Ecritures adolescentes

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Ecritures adolescentes


Pour cette deuxième édition du prix adolescent «d’un livre à l’Aude», le Conseil Général de l’Aude et le Centre De Documentation Pédagogique ont accueilli, grâce à la participation financière du Centre National du Livre, un auteur en résidence dans le Département, Sergueï Dounovetz. À cette occasion , les jeunes des collèges et lycées ont participé à des ateliers d’écriture animés par cet écrivain. Nous vous présentons ici les textes écrits par ces adolescents. Prenez le temps de les lire, ils le méritent. L’atelier d’écriture a déclenché pour certains, le processus d’écriture, et la plupart de ces textes ont été écrits en dehors du cadre scolaire. Les textes sont arbitrairement présentés par ordre alphabétique de titres. Dans le sommaire, vous trouverez la liste des collèges et lycées partenaires de cette opération, ainsi que les personnes ressources ayant contribué à la réussite de cette opération.

Que soient remerciés ici les responsables d’établissements, les documentalistes et bibliothécaires qui, grâce à leur compétence et leur générosité, ont permis la réalisation de ce projet.

Directeurs de la publication : Pascale Cier (B.D.A.) & Jean Bourdin (C.D.D.P.) © 2008 Mise en page et PAO : Bibliothèque départementale de l’Aude (EHF). Imprimé par nos soins.


Clémence Izard 3ème Castelnaudary Lycée Jean Durand

Accident

Il était 8h30, Emma, dans sa voiture, contemplait le soleil de janvier qui se levait faiblard sur Tucson. De ses mains nerveuses, presque anxieuses, elle tapotait le volant de cuir de sa voiture au rythme du fond musical que dispensait son autoradio. Il était encore tôt mais déjà les embouteillages l’empêchaient d’avancer à une allure convenable qui lui aurait permis de ne pas arriver une fois de plus en retard au boulot ; mais c’était sans compter sur la lenteur du trafic qui, comme tous les matins, commençait à échauffer les esprits des automobilistes impuissants. Emma habitait un petit appartement tout proche du centre, qu’elle partageait avec sa moitié : le charmant Sean. Ce trois pièces, bien que très bien situé, se révélait extraordinairement lointain lorsqu’il s’agissait d’utiliser la voiture pour se rendre au bureau dans lequel elle travaillait. ECRITURES

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Cela faisait maintenant quatre ans qu’Emma avait quitté la France, son passé et sa famille pour s’installer dans l’une des grandes villes des Etats-Unis. Là, elle n’avait eu aucun mal à refaire sa vie, la seule famille qui lui restait était ses deux sœurs Cathie et Laure, restées en France et avec lesquelles elle était fâchée depuis son départ précipité. Emma était taureau, un signe dont on dit qu’il fonce tête baissée sans regarder où il va ; elle n’avait pas de mal à s’identifier à cet animal auquel elle prêtait également des qualités d’adaptation surprenantes, un peu comme elle, donc. Maintenant la seule chose ou plutôt la seule personne à laquelle elle se rattachait était Sean dont elle partageait la vie depuis environ un an et quatre mois. Malgré tout l’amour qu’il lui portait, son cher et tendre lui avait annoncé le matin même, en beurrant ses tartines, qu’il la quittait. Emma, qui était une fille sensée bien que rêveuse, n’avait pas bronché : elle s’était levée calmement, avait enfilé sa veste, avait cherché ses clefs de voiture dans le videpoche de l’entrée, et avait pris la porte, laissant dans la cuisine un Sean hébété qui se serait attendu à tout sauf à ça. De toute façon, il s’en fichait, il partait rejoindre son amour d’enfance dans l’Iowa dans trois jours et aurait définitivement chassé de sa vie Emma qui, à son retour le soir 4

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à son appartement, aurait trouvé un message paraphé à la hâte sur un post-it, collé sur la porte du frigo indiquant l’adresse d’un hôtel de la ville où envoyer d’éventuelles affaires oubliées. Tout cela aurait dû arriver si ce matin même, en partant, Emma, bouleversée par la décision inattendue de Sean, n’avait pas décidé de ne pas aller travailler. Elle roulait depuis maintenant une bonne heure, mais sans savoir où elle allait. Elle était perdue dans de sombres pensées et n’avait même pas remarqué qu’elle avait quitté la ville et roulait à grande vitesse sur le périphérique encore désert. Soudain elle reprit conscience, le compteur de sa Ford affichait 210 Km/h. Affolée, Emma, qui était une conductrice prudente, voulut freiner, mais la pédale de frein sous son pied n’opposait aucune résistance, un problème technique plus que terrifiant empêchait la voiture d’Emma de retrouver une vitesse normale. Ne sachant que faire, Emma, de nature plus que sensible, ne trouva rien de mieux à ce moment-là que de perdre connaissance. Elle et sa voiture ne tardèrent pas à dévier de leur trajectoire pour finir leur course folle dans la rambarde de sécurité qui longeait la route qu’elle avait empruntée par inadvertance ; sans pour autant avoir oublié les quelques tonneaux préalables à une bonne chute. La voiture, gisant sur le toit, ne tarda


pas à être entourée par une ambulance dont la sirène stridente parvenait jusque dans le subconscient d’Emma. La pauvre, la tête en bas, le front écorché par les éclats de verre du pare-brise qui avait, lui, éclaté sous le choc, semblait se disloquer ; ses membres avants, pris sous le tableau de bord complètement défoncé, répandaient du sang qui imbibait rapidement le col de soie blanche de son chemisier. Après que les secours eurent trouvé la meilleure manoeuvre pour la sortir de la voiture sans attenter à sa vie qui était, compte tenu des dégâts, déjà bien menacée, ils entreprirent de découper la voiture pour en extraire Emma. Une fois l’opération terminée, Emma fut emmenée d’urgence à l’hôpital le plus proche qui, se trouvait être celui de White Hill. Elle reçut de nombreux soins en raison de plusieurs membres cassés. Hormis cela, Emma était plongée dans un coma profond qui allait la tenir prisonnière des ténèbres plusieurs jours durant, laissant les médecins réservés sur leurs diagnostics. Entre-temps, le personnel chargé de l’accompagnement des familles ayant un patient résidant à l’hôpital, s’était chargé de contacter, faute de pouvoir joindre Sean, les deux sœurs d’Emma. Celles-ci, apprenant la nouvelle, avaient sauté dans le premier avion et rejoint l’Arizona afin de demeurer près de leur sœur cadette. Celle-ci, sentant sûrement leur présence maternelle, ne tarda pas à se réveiller au

bout d’une semaine où Sophie et Laure n’avaient cessé de veiller sur elle au grand dam des infirmières et aides-soignantes. Mais quelle ne fut pas leur surprise quand Emma, ayant repris connaissance et se demandant où elle se trouvait, ne put reconnaître ses deux sœurs et ne se rappela même plus son nom. Le verdict des spécialistes que comptait l’hôpital fut sans appel : Emma, suite à un choc violent au niveau cérébral, était devenue amnésique. Laure, de deux ans son aînée, pleura à chaudes larmes, ce qui permit à Sophie de la réconforter. Cette dernière, ayant demeuré durant toutes ces années sans nouvelles et qui en était arrivée à oublier combien elle aimait Emma, fut elle aussi ébranlée par son état plus ou moins définitif à en juger par ce qu’avaient prédit les médecins et psychiatres, s’appuyant sur de nombreuses analyses pratiquées sur plusieurs mois. Mais elle n’en restait pas moins la grande sœur responsable et avisée qu’elle avait toujours été ; et, prenant son rôle à cœur, elle décida, sur la suggestion des professionnels de l’hôpital, que ramener Emma dans un environnement familier pourrait lui permettre, sinon la guérison, du moins l’amélioration de son état. Les deux sœurs procédèrent alors à une fouille minutieuse des quelques années qu’Emma avait passées presque en ermite, exilée sur le continent américain. Toutes leurs recherches furent vaines, car là où ECRITURES

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les services de renseignements de l’hôpital avaient échoué, elles, étrangères aux méthodes de professionnels, ne trouvèrent aucune piste. Trois mois s’étaient écoulés depuis l’accident d’Emma; Sean était loin; le propriétaire de l’appartement que louait Emma s’était lassé de ne plus recevoir le loyer et avait fini par le remettre en location, et l’employeur qui l’exploitait lui avait envoyé une lettre de licenciement qui n’arriverait jamais ; voilà maintenant, plus rien ne retenait Emma ici. Ces quatre années venaient d’être balayées comme les feuilles de l’automne qui approchait déjà. Sophie entreprit de rentrer en France le plus vite possible afin que sa sœur quitte l’hôpital et retrouve la maison de son enfance ce qui devait, selon elle, raviver de nombreux souvenirs. Cette maison qui avait été celle de leur famille encore unie par le passé était à présent devenue celle de Sophie qui l’occupait seule, sa sœur ayant trouvé plus facile de prendre un appartement dans le nord, plus proche de toute activité dans la publicité, la branche qui la ferait devenir un jour, peut-être, connue. Les derniers détails réglés, il fut convenu qu’Emma logerait dès son retour avec Sophie que l’idée enchantait. Les trois sœurs prirent l’avion le lundi suivant à destination de la France. 6

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La petite maison était située à Limoges. Durant le trajet en voiture, Emma assise derrière restait silencieuse et regardait filer le bitume sous les pneus. Le paysage commença à changer, de petits vallons obligeaient la route à faire quelques détours. Enfin la voiture s’arrêta devant la porte de la grande maison à l’ancienne. Les pneus crissèrent sur les gravillons, Sophie descendit la première, tout excitée, suivie de Laure qui ouvrit la portière du côté passager pour laisser à Emma le loisir d’admirer la façade de pierre de la maison qui comptait deux étages. Emma descendit à son tour, regarda la maison et, se tournant vers sa sœur lui fit un maigre sourire, celle-ci parut gênée, mais l’entraîna dans la maison dans l’espoir que la pièce laissée intacte après son départ, et qui était sa chambre, réveillerait en elle la mémoire perdue. Il n’en fut rien ; Emma resta perplexe à la vue de cette chambre de jeune fille qu’elle avait laissée derrière elle quatre ans plus tôt. Une semaine plus tard, son état n’avait pas évolué, aucune amélioration notable ; ses deux soeurs constamment en quête d’idées nouvelles qui pourraient rendre la mémoire à leur sœur commençaient à s’avouer vaincues. Rien de ce qu’elles faisaient n’arrivait à éveiller des émotions ou des sentiments chez Emma. Elle, la pauvre, réapprenait à vivre par les souvenirs de ses sœurs qui ne


manquaient aucune occasion de lui faire part du moindre détail de son enfance. De leurs jeux, de leurs parents, les albums de la famille servaient souvent dans ces momentslà. Mais malgré une volonté palpable, quelque chose, ou plutôt quelqu’un empêchait Emma de recouvrer tout ce qui lui avait été ravi lors de l’accident. Bien sûr, ses blessures avaient cicatrisé, ses nombreuses fractures avaient fini par se ressouder avec l’aide du temps, mais il restait encore une plaie ouverte : celle de son cœur. Sophie, pensant qu’Emma arriverait à de meilleurs résultats en reprenant une vie active, la fit embaucher au centre de gestion dans lequel elle travaillait avant son départ pour les Etats-Unis. Emma, toujours docile, avait accepté cette étrange situation avec optimisme, bien que de revoir chaque jour des visages inconnus qui auraient dû lui être familiers la mette dans un embarras compréhensible ; néanmoins, en trois mois, elle avait appris à vivre avec son handicap et repris une existence presque normale. La preuve en est que si l’on croisait Emma dans la rue, personne n’aurait soupçonné le fardeau qui était le sien au quotidien, ce vide qui la rongeait, sans relâche, de l’intérieur. Quelques jours plus tard, alors qu’Emma prenait son petit déjeuner seule dans la grande maison qui paraissait tellement vide sans l’entrain de ses deux sœurs, Laure était

repartie vers le Nord pour son travail et Sophie partie en ville faire des courses. Elle s’assit sur le canapé de velours du salon et alluma la télévision ; elle tomba sur une rediffusion de série télévisée. Dans l’histoire que s’évertuaient à nous faire croire de médiocres acteurs, David, le bourreau des cœurs, signifiait à Linda la belle blonde que son amour pour elle s’était éteint dès qu’il avait croisé le regard de Marjorie sa rivale de toujours, la pauvre fille éplorée jurait sa perte pendant que l’insensible David s’en allait sans se retourner. Emma qui ne prêtait pas grande attention aux séries télévisées, même du temps où sa vie ne se résumait pas à ce que ses sœurs lui racontaient, surprise par la sensation de déjà-vu qui l’envahissait, se mit à pleurer sans encore savoir pourquoi, mais bientôt la multitude de souvenirs refoulés durant tous ces mois où le noir intense avait cerné sa vie lui revinrent en mémoire et le désespoir s’empara d’Emma. Elle se rappelait de toute son enfance, son passé, les détails de son accident, les longs mois de convalescence, et enfin elle se souvint de Sean. Aussi invraisemblable que cela paraisse, ce n’était que maintenant qu’elle se souvenait de tout ce qui faisait d’elle ce qu’elle était. Sans plus réfléchir, elle gravit les deux étages qui menaient jusqu’à sa chambre et entreprit ECRITURES

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de faire ses bagages afin de gagner au plus vite Tucson, dans l’espoir de retrouver Sean et de pouvoir l’empêcher de la quitter. Mais lorsqu’elle réalisa que cela était impossible, elle se sentit tellement impuissante et désespérée qu’elle fit trois pas droit devant elle, gagna la fenêtre ouverte qui emplissait la pièce de lumière, attrapa le garde-fou à deux mains puis sauta dans le vide où, l’espace d’une fraction de seconde, son corps sembla flotter dans l’air. En réalité, il n’en était rien et les deux étages lui laissèrent un répit d’à peine quelques secondes avant que sa tête aille heurter de plein fouet le sol dallé du porche orienté au sud. Du sang jaillit de sa tempe droite et se répandit entre les joints des dalles, en une flaque uniforme. Emma était morte sur le coup.

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Camille Cosnier 3ème Bram Collège Saint-Exupéry

Amaruma

1. La Snara Prologue Le monde d’Amaruma Il y a fort longtemps de cela, le monde fut divisé en deux : le nôtre et celui d’Amaruma. Amaruma est partagé en trois territoires : Le Dir, situé dans une vallée : c’est là que sont regroupées les villes. Ses habitants, les Dirriens, possèdent un empereur. Le Nir est localisé sur des plateaux venteux. Ses habitants, les Nirriens, vivent dans de petits villages isolés où ils chassent et élèvent des moutons. Ils sont calmes et pacifiques. Les Nirriens sont souvent dirigés par un conseil de druides. Et enfin, la forêt. Ses habitants ont un caractère méfiant. Ils sont appelés Arbiens. Leurs structures politiques diffèrent les unes des autres. Les Dirriens et les Nirriens ont généralement peur de s’aventurer dans la forêt à cause des bêtes sauvages qui y rôdent.

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Chapitre premier Le départ C’est la saison sèche sur les plateaux du Nir. Lara court dans les herbes hautes. Ses longs cheveux bruns nattés retombent sur sa veste en cuir. Elle ralentit. Là, juste devant, se tient une verbouisse. L’oiseau au plumage coloré boit dans une flaque d’eau claire. Lara s’allonge au sol, sort son poignard du petit fourreau de peau qui pend à sa ceinture. Elle regarde le soleil. Dans quelques secondes, elle bondira sur sa proie. Ses muscles d’adolescente se tendent. Soudain, le soleil se reflète dans la flaque, la verbouisse est éblouie. En une fraction de seconde, Lara bondit, saisit son poignard et retombe comme un chat sur la verbouisse qu’elle égorge. Le sang violet commence à couler. Vite, elle prend son outre et, d’une main experte, récupère le sang. Sa mère sera contente. La main bronzée de Lara ramasse l’oiseau mort, le range dans sa besace. Elle cherche ensuite dans les herbes sèches. Les œufs écarlates rejoignent l’outre et la verbouisse dans la besace. Lara décide de rentrer directement chez elle ; demain, il faudra partir. Pour un an. Pour longtemps. Trop longtemps. Le chemin descend vers un petit village de pierre. Toutes les maisons comptent un enclos à brebis. Lara se dirige vers une 10

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maison isolée du village. — Lara ! Quelqu’un a crié ; L’adolescente se retourne et voit courir vers elle une fillette de huit ans aux cheveux roux et aux yeux bleus comme l’eau d’une rivière. — Dami ! Que fais-tu là ? Ta mère va s’inquiéter. — Lara, je ne veux pas que tu partes, je veux que tu restes. — Ne pleure pas. Le conseil des druides m’a désignée comme la Snara, je dois donc mener à bien ma mission. — Pourquoi toi ? — Les druides ont dit que Snoïa, la déesse du voyage, voit en moi la personne idéale pour ce rôle. — Mais tu vas faire quoi dans la vallée du Dir ? — Je vais étudier pour pouvoir vous transmettre mon savoir. Allez, viens, je te raccompagne chez toi. — D’accord. Elles vont donc chez Dami. — Dami ! Lara, merci tu me la ramènes saine et sauve. La femme qui a parlé est aussi rousse que sa fille. — Il faut que je rentre, maintenant — Bonne journée ! Et n’oublie pas de passer mes amitiés à Brina — D’accord, je donnerai tes amitiés à maman.


