Minimix cahier d'exploration et d'immersion 2015/2016

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MiniMix Cahier d’Exploration & d’Immersion


MiniMix 1 | Méthode 8 2 | Contexte général de l’étude

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3 | Les structures accompagnées

42

44

Bibliothèque départementale de prêt

cité de la musique 74

Maison départementale de la solidarité pressensé

100

Centre régional d’information jeunesse Provence-Alpes

114

4 | Conclusions / Convergences

136

5 | Références 140



La Fabulerie est une association loi 1901 qui s’inscrit dans le champ de l’innovation créative, sociale et numérique. L’association ancre ses actions dans des logiques bottom up, inclusives et participatives en soutenant des initiatives qui placent les personnes au coeur des débats, des propositions et des actions. L'association propose aux institutions, associations et organisations de tirer parti de la transition sociale, culturelle et numérique à l’œuvre dans nos quotidiens. Elle propose d’imaginer, prototyper et expérimenter le monde de demain, en partant du principe que le futur nous appartient. Pour cela elle s’appuie sur des facilitateurs tels que le numérique, le design et l’intelligence collective. Des méthodologies créatives et plusieurs dispositifs de médiation innovants soutiennent ses actions.

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Les partenaires MiniMix

Région Provence-Alpes-Côte d'Azur Mission innovation SIEN

Conseil départemental des Bouches-du-Rhône

Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports. Fonds d'Experimentation Jeunesse

&Co Projet porté et coordonné par l'Office, coproduit avec le CRIJ Provence-Alpes, InterMADE, Urban Prod, Vatos Locos Vidéo, Seconde Nature, ZINC, Radio Grenouille, Design The Future Now/ La Fabulerie, le CREPS PACA, ARSENIC et réalisé dans le cadre du programme Fond Expérimentation Jeunesse.

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Minimix Les MiniMix sont des résidences de codesign qui s’appuient sur l’intelligence collective, les méthodes de design thinking, des sciences sociales et le potentiel du numérique pour accompagner les institutions souhaitant renouveler et enrichir leur lieu, leurs actions, leurs services. Le projet MiniMix#1 est un accompagnement créatif et participatif qui organise un espace de dialogue et de faire. Cette forme innovante d’animation du territoire Marseille Grand Centre Ville est capable de produire des propositions concrètes, de les expérimenter et de les documenter sous une forme partageable au plus grand nombre.

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Les 9 ĂŠtapes MiniMix

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1 | MĂŠthode

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La phase exploration #1 Ce cahier de synthèse retrace la phase d’exploration #1 qui s’est déroulée d’avril à juin 2015 auprès des quatre structures concernées par cette première édition du projet MiniMix. Cette phase d’immersion met en lumière l’ancrage territorial du projet et s’attache aux spécificités de cet écosystème. Elle permet également de construire les axes de transformation à explorer lors de la phase d’ateliers créatifs programmée pour l’automne 2015. La phase d’exploration s’appuie sur une méthodologie mixte qualitative, quantitative et compréhensive pour rendre compte des lieux concernés par notre étude.

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Nous nous intéressons aux représentations et pratiques des usagers (principalement les professionnel.le.s) de ces lieux, leur fonctionnement et leur ancrage territorial. Notre approche mixte et compréhensive s’ancre dans une volonté d’être au plus près des personnes et du terrain.

S’Informer

Echanger

Observer

Pour ce faire, cette phase s’articule autour de trois pôle : S’informer pour prendre connaissance du terrain de l’étude et des enjeux qui le sous-tendent. Observer pour collecter des pratiques en contexte, in vivo. Échanger pour appréhender les représentations et pratiques des personnes à travers leur discours.

10| Méthode


Outils de collecte des données Notre étude croise différentes méthodes afin de nourrir les regards sur un même objet étude.

Qualitatifs Nous avons donc déployé différentes méthodes d’investigation : des observations libres des structures socio-culturelles concernées ; des participations à certaines activités proposées par les structures socioculturelles ; des entretiens individuels et collectifs avec des professionnel.le.s des structures visées et avec des bénéficiaires. Ces temps de rencontre pouvaient être formels et/ou informels. Aussi, d’autres temps d’échanges ont alimenté l’étude : des réunions entre l’équipe projet MiniMix et chacune des structures ainsi qu’un comité de pilotage.

Quantitatifs Cette méthodologie qualitative a été croisée avec des données statistiques prélevées dans les bases de données de l’Insee, des CUCS et de l’Agam afin d’éclairer sous un autre angle notre objet d’étude.

Méthode |11


L’échantillon de population Concernant la phase qualitative, notre échantillon de population est constitué : * de professionnel.le.s, c’est-à-dire ceux et celles qui travaillent dans les structures (BDP, MDS, Cité de la Musique, CRIJPA) ; * de bénéficiaires, c’est-à-dire ceux et celles qui se rendent dans les structures pour bénéficier de services spécifiques (BDP, Cité de la Musique, CRIJPA). Une des limites de l’étude concerne la prise en compte effective des bénéficiaires. Le temps de l’étude n’a pas permis de toucher un nombre conséquent de bénéficiaires. L’étude a privilégié les professionnel.le.s des structures. Notre échantillon n’a pas vocation à être représentatif mais raisonné. Cet échantillon de population nous permet de récolter un éventail de points de vue pour saisir les prises de position des individus envers les lieux.

12| Méthode


L’immersion en chiffres 3 réunions avec les parties prenantes // 12 heures d’observation dans la salle d’actualité de la Bibliothèque Départementale de Prêt, de la Cité de la Musique (et du collège Versailles), du CRIJPA et de la Maison de la Solidarité de Pressensé // 17 entretiens semi-directifs auprès des professionnel.le.s de la Bibliothèque Départementale de Prêt (5), de la Cité de la Musique (5), Maison Départementale de la Solidarité (1) et du CRIJPA (6) // plusieurs entretiens informels avec certain.e.s bénéficiaires de la Bibliothèque Départementale de Prêt, de la Cité de la Musique et du CRIJPA, ainsi qu’avec certain.e.s professionnel.le.s de ces structures.

Méthode |13


2 | Contexte général de l’étude

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Premiers pas L’expérience Minimix a été initiée par un appel à manifestation d’intérêt, au cours duquel trois structures se sont portées volontaires : la Bibliothèque Départementale de Prêt des Bouches du Rhône, La Cité de la Musique et le service de l’action sociale du Conseil Général des Bouches du Rhône. Après un temps de prise de contact et d’échanges entre chacune des structures et La Fabulerie, une rencontre entre tous.tes les participant.e.s a été organisée. Cette réunion avait pour objectif de récapituler les problématiques de chacun, de faire émerger des questionnements communs, et d’identifier les espaces de résidence potentiels pour l’expérience Minimix. Ce temps d’échange collectif coïncide avec le début de la phase d’exploration par l’équipe de La Fabulerie. Le CRIJPA a rejoint le parcours Minimix à l’orée de cette phase d’exploration dans le cadre du projet &Co1. 1  &Co est un projet qui vise à faciliter les initiatives des jeunes à partir de leurs pratiques et de leurs envies, grâce à des outils numériques. Il se déploie à l'échelle métropolitaine, entre Vitrolles, Marseille, Aix-enProvence, Martigues et La Ciotat. Il associe notamment le CRIJPA à Marseille et l'espace MAJIC de Vitrolles pour tester les prototypes et dispositifs issus des temps créatifs sur la thématique des lieux d'information jeunesse.

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Les Résidents Quatre organisations situées dans le Grand Centre Ville de Marseille ont manifesté leur intérêt pour le projet Minimix : La Cité de la Musique La Cité de la Musique est composée de 8 lieux d’apprentissage à Marseille, pour les musicien.ne.s en herbe comme pour les plus confirmé.e.s. Elle accueille également des concerts, des artistes en résidence, une médiathèque ainsi que plusieurs associations musicales. La Maison Départementale de la Solidarité Pressensé La Maison Départementale de la Solidarité (MDS) accueille, conseille et oriente les habitant.e.s sur les dispositifs d’aide sociale et d’accès aux droits. La Bibliothèque Départementale de Prêt La BDP a pour vocation le développement de la lecture dans les communes de moins de 20 000 habitants. Elle permet aux bibliothèques du réseau, en complément de leurs propres fonds, de proposer une offre riche et diversifiée en leur prêtant des livres, des CD, des DVD, des partitions. Le Centre Régional d’Informations Jeunesse Le CRIJ est une association officiant comme plateforme de ressources et de services pour les jeunes. Dans ses locaux, elle accueille, écoute et conseille sur divers thèmes de la vie quotidienne des “jeunes” (études, emploi, santé, logement, etc.). 16| Contexte de l’étude


L’émergence d’une cohérence institutionnelle et territoriale Au fil des différentes manifestations d’intérêt, deux grands éléments de cohérence entre les structures sont apparus. D’une part, chacune de ces entités reçoit l’appui du Conseil Général des Bouches-du-Rhône, soutenues dans leur fonctionnement ou sur des actions plus ponctuelles, lorsque elles n’en sont pas directement l’un des organes. Cette situation place les services de la culture et de l’action sociale du CG13 en position d’interlocuteurs stratégiques pour la poursuite de l’expérimentation. D’autre part, les lieux pressentis pour le dispositif sont tous localisés dans les 1er et 3e arrondissements de Marseille. Ce rayon de relative proximité à l’échelle de la ville définit un espace charnière entre l’hypercentre et les quartiers péri-centraux Nord. Il comprend entre autres les quartiers Belsunce, Saint-Lazare et la Vilette, et recoupe en très grande partie le périmètre CUCS2 du Grand Centre Ville . La CUCS Grand Centre Ville a été étendu en 2014 aux quartiers du Panier, Belle-de-Mai et Pombières. La réforme Lamy3, qui introduit ces évolutions de la géographie des quartiers prioritaires, instaure également des dispositions en faveur de la participation habitante, à travers notamment de Conseils Citoyens4.

2  Contrat Urbain de Cohésion Sociale 3  LOI n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (JORF n°0045 du 22 février 2014 page 3138) 4  Cette orientation fait suite au rapport de Marie-Hélène Bacqué et Mohamed Mechmache, Pour une réforme radicale de la Politique de la Ville, remis en 2013 au Ministère de la Ville.

Contexte de l’étude |17


Les caractéristiques du territoire Les missions d’accueil de publics - voire de service public - des lieux de résidence Minimix soulèvent la question de leur rapport à la ville et à ses habitant.e.s. Chacun des lieux s’inscrit dans un «déjà-là», ils influencent et sont influencés par leur environnement. Une étude succincte de ce contexte (ici les 1er et 3e arrondissements rapportés à la ville de Marseille) met en lumière certains enjeux auxquels les structures font face. Dans une ville aux contrastes sociaux très marqués, les 1er et 3e arrondissements affichent un revenu médian bien en deçà de celui de la commune (voir p.23). En ce sens, Marseille tire ainsi l’une de ses singularités dans la composition sociale de son centre ville, différente de la grande majorité des villes françaises où les populations modestes ont été poussées à quitter les quartiers centraux (Nasiali 2010).

BDP

2 18|

3 Cité de la musique

MDS Pressensé

CRIJPA

1


BDP

≈30 min. 2 km

Cité de la musique MDS Pressensé

CRIJPA

BDP

CUCS “Grand Centre Ville” Cité de la musique MDS Pressensé

CRIJPA

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Cette singularité est souvent interprétée comme une expression des difficultés économiques que connaît la ville depuis les années 70. A ce sujet, l’INSEE pointe un taux d’emploi très faible sur l’ensemble de la métropole Aix-Marseille, inférieur à celui de territoires comparables5. Face à la dépréciation accrue de la ville depuis sa désindustrialisation, les pouvoirs publics ont concentré leurs efforts en faveur d’une transition de l’économie marseillaise vers le secteur tertiaire. L’opération Euroméditerranée a ainsi été lancée avec objectif d’affirmer la position de Marseille comme métropole, à la fois en tant que centralité régionale et ville de rang international au coeur de la coopération euro-méditerranéenne (Bertoncello & Dubois 2010). Cette opération implique la recomposition urbaine de vastes portions de la ville. Plusieurs des lieux de résidence Minimix se situent dans le périmètre d’Euroméditerranée ou à sa proximité immédiate, dans des quartiers en grande mutation. Ces recompositions radicales ont pour objectif corollaire de changer l’image de la ville, de la rendre plus attractive. Les pouvoirs publics parient notamment sur le secteur du tourisme comme générateur d’emploi et d’investissements privés. Mais la fabrique de la ville à destination d’acteurs.trices exogènes remet parfois en question la place des populations modestes dans les quartiers centraux. Pour certain.e.s chercheur.e.s comme la géographe Isabelle Berry-Chikhaoui (2007), les objectifs d’internationalisation de la ville sont ainsi déconnectés de la vie quotidienne des habitant.e.s au dépend des relations multiples qu’ils.elles entretiennent avec les lieux en jeu. 5  INSEE PACA (2013). Métropole Aix-Marseille Provence, un territoire fragmenté, des solidarités à construire. Analyse n°34

20| Contexte de l’étude


D›après Euroméditerranée «Plan du périmètres et principales réalisations 2013»

Contexte de l’étude |21


Au delà de ces grandes tendances partagées sur le territoire du Grand Centre Ville, plusieurs nuances sont observées entre les 1er et 3e arrondissements, dans lesquels se concentrent les résidences Minimix. Les populations des deux arrondissements sont globalement plus jeunes que la moyenne marseillaise. La population du 3e arrondissement, est pour près d’un tiers composée de jeunes de moins de 20 ans. Cette tendance se retrouve dans le reste des quartiers prioritaires de la ville, où le taux de chômage des jeunes avoisine les 40%.6 Les deux arrondissements présentent des indicateurs de revenus bien inférieurs à la moyenne de Marseille, déjà faible en comparaison des autres grandes villes françaises. Les taux de demandeur.euse.s d’emploi et de personnes sans aucun diplôme y sont élevés. Mais la précarité de revenus et d’emploi s’avère particulièrement aiguë dans le 3e arrondissement. La moitié de ses habitant.e.s vit avec moins de 1000 € par mois. Le taux de demandeur.euse.s d’emploi y atteint presque un tiers de la population entre 15 et 64 ans. A mieux regarder les catégories socio-professionnelles des habitant.e.s nous pouvons constater des différences intéressantes entre les deux arrondissements. Le 3e présente des profils d’actif.ve.s majoritairement représenté.e.s parmi les employé.e.s et les ouvrier.e.s; le taux de cadres y est faible. Le 1er observe une plus grande mixité de ces catégories, qui sont par ailleurs plus équilibrées qu’à l’échelle de la commune.

6  CRPV, ARDL, Université du citoyen (2014). Les jeunes acteurs et ressources du développement social urbain. SGAR PACA

22| Contexte de l’étude


3eme 3eme 1er 3eme 1er Marseille 1er Marseille Marseille

3eme 3eme 1er 3eme 1er Marseille 1er Marseille Marseille

3eme

Population

0-19 ans

20-64 ans

65 et +

Population

0-19 ans

20-64 ans

65 et +

Population

0-19 ans

20-64 ans

65 et +

44 600

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44 600 38 356 44 600 38 356 859 636 38 356 859 636

31% 25% 31% 25% 25% 25% 25%

56%

56% 62% 56% 62% 58% 62% 58%

13% 13% 13% 13% 13% 17% 13% 17%

859 636

25%

58%

17%

Revenu médian €

Demandeurs D’emploi

Population sans Diplôme

Propriétaires

Revenu médian €

Demandeurs D’emploi 31% Demandeurs D’emploi 31%

Population sans Diplôme 41% Population sans Diplôme 41%

Propriétaires

29% 41% 29% 24% 29% 24%

25% 25% 25% 25% 44% 25% 44%

18 402

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Cadres

Professions intermédiaires

employés

ouvriers

Cadres

Professions intermédiaires 9% Professions intermédiaires

employés

ouvriers

employés

ouvriers

13%

17%

11 672

Revenu médian €

11 672 13 457 11 672 13 457 18 402 13 457 18 402

3%

Cadres 3eme 1er 3eme 1er Marseille 1er Marseille

3% 12% 3% 12% 9% 12% 9%

Marseille

9%

28% 31% 28% 18% 28% 18%

18%

9% 18% 13% 16% 9% 18% 13% 16% 17% 13% 13% 16% 17% Population de 15 ans13% ou plus selon la catégorie socioprofessionnelle Population de 15 ans ou plus selon la catégorie socioprofessionnelle

25%

Propriétaires

15%

15% 11% 15% 11% 10% 11% 10% 10%

Population de 15 ans ou plus selon la catégorie socioprofessionnelle

Contexte de l’étude |23


L’étude des populations résidentes à l’échelle des arrondissements met en évidence un contexte social très marqué dans le 3e arrondissement, quand les statistiques du 1er apparaissent plus diverses7. Ces indicateurs sociaux sont conjugués à un contexte de mutations spatiales radicales, engendrant des situations de grands contrastes. Les dynamiques urbaines en cours affectent directement les représentations, les pratiques et la fréquentation des quartiers concernés. L’offre de services de proximité est à penser en étroite relation avec ces contextes mouvants.

Des contextes spécifiques à chaque structure En plus de l’influence de dynamiques à large échelle, la logique de chacun des lieux est empreinte de facteurs contextuels qui lui sont propres. Que ces facteurs soient exogènes (liés à l’environnement urbain, à l’offre de tierces structures…) ou endogènes (capacité organisationnelle, aménagements internes…), leur identification offre des clés de compréhension supplémentaires sur les attentes des structures au moment de repenser leur offre de service. Les similitudes et singularités repérées à l’échelle de l’arrondissement se confirment en observant l’implantation des structures à une échelle plus fine, au sein de leur écosystème8 de proximité. Ainsi, cerner l’écosystème d’un lieu c’est arriver à le replacer dans son contexte, comprendre en quoi il est un rouage dans une mécanique plus large.

