitée où l’urbanisation se développe de manière assez uniforme. Comme le montre, le découpage et l’ambition d’établir des politiques communes. Puisque le SCOT (schéma de cohérence territoriale) est le même pour tous les territoires du Grand Paris. Ainsi, les territoires de banlieues se développeront avec des architectures similaires qui selon les politiques prétendent s’aligner à une identité existante d’un territoire alors qu’elle se banalise à l’ensemble des territoires avoisinant tel que l’architecture des toitures en pentes, murs en maçonneries enduites que l’on retrouve maintenant dans de nombreux paysages de la région Ilede-France. 7. MAGNAGHI A. Le projet local. Manuel d’aménagement territorial, Mardaga, 2003, p. 15 « Désormais, comme le souligne avec nostalgie E. Casey, la notion de lieu s’est vue graduellement évincer au profit du concept d’espace, avec son extension illimitée.»


« Une ville est un territoire que l’on peut dessiner. Une métropole est une condition que l’on peut décrire » Djamel Klouche, architecte, lors de la consultation internationale sur le Grand Paris.

Carte du découpage en «établissements publics territoriaux» du Grand-Paris déterminée par le décret du 1er Janvier 2016, publiée par Grand Paris Métropole. En rouge, le bassin de vie de Noisy-Le-Grand dans la réalité du terrain

On peut ainsi voir que malgré le discours affirmant chercher à valoriser les collectivités locales et l’envie de faire différemment en considérant les territoires, l’application diverge et ne prend pas en compte la réalité vécue des territoires. Ce sont les associations intercommunales qui disparaissent au dépend de ce découpage. L’APUR (atelier parisien d’urbanisme) a beaucoup traité de la question de l’identité du Grand Paris et ses travaux montrent qu’il est possible de prendre en compte l’identité territoriale tout en créant une ouverture de ces territoires locaux sur la métropole en faisant communiquer les territoires, en les articulant. Tout cela s’est fait à partir de réelles observations du territoire. Cependant, selon moi, ces recherches et enquêtes de terrain pourtant existantes, n’ont pas assez d’impact pour que les identités territoriales soient maintenues. Et le fait que l’on parle d’une « identité banlieusarde » réduit également la banlieue à une unique identité. La notion « d’espace » remplace également celle des lieux dans ces études ce qui empêche la valorisation des territoires aussi bien dans la théorie, dans les documents de législations écrits, que dans la pratique de l’architecture qui dépend de ces textes.

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Le paysage de la Marne : Continuité ou discontinuité ? Dans le cadre de l’atelier de projet, Mars 2019 - Avril 2019 Carte d’analyse du territoire au regard du paysage. Ici, la Marne est considérée comme une entité paysagère structurante du territoire. Cette étude m’a permis de percevoir cette discontinuité physique qui divise le territoire et sépare la rive de Neuilly-sur-Marne au Nord à celle de Noisy-le-Grand au Sud. Après avoir pris du recul, j’ai dessiné la carte des «espaces enclavants et enclavés», c’est-à-dire des obstacles physiques qui engendrent des rapports particuliers aux lieux eux-mêmes et avec les autres lieux. L’analyse de ce type de cartographie permet de mettre en évidence des relations dans le territoire qui sont d’ordres sociales, géographiques et culturelles, dans la manière d’y habiter.