En rentrant chez elle, Lara est surprise de ne trouver personne dans la maison à pièce unique. Mais elle ne s’inquiète pas et déplume sa verbouisse. Puis, comme il n’y a toujours personne, elle allume le feu dans le four et commence à préparer l’oiseau. Elle verse le sang dans un plat en terre, casse les œufs et mélange le tout. Une fois la sauce prête, elle la verse sur la volaille et fait glisser le plat dans le four. — Ah, tu es rentrée. — Oh, maman, je me demandais où tu étais passée ! — J’étais avec Bilow. Il avait besoin d’aide pour trier ses brebis. En échange de ce petit service, il m’a donné de la laine. Je la laverai et la filerai. La grande femme n’a rien de sa fille. Elle est blonde et d’apparence plus fragile que Lara qui est brune et musclée. Mais quiconque a déjà vu Brina et voit Lara sait de qui elle est la fille. — Mets-toi à table L’adolescente pose les deux assiettes qu’elle portait sur la table. — Oh, par tous les dieux, tu dois avoir faim. Je vais te faire un petit quelque chose à manger. — C’est déjà prêt, maman, répond la jeune fille en posant son plat chaud sur la table. — Ma chérie. Je... Tu… Enfin, tu dois être fière de la tâche qui t’est confiée. Le sourire de Lara disparaît instantanément

de son visage rieur. Pourquoi sa mère gâchet-elle son dernier instant de bonheur ? — Ne fais pas cette tête de cochon... Je voulais juste te dire que tu ne dois pas aller dans la forêt. — Je vais dans la vallée du Dir, pas dans la forêt. Tu le sais bien. Et puis, pourquoi cherches-tu à m’en éloigner ? Je crois que j’ai compris que mon père y était. Lara parle fort, les larmes lui montent aux yeux. — Je ne crois pas que retrouver ton père serait une bonne idée. Il n’a jamais su que tu étais née. Et… — Je m’en fiche. Je me fiche de qui est mon père. Je me fiche d’où il est, je le retrouverai. J’en fais le serment. — Ce serait aussi idiot que de demander à une verbouisse d’aller chercher un bâton. Lara se lève brusquement et se dirige vers la porte. Une fois devant, elle se retourne et dit : — Je dois partir à l’aube, et toi tu me demandes de ne pas aller dans la forêt. La vérité, c’est que je suis un accident, et que tu n’as jamais aimé mon père. Sur ces paroles, elle sort. Brina reste muette, si seulement sa fille comprenait le danger que représente la forêt. De plus, elle n’a jamais voulu aborder le sujet de son père. Certes, grandir entourée seulement d’une mère et de deux brebis n’a pas dû être facile pour Lara, mais elle a toujours été heureuse. ECRITURES

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Lara marche sur le petit chemin qui mène au plateau. Sur son passage, les gens tournent la tête et lui jettent des regards étonnés ; elle s’en moque. Pour eux, elle aurait dû gentiment passer sa dernière journée au village avec sa mère. Mais ils ne savent pas. Ils ne comprennent pas. Personne ne peut comprendre. Pourquoi sa mère s’obstine-elle tant ? Pourquoi ne veutelle pas lui dire qui est son père ? Lara est enfin arrivée au plateau. Là, elle s’allonge, ferme les yeux et écoute. Au loin, elle entend le galop d’une horde de chevaux. Ils appartiennent sûrement à des brigands. Mais qu’a-t-elle à craindre ? Elle n’a rien de précieux. Pourtant, le bruit ne cesse de se rapprocher. Soudain, Lara comprend, les brigands veulent attaquer le village. Alors, rassemblant tout son courage, elle se lève et se plante, les mains sur les hanches, au milieu du chemin. Le cavalier de tête ralentit. — Pousse-toi de là, petite ! — Oh que non, je ne me pousserai pas ! — Vous avez entendu ? je ne me pousserai pas. Le brigand a imité la voix de Lara. — Moquez-vous ! Mais pour avancer, il faudra me passer sur le corps. Le chef fait un signe à ses camarades et deux d’entre eux descendent de cheval. Lara se rend soudain compte de l’absurdité de ce qu’elle vient de dire. Comment elle, du haut 12

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de ses treize ans, pourrait-elle vaincre ces truands sanguinaires ? Mais il est trop tard pour faire marche arrière. Les deux hommes, qui avancent dangereusement vers elle, sortent de leur ceinture des épées longues comme leurs avant-bras. À son tour, Lara fléchit les jambes, prête à bondir, et sort son modeste poignard de sa ceinture. Les deux hommes, en la voyant si décidée, éclatent de rire. Sans hésiter, elle passe à l’attaque, bondit le plus haut possible et frappe l’un des deux hommes. Celui-ci hurle de douleur tandis que son camarade se prend le pied de Lara dans la figure. Il tombe à la renverse. Le chef comprend que ses hommes pris de surprise n’ont aucune chance de gagner. Il ordonne la retraite et fait demi-tour. Les deux truands seuls à terre, face à une furie, décident de rejoindre leurs compagnons. Ils partent en courant, abandonnant leurs montures. Soulagée, l’adolescente décide de garder l’un des chevaux et de rendre sa liberté à l’autre. Elle choisit le plus beau des deux, une jument grise pommelée, portant une selle de cuir blanc brodée de gris sur les bords. Lara retire le filet de la tête du deuxième cheval, lui enlève sa selle, lui donne une tape sur le postérieur. Puis, elle enfourche la jument et rentre chez elle. — Je vais t’appeler Plume.


Au village, tout le monde la regarde, étonné. Où Lara, la fille de la si modeste Brina a-t-elle eu ce magnifique cheval ? Bilow, l’homme le plus riche, le plus cupide du village, aborde Lara d’un ton supérieur, malgré sa petite taille. — Où as-tu volé ce cheval ? — Je ne l’ai pas volé, je l’ai gagné en combattant des brigands qui voulaient attaquer le village. — Tu me fais rire. Toi, combattre des brigands ? — Bilow ! Bilow, j’ai vu les brigands ! Quand j’ai imploré leur pitié, ils m’ont répondu que le village était trop bien défendu. Ils avaient déjà eu affaire à une jeune fille qui leur avait pris un cheval. La femme a parlé très vite et Bilow est obligé de croire Lara qui s’en va, sous les ovations des villageois. En arrivant chez elle, la jeune fille trouve sa mère devant la porte. — Lara ! Oh, Lara ! Petite imprudente. Te rends-tu compte de l’inquiétude que tu m’as causée ? — En fait… Non. Je pensais plutôt que tu me féliciterais d’avoir mis en fuite des brutes sanguinaires. — Oh, ma chérie ! Bien sûr que je t’en félicite. Tu as sauvé le village. De plus, tu ramènes un magnifique cheval. — C’est une jument. Je l’ai appelée Plume. Peut-être que je pourrais l’emmener avec moi,

demain ? — Oui, ce serait une très bonne idée. Tu ne te fatiguerais pas. Elles rentrent dans la maison, la dispute du midi semble oubliée. La journée se termine rapidement au rythme des préparations au départ du lendemain. Le départ doit avoir lieu à l’aube, car Snoïa est une déesse de jour et ne peut veiller sur les voyageurs la nuit. Les druides ont affirmé que, même si le trajet de Lara est long, il est plus prudent de profiter le plus possible des protections divines. — Es-tu sûre que ton poignard sera utile ? Je pense qu’il donne plutôt une mauvaise impression en ville. — Maman ! Je ne peux pas m’en séparer. Sans lui nous serions déjà tous morts. — Oui, c’est vrai. Ne veux-tu pas prendre une de mes robes en coton ? J’en ai qui te vont. — Non, le coton, ce n’est pas pour moi. Tu me vois dans une de tes robes ? La mère et la fille sont à genoux devant le sac de voyage de Lara. — Tu es bien sûre que Plume n’est pas trop brusque pour toi ? Nous pourrions très bien l’échanger contre une des juments de Bilow. — Non ! Bilow a des chevaux idiots, trop fragiles pour un long voyage. Plume, elle, a été élevée dans la campagne, à dormir dehors, dans le froid. Elle sera parfaite. La nuit arrive vite, et il est bientôt l’heure de dormir. Lara et sa mère se couchent de bonne ECRITURES

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heure. Le moment de se réveiller est vite là. La jeune voyageuse enfile une cape de laine brun clair pour se protéger du froid matinal. Brina et sa fille se dirigent vers la sortie du village, où les druides attendent. Ils portent la toge blanche traditionnelle. Quand Lara et Brina arrivent, le grand druide s’avance. D’une voix posée, il dit : — Lara, tu as été désignée par Snoïa. Tu vas devoir partir un an dans un monde inconnu. N’oublies jamais où tu es née, ni comment tu es née. Pour que nos dieux te protègent, nous avons décidé de t’offrir ce pendentif. Il sort un petit collier de sa manche et le tend à Lara. C’est une femme sculptée dans l’ivoire. Elle est vêtue d’une tunique de tissu, ses cheveux sont tressés et retenus au-dessus de la nuque en chignon. Lara le passe autour du cou. — Merci. — Nous allons t’accompagner jusqu’au chemin, mais Brina ne doit pas te suivre. Nous ne parlerons pas. Lara se retourne pour embrasser sa mère une dernière fois. — À bientôt, maman. Elle se retourne et suit les druides. La longe de Plume dans la main, elle avance sans un regard en arrière. Arrivée au chemin qui mène dans la vallée, elle découvre qu’il est impraticable. Un énorme rocher bloque le passage. Le grand druide se retourne et dit : 14

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— Un esprit malveillant a empêché la réalisation du projet de Snoïa. Nous allons consulter la déesse pour savoir ce qu’il faut faire. Il se retourne et s’agenouille avec les autres druides. Ils restent ainsi plusieurs heures pendant lesquelles Lara doit attendre patiemment. Enfin, ils se relèvent. Le grand druide s’approche de Lara. — Snoïa a pris sa décision. Tu partiras faire ton voyage d’étude dans la forêt. À notre grand regret, ta mère ne peut pas donner son accord. De toute façon, elle aurait refusé. Va. Et reviens dans un an. Que les dieux t’accompagnent. — Merci. Je crois que la forêt me convient mieux que la vallée. Je te dis au revoir, grand druide. — Au revoir, Lara. Elle monte sur Plume et, sans un seul regard pour sa terre natale, s’en va vers l’inconnu. Chapitre deux Une mauvaise rencontre Le seul bruit vient des sabots de Plume sur la terre du chemin. Lara pense. Elle pense à sa mère. Elle pense à son père. Elle rêve qu’elle le retrouve. Elle se voit dans les bras d’un homme robuste. Mais tout cela ne sera pas. Elle le sait. Soudain, Plume fait un écart, Lara


manque de tomber. — Holà ! Calme-toi, ma belle. La jeune voyageuse se rend soudain compte qu’elle a faim. Elle prend un morceau de verbouisse séché dans sa besace, la mâche longuement. Le jus salé se répand dans sa bouche. Que faire si le premier village est à plus de deux jours ? Lara est plongée dans ses pensées, elle ne remarque pas l’inquiétude soudaine de sa jument et ne voit pas le filet lui tomber dessus. Quand elle s’en rend compte, il est déjà trop tard. Deux guerriers musclés sortent des buissons. — Elle n’a pas été dure à attraper, celle-là. — Oui. Et tu as vu son cheval. Une merveille. La grande reine sera contente de sa nouvelle esclave. Lara ne peut pas bouger. Elle est tombée violemment au sol. Sa tête lui fait mal. Qui sont ces hommes ? À en croire leur parole, ce sont des chasseurs d’esclaves. Sa vie libre est-elle donc finie ? Qui est cette grande reine dont ils parlent avec tant de passion ? L’un de ses deux agresseurs s’approche d’elle. Lara se sent soulevée du sol puis reposée sur ses pieds. Le deuxième homme lui prend son poignard et toutes ses richesses. — Pas bien riche… Ah ! C’est quoi, ça ? Il tient dans sa main le pendentif qui représente la divinité. — Non ! Laissez-le, c’est à moi. Vous vous attireriez les foudres de la déesse, si vous me l’enlevez. Prenez tout, mais pas ça.

— Tais-toi, sale esclave ! Plus rien ne t’appartient, désormais. Tiens, Slov, attachelui les poignets. — OK. Le dénommé Slov prend une corde à sa ceinture, commence à attacher les mains de Lara dans son dos. Soudain, il serre un coup sec, ce qui arrache un hurlement à Lara. Les deux hommes poussent leur prisonnière devant eux. Environ dix minutes plus tard, ils arrivent dans un petit village. La jeune esclave n’en croit pas ses yeux. Les maisons sont en torchis, et non en pierre, comme chez elle. Les ravisseurs la poussent devant une hutte plus grande que les autres. — Écoute, esclave, on va te présenter à la grande reine, alors sois obéissante. — Si vous pensez que je vais sagement vous obéir, vous vous mettez le doigt dans l’œil ! — Petite peste ! Il la pousse à l’intérieur et se prosterne immédiatement. Au fond de la pièce, sur un trône en bois se tient une magnifique jeune fille. Elle est blonde, et a le teint très pale. Elle se tient droite. Malgré son air supérieur, Lara ne peut s’empêcher de la trouver belle. — Slov ! Je vous ai dit de ne plus me ramener d’esclave, j’en ai bien assez comme ça ! — Oui, mais cette esclave est d’exception. — Ah oui ? ECRITURES

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— Peut-être qu’en vous laissant seules… — Bonne idée, partez ! — Bien. Il s’incline profondément et tourne les talons. Brusquement, Lara s’écrie : — Attendez ! Slov se retourne et, d’un air mauvais, demande : — Quoi, encore ? — Mon médaillon ! Rendez-moi mon médaillon, ordonne-t-elle fermement. — Pour qui te prends-tu, gamine ? Ce n’est pas à toi de me donner des ordres ! Seule la grande reine… — C’est bon, Slov, rends-lui ce que tu lui a pris et va-t-en ! intervient la reine. Grommelant, Slov sort lentement de sa poche la statuette pendant au bout d’un cordon et la jette dans les mains de Lara qui sourit et l’attache autour de son cou, avant de quitter la pièce en murmurant des insultes. — Alors comme ça, tu es spéciale ? demande la reine à Lara. — Non. — Il m’a menti ? — Oui. — Quel est ton nom, esclave ? — Ne m’appelle pas esclave. Toute reine que tu sois, tu dois du respect aux autres ! — Tu oses me tutoyer ? — Oui ! Après tout, toi aussi tu me tutoies. — Oui, c’est vrai. 16

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— Et tu n’es pas beaucoup plus âgée que moi. — En effet. Tu me plais bien, toi. D’habitude, les esclaves pleurnichent à mes pieds et ne sont bons à rien. Mais toi, tu es différente. Comment t’appelles-tu ? — Lara. — Voudrais-tu être ma conseillère, Lara ? Tu serais libre de tes mouvements. Tu serais riche. Lara réfléchit un instant. Si elle devient la conseillère de la reine, elle pourra s’enfuir la nuit venue. — J’accepte. — C’est vrai ? — Evidemment. Sinon, pourquoi aurais-je dit que j’acceptais ? — Oh, Lara ! — Et toi, comment tu t’appelles ? — Mon nom est horrible. C’est… Jonia. — Mais, c’est magnifique ! — C’est vrai, tu le penses vraiment ? — Bien sûr. Elles passent l’après-midi dans la salle du trône. Lara doit porter une robe en soie bleue et de petits souliers vert pâle. Plume est mise à l’écurie. La reine a ordonné que la jument soit traitée avec le plus grand respect. Quand la nuit arrive, Lara et Jonia vont se coucher. — Nous avons beaucoup de choses à faire, demain. — Oui. Lara sait que la reine devra faire les choses


seule. Dès que celle-ci s’endort, elle se lève, récupère ses affaires dans la petite salle de bains, et va à l’écurie chercher Plume. — Tu t’en vas ? Lara se retourne et voit Jonia en robe de chambre sur le palier de l’écurie. — Oui. Il faut que je parte. — Bien. — Je viendrai te voir à mon retour. — Oui. — Ne sois pas triste, s’il te plaît. — Tu ne m’aimes pas. Tu me trouves arrogante. — Non, pas du tout. Je t’aime bien, mais je ne peux pas rester. — Pourquoi ? — J’ai une mission, je te l’ai dit. — Tu pourrais la faire ici. — Non. — Au revoir, alors. Demain, je serai obligée de lancer les chiens à tes trousses. Prends de l’avance. — Merci. Lara a préparé Plume et monte sur sa selle. Elle avance. La raison secrète de son départ est son père. Elle a juré de le retrouver, alors elle le retrouvera. Chapitre trois La fuite La nuit avance, et la jeune fille fatigue de plus en plus. Autour d’elle, le paysage ne change

plus. Des arbres, toujours des arbres. Finalement, le jour se lève, et avec lui la faim. Lara finit donc par cacher Plume dans le couvert de la forêt. Elle part en chasse comme il n’y a pas si longtemps. Elle a l’impression que des mois se sont écoulés depuis son départ, pourtant cela fait seulement trois jours qu’elle voyage. Soudain, une branche craque, elle se retourne et se retrouve nez à nez avec un énorme tigre de forêt, cette bête qui a bercé son enfance à travers les contes. Cet animal qu’elle a rêvé de combattre est là, devant elle, toutes griffes dehors. — Oh non, pas un boïchu... Le boïchu bondit aussitôt ; Lara retrouve tous ses réflexes et se jette au sol. Le félin referme sa puissante mâchoire dans le vide. Lara se relève, sort son poignard et frappe. Le plus fort possible. Le tigre glapit ; cette humaine vient de lui enfoncer profondément son couteau dans l’épaule. Rassemblant ses forces, il saute maladroitement sur la fille. Lara étouffe. Le boïchu s’est affalé sur elle. Le petit poignard se plante dans la poitrine de l’animal, touche le cœur, juste un peu, mais assez. Le fauve recule, chancelle et tombe, mort. L’adolescente se redresse avec difficulté. Le boïchu gît, toujours aussi impressionnant. Sa fourrure brune se décolore peu à peu, au fur et à mesure que son corps se refroidit. Vite, Lara consciente de la valeur de la peau brune en découpe des lambeaux, puis les ECRITURES