7  Le rapport COMPAS (2013) fait état de deux grands profils socio-spatiaux pour les IRIS du 3e arrondissement, et de quatre pour ceux du 1er arrondissement (de "forte diversité sociale" à "population à fortes difficultés socio-économiques"). 8  En écologie, un écosystème est l’ensemble formé par une association ou communauté d’êtres vivants (ou biocénose) et son environnement (biotope)

24| Contexte de l’étude


Revenu médian annuel par unité de consommation, dans les IRIS des structures et les IRIS voisins

BDP

La cité de la musique MDS Pressensé

CRIJPA

ée nn

ns

do

0 sa

18

00

0

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00 -1 8

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€ 0 00

00 0 0 -1 10

00 60

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60 00

s

Source : INSEE 2011

Contexte de l’étude |25


BDP 0

m

≈ 5 min / 30

Cité de la musique MDS Pressensé

CRIJPA

Les rayons de proximité retenus pour l’étude de contexte.

26| Contexte de l’étude


La Bibliothèque Départementale de Prêt des Bouches-du-Rhône (BDP 13) Les locaux de la BDP13 se situent dans le quartier d’Arenc, au coeur du périmètre Euroméditerranée. La trame Mirès, dans laquelle s’inscrit le bâtiment des Archives et Bibliothèque départementales, est actuellement l’objet de deux ZAC9. Cette situation se concrétise par des environnements urbains très hétéroclites, entre terrains vagues, opérations immobilières récemment livrées, patrimoine industraloportuaire réhabilité ou voué à destruction, etc. Bien que proche du littoral, cette partie de la ville n’offre pas d’ouvertures sur la mer, la zone portuaire voisine étant fermée au public. La rupture est d’autant plus marquée que deux passerelles de voies rapides forment une barrière à la fois physique et visuelle avec la mer.

D’autre part, la BDP se situe à l’articulation entre deux contextes urbains radicalement différents, entre les quartiers de bureaux de la Joliette au Sud et les quartiers populaires de La Villette et St Mauront à l’Est (voir la cartographie p.21). Le contraste se manifeste notamment dans les formes bâties, entre les programmes immobiliers des décennies 1990-2000 et les noyaux d’habitats et d’équipements plus anciens, parfois très dégradés.

9  Zone d›Aménagement Concertée

Contexte de l’étude |27


1996

2015

Jardin Parvis

Projet

Le bâtiment des Archives et Bibliothèque Départementales (ABD), qui réunit la Bibliothèque Départementale de Prêt et les Archives Départementales, fait partie de ces réalisations récentes (2006). La réunion de ces deux services est inédite en France. Elle nait d’une “ambition politique et d’un projet scientifique, culturel et patrimonial/ bibliothéconomique” et s’inscrit dans un projet de rénovation urbaine (Rochelle, 2008). La présence de ces deux institutions, aux missions relativement proches, a pour objectif initial la mutualisation de leurs ressources et de leurs moyens. L'édifice de 28 000 m², occupe près de la moitié de son îlot. Corinne Vezzoni et Pascal Laporte, architectes, l’ont conçu en s’inspirant du thème de la mer. Le bâtiment représente un galet enveloppé “d’une peau de verre sérigraphiée, blanche comme l’écume”. Les parois de ce gigantesque galet sont dédoublées afin de garantir l’inertie thermique du bâtiment pour garantir la conservation des documents. L’autre moitié de l’îlot est aménagée sous la forme d’un grand parvis, à la façon d’un socle où sont inscrites des lettres représentants les alphabets du pourtour méditerranéen. Ce parvis imposant vient compléter une séquence de vastes espaces publics, qui s’échelonne le long de la ligne de tramway depuis la place de la Joliette. Le parvis appartient à la ville de Marseille. L’ABD doit réclamer une autorisation à la ville si elle souhaite programmer un événement.

Sources : IGN 1996 / Digital Globe 2015 / Euroméditerranée, Plan du périmètre principaux projets et réalisations 2013


Par ailleurs, le parti pris des architectes de regrouper les deux institutions dans un même bâtiment a permis de préserver la parcelle voisine de l’église Saint Martin d’Arenc pour y aménager un jardin. Le “jardin des archives” ou “jardin de lecture” coïncide avec le débouché du futur “parc habité” d’Euroméditerranée. La présence imposante des Archives et Bibliothèque départementales participe d’une stratégie d’implantation de structures culturelles iconiques sur la frange littorale du périmètre Euroméditerranée. Quelques autres équipements culturels contribuent à l’identification du quartier en pleine transformation, dans la continuité de la séquence urbaine entamée au Mucem. Les Docks des Suds, et plus récemment le Silo réhabilité jalonnent le tracé du tramway dans le secteur d’Arenc. De part et d’autre de la BDP transparaît un contraste entre un quartier “neuf ”, dans lequel se localisent les équipements culturels et des organismes de formation récemment installés, et un quartier habité où sont implantées les structures sanitaires et sociales.

Structures culturelles et espaces publics requalifiés de la frange littorale


6

11

1 12 13

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3

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11

18 5

19

Culture

Action Sociale

1. Docks des Suds

6. Centre d’animation et de loisirs Fons Colombe

2. Archives Départementales

7. Centre d’animation et de loisirs St Mauront

3. Salle d’actualité de la BDP 4. Le Silo

Etablissements Scolaires

5. Théâtre Minoterie - Joliette

11. Ecole élémentaire Félix Pyat 12. Lycée Professionnel le Chatelier

Recherche et Formation 8. Epitech 9. Institut de Recherche pour le Développement 9. Ecole Supérieure des Professions Immobilières 10. Institut de Formation en Soins Infirmiers

13. Ecole privée St Mauront 14. Ecole élémentaire Ruffi 15. Ecole privée Schuman 16. Ecole maternelle Fonscolombes 17. Collège Versailles 18. Ecole primaire Vincent Leblanc 19. Ecole maternelle Désirée Clary

30| Contexte de l’étude


La Cité de la Musique Le siège de la Cité de la Musique est installé à proximité immédiate de la porte d’Aix, monument très identifié des marseillais, marquant l’entrée Nord de la ville historique. L’Arc de Triomphe fut pendant longtemps le point d’arrivée de l’autoroute Nord, un cas unique en France d’incursion autoroutière dans un centre ville. Au delà des abords de la porte d’Aix, c’est le 3e arrondiessment tout entier qui est fracturé en deux par l’autoroute. En 2012, 400m de l’A7 sont dynamités pour permettre une revalorisation du secteur.

BDP Collège Versailles nt

e sem

dis

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3

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Cité de La Musique Contexte de l’étude |31


La place Jules Guesde a connu des remaniements tout au long du XXe siècle, passant d’une place aux proportions classiques à un rond-point échangeur d’autoroute. L’hétérogénéité du tissu bâti illustre ces phases successives de mutation urbaine, et l’absence d’une cohérence globale entre des logiques de recomposition en des décennies différentes. A l’articulation de plusieurs quartiers, et point de jonction des 1er 2e et 3e arrondissments, l’arc de triomphe constitue un repère urbain fort. Il est intégré à l’un des rares espaces verts de l’hypercentre marseillais.

1927

32| Contexte de l’étude

1944

1966


La place et le parc ont longtemps été le lieu de confrontation entre la municipalité et des populations marginalisées, déguerpies et souvent réinstallées quelques centaines de mètres plus loin (petits traficants en contrebas du groupe Turenne, vendeurs ambulants, familles Roms). Ce jeu perpétuel du chat et de la souris a abouti à la fermeture partielle de certains espaces de la place (aménagement de parking, interdiction temporaire de l’accès au parc, etc.) accentuant le caractère inhospitalier de ce noeud urbain. Les stratégies institutionnelles autour de la Porte d’Aix découlent de l’identification d’un enjeu d’image pour la ville. Dans les années 1990, la reconfiguration de la place est guidée une stratégie d’implantation de grands équipements publics (Hôtel de région, faculté d’économie). C’est également durant cette décennie que la Cité de la Musique est relocalisée depuis le quartier des Chutes Lavie (4e) à la rue Bernard Du Bois.

1996

2015

Projet

Contexte de l’étude |33


Avec la ZAC Saint Charles, Euroméditerranée prévoit une nouvelle vague de grande mutation, avec le renforcement du pôle d’enseignement supérieur entre Colbert et Saint Charles. La rue Bernard Du Bois a été l’espace pionnier de cette nouvelle stratégie, avec la livraison de résidences étudiantes, et le projet d’une bibliothèque universitaire. La ZAC prévoit également l’édification de logements, d’espaces de bureaux et d’hébergement touristique. Les supports de communication mettent en avant la question des espaces publics, et prévoient la requalification du Boulevard Nédelec, avec la constitution d’un front bâti en face de la Cité de la Musique, sur l’emplacement actuel du parc. Bien que l’installation de la Cité de la Musique remonte aux années 1990, ses locaux sont intégrés au tissu ancien, avec une double ouverture sur le quartier: une entrée principale sur la rue Bernard Du Bois qui se distingue par une enseigne rouge, et une porte secondaire au débouché de la rue d’Aix. Une antenne de la Cité de la Musique, la Cave, implantée à une centaine de mètre de là, en coeur de l’îlot Velten. Actuellement, les travaux de la ZAC sur le Boulevard Nédelec compromettent la visibilité et les accès à la Cité de la musique.

34| Contexte de l’étude


La MDS Pressensé La Maison de la Solidarité Pressensé se situe dans le même îlot que la Cité de la Musique, entre la Porte d’Aix et la gare saint Charles. Ses locaux sont en revanche davantage orientés sur le quartier Belsunce. Tout au long du XXe siècle, Belsunce accueille des vagues successives d’immigration (arménien.ne.s, juif.ve.s persécuté.e.s sous Vichy, maghrébin.e.s, chinois.e.s...) “chacun fait sienne la mémoire de l’autre” Il est une étape dans les parcours des migrants, son ouverture sur le monde lui confère un caractère singulier (Temime 1996 et Dell’Umbria 2006) .

Porte d’Aix Cité de la musique

La cave MDS PL. Louise Michel

Repérage îlot Velten

Contexte de l’étude |35


La MDS s’ouvre plus précisément sur la place Louise Michel, à la croisée de quatre rues. Cet espace offre une rupture dans le tissu ancien dense. Il est le fruit de la destruction d’un ilôt pendant la guerre 39-45, laissant un vide jamais comblé, et sommairement aménagé. Pendant plusieurs décennies l’espace restera même sans nom, en attente de projet immobilier, jusqu’à ce que des groupes d’habitant.e.s proposent le nom de Louise Michel. La place est aujourd’hui identifiée comme étant un lieu de rencontre des chibanis10, usagers de l’espace au quotidien. Plusieurs associations et collectifs se préoccupent du réaménagement possible de cette place. Des aménagements temporaires de mobilier ont été récemment montés. Les futurs travaux de l’îlot voisin Korsec nécessitant des espaces de stockage de matériaux, le réaménagement officiel de la place serait repoussé après l’achèvement de ces travaux. Le bâtiment hébergeant la MDS date de la deuxième moitié du XXe siècle. Il est précédé d’un espace ouvert se distinguant des autres parties de la place Louise Michel. Cet espace se compose de plusieurs modules de bétons qui viennent compenser un dénivelé entre la rue préssensé et l’entrée de la MDS. Ces modules et édicules offrent des assises informelles, mais la dégradation générale rend l’espace inhospitalier, entre déchets au sol, mobiliers arrachés, arbres coupés, et stationnement sauvage. Un escalier jouxtant la MDS dessert le coeur de l’ilôt Velten, que les pouvoirs publics projettent également de requalifier. 10  Travailleurs algériens aujourd’huià la retraite

Capture panoramique Google 2014

36| Contexte de l’étude


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Culture 1. Polygone Etoilé 2. Bibliothèque Universitaire 3. Centre International du Verre et Arts Plastiques 4.Galerie Gourvennec Ogor 5. Théâtre de la Mer 6. Bibliothèque Universitaire (projet) 7. Cité de la Musique 8. Centre Régional de Ressources Pédagogiques 9. La Companie 10. BMVR Alcazar Etablissements Scolaires 32. Ecole élémentaire Hozier 33. Collège Belsunce 34. Lycée Victor Hugo 35. Ecole maternelle Montolieu 36. Ecole de la 2e Chance 37. Ecole maternelle des Dames

Action Sociale 11. CAF 12. Association d’Aide aux Jeunes Travailleurs 13. Accueil de Jour 14. Pôle Emploi 15. Centre d’Animation et de Loisirs des Carmes 16. Contact Club Velten 17. CCO Bernard Du Bois 18. MDS Préssensé 19. Contact Club Carmes

38. Ecole maternelle Butte des Carmes 39. Ecole élémentaire Korsec 40. Ecole privé St Théodore 41. Ecole élémentaire des Convalescents 42. Ecole maternelle Parmentier

Recherche et Formation 20. AMU Faculté de Sciences 21. Axe Sud 22. Maison Méditerranéenne des Métiers de la Mode 23. Association Départmentale d’Etudes et de Formation 24. EMD 25. Institut Méditerranéen de la Ville et des Territoires (projet) 26. Centre d’Innovation pour l’Emploi et le REclassement Social 27. Ecole Nationale Supérieure du Paysage 28. CFA Epure 29. Centre de Formation de la Bourse du Travail 30. Société d’Accélération du Transfert de Technologies 31. AMU Faculté de Sciences économiques et de gestion 43. Conseil régional PACA


Le Centre Régional d’Information Jeunesse Provence Alpes (CRIJPA) Les locaux du CRIJPA, installés dans un ancien cinéma, ont pignon sur la Canebière. Erigée en espace symbolique de la ville, la Canebière fait depuis plusieurs années l’objet d’une stratégie de “reconquête” urbaine11. Celle-ci se manifeste par l’implantation d’équipements publics telle la faculté de droit et d’économie, les aménagements de la ligne de tramway - eux-mêmes leviers de la requalification de l’espace public - la relocalisation d’équipements culturels (théâtres, cinéma), de vitrines institutionnelles (espace culture, nouvel office du tourisme, maison de la région), et de tentatives de montée en gamme des commerces (projet de l’ilôt des Feuillants). En effet, la Canebière marque une frontière symbolique à l’échelle de Marseille, entre les quartiers Nord populaires et les quartiers Sud plus favorisés. Dans le détail, cette délimitation est quelque peu caricaturale car des nuances sont à observer de part et d’autres de l’axe (cf. carte p.21). Le géorgraphe Marcel Roncayolo la décrit ainsi en 1966: “ On comprend mieux [...] la signification de cet axe de la vie marseillaise qu’est la Canebière, dans un milieu social où la ségrégation n’est jamais poussée à son extrême. La Canebière n’appartient pleinement à aucune des aires fonctionnelles ou sociales que nous avons définies : elle en est la limite, mais aussi le front de chevauchement, l’accès”.

11  Canebière : la réalité sacrifiée au mythe, M. Venator, Le Ravi, le 1er/12/2004

38| Contexte de l’étude


Ainsi, la localisation du CRIJPA est synonyme d’interface entre plusieurs sphères sociales et d’une grande accessibilité à l’échelle de la ville. Sa situation implique égalementune certaine densité de structures culturelles et sociales aux alentours. Il est à noter que plusieurs d’entre elles sont directement associées à un public jeune. Le lycée Thiers et la faculté notamment sont source de flux quotidiens juste à proximité du CRIJPA. Les locaux en rez-de-chaussée du CRIJPA offrent de grandes baies donnant sur la rue du Théâtre Français. Cependant, le lieu demeure peu visible, l’enseigne discrète respectant le caractère patrimonial de l’édifice, tandis que les vitrines et la porte vitrée n’offrent pas de points d’attraction vers l’intérieur. Un kakémono placé sur le seuil de l’entrée Canebière vient compléter la signalisation du lieu.

CRIJPA

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Culture 1. Centre Régional de Ressources Pédagogiques 2. La Méson 3. Théâtre de la Ferronerie 4. Fotokino 5. BMVR Alcazar6. 6. Théâtre Odéon 7. Théâtre des 3 acts 8. THéâtre de l’Oeuvre 9. Mémorial de la Marseillaise 10. Cinéma les Variétés / La Jetée 11. Théâtre du Gymnase 12. Galerie Karima Célestin 13. Musée d’Histoire de Marseille 14. Maison de la Région 15. Manifesten 16. Espace Culture 17. Théâtre des Bernardines 18. Galerie Art-Cade 19. L’Eolienne 20. Conservatoire 21. Daiki-Ling

Action Sociale 22. CCO Bernard du Bois 23. MDS Pressensé 24.Centre d’animation Dugommier 25. Centre d’animation Sénac 26. Léo Lagrange Animation 27. Mission Locale 28. Energies Alternatives 29. Maison pour Tous Julien

Etablissements Scolaires 35. Ecole élémentaire Korsec 36. Ecole privé St Théodore 37. Ecole élémentaire des Convalescents 38. Ecole maternelle Parmentier 39. Ecole privée du Sacré Coeur 40. Ecole élémentaire Saint Savournin 41. Lycée Thiers

Recherche et Formation 30. Ecole Nationale Supérieure du Paysage 31. Centre de Formation de la Bourse du Travail 32. Performance Méditerranée 33. AMU Facultés de Droit et Sciencs Politiques, Sciences économiques et Gestion 34. Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education

ERIC 42. Urban Prod 43. CRIJPA 44. La Fabulerie 45. Ateliers du Patrimoine 46. Mairie du 1/7e 47. Maison des associations 48. Chambre de Commerce et d’Industrie

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3 | Les structures accompagnĂŠes

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La section qui suit rassemble les données receuillies pendant l'immersion au sein des structures. Chaque lieu est abordé suivant quatre entrées : 1/ La structure est présentée dans un premier temps à travers son fonctionnement général (ses missions et compétences humaines, les espaces en jeu et leurs règles de fonctionnement, etc.) 2/ Un rappel des attentes initiales du participant introduit la présentation des résultats de l'immersion. 3/ Enfin, le retour sur les observations et entretiens dans les lieux abordent les questions des typologies d'usagers, de leurs représentations et pratiques effectives, des potentialités et des freins identifiés à différents niveaux.