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Des Plans Locaux d’Urbanisme qui définissent des enjeux identitaires plus ou moins importants : De Noisy-le-Grand à la métropole Grenobloise : quelle comparaison ? Il existe plusieurs écrits qui déterminent les règles de construction. Ici, j’approcherai plusieurs de ces textes, en approfondissant plus précisément le PLUi de la métropole de Grenoble et le PLU de la commune de Noisy-Le-Grand. Ces documents sont comparables même si ils sont établis à des échelles différentes puisque cela est dû à la différenciation PLU lié à la commune et PLUi, à une intercommunalité. La cohérence de cette comparaison résulte de la réflexion sur la manière dont sont étudiés les territoires et comment des acteurs se les représentent pour rédiger des textes qui guideront l’aménagement du territoire. Parmi ces documents, on trouve le Schéma de cohérence territoriale. Le SCOT est un document de planification lié au code de l’urbanisme qui vise à déterminer les grandes orientations d’urbanisme et d’aménagement du territoire pour les années à venir. Il a pour objectif de trouver l’équilibre entre développement urbain et protection des ressources. Il existe aussi le plan local d’urbanisme (PLU) qui est également un document de planification. Son rôle est de maîtriser le développement territorial de la commune et de préparer la mise en oeuvre de projets pour la ville. Il s’agit d’un outil qui détermine les règles liées à l’occupation des sols et la construction et l’aménagement de la ville. Il est un support pour l’élaboration des projets architecturaux et urbains. De même, le PLUi reprend ces objectifs tout en les coordonnant à une association de communes partageant des singularités. Avant de parler du PLU de Noisy-Le-Grand, je traiterai du PLUi (intercommunal) de la métropole de Grenoble, datant de 2019 et qui applique les principes de la Bio-région urbaine énoncé par Alberto Magnaghi et qui tient donc compte de l’identité dans ses études. Le PLU de la métropole de Grenoble a pour objectifs d’aborder les thèmes suivants : d’organiser le territoire métropolitain, l’environnement et le cadre de vie, l’économie et emploi, les déplacements et l’habitant. Tout commence par le diagnostic territorial qui établit des conclusions au regard des prévisions économiques et démographiques. Celui-ci comporte une définition des singularités des territoires de la métropole dès les premières pages, ainsi que des enjeux de résilience. On se rend tout de suite compte que la question de l’identité est primordiale pour les acteurs du gouvernement et de l’aménagement. Il développe les caractéristiques de la métropole, sa géographie Alpine, ses paysages, ses patrimoines, ses ressources et en montre les richesses et les potentialités de développements qu’elles suggèrent. On peut voir que de réelles études ont été réalisé puisque les éléments de descriptions sont très précis. Il y a une réelle conciliation entre l’échelle de la métropole et le territoire et l’identité locale. A chaque fois que le local est évoqué, il est mis en relation avec sa place au sein de la métropole. Par exemple, lorsqu’est analysée la Vallée du Drac, les enjeux à l’échelle métropolitaine sont tout de suite définis. Ce diagnostic identifie la structure paysagère de la métropole et parle de la montagne comme « l’écrin paysager commun » et de l’eau « architecte du paysage».Il traite même des installations humaines depuis la glaciation, ce qui montre que l’analyse historique et géographique a été très développé. Il parle de « spécificité des lieux » dans lesquels vont s’insérer les projets. 25