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tend entre deux branches et commence à enlever les poils rêches. La peau devient vite souple, ce qui permet à Lara de la plier facilement pour la ranger dans son sac. Puis, épuisée, Lara s’endort au pied d’un arbre. Un bruit étrange la réveille. Plume s’agite, tire sur sa corde, cabre, rue. Lara s’inquiète. Petit à petit, le bruit devient clair : les chiens de Jonia ! Il faut partir. Vite. Lara le sent. Mais la peur l’empêche de bouger. Soudain, Plume casse sa corde et s’enfuit au galop. Lara revient à la réalité, court le plus vite possible, se met à la hauteur de la jument et saute sur son dos. Elle galope ainsi plusieurs heures, l’objectif de la cavalière étant de mettre le plus de distance entre elle et leurs poursuivants. La jument, elle, galope sans but. Elle a peur, son instinct lui dit de fuir, donc elle fuit. Enfin, à bout de force, Plume ralentit pour finalement s’arrêter. Lara écoute quelques minutes, puis, sûre que les chiens ne les suivent plus, elle saute à bas de sa monture, consciente d’être un poids. La jeune fille s’assied par terre et mange un peu de viande aux fruits rouges. Elle regarde le ciel et se rend soudain compte qu’elle a galopé toute la journée. Fatiguée, elle s’allonge et s’endort. Son sommeil est agité : en rêve, elle court dans une forêt cauchemardesque où les arbres sont 18

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vivants. Puis apparaît une clairière, et au centre, un gros arbre dort. Malgré sa volonté de se réveiller, elle s’approche de l’arbre et son petit collier se met à grossir et devient une femme. — Tu m’as désobéi ! — Non, ce sont les druides qui m’ont dit de venir. — Tu m’as désobéi ! — Pitié ! — Non ! Lara se réveille en sursaut. Là, devant elle, se tient un jeune garçon de son âge. — Je vous ai entendu crier. Ça va ? — Ou…Oui. C’était juste un cauchemar. Où suis-je ? — Dans la forêt. — Oh, non ! — Quoi ? Vous êtes pâle, venez. — Non, je dois partir ! — Venez ! Au village, quelqu’un vous soignera. Montez sur votre cheval. Lara monte sur Plume et s’évanouit. Son rêve l’a tourmentée. Le garçon inquiet est persuadé qu’elle couve une maladie, ou qu’elle est folle. Il la conduit donc dans son village. Chapitre quatre Bataille et ami Lara se réveille dans un lit. Les draps y sont propres et sentent bon la baie des bois.


Elle reste un instant les yeux fermés. Puis, se rappelant soudain qu’elle n’est pas chez elle, la jeune fille se lève, s’attendant à être arrêtée par un garde. Mais personne ne la surveille. Elle sort donc de la petite hutte dans laquelle elle se trouve. Sur le pas de la porte, Lara est éblouie par le soleil matinal. Depuis combien de temps est-elle dans ce village ? — Tu es enfin réveillée. — Oui. Le jeune garçon qui s’est adressé à elle est brun. Il porte des vêtements en peau de chèvre. Lara remarque qu’il marche pieds nus. — Je m’appelle Oslo. Et toi ? — Moi, c’est Lara. La jeune fille est déconcertée. Qui est ce garçon ? Où est-elle ? Comme s’il entend ses pensées, Oslo dit : — Tu es à Quézaque et je suis le neveu du chef. — Merci, mais je dois partir. — Pourquoi ? Tu le disais aussi quand je t’ai trouvée. — Il le faut, je dois rentrer dans le Nir. — Tu viens donc de là-bas… Et que viens-tu faire ici ? Lara lui raconte son histoire et le jeune homme répond en riant que si elle à peur des foudres de la déesse, elle n’aurait pas dû quitter son village. — Mais, en même temps, c’est elle qui t’a dit de venir ici, fait remarquer Oslo.

— Oui, tu as sans doute raison… — Tu en doutes, je le vois bien ! — Oui, j’en doute. — Reste au moins quelques jours. — D’accord, mais dès que je serai reposée, je m’en irai. — Si tu veux. Viens, il faut que je te présente au Chef. Lara suit donc le garçon. Elle a cédé à sa proposition et se demande maintenant si elle a bien fait. — Depuis combien de temps suis-je ici ? — Hier soir. Ce sont les seules paroles qu’ils prononcent jusqu’à la hutte du chef. Devant la porte, Oslo se tourne vers la jeune fille. — Tu dois appeler le chef par son titre et parler seulement s’il te le demande. Sur ces derniers conseils, ils entrent dans la hutte. La pièce rappelle à Lara la salle du trône de Jonia. Elle est vaste, sans meuble, un grand tapis brodé d’or recouvre le sol en terre. Au fond de cette salle, sur une magnifique chaise tressée, un homme est assis. Il est grand, bien bâti et doit avoir une quarantaine d’années. Sa petite barbe bien taillée et ses cheveux grisonnants qui lui tombent aux épaules lui donnent une élégance qu’il ne posséderait pas sans eux. — Oslo ! Pourquoi me déranges-tu ? — Je viens te présenter Lara. Sans poser un regard sur elle, le chef demande : ECRITURES

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— Qui est-elle ? — Elle vient du Nir… Le chef s’immobilise en entendant ces mots. Il se tourne vers Lara, la dévisage. Il s’apprête à parler quand soudain un cri retentit : — Ils attaquent ! La reine Jonia attaque ! Le chef se tourne vers Oslo. — Conduis les faibles dans la forêt. Si je meurs dans la bataille, tu es mon héritier. Oslo acquiesce gravement. — Il n’y aura pas de bataille. Laissez-moi voir la reine. Lara a parlé calmement. Après quelques secondes de réflexion, le chef accepte et donne l’ordre de préparer les hommes au combat. Lara se dirige vers la sortie du village, sans arme, bien décidée à empêcher la bataille. Face à elle apparaît une armée bien modeste. Au milieu de ces hommes en armes, six femmes portent une litière dans laquelle Jonia est assise. Quand elle reconnaît Lara, la reine donne l’ordre de la déposer au sol. — Lara ! Comment vas-tu ? — Bien. Mais je ne suis pas venue parler de ma santé. — Pourquoi me parles-tu sur ce ton ? — Pour empêcher la bataille. — Pourquoi empêcher la bataille ? Nos villages sont ennemis depuis toujours, cette bataille doit avoir lieu. — Non. — Si, il le faut. Si je gagne, j’ai des droits 20

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sur Quézaque. Si je perds, c’est eux qui en ont sur moi. — Tu enlèverais des vies à des hommes qui n’ont rien demandé. Rentre chez toi. Ton village est calme, ne transforme pas ton peuple en monstre. — Pourquoi devrais-je t’écouter ? — Rien ne t’y oblige. Mais les habitants de Quézaque sont bien préparés à la bataille. Ils ont de la discipline et des protections. Pas comme eux. D’un geste, elle désigne les paysans qui entourent Jonia. — De plus, je serais avec Quézaque si tu attaquais. Ils m’ont sauvé la vie. Pas comme tes hommes qui réduisent en esclavage le premier passant. Lara tourne les talons et se dirige d’un pas assuré vers le village d’Oslo. Au fond d’elle, la jeune fille espère que Jonia va changer d’avis, mais elle sait que la reine est bien trop fière. Arrivée au village, la jeune voyageuse cherche le chef des yeux. Devant elle, tous les hommes valides du village se tiennent droits, en ligne. Devant eux, un homme plus grand que les autres. Lara le reconnaît immédiatement. Même mêlé aux autres hommes, le chef garde toute sa splendeur. — Désolée, je n’ai rien pu faire. Mais vous avez toutes les chances de gagner. Ils ne sont ni organisés, ni protégés. — Merci. Va rejoindre Oslo dans la forêt.


— Non, je me battrai jusqu’au bout. — Si tu y tiens… Va te placer à l’arrière. Lara court à l’arrière de l’armée. Soudain elle se souvient que Plume est dans une des écuries qui sont juste derrière elle. Alors, discrètement, elle va chercher sa jument et revient vers le champ de bataille. Le combat a commencé. Sans hésitation, la jeune fille lance sa monture au galop. Partout autour d’elle, des hommes se battent. Il n’y a pas encore eu de morts, mais Lara sait que cela ne va pas tarder. Soudain, un des hommes de Jonia se jette sur elle. Sans même réfléchir, Lara sort son poignard et frappe l’homme à la cuisse. Celuici hurle de douleur et tombe à la renverse. La jeune fille comprend alors que sur le dos de la jument, elle ne risque pas grand-chose, car elle domine tout le monde. — Repliez-vous ! crie le chef. Lara, qui ne veut pas voir Quézaque dominé, dirige Plume vers lui et lui dit : — Ne renoncez pas, battez-vous, Quézaque doit gagner ! Pensez aux femmes et aux enfants qui vous attendent dans la forêt. Battez-vous ! — Non, il ne faut pas que je conduise à la mort mon peuple. C’est mon devoir envers eux. Sans que la jeune fille ait eu le temps de réagir, un grand homme musclé se précipite vers le chef. Lara saute de Plume et plante son couteau dans son épaule. Il recule de

trois pas, se retourne et jette à Lara un regard meurtrier, que celle-ci soutient. Le colosse, ne supportant pas plus longtemps cette provocation, se précipite vers elle. Soudain, Lara le reconnaît. — Vous vous souvenez de moi ? L’homme s’arrête, surpris, puis, reconnaissant à son tour la jeune fille, il rugit de colère. — Tu vas me le payer, sale petite peste. Rends-moi mon cheval ! — Non. Le brigand s’avance vers Lara qui reste tranquillement face à lui. — Rends-moi mon cheval ! — Il me semble vous avoir dit non. J’ai gagné ce cheval, je le garde. Autour d’eux, les autres combattants ont arrêté de se battre pour les regarder. — Je vous propose un marché, lui dit Lara. Si je gagne le combat, Quézaque aura gagné la bataille. Si je perds… — J’accepte. Le brigand et la jeune fille se mettent en position de combat, commencent à tourner. L’homme est tendu : l’adolescente l’a déjà battu. Il a peur, elle le sent. Sans prévenir, l’homme se rue sur elle, la jeune fille l’esquive sans mal : il n’est décidément pas doué. Le truand revient à la charge. D’un bond, Lara évite l’attaque. — Hé, gros balourd, sois plus rapide ! — Je vais te faire manger ta langue, petite impertinente. ECRITURES

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— Essaye ! Lara bondit devant l’homme, lui donne un violent coup de pied sur la nuque. Il tombe inconscient sur le sol. — Ça fait deux fois, va falloir que tu comprennes. En prononçant ces mots, Lara sait bien qu’il ne l’entend pas, mais elle veut que tout le monde sache que cet homme n’est qu’un gros balourd incapable. Puis elle se tourne vers le chef et lui dit : — Vous avez gagné. Il se dirige vers Jonia, se place face à elle, et dit : — Moi, Jo, au nom de mon peuple, je jure sur la branche de l’arbre fruitier qui me nourrit que je n’attaquerai pas le village de la reine Jonia pendant trois ans. Jonia poursuit : — Moi, Jonia, au nom de mon peuple, je jure sur la branche de l’arbre fruitier qui me nourrit que je n’attaquerai pas le village du chef Jo pendant trois ans. Le serment est accueilli par des cris de joie et des hourras. Lara va retrouver sa jument et la soigne. Elle est vite rejointe par Oslo. — Tu t’es bien battue, à ce qu’il paraît. Tu aurais très bien pu aller te cacher dans la forêt. Après tout, nous ne sommes ni ta famille ni tes amis. Lara se tourne vers lui, le fixe dans les yeux avec un regard grave et dit : — Tu es mon ami. Tu m’as sauvée. Sans toi, je serais devenue folle dans la forêt et un 22

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boïchu m’aurait sûrement dévorée à l’heure qu’il est. Je reste. Si ton chef le veut bien, je resterai ici pendant un an. Chapitre cinq Un rôle au village

Deux semaines passent. Le chef a autorisé Lara à demeurer un an dans son village. Un matin, Oslo vient rendre visite à sa nouvelle amie — Lara, aujourd’hui, le chef veut te voir dans sa hutte. Tu dois y être dans une heure. Surtout, ne sois pas en retard. — Pourquoi veut-il me voir ? — Je ne sais pas. Il a dit que c’était important. Bon, je te laisse, il faut que j’aille au champ de baies. Lara va donc se préparer, puis se dirige vers la hutte du chef. — Entrez ! Lara entre dans la hutte. Le chef est à la même place que la première fois. — Vous vouliez me voir ? — Oui. Je me disais hier que même si tu n’es pas du village, il faut que tu y trouves ta place. Tu restes un an, c’est bien cela ? — Oui. — Que sais-tu faire ? — Je sais chasser, tirer à l’arc. — Hum… Je vois. Tu ne sais ni coudre ni tricoter ?


— Si, mais très mal. — Tu iras dans l’équipe de cueillette d’Oslo. — Quand est-ce que je commence ? — Tout de suite. — Où dois-je aller ? — Dans la forêt. Tu marches dix minutes vers le sud et tu trouveras une clairière. Normalement, Oslo et les membres de son équipe y sont. — D’accord. Elle sort et prend la direction indiquée par le chef. Cette cueillette a l’air importante pour le village. Elle marche vite, sa rencontre avec le boïchu est bien gravée dans sa mémoire et pour rien au monde la jeune fille souhaite recommencer. Un cri strident lui fait lever la tête. Au-dessus d’elle, un voltry plane. Ses longues plumes orange frémissent sous le vent. Lara ne peut s’empêcher d’admirer le long bec meurtrier capable de déchiqueter la peau la plus épaisse. Soudain le rapace baisse la tête et plante ses petits yeux bleu myosotis perçants dans ceux de la jeune fille. Jamais Lara n’a vu si beau regard. — Lara ! Que fais-tu là ? En un instant, la jeune fille revient à la réalité. — Le chef m’a dit de venir pour…. — Oh oui, c’est vrai, Jo me l’a dit ce matin, dit Oslo en se frappant le front. — Jo ? fait Lara en fronçant les sourcils.