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Bibliothèque départementale de prêt 13

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Fonctionnement général La Bibliothèque Départementale de Prêt des Bouchesdu-Rhône est, depuis 1986, un service du Conseil Général. A l’origine, la Bibliothèque Départementale des Bouches-du-Rhône est un centre de ressources multimédia pour les professionnel.le.s (bénévoles et salarié.e.s) des bibliothèques situées dans les communes de moins de 20 000 habitants. Actuellement, elle dessert 95 communes soit 433 000 habitant.e.s, compte 479 000 documents et bénéficie d’un budget d’acquisition de 574 000 euros. Habituellement, les Bibliothèques Départementales n’ont pas vocation à accueillir du public dans leurs locaux. Dans les années 2000, le Conseil Général des Bouches du Rhône a souhaité favoriser l’élargissement des missions de la BDP “vers la desserte de nouveaux publics et vers le développement de partenariats avec des professionnels et des associations œuvrant dans le domaine de la lutte contre les inégalités culturelles” (Rochelle, 2008). Ainsi, la politique d’animation culturelle du réseau a été renforcée, de nouveaux services et ressources ont vu le jour (Rochelle, 2008). Depuis 2006, la BDP 13 se démarque donc de la plupart de ses consoeurs puisqu’elle accueille, dans ses locaux, autant un public professionnel que le grand public. Cette ouverture à un public direct découle ainsi d’une volonté de l’instance exécutive départementale d’installer une “bibliothèque” dans un quartier, composé à 16,3 % d’une population étrangère, atteint par le chômage à hauteur de 31,1%, et marqué par la faible présence de services de proximité.

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Les missions de la bibliothèque départementale de prêt •

Prêter des documents imprimés, sonores et vidéo ;

Former les bibliothécaires salariés et bénévoles du département ;

Conseiller et accompagner les bibliothèques pour toutes les actions qu’elles mènent construction, rénovation, équipement mobilier, informatique et multimédia) ;

Animer et proposer des actions d’animation et des supports d’animation au sein du bâtiment et de son réseau de bibliothèque sur tout le territoire.

Proposer ses services à de nombreuses autres structures permettant ainsi de développer l’accès à la culture auprès de nouveaux publics tels que les écoles, les collèges, les lycées, les associations ou encore les maisons de retraite.

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Spécificité du lieu Depuis 2006, la Bibliothèque Départementale de Prêt partage ses locaux avec les Archives Départementales. Des espaces sont communs aux deux établissements : le grand hall d’accueil, la salle d’exposition de 400 m², l’auditorium de 200 places, la terrasse et le jardin de lecture. Le jardin de lecture n’est pas relié directement à la BDP. Il faut sortir du bâtiment, traverser une rue pour y accéder. Des vigiles de sécurité surveillent le hall de l’ABD ainsi que le parc qui est lui-même entouré de grille. La salle d’exposition commune aux deux instances est tantôt réservée à l’une pendant 6 mois tantôt à l’autre. Actuellement, l’exposition est proposée par la BDP (février - juillet 2015) sur la thématique du rêve et de la bande dessinée: “Nocturnes : le rêve dans la bande dessinée”. Des médiateurs et médiatrices vacataires accueillent chaque semaine des publics scolaires, universitaires, le grand public etc et réalisent des ateliers autour des thématiques de l’exposition.

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Les espaces propres à la BDP comprennent une salle de réunion, une salle pour les ateliers et rencontres pour les associations, une salle d’exposition et une salle d’actualité. La Bibliothèque Départementale élabore sa programmation autour des supports qui constituent le cœur de son activité : le livre, la musique et l’image. Elle met l’accent sur la création contemporaine. La BDP utilise autant les espaces communs que ceux qui lui sont dédiés pour valoriser ses contenus et les faire dialoguer entre eux. On trouve ainsi dans la salle d’actualité une cabane des rêveurs dédiés aux enfants. Ce “cocon numérique et espace de lecture” dispose de tablettes numériques pour enfants avec des applications leur permettant notamment de créer leur propre bande dessinée, des BD numériques, des jeux, etc. Le programme des ateliers de la salle d’actualité est en lien avec la thématique de l’exposition. Aussi, une sélection de bandes dessinées est actuellement proposée dans la salle d’actualité.

L’espace d’exposition de la BDP

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La salle d’actualité La salle d’actualité est ouverte le lundi de 14h à 18h, du mardi au vendredi de 11h à 18h et le samedi de 9h à 13h. “La salle d’actualité, c’est un peu le bac à sable des autres communes du département.”

Du fait de son caractère inédit, la salle d’actualité est vue, pour l’institution, comme un espace expérimental où l’on vient tester de nouvelles formes d’accueil des publics. Les activités testées dans la salle d’actualité ont vocation à être essaimées à l’ensemble du réseau de la BDP si elles s’avèrent pertinentes pour les publics. Cet espace dédié au “grand public” propose une offre de presse nationale (format papier et électronique); quelques oeuvres littéraires; des documents concernant l’orientation scolaire et professionnelle; un accès à internet; deux postes informatiques; d’autres postes comprenant des outils d’auto-formation en ligne (langue, soutien scolaire, code de la route); des ateliers multimédias (internet, bureautique, jeux, etc); une salle pour les ateliers pédagogiques.

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Il est possible d’imprimer ou photocopier jusqu’à dix pages gratuitement et d’emprunter pendant deux semaines deux revues gratuitement. Les personnes qui souhaitent utiliser les postes informatiques doivent s’inscrire à l’accueil de la salle d’actualité. Elles bénéficient alors d’une heure pour profiter d’un ordinateur. Les visiteur.e.s peuvent rester sur leur poste si personne n’est inscrit pour le créneau suivant. Des ateliers multimédias sont proposés autant aux adultes qu’au “jeune public”. Les visiteur.e.s doivent se rendre à l’accueil pour avoir des informations concernant la programmation et l’inscription aux ateliers. Trois types d’ateliers sont destinés aux adultes:

• “à la carte” Depuis début avril 2015, des ateliers sont proposés à partir des suggestions des visiteurs et des thématiques sélectionnées par les médiatrices de la salle d’actualité : Initiation à la navigation sur internet / initiation à facebook / utiliser internet pour ses loisirs / initiation à l’informatique / initiation à l’utilisation de la tablette numérique / internet utile / utiliser internet pour voyager. Il n’est pas nécessaire de s’inscrire, ils ont lieu les lundis, jeudis et vendredis de 15h à 17h.

• découverte et initiation Ces ateliers ont lieu les mardi après-midi et se font sur inscription.

• coups de pouces Ateliers autour des questions techniques, sur inscription, les samedi matin et les lundis, jeudis et vendredi de 15h à 17h. Pour les “publics jeunes” , “la cabane des rêveurs” est en accès libre tandis que des ateliers sont programmés les mercredis et vendredi après-midi sur inscription.

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Les métiers La majorité des personnes travaillant dans la salle d’actualité est chargée d’accueil et de médiation. Travaillent également une responsable de la gestion quotidienne de la salle, une animatrice de réseau-médiatrice numérique, un service civique et une responsable de la salle d’actualité. Le personnel est quasiment exclusivement constitué de femmes (un service civique homme). Les médiatrices sont en charge du bon fonctionnement de la salle d’actualité.

Une médiatrice est constamment présente dans la salle d’actualité, deux lorsqu’il y a un atelier. La plupart du temps, la médiatrice reste au comptoir d’accueil lorsque la salle d’actualité est ouverte au public. En plus des ateliers qu’elles animent dans la salle d’actualité, les médiatrices sont chargées de procéder aux inscriptions des visiteur.e.s pour l’occupation des postes informatiques et les ateliers multimédias. Elles enregistrent l’emprunt des revues, accompagnent les personnes dans leur recherche de magazines et dans l’impression de documents. Avant l’ouverture au public, elles mettent en place les nouveaux journaux et magazines arrivés le matin. 52| Bibliothèque départementale de prêt


Les attentes initiales Initialement, la BDP a intégré le projet MiniMix pour repenser sa salle d’actualité. La BDP souhaite aller plus loin dans l’expérimentation, faire évoluer plus profondément ce lieu et capter les publics adolescents situés à proximité mais peu représentés dans cet espace. Il s’agit d’ouvrir davantage le lieu, d’offrir de nouveaux services et de diversifier un peu plus les usages. “Réfléchir à d’autres usages de ce lieu, plus ouvert sur les publics potentiels et sur les projets extérieurs” Les échanges produits avec certaines professionnelles lors de la phase d’immersion ont également révélé l’envie de ne pas se cantonner uniquement à la salle d’actualité mais de questionner le lieu plus largement.

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Retours sur les entretiens et observations Typologie des publics Les observations ainsi que les entretiens avec les professionnelles de la BDP ont mis en lumière les principales catégories d’usager.e.s se rendant fréquemment à la BDP : •

Des habitant.e.s du quartier, notamment les enfants résidant à proximité de la BDP. « On a une population de quartier, essentiellement les enfants, les mamans aussi. » « Un public enfant qui vient après l’école et le mercredi. »

Des personnes âgées.

« Aujourd’hui c’est un espace qui touche des personnes agées inactives » « On a des personnes âgées » •

Des personnes travaillant dans le quartier Euroméditerranée.

« On a une population de personnes qui travaillent et qui viennent lire la presse entre midi et deux. » •

Des scolaires « La salle d’actu accueille des scolaires du quartier »

Des personnes en situation de précarité.

« On a un public en difficulté, on a des sdf, des gens qui ont l’air d’être hors système, qui ont des difficultés sociales. »

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Des jeunes adultes pour bénéficier d’un espace de travail (révisions) au calme. « Les jeunes en fin d’années pour réviser »

Les publics sont amenés à varier en fonction du temps (heures/ jours/ semaines) et de l’offre de services. A titre d’exemple, les professionnel.le.s implanté.e.s sur le quartier Euroméditerranée sont présent.e.s en semaine dans la salle d’actualité pendant leur pause déjeuner. Les enfants viennent en plus grand nombre les mercredis après-midi, après l’école ou pendant les vacances scolaires notamment parce qu’ils. elles bénéficient d’ateliers culturels et numériques et d’un espace qui leur est dédié : la “cabane des rêveurs”.

« Pendant les vacances il y a plus d’enfants. » Les personnes âgées viennent profiter des revues de presse de façon régulière et participent majoritairement aux ateliers multimédias.

« Dans les ateliers informatiques, surtout des seniors. »

Les non-publics Dans les discours des membres de l’institution une partie d’entre elles déplorent l’absence de publics adolescents. « Après des ados non, ils sont tous sur le parvis mais ils ne rentrent pas.” Un des enjeux pour l’institution est de toucher, de capter ces publics.

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Points de vue des usagers Le temps de l’étude n’a pas permis de toucher un nombre conséquent d’usager.e.s. Cependant, les ressources présentes en salle d’actualité ainsi que les quelques échanges informels opérés avec certain.e.s d’entre eux.elles nous permettent d’étoffer notre travail.

*Le cahier de suggestions Le cahier de suggestions s’appuie sur “ l’usage de l’écrit comme auxiliaire de la relation de service” (Chourrot, 1997). Depuis 2007, la salle d’actualité met un cahier de suggestions à la disposition de ses usager.e.s afin de récolter leurs points de vue, leurs feedbacks et leurs besoins. Ce support écrit permet d’éviter, aux personnes en charge de la salle d’actualité, le contact direct avec les usagers. Le cahier est placé sur le comptoir d’accueil, côté fenêtre. Les demandes des bénéficiaires sont quasiment toutes traitées. Trente pages de suggestions, sous forme de tableau (Date, Nom, Lecteur, Demande, Réponse), ont été répertoriées. Les suggestions touchent autant les contenus, l’offre de services de la salle d’actualité que son fonctionnement (horaires d’ouverture) et son confort (température, ergonomie du mobilier). La majorité des suggestions concerne la mise à disposition de livres. Les usager.e.s souhaitent avoir accès à des oeuvres littéraires. « Ça manque dans le quartier » (demande usager dans le cahier de suggestions concernant les livres)

La salle d’actualité de la BDP ne prévoit pas ou peu ce type de contenus dans son offre de services et renvoie les personnes vers des bibliothèques municipales comme l’Alacazar. Les quelques supports littéraires mis à disposition sont en lien avec les thématiques des expositions proposées par le service de l’Action Culturelle de la BDP. « Pas de fictions prévues dans notre fonds » (réponse BDP dans le cahier des suggestions)

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Cette demande conséquente traduit parfois l’incompréhension des usager.e.s quant au rôle de l’institution. Les termes qui la définissent “Bibliothèque Départementale de Prêts” peuvent porter à confusion car ils s’inscrivent dans “un réseau de significations déjà établi par des systèmes de catégorisations antérieures” ( Kalampalikis, 2002). Les mots “bibliothèques” et “prêts” renvoient, pour le sens commun, à des significations et usages spécifiques qui, dans ce contexte, ne sont pas adapté.e.s à l’offre proposée et diffèrent de ceux des membres du personnel. Les représentations qu’ont les usager.e.s de ces termes et les pratiques associées ne sont pas congruentes avec celles effectives. La deuxième demande la plus récurrente concerne les ateliers informatiques. Le cahier de suggestion permet aussi de noter les évolutions de l’offre de services et la prise en compte des usager.e.s dans la fabrication de celle-ci. Certaines demandes sont, au fil du temps, satisfaites. A titre d’exemple, en 2008, Le Journal de Mickey était plébiscité or, l’institution répondait négativement à la demande des bénéficiaires en notant que l’abonnement à cette revue n’était pas prévue mais qu’ils.elles pouvaient se reporter sur “J’aime lire” et “Tchô”. Lors de nos observations, nous avons pu voir des enfants d’une dizaine d’années consulter Le Journal de Mickey et l’emprunter. Un autre exemple concerne Linux. Des usager.e.s souhaitaient avoir des ateliers sur Linux, les demandes ont fini par être prise en compte par l’institution. Notons aussi, que l’absence d’explicitation des critères d’acquisition de la salle d’actualité ne permet pas aux usager.e.s de comprendre certains refus et d’avoir le sentiment d’exercer un poids dans la constitution et co-construction de l’offre. Cependant, un certain nombre de demandes non satisfaites sont justifiées par la volonté de la salle d’actualité de rester “grand public”.

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Le parvis Un espace investi, entre autres, par les non-publics Le parvis de la BDP est utilisé par des publics adolescents alors que ceux.celles-ci ne pénètrent pas dans l’institution. Le plus souvent en groupe, ils. elles occupent les murets du parvis ou bien l’espace intermédiaire entre la première et la deuxième enveloppe du bâtiment (à l’ombre). Les professionnel. le.s de la BDP nous ont reporté des pratiques de danse par ces non-publics jeunes. Le caractère entièrement piéton du parvis, son étendue et son aménagement très sobre laissent le champ libre à d’autres types de pratiques. Nous avons pu observer qu’un public familial venait sur cet espace pour se divertir (vélo, bicyclette, jeux) et passer du temps. Des membres de la BDP profitent aussi de cet espace pour leur pause déjeuner, côté pelouse.

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L’entrée de la BDP: un espace forteresse marqué par son caractère institutionnel et imposant L’entrée imposante de la BDP est dotée d’une multitude de barrières (physiques et symboliques) qu’il faut franchir avant de pénétrer dans le lieu. L’entrée principale constitue l’unique ouverture du bâtiment sur le parvis, et ne laisse pas pour autant présager de l’intérieur du bâtiment. Cette configuration renvoie l’image d’une institution toute-puissante, renfermée sur elle-même. Ces “obstacles” sont en mesure d’impacter les comportements des non-publics pour lesquels franchir cette forteresse n’est pas aisé.

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Les usages dans la salle d’actualité Les observations ont montré que certaines personnes entraient, seules ou à plusieurs, dans la salle d’actualité pour en sortir quelques instants plus tard. Ceux et celles qui passent du temps dans la salle d’actualité le font pour : •

lire la presse, des magazines et autres revues

utiliser les postes informatiques

travailler

participer aux ateliers

La plupart du temps, les médiatrices : •

accueillent

préparent, rangent la “cabane des rêveurs”

remettent en ordre la salle

répondent à la demande des bénéficiaires

font des rappels à l’ordre

Si les visiteur.e.s le souhaitent, ils.elles peuvent manger dans la salle d’actualité. Un distributeur alimentaire se situe dans le couloir qui mène à la salle d’actualité.

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Une mise en dialogue des différents lieux et actions culturelles de la BDP Comme développé précédemment, la BDP détient deux espaces d’exposition, l’un permanent, l’autre semestriel. Une importance est accordée à la mise en dialogue de ces espaces. “Le rêve dans la bande dessinée”, “la bande dessinée reportage”, “la cabane des rêveurs” et la présence de bandes dessinée en salle d’actualité s’inscrivent dans cette logique.

« La cabane est là comme prolongement de l’exposition. »

Ces espaces de prolongation, qui se font écho les uns les autres, doivent éveiller la curiosité des visiteur.e.s, leur permettre de découvrir et circuler dans les différents lieux ouverts aux publics.

« La cabane est un moyen de faire découvrir l’exposition et de valoriser l’exposition ».

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Le jardin L’espace extérieur constitue un véritable atout pour la BDP (et les archives départementales). Elle peut organiser des manifestations, des médiations et toucher un public peu ou pas habitué à fréquenter le lieu intra-muros. Néanmoins, cet espace est très peu en dialogue avec le reste du bâtiment qui reste refermé sur lui-même.

agencement et mobilier Concernant l’agencement du lieu, nous avons constaté que : •

La visibilité vers les extérieurs est limitée car empêchée par les étagères.

Une perte d’espace côté fenêtre car les étagères observent un retrait par rapport aux baies.

Les prises électriques se trouvent loin des bureaux, ce qui peut poser problème pour travailler avec un ordinateur ou une tablette.

Les interviewées considèrent qu’il manque des tables pour les gens qui viennent travailler dans la salle.

Le mobilier n’est pas forcément adapté à tout type de public. Les observations ont montré que les personnes âgées avaient parfois des difficultés à se relever une fois qu’elles étaient assises sur les bancs de lecture dont l’assise est relativement basse.

Les deux tablettes (pour adulte) sont placées sur une même petite table ce qui ne favorise pas un confort de lecture.

L’espace est restreint, il peut contenir un peu plus d’une cinquantaine de places.