Ainsi, le PLUi fait référence aux biens communs, à valoriser dont parle Alberto Magnaghi. On retrouve d’ailleurs beaucoup le vocabulaire spécifique employé dans ces ouvrages dans le PLUi comme « les modes d’habiter ». Ce texte fait référence à l’origine des choses et la notion de territoire est employé selon la définition de Magnaghi comme une co-évolution des relations nature/culture. La notion d’identité est évoquée : « Les espaces agricoles sont un élément fort de son identité et de la qualité de son cadre de vie », la notion « d’entité » qui indirectement parle d’identité. L’identité est au centre des décisions de développement territorial puisque les espaces agricoles constitutifs de l’identité de la métropole Grenobloise sont le principal sujet des enjeux de développement durable et local du territoire. Pour les acteurs ayant rédigé ce texte, la préservation et la valorisation est indissociable de l’aménagement durable du territoire métropolitain. Tout se fonde à partir de l’identité, sans pour autant affaiblir la volonté de développement et d’urbanisation. La phrase « deux entrées seront privilégiées afin de comprendre et sensibiliser aux enjeux du territoire : l’espèce et son milieu de vie », à mettre en corrélation, montre comment les principes de la bio-région urbaine sont appliqués à ce texte règlementaire. Ensuite, l’évaluation environnementale m’a paru intéressante puisque chaque enjeu métropolitain est conceptualisé et accompagné de schémas à échelle locale. Cet écrit montre une vraie conscience du terrain. Un des objectifs est « d’adopter des mesures de protection pour les éléments bâtis ou naturels identifiés comme contribuant à l’identité patrimoniale de la métropole. On retrouve également quelque chose de similaire au travail d’Alberto Magnaghi, la mise en place de scénario qui correspond à une vision prospective théorique sur le territoire des 10/15 prochaines années. Ceci est accompagné d’un règlement du patrimoine précis qui aborde différentes échelles : la disposition des communes (matériaux, archéologie …), la volumétrie, les façades, les toitures … Ici, on parle aussi d’identité métropolitaine mais celle-ci est justifiée puisqu’elle se constitue de part ses différentes identités locales. Les enjeux liés à l’identité sont celui du cadre de vie mais aussi de l’attractivité. Ce que j’ai trouvé intéressant, c’est que le patrimoine bâti dont il est question n’est pas forcément que des éléments remarquables, mais peut aussi être un « patrimoine vernaculaire constitutif d’un paysage du quotidien ». Je pense que cette question du patrimoine quotidien, qui est appelé aussi « petit patrimoine » ou « patrimoine de proximité » fait la différence et est fondamental pour parler d’identité. Ne connaissant pas Grenoble, j’ai pu rien qu’à la lecture de ce document comprendre le territoire et ce qui en fait ses spécificités et donc son identité. De plus, on se rend bien compte de la volonté de considérer l’identité : « maîtriser la banalisation des paysages » , renforcer la cohésion sociale du territoire, mais aussi de faire ressortir la potentialité du patrimoine, leur capacité à produire de l’identité. C’est à partir de textes comme celui-ci que l’identité territoriale pourra être reconnue comme essentielle pour penser à l’urbanisation future d’un territoire. De plus, l’ensemble des ambitions énoncées dans le PLU sont intégrées à d’autres documents afin d’avoir une compatibilité entre les écrits pour avoir une « harmonisation » du territoire. 8. MAGNAGHI A. La Biorégion urbaine. Petit traité sur le territoire bien commun, Rhizome, 2014, p. 5 à 19 9. MAGNAGHI A. La conscience du lieu, Rhizome, 2017 p. 184 « Le commun est pensé en termes de coactivité » 10. MAGNAGHI A. Le projet local. Manuel d’aménagement territorial, Mardaga, 2003, p. 79-80

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Ces documents graphiques et écrits sont tirés du Diagnostic territorial du plan local d’urbanisme de la métropole de Grenoble. Le vocabulaire identifié caractérise les territoires et fait référence à des identités territoriales qui sont pour eux des potentialités.Les illustrations montrent l’attention à l’échelle locale, toute en étant rattaché à une échelle métropolitaine. Les territoires ne sont pas liés à des communes mais à des lieux singuliers au sein d’une intercommunalité. C’est-àdire qu’ils sont traités de par leur identité et non par des critères administratifs ou fonctionnels.

« L’identité de la métropole est perceptible au travers de son patrimoine bâti et naturel répartis dans l’ensemble du territoire, que ce soit des éléments remarquables ou un patrimoine vernaculaire constitutif du paysage du quotidien. » Evaluation

environnementale, p.117

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PLUi - Rapport de présentation - Diagnostic territorial (volume 1), p. 4-78-83-85-86 28