— Bah oui le chef, Jo. — Il s’appelle Jo ? — Tu ne le savais pas ? sourit Oslo. — Non… Bon, on travaille ? — Oui. Allez, tout le monde au boulot ! On ne s’arrête pas ! Lara, viens, tu vas travailler avec Kaishala. — Quoi ?! Il est hors de question que je me coltine cette étrangère, proteste Kaishala. La gorge de Lara se serre. — Kaishala, il me semble que je suis le chef de l’équipe, et les équipiers doivent m’obéir. Tu vas donc travailler avec Lara. — T’obéir ?! Non mais je rêve, t’obéir ! Tu crois peut-être que parce que Jo t’a élevé et nommé chef de l’équipe, tu as tous les droits. Mais non, Monsieur le petit chef n’a pas tous les droits. Oslo se raidit comme un piquet, tend son bras en direction du village, et d’une voix tendue comme la corde d’un arc qui va se briser, ordonne à Kaishala de partir. Puis, hors de lui, se retourne vers ses équipiers et dit : — Si quelqu’un a quelque chose à dire, qu’il s’en aille tout de suite. — Oslo, tu t’emportes, dit Brïa, la sœur de Kaishala … Kaishala n’aurait pas dû dire ça, mais maintenant, nous avons perdu de la main d’œuvre. — Peut-être que tu vas accepter de travailler avec Lara, si tu es si intelligente. — Oui, Oslo, je vais accepter. — Je suis une étrangère. Kaishala a raison. ECRITURES

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Je vais donc partir et aller dans le Dir comme je l’avais prévu avant mon départ, annonce Lara en baissant la tête. — Non, Lara, reste ! la supplie Oslo. — Pourquoi tiens-tu tant à ce que je ne parte pas ? questionne Lara. — Je… sans toi, le village aurait été dominé par l’autre. — Il a raison, Lara, intervient Brïa. — Qui es-tu ? demande Lara. — Je suis Brïa, la sœur de Kaishala. — D’accord, je reste… accepte la jeune fille après un moment de réflexion. Tout le monde éclate de rire puis se met au travail. Brïa explique à Lara comment cueillir les baies sans les abîmer. La journée passe vite et il est bientôt l’heure de rentrer au village. Oslo fixe le rendez-vous du lendemain à six heures. Selon lui, ils auront beaucoup de travail. Lara rentre dans sa petite hutte et s’installe pour se préparer à manger. Quelqu’un frappe à la porte. Intriguée, la jeune fille ouvre et trouve Kaishala sur le seuil. Lara se raidit aussitôt. Comment cette petite orgueilleuse peut-elle oser venir la voir après lui avoir jeté à la figure qu’elle n’était qu’une étrangère. — Que veux-tu ? Lara a été plus froide qu’elle ne l’a souhaité. — Rien. Enfin, si. Je… Je vou… Je voulais m’excuser pour ce matin. La jeune fille est hésitante dans ses paroles. Lara, elle, ne parle pas. 24

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— Tu sais, tout à l’heure, je ne pensais pas ce que je disais. J’étais énervée parce qu’Oslo m’avait envoyée au vidage des paniers et que, dès que tu es arrivée, il est devenu tout gentil, comme par enchantement… Lara se détend aussitôt. — Cela n’a plus d’importance maintenant. Entre, ne reste pas dehors. — Merci, mais je dois rentrer à la maison, ma mère m’attend. — D’accord. À demain alors. — Oui, à demain. Kaishala part et Lara referme sa porte. C’est le cœur léger qu’elle finit son repas et s’endort. Son sommeil est bercé par de doux rêves dans lesquels elle se voit avec ses nouveaux amis. Le lendemain matin, la jeune fille est réveillée par des cris. Inquiète, elle se lève, s’habille et sort sur le pas de la porte. Sur la petite place de terre battue, Jo se tient face à un homme très petit. — Mais je vous assure… la reine m’envoie pour vous inviter à un dîner. — Pourquoi vous ai-je trouvé dans le local aux armes, et pourquoi vous cachiez-vous ? — Je… je ne savais pas où vous trouver… — C’est assez, emmenez-le ! Deux hommes se saisissent chacun d’un des bras de l’homme et le traînent vers une minuscule hutte à l’extérieur du village. Lara est surprise d’entendre un vieillard à ses côtés dire :


— Le pauvre homme va finir ses jours en prison. — Pourquoi ? Que s’est-il passé ? — Jo a trouvé cet espion dans la hutte aux armes. L’homme assure qu’il est innocent mais notre chef ne le croit pas. Cette saleté de reine ne perd rien pour attendre. Dans trois ans, un combat aura lieu et il y aura beaucoup de morts. — Lara ! Lara, viens vite ! — Oslo, mais que fais-tu là ? Je… — Viens vite, il n’y a pas de temps à perdre, Jo veut te voir. — Me voir ? Mais pourquoi ? — Viens ! Je ne sais pas, mais il n’avait pas l’air content du tout. — D’accord, je viens, mais il faut que je mange… — Pas le temps. Oslo attrape le bras de son amie et la tire jusqu’à la hutte de son oncle. — Oslo, arrête ! Ne me tire pas comme ça ! — Viens alors ! Sinon, je vais me prendre une soufflette. — Je viens, je viens. Tu crois qu’il veut me voir à cause de l’homme de tout à l’heure ? — Peut-être. Peut-être pas. Ils arrivent enfin devant la hutte. — Je te laisse. Il faut que j’aille dans la forêt avec les autres. — Quoi ? Tu ne restes pas ? — Euh, non, désolé.

Sur ces mots, le garçon s’en va en courant vers la forêt. Lara n’a plus d’autre choix que de frapper à la porte. La voix dure de Jo répond : — Entrez ! Lara obéit et entre dans la grande salle. Le visage du chef est tiré par la colère. — Ah, te voilà enfin ! Où est Oslo ? — Il a rejoint les autres dans la forêt. — Ah. Bon, tu vas pouvoir m’expliquer comment tu connais la reine Jonia. Parce que moi, j’en ai marre de ces histoires d’espions. Lara s’exécute. Elle n’oublie aucun détail. — Je ne suis pas une espionne, moi. Je suis ici par pure volonté de la déesse Snoïa. — Ah, donc tu viens du village de la falaise. Devant l’air étonné de la jeune fille, il explique : — Peut-être que tu l’appelles le village des trois croisements. — Non, vous devez vous tromper, mon village n’a pas de nom. Mais il est bien au croisement des territoires. — Oui, oui. — Mais comment savez-vous que j’en viens ? — Oh… j’ai fait un voyage là-bas il y a treize ans. J’y suis resté deux ans. Je n’étais pas encore le chef… Mais je m’égare. Tu dis que tu étais esclave de Jonia. — Oui. — Crois-tu que cet homme est un espion ? ECRITURES

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— Oui. — Merci, tu peux y aller. — Au revoir. — Lara sort de la hutte troublée. Le chef aurait fait un voyage sur les plateaux à l’époque de sa naissance. La tête pleine d’étranges pensées, elle rejoint Oslo pour la cueillette. — Salut, Lara ! — Salut, Kaishala. — Appelle-moi Kaisha, comme tout le monde. — Lara ! Alors, il voulait quoi Jo ? — Pas grand-chose, Oslo. Pas grand-chose. Elle prend son panier et se met au travail. Sa tête bourdonne. Elle ne cesse de penser aux paroles du chef. — Lara ! Fais attention ! — Quoi ? — Tu poses la moitié de tes baies par terre. — Oups ! désolée. Elle se remet au travail, se forçant à ne plus se déconcentrer. Quelques heures plus tard, lors de la pause déjeuner, une femme arrive avec un parchemin dans la main. — Lara est-elle ici ? — Oui, c’est moi. — Tiens ! Un drôle d’oiseau vient de le déposer devant ma fenêtre. — Merci. Cela doit venir de ma mère. — Bon, je rentre. L’oiseau est chez moi. — Relâchez-le, il retrouvera son chemin 26

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tout seul. — D’accord. Lara prend l’enveloppe et lit : — Ma chère petite Lara, J’espère que la verbouisse saura te retrouver et que tu as trouvé un bel endroit pour t’installer. Les druides m’ont informé de la décision de la déesse. Je la respecte, même si je trouve cela un peu inquiétant. Si tu n’es pas encore installée cherche un village nommé Quézaque, tu y seras bien accueillie. Réponds-moi vite, ta mère qui t’aime. Elle relit la lettre plusieurs fois. — Oslo ? Quel oiseau peut transporter du courrier ? — Les voltrys, pourquoi ? — Il faut que je réponde à ma mère. — Ah. Mais si tu veux envoyer du courrier, il va te falloir en attraper un, et ce n’est pas facile, dit Lara. — J’en ai aperçu un hier, je pense pouvoir l’attraper. — Ne te fais pas trop d’illusions non plus, fait une voix à côté d’eux. Le jeune garçon qui a parlé semble inquiet. — Pourquoi ? demande Oslo. — Mon frère a voulu en attraper un, l’année dernière, et il est revenu avec le bras cassé. — Oui, c’est vrai, je l’ai vu, dit Oslo. Tout le monde se met à parler en même temps. — Stop ! Ton frère n’est qu’un imprudent,


Din, tu le sais. Oslo est catégorique dans ses paroles. Après un moment de silence, il poursuit : — Si Lara veut attraper un voltry, qu’elle essaye, si elle y tient. Pour l’instant, continuons. Nous pouvons avoir terminé la récolte ce soir. Tout le monde se remet au travail avec ardeur. Jamais une récolte n’a été si bonne. Lara et Kaisha sont obligées de faire trois allers-retours au village pour vider les cuves en métal dans les différents greniers. À la fin de la journée, chacun est fatigué. Lara s’endort avec le sentiment d’avoir fait du bon travail. Chapitre six Le voltry Lara est tapie dans un buisson. Au-dessus d’elle, le voltry plane. Cela fait plusieurs heures déjà que le rapace tournoie autour de l’appât que la jeune fille a déposé. Oslo l’a prévenue qu’elle doit être patiente pour ce genre de choses, mais là, cela commence vraiment à l’énerver. Elle a pris toutes les précautions pour ne pas se faire remarquer. Elle a étalé les restes du lièvre comme il le faut, mais le voltry refuse toujours de se poser. Soudain, il pique. Droit sur Lara. Celle-ci prend le filet qui est a côté d’elle, le jette sur l’oiseau qui est projeté au sol sous le poids de la corde. Il se débat, crie, mais

Lara tient bon. Les pattes crochues du voltry dans sa main droite, la jeune fille tâtonne de sa main gauche pour trouver le capuchon en soie noire qu’elle a fabriqué la veille. Enfin elle le trouve, le met sur les yeux bleus du rapace. Doucement, il se calme. Le noir l’apaise. Alors Lara retire délicatement le filet du plumage orange et rentre au village, son oiseau perché sur le bras. — Lara, tu as réussi ! Tu as réussi ! — Je commençais à en avoir marre d’être allongée dans ce fichu buisson. — Comment as-tu fait pour le capturer si facilement ? — Facilement ? Mais tu rêves ! Ça faisait trois heures qu’il tournait sans se poser et puis il a foncé vers moi, alors j’ai jeté le filet et comme tu m’as dit, je lui ai mis le capuchon. Oslo semble émerveillé par le travail de Lara. Il lui explique ensuite comment elle doit garder l’oiseau partout avec elle, où qu’elle aille. — Pendant trois semaines ! Mais tu es fou ! Je ne peux pas mettre plus de trois semaines pour écrire à ma mère. — Tu peux peut-être mettre deux semaines, mais il ne t’obéira pas bien. — Lara ! Tu as réussi ? Tu l’as attrapé ? Kaisha court vers elle, en voyant le rapace sur l’épaule de son amie, elle pousse un cri d’émerveillement. Après s’être reposée en compagnie de son oiseau, Lara repart dans la ECRITURES

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forêt pour lui trouver à manger. — Pourquoi n’as-tu pas voulu descendre plus tôt ? Lara parle au voltry, car, selon Oslo cela peut l’aider à l’apprivoiser. — Tu veux peut-être un nom ? Je pense que Sauvage t’irait bien, tu n’es pas comme Plume. Elle est douce, toi, tu es sauvage. Aïe ! Sauvage vient de planter profondément ses serres dans le bras de Lara. — Bon. J’ai trouvé ce qu’il nous faut, nous allons rentrer. Une fois chez elle, Lara sort de sa besace une branche qu’elle taille avec son poignard. Cette branche est ensuite placée sur le bord de la fenêtre et sert de perchoir à Sauvage. Les trois semaines passent au rythme de la chasse et de la cueillette. Un matin, Lara va voir Oslo et lui dit : — Je crois que Sauvage est prêt. — Peut-être pas… Tu sais, trois semaines… — Il est prêt, je te dis, regarde, tu vas comprendre. Lara enlève le capuchon des yeux du rapace. Ébloui par la lumière, il secoue la tête. Puis, Lara lui accroche à la patte un parchemin. — Va, Sauvage, va. Apporte la lettre à ma mère. Alors Sauvage regarde sa maîtresse, étend ses longues ailes et prend son envol.

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Chapitre sept Sur les plateaux du Nir Brina est assise sur un petit banc en pierre devant sa maison. Son esprit voyage dans la forêt pendant qu’elle file la laine. Où se trouve sa fille à ce moment ? Que fait-elle ? Ces questions se chamboulent dans sa tête depuis que le grand druide, deux mois plus tôt, lui a annoncé que Lara était partie dans la forêt. Soudain, le soleil est caché par une grande ombre. Levant les yeux, la femme voit un magnifique oiseau au plumage orange. D’où vient-il ? Elle ne le sait pas ; Tout ce qu’elle sait, c’est qu’il n’est pas du Nir. Lentement, il descend vers elle, se pose à ses pieds. À sa patte, il porte un rouleau de parchemin. Son regard bleu se plante dans celui de la femme. Prudemment, elle se penche et détache la petite ficelle. Il se laisse faire. Alors, Brina lit : — Maman, Si tu lis ceci, c’est que Sauvage est arrivé à destination. Ne t’inquiète pas pour moi. Je suis en sécurité. Il se trouve que le village dans lequel je me suis installée est le village dont tu me parlais dans ta lettre. Je m’y suis fait des amis et les gens y sont très accueillants. À bientôt, ta fille. Lara Quand elle lit ces mots, son cœur s’envole. Elle regarde l’oiseau qui semble attendre sa


réponse. Alors, elle se lève, va chercher un parchemin et écrit : — Lara, Je suis ravie que tu ailles bien, et puisque tu t’es installée à Quézaque, autant te dire la vérité. Normalement, il y a un homme nommé Jo dans le village, eh bien, c’est ton père. Ne m’en veux pas de ne pas te l’avoir dit plus tôt. Je ne voulais pas que tu ailles à sa recherche dans la forêt, car tout y est dangereux. Je t’aime, Brina Après avoir attaché le parchemin à la patte de Sauvage, elle lui donne un morceau de verbouisse qu’il mange avec appétit. Alors, l’oiseau penche la tête comme pour la remercier et prend son envol vers la forêt. Avec une boule dans l’estomac, la femme le regarde partir. Chapitre huit Les retrouvailles Lara voit le voltry arriver de loin. D’abord, il n’est qu’une petite tache orange sur le ciel bleu, puis il devient plus net. Quand il se pose sur le perchoir et qu’elle voit à sa patte la lettre de sa mère, elle pousse un cri de joie. Elle la détache et lit. Petit à petit, elle se sent défaillir. Quand elle a fini, elle se laisse tomber sur sa chaise. Jo ? Son père ? Elle n’arrive pas à y croire. Oslo la trouve ainsi, estomaquée sur son

siège. Inquiet, il demande : — Quelque chose ne va pas ? — S… si… tout va très bien… je… vais tout à fait bien… — Non, Lara tu me caches quelque chose. Tu as reçu une lettre de ta mère ? — Oui… mais… lis, tu verras bien. Après avoir lu la lettre, le garçon éclate de rire : — Jo ! Ton père. Ah, la bonne blague… — Non, Oslo, ce n’est pas une blague. Comment ma mère aurait su son nom si elle ne le connaissait pas ? Le rire du garçon s’arrête, elle a raison. — Mais voyons… enfin… il faut le lui dire. Tu ne peux pas garder ce secret. Cette phrase redonne à la jeune fille toute sa vitalité. — Oui, allons-y ! D’un bond, elle se lève et court, la lettre dans la main, jusqu’à chez le chef, frappe, et, sans attendre le «entrez» habituel, entre en trombe dans la hutte. — Que… Lara, je… — Bonjour ! Lisez cette lettre ! — Pourquoi ? …d’accord. Intrigué, il prend la lettre et lit. Après quelques secondes, il dit : — Je… j’aurais dû m’en douter… tu ressembles tellement à ta mère… — Alors c’est vrai ? Vous êtes mon père ? — Oui. Le cœur de Lara se met à battre plus fort dans ECRITURES

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sa poitrine. — Je… J’ai toujours rêvé de vous retrouver… Je n’arrive pas à y croire. C’est comme dans un rêve… — Oui, comme dans un rêve… — Il faut écrire à maman. Il faut la prévenir. Lui dire de venir. Je ne peux pas y croire. Lara court à sa hutte. — Ne t’inquiète pas, Sauvage, je vais y aller moi-même. Tu es fatigué et Plume doit s’ennuyer. Lara a à peine fini de préparer ses affaires qu’Oslo arrive : — Tu t’en vas ? — Non, je vais juste chercher ma mère. — Tu es vraiment sûre que Jo est ton père… Je veux dire… — Oui, mais pourquoi tu fais cette tête ? — Je… Enfin, on est cousins, alors ça fait bizarre. — Oui, c’est vrai. Viens avec moi dans le Nir. Je te montrerai tout. — Je… — Oslo, tu es là ? Je te cherche partout depuis un quart d’heure. Jo est arrivé devant la hutte, il n’a plus l’air sévère qu’il avait. — Oui. Je parle un peu avec Lara, tu vois. Quand on découvre que sa meilleure amie est en fait sa cousine… — Oui, justement. Je voudrais te parler. Viens avec moi deux minutes. — D’accord. 30

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Ils sortent. Lara a assisté à cet échange, mais n’a pas écouté. Cela ne la regarde pas. Elle finit de préparer ses bagages. Quand Oslo revient, il est pâle et semble troublé. — Tu n’as pas l’air bien. — Je… Tu… — Quoi ? — Je… Jo… Je ne suis pas ton cousin. — Comment çà ? — Jo m’a adopté quand j’étais petit, mais je ne suis pas son neveu. — Ah, ne t’en fais pas. Tu vas accepter ce fait, au bout d’un moment. — Sûrement… — Tu veux venir avec moi pour te changer les idées ? — Hum, oui, mais je ne sais pas si Jo sera… — Je m’occupe de Jo, va faire tes bagages. Jo n’est pas difficile à convaincre. — Oslo, tu es prêt ou pas ? — Oui, oui j’arrive… — Ah, enfin ! Lara est devant la hutte de son ami. Elle tient dans sa main les rênes de sa jument. Finalement, après dix minutes d’attente, Oslo sort. — Je suis prêt ! — Ce n’est pas trop tôt… — Ça va, ça va… Je vais chercher Bol et j’arrive. — Bol ? — Tu ne crois quand même pas que je vais


courir derrière toi pendant tout le trajet ? — Non, mais… Oslo est déjà parti. Peu de temps après, il revient monté sur un magnifique cheval bai. — On y va ? — Oui ! Ils s’éloignent au pas. Soudain Oslo arrête son cheval. — Que fais-tu ? — Je regarde une dernière fois mon village. — Tu vas revenir dans deux semaines au plus. Tu ne vas pas me dire que c’est long ! — Non, mais… — Alors en route. — Oui. Ils continuent leur route en silence pendant deux heures. Lara, n’y tenant plus, dit : — Tu crois que j’aurais dû emmener Sauvage ? — Non. Il te rejoindra si tu lui manques, mais, non. Là-bas, ce n’est pas son pays. — Oui, tu as sans doute raison. Prenons par la forêt. — Pourquoi ? — Le village de Jonia n’est pas loin. Je ne tiens pas à être de nouveau esclave. Ils prennent donc par le bois. Le soleil de fin d’après-midi éclaire le chemin terreux qui crisse sous les pas des chevaux. — Tu as déjà vu une verbouisse ? demande Lara à Oslo. — Non, c’est quoi ?