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La taille du lieu impacte les contenus proposés, on trouve principalement des revues généralistes. « Je pense qu’on devrait avoir une offre autre. Une offre plus large, mais bon y’a pas d’espace non plus, on va pas mettre des étagères partout. » « Un coin plus heu plus avec des bouquins pas des CD mais une offre, des livres jeunesses, quelque chose de plus étoffé. »

… Et n’a pas forcément la place d’accueillir tous le matériel numérique qu’elle souhaiterait. « Je pense qu’il n’y a pas assez d’ordinateurs où de tablettes c’est que il faut une sécurité, en fait un aspect, ce serait bien d’avoir un endroit où on met des tablettes les unes à côté des autres comme Apple. »

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La cabane des rêveurs est imposante, elle se déploie sur environ un quart de la salle d’actualité.

Cette installation qui bouleverse la configuration du lieu a participé à la perte de repères de certain.e.s senior.e.s qui ont vu leurs habitudes bouleversées. Les interviewées estiment que la “cabane des rêveurs” a fait baisser le taux de fréquentation des publics âgés car ils.elles ont moins de place pour passer du temps dans la salle. La cabane restera en place jusqu’à la fin de l’exposition, le 18 juillet. « La cabane elle prend beaucoup de place, je pense quelle nous a fait fuir un petit peu les gens. » « On a eu une baisse de fréquentation, y’a moins d’espace pour se poser, moins de table » •

Le comptoir d’accueil est jugé trop imposant par les membres du personnel.

La chargée d’accueil n’est pas forcément vue par les personnes qui pénètrent dans la salle d’actualité. « On a une banque de prêts qui est horrible, on nous voit pas. Ça c’est la première des aberrations, c’est pas le top cet accueil. » « L’accueil, je rentre je ne vois pas qui est à l’accueil, d’ailleurs des fois je ne dis pas bonjour, ça c’est les gens ils rentrent ils ne disent pas bonjour, ils ne vous interpellent pas. » Les réflexions engagées autour de la salle d’actualité par les membres de personnel se structurent notamment autour de ce comptoir. Il s’agit de faire évoluer cet espace pour le rendre quasi-inexistant.z « Il est question de faire un point accueil plus volant, faire sauter cette borne. » Ces discussions qui concernent le comptoir s’inscrivent dans un mouvement plus large où l’institution cherche à se positionner non plus comme prescriptrice et passive mais comme partenaire, dans sa relation aux usager.e.s et proactive.

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Les ressources Comme décrit précédemment une diversité de ressources sont proposées aux usagers, cependant l’offre de services est parfois invisible ou peu compréhensible.

*Invisibilité des ressources La majeure partie des membres du personnel considèrent elles-mêmes que leur offre de services n’est pas assez mise en avant. « Je pense que nos ressources ne sont pas assez visibles. » D’après les interviewées, la signalétique semble faire défaut. « On ne voit pas la salle d’actualité, il faut aller, il faut tourner, ça fait deux entrées, c’est toujours très dur » « Il manque vraiment un système de signalétique» (salle d’exposition la bande dessinée reportage)

Les supports de communication et ateliers suggérés par la BDP ne sont pas compris ou perçus par les visiteur.e.s « Pour l’instant les gens ne regardent pas trop le paper board »

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*Rendre “visible l’invisible” « Repenser la visibilité de la salle. » L’inscription qui est obligatoire pour consulter un poste informatique ou pour accéder à l’espace auto-formation n’est pas exprimée de façon explicite. Les personnes s’installant directement sur un poste informatique disponible sont rapidement appréhendées par les médiatrices qui rappellent qu’il est nécessaire de s’inscrire pour en bénéficier.

*Typologie des ateliers adultes Dans les documents papiers que l’on peut trouver en salle d’actualité, certains décrivent les typologies d’ateliers multimédias et le programme. Les ateliers “à la carte” sont sous-titrés “Découverte multimédias et initiation à l’informatique” tandis qu’une autre catégorie d’ateliers se prénomme “Ateliers découverte et initiation” ce qui ne permet pas forcément pour les visiteur.e.s de distinguer clairement les différentes prestations proposées par la salle d’actualité. En revanche, la distinction entre les différents types d’ateliers semblent clair pour les médiatrices. « Les ateliers informatiques se déclinent en deux formules : technique initiation, et découverte. Il y a une alternance entre les deux pour une meilleure continuité. Un paper board placé à proximité du comptoir d’accueil de la salle d’actualité spécifie qu’il existe des ateliers “à la carte”. Il n’est pas possible, pour les usagers, de proposer et d’écrire sur le paperboard une suggestion car il n’y a pas de place et aucun stylo n’est mis à disposition bien qu’il soit noté sur le documents concernant les ateliers “à la carte” : “ Une autre envie d’atelier ? Faites “une sugestion” sur “le tableau des ateliers”. Les médiateurs auront alors 2 semaines pour l’ajouter à la carte”. Il faut donc passer par le comptoir d’accueil pour soumettre son idée à la médiatrice.

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*Les tablettes numériques adultes Deux tablettes numériques se trouvent dans la salle d’actualité sur une table l’une à côté de l’autre. Les grands titres de la presse sont consultables sur ces dispositifs numériques. Deux personnes maximum peuvent s’installer côte à côte pour les utiliser. Les tablettes sont accrochées de manière à ce qu’elles ne puissent pas être volées. La médiatrice les place à l’ouverture de la salle d’actualité et les enlève une heure avant que celle-ci ferme. Les usagers ne peuvent donc pas les utiliser de 17h à 18h. Aussi, nous avons pu constater que ces tablettes n’étaient parfois pas mises à disposition des usager.e.s.

*Communication Pour une partie des interviewées, la communication autour de la salle d’actualité n’est pas suffisante. « Il y a aussi un aspect communication qu’on doit faire très en amont mais ça je trouve pour l’instant c’est pas top top. Bon c’est comme toute communication, pour moi c’est vraiment un point à améliorer » Une volonté de communiquer auprès de ses parties prenantes et de développer sa présence sur les médias sociaux du fait des retombées que cela peut engendrer. « Y’a une vraie réflexion sur ce qu’on doit communiquer, faire du mailing, il faut mettre à jour notre base. Après, je pense que les réseaux sociaux, il faut qu’on développe ça. Ça va se faire petit à petit. Y’a une page facebook mais elle doit être re-dynamisée. Sur twitter pas encore mais j’ai proposé d’avoir un compte twitter. Il faut y être quoi. C’est un petit peu incontournable. »

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*Une insatisfaction quant au site internet de la BDP « Le site web est horrible » Aussi, nous avons pu observer que le site internet n’est pas régulièrement mis à jour. A titre d’exemple, dans l’onglet “Agenda”, le programme semestriel automne hiver 2014 est proposé en téléchargement tandis que nous nous situons actuellement en fin de premier semestre 2015. Deux pages facebook concernant la BDP existent : “Actualités littéraires de la Bibliothèque départementale” qui a pour but de a pour but “de mettre en avant et de valoriser les actions menées autour de la littérature” et “Bibliothèque Départementale BDR”. Ces deux pages ne sont pas aisées à trouver. Aucun lien renvoyant vers celles-ci n’apparait sur le site internet de la BDP. Si les internautes souhaitent dénicher ces pages, leurs intitulés ne font pas apparaître l’ancrage territorial de l’institution en gras ainsi que ces missions premières puisque le mot “prêt” n’apparaît pas. L’omission de ces éléments ne favorise pas son identification. Ajoutons que l’existence de deux pages à la fois: •

demande un effort de communication important et pas forcément nécessaire.

a un impact potentiellement moindre auprès des internautes puisque deux pages existent plutôt qu’une.

Les différents constats opérés quant au volet communication laissent entrevoir la volonté et le besoin, pour l’institution de développer sa culture numérique et d’articuler ses différents médiums de diffusion.

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Un changement de paradigme La montée en puissance d’internet, la création de nouveaux équipements et à la diversification des usages ont peu à peu transformé.e.s le rôle des bibliothèques. Une personnalisation de l’action publique prend forme. Le passage d’une logique de distribution à celle de services en constitue un des exemples flagrants. « Dans les BM maintenant, pendant longtemps le bibliothécaire faisait son fond et essayait de le valoriser sans forcément tenir compte de son public en disant je sais moi, je suis prescripteur alors je dis. A l’heure actuelle on est plus dans le public, quel public, qu’est ce qu’il veut, qu’est ce qu’il attend qu’est ce qu’on lui donne. Quelque soit la chose qu’il demande on ne se pose plus la question. Tout ce qui est acquisition ça passe au deuxième plan. » Les bibliothèques ne cherchent plus à prescrire un savoir, une culture qui serait “légitime”. Elles intègrent une variété de formes de cultures et d’actions, s’appuient sur la participation de leurs usager.e.s dans la conception des services. La BDP en tant que bibliothèque des bibliothèques voit donc son rôle évoluer vis-à-vis de son réseau, elle part des besoins de celui-ci, se situe de plus en plus dans une logique ascendante. « Jusqu’en juillet dernier on était organisé en pôle d’acquisition et heu on a basculé sur une organisation plus en réseau. Avant on était centré sur on fait la collection et on diffuse, on essaye de la diffuser et maintenant on essaye de partir du réseau et de prendre en compte de plus en plus le réseau, le réseau est plus central et les acquisitions doivent passer au 2ème plan “ « Quand une personne demande un bouquin, la bibliothèque fait sa demande à la BDP qui l’envoie ensuite. »

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Cette volonté de ne plus s’inscrire comme prescriptrice transparaît dans certaines initiatives que la BDP essaye de mettre en oeuvre dans sa salle d’actualité. Ainsi, ce modèle qui repose sur les services fait évoluer les pratiques, modifie les représentations et amène à repenser la place des bénéficiaires et des professionnel.le.s au sein de ce système. Le principe des ateliers “à la carte” met en lumière le glissement en train de s’opérer. « il y a des ateliers à la carte » Des pistes de réflexion, des idées d’animation en salle d’actualité et plus largement au sein de la BDP émergent dans l’équipe. Ces envies s’inscrivent dans ce changement de paradigme de l’action publique où il s’agit d’accroître la participation des usager.e.s dans les activités de l’institution. « Un espace où on peut parler du musique, de livres, sans jugement de valeur, j’aimerais bien qu’on fasse des speed booking, qu’on partage : oh bah j’ai vu tel film, j’ai adoré, j’ai lu tel livre j’ai beaucoup aimé. » « En fait c’est dire que les gens participent. Ça serait bien qu’on fasse des ateliers Openstreet map, Wikipédia, où il y a du participatif quoi. » « On réfléchit à la façon dont le public puisse partager sa connaissance, faire une sorte de carrefour des possibles pour partager ses connaissances, ses passions... . Comment faire en sorte que l’usager devienne acteur, enlever cette position de prescripteur ». On voit apparaître dans les discours et les services mis à disposition pour les usager.e.s que cette logique servicielle se veut transversale. « Nous on est là pour renvoyer sur certains partenaires, être un guichet de ressources quoi »

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*Un changement de paradigme difficile à mettre en oeuvre Même si l’institution essaye de faire évoluer ses manières de penser et d’agir, les tentatives visant à attribuer un rôle croissant aux bénéficiaires ne sont pas forcément concluantes. Les usager.e.s ne participent, pour l’instant, que faiblement dans l’accès aux ressources. Les personnes n’ont pas une vision claire des services auxquelles ils.elles ont accès, ils.elles ne sont pas autonomes, ils.elles doivent souvent demander au personnel leur autorisation pour pouvoir bénéficier d’un service donné (utilisation des ordinateurs, inscription aux ateliers, propositions d’atelier, emprunt de revues, etc). Aussi, le comptoir d’accueil, de part sa taille conséquente et son rôle quasi-indispensable, renvoie (physiquement et) symboliquement à la dépendance auxquels sont soumis.e.s les usager.e.s lorsqu’ils. elles souhaitent entreprendre certaines démarches. C’est un passage obligatoire pour bénéficier d’une majorité de services.

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*Un changement de paradigme qui bouleverse les identités et pratiques professionnelles Le partage du lieu et les collaborations faites avec les archives, la diversification de l’offre, l’ouverture au public transforment les pratiques professionnelles et par conséquent impactent l’identité professionnelle des membres du personnel. Les professionnelles doivent faire face à l’arrivée de missions réservées aux bibliothèques municipales. Ces changements peuvent être accompagnés d’une incompréhension ou d’un manque d’adhésion. « Y’a des gens qui sont là ici depuis aussi très longtemps, qui ont un cœur de métier, qui savent acquérir, et ont leur demande de mettre un petit peu de côté ça et de se concentrer sur connaître les BM, quelles sont leurs problématiques, leurs attentes, c’est en fait faire évoluer sa pratique et en même temps on a toujours besoin d’acquérir, de connaître les choses qui sortent. » « Y’a encore des bibliothécaires un petit peu réfractaires. »

*La BDP, organe du Conseil Départemental : un fonctionnement parfois contraignant « En fait y’a tout un travail de on existe, on est là, on voudrait mais bon après est ce qu’on est autorisée à le faire. » « Les agents ont une fiche de mission, s’ils veulent changer de mission ils changent de poste. On ne se dit pas « tiens, délègue moi », y’a vraiment des postes précis » « Ici il faut faire attention, j’ai pas le droit de faire ça, je dois faire ça, etc. » « C’est l’intendance qui est toujours très compliquée. » ... où déléguer des tâches à celles et ceux « qui font vivre la salle d’actu » et des services peut s’avérer compliqué. A titre d’exemple, la page facebook de la BDP n’est pas administrée par les personnes en charge de la salle d’actualité par « crainte de ne pas pouvoir contrôler l’image » de l’institution.

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Par ailleurs, certaines situations qui pourraient favoriser des collaborations, révèlent en réalité un fonctionnement «en silo»

• En interne : « Y’a pas forcément énormément de porosité entre les postes, les missions. » « Pas de porosité » Les ateliers confectionnés dans le cadre de l’expositon “Nocturne, le rêve dans la bande dessinée”, par les médiatrices et médiateurs recrutés pour présenter les expositions, ne sont pas mutualisés avec ceux réalisés par les médiatrices de la salle d’actualité. Chaque service à ses objectifs et ses missions, c’est un système peu perméable. Aussi, l’organisation des équipes sur plusieurs niveaux dans le bâtiment ne favorise pas la transversalité des approches entre les secteurs. •

En “externe”:

La BDP ne dialogue que très peu avec les Archives Départementales. « C’est le fait d’habitudes de fonctionnement, pas du tout pour quelques raisons interpersonnelles. » « On n’a pas forcément de liens, je ne connais pas trop de gens. On alterne les expos, là on doit faire quelque chose au jardin, je pense que les archives vont participer. »

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Fonctionnement Général La Cité de la Musique est une association créée en 1979 à Marseille. Elle émerge dans un contexte de décentralisation culturelle où il s’agit de rendre accessible, de diffuser “la culture” vers des territoires peu ou pas impliqués jusqu’alors. Si le bâtiment administratif et l’auditorium sont situés à la Porte d’Aix, huit autres lieux d’enseignement sont répartis dans la cité phocéenne. Chacun des huit lieux s’inscrit dans un ou plusieurs courants musicaux spécifiques. A titre d’exemple, la musique jazz et les musiques du monde sont enseignées au centre Velten tandis qu’à la Magalone, les musiques classiques, contemporaines et médiévales sont privilégiées. 2200 élèves bénéficient de l’enseignement musical des 70 enseignant.e.s diplomé.e.s d’Etat. Les 70 professeur.e.s se réunissent tous les trimestres avec le directeur pour échanger autour de leur travail et de la situation de la Cité. Les enseignant.e.s participent également à des réunions de département par instrument; à des comités pédagogiques ou chacun des instruments est représenté par un.e professeur.e . Près de 200 concerts et manifestations sont organisés chaque année dans les locaux destinés à cet égard ou “hors les murs”. Sont aussi présent.e.s à la Cité de la Musique une médiathèque, des associations hébergées et des artistes en résidence.

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La Cité de la Musique (CDM) est ouverte à tout type de publics à condition de s’inscrire avant qu’il n’y ait plus de places, de payer sa cotisation trimestrielle et d’avoir plus de trois ans. « La Cité, c’est l’auberge espagnole de la musique » « N’importe qui, n’importe quand, n’importe quoi » Les élèves déjà inscrit.e.s sont automatiquement réinscrit.e.s pour l’année suivante sauf s’ils.elles ne le souhaitent pas. Pour les autres, l’inscription se fait en septembre s’il reste des places. Contrairement au Conservatoire de musique, le “collectif ” et la figure de “l’amateur” sont placés au coeur de l’apprentissage musical qui s’appuie sur une pédagogie active. Les cours durent une heure et sont collectifs afin d’éviter une approche seulement technique de l’instrument et de mettre le plaisir du groupe au coeur de la formation. Les élèves se produisent lors de scènes ouvertes.

La formation comprend deux cycles, les examens ne sont pas à échéances fixes. Ce sont aux élèves de déterminer s’ils.elles souhaitent passer l’examen pour le 2ème cycle et obtenir une certification interne. L’examen consiste à se produire lors d’une scène ouverte. La formation n’est pas diplômante contrairement au conservatoire.

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L’orchestre au collège Le projet “Orchestre au collège” a éclos en 2006 suite à la lecture d’un article « Orchestre en herbe » dans le Monde de la Musique. « Orchestre en herbe » est un projet à visée sociale visant à élargir les perspectives d’avenir des enfants issu.e.s de favelas en Amérique du Sud. Il s’agit d’enseigner de la musique traditionnelle en orchestre. En 2007, la Cité de la Musique s’est associée à un collège proche, situé en Zone d’Education Prioritaire, pour expérimenter “Orchestre au collège” inspiré du projet « Orchestre en herbe ». « On est sur un projet musical à visée sociale. » Le Conseil Général des Bouches-du-Rhône, services culture et projets innovants, est le principal financeur et partenaire historique de “ l’Orchestre au collège”. En 2007, une classe de 5ème, choisie au hasard, a pu expérimenter la pratique d’instruments à vent en commençant d’emblée à jouer ensemble un répertoire commun sans formation initiale et ce jusqu’à la classe de 3ème (2007-2010). Au vu des résultats positifs et de l’enthousiasme des parties prenantes, l’expérience a été renouvelée en 2010-2013 et 2013-2016. Par conséquent, la troisième promotion, constituée d’une vingtaine d’élèves, est actuellement en train de finir sa deuxième année.