Concernant la métropole du Grand Paris, il existe un PLU propre à chacune des villes. Le PLU de Noisy-LeGrand, datant de 2011 et ayant été modifié en 2017 et 2019, a pour objectif de trouver la place de NoisyLe-Grand au niveau régional. Les objectifs évoqués par le PLU de la métropole du Grand Paris si apparente mais dans l’énonciation et la mise en oeuvre sont considérablement différentes. Comme Grenoble, le PLU se constitue d’un diagnostic territorial, d’un Etat initial de l’environnement et d’une Evaluation environnementale. Dans ce PLU, les singularités du territoire ne sont que peu évoquées au profit des infrastructures et réseaux de transports qui prennent largement le dessus. A la différence du PLUi de Grenoble, et selon moi, il n’y a pas d’équilibre entre protection des ressources et développement. L’écrit est plutôt axé autour du développement urbain, routier, économique sans réelle mise en relation avec le territoire et son identité. Les territoires sont davantage étudiés quantitativement que qualitativement, par des diagrammes, ils sont tous comparés au même titre, sans distinction alors qu’ils sont fondamentalement différents. On trouve beaucoup de chiffres et très peu d’analyse. L’étude de l’histoire, de la géographie est très limitée. La différence avec les autres « banlieues » de la région d’Ile-de-France n’est pas perceptible alors qu’elle existe. Cependant, les enjeux liés au centre historique sont tout de même abordés ainsi que se situation géographique et urbaine très succinctement. Il est évoqué la mise en valeur des linéaires commerciaux, l’implantation de nouveaux commerces, mise en valeur architecturale, les possibilités de réhabilitations et le développement doux. Tout ceci est très lié à l’économie mais il n’est pas question d’identité, ni de mode d’habiter, de relations sociales qui parlent de l’humain lui même. Les notions employées à de nombreuses reprises sont « pôle commercial », « attractivité » … La sectorisation, qu’Alberto Magnaghi souhaite éviter, est évidente. Même si certaines particularités du centre historique sont présentes dans le PLU, celles-ci ne sont pas valorisées ni montrées comme des potentialités de développement. Le patrimoine est perçu selon une « esthétique » et non pas comme un type bâti créant des rapports sociaux particuliers. L’enjeu est de « maintenir la qualité et le patrimoine historique du quartier » mais aucune relation du local n’est faite avec l’échelle de la métropole. C’est pourquoi on parle d’identité menacée. En effet, l’identité à construire du Grand Paris est entièrement dissociée des identités locales existantes. La relation entre l’échelle du grand territoire et celle des lieux le constituant est inexistente. Il y a donc une confrontation induite par ce document, plutôt qu’une conciliation comme il serait souhaité. Cela peut s’expliquer par un manque d’observation pour réaliser ces textes écrits par la suite. Mais ces recherches existent, réalisées par l’Apur, je pense donc davantage que cela provient d’une volonté des acteurs du pouvoir qui diverge de celle des acteurs de la recherche et de la conception. Ainsi ces textes sont des outils stratégiques permettant de guider les projets qui feront évoluer les territoires. Leur contenu est donc déterminant dans l’élaboration des enjeux liés à l’identité et son devenir. Le PLUi de Grenoble, par son diagnostic et son identification forte du territoire, fait l’objet d’un réel projet territorial à la différence de celui de Noisy-le-Grand. Celui-ci fait, en effet, quasiment abstraction de l’identité de son territoire et surtout de son centre « historique », puisque même si la notion est abordée, le local est dissocié de l’échelle métropolitaine. Ainsi, c’est avec difficulté que l’identité du centre historique persistera. 11. MAGNAGHI A. Le projet local. Manuel d’aménagement territorial, Mardaga, 2003, p. 13 « Les politiques de sauvegardes mises en oeuvre se révèlent totalement impuissantes, parce qu’elles traitent le problème de l’environnement de façon sectorielle, sans remettre en cause les procédures qui contribuent à sa dégradation.»


