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l’intime conviction du juge
from Représentations sorcellaires et traitement judiciaire de l’infraction de Pratiques de Charlatanisme
De même, le fait de demander du sel après la tombée de la nuit peut suffire à déclencher une accusation de sorcellerie.
Certains juges font toutefois une autre lecture de ces évènements :
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« Moi personnellement, j’ai une opinion : ces vieilles personnes là au village, elles sont souvent seules, sans mari et sans enfants et aussi pauvres. Ces personnes qui restent seules toute la journée ne mangent pas et voient les voisins préparer à manger et c’est à ce moment-là qu’elles sortent de chez elles. Si elles demandent du sel à la tombée de la nuit, c’est peut-être uniquement une manière indirecte pour demander un bout à manger ou pour avoir un petit contact social. Et si les voisins refusent et qu’ils ont des cauchemars la nuit, ce n’est pas à cause de la vieille personne qui les attaque avec sa sorcellerie mais c’est plutôt parce que leur conscience les travaille et qu’ils regrettent de ne pas l’avoir aidée. C’est la même chose pour les enfants qu’on accuse de sorcellerie quand ils ont un comportement bizarre, comme quand ils se lèvent la nuit pour manger de la viande crue. Généralement, c’est uniquement parce qu’ils ont faim et qu’ils ne sont pas nourris correctement pendant la journée. Ils mangent ce qu’ils trouvent, c’est tout. Tout cela s’est en plus accentué ces dernières années avec la crise qui a renforcé la misère sociale »
Haut magistrat du siège
Une justice en définitive basée sur l’intime conviction du juge
Comme les différents éléments présentés dans les paragraphes ci-dessus en attestent clairement, et hormis les cas où les personnes accusées passent aux aveux – dont on a par ailleurs vu qu’ils s’inscrivaient fréquemment dans une stratégie de protection, les juges se basent sur leurs propres croyances et in fine, sur leur intime conviction afin de dénouer les affaires de sorcellerie qui leurs sont soumises.
« Le juge ne peut se baser que sur son intime conviction et donc sur ses propres croyances, qui sont à la fois individuelles mais qui sont aussi très fortement influencées par l’inconscient collectif. Si vous avez été éduqué dans un univers où la sorcellerie est ancrée, vous ne pourrez pas vous en débarrassez comme cela, cela vous colle à la peau. Certains collègues vont entrer en condamnation sur base de témoignages de Ngangas et de preuves mystiques. D’autres juges ne croient pas du tout à la sorcellerie, même en cas d’aveux, ils vont dire que la personne n’est pas équilibrée dans sa tête, qu’elle est vieille et qu’elle ne sait plus ce qu’elle dit. C’est vraiment une question d’éducation, d’environnement et de croyances »
Haut magistrat du siège
Ainsi, comme le souligne E. Ndjapou, « Dans ce contexte, il y a deux catégories de juges : ceux qui croient fortement à la sorcellerie, et par conséquent reconnaîtront des forces à de simples bouteilles ou ficelles présentées à l’audience comme pièces à conviction. Ils accorderont du crédit à la partie-civile qui se prévaudra d’avoir vu le prévenu en songe. Ils tireront d’une simple querelle antérieure entre les plaideurs des motifs pour retenir la culpabilité du prévenu. Ils tireront de l’aveu de l’accusé même s’il a été extorqué violemment par la population et au commissariat, des accusations de devins ou des délires d’un malade, des révélations manifestées dans les groupes de prières,