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Le projet se déroule donc pendant 3 années scolaires : de septembre à juin, à raison de trente quatre semaines annuelles. En plus de l’heure hebdomadaire de musique, deux heures supplémentaires : •

Une heure d’orchestre dispensée par le coordonnateur pédagogique du projet et chef d’orchestre, enseignant à la Cité de la Musique de Marseille.

Une heure dispensée par des enseignants de chaque instrument, à la Cité de la Musique, Centre Velten (La Cave).

La formation est celle de l’orchestre d’harmonie composé de clarinettes, saxophone, flûtes traversière, et trombones.

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Par précaution, les élèves ont seulement accès à leur instrument durant les trois heures de cours collectifs. Les instruments sont prêtés par la Cité de la Musique. “Orchestre au collège” est un projet basé sur le collectif et la formation par le faire. Pour commencer, les élèves ont un temps de découverte, ils.elles essayent, testent tous les instruments. Après un mois ils.elles remplissent une fiche et les classent par ordre de préférence. Les professeur.e.s sont attentif.ve.s à la façon dont les élèves réagissent avec les instruments afin de réorienter vers un autre s’ils.elles considèrent que le choix n’est pas adapté. L’oralité est la première méthode employée dans la transmission, tant pendant les cours d’instrument en pédagogie de groupe que pendant les séances d’orchestre. Au fur et à mesure de la progression des élèves, l’équipe les amène à la lecture des partitions, aidée par la professeure de musique du collège.

« Au début ils apprennent à rentrer dans un endroit, à s’asseoir et à apprendre ensemble. On commence à transposer sur les instruments pour qu’ils jouent ensemble, après y’a le travail technique de l’instrument lui-même.» « Ils sont sur beaucoup d’oralité au début »

L’équipe pédagogique part des connaissances et goûts des élèves pour créer un répertoire musical.

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Les élèves se produisent dans leur espace de vie (dans leur collège, les cités, fêtes de quartier, …) et hors les murs, dans des équipements culturels : Cité de la Musique de Marseille, théâtres, etc. Des partenaires culturels, comme l’Opéra de Marseille et son orchestre philharmonique ou le Festival International d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence, permettent aux élèves de découvrir ce champ culturel spécifique et d’effectuer des performances lors de grands événements. Une fois le programme “Orchestre au collège” terminé, les élèves ont la possibilité de garder l’instrument pour 60 euros par an et venir jouer le vendredi soir de 19h à 20h30 pour jouer en orchestre. Cet atelier réunit les ancien.ne.s et ceux.celles qui effectuent le programme “Orchestre collège”. L’équipe mobilisée par la Cité de la Musique comprend un chef d’orchestre - professeur de saxophone; une professeure de flûte traversière; un professeur de clarinette et un professeur de trombone; une assistante de coordination et une coordinatrice.

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Les attentes initiales L’intérêt de La Cité de la Musique à participer à MiniMix se focalise principalement sur son projet “Orchestre au collège”. Il s’agit pour l’association de valoriser ce projet mais surtout les personnes qui l’incarnent. L’envie de participer à MiniMix se cristallise autour de la question de la “trace”: comment documenter, laisser une marque, valoriser ce projet, les élèves, les professeur.e.s. “ La trace de ce projet ” “ On veut récolter cette parole là, on essaye d’instaurer un rapport où ils puissent se permettre. (...) qu’ils aient une place pour dire. Ils savent qu’il y a un espace qui leur appartient. ” « Attirer le regard » « Mettre en avant, mettre en valeur le travail » La phase d’exploration s’attache à la Cité de la Musique de façon plus globale, plutôt qu’à ce seul projet, afin d’appréhender le contexte dans lequel il s’est déployé.

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Retours sur les entretiens et observations Typologie des publics Comme dit précédemment, la Cité de la Musique accueille tout type de publics à condition que les personnes aient plus de trois ans et qu’il reste de la place dans le/les cours désiré/s. 2184 personnes sont inscrit.e.s dont 2073 résident à Marseille.

Les trois centres d’enseignement accueillant le plus d’élèves sont : •

Velten qui est situé dans le 1er arrondissement.

Baille-Sainte Cécile arrondissement

La Magalone et La Pauline dans le 9ème arrondissement

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situé

dans

le

5ème


Diversité des publics et enjeux identitaires Dans les discours, une réelle importance est accordée à cette diversité des publics. Cette pluralité explicitée et promue est emprunte d’enjeux identitaires. Elle permet à l’association de se positionner différemment du Conservatoire de musique. « On n’est pas le conservatoire donc y’a pas de critères d’inscription, c’est ouvert à tout le monde, à tout âge (à partir de 3 ans) » Des comparaisons sont ainsi énoncées afin de marquer les différences entre elle et l’autre institution musicale. « Au conservatoire y’a des critères parce que eux ils diplômes, nous pas. On fait passer des trucs internes genre l’examen du musicien. » « C’est pas pareil, le conservatoire et la Cité de la Musique c’est pas la même chose. » Ces comparaisons se structurent notamment autour de la notion d’exigence liée à l’excellence. « Ceux qui partent du conservatoire, ils arrivent plus à assumer le rythme de travail, ils viennent ici pour continuer la musique tout en freinant leur engagement. » « On a des élèves du conservatoire qui viennent vers nous parce que c’est exigeant. »

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Le Conservatoire apparaît comme plus “exigeant”, incarnant l’élite musicale, le professionnalisme et privilégiant la performance individuelle. La Cité de la Musique insiste sur les notions de plaisir, de groupe et place la figure de l’amateur au coeur de son discours. « Faire les choses autrement : pédagogie active, pratique collective, le collectif au centre de l’apprentissage. » « Liberté pédagogique » / « Révolution pédagogique » « Une espèce de pied dans la réalité, de la musique amateur qui pouvait se faire autrement » A la Cité de la Musique, la performance est donc au service du plaisir et du groupe, les deux étant interdépendants. « Y’a tout les aspects plaisirs du groupe, parce que avant d’arriver, à la Cité on a des cours de groupes (4 élèves en éveil, 3élèves pour le cycle 1) ils ne sont jamais tout seul. Ce sont des groupes qui essayent, évoluent ensemble pendant plusieurs années. Ça fait partie d’un des agréments pour lesquels ils viennent. Ça fait une émulation, ils ne sont pas tous seuls. » « Ils font ce qu’ils veulent, en gros c’est ça mon rôle, c’est assez flou. C’est jouer juste avec un joli son, et puis s’ils y arrivent pas et que ça leur convient quand même bah c’est à eux de voir en gros. Même si l’exigence n’est pas la même que celle défendue au conservatoire, il s’agit pour la Cité de la Musique de dispenser un enseignement de qualité et de faire progresser les élèves. « Mais j’ai toujours comme objectif de faire en sorte que à terme ils jouent juste avec un joli son, et je leur dis. » « Nous on a des exigences, il ne faut pas qu’il reparte, qu’il n’ait pas touché son piano ni rien »

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Une institution “familiale” Certain.e.s personnes interviewé.e.s ont insisté sur l’aspect familial et convivial des rapports existant entre elles et les habitué.e.s de la Cité de la Musique. « C’est très familial, c’est beaucoup des gens qu’on connaît. » « Ça fait plaisir de voir, ils nous côtoient toute l’année et ils finissent par bien nous connaître. C’est une famille. » « Les gens ils aiment bien se rencontrer entre eux et la musique ça les rapproche. C’est agréable. » Concernant les rapports interprofessionnels, organisationnels, certain.e.s regrettent un temps passé où cet aspect familial en interne tend à s’amoindrir. « Dans les anciens locaux c’était plus famille, on arrivait plus à parler. » « Alors avant, quand y’avait école le mercredi matin, le repas du mercredi midi était un prétexte, un lieu d’échanges et de rencontres, on en profitait pour discuter des projets, l’organisation. Maintenant qu’il n’y a plus le mercredi matin, on commence les cours plus tôt, cette réunion spontanée, y’en a plus, on en fait de temps en temps. »

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Itinérance Les professeur.e.s exercent une activité professionnelle itinérante. Ils.elles se déplacent à travers les différents centres pour effectuer leur enseignement. « J’ai cours à la Magalone, ici, Place Roux, Belle de mai. » (professeur de musique) Dans le cadre du projet “Orchestre au collège”, la pratique musicale des élèves s’inscrit aussi dans cette logique d’itinérance. Ils.elles apprennent à jouer autant au sein de leur collège qu’au centre Velten ou la Cité de la Musique pour se représenter. Ils.elles parcourent le quartier pour se rendre de l’un à l’autre lieu. Lors d’un entretien collectif informel avec certain.e.s des jeunes “Orchestre au collège”, ils.elles nous ont fait part de différents lieux où ils.elles ont pu performer. « Aix au conservatoire Darius Milhaud, à Aubagne, au théâtre Silvain, et « à côté d’Arles."

Dans les murs / hors les murs Il s’agit également, pour les élèves, de se mettre en scène autant dans les cours collectifs, les concerts au sein des trois scènes de la Cité de la Musique, que de performer à l’extérieure de celle-ci lors d’occasions particulières. « Les scènes ouvertes se font ici et à la Magalone. » « On essaye de trouver des circonstances qui leur permettent de se montrer en dehors » Les représentations publiques concernent autant les élèves de la Cité de le Musique lors des scènes ouvertes que des musicien.ne.s professionnel.le.s dans le cadre de concerts.

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Le bar La Cité de la Musique bénéficie d’un espace “bar” se situant à proximité de l’auditorium au sein duquel se déroule la majorité des scènes ouvertes et des concerts. Cet espace est seulement utilisé les soirs de concerts. « On fait bar boissons, et petites assiettes tapas mais uniquement pour les concerts. » « Les soirs de représentation il y a parfois un catering. Tout dépend de la volonté du producteur du concert. Le bar c’est à la demande, en général ça dépend s’il y a une entracte. » Lors d’observations effectuées dans l’espace bar le mercredi après-midi, nous avons constaté qu’un bon nombre d’enfants accompagné.e.s d’un membre de leur famille, principalement leur mère, investissent largement cet espace pour patienter. Les enfants, accompagné.e.s d’un adulte, se trouvent ici parce qu’ils. elles vont avoir un cours ou bien parce qu’ils.elles ont un.e frère/soeur en cours. Les tables et chaises associées au bar sont toutes utilisées, une musique est diffusée en fond sonore, les personnes, enfants ou adultes, profitent de ce lieu pour discuter, jouer, téléphoner, goûter, lire. Divers usages sont ainsi représentés. Cet espace bar semble peu exploité par la Cité de la Musique au vu du nombre (assez important) de personnes présentes le mercredi après-midi et de la raison de leur présence: l’attente.

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Au delà de l'espace du bar, les observations le mercredi après-midi ont montré que des résident.e.s hébergé.e.s à la Cité de la Musique, des membres du personnel et des accompagnant.e.s étaient amené.e.s à se croiser devant le bâtiment administratif pour fumer. Ces temps sont propices à la rencontre bien que dans les faits ce ne soit pas toujours le cas.

*Agencement / mobilier de l’espace bar •

Le mobilier répond au code couleur de la Cité de la Musique : rouge, noir, gris et blanc.

Un manque de places assises pour les personnes en attente.

Une absence d’aire de jeux pour les enfants.

Les enfants sont présent.e.s en nombre dans le hall / espace bar. Pour se distraire, ils.elles courent, on peut entendre des éclats de voix, des pas etc. Certain.e.s adultes, notamment les accompagnant.e.s, leur demandent de faire moins de bruit mais l’espace n’est pas propice à la discrétion (haut de plafond). •

Un manque d’espace du fait de la présence, au centre de la salle, d’un escalier en colimaçon permettant d’accéder au niveau inférieur.

Cet espace est peu investi par l’institution. Une des membres du personnel considère que : « Le soir, la journée c’est pas ouvert, c’est dommage, je ne sais pas, ils le feront peut être un jour, donner ça à une association qui vient tout le jours. »

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*Des freins Les freins principaux, pour faire vivre l’espace bar de façon plus fréquente, sont ainsi énoncés : « Trop compliqué au niveau hygiène » « Les gens maintenant n’ont plus les moyens de sortir, manger en même temps. » « C’est vrai que c’est difficile parce que y’a beaucoup de gens qui brassent et faudrait mobiliser quelqu’un. » « Mais le problème c’est qu’au niveau hygiène, c’est pas réellement, on ne peut pas vraiment consommer d’alcool et puis c’est aléatoire, c’est pas tout le temps que nous avons du monde. » Des solutions peuvent être partiellement évoquées : « Ce serait mieux que ce soit donné à une association qui vienne et qui s’installe et qui fasse son propre bénef. »

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Rapport au quartier L’association, bien implantée dans le quartier, est sollicitée par des structures à proximité. « Y’a le centre social, on fait des trucs avec eux, ils viennent nous solliciter, ils nous donnent des instruments. Quand ils font leur repas partagé, on participe, on leur prête des sonos, y’en a qui jouent pour eux. Là, on accueille les Belsunciades, va y avoir de la musique, plein de choses, ils font des concerts chez nous. » « On est sollicité, on est intégré dans le quartier » La Cité de la Musique n’hésite pas à faire appel aux commerçant.e.s situé.e.s à grande proximité ou les solliciter pour qu’ils.elles viennent lors d’événements spécifiques. « On leur fait passer des invitations. Souvent, je leur donne la brochure: “si y’a quelque chose qui te plait tu me le dis”. Ils nous fournissent le thé quand on fait un concert un peu oriental, on va chercher les makrouts, etc, on vend pour eux et puis voilà. Y’a pas de bénef qui se fait et en même temps ça leur rend service. C’est un partage on va dire. »

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“Orchestre au collège” (et “Orchestre à l’école”) L’importance du groupe est très marqué dans les discours concernant les projets “Orchestre au collège” et “Orchestre à l’école”. « C’est un travail sur le groupe. Il faut que le groupe il soit un groupe classe sinon ça n’a pas de sens. » La notion de groupe est reliée à celles du plaisir et de la motivation. « Y’a tous les aspects plaisirs du groupe » « C’est le plaisir du groupe et de la création en groupe. » « Il faut que les plus motivés entraînent avec eux les autres. » Elle est aussi rattachée à la question du lien, de la socialisation et de la performance. « Ça les socialise aussi, ils sont obligés de se supporter et de tenir compte les uns des autres parce que sinon ils arrivent à rien. » Les discours sont particulièrement marqués par l’appréhension et les bouleversements qu’a provoqué l’instauration du projet pour l’équipe éducative. « Au début c’était très dur parce que le prof d’école de musique il est pas préparé à ce type de public. » « On a des enfants qui sont voilà qui sont pas habitués à rentrer dans l’arène, on avait pas tous les codes. D’abord on s’est retrouvé dans une école ZEP et c’est pas avec des enfants des enfants de ZEP que l’école de musique travaille en priorité. »

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« Ils sont très heu ils sont très très vrais en fait. Et ça nous on n’a mais surtout pas l’habitude » « Pour les profs, gérer ce groupe qui était grand et qui était quand même perturbant, perturbé, perturbable » L’équipe éducative est indispensable au bon déroulement des projets, elle est moteur de la motivation et la performance des élèves. « C’est vrai que le rapport avec le chef d’orchestre, c’est lui qui les voit le plus c’est très particulier. Il a un espèce de contact, il y a cet espèce de respect naturel qui s’instaure entre eux. » « S’il y avait pas eu l’équipe d’enseignants qu’il y a je pense qu’on aurait déjà arrêté. » Les interviewé.e.s accordent une place importante à l’appartenance sociale et culturelle des élèves. Ces variables viennent les définir, déterminer et expliquer leurs comportements. « Pourtant ça n’a rien de leur culture, ça n’a rien de leur univers et ils sont fiers. C’est un truc assez improbable pour eux. » « Enfants issus de milieux défavorisés, qui ont des problèmes d’attention, c’est vrai qu’ils ont une attention très éphémère normalement .» « Ce sont des enfants qui ont des problèmes » « C’est compliqué parce que leur situation familiale ne leur permet pas forcément, pour certains, leur situation culturelle non plus. » Les discours rappellent constamment que les élèves bénéficiant des initiatives “Orchestre au collège” et “Orchestre à l’école” sont différents d’autrui à savoir des autres élèves, des professeur.e.s, etc. Ces fortes distinctions énoncées viennent notamment légitimer ces deux projets.

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*L’importance de l’intégration/incorporation de normes L’équipe pédagogique doit s’adapter à l’environnement spécifique auquel appartiennent les collégien.ne.s et modifier ainsi ses habitudes. « Quand on parle il faut dire monsieur et madame parce que c’est une règle au collège. » Il s’agit aussi pour les professeur.e.s d’adapter leurs méthodes éducatives, de jouer avec leurs habitudes d’enseignement, les contourner pour pouvoir faire jouer et progresser leurs élèves. « Ils ont des problèmes avec l’écrit donc si nous musiciens on veut, on arrive avec notre partition, et qu’ils ont pas le droit de mettre les doigts, voilà, ça fait beaucoup. » Les personnes entretenues insistent sur les attitudes et comportements des enfants et adolescent.e.s considéré.e.s comme peu ou pas adapté.e.s à l’univers dans lequel ils.elles pénètrent au cours de ces trois années. « Il y a des codes de politesse, il y a un enrobage qu’ils n’ont pas. » Il s’agit ainsi d’agir sur les pratiques des jeunes, de les faire évoluer vers des schémas comportementaux normés en s’appuyant un discours explicatif et répétitif. « Donc on leur explique qu’on attend pour se servir, qu’il y en aura pour tout le monde. » « Ne pas se lever pendant un concert, de ne pas utiliser un téléphone, qu’on ne va pas aux toilettes quand on veut. » Ces consignes sont aussi valables pour leur entourage familial. « Quand on est à l’opéra et même quand on va les écouter on est obligé de dire aux parents quand eux sont sur scène, les règles sont les mêmes. » Le travail sur les normes produit par l’équipe éducative participe, au fil du temps, au changement de comportements des jeunes. Les interviewé.e.s énumèrent les bénéfices produits par le projet sur les élèves.