Le fait de comparer la représentation graphique des documents d’étude territoriale permet de montrer la manière dont les acteurs se représentent le territoire mais aussi les éléments auxquels ils portent de l’attention. Les lieux ne sont pas représentés par ce qu’ils sont, dans leurs singularités paysagères, mais par des symboles. L’analyse quantitative concernant les logements n’est pas complétée par une analyse qualitative des choses dans ce diagnostic de Noisy-le-Grand. Ce qui est regrétable puisque cela ne les amènent pas à parler, par exemple, de rénovation avec plus d’importance alors que le centre historique présente de nombreux logements qui semblent vacants, laissés à l’abandon, au dessus des rezde-chaussé commerciaux.

« La diversité des formes urbaines, témoin de l’histoire et de l’urbanisation de Noisy-le-Grand confère à la Ville sa particularité, la distinguant d’autres communes de la banlieue parisienne. » Projet d’aménagement et développement durable, p.3

PLU - Diagnostic territorial et état initial de l’environnement 2.1.1, p. 15-71

Il y a les prémices de la notion d’identité mais celle-ci reste incomplète dans l’ensemble des documents écrits. 30


Le PLUi de la métropole de Grenoble et le PLU de la commune de Noisy-le-Grand s’opposent sur le fait de traiter un ensemble de communes liées notamment par un bassin de vie, des rapports sociaux, qui ont donc des enjeux communs contre celui de ne parler que d’une commune. L’identité territoriale n’est réellement perceptible que dans l’étude d’une intercommunalité puisqu’il met en relation les échelles, passant des localités à une grande étendue territoriale qui les unit. Le PLUi de la métropole de Grenoble fait davantage référence aux lieux que le PLU de Noisy-le-Grand qui, à échelle communale, parle surtout d’espace et de réseaux, des infrastructures et de l’automobile. Le seul document qui unit les territoires du Grand-Paris est le SCOT. C’est le PLU de Noisy-le-Grand qui devrait se nourrir d’une Schéma de cohérence territoriale qui étudie le territoire à l’échelle régionale. Je pense que Grenoble a su harmoniser sa documentation de législation urbaine par le choix de l’échelle de la métropole comme sujet à la fois du PLUi et du SCOT. La ville ne devrait pas être considérée de par sa délimitation administrative puisque celle-ci n’existe pas physiquement, mais comme un territoire en soi. Pour traiter de ces relations de vie, pour réellement parler de territoire et d’identité, ne serait-il pas judicieux de toujours instaurer des plans locaux d’urbanismes intercommunaux ? Je pense qu’il pourrait y avoir une réflexion sur les associations possibles en PLUi. Mais qui écrit ces documents ? Quels sont les acteurs institutionnels à l’origine de ces PLU ? L’élaboration du PLU se fait pas les élus, de la commune, dans le cas de Noisy-le-Grand, en concertation avec les acteurs du territoire et les habitants. Dans le cas du PLU intercommunal, il y a une concertation entre les communes, mais aussi entre les élus communaux et métropolitains. On remarque la contribution dans les études de la métropole de Grenoble, d’agence d’urbanisme telle que l’AURG (région Grenobloise). On trouve aussi la participation de l’observatoire du changement climatique, ou le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’environnement de l’Isère parmi d’autres. Ce qui n’est pas le cas pour le PLU de Noisy-le-Grand. Les acteurs institutionnels prenant les décisions travaillent donc plus ou moins avec d’autres acteurs qui apportent leurs connaissances géographiques, sociologiques, urbanistiques ou paysagères. Il y a ainsi des enjeux politiques liés à la rédaction de ces textes de par les personnes qui rédigent et qui ont conscience des types de territoires que les documents concernent. Pourquoi les acteurs du territoire ne prendraient-ils pas une plus grande place dans l’élaboration d’un plan local d’urbanisme, dans les études du territoire ? La cartographie est un outil de représentation utilisé dans ces études du territoire et joue un rôle important. L’architecte, comme le définit Mathias Rollot possède des connaissances pluridisciplinaires qu’il serait possible de mettre à profit dans les études territoriales. L’architecte possède des outils et la capacité à accompagner une transition sociétale, changer les modes de vie, l’aménagement des territoires, son organisation.

