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Conclusion

En RCA, les représentations et les explications sorcellaires dominent et façonnent la vie quotidienne des centrafricains : les malheurs, tels que la mort, la maladie ou encore la pauvreté trouvent leur origine dans un acte sorcier, lequel peut prendre de multiples formes. Les crises successives qui ont secoué la RCA depuis 2013 et qui ont dégradé les conditions de vie des populations (en ce compris l’accès à l’éducation et aux soins de santé) ont encore accentué ce phénomène ; au même titre que la réappropriation de la sorcellerie par les instances religieuses proposant des mécanismes pour « combattre » celle-ci (exorcisme notamment).

Face à cette réalité, les agents de l’Etat justifient le maintien de l’incrimination de l’infraction de PCS au sein du CP et l’intervention massive du système judiciaire pour connaître de ces pratiques et le cas échéant, réprimer leurs auteurs, notamment en vue de préserver l’ordre public, principe qui apparaît par ailleurs instrumentalisé, au détriment de la protection des droits individuels des personnes accusées.

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Comme nous l’avons vu, la base légale de l’infraction de PCS est particulièrement vague ; la loi ne précise pas ce qu’il y a lieu d’entendre par pratiques de sorcellerie, ce qui ouvre la voie à une application arbitraire de ces dispositions. En outre, face aux difficultés d’apporter la preuve matérielle de la commission des faits, la plupart des acteurs judiciaires cherchent à tout prix les aveux de la personne accusée, sans que les conditions d’obtention de ces aveux ne soient davantage analysées et sans qu’ils ne soient replacés dans le contexte des situations sociales dans lesquelles les accusations de sorcellerie émergent. Les acteurs traditionnels, tels que les Ngangas, sont fréquemment associés aux procédures (en particulier à l’intérieur du pays) et dans de nombreux cas, leurs témoignages suffisent à entraîner la conviction des juges. Le maintien de cette incrimination dans le CP conduit ainsi les acteurs judiciaires à s’en remettre à leur seule intime conviction, laquelle est largement façonnée voire même conditionnée par leurs propres croyances dans les phénomènes sorcellaires plutôt que par des preuves matérielles irréfutables ; entachant de ce fait la prévisibilité des décisions de justice.

Par ailleurs, de par sa nature, l’intervention judiciaire n’est pas à même d’assurer la protection et la réintégration/réhabilitation des personnes accusées. En condamnant une personne pour PCS, la justice atteste de la réalité de sa sorcellerie et la personne condamnée restera exposée à de nouvelles accusations voire à la commission d’actes violents à son encontre, même après sa sortie de prison. La multiplication des procédures judiciaires et les nombreuses condamnations qui s’en suivent ont également pour effet d’officialiser l’omniprésence du risque sorcellaire, entrainant une prolifération des accusations et une insécurité croissante pour les personnes accusées de sorcellerie. Dans le cas d’un acquittement, la population, qui dans sa grande majorité exprime une défiance importante envers le système judiciaire, pourra chercher à se faire justice elle-même.

Il apparaît dès lors essentiel que les réflexions autour de l’infraction de PCS soient redynamisées, en incluant tous les acteurs pertinents, afin de redéfinir son contour au regard des réalités contextuelles et culturelles centrafricaines et surtout d’envisager des alternatives à son traitement purement judiciaire.

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