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« C’est une action qui n’est pas anodine parce que ça a des implications multiples sur énormément de choses qui n’ont pas trait à la musique directement. Sur les apprentissages, disciplines, respect, valorisation de l’effort. » Les bénéfices sont, comme dit ci-dessus, souvent orientés sur les comportements, la discipline: ils.elles ont intégré, incorporé des normes sociales qui semblent, pour l’institution, indispensables à la pratique musicale en orchestre à la Cité de la Musique. « Leur comportement a changé aussi parce qu’on a passé du temps ensemble et parce que voilà c’est code là il a fallu qu’ils les apprennent. » « Eh bah la 4ème elle ne se tient pas comme les autres. » La participation au projet exerce un impact positif sur les performances scolaires et sociales. « Ça a des implications très rapides sur la plupart des apprentissages qu’ils ont à l’école, de manière concrète et différente. » « Ces projets les rendent capables d’avoir une attention très particulière et soutenue, plus longue que la normale. » Lors de nos observations, nous avons pu constater à travers des situations qui permettaient de comparer en temps réel deux groupes de jeunes collégien.ne.s, l’un appartenant au programme “Orchestre au collège” l’autre pas, que les comportements n’étaient pas les mêmes. Ceux et celles bénéficiant de l’initiative sont notamment plus attentif.ve.s, moins bruyant.e.s ou distrait.e.s, les rappels à l’ordre de l’équipe éducative du collège sont moins fréquents, etc. Ajoutons que ces impacts “positifs” peuvent être facilement bouleversés, un élément peut venir perturber les élèves. Les interviewé.e.s rappellent que « c’est fragile ». Notons aussi que, d’après les interviewé.e.s, les élèves profitant de ces programmes sont perçu.e.s différemment auprès de leurs camarades. 94| cité de la musique


« Ils sont considérés comme des favorisés, ils ont un faveur par rapport aux autres, ils font envie. » « Eux, ils sont considérés dans leur école comme des gens particuliers. Ça leur donne une importance. C’est assez surprenant» « Quand ils traversent la cours avec leurs instruments, ils le font avec fierté, ils sont fiers. Quand ils jouent, on les fait jouer dans la cours devant les autres, les autres ils s’assoient, ils ne bougent pas, ils sont fiers. »

*Les freins à la poursuite de la pratique musicale et au maintien des projets •

Familial

« Certaines barrières, certains se battent contre heu, y’en a un il se bat parce que son oncle dit que la musique ce n’est pas halal. Pourtant ça lui plaît, après il fera ce qu’il en voudra, mais il saura que ça existe et que le halal n’est pas si intransigeant que ça. » L’environnement proche peut venir freiner la participation au programme, aux activités proposées dans le cadre du projet ou une fois passée les trois années. •

Matériel

« on se heurte à des problèmes matériels »

Financier

Le projet à un coût pour l’association qui peut le mettre en oeuvre via des subventions. « On n’est pas sur de pouvoir continuer pour des raisons de budget. Il n’est pas énorme. Ça c’est le mauvais côté de ce projet là, peu pérenne. Y’a des gens qui essayent de se bouger pour que sa perdure mais c’est dommage parce que c’est tellement utile. » « L’essaimage n’est pour l’instant pas possible, pour des questions de budget »

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Aussi, une fois les trois ans passés, les élèves n’ont pas forcément les moyens de poursuivre une pratique musicale même si un créneau est prévu à cet effet et que la location d’un instrument est peu élevée. •

Administratifs

La demande de subvention alourdit le travail à accomplir par l’équipe administrative. « Si on arrivait à conventionner sur 3 ans les mêmes projets ça permet administrativement de s’alléger. »

*L’importance de la reconnaissance, du soutien et de la valorisation sociale Les interviewé.e.s insistent sur l’importance de montrer l’intérêt qu’ils.elles portent au travail des élèves, et d’énoncer des feedbacks positifs lorsqu’ils sont légitimes. « C’est important d’être présent. » / « C’est indispensable » « C’est important pour les enfants pour nous ça l’est aussi. » Il semble essentiel pour les élèves d’obtenir des retours positifs sur leurs performances, leurs évolutions de la part d’autrui. Il est nécessaire de valoriser ce qu’ils.elles font. Il apparaît important, pour l’équipe pédagogique, que ces formes de soutiens et reconnaissances sociales proviennent de différents groupes sociaux positionnés différemment dans la structure sociale. « Le directeur revient et il dit là je suis plus épaté qu’hier parce que tout le monde a fait des compliments » « Dès que l’occasion se présente : fête de quartier, on essaye de se montrer, de faire participer, surtout dans leur environnement pour que les gens les voient. »

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*Une reconnaissance médiatique Lors d’échanges que nous avons pu avoir avec une partie des élèves “Orchestre au collège”, ceux.celles-ci nous ont dit qu’ils.elles avaient déjà été interviewé.e.s par des médias. Notons aussi que la visibilité du projet permet à la Cité de la Musique de rendre compte et valoriser ce programme auprès des partenaires et pouvoir ainsi le faire perdurer.

*Les émotions Les relations qui s’établissent entre l’équipe pédagogique et les élèves sont empruntes d’affects, d’émotions. L’équipe est touchée par le travail accompli par les élèves. « ils nous ont composé un rap et voilà c’était très touchant. » « Sympa, c’est même émouvant. La première session qu’on a eu, quand ils ont joué, on avait pleuré, ça nous a tellement ému, on les voyait, on finit par s’attacher, en en parlant ça donne le trouble (elle a les larmes aux yeux), c’est émouvant »

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“Orchestre au collège” : quelques retours des élèves *Reconnaissance sociale et plaisir de jouer Lors d’un entretien collectif informel avec les élèves “Orchestre au collège”, ils.elles nous ont fait part de leur enthousiasme à jouer avec des musicien.ne.s professionnel.le.s : la légion étrangère, « un chef d’orchestre anglais » Mark Whither de l’orchestre symphonique de Londres, mais aussi avec des élèves de la Cité de la Musique et des ancien.ne.s de l’orchestre au collège.

*La pratique musicale A la moitié de l’année, les jeunes disent se sentir à l’aise avec leurs instruments. Il.elles essaient parfois de reproduire des morceaux à l’oreille. « celui là tout le monde [toute la classe] sait le faire! » La majeure partie d’entre eux.elles dit, sans hésitation, vouloir continuer après le cycle. « oui ! »

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*Le regard des autres Les élèves affirment qu’ils.elles n’ont plus vraiment d’appréhension à jouer en public, y compris devant des camarades du collège. Au début, ce type de situations étaient “un peu” stressantes. Les jeunes nous disent que leurs camarades apprécient, leur font des retours positifs sans pour autant être « admiratifs ». « Pas jusque là quand même ! »

*La communication Les élèves présent.e.s ne semblent pas avoir d’appréhension à communiquer sur ce qu’ils.elles font. Plusieurs utilisent facebook pour relayer des informations en relation avec l’Orchestre au collège. Une des jeunes filles est identifiée comme particulièrement active sur ce plan. Ils.elles voient l’intérêt que pourrait leur apporter une visibilité sur les médias sociaux. « On devrait créer un page facebook. »

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Maison dĂŠpartementale de la solidaritĂŠ pressensĂŠ

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Fonctionnement général La Maison Départementale de la Solidarité est un service public de proximité du Conseil Général. Marseille compte douze Maisons Départementale de la Solidarité, le département 29. Chaque habitant.e peut se rendre à la Maisons Départementale de la Solidarité la plus proche de son lieu d’habitation pour y effectuer les démarches dont il a besoin.

Les Missions La Maison Départementale de la Solidarité (MDS) accueille, conseille et oriente les habitant.e.s sur les dispositifs d’aide sociale et d’accès aux droits. L’une de ses missions prioritaires concerne également la protection de l’enfance (PMI). La Maison Départementale de la Solidarité propose un accompagnement individuel, des actions collectives, des consultations des activités d’éveil du jeune enfant et un accompagnement à la parentalité. Elle organise également des bilans en école maternelle, des campagnes de vaccination, soutient dans les difficultés liées à la vie quotidienne ou au logement, développe des actions visant l’insertion sociale, favorise les actions liées à la scolarisation des enfants, intervient dans le cadre de la protection des personnes mineures et majeures en situation de danger ou de vulnérabilité et réalise des évaluations en vue de l’agrément des familles candidates à l’adoption.

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Les métiers On trouve à la MDS des professionnel.le.s aux compétences spécifiques et variées: assistant.e.s sociaux.ales, éducateur.trice.s spécialisé.e.s, conseillères en économie sociale et familiale, éducateur.trice.s de jeunes enfants, auxiliaires de puériculture, puéricultrices, infirmières, sages-femmes, psychologues, médecins, agent.e.s d’accueil et personnels de sécurité. Chaque équipe est placée sous l’autorité d’un directeur ou d’une directrice et de ses adjoint.e.s. Chaque MDS fonctionne de manière autonome car chaque directeur. rice organise le lieu comme il.elle l’entend. Une fois par mois, les responsables des structures du département se retrouvent dans le cadre d’une réunion.

Le contexte Ici, une attention est portée à la MDS Pressenssé située dans le 1er arrondissement de Marseille. Une quarantaine de personnes y travaillent, c’est l’une des plus importantes en terme de personnel. Les individus reçus n’attendent pas plus de 20min leur rendez-vous. La MDS est ouverte au public, du lundi au vendredi, de 8h30 à 12h et de 13h30 à 17h, excepté le mardi après-midi. Théoriquement, les mardis après-midi sont consacrés aux réunions d’équipe où tous les membres du personnel sont convié.e.s à l’exception des agents de sécurité (prestation). Cependant, dans un contexte où le chômage se massifie, les fractures sociales, les phénomènes de marginalisation et d’exclusion s’accroissent, le champ de l’intervention sociale se voit confronté à une charge de travail toujours plus importante. L’augmentation du nombre de bénéficiaires et la multiplication des tâches administratives sont du temps en moins à consacrer aux espaces de dialogue interprofessionnels. En plus de l’impact organisationnel que provoque la précarisation d’une partie de la société, les travailleur.euse.s sociaux.ales (et autres membres du personnel) se trouvent de plus en plus dans l’incapacité de répondre aux attentes des bénéficiaires (exemple: accès aux logements sociaux). Les conditions d’accueil sont aussi touchées : délais d’attente de plus en plus importants pour obtenir un rendez-vous, des entretiens écourtés, etc. Les tensions s’accentuent entre l’institution et ses publics, voire en interne entre les différents corps de métiers représentés. 102| Maison de la solidarité


Un premier comptoir d’accueil est placé à l’entrée de la MDS au sein duquel deux à trois agent.e.s d’accueil sont chargé.e.s de filtrer les entrées et orienter les personnes, en fonction de leurs demandes, vers la 1ère ou la 2nd salle d’attente.

La protection maternelle infantile (PMI) Les consultations à la PMI se font sur rendez-vous. Toute personne peut se rendre à la PMI. En fonction de situations jugées à risque par le Conseil Général, des ménages peuvent aussi recevoir un courrier les incitant à venir consulter. La salle d’attente pour la PMI est située à l’étage de la MDS Pressensé.

L’action sociale Concernant l’action sociale, le premier accueil se fait en fonction des places disponibles. Les personnes doivent arriver à 8H30. Douze personnes sont reçues par deux travailleur.euse.s sociaux.ales pendant une dizaine de minutes chacune. Les personnes attendent leur premier rendez-vous dans la salle d’attente située au rez-de-chaussé dans le hall d’accueil de la MDS. Les rendez-vous suivants sont pris en charge à l’étage, les personnes patientent donc dans la salle d’attente située à l’étage.

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Attentes initiales Le Conseil départemental a plusieurs compétences dont l’action “sanitaire et sociale” qui constitue sa vocation prioritaire. Le service de l’action sociale du Conseil Départemental des Bouches-du-Rhône désire renouveler l’accueil et l’attente des publics des Maisons Départementales de la Solidarité marseillaises. « L’accueil est capital » Les publics qui pénètrent dans les halls d’accueil des MDS sont le plus souvent en situation de grande précarité économique et sociale. L’accueil et l’attente, qui sont cruciales, constituent des espaces-temps où les tensions peuvent être fortes et nécessitent d’être régulées en permanence. Il s’agirait de pouvoir “aller au devant des demandes des gens”, afin de soulager ces tensions. Une première MDS, Pressensé, est en voie de participer à MiniMix afin de penser nouvellement l’attente des publics.

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Retours sur les entretiens et observations Les résultats provenant de ce terrain sont principalement issus d’observations, quelques apports théoriques viennent les étayer.

Les publics Les bénéficiaires proviennent de l’arrondissement dans lequel est implantée la Maison Départementale de la Solidarité. Cependant, étant donné la centralité de la MDS Pressensé, il arrive fréquemment que des personnes provenant d’autres secteurs se présentent à l’accueil. Ils.elles sont alors réorienté.e.s vers la MDS en charge de leur arrondissement. Au vu des services que propose la MDS dans son volet “action sociale” et son ancrage territorial, on peut dire que la structure accueille majoritairement des publics en proie à des situations socio-économiques délicates. Le public est assez variable, les visites surtout ponctuelles. Nous avons pu constater, lors de nos observations, qu’une diversité d’âges : nourrissons, enfants, adolescent.e.s, jeunes adultes, adultes, senior.e.s. étaient représenté.e.s. Aussi, autant d’hommes que de femmes semblent venir à la MDS. Certain.e.s bénéficiaires ne parlent pas ou peu le français (et peuvent venir avec une personne leur permettant de comprendre et de se faire comprendre).

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Des échanges différenciés en fonction des publics accueillis Nous avons pu constater que les échanges entre bénéficiaires et accueillant.e.s sont parfois sensiblement différents selon que les bénéficiaires montent au 2ème étage ou qu’ils.elles restent en bas. En général, celles et ceux se dirigeant à l’étage sont déjà suivi.e.s donc plus ou moins connu.e.s par les agent.e.s tandis que les autres le sont moins ce qui joue sur les relations inter-personnelles.

Mobilité - immobilité du personnel et interactions Les agent.e.s d’accueil Les agent.e.s d’accueil sont plutôt statiques, ils.elles restent derrière le comptoir afin de procéder à l’accueil des publics. Certain.e.s situé.e.s à l’étage se déplacent pour accompagner les bénéficiaires venant pour une consultation PMI jusque dans la salle de prise en charge. Ils.elles se déplacent aussi pour effectuer leurs pauses. Les conseiller.e.s Les conseiller.e.s , mis à part lors de leurs entretiens, sont assez mobiles. On peut les voir circuler dans le lieu, dire bonjour aux personnes en train de patienter voire discuter avec celles et ceux qu’ils.elles connaissent. L’agent de sécurité L’agent ne reste pas figé à son poste, il circule dans la salle et discute parfois avec certain.e.s membres du personnel voire certain.e.s visiteur.e.s.

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Des abords peu attrayants Si la placette de la MDS Pressensé est très investie et appropriée par des groupes d’hommes, elle est aussi jonchée d’ordures et bordée de stationnement sauvage. Les dispositifs anti-stationnement (potelets, bornes) sont en certains endroits arrachés. D’autres éléments de mobilier urbain dégradé (poteau arraché, lampadaire brisé) et les nombreuses souches d’arbres coupés posent la question du statut de ce lieu et de son gestionnaire. Cet espace étant non cadastré, il serait propriété de la ville de Marseille, et géré à priori par la Communauté Urbaine Marseille Provence Métropole. L’accès principal à la MDS s’effectue par une volée de marches qui compense le dénivelé de la parcelle. L’accès handicapé qui longe le bâtiment est parfois occulté par des véhicules stationnés, et une marche de 5 à 10 cm marque le seuil de la MDS. Les personnes en situation de handicap moteur, les personnes avec poussettes ou encore les sénior.e.s peuvent avoir des difficultés à franchir ou contourner ces obstacles. Lors de nos observations, nous avons pu constater qu’il y avait bon nombre de cafards àl'intérieur même de la Maison Départementale de la Solidarité.

L’accueil et l’attente Ce sont aux guichets que se nouent des interactions entre des personnes en demande (usager.e.s) et des représentant.e.s de l’administration (l’agent.e d’accueil). “Le.a guichetier.e, représentant.e du service public auquel il.elle appartient, se trouve confronté.e à une demande sociale souvent très forte à laquelle il.elle doit porter une réponse, tout en étant, de par son appartenance à un service public, le.a représentant.e d’un ordre social qui la génère le guichet est ainsi un endroit où les tensions sont fortes et où elles doivent être régulées en permanence. L’agent.e d’accueil est non seulement face à l’usager.e, qu’il.elle prend en charge, mais aussi face à l’ensemble des autres personnes qui attendent le moment d’être reçues. Dans sa relation singulière de face à face, l’agent d’accueil doit également prendre en compte cette exposition à la salle d’attente.” (Dubois, 2010)

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En plus des publics qui ne dépendent pas spécifiquement du centre Pressensé, il arrive fréquemment que des bénéficiaires se déplacent à la MDS sans obtenir ce qu’ils.elles espéraient. Les principaux motifs relevés lors des observations sont les suivants: l’interlocuteur.trice demandé.e n’est pas là ou n’est pas disponible; la démarche n’est pas effectuée dans les bons délais; le.la bénéficiaire n’est pas en possession des documents nécessaires.