12. ROLLOT M. Les territoires du vivant, Editions François Bourin, 2018, p. 70-76 « Le champ architectural offre des outils pour porter un regard singulier sur le monde autant que pour représenter ce point de vue, constituant, de fait, un milieu privilégié pour apprendre à voir autrement la planète habitée... Aux architectes leur reste capacité critique de conceptualisation et de représentation de manipulation et de transmission d’une vision particulière portée sur les établissements humains et leurs complexités.»


« Pour prendre soin des lieux, il est nécessaire de savoir les regarder, les reconnaître, et de savoir en interpréter les valeurs, les règles reproductives, l’identité profonde. » Alberto Magnaghi, La Biorégion urbaine. Petit traité sur le territoire bien commun, p.30

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CONCLUSION Et rétrospective sur un projet urbain De mes enquêtes, est ressorti un centre historique de Noisy-le-Grand singulier, qui possède une identité de « village », un héritage qui s’est transmis jusqu’aujourd’hui. Et, alors que l’urbanisation avance à grand pas, le centre est toujours présent, mais son insertion dans la ville, les relations aux quartiers alentours sont entravées. On a parfois même une architecture qui vient s’approcher, s’accoler, sans avoir « conscience du lieu » (Alberto Magnaghi). L’identité des territoires du centre ville est fragile, comme celle des lieux environnants. La difficulté à laquelle les territoires constituant le Grand-Paris font face n’est pas tant celle d’une nouvelle identité qui se construit, mais surtout celle d’identités locales qui vont perdre de l’importance dans l’urbanisation intense qui touche à la fois la périphérie des villes, et ces centres, une urbanisation de la normalisation qui est identique partout. Chaque lieu quelqu’il soit possède une richesse historique, culturelle, géographique, paysagère qui s’identifie par des variables que j’ai précédemment défini. Ces critères varient d’un endroit à un autre et ont plus ou moins un caractère identitaire. La relation entre chacun de ces éléments forment une identité qui les distingue les uns des autres. Je pense qu’il est essentiel de considérer cette identité et d’intervenir en fonction du territoire préalablement observé dans ses particularités. Les raisons sont simples, non seulement préserver un cadre environnemental existant, mais surtout une culture et une histoire que les habitants entretiennent chaque jour par leur manière d’habiter.

C’est dans l’intérêt des populations, d’intégrer l’identité territoriale, que ce soit dans la législation urbaine que dans les projets urbains et architecturaux. Le territoire est aménagé par des acteurs de la conception, les décisions sont en grandes parties prises par les politiques. Mathias Rollot exprime, en s’appuyant sur l’exemple de la biorégion urbaine, que si l’on veut effectuer un changement sociétal, il va falloir défendre des idées, puis bâtir, concevoir le paysage, la ville, le territoire. C’est là que ce trouve le rôle de l’architecte.

Durant ce dernier semestre de licence, et en parallèle de l’écriture de ce rapport, l’atelier de projet urbain m’a fortement guidé dans mes réflexions et me permet de conclure sur les moyens que possède l’architecte pour penser le territoire et son identité. 13. MAGNAGHI A. La conscience du lieu, Rhizome, 2017 14. ROLLOT M. Les territoires du vivant. Un manifeste biorégionaliste, Editions François Bourin, 2018, p. 54-77 « L’architecture comme une éthique partagée. » « Aux architectes revient aujourd’hui la lourde tâche de la mise en forme d’une société qu’ils ne cautionnent pas nécessairement ... Leur reste cette capacité critique de conceptualisation et de représentation, de manipulation et de transmission d’une vision particulière portée sur les établissements humains et leurs complexités ... Une aubaine à saisir, à l’heure de la dépossession généralisée. »