— Une volaille. C’est très bon. — À quoi ça ressemble ? — C’est assez grand. Peut-être haut de ton pied jusqu’à ton genou. Généralement, ce sont les femelles que l’on mange, parce qu’elles ont plus de chair. Leurs plumes sont bleues. Mais celles des mâles sont vert clair, c’est très beau, surtout au printemps quand ils font la cour aux femelles. — Nous avons des oiseaux qui ressemblent un peu, sauf qu’ils sont blancs. Ils vivent dans la neige. — Vraiment ? J’adore chasser les verbouisses ; Elles ne s’envolent jamais. Il y a aussi les ribas. — C’est quoi ? demande Oslo. — Des grands chiens roux. — Ah. As-tu déjà-vu un logii ? — Non, c’est quoi ? — Des cochons sauvages. Ils ont une couleur rouge sombre, et sont rayés de vert très foncé. Les deux amis continuent à parler ainsi de leur terre natale respective. Le soir arrive, et avec lui la faim et la fatigue. À bout de force, Lara propose de s’arrêter : — Je n’en peux plus, arrêtons-nous un peu. — Oui, nous allons monter la tente ici. Une fois le campement installé, les adolescents mangent un peu, puis s’endorment.

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Le lendemain matin, ils sont réveillés par les rayons du soleil. Lara est la première à se lever. Elle va brosser Plume, quand un cri strident lui fait lever la tête. Planant audessus d’elle, Sauvage est éclairé par le soleil matinal. Ses petits yeux bleu myosotis fixent la jeune fille. Elle tend son bras et il vient s’y poser. — Il est revenu ? — Oui. Tu as vu ? Il porte un message. — Qui a bien pu te l’envoyer ? — Je ne sais pas. Peut-être Jo. — Lis-le. Lara prend le rouleau de parchemin et le lit : — Lara, Oslo, Faites attention, les soldats de Jonia rôdent. Méfiez-vous, ils n’ont pas l’air content du tout. À bientôt, Jo Lara — — —

fourre le message dans sa poche. Il faut partir. Vite. Pourquoi ? Range. Je vais t’expliquer.

Lara expose la situation à son ami pendant qu’ils démontent le campement. Dix minutes plus tard, ils galopent sur le chemin de terre. Les sabots de leurs montures dégagent un nuage de poussière. Le voltry plane au-dessus de leurs têtes. Enfin, ils arrivent à la lisière de la forêt. Oslo reste bouche bée. 32

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— Enfin ! Oslo, nous y sommes ! Regarde là-bas, c’est mon village. Et là-haut, c’est le camp des druides. — C’est… C’est étrange. — Pourquoi ? — Je ne suis jamais sorti de ma forêt et… — Oh oui, je comprends. Tout en avançant, Lara montre à son ami les maisons, les champs et lui explique la particularité de chaque chose. — Lara ! Lara, tu es revenue ! — Dami ! Que fais-tu là ? — Je dois repérer les terriers de nifls. C’est qui lui ? — Oh, c’est Oslo, mon ami. Tu dis que les nifls sont revenus ? — Oui ! Il y en a plein partout et… — Heu… Lara c’est quoi les nifls ? demande Oslo, intrigué. — De gros animaux blancs avec de longues oreilles. Et s’ils sont revenus, ça veut dire qu’il va y avoir à manger cet hiver. Bon, au revoir Dami, je dois aller voir ma mère. — Elle est chez moi. — Alors, ça lui fera une bonne surprise de me voir. Oslo semble contrarié que Lara parle à quelqu’un d’autre que lui. Quand, enfin ils arrivent devant les bâtisses en pierre, Lara prend la parole : — C’est ici que j’ai grandi. Ce que j’aime le plus, c’est l’isolement de la maison. Et, en plus, le chemin pour monter sur les plateaux


est tout à côté. — Oui. C’est beau, ici. On a une vue magnifique. — Viens, rentrons. Lara prend la main d’Oslo et le conduit à l’intérieur. Une verbouisse est posée sur la table. En la voyant, Lara se rappelle la dispute qui l’avait opposée à sa mère quelques mois plus tôt. — Tu as toujours vécu ici ? Je veux dire, dans cette pièce, avec les moutons et tout ? — Oui. C’est une maison de famille. Tous mes ancêtres ont vécu ici. Chez nous, c’est l’homme qui va vivre chez son épouse. — Ah. Et que faites-vous quand un homme est célibataire ? — Il reste chez ses parents. Mais c’est très mal vu. Je vais préparer le repas. Je meurs de faim ! — Oui, moi aussi. Lara se met donc au travail et prépare le repas. Soudain, la porte s’ouvre et une exclamation de surprise est poussée : — Lara ! Que fais-tu là ? Qui est ce garçon ? — Coucou, maman, comment vas-tu ? — Je… Lara a répondu si naturellement à la question de sa mère que celle-ci est totalement déconcertée. — Qui veut de la verbouisse grillée ? — Je suis curieux de savoir quel goût ça a.

— Je suis sûre que tu vas adorer. — Puis-je savoir ce que tu fais ici, Lara ? Tu devrais être dans la forêt pour… — Oui, je sais. Mais nous y retournerons dans deux jours. Le temps que tu prépares tes affaires. — Je… Pourquoi ? Je… Ma place est… — …Avec Jo. — Que…Quoi ? Lara, je ne comprends pas, explique-moi. — D’accord. Tout a commencé le jour où nous nous sommes disputées. Je savais au fond de moi que Jo était dans la forêt. Tu te rappelles, j’avais fait le serment de le retrouver. Eh bien, à ce moment-là, je savais que rien ne m’empêcherait de le faire. Après, quand le druide m’a donné le médaillon, il a dit quelque chose que je n’ai pas compris tout de suite, il a dit : — Va. Et n’oublie jamais où tu es née, ni comment tu es née. Quand j’ai reçu ta première lettre, j’ai compris. Je ne devais pas oublier mon serment. En fait, depuis que j’avais rencontré Oslo, je n’y pensais plus. Dans la lettre, tu me disais d’aller à Quézaque. J’ai tout de suite su que mon père y était, mais bien sûr, je ne savais pas qui. Alors je t’ai écrit pour en savoir plus. Je n’ai pas été déçue. — Pourquoi es-tu revenue ? — Eh bien… j’ai vite compris que vous vous aimiez encore, alors je me suis dit que je devais venir te chercher. Si Jo t’as quitté, ECRITURES

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c’est parce qu’il devait remplir sa fonction de chef. Brina réfléchit longuement, avant de répondre : — Oui, nous nous aimons encore, mais… treize ans ont passé… nous avons changé… — Si tu ne veux pas venir, je repars dès demain avec Oslo. Il est chef de récolte, on ne plaisante pas avec la nourriture. Ce sont les réserves pour cet hiver. Il fera très froid. — Lara, tu sais… si ta mère veut réfléchir, c’est normal. Tu n’as qu’à me faire visiter les plateaux. — Oui. Lara bouillonne de rage. Elle avait imaginé sa mère folle de joie à l’idée de revoir Jo. En suivant le petit sentier qui monte aux plateaux, Oslo essaye de la raisonner : — Lara, c’est normal. Elle ne va quand même pas tout quitter sur un coup de tête. — Et pourquoi pas ? Pourquoi ne veut-elle pas le revoir ? Ils doivent avoir quantité de choses à se dire. — Peut-être qu’elle ne veut pas revenir sur son passé. — Non ; moi je rentre dans la forêt tout de suite. Ce n’est pas la peine de rester plus longtemps. — Comme tu veux, mais… Et puis zut, tu es plus têtue qu’une mule ! Oslo tourne les talons et s’en va vers le village. — Non ! Oslo, attends. Où comptes-tu 34

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aller ? Tu ne connais rien aux plateaux. Et… — Tu m’énerves, à la fin ! Tu crois peutêtre que je ne suis pas assez grand pour me débrouiller tout seul ? Tu crois que je ne sais pas où est la forêt ? je rentre. Je n’aurais jamais dû venir. — Oslo… reste… je ne… Trop tard. Déjà, le garçon a disparu derrière le virage. Lara n’en peut plus. Pourquoi s’estil mis en colère ? Lui qui est, d’habitude si calme. Pourquoi ne l’a-t-il pas comprise ? Elle s’allonge sur l’herbe. La saison sèche est passée. Là, couchée sur le dos, les bras croisés derrière sa tête, elle s’endort. Bien plus tard, Sauvage se pose doucement à ses côtés. C’est ainsi que Dami la trouve, en cherchant les terriers de nifls. Alors, pour ne pas la réveiller la fillette fait demi-tour. En descendant, elle croise Oslo. Celui-ci a l’air ennuyé. — S’il te plaît, petite, as-tu vu Lara ? — Tu lui veux quoi, à Lara ? Tu vas la ramener dans la forêt, hein ? — Je dois lui parler. — Pour lui dire quoi ? — Tu ne comprendrais pas. C’est dur, tu sais. Elle a retrouvé son père, mais sa mère ne veut pas les rejoindre dans la forêt. — Tant mieux. — Pourquoi ? — Si Brina reste, Lara sera obligée de revenir. — Tu me fais rire. Bon, tu as vu Lara, oui


ou non ? — Elle est là-haut. Mais elle dort. Il y a un drôle d’oiseau à côté d’elle. — Merci. Et ne t’inquiète pas, je ne te la volerai pas. Dami sourit. Elle le regarde monter. Oslo se demande comment dire à Lara qu’il faut qu’elle reste. Il sait bien que son amie meurt d’envie de retourner dans la forêt. Il sait bien aussi qu’elle ne veut pas quitter sa mère. Il secoue la tête. Elle est si têtue. Enfin, il arrive sur le plateau. Lara est là, endormie. Doucement, il s’approche. Sauvage le regarde. Ses yeux le fixent avec l’air de dire «ne t’approche pas», alors le garçon recule et s’assied. Dix minutes plus tard, elle se réveille. Il attend qu’elle se soit assise pour lui expliquer ce qu’il avait décidé : — Je vais rentrer. Mais toi, tu dois rester. Non, laisse-moi finir. Personne ici ne veut que tu t’en ailles. La petite de ce matin, ta mère. Ici, tu as tes amis, ta famille. — Non, Oslo mes amis sont dans ton village. Quant à ma famille, elle ne sera jamais réunie. Je viens avec toi. — Tu ne peux pas, tu ne dois pas. Ta place est ici. Je repars tout de suite. Toi, tu restes ici. — Pourquoi ? Pourquoi je devrais rester ici ? Pourquoi ? — Ce sont les druides qui l’ont dit.

Cette phrase scandalise Lara ; comment ces druides osent-ils décider de sa vie ? Et Oslo qui ne veut rien entendre. — Il faut que j’y aille, maintenant. — C’est çà, va-t-en. — Au revoir… — Adieu. Déçu, Oslo se lève. Il s’éloigne, espérant que son amie le rappelle. Mais il n’en est rien, elle ne le regarde même pas partir. Arrivé chez Brina, il dit : — De toute façon, elle ne serait pas restée éternellement dans la forêt. — Tu as fait ce que tu as pu. Elle te pardonnera. Salue quand même Jo de ma part. Oslo répond par un sourire triste puis, enfourchant Bol, s’en va au galop. Il vient de disparaître dans la forêt quand Lara arrive en courant. Essoufflée, elle enfourche Plume et part à sa poursuite. Brina n’a que le temps de lui crier de revenir. Mais elle ne l’entend pas. Oslo galope depuis dix minutes quand il entend le bruit des sabots de Plume sur le chemin. Quand il se rend compte que c’est Lara, il ralentit, puis s’arrête. — Que fais-tu ? Retourne chez toi. — Non, Oslo. Non, je viendrai avec toi. — Pourquoi ? Il n’y a rien pour toi là-bas. — Si. Il y a toi. Et partout où tu iras j’irai. Et ça parce que je t’aime, Oslo. Et que sans ECRITURES

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toi, je ne suis rien. Je me fiche que les druides ne veuillent pas que je reparte. Je me fiche que ma mère ne veuille pas revoir Jo. Je t’aime et rien ni personne ne changera ça, Oslo, rien ni personne, assure Lara, le cœur battant à tout rompre. — Moi aussi, Lara, je t’aime, lui dit Oslo dans un souffle. Mais tu ne dois pas désobéir aux druides. Ils te banniraient et je ne le veux pas. — Je m’en fiche, Oslo, je m’en fiche. Je te suivrai jusqu’au bout du monde, s’il le fallait. Je ne veux pas te quitter. Oslo et Lara sont descendus de leurs montures. Lentement, ils rapprochent leurs têtes l’une de l’autre et doucement, leurs lèvres se frôlent. Ils s’embrassent longuement, ne formant plus qu’un seul être. Aucun bruit de la forêt ne vient troubler leur baiser passionné. Puis, lentement, ils se séparent l’un de l’autre, leurs visages encore très proches. — Je t’aime, Lara, redit Oslo à la jeune fille en lui prenant la main tendrement. — Moi aussi, Oslo, lui chuchote Lara. Leurs voix ne sont que murmures à peine audibles.

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Benjamin Docquiere 3ème Carcassonne Collège de Grazailles

Un ange

Chapitre 1 Un beau matin d’été dans le port de Marseille, les oiseaux chantent et le soleil est haut dans le ciel lorsqu’on aperçoit une tache dans cet horizon d’un bleu si pur. La tache se rapproche et l’on distingue de plus en plus de détails : des hublots se dessinent lentement ainsi que des bras qui tanguent de droite à gauche comme pour nous dire : — bonjour ! En cette matinée parfaite de 14 juillet, Paul voit arriver ce monstre de plusieurs tonnes, dans lequel il allait pénétrer avec sa sœur et ses parents. Il le voit se mettre à quai et dessiner une ombre de fraîcheur sur tout le port. Ce Concorde des mers ouvre ses portes avec une facilité déroutante. Après la sortie de tous les passagers du navire, Paul monte en voiture avec sa famille dans cette immense cale. A l’intérieur, Paul ouvre sa portière, repère l’emplacement du véhicule, et voit avec stupéfaction des pieds dépasser du coffre ! Il s’agit d’une fille discrète, avec une magnifique tête d’ange, un ange si particulier qu’il disparaît aussi vite qu’il était apparu le temps qu’il tourne la tête. ECRITURES

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Abasourdi, Paul se dirige vers la salle de réception du bateau, un endroit auquel il ne s’attendait pas. Il entre dans cette pièce et découvre pour la première fois dans sa monotone et triste vie un spectacle unique : dans une verrière à faire pâlir Versailles, un magnifique jeu de lumière dessine sur le sol des colonnes de style romain. Ces colonnes sont recouvertes de feuilles d’or d’une brillance inouïe. La salle est gardée par des vigiles aussi immobiles que des statues. Au sol, des plaques de marbre sont d’une taille absolument inimaginable. De l’autre coté de la salle, assis sur un banc, il aperçoit son ange. Il ne pouvait plus attendre, il devait le faire : Paul se jette à l’eau ; il traverse la salle d’une diagonale rectiligne, se fraye un chemin et va lui parler. Mais de quoi ? Seul Dieu et ses apôtres pourraient nous le dire, mais ce dont je suis sûr c’est que quand le commandant annonce l’accostage, un papier passe de la poche d’Automne, c’est son nom, à Paul. Chapitre 2 Après que Paul l’ait perdue dans cette foule imposante, il repense à son ange, avec sa longue et belle chevelure blonde, ses gestes voluptueux, ses belles mains, ce corps qui exprime la gaieté et la joie de vivre, qui fait onduler son magnifique manteau de belle marque italienne. Le temps passe encore et encore, et un beau 38

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jour Paul se décide enfin à l’appeler. Un moment après, il ressort de sa chambre, le sourire aux lèvres, la joie au bout du stylo et le bonheur dans le cœur. Les appels se font de plus en plus fréquents et longs et une amitié voit le jour : comment ne pas tomber sous le charme de cette amourette tout droit sortie d’un conte de fées ? C’est un jour comme les autres : les oiseaux chantent. Le camion de glace passe dans la rue. Paul, comme d’habitude, lui achète un cornet à la vanille en revenant du collège et rentre chez lui. Il jette son sac sur la chaise du bureau en bois, son manteau noir sur son lit, sort son téléphone et appelle son ange, Automne. Il entend une, deux puis trois sonneries et elle décroche enfin et il ne met qu’une minute à comprendre que quelque chose ne va pas. Elle lui parle d’une voix sèche, fébrile et remplie de sanglots. Elle ne tient que quelques minutes avant de lui avouer que sa mère est retournée poussière à jamais... Que sa vie n’avait plus aucun sens, que s’il n’était pas là, elle ne serait plus de ce monde et qu’elle ne voulait plus de ce malheur qu’elle cachait si bien. Paul est abasourdi, il essaye de la consoler, de lui enlever ses idées de la tête mais rien n’y fait, elle ne s’arrête pas de verser des torrents de pleurs, d’utiliser ses mouchoirs et de déchirer son cœur.