*Contrôles et tensions Une fois le seuil de la MDS Pressensé franchi, il est impossible d’échapper au comptoir de réception. Un contrôle est systématiquement effectué au guichet par les agent.e.s d’accueil qui sont plusieurs à effectuer l’accueil. Les visiteur.e.s doivent décliner leur identité, exposer les raisons de leur venue et indiquer la.le conseiller.e qu’ils.elles viennent voir (si ce n’est pas une première visite). “ Le guichet et les agent.e.s d’accueil sont donc placé.e.s “en première ligne” des mutations subies par la population que “traitent” l’action sociale, et plus généralement par la société française; en première ligne de ce processus multiforme que l’on peut placer sous le terme générique de “désaffiliation” forgé par Robert Castel (1995). C’est de fait au guichet plus encore que dans les autres lieux de l’institution que s’exposent les situations difficiles nouvelles, que s’expriment les “demandes” inédites; en bref, c’est tout particulièrement au guichet que s’éprouvent les fonctions des Caisses.” (Dubois, 1996) Un agent de sécurité est toujours présent dans le hall d’accueil. Son point de sécurité est situé de façon à pouvoir observer tout qui se passe dans la salle d’attente et sur le palier. L’agent de sécurité est tout le temps dans la salle. La salle d’attente du rez-de-chaussée est dans le hall d’entrée, à grande proximité de l’accueil. Les bénéficiaires sont constamment soumis.e.s au regard du personnel (sécurité, conseiller.e, agent.e d’accueil). On peut percevoir, ressentir une tension plus ou moins forte dans le lieu. Les interactions au comptoir entre accueillant.e et accueilli.e peuvent s’avérer délicates, et ainsi participer de l’inconfort ressenti dans la salle d’attente. S’il arrive un incident au comptoir entre un.e accueillant.e et un.e accueilli.e, toutes les personnes présentes dans la salle d’attente se retrouvent malgré elles spectatrices de la scène.

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Le comptoir est un espace sur lequel se cristallisent des points de tensions, des rapports de pouvoir et de domination. “La relation qui s’instaure entre l’agent.e d’accueil et le.a visiteur.e est une relation inégale parce qu’asymétrique. Le.a visiteur.e est en demande d’une aide, d’un service ou d’un droit et doit justifier ainsi de sa situation face à un.e agent.e d’accueil qui semble en position de décisionnaire.” (Dubois, 2010)

*Les visiteur.e.s en attente

Les visiteur.e.s qui patientent dans la salle d’attente n’ont pas d’activités spécifiques. La majeure partie d’entre elles n’utilise pas de supports particuliers pour “faire passer le temps”. Sur toutes les personnes observées lors des observations effectuées, seulement trois personnes ont utilisé un smartphone : une femme d’une quarantaine d’année pour écouter de la musique ; un homme d’une trentaine d’année pour jouer, écrire des messages et effectuer un appel ; une jeune fille (12-14 ans) pour jouer et/ou écrire des messages. Les deux premiers patientaient avant d’être reçus en rendez-vous tandis que la jeune fille attendaient que sa mère ait récolté les informations dont elle avait besoin. *Une ambiance impersonnelle, peu chaleureuse et peu harmonieuse du

fait de : -Le décorum de la salle (couleur murale et revêtement de sol) -Les affiches au mur -Le mobilier -La configuration de l’espace d’accueil qui ne permet pas de privacité Ainsi, malgré une signalétique des lieux homogène - aux couleurs du CD13 l’hospitalité du lieu se trouve compromise par l’environnement de l’accueil.

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Des ressources... pour patienter Quelques supports d'information sont mis à disposition dans la salle d'attente, sous forme de plaquettes et -surtout- d'affiches. Une grande partie de ces supports concerne les offres de services du Conseil Départemental. Elles peuvent être présentées par thématiques ("petite enfance", "économie et développement", etc.), ou bien par structure spécifique (Archives et Bibliothèque Départementale de Prêt, Centre d'Eductaion et de Planification Familiale, etc.). D'autre part, la MDS compte parmi les points de diffusion de la revue Accents, éditée par le CD13. La publication rend compte des actions du CD13 et s'attache à mettre en lumière des projets ancrés sur le territoire des Bouches du Rhône. Parmi les ressources affichées dans la salle d'attente de la PMI figurent quelques présentations de projets hors les murs ayant reçu l'appui du CG, ou croisant ses champs d'action (la Bricothèque, "L'Art est en forme et en couleur"). Mais ce type de ressource reste très minoriatire et sans valorisation spécifique dans la salle.

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Un troisième type de ressources informe les usagers sur des organisations et dispositifs dans le champ sanitaire et social (par exemple la CPAM13). La majorité d'entre elles sont des affiches de prévention et de numéros d'écoute (à destination des "jeunes", jeunes parents, "parents d'ados", des femmes victimes de violences, personnes handicapées, etc.). La variété d'affiches et leur accrochage ne facilite pas toujours leur lecture. Par ailleurs, ce type d'information n'est pas présente sous forme de plaquette, de façon à être consultée individuellement ou emportée. Enfin, une dernière catégorie d'affiches se réfère aux conditions et à la qualité de l'accueil des services du CD13 (certifications d'accueil, dispositif d'écoute des usagers, consignes aux usagers, etc.). Les injonctions aux usagers concernent la surveillance des enfants et la lutte contre les violences envers les agents d'accueil. Hormi les ressources énumérées ci-dessus, rien n’est mis à disposition des bénéficiaires pour que l’attente se fasse moins longue.

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Centre régional d’information jeunesse Provence-Alpes

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Fonctionnement général Le Centre Régional Information Jeunesse Provence Alpes (CRIJPA), situé dans le 1er arrondissement, est un centre de ressources et d’information ouvert à tous et toutes. Le CRIJPA est une structure appartenant au réseau information jeunesse. L’information jeunesse est une mission de service public, définie et garantie par l’Etat. Le CRIJ, association loi 1901, est sous tutelle du ministère de la ville, de la jeunesse et des sports. Le CRIJ aborde une variété de thèmes : études; métiers et formations; emploi et job; vie quotidienne; santé; logement; projets et initiatives; loisirs culturels, sportifs et vacances; Europe et international.

Les missions Les missions principales du CRIJPA sont avant tout : •

d’informer de différentes manières et via différents canaux toutes personnes ou structures en recherche d’information.

de produire de l’information.

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Le CRIJPA propose des entretiens personnalisés, anonymes et gratuits; une documentation couvrant de larges thématiques; des offres de logement, d’emploi, de stage, de volontariat et de bénévolat; une permanence juridique, une permanence pour rédiger des lettres de motivation et les documents administratifs, pour la recherche d’emploi et l’insertion socio-professionnelle tous les mercredis après-midi; des journées et rencontres d’informations thématiques pour des groupes; des expositions réalisées par un “public jeune”. Le CRIJPA est labellisé ERIC, on peut donc y trouver des ateliers multimédias, un point d’accès à internet et des postes informatiques. Le CRIJPA, c’est aussi un Centre d’Information Europe Direct en Provence Alpes où toute personne peut venir se renseigner sur la thématique de l’Europe; un relais Eurodesk 12 et de l’OFAJ13. Enfin, le CRIJPA coordonne la Maison de l’Etudiant (MDE) qui est une plateforme d’information et de mise en réseau des acteurs institutionnels, universitaires et associatifs de la vie étudiante.

Les métiers Une dizaine de personnes, principalement des femmes, travaille au CRIJPA. La majorité d’entre elles occupe le poste d’informatrice-documentaliste. Travaillent également un médiateur numérique, des services civiques, une animatrice Europe Direct / Vie étudiante, une référente Espace Initiatives Jeunes, un chargé d’animation du réseau information jeunesse en Provence Alpes, une secrétaire de direction et un directeur. 12  Un réseau d’information sur les opportunités de mobilité 13  Office Franco-Allemand pour la Jeunesse

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centre rÊgional d’information jeunesse |117


L’accueil du public Le CRIJPA est ouvert les lundi, mardi, jeudi, vendredi de 13h à 18h et le mercredi de 10h à 18h. Les personnes n’ont pas besoin de rendez-vous pour se rendre au CRIJPA. Une informatrice-documentaliste traite les demandes rapides à l’accueil tandis qu’une autre peut recevoir la personne dans le cadre d’un entretien plus approfondi (si elles sont deux). « A l’accueil, on doit informer, orienter les gens quand ils ont une question qui est traitée rapidement. Par contre, si y’a besoin d’un entretien plus poussé, on envoie vers la personne à la permanence. » Les conseillères peuvent aussi renseigner par téléphone. Si les informatricedocumentalistes ne sont pas en mesure de répondre directement à la demande de la personne, elles proposent de prendre rendez-vous avec le.la membre du personnel ou le.la permanent.e le.la mieux qualifié.e pour prendre en charge les besoins exprimés. Toute personne peut venir au CRIJPA pour consulter un poste informatique, à condition que les usages soient en lien avec les missions du CRIJPA, bénéficier d’un espace de travail; feuilleter les multiples et divers flyers et autres documents présents sur place; voir une exposition. Il n’est pas nécessaire de passer par le poste d’accueil et d’expliciter sa présence auprès d’une informatrice-documentaliste pour rester dans le CRIJPA et bénéficier de son offre de services.

Le lieu Le CRIJPA est situé dans un ancien cinéma. Le rez-de-chaussée offre un large espace pour accueillir ses publics. La configuration des lieux, entre mezzanines et hauts-plafonds, compose plusieurs volumes distincts, permettant des zones d’usages différenciés (mise à disposition de documents, espace de travail, salle de réunion, postes informatiques, etc.). Au sein de ces espaces, la documentation est regroupée par thématiques. 118| centre régional d’information jeunesse


Les Attentes initiales Le CRIJPA entame actuellement une série de travaux afin de réaménager son lieu. Pour que cette dynamique de changement soit fructueuse et ne se cantonne pas seulement à un nouvel ameublement et agencement du lieu, le CRIJPA souhaite bénéficier d’un accompagnement pour repenser l’accueil des publics et renouveler l’approche de l’information à l’ère du numérique. « Qu’est-ce qu’on propose d’autre dans l’environnement de l’information ? » Dans le cadre du projet &Co, les dispositifs et prototypes issus du cycle MiniMix au CRIJPA ont également vocation à être testés à l'espace MAJIC (Musiques Actuelles Jeunesse Initiatives et Culture) de Vitrolles.

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Retours sur les entretiens et observations Les publics *Un éventail d’âges et de statuts Le Centre Régional Information Jeunesse Provence Alpes reçoit une diversité de publics. Contrairement à son appellation, le CRIJPA n’accueille pas exclusivement des publics “jeunes”, notion qui par ailleurs pose question au vue de son caractère relativement flou. La variété de l’offre de services du CRIJPA exerce un impact sur cette diversité des publics. Les services et usages rendus possibles dans le lieu attirent une pluralité de publics. Nos observations ainsi que les entretiens réalisés ont mis en lumière cette diversité. « Un public varié. » « On a de plus en plus de personnes âgées, beaucoup d’adultes en reconversion professionnelle, demandeurs d’emploi. On a des services assez variés comme la permanence juridique. On a un écrivain public. C’est ouvert à d’autres publics, d’autres statuts que dix-huit et trente-cinq ans. » « Accueil anonyme sans rdv, pas d’inscription, gratuit, donc ça brasse vraiment un public très varié. » Selon son poste, un.e membre du personnel peut recevoir une ou des tranche/s d’âge/s spécifique/s. Certain.e.s vont avant-tout recevoir des publics jeunes, c’est le cas des personnes en charge de l’animation Europe Direct/Vie étudiante ou de l’Espace Initiatives Jeunes, tandis que les informatrices - documentalistes renseignent différentes catégories d’âges.

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*3 types de publics Nous avons pris le parti de répartir en trois catégories les visiteur.e.s du CRIJPA. •

Les publics “jeunes”

La majorité des personnes se rendant au CRIJ appartient à la classe d’âge 18 ans 30 ans. « Une grosse partie de notre public, c’est quand même les dix-neuf vingt-cinq ans. » « Essentiellement des jeunes entre dix-huit et trente-cinq ans. » Des scolaires (collégien.ne.s, lycéen.ne.s) et des universitaires (étudiant.e.s) constituent principalement cette première catégorie. Ils.elles peuvent venir seul.e.s, accompagné.e.s d’une tierce personne ou en groupe dans le cadre d’une sortie scolaire ou d’un événement à destination des étudiant.e.s. •

Les publics adultes

De plus en plus “d’adultes”, de personnes âgées sont amené.e.s à fréquenter le CRIJPA, notamment les demandeur.euse.s d’emploi, les personnes en reconversion professionnelle et reprise d’études, celles se rendant aux permanences proposées par des intervenant.e.s extérieurs.e.s. « C’est une structure qui a été créée pour les jeunes mais on a tellement développé, enrichi notre documentation qu’en fait toutes les informations qu’on a peuvent aussi concerner les adultes. On traite les informations de manière globale donc on a des publics adultes. » « On a de plus en plus de personnes âgées, beaucoup d’adultes en reconversion professionnelle, demandeur d’emploi. »

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« On est labellisé centre d’information Europe Direct par la commission européenne. Là c’est pour tous les citoyens, pas uniquement les jeunes, tous citoyen peut poser des questions liées à la commission européenne » Nous avons constaté, lors de nos observations, qu’un bon nombre de personnes âgées de plus de 35-40 ans jusqu’à plus ou moins 70 ans venaient au CRIJPA pour aller aux permanences, demander des renseignements, utiliser un poste informatique, obtenir une information pour leur enfant, etc. •

Les publics professionnels

L’offre de services que propose le CRIJPA est également à destination d’un public professionnel. Le travail de documentation qu’ils. elles produisent est diffusé aux structures intéressées. Aussi des sessions d’accompagnement, de formations peuvent mêler jeunes et professionnel.le.s. « Mission d’orientation et de documentation pour les jeunes et les professionnels donc tout type de public. »

*Le CRIJ: une dénomination justifée Cette dénomination, bien qu’elle puisse porter à confusion, est orientée jeunesse car elle renvoie au ministère auquel est rattaché le CRIJ. « On a conservé dans notre appellation le CRIJ parce qu’au départ on est sous tutelle du ministère de la jeunesse et des sports »

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*La fréquentation Le taux de fréquentation du CRIJPA est assez aléatoire et peu élevé, il contraste avec la foule en masse présente sur la Canebière. Le mercredi après-midi est le jour ayant un taux de fréquentation le plus élevé. La plupart des visiteur.e.s ne viennent qu’une fois dans le lieu. La fréquence de passage varie selon les usages des individus. Les personnes utilisant les postes informatiques vont plus facilement revenir, celles venant pour obtenir une information précise sur un sujet particulier auront tendance à venir une seule fois.

« Y’en a pour une question très précise et qui ne reviendrons plus. Y’en a qui vont revenir souvent. C’est très varié. » « Accueil très ponctuel, parfois y’en a qui reviennent assez régulièrement, d’autres ont accès à internet gratuit, la consultation d’offres d’emploi, de logement parce que y’en a qui n’ont pas internet. »

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Le lieu *Investissement du lieu par les usagers La majorité des visiteur.e.s a tendance à rester dans les deux premiers volumes du CRIJPA : le premier entre l’entrée et le guichet d’accueil comprend les ouvertures sur la rue; le second entre le guichet et la machine à café est plus bas de plafond et plus sombre. Différents services et outils sont proposés dans ces deux espaces : accueil, postes informatiques, flyers et autres supports d’informations, documentation sur l’orientation, tables et chaises, machine à café, photocopieuse. La présence de ces multiples dispositifs et la configuration du lieu n’incitent pas les visiteur.e.s à aller au delà de la machine à café, le second volume créant un effet tunnel peu engageant vers la verrière. Cet espace est, lui, haut de plafond, lumineux et vaste. Pourtant la zone est peu investie par les usager.e.s, ils. elles ne l’utilisent que très peu. L’équipe aimerait que les personnes en profitent davantage. « Faire basculer le centre de gravité vers les puits de lumière. » Le parcours usager “classique” : Généralement, les usager.e.s entrent dans le lieu, feuillettent ou contemplent quelques flyers présents en masse à l’entrée du CRIJPA, vont vers le comptoir pour effectuer leur demande. Une fois celle-ci comblée, ils.elles se dirigent vers la sortie. En chemin, ils.elles feuillettent ou contemplent (de nouveau) quelques flyers qu’ils.elles croisent sur leur chemin puis sortent du bâtiment.

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*Un code couleur impersonnel et institutionnel Le mobilier est assez impersonnel et très institutionnel. Les couleurs du drapeau européen (jaune et bleu) sont présentes sur une partie de l’ameublement.

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Réflexions collective sur la transformation du lieu Les interviewé.e.s nous ont fait part des réflexions collectives qu’ils.elles ont eu sur leur lieu et sa transformation avant d’entamer des travaux de réaménagement. « Je sais que l’aménagement tel qui est actuellement ne nous convient pas. On a déjà réfléchi à un nouvel aménagement, les travaux sont prévus pour cet été » « On a beaucoup travaillé parce que c’est un grand espace pas facile à aménager. » Le CRIJPA bénéficie d’un lieu conséquent au sein duquel l’association peut organiser ces espaces en fonction de différents usages et services (accueil, détente, informatique, information, exposition, permanence…). Pour le moment, ces différents espaces, les usages qu’ils peuvent sous-tendre, ne sont pas toujours formalisés et signalés. Ainsi, il s’agira de jouer sur les contrastes pour que chaque zone soit définie, et identifiée rapidement par les usagers. Il faudra aussi envisager une signalétique claire pour que les bénéficaires puissent être autonome dans leur visite du lieu. A ce titre, il est à noter que la signalétique du site internet ne se retrouve pas dans l’espace d’accueil physique. « Les espaces ne sont pas formalisés. On ne voit pas (...), donc il faut trouver un moyen de signaliser pour qu’on voit bien » « Quand les gens ils arrivent, ils voient ce grand espace, par quoi on commence, qu’est ce qui est proposé ?

*Favoriser l’autonomie des visiteur.e.s L’autonomie de la personne, par l’accès à l’information, constitue un des objectifs auxquels doit répondre le CRIJPA. Pour les interviewé.e.s, le bâtiment, qui incarne l’association, se doit de favoriser l’autonomie du visiteur à travers la mise en scène, l’agencement de l’espace. « On vise beaucoup à l’autonomie, favoriser l’autonomie, la personne peut s’informer toute seule, poser des questions si elle en a besoin »

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Les différents points soulevés quant au (ré)aménagement du lieu concernent notamment : •

Le comptoir d’accueil

« Cette borne d’accueil ne nous convient pas du tout, ça va être enlevé. » Le comptoir est imposant et cache l’informatrice-documentaliste qui procède à l’accueil des publics.