La cartographie que j’ai tenté de valoriser dans ce rapport, est l’outil par lequel nous avons commencé à étudier le territoire durant ce semestre. Ayant étudié la géographie, je possédais des connaissances en cartographie, des règles de représentations. J’avais déjà cette idée que la cartographie permettait une compréhension du territoire, mais lors de cet atelier, en dessinant à la main, je me suis rendue compte que l’architecte pouvait observer le territoire et l’interpréter de manière différente et le représenter comme il est, avec un graphisme approprié. Cet exercice permet une perception d’un territoire dans sa grande échelle mais aussi dans sa localité. C’est par ce biais que l’architecte pourrait penser l’identité territoriale, en prendre conscience et surtout la comprendre. A cela s’ajoute la photographie et le croquis, qui sont pour moi des outils d’enquête et d’observation de terrain qui viennent compléter le travail de cartographie. Mais aujourd’hui, cet outil est encore trop peu utilisé comme objet d’étude et pas seulement comme celui de représentation du projet. Je pense pourtant qu’il pourrait initier des intentions de projets très justes et en accord avec un territoire, par l’identification d’une identité structurante au sein d’un paysage auquel on va toucher et apporter. C’est un point de départ qui peut définir des actions. Les exercices pour moi ont été trop dissociés, ce qui est dommage puisque l’enseignant partait de ce point de vue intéressant de nous faire faire ce que l’architecte devrait faire selon lui : l’analyse cartographique du territoire mais aussi l’écriture d’un règlement urbain. Nous sommes tout de suite passés à un exercice de projet qui va du détail de la distribution du logement à la conception d’un plan masse en relation avec une situation théorique « entre rue au sud et parc au nord ». C’est à l’issue de ce cours projet que nous avons dû réaliser un règlement urbain à partir du projet de par-

-celles. J’ai pu voir en étudiant les plans locaux d’urbanisme que l’étude territoriale était fondamentale. Donc, réaliser ce texte était pour moi en contradiction avec la réalité des choses. Ce fut d’ailleurs difficile à rédiger, sans argumentation fondée sur une identité du territoire étudié. De plus, une fois fini, ce règlement ne nous a pas servi de référence. Revenir à la cartographie pour déterminer des prospectives de projet, pour ma part, m’a recentrée sur les problématiques observées sur le territoire, ses potentialités. Même si l’identité n’a pas été abordé dans cet atelier de projet, nous l’avons approché par notre étude, qui je pense aurait pu être davantage approfondie. Cependant, cela a enrichi ma réflexion par une réciprocité permanente entre le rapport d’étude et l’atelier de projet.

Finalement, cela m’a montré que tout commence par un territoire observé, photographié, dessiné, puis cartographié. Et cette étude devrait être la base de l’élaboration d’un règlement urbain associant des communes tel que le plan local d’urbanisme intercommunal de la région Grenobloise puisque chaque architecte doit s’y référer. Le plan local d’urbanisme devrait enrichir le projet urbain dans sa relation au territoire et dans la question de l’identité des lieux. Pourquoi n’y aurait-il pas de nouveaux rapports acteurs de l’aménagement / acteur institutionnel ? 34


Ainsi, j’ai voulu mettre en tension le projet d’un ouvrage bâti avec le projet territorial en partant de la notion d’identité territoriale. Je pense que c’est aussi le rôle de l’architecte, de sortir du bâti, de s’ouvrir et s’intéresser à la grande échelle pour ensuite revenir à des parties de celle-ci. Le centre historique est attaché à un territoire sur lequel il s’est installé il y a longtemps. Celui-ci a évolué et s’est formé à partir de cette situation d’origine jusqu’à aujourd’hui. Avec l’observation, on vient chercher l’identité historique alors qu’on fait l’identité d’aujourd’hui. Cette étude m’aura appris que l’architecte et d’autres professionnels ont une proximité bien plus forte qu’on ne le croit du point de vue de leurs préoccupations. L’architecte apporte une intégration pluridisciplinaire. Tandis que la sociologie et la géographie procurent des pistes, l’architecte, lui possède une réelle prédisposition à la conception. Faire du projet est en effet propre à l’architecte. C’est le seul a pourvoir faire un relever et observer en vue de réaliser un projet inscrit dans un territoire. L’observation du territoire induit certains gestes de projet. C’est pourquoi la planification est indissociable du projet. L’identité est intégrée à l’échelle du projet, et la planification, et tous les moyens d’observations d’un territoire sont des outils que l’architecte pourrait s’approprier.