Chapitre 3 Voilà déjà près de deux jours qu’il n’entend pas sa si douce voix ; il s’inquiète. Mais que s’est-il passé ? Le pire ? Mais tout s’effondre dès qu’il voit ses hanches se dessiner, ses cheveux danser dans tous les sens et sa discrétion maladive. Il a enfin compris ce qu’elle voulait, lui. Aussitôt il rentre chez lui, prend ses affaires, de l’argent, et laisse un petit mot à ses parents. Il ressort, la serre dans ses bras et ils partent main dans la main sans se retourner comme si le passé était oublié à jamais... Les jours passent et passent encore et une amitié, puis l’amour s’entrelace, telles les racines d’un chêne. Leur vie a l’air parfaite et le temps coule jusqu’aux premiers jours de l’hiver alors que Paul cherche un peu de chaleur dans sa nouvelle vie : Il voit un homme lui donner une lettre bizarre adressée à Automne avec qui il avait fugué. Il s’agit d’une lettre de son père lui expliquant qu’il avait tout simplement tué sa mère dans un excès de folie. Automne est anéantie : elle avait mis tellement de temps pour oublier ce passage de sa vie que ce fut horrible de revivre cela. Sa mère était morte à cause de l’alcoolisme, la haine, le machisme d’un père si grand, gros, raté, rancunier et lâche.

Chapitre 4 Quelques jours plus tard, sur la plage de Biarritz avec, en toile de fond, un coucher de soleil qui inonde la ville d’une superbe couleur orangée, Paul demande à sa dulcinée de lui donner son cœur. Leur vie devient enfin un vrai conte de fée, leur amour n’a jamais été aussi fort, mais Paul ressent le besoin de retrouver la douceur de sa mère et l’énergie de son père. Automne se pose des questions : pourquoi veut-il les revoir ? N’estil pas heureux avec moi ? Chapitre 5 Automne ne vit plus tout à fait ce conte de fée qui venait enfin de se concrétiser. Les disputes se multiplient de plus en plus, malgré l’amour qu’ils se portent l’un à l’autre. Paul se sent mal, il culpabilise de faire souffrir Automne. Où sont passés ses gestes voluptueux, ses cheveux qui ondulent et ses hanches qui le font craquer? Tout va mal et c’est à cause de lui. Il regrette de plus en plus de lui avoir avoué ce qu’il désirait. Automne réfléchit encore et encore et se décide enfin, mais pourquoi il ne devrait pas les revoir ? Ils ne lui ont rien fait, ce n’est pas comme mes parents qui ne sont plus de ce monde. Quelques jours plus tard, elle se décide enfin : — J’ai enfin réfléchi et je suis d’accord, ils ne nous ont rien fait, on va les voir dès que ECRITURES

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tu veux mon amour ; je ne veux plus de cette situation, je veux retrouver notre complicité. Surpris, Paul met quelques minutes avant de montrer tout signe de joie à son ange : il a enfin retrouvé un semblant d’espoir, il n’a plus à se poser de questions, à culpabiliser, il se sent libéré. Paul choisit de revoir apparaître les oiseaux avant d’aller revoir ses parents ; donc le printemps venu, quand s’ouvrent les premières fleurs, il se décide à aller chercher les billets pour son Angoulême natal. Chapitre 6 Le jeudi, après être allé chercher les billets, il rentre dans son abri pour la retrouver et lui annoncer qu’ils partent le lendemain au lever du soleil. Le lendemain matin à la gare, départ de la gare d’Austerlitz de la micheline 14890 à destination d’Angoulême ! Quelques instants après être montés dans le train, ils quittent enfin cette ville qui a abrité leur fugue et où ils ont bâti leur petite vie, construit leur amour… Il voit enfin, à travers les carreaux de plexiglas la Loire et ses châteaux, Orléans et sa cathédrale... et sa vie défiler aussi vite que le train. Il ne sait plus très bien où il en est...Tant de questions qui restent sans réponse ! Il aperçoit enfin la laiterie dans laquelle il se cachait avec ses amis, la gare dans laquelle il allait voir son oncle travailler 40

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et ce boulevard qui mène à l’hôtel de ville... Tant de choses ont changé ici, l’usine est fermée, la gare est bien plus grande et l’avenue n’a plus le même aspect... Chapitre 7 Il aperçoit un taxi au loin à côté de l’arbre où son oncle Victor garait sa voiture. Automne s’y précipite et met les bagages dans la voiture mais Paul reste là, immobile quelques instants : il se revoit assis sous cet arbre à l’attendre... Quelques secondes après, il rattrape son amour, monte dans la voiture et donne l’adresse en espérant que ses parents habitent encore là. Le taxi reprend l’avenue, puis la ruelle du marchand de glace, il longe les marronniers centenaires de la vieille Marte, l’hôtel de ville et ses drapeaux et pour finir la rue Victor Hugo dans laquelle, au fond, il aperçoit sa petite maison : le sol de la terrasse, ces volets vert amande, tout ce qui faisait la fierté de cette petite maison de quartier. Paul voit sur le sol des roses blanches, celles que sa mère adore, et la terrasse remplie de feuilles que son père avait l’habitude de nettoyer matin et soir. — Que se passe-t-il ? Pourquoi toutes ces fleurs, et ces feuilles sur la terrasse ? Une femme qui passait par là l’entend, l’interpelle et lui dit d’une voix triste :


— Le vieux monsieur, anéanti par la mort de son fils est mort d’une attaque cardiaque et MarieThérèse, la pauvre, vient de s’éteindre d’un cancer. Le monde s’écroule littéralement autour de lui, son cœur s’arrête puis repart. Plus rien n’a d’importance. Rien ne les fera revenir jamais, oui, jamais il ne les reverra ! Jamais il ne leur dira qu’il les aime ! Il se retourne, puis pénètre dans la petite maison aux volets verts dans laquelle règne une atmosphère de tristesse et de désarroi. Son ange l’appelle, mais rien n’y fait. Il ouvre la porte de sa chambre restée intacte depuis qu’il est parti, seul le petit mot qu’il avait laissé a été déplacé. Il se retourne et son ange s’efface peu à peu pour laisser place à une corde. Le chauffeur de taxi surpris de voir cet homme parler seul depuis qu’il l’a pris à la gare appelle la police mais il est trop tard. Paul se retourne entre dans la chambre. Il ferme à double tour, met la corde à son cou et se laisse mourir, sans résister, pour un ange qui n’a jamais existé.

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Kévin Touyard 3ème Bram Collège Saint-Exupéry

L’angoissante apparition

La nuit tombe, un gros orage éclate. Andy, au guidon de sa moto, roule très vite malgré la pluie. Brusquement, il croit voir au loin une silhouette au milieu de la route. Plus il se rapproche, plus la silhouette devient inquiétante. A quelques mètres seulement d’elle, il distingue un homme sans visage sous une immense cape noire qui semble flotter au-dessus du sol. La panique s’empare d’Andy et, arrivé à hauteur de l’homme, il accélère brusquement et s’enfuit. Quelques kilomètres plus loin, il aperçoit une station essence où il décide de s’arrêter pour reprendre ses esprits. Andy s’approche du distributeur de café, met de la monnaie dans l’appareil et porte son regard à l’intérieur de la boutique. 42

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Tout à coup, son sang se glace en apercevant la même silhouette que sur la route, accoudée au bar et qui semble le fixer intensément. Il y a quelque chose de terrifiant dans son regard qui épouvante Andy. Jetant le café à la poubelle, il se précipite vers sa moto qu’il enfourche et s’enfuit le plus loin possible de cette vision d’horreur. Nous n’avons plus jamais entendu parler d’Andy, certains parlent de suicide, d’autres de meurtre par un mystérieux voyageur ….

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Nico Swinnen 1ère Castelnaudary Lycée Jean Durand

Charlotte

Charlotte. Ah ! Charlotte. Un nom qu’on aime tous en général. Rares sont ceux ou celles qui disent ne pas aimer ce prénom. Personnellement, ce prénom me fait penser à une fille qui était dans ma classe quand je transcrivais cette histoire. Pour d’autres, il fera penser à une autre fille de leur entourage : car on connaît quasiment tous une Charlotte. Mais, pour les plus gourmands, ce nom fera plutôt penser à un dessert du même nom. Oui, mesdames et messieurs, j’ai évoqué, à votre grand plaisir, ce dessert délicieux qu’est la Charlotte aux Fraises. Ces boudoirs, qui entourent cette crème, qui permettent à Charlotte de rester debout, fière, avec ses fraises sur le dessus. Ces mêmes fraises qui attirent l’attention des gens et qui feront frémir nos papilles gustatives… Qui le font d’ailleurs, pour certains, lorsque leur envie de fraises est assez forte et qu’à la simple vue de fraises, leur cerveau envoie le signal à leur langue de se manifester. Bizarrement, ce sont ces trois éléments, rien que ces trois-là, qui nous feront entrer dans la boulangerie pour en ressortir avec une boîte en carton et le portefeuille un peu plus léger (sauf si on paye par carte bancaire, bien sûr…). Cependant, personne ne s’est posé une question, tout de même primordiale. 44

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Pourquoi cette pâtisserie s’appelle-t-elle Charlotte ? Certes, ce nom peut donner une tournure humoristique (quelque peu de bas niveau, certes) lorsque vous invitez des amis (de préférence, vous inviterez une demoiselle se prénommant Charlotte) de dire : — Hé, ça vous dit de venir manger une Charlotte chez moi ? Provoquant ainsi l’hilarité générale chez vos amis… Si ces derniers ont le même humour de bas niveau que vous… Si c’est le cas, je vous envie, vous lecteur, car je n’en ai pas, moi, des amis ayant cet humour. Du coup, j’ai l’air très stupide parfois. Mais l’inventeur, ce génie qui nous a donné le plaisir de pouvoir déguster ce gâteau, ne peut avoir eu cette idée-là en tête lorsqu’il a nommé son chef d’œuvre. Mais qu’est-ce qui lui a donné cette idée saugrenue, alors ? Je suis parti enquêter. C’est en feuilletant je ne sais plus quel livre (ma mémoire me fait parfois défaut) que je suis tombé sur cette histoire. Il s’agirait d’une histoire issue du quinzième siècle. Dans un pays qui se situerait maintenant dans ce que l’on appelle aujourd’hui l’Europe de l’Est, dans une ville au nom imprononçable, il y avait un boulanger et pâtissier très reconnu. Les gens, ceux qui pouvaient se le permettre, bien sûr, venaient de très loin pour acheter les

délicieux produits qu’il fabriquait avec soin. Son pain était fait avec la meilleure farine, ses gâteaux avec le meilleur lait, farine, œufs et sucre. Même le Roi, du moins son cuisinier, venait acheter ses produits là-bas, afin d’éviter de se faire trancher la tête si jamais le pain ne convenait pas au goût de son maître. Bref. Notre boulanger était quelqu’un de très avare et de très méchant. Lorsqu’un pauvre petit enfant venait mendier pour une miche de pain, il refusait de lui en donner, bien qu’il puisse se le permettre. Il le chassait à coup de balai. Mais les enfants revenaient à chaque fois. Ceci exaspérait le boulanger qui n’en pouvait plus de passer son temps à chasser ces petits vaux-rien comme il les appelait. Un jour, une petite fille, au nom de Charlotte, s’est présentée devant lui pour lui demander à manger. Elle n’avait pas mangé depuis plusieurs jours et avait donc pris son courage à deux mains pour affronter l’avare. Le boulanger était loin d’être de bonne humeur… Plus personne n’a revu la fillette. Bien sûr, à cette époque, on ne se souciait guère d’une pauvre fillette orpheline, contrairement à aujourd’hui… Du moins, on fait plus semblant de s’en soucier, n’est-ce pas ? Soit ! Personne n’a revu la fillette vivante… Sauf une personne… Le journal d’un voyageur de ECRITURES

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cette époque, qui me raconte une histoire horrible. Certains faits, certains détails me permettent de dire avec une quasi certitude qu’il s’agit du même boulanger, de la même ville et donc de la même histoire. Je vous transcris l’histoire comme je l’ai trouvée dans les archives de la bibliothèque. Aujourd’hui, j’ai vu une chose abominable… J’hésite à l’écrire. Parfois il y a des choses qu’il vaut mieux garder entièrement pour soi-même afin d’éviter qu’une personne ne tombe sur cette trace écrite, une preuve de l’abominable vérité sur la nature humaine. Il y a des choses qui sont trop horribles à raconter… Non, le souvenir est trop fort. Il faut que je le raconte, que je l’écrive afin de me libérer du poids que j’ai sur la conscience. Je me trouve dans une ville à l’est de l’Empire d’Autriche. Une très charmante ville d’ailleurs, bouillonnante d’activité. Il y avait dans cette ville, une boulangerie très importante. En effet, le boulanger était reconnu dans toute la ville et même l’Empereur exigeait qu’on lui achète le pain à cette boulangerie. Il avait aussi des pâtisseries exquises qui faisaient saliver tout le monde... Mais en dehors de ses dons de boulangerpâtissier, notre homme était ignoble. Il n’avait aucune vertu, aucune qualité. Il était 46

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avare, méchant et impitoyable. Un jour, une petite fille du nom de Charlotte s’est présentée devant sa boulangerie. Elle était très pauvre. Elle vivait dans les rues. Ses vêtements n’étaient que des haillons et elle n’avait pas mangé depuis plusieurs jours. Elle pensait pouvoir récupérer quelques bouts de pain, se disant que de toute façon, le boulanger ne pouvait lui refuser ceci, étant donné qu’il gagnait bien sa vie. Elle se trouvait donc dans la boulangerie, attendant qu’il n’y ait plus personne dans le magasin, puis, s’adressa au boulanger et lui demanda s’il n’avait pas du pain de la veille, qu’il pourrait lui donner. Le boulanger, lui, était en manque d’inspiration pour créer de nouvelles pâtisseries. En voyant cette petite fille sans attaches, un plan diabolique commença à se former dans son esprit. Il dit alors à la fille de venir le soir, derrière sa boutique, afin qu’il puisse lui donner tout le pain qu’il lui fallait, à condition de n’en parler à personne. La fillette était ravie et, le soir venu, elle se présenta derrière la boulangerie, comme prévu. Et c’est là que le pire arriva. Le boulanger n’avait bien sûr pas l’intention de céder ne serait-ce qu’une miette de son précieux pain et encore moins à une petite vagabonde. Lorsque cette dernière frappa à la porte de service, il ouvrit la porte avec grand fracas et attrapa la jeune fille sans qu’elle ait pu faire quoi que ce soit.


Il la cogna contre le mur et elle perdit connaissance. Il l’attacha alors à une chaise, alla chercher son couteau et commença à l’aiguiser. Il se demandait par quelle partie il pouvait commencer. Puis l’idée lui vint. Il décida de faire un genre de gâteau aux fraises. Il coupa les doigts de la fillette, les trempa dans une pâte faite préalablement et les mit sur les côtés d’un moule rond. Il fit alors une crème à la vanille qu’il versa dans le moule. Il fit cuire le tout dans un four pendant une demi-heure. Le gâteau était presque parfait. Le boulanger le décora de fraises. Cependant il lui manquait deux choses : un coulis rouge afin de mettre la touche finale à la décoration du gâteau, et un nom. Il réveilla la petite fille. Lorsqu’elle reprit connaissance, il fit bien en sorte à ce qu’elle ne voie pas ses doigts. Il lui demanda son nom. Elle répondit d’une voix chevrotante: — Charlotte, monsieur. Il l’avait ! Le nom de sa pâtisserie ! Charlotte aux Fraises. Il présenta alors le gâteau devant sa victime et avant que cette dernière ait pu crier lorsqu’elle reconnut ses doigts, il lui trancha la gorge, tandis que le sang se déversait dans un bol. Il y ajouta du sucre et un peu d’eau afin de rendre sa mixture plus liquide. Enfin, il le versa sur la Charlotte aux Fraises, finissant enfin son chef d’oeuvre. Comment il se débarrassa du corps, nul ne le sait. La seule chose qu’on sait aujourd’hui, c’est que la Charlotte aux Fraises a eu un franc succès. Le roi en était fou ! Et personne ne s’inquiéta de la disparition des vagabonds. En tout cas, je suis sûr que vous y réfléchirez à deux fois, maintenant, avant d’acheter une Charlotte aux Fraises, n’est-ce pas ?

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Andréa Coste 3ème Carcassonne Collège Jeanne D’Arc

Dog Soldier

Je m’appelle Jonathan Taylor, je suis né à Londres dans le quartier paisible de Nottingham, à 24 ans, je suis entré dans l’armée anglaise et je suis devenu tireur d’élite dans une unité de l’armée de terre j’ai vu beaucoup de choses horribles dans ma vie en tant que soldat mais ce que j’ai vécu ce jour-là dépasse toute les limites de l’horreur. Le commencement 10 Janvier 2006, 4 heures du matin, quelque part en Angleterre… 48

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Il fait très noir, un homme court dans l’obscurité. Il semble vouloir échapper à quelque chose. Des aboiements se font entendre au loin, ils semblent se rapprocher et au passage d’un arbre c’est le noir total. Quelques minutes plus tard un des poursuivants prend la parole, c’était le chef. — Toutes mes félicitations caporal Taylor vous avez réussi à nous échapper pendant … 14 heures et 33 minutes ; ce résultat est largement suffisant pour intégrer les forces spéciales. Cet homme est le capitaine Frank Mc Curt. C’est un homme cruel qui est prêt à faire n’importe quoi pour arriver à ses fins. Certains disent que c’est un homme dur, d’autres qu’il est complètement fou. Cela fait quinze ans qu’il travaille pour les forces spéciales. Il commande une de leurs unités et il est constamment en train de chercher de nouvelles recrues. — Merci mon capitaine, dit le soldat fièrement. — Juste une dernière chose caporal. — Oui capitaine ? — Les forces spéciales sont réservées aux hommes qui n’ont peur de rien et surtout qui sont prêts à tout, vous voyez le chien, là-bas, dit-il en lui tendant une arme, tuez-le immédiatement. Effectivement il y avait un chien au milieu du groupe des poursuivants, il avait servi à l’intervention, il attendait tranquillement qu’on lui donne ses ordres. Un homme

s’approcha près des deux hommes. — Prenez cette arme et tuez le caporal. Le soldat regarda l’arme pendant plusieurs secondes prit une grande respiration et fixa le chef des poursuivants dans les yeux et lui dit : — Non je refuse d’obéir à cet ordre. — Quoi mais vous êtes fou c’est une chance inespérée pour vous que d’entrer dans notre unité d’élite, cela n’était pas votre rêve ? Vous n’aurez pas une seconde chance. — Je sais, mais je refuse d’être sous les ordres d’un cinglé comme vous. Le capitaine, sans aucune hésitation chargea son arme et tua le chien d’une balle dans la tête. Ce geste accompli très froidement ne fit qu’énerver le caporal Taylor. C’est ainsi que se termina leur conversation ; Jonathan Taylor fut recalé et ne put réaliser son rêve. Néanmoins il avait une très bonne vue et il était très habile sur le terrain il devint tireur d’élite. Deux ans plus tard… Le 18 avril 2008 une unité de l’armée anglaise part en entraînement dans une forêt au nord de l’Ecosse. Sur les six hommes qui s’en vont, seulement un reviendra vivant. La mission était simple : nous devions traverser la forêt et aller à la rencontre d’une unité des forces spéciales. En clair, la trouver et l’éliminer. Pour cela nous étions armés de balles à blanc. La première journée se passa sans problème, l’hélico nous largua en plein cœur ECRITURES

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de la forêt. Notre équipe était composée de six hommes : Sullivan March, le sergent qui nous commandait ; John Smith, l’infirmier ; Lincoln Burrus était l’homme chargé des transmissions, Jack et Dexter, les fantassins. Ensuite, il y avait moi, Jonathan Taylor, le tireur d’élite. Après une heure de marche, l’infirmier de l’équipe alla voir notre sergent et lui dit : — Heuh, sergent. Vous ne trouvez pas ça bizarre que l’état major décide de nous envoyer en entraînement à cette période de l’année dans un trou paumé et contre une équipe des forces spéciales ? — Tu as raison, mais les ordres sont les ordres. Quoi d’autre ? Tu sembles terrifié. — Cette forêt, on raconte des choses affreuses sur celle-ci, des disparitions inexpliquées et, à chaque fois, on ne retrouve aucune trace de lutte, rien sinon du sang, que du sang, partout et jamais de corps. — Encore une histoire inventée par les écossais pour effrayer les touristes. — Je vous assure commandant, il parait que ça a recommencé. Deux campeurs ont disparu ; hier, on a retrouvé leur tente. L’intérieur était entièrement souillé par du sang, du sol au plafond… — Stop ! dit le sergent. N’effraie pas les hommes avec tes histoires à dormir debout. Le sergent, qui s’appelait Sullivan March, était un brave homme. Dans sa vie, il avait connu l’horreur en participant à de nombreux 50

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conflits ; Malgré cela, il aimait son métier car il pensait servir une grande cause : celle de servir son pays qu’il aimait tant. Au bout de deux heures de marche, le sergent s’arrêta et consulta sa boussole et sa carte. Il me demanda si l’endroit ou nous étions était bien pour passer la nuit ; Je lui répondis que oui. De là où nous étions, la zone était facile à surveiller et il ajouta : — Taylor, vous prendrez le premier tour de garde. — Oui chef. Les premières heures se passèrent sans problème ; J’étais posté en haut d’une colline et j’observais la zone jusqu’à ce que mon attention se porte sur un point noir qui se déplaçait à 500 m de ma position : — C’est quoi ce truc, un loup ? Non, c’est beaucoup trop gros. Par réflexe je saisis mon arme et la chargea. Et c’est avec effroi que je me rappelai que mon arme ne contenait que des balles à blanc parfaitement inoffensives. Ma crainte ne fit qu’augmenter quand je vis cette chose grimper à un arbre aussi rapidement qu’une araignée sur sa toile. Je descendais en courant la colline pour prévenir les autres quand ce truc poussa un cri affreux semblable à celui d’un loup, mais beaucoup plus puissant. — Taylor c’est quoi ça ? — Je ne sais pas mais en tout cas ça vient vers nous. John Smith, l’infirmier, s’adressa au chef et


lui dit : — Sergent je pars en reconnaissance voir ce que c’est. — D’accord Smith. Au bout de 10 minutes le soldat revint et dit : — Commandant vous devriez venir voir ce que j’ai trouvé. — Ok, tout le monde derrière lui. Au bout de dix minutes de marche, nous arrivâmes en vue de ce qui devait être un camp ; celui-ci était entièrement dévasté et il y avait du sang partout. — Ça doit être le camp des forces spéciales mais que leur est-il arrivé ? S’écria un soldat. Le plus surprenant n’était pas ce que nous trouvâmes, mais ce à quoi nous ne attendions pas. Il y avait la tellement d’objets étranges, des pièges, et puis surtout des armes en très grand nombre. En voyant cela, le sergent s’exclama : — Bon, les gars laissez tomber vos jouets et prenez cet équipement, on va s’occuper de cette bestiole. Toutes les armes équipées de balles à blanc furent jetées par terre. Ce qui effraya la plupart des hommes, c’est que toutes ces armes qui étaient ici n’avaient pas servi. Ceux qui les avaient donc attaqués devaient être très rapides, mais il y avait aussi le fait que, malgré tout le sang qui était sur place, on ne voyait aucun cadavre. Mais, pendant ce temps, une autre chose

attira mon attention. Il y avait du mouvement près d’un tas de caisses pas très loin de moi. Je sortis mon couteau de combat et j’avançai pour voir ce que c’était, quand un homme complètement ensanglanté surgit devant moi en braquant une arme et en disant : — Tu ne m’auras pas une deuxième fois saloperie…. — Non non ! Ne tirez pas, on est là pour vous aider. Malheureusement pour moi, je reconnus immédiatement ce type : c’était Mc Curt. — Infirmier ! Il y a un survivant. — Putain, il est vachement amoché. Regarde ça John, cette trace de griffe qu’il a sur le ventre. — Ouais, t’as raison, un peu plus profond et c’était fini pour lui, c’est presque dommage d’ailleurs. Tu l’as pas reconnu ? C’est Mc Curt ! — Ah oui, l’ami des animaux ! Je me souviens de cette ordure. Tout compte fait, il a ce qu’il mérite, mais bon aidons-le quand même. Après avoir soigné le blessé, nous décidâmes de l’interroger. Le sergent lui dit : — Capitaine Mc Curt que s’est il passé ? — Ils étaient partout … ils nous sont tombés dessus à la tombée de la nuit, c’était horrible … on ne les a pas vus ni entendu arriver. — C’est quoi ces créatures et tout cet équipement ? — Ça c’est pour les capturer. ECRITURES

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— Qui ? Cria le sergent. — Les dogs soldiers bien sur ! — les dogs soldiers …parlez moi d’eux. — Non, c’est top secret ! — Parlez ou je vous abandonne ici. — D’accord. Ecoutez bien messieurs je ne le répèterai pas. Imaginez un savant fou dans son laboratoire, dit-il d’un ton ironique, imaginez qu’il inocule un virus très dangereux à de simples chiens tout mignons tout gentils, le but étant de les transformer en machine à tuer. Cela a fonctionné comme prévu : le virus a augmenté leur force, leur agilité et leur soif de sang, mais ce que le savant ne savait pas c’est que leur intelligence a augmenté aussi. — Que s’est-il passé ensuite ? — Ils en ont eu marre d’être enfermés et ils se sont échappés. Je vous dis pas le massacre qu’ils ont commis dans les laboratoires, il n’y eut aucun survivant. — Ok. Quel est votre rôle dans cette histoire ? demanda le sergent intrigué. — Les forces spéciales m’ont chargé, mon équipe et moi, de capturer les dogs soldiers et de les ramener morts ou vifs dans leur prison. — Pourquoi mon unité et moi sommes ici alors ? — Pourquoi ? Sergent Sullivan, je pensais que vous le saviez : vous et votre équipe vous êtes l’appât pour les attirer. — C’était un piège dès le début. 52

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— Eh oui, les certificats de décès portant vos noms ont déjà été imprimés. Officiellement vous êtes tous morts dans un accident d’hélicoptère, vous comprenez, tout doit rester secret. Le sergent, ne pouvant plus se contenir, asséna un violent coup de poing au capitaine, ce qui le fit tomber à la renverse. — Imbécile ! hurla le capitaine, cela n’arrangera pas les choses, vous êtes tous morts de toute façon. — Pas si on les tue les premiers, répliqua Jack le plus jeune de l’équipe. A ce moment-là un hurlement affreux se fit entendre non loin de là. — Ils arrivent, dit Mc Curt avec un sourire narquois, vous allez tous y passer. Un bon conseil, fuyez pour sauver vos vies. — Lincoln, contactez l’hélico qu’ils viennent nous chercher. Lincoln était l’homme chargé de la transmission dans l’équipe. Personne ne l’avait vu d’un petit moment. — Lincoln, où êtes-vous, répondez ! Le sergent calma sa colère quand il vit la tête effrayée de tous ses hommes regarder dans la même direction ; Je crois que je me souviendrai toute ma vie de ce moment là. Il nous regardait du haut de la colline, ce monstre sombre avec ses yeux rouges comme le sang. Il était à 200 m de là où nous étions et il nous regardait. Je sortis mes jumelles et, à ce moment, il ouvrit sa grande gueule ;


Malgré la distance qui nous séparait de lui, je pus voir toutes ses dents tâchetées de sang. Ce monstre devait mesurer 2m50 de hauteur. Il tenait une chose ronde dans sa patte et c’est avec horreur que je vis que ce monstre avait la tête de Lincoln dans sa patte. — Chef, dis-je avec peur, cette saleté a tué Lincoln. — Je vous l’avais dit, vous allez tous y passer les uns après les autres. Ils sont très intelligents, ils vous ont pris votre seul moyen de communication, la radio. — Soldats, dit le capitaine d’un ton calme, ouvrez le feu ! Tout le monde se mit à tirer sur la créature mais elle s’enfuit aussitôt. — On y va ! D’après la carte il y a une route par là-bas, allez soldats on se replie. Taylor et Smith aidez le blessé à nous suivre. — Oui chef, répondirent en même temps les deux hommes. Plusieurs cris se firent entendre. Cette fois il y en avait plusieurs à nos trousses. Nous ne mîmes pas longtemps à trouver la route, mais ils étaient à nos trousses et ils n’allaient pas tarder à nous rattraper. — Soldats, mettez-vous en position pour les accueillir ! Cria le commandant. Un de ces monstres surgit et un des hommes lui tira plusieurs balles dessus mais, pendant que nous étions tous occupés sur celui-là, un autre perché en haut d’un arbre sauta ici et atterrit juste devant le chef. Il lui asséna un

coup de griffe terrible au ventre. Le chef se mit à saigner énormément mais, malgré la douleur, il prit son couteau de combat et le planta dans l’œil de l’animal. Le chef blessé tomba à terre. À ce moment-là, comme par miracle, un véhicule arriva sur la route, la porte s’ouvrit et une voix féminine leur cria : — Allez vite montez si vous tenez à la vie ! Tous rentrèrent dans le véhicule sans poser de question, vu tout ce qui s’était passé ils étaient heureux de quitter cet enfer. La personne était une jeune femme ; Elle se nommait Sarah ; Elle habitait la région depuis qu’elle était toute petite. Cela faisait deux ans qu’elle constatait les massacres que faisaient les dogs soldiers. Au début, nous lui fîmes confiance, grave erreur… Elle nous conduisit à la maison de sa tante et son oncle, la porte était grande ouverte. Avec la plus grande précaution, nous entrâmes dans la maison, il n’y avait personne. Pourtant la lumière était allumée et le dîner était en train de cuire dans la cuisine. — Mais où sont-ils ? demanda la jeune fille. — Ou, que leur ont-ils fait ? dit l’infirmier. John, aide-moi à transporter le chef dans la chambre à l’étage ! — Ok, et vous-autres, barricadez la maison, ils ne vont pas tarder à nous attaquer à nouveau. Le sergent fut installé dans la chambre et, en descendant, je vis un Dexter, un des soldats regarder par la fenêtre. ECRITURES

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— Taylor, viens voir, vite ! J’en ai compté trois. Effectivement il y avait trois de ces créatures qui étaient en train de saccager la voiture. — On peut les avoir à cette distance. — Oui, mais ça leur fera pas grand-chose. T’as bien vu tout à l’heure quand Smith a vidé un chargeur de balles entier et ça les a à peine amochés. Par contre, je ne sais pas comment on va faire pour partir sans ce véhicule. — Je crois qu’il faudra tous les tuer. — Comment va notre blessé, le capitaine Mc Curt ? — Je ne sais pas il dit rien, regarde-le, ça fait des heures qu’il est assis là et qu’il ne fait rien. Je m’avançai vers le capitaine et je lui dis : — Votre blessure va mieux capitaine ? — Oui ça va mieux, dit-il d’une manière bizarre. — Nous pouvons voir ça ? — Non, dit-il sèchement. — C’est pour votre bien capitaine, montrez -nous immédiatement. — Non, non ! dit-il très en colère. Je saisis sa chemise et je l’arrachai et je vis l’impensable ! Sa blessure qui avait failli le tuer avait complètement disparu. Ses yeux devinrent alors subitement rouges comme le sang et ses ongles gagnèrent tout un coup 6 cm de longueur et il nous dit d’un ton terrifiant. 54

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— Moi et mes frères nous allons tous vous tuer. — Que se passe-t-il ? Vite, Taylor, tue-le ! — Trop tard, il s’est déjà jeté par la seule fenêtre qui n’était pas encore fermée. — Le virus est donc contagieux, dit l’infirmier, ce n’est pas bon ça. — Le chef est donc condamné à devenir l’un d’eux. — Ils arrivent ! cria l’un des hommes. — Ok les gars, préparez-vous à les accueillir. Tous les hommes se mirent à tirer depuis des positions différentes dans la maison. Au bout de dix minutes, je remarquai que seulement 3 chiens sur 4 s’agitaient devant nous. — Mais ou est le quatrième ? Et si cela n’était qu’une diversion, mais pourquoi ? Merde le chef. A ce moment, je me rappelai que la fenêtre de la chambre où se reposait notre sergent au premier n’était pas barricadée. Je montai les marches deux à deux. Arrivé dans la chambre, je vis un des monstres debout devant le lit où dormait le commandant. Ayant laissé mon arme en bas, je n’avais aucun moyen de tuer le dog soldier ; Je regardai autour de moi et je vis sur une table près de l’entrée de la chambre un appareil photo. Je pris cette appareil et je sifflai la créature ; il me regarda et, à ce moment, je pris une photo de lui. Le flash de l’appareil l’aveugla


temporairement et quand il reprit ses esprits, je le photographiai à nouveau. Il fit trois pas en arrière, et là je lui assénai un violent coup de pied qui le fit passer à travers la fenêtre grande ouverte. Il alla s’écraser la gueule 5m plus bas. — Bravo petit s’écria le chef d’une voix fatiguée. Je barricadai la fenêtre de la chambre et je descendis voir comment allaient les hommes. Quand tout à coup en sortant de la chambre je fus saisi par un bras vigoureux et l’on me dit dans l’oreille : — Chut ! Pas un bruit, ils sont entrés dans la maison. C’était Smith. — Rentrez dans cette chambre, nous y serons plus à l’abri pour parler. Smith referma doucement la porte de la chambre et essuya les gouttes de transpiration qui ruisselaient sur son front. — Que s’est-il passé ? Dis-je avec insistance. — Pendant que t’es parti secourir le sergent, un en a profité pour rentrer. Ce fut horrible il tua Jack et Dexter et il prit leurs cadavres. — Et Sarah comment va-t-elle ? — Je sais pas, je suis monté pour te chercher, tiens voilà une arme. — Ok, je passe devant. On avait fouillé toutes les pièces avec une infinie précaution quand on entendit du bruit

dans un placard dans le couloir. — Il y a quelqu’un ou quelque chose làdedans, mets toi là et prépare-toi à ouvrir et à tirer. — Ok. Fais gaffe à toi. Je m’approchai du placard avec ma main tremblante de peur, je saisis la poignée, je la tournai, je sentis que mon cœur allait éclater et c’est avec soulagement que je vis Sarah sortir du placard. Heureusement, elle n’était pas morte, pour l’instant. — Comment allez-vous ? — Bien, mais c’était affreux, il les a tués tous les deux et il a emporté leurs corps. — Pourquoi ? Dis-je. — Pour manger, tous ces exercices leur ont donné faim, dit Smith. Inutile de vous décrire dans quel état était le salon ; une véritable boucherie, il y avait du sang du sol au plafond et des morceaux de chair un peu partout. — On se tire de là Taylor, viens on va chercher le chef. A peine eut-il dit ça que tout le monde fut stupéfait de voir Sullivan March descendre tranquillement les marches de l’escalier comme si de rien n’était. — Comment allez-vous chef ? Dit l’infirmier. — Très bien, dit-il. A ce moment-là, on entendit le bruit d’une porte qui s’ouvrait. On se dirigea tous les trois dans le couloir de la porte d’entrée, ECRITURES

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et là, on vit Sarah qui était en train d’ouvrir la porte d’entrée et de la porte se glisser derrière elle trois grandes formes sombres avec des yeux rouges vifs. — Mais que faites-vous ? Vous allez tous nous tuer, hurla le sergent ! — Non, je vais vous tuer vous ; rectifia la jeune femme. Je vous présente ma famille, là mon oncle et là ma tante dit-elle en montrant du doigt les deux créatures. — Alors comme ça, vous êtes avec eux depuis le début ? — Et oui ! dit-elle en rigolant. — Dans ce cas, mourez, lui dis-je. Je pris mon arme et je lui collai une balle entre les deux yeux. Elle tomba raide morte. Les trois monstres nous foncèrent dessus. Moi et le chef nous pûmes nous en tirer en nous jetant sur le côté mais Smith fut saisi par un et entrainé au fond du couloir. Pendant quelques minutes nous entendîmes des cris affreux, horribles, inhumains et puis plus rien. La pièce où nous avions atterri était la cuisine, on ferma la porte. Dans ma précipitation, je glissai sur un tapis et là je découvris une trappe. Le sergent qui se sentait devenir l’un d’eux attrapa la bouteille de gaz qui servait à la cuisson. Il l’ouvrit et attrapa une boite d’allumette. — Taylor, prenez ceci. Il me tendit la pellicule de l’appareil photo avec lequel j’avais aveuglé un des monstres et il ajouta : — Il faut que tout le monde soit au courant de l’horreur qui s’est déroulée aujourd’hui, bonne chance Jonathan. — Merci chef, ce fut un honneur de combattre à vos côtés. Ensuite j’ouvris la trappe et je descendis dans la cave. En refermant la trappe je pus entendre le bruit d’une allumette que l’on craquait et ensuite une grande explosion. Je présume que tout les Dogs Soldiers ont été tués cette nuit là. — Voilà Madame la journaliste, je vous ai raconté tout ce qui s’est passé les 18 et 19 avril 2008, j’espère que vous publierez l’article. — Oui Monsieur Taylor, votre histoire combinée aux photos que vous avez prises seront sans doute le plus gros scoop de l’année. Je vous remercie encore pour nous avoir permis de faire cet article. — De rien, un ami me l’avait demandé. 6 ans plus tard… Un matin comme les autres, Jonathan ouvrit son journal et là, il lut en première page : Mystérieuses disparitions dans le nord de l’écosse… 56

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Yasmina Bouttaga et Anaïs Breil 3me Collège de Grazailles Carcassonne

Drogue douce Chapitre1 L’enfer Je longe les murs de cette cité qui me hante jour et nuit, à cause de son horrible odeur et des gens qui la fréquentent. La plupart d’entre eux sont des trafiquants de drogue. Je m’étais juré de ne jamais devenir comme eux, mais, il y a trois ans, j’ai sombré dans cet enfer suite au décès de mes parents qui m’a terriblement touché. Qui aurait pu croire que, le 25 décembre en allant acheter mon cadeau de Noël, mes parents meurent dans un accident de voiture ? Je me suis senti terriblement coupable. Je suis tombé dans une dépression terrible, dont le seul remède est la drogue. Je me rappellerai toujours cet instant, alors que j’étais sur le Vieux Port. Assis sur un banc en train de verser toutes les larmes de mon corps, un jeune homme, qui avait à peu près la vingtaine, me suggère de goûter à cette drogue. Il disait que si j’y goûtais, je verrais la vie en rose. Au début de cette nouvelle expérience j’eus l’impression de n’être plus le même et que tous mes soucis s’envoleraient, mais quand la réalité me rattrapa ce fut encore plus dur. Je fis de nombreuses thérapies, mais le manque de drogue fut trop fort pour moi et chaque fois je succombai. Voilà comment mon obsession pour la drogue surgit. Il est 14h30, je n’ai toujours pas trouvé ma source, mes mains tremblent ainsi que mes jambes, ma vision se trouble, mon corps ne tient plus debout. Putain, mais qu’est-ce qu’il fout ? ECRITURES

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Mathieu devait m’amener ma dose il y a plus d’une demi-heure, mes veines sont apparentes. Cette putain de merde me manque, je ne pourrai pas tenir très longtemps. J ‘ai l’impression de mourir au fur et à mesure. Il me faut ma dose. J’aperçois une silhouette sombre qui s’approche de moi, j’ai un espoir. Ça y est, c’est lui ! Il m’apporte ma dose. — qu’est-ce que t’as foutu ? ça fait au moins une demi-heure que j’attends ! — Ouais, désolé Cousin, mais il y a eu une embrouille avec un autre client qu’a pas voulu me payer ! — Ha ! ok bon ! c’est pas grave ! passe moi ma dose ! — Tiens ! Mais d’abord le fric ! — Voilà et je te rappelle dans deux jours. — Ok, tchao l’ami ! — Ouais, c’est çà ! Chapitre 2 La rencontre Il y a à peine une demi-heure que je viens de prendre ma dose et mon état s’est déjà beaucoup amélioré. Je suis sur ce banc, vue sur le port. Le soleil se couche sur la colline et la ville s’illumine. Je vois un bateau qui arrive pour accoster : qui pourrait croire que ce rafiot changerait ma putain de vie. Ce bateau qui venait tout droit de Corse, pays magnifique et exotique où j’aurais tellement 58

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voulu vivre. Je regarde les gens débarquer. Une fille attire mon attention. Tel un ange venu du ciel, cet être m’éblouit. Je ne peux m’empêcher de l’approcher. Son teint doré m’éblouit avec ses cheveux frisés, châtains. Ses yeux verts brillent tels des étoiles qui s’éveillent. Son corps mince et gracieux me fait halluciner. Je ne peux m’empêcher de l’aborder en lui demandant comment elle s’appelle. Elle me répond d’une voix douce et sereine. — Khalia Je la rencontre pour la première fois, mais c’est comme si je la connaissais depuis toujours. — Mon nom est Kenzo. — Tu veux que je t’aide ? Et sans attendre sa réponse, je lui prends la valise des mains. J’ai des frissons, nos mains s’effleurent. — Merci de ton aide. Est-ce que tu pourrais me trouver un taxi car, comme tu le vois, je ne suis pas d’ici. — Bien sûr, j’en serai ravi. Je l’amène à la station de taxi la plus proche et mon cœur se serre déjà à l’idée de la quitter. Le moment de la séparation est là, bien présent, devant ce taxi, la portière ouverte, moi qui sais que dans quelques minutes je me retrouverai toujours aussi seul et désespéré. Elle monte dans le taxi. Un dernier regard avant de claquer la porte, regard déchirant et pourtant plein d’un espoir incertain et le


taxi s’éloigne. Je baisse les yeux, dépité, et, surpris, je vois un petit carnet de cuir rouge sur le sol. Je n’ose pas l’ouvrir de peur d’être déçu. L’effet de la dope commence à diminuer et un haut-le-cœur me fait frissonner. J’ai froid, je veux rentrer, mais pas tout de suite, pas dans cette famille de tarés, qui n’est même pas la mienne ! Je me réfugie au fond d’un bar sombre du port. Le carnet rouge cuivré m’intrigue. Je le pose sur la table et j’ouvre à la première page : son nom est joliment écrit d’un bleu paradis. Je regarde ses contacts : elle a l’air d’être beaucoup aimée. Pourrais-je être l’une de ces personnes qui la font tant rêver ? Je trouve son numéro de téléphone : dois-je l’appeler ou bien l’oublier ? Je prends mon courage à deux mains et je l’appelle. Enfin ! Elle me répond et moi je fonds pour cette voix magnifique, magique : — Allo, c’est Kenzo ! Tu te rappelles de moi ? …silence….. — Y a quelqu’un ? tu veux bien me parler ? Mon cœur bat si fort que j’ai l’impression qu’il va exploser.…silence….puis : — Oui, c’est moi, qu’est-ce que tu veux ? — J’ai retrouvé ton carnet et j’aimerais te le rendre. Où peut-on se voir ? — Ah oui, merci, c’est gentil ! j’en ai vraiment besoin ! Tu veux qu’on se voit quand ? — Euh… tout de suite, si c’est possible. J’ai

du temps libre et toi ? — Oui, moi je suis d’accord ; on se rejoint où ? — Viens chez moi, mon adresse se trouve dans le carnet. — Ok, j’arrive tout de suite ! — Si tu ne trouves pas, n’hésite pas à m’appeler ! — Merci, c’est sympa ! — Alors, à tout de suite ! — A tout de suite ! Chapitre 3 Nouvelle drogue Je suis super content d’aller la voir : elle a l’air vraiment gentille, j’aimerais tant que ça marche avec elle ! Ca fait quatre heures déjà que je n’ai pas pris ma dose, mais je ne sais pas pourquoi, je n’en ressens pas le besoin. Peut-être que ma nouvelle seringue, c’est elle ? Je suis dans le taxi, il me tarde de la voir, de voir son magnifique visage d’ange. Voilà, je suis pratiquement arrivé et mon cœur bat à cent à l’heure, je l’aime tant ! J’arrive à destination. Sa maison est super jolie, elle est immense, avec une piscine et plein de beaux palmiers. J’ai l’impression d’entrer au paradis. Mais là, il n’y a pas de Saint Pierre ! Elle m’accueille avec un grand sourire et me dit : — Bienvenue chez moi ! j’espère que ça ne t’embête pas trop de me ramener mon carnet ? ECRITURES

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— Non, pas du tout ! Au contraire, ça me fait plaisir ! — Bon ! Veux-tu boire quelque chose ? — Non merci, c’est gentil ! Voilà ton carnet ! — Tu viens quand même visiter la maison ? — Avec plaisir ! Elle me guide, c’est super beau, sa vie est agréable ; quand je vois ça, j’ai vraiment envie d’arrêter toutes mes conneries… Ca y est, la visite touche à sa fin, et l’idée de ne plus être près d’elle m’oppresse. C’est comme si elle était mon oxygène, et sans mon oxygène, je ne respire plus ! J’ai bien envie de l’inviter à dîner, mais j’ai tellement peur de ne pas être à la hauteur ! C’est peut-être la dernière fois que je la vois, je ne peux vraiment pas laisser passer cette chance. — En échange de mes services, ça te dirait de venir au resto avec moi ? — Pas de problème, avec plaisir ! — Merci ! je viendrai te chercher à vingt heures, ça ira ? — Le plus tôt possible, comme ça, on restera plus longtemps ensemble ! Je pars avec un sentiment de vide mêlé à l’émerveillement de cette prochaine soirée. Pendant que je me prépare pour aller la chercher, je réalise que cette drogue qui m’attirait tant auparavant me dégoûte maintenant et que ma seule drogue c’est Elle. Enfin, je vais la chercher. Je suis tout excité à l’idée de passer la soirée à ses côtés. Je suis devant sa porte et le stress me submerge. Je sonne… Elle me répond avec son beau sourire qui fait chavirer mon cœur. Nous montons dans la voiture et nous partons pour le resto. Là, on s’installe à une table, l’ambiance est agréable. Je la regarde dans les yeux, elle soutient mon regard ; Elle me dit d’un air timide : — je vais t’avouer quelque chose : depuis qu’on s’est rencontrés mon cœur n’a cessé de t’aimer ; je sais que tu es l’homme parfait… Je t’aime tellement, si tu savais. Ce que je te dis peut te paraître étrange car je ne te connais pas beaucoup, et pourtant c’est comme ça, c’est le coup de foudre ! Je ne sais pas faire autre chose que rire bêtement. Pourquoi tu rigoles ? Je n’aurais jamais dû te faire cet aveu, je le savais… Allez, je m’en vais ! — Non, je t’en prie, reste un moment ! Tout ce que tu me dis me touche, je t’aime autant que tu m’aimes, tu es la fleur de mes rêves ! Je ne peux résister à l’envie de l’embrasser, c’est un instant magique ! J’ai trouvé une autre drogue, celle de l’amour, celle du bonheur ! 60

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Coline Durand 3eme Collège de Grazailles Carcassonne

Elsa

Chapitre 1 — Elsa ! Viens mettre la table s’il te plaît ! — Attends, je joue un ou deux morceaux et j’arrive ! Elsa était une jolie fille brune, aux cheveux bouclés, qui allait bientôt avoir quinze ans. Sa passion : la musique, ou plus particulièrement le piano et le violon. Mais le violon, elle n’était pas encore très douée. Alors pour l’instant, c’était le piano. Elle posa ses doigts sur les touches et commença à jouer la Valse Favorite de Mozart sans presque s’en rendre compte. Lorsqu’elle jouait, son esprit était occupé par toutes sortes de choses, sauf par le piano. Ses doigts seuls décidaient du tempo, de la façon d’appuyer et choisissaient les bonnes notes. Ses yeux, occasionnellement, suivaient la progression du morceau sur la partition, mais elle ne réfléchissait pas. Du moins c’est ce qui lui semblait. ECRITURES

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Mais là, tout à coup, son cerveau fut rappelé à la réalité par un sentiment de vertige. Elle semblait s’élever dans les airs en tourbillonnant dans tous les sens avec le tabouret. Elle ne touchait plus le sol. Elle fit appel à sa mémoire qui lui annonça qu’elle venait de jouer l’accord final(sol pour la main droite, sol, si et ré pour la main gauche). Le tabouret se reposa au sol et Elsa eut un soupir de soulagement. Elle vit son piano bien à sa place et commença à le fermer, se disant qu’elle ferait mieux de se reposer, après ce vertige. Elle remit le tissu à sa place pour empêcher la poussière de se déposer sur les touches et recula son tabouret. Mais là, vision d’horreur : elle ne se trouvait pas dans son salon avec une jolie lumière dorée et le bruit de la hotte dans la cuisine, mais autre part ! Et elle ne savait pas où ! Chapitre 2 — Bien, monsieur, vous l’aurez demain. Une servante en petite robe noire à tablier blanc venait de passer à reculons devant la porte de la pièce dans laquelle Elsa se trouvait. Elle avait parlé dans une langue inconnue aux sonorités étranges. La pièce était étrange : Elsa se trouvait devant un piano blanc à la laque brillante, tout près d’un beau mur tendu de tissu rouge et ponctué de belles colonnes blanches. Au fond, un grand fauteuil de velours doré, et, derrière, une 62

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seconde porte qui semblait donner sur une chambre de dame. Zut ! Une robe blanche et dorée venait de passer à grand bruit de froufrous et s’éloignait dans la pièce suivante. Elsa avait eu chaud ! Son instinct lui recommandait de ne pas se laisser voir par les habitants de cette maison si étrange. Leur façon de parler était assez brutale et, ne connaissant pas la langue, elle ne savait pas comment communiquer avec eux pour leur demander des renseignements sur l’endroit où elle se trouvait. Chapitre 3 Ces gens lui semblaient si étranges ! Elle réalisa soudain qu’elle était dans un endroit inconnu, et elle ressentit une sensation qui la fit s’empresser de quitter son siège au piano. Bon sang, où pouvait-elle être ? Elle n’avait jamais cru aux histoires de voyages dans l’espace ou dans le temps ni à toutes ces histoires abracadabrantes de science fiction. Et voilà qu’elle avait sauté de chez elle pour se retrouver dans une autre maison, comme ça, par enchantement ! Cette histoire irrationnelle la dérangeait. Elle ne supportait pas les choses qui n’étaient pas carrées, normales ou tout ce genre de choses. Bon. En tout cas, elle avait peut-être intérêt à sortir de cette pièce avant l’arrivée du maître des lieux (elle avait eu, en entendant la conversation entre cet homme et sa servante, le pressentiment qu’il était le propriétaire


de cet endroit. Sans doute un vieil acteur ou réalisateur de film un peu fou qui recréait l’univers de ses films chez lui. Elle fit le tour de la pièce et opta pour une encoignure de fenêtre masquée en grande partie par les grands rideaux rouges qui ornaient les fenêtres. Là, elle serait tranquille, du moins le temps de déterminer où elle était tombée et de prendre une décision. En effet, quelque chose en elle lui dictait de ne pas réagir sur un coup de tête mais de réfléchir mûrement à un moyen de se