« Côté aménagement, il y a un souci avec le guichet, lorsqu’on répond au téléphone on n’est pas visible pour l’accueil physique. » Il symbolise l’administration, l’institution. Il s’agit donc de casser cette image, de rendre le lieu plus “convivial”. « L’accueil se rapproche de quelque chose d’administratif, comme une mairie. Heu du coup on voudrait quelque chose de plus convivial. » « Casser l’aspect guichet administratif » « On veut faire tomber les bornes d’entrée et faire un lieu convivial. »

L’espace d’exposition

Actuellement, un espace sous la verrière permet aux publics jeunes d’exposer leurs initiatives gratuitement. Cependant, hormis lors des permanences et autres événements ou ateliers spécifiques, peu de personnes se rendent dans le fond de cet espace. L’agencement n’incite pas les visiteur.e.s à occuper l’entièreté de l’espace mis à leur disposition.

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Il a ainsi été décidé que l’espace d’exposition occuperait la première partie du bâtiment vers le point d’accueil actuel. De cette manière, les visiteur.e.s pourront apprécier les expositions dès leur entrée dans le lieu. Aussi, celle-ci seront plus ou moins visibles de l’extérieur et incitera éventuellement des personnes à pénétrer dans le CRIJPA. •

Un espace convivial, un lieu de vie « Plus de convivialité » « J’espère qu’on va pouvoir moderniser et rendre le lieu un peu plus vivant, ergonomique, plus accueillant. »

Pour rompre avec le côté administratif et froid qu’ils.elles associent au CRIJPA, les interviewé.e.s insistent sur la nécessité d’amener de la “convivialité” dans le lieu. Ils. elles souhaitent créer un espace qualifié de “convivial” à l’entrée après celui dédié aux expositions. « Là on veut installer un canapé pour que ce soit un lieu convivial où on mettra des journaux. » « Dans l’espace convivial, on avait prévu de faire un coin parquet, pour que ce soit plus chaleureux. Je ne sais pas si ça se fera. » « Un espace avec un canapé rouge, bien moelleux et du parquet au sol. » Certain.e.s souhaiteraient rendre le lieu plus “dynamique”, plus attractif, plus “vivant”.

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« On est un lieu jeunesse aussi, je pense qu’il faut que ça vive, on n’est pas une bibliothèque. Je verrai bien un petit fond musical, ça peut gêner dans l’information en fonction des actions qu’on a, faut prévoir peut être différents espace. » Pour le moment, l’aspect dynamique s’exprime à travers la malléabilité de certaines des zones du lieu. A titre d’exemple, l’espace exposition est amené à changer, à se voir approprié différemment en fonction des expositions proposées par les “jeunes”. « On accueille des expositions de jeunes, ce qui amène aussi l’espace à être modulé par chaque personne, chacun le fait à sa façon du coup le lieu change à chaque fois. C’est intéressant de voir comment les gens l’utilisent » « Je pense que ce côté modulable est important, pas que ce soit figé, qu’on puisse l’adapter selon les circonstances. »

L’espace permanence

Comme dit précédemment, les permanences ne s’effectuent pas dans une zone formalisée. Elles ont lieu dans la deuxième partie de la salle, en open space. Un espace est crée à partir d’un mobilier modulable afin de fermer (plutôt symboliquement) la zone dans laquelle ont lieu les entretiens confidentiels. L’absence d’un lieu fermé pose problème. Les entretiens sont perturbés par les bruits émis aux alentours. Les permanences étant consacrées à des aspects plus ou moins sensibles de la vie des personnes, il semble nécessaire d’offrir un cadre rassurant et confidentiel permettant à la personne de s’exprimer en toute intimité avec le.la permanent.e.

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Dans ce contexte, l’open space n’est pas adapté au service proposé. Le cadre spatial n’est pas propice à l’activité du.de la permanent et vient impacter la relation interindividuelle en train de se jouer. L’équipe souhaite donc qu’un espace soit clairement dédié aux permanences dans cette deuxième partie du lieu. Lors des réflexions collectives, ils.elles avaient envisagé intégrer un container au sein duquel les permanences auraient pu prendre place. Le prix étant trop important, deux boxes fermées vont être installées. « Moi quand j’étais à l’info, des fois on était avec des jeunes en grosses difficultés sociales heu avec pas d’hébergement pour le soir, des situations assez critiques donc c’est bien d’avoir un peu d’intimité parce que ici ça ne s’y prête pas ça résonne. » « Fermer parce que quand on a du monde, qu’il y a du bruit autour, qu’on puisse travailler tranquillement avec la personne. »

Les ressources Dans le lieu d'accueil, les ressources se présentent sous forme de documentation à consulter sur place (classeurs, cartes-métiers, affichettes...) ou bien de plaquettes et autres supports en libre service. Elles concernent des sujets aussi divers que la prévention santé, l'orientation professionnelle, les programmes d'échange européens, les dispositifs d'aide aux initiatives jeunes, etc. Si les ressources sont bel et bien regroupées par thématiques, cette organisation n'est pas explicitée par une quelconque signalétique, ce qui peut freiner une recherche d'information autonome 130| centre régional d’information jeunesse


Invisibilité du CRIJPA Les interviewé.e.s mettent en relief et de façon prononcée la méconnaissance qu’a le grand public du CRIJPA. « Les gens ne connaissent pas le réseau information jeunesse qui existe depuis plus de 40ans. » « Les gens connaissent peu. » « C’est très méconnu. » Différents paramètres justifiants cette absence de visibilité sont évoqués. Tout d’abord, ils concernent le bâtiment lui-même : •

Une absence de signalétique forte, une structure opaque .

« A l’extérieur il n’y a pas de signalétique heu. Les gens souvent entrent un peu par hasard » « On ne comprend pas trop ce qu’il y a, à l’extérieur dehors, c’est pas annoncé.» « C’est caché, souvent les gens viennent « on ne savait pas qu’il y’a avait ça ici»

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Un bâtiment peu attractif et peu identifiable. « Même le batiment en lui-même, assez tristoune » « C’est assez froid et pas parlant. »

Une ouverture sur l’extérieur et sur les “publics jeunes” peu exploitée.

La rue du Théâtre Français voit passer chaque jour un nombre important de collégien.ne.s et lycéen.ne.s tandis qu’un bon nombre d’étudiant.e.s de la faculté située à proximité du CRIJPA circulent sur la Canebière. Ces publics, qui sont les cibles originelles du CRIJPA, ne se rendent que très peu ou pas spontanément dans le lieu. Les grandes baies vitrées donnant sur la rue du Théâtre Français ne laissent pas entrevoir ce qui se passe dans le lieu. Des panneaux et étagères viennent obstruer la vue. Ce que donne à voir le CRIJPA, d’un point de vue extérieur, n’incite pas les publics jeunes à franchir le pallier de l’association. •

Un bâtiment institutionnel

La dénomination de l’association, visible de l’extérieur, véhicule l’image d’un guichet administratif , ce qui peut constituer un frein symbolique et physique au franchissement du pallier. « Les gens voient ça comme l’institution de l’extérieur, on est un centre régional, ça fait penser à la région aussi. » 132| centre régional d’information jeunesse


En plus de l’aspect physique (externe) du lieu qui parait peu visible, compréhensible et attractif, son rôle semble méconnu . •

Une absence d’identité / d’identification forte « CRIJ ça ne parle pas forcément pour qui ne connait pas. »

Des interviewé.e.s considèrent que l’appellation peut porter à confusion, ne leur permet pas d’être clairement identifiée auprès de potentiels usagers. « Je ne sais pas pourquoi, dès qu’ils voient information jeunesse: CIO. Je pense que l’appellation peut porter à confusion. » Et stipulent que les personnes identifient mieux des structures liées à l’orientation, l’accompagnement scolaire et socio-professionnels. « Les gens nous connaissent pas, ils connaissent les CIO, les pôles emploi, mais ils ne connaissent pas le réseau information jeunesse » « Pour chercher des informations on pense à la mission locale ou à pôle emploi. Le CRIJ est mal identifié. C’est un monde à part . » Bien que pour les usagers et potentiels usagers, l’offre ne semble pas claire du fait de l’absence d’une identité forte lui permettant de marquer sa singularité par rapport aux autres structures, les membres du personnel insistent sur les caractéristiques spécifiques du CRIJPA. Les discours sont emprunts d’enjeux identitaires, il s’agit d’expliciter ses signes distinctifs en les confrontant, comparant avec d’autres pour marquer, conforter sa spécificité et sa légimité. « Nous ce qui fait notre différence c’est qu’on est généraliste. On va informer sur les métiers, la santé, etc. les CIO ne font que de l’orientation scolaire et professionnelle. Ce qui nous différencie c’est qu’on est producteur d’informations. » « Ce qui nous différencie c’est qu’on est producteur d’informations. »

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Une communication qui fait défaut

Les interviewé.e.s considèrent que la communication, qu’elles.ils envisagent comme primordiale, laisse à désirer. Les informations concernant l’offre de services du CRIJPA, les événements et actions mises en place sont peu diffusées et/ou documentées. « notre grosse faiblesse c’est la comm » « on souffre d’un manque de communication et de visibilité. » L’absence d’une charte graphique forte, donc d’une identité visuelle forte, joue sur la méconnaissance du grand public. « Ne serait-ce qu’avoir une charte graphique (...) c’est quelque chose qu’il faudra travailler rapidement. » Dans les discours, on constate que les tentatives, en matière de communication, ne semblent pas assez conséquentes. « C’est vraiment des petites pierres, y’a pas une grosse campagne de communication, de partenariat, c’est laborieux, ça manque de fluidité. » Les médias sociaux sont tout de même investis par certain.e.s des membres du personnel. « J’essaye d’apporter de l’information sur les réseaux sociaux aussi »

Cependant, l’information n’impacte pas toujours le public cible mais plutôt les partenaires et le réseau information jeunesse. « Les gens qui interagissent sur les réseaux sociaux ne sont pas des « jeunes », mais plutôt d’autres CRIJ et partenaires. »

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Une communication par contact direct

Le CRIJPA investit son réseau mais aussi le tissu associatif et institutionnel local. Certain.e.s membres se déplacent, vont à la rencontre des acteur.rices et potentiel. le.s partenaires du territoire. Ainsi, la visibilité du CRIJPA est avant-tout permise grâce aux relations en face à face, aux échanges physiques et via le “bouche à oreille”. •

Le numérique: un bouleversement du rapport que les jeunes entretiennent à l’information

Certains échanges produits avec les membres du personnel se structurent autour de l’univers du numérique. Quels impacts exerce-t-il sur les pratiques des jeunes quant à la recherche d’informations ? Avec le numérique, les modalités d’accès se trouvent bouleversées, le CRIJPA se questionne sur le rôle qu’il doit endosser au vue des transformations qu’opère ce champ sur son coeur d’activité. L’association considère que ses compétences numériques et sa culture numérique ne sont pas nécessaires pour pouvoir compenser avec les nouvelles pratiques des individus et proposer des offres attrayantes et alternatives. « La fréquentation était plus forte il y a quelques années, pourquoi ça diminue. Heu est ce que c’est l’arrivée d’internet, je ne sais pas la manière de s’informer des jeunes, les services que l’on propose sont pas forcément adaptés.» •

Un site internet qui marque une volonté de se dynamiser

Le CRIJPA propose un nouveau site internet. Simple, moderne et efficace, la charte graphique du site est en rupture avec l’identité visuelle du lieu physique et du logo institutionnels et vieillots. Quelques détails sont tout de même à revoir notamment les onglets présents en haut à gauche du site qui, pour certains sont des redites ou peu fonctionnels. « C’est vrai que maintenant on a un nouveau site internet c’est déjà bien, plus moderne que ce qu’on avait avant, même si on peut discuter certains points »

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4 | Conclusions Convergences

136| Retours sur les entretiens et observations


La phase d’exploration MiniMix#1 s’est intéressée aux quatre structures situées à Marseille Grand Centre Ville ayant manifesté leur intérêt à participer à cet accompagnement créatif et participatif. La production et la mise en relation des données récoltées sur le terrain de l’étude a permis de cartographier les lieux, les acteur.trices ancrée.e.s sur ce territoire et d’établir des recommandations pour que les ateliers organisés en octobre soient “contextualisés”, tiennent compte du cadre dans lequel ils s’inscrivent. Au delà des spécificités rencontrées dans chacun des lieux, de grandes problématiques semblent se recouper sur plusieurs des lieux de résidence .

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Vers des logiques de tiers-lieux

Proposer des offres complémentaires à son coeur d’activité

Permettre des temps de partage d’expérience et de transmission de pair-à-pair

Rendre possible des espaces d’expérimentation ouverts

Renouveler les accès aux contenus

Prendre appui sur les outils numériques

Permettre à l’usager.e d’être producteur.trice de contenu

Encourager l’autonomie des bénéficiaires

Valoriser les expériences des professionnel.le.s et usager.e.s.

Faire Venir / Aller Vers Prise en compte des retours des usagers / Identification des besoins des non-publics Travailler l’ouverture sur la ville : interfaces entre locaux et espace public

Accueillir dans ses murs / Intervenir hors les murs

Se positionner dans son écosystème

138| Méthode

S’appuyer sur un réseau de partenaires relais

Singulariser son offre

Tisser des partenariats de proximité


Les ateliers MiniMix auront pour objectif de mettre des participant.e.s aux expériences et compétences diverses au service des axes de réflexion propres à chaque structure, afin de faire émerger des idées de dispositifs. Certaines problématiques se recoupant, les idées des différents ateliers pourront se nourrir mutuellement. Ces temps créatifs permettront également à des professionnel.le.s des différents lieux de résidence d’échanger leurs réflexions sur leurs lieux respectifs.

Méthode |139


5 | Références

140|


Bacqué M-H., Mechmache M. (2013). Pour une réforme radicale de la Politique de la Ville ; Citoyenneté et pouvoir d’agir dans les quartiers populaires. Ministère de la Ville Berry-Chikhaoui, I. (2007). Les citadins face aux enjeux d’internationalisation de la ville. Autrepart. Bertoncello B., Dubois J. (2010). Marseille Euroméditerranée. Accélérateur de métropole. Paren­ thèses. Marseille. COMPAS (2014). Disparités socio-spatiales en Région ProvenceAlpes-Côte-d'Azur ; Synthèse Métropole Aix-Marseille. Région Provence-Alpes-Côte-d'Azur. CRPV, ARDL, Université du citoyen (2014). Les jeunes acteurs et ressources du développement social urbain. SGAR PACA Dell’Umbria, A. (2006) Histoire universelle de Marseille: de l’an mil à l’an deux mille. Agone. Marseille. Dubois, V. (2010). La vie au guichet. Economica : Paris.

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Dubois V. (1996). Une institution redéfinie par ses usage(r)s ? Sur quelques pratiques du guichet dans les CAF. Recherches et Prévisions, 45, 5-13. INSEE PACA (2013). Métropole Aix-Marseille Provence, un territoire fragmenté, des solidarités à construire. Analyse n°34 Kalampalikis, N. (2002). Des noms et des représentations. Les Cahiers Internationaux de Psychologie Sociale, 53, 21-30. Meyer, G-N. (2012). Évaluer l’information sur le web, peut-on arriver à une pertinence sociocognitive satisfaisante ? domain_shs.info. hype.<mem_00776751>. Nasiali, M.A. (2010) Native to the Republic: negotiating citizenship and social walefare in Marseille “immigrant” neighborhoods since 1945, University of Michigan. Rochelle, M. (2008). Archives et bibliothèque : une mise en scène commune ? Bulletin des bibliothèques de France, 4. Roncayolo, M. (1967) Le “centre de la ville” à Marseille : notion, contenu, évolution. Urban Core and Inner City: Proceedings of the International Study Week Amsterdam, 11-17 September, 1966. Universiteit van Amsterdam. Temime, E. (1996) Marseille Transit, les passagers de Belsunce, Autrement. Paris


Sites Internet Agenda Culturel des Bouches du Rhône, http://13.agendaculturel. fr Cité de la Musique de Marseille, http://www.citemusique-marseille. com/ CRIJPA, http://www.crijpa.fr/ Euroméditerranée, www.euromediterranee.fr Maison de l’emploi Marseille, http://www.mdemarseille.fr/ Ministère de l’Education Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, Annuaire de l’Education Nationale, education. gouv.fr Ville de Marseille, Annuaire Social, http://www.marseille.fr/ Bases de données (http://opendata.regionpaca.fr) Ville de Marseille, Base de données « Ecoles primaires à Marseille », 2013 Région PACA, Base de données « Localisation des lycées publics ouverts », 2012 Illustrations (https://thenounproject.com) p.10. CC Créé par Sarah Abraham p.11. CC Créés par Mike O›Brien pp.54 / 84 / 110 / 124. Créé par Alexander Smith pp. 58 / 88 / 112 /128. Créé par Matteo Della Chiesa pp. 65 / 83 /115 / 134. Créé par Tony Michiels pp. 69 / 92 / 135. Créé par Umut Büyükekmekci

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A propos... Marie-Amandine Vermillon Psychologue sociale, Marie-Amandine accompagne les acteurs et actrices (publics, privés, associatifs et citoyens) qui font la ville dans la transition culturelle et numérique. Ses interventions s’inscrivent dans des processus d’innovation centrée-usager à travers des expérimentations et enquêtes de terrain. Les sciences humaines et sociales lui permettent d’interroger et d’intégrer les représentations et pratiques des parties prenantes dans ces démarches d’innovation. Ainsi, lors de cette phase d’immersion MiniMix, Marie-Amandine a prêté une attention particulière aux représentations, aux vécus et pratiques des usagers des lieux investigués, ainsi qu’au fonctionnement et à l'ancrage territorial de ces espaces.

Agathe Maurel Urbaniste et géographe, Agathe s’appuie sur l’approche du Design Urbain pour analyser les phénomènes urbains et imaginer des espaces vecteurs de sens. En s'intéressant à des projets d’aménagement initiés par la société civile, elle développe sa curiosité pour les processus collaboratifs, les démarches sensibles, et plus généralement les espaces d’expérimentation sociale. Dans cette étude MiniMix, elle a contribué à la remise en contexte à différentes échelles des structures participantes, à l'analyse des interfaces entre les bâtiments accueillant du public et leurs espaces publics voisins, ainsi qu’au relevé de pratiques dans les lieux en jeu.


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4 rue de la bibliothèque – 13001 Marseille 04.13.63.68.30 contact@lafabulerie.com Axelle Benaïch - Directrice axelle@lafabulerie.com


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