Cartographie du terrain préalable au projet urbain, mai 2019

Je tiens donc à remercier, pour avoir encadré mon rapport de licence, Madame Conci et Monsieur Destombes, qui m’ont guidé dans ma réflexion tout au long du semestre. Ainsi que l’ENSAPLV, pour ce parcours en licence d’architecture.



BIBLIOGRAPHIE Lectures principales : - Les territoires du vivant, Un manifeste biorégionaliste, 2018, Mathias Rollot - La Bio-région urbaine, Petit traité sur le territoire bien commun, 2014, Alberto Magnaghi - Le projet local, 2003, Alberto Magnaghi

Lectures secondaires : - La conscience du lieu, 2017, Alberto Magnaghi - Les 100 mots de la géographie, 2012, Jérôme Dunlop - Dictionnaire de l’urbanisme et de l’aménagement, Pierre Merlin et Françoise Choay - Atlas du Grand Paris, 2013, APUR - Diagnostic territorial, Etat initial d’environnement, PLU Noisy-Le-Grand - Diagnostic territorial, Etat initial d’environnement, PLUi de Grenoble

Liens web : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/territoire http://www.hypergeo.eu/spip.php?article704 https://projets.grandparissud.fr/scot-schema-de-coherence-territoriale http://www.lyon.archi.fr/sites/default/files/L-M81_Biorégion-présentation-2%20(1).pdf http://arthur-remy.fr/?page_id=718 https://www.noisylegrand.fr/vos-services/urbanisme/regles-durbanisme/plan-local-durbanisme https://www.lametro.fr/646-les-documents-du-plui.htm https://www.noisylegrand.fr/fileadmin/medias/PLU/PLU_modif_2019/Rapport_de_presentation/ https://www.iau-idf.fr/gouvernance/metropole-du-grand-paris/la-fabrique-identitaire-du-grand-paris-entre-espaces-symbolique-et-politique.html http://www.noisy-les-bas-heurts.com/2015/10/ http://www.actep.fr/-L-ACTEPhttp://www.urbanwater.fr/?p=679 https://www.grandparisgrandest.fr/sites/default/files/media/downloads/ https://patrimoine.seinesaintdenis.fr/IMG/pdf/diagnostic_patrimonial_neuilly-sur-marne.pdf http://www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/



C’est après avoir étudié un an en géographie et aménagement du territoire à l’université Sorbonne Paris IV que j’ai intégré l’Ecole Nationale Supérieure d’architecture de Paris la Villette il y a trois ans. Je réalise ce rapport d’études en troisième année d’architecture, à partir de questionnements personnels ayant émergé durant mon parcours. J’ai été marqué par mon année en géographie qui m’a permis d’appréhender des notions que l’on retrouve en architecture, le territoire, la ville, le paysage ... J’y ai également découvert les différentes géographies qui existent, celle des populations et dynamiques urbaines, celle de l’économie celle des paysages agraires, du système-terre, de la biosphère. Dans chacun de ces domaines, la cartographie était présente, à l’origine de la compréhension de nos territoires. Je suis arrivée en architecture avec ce parcours derrière moi sans jamais m’en défaire. Les interrogations que j’ai pu avoir depuis la première année m’ont amené à la question de l’identité dans la conception architecturale et urbaine, que je développerai dans ce rapport.

Mars - Juin 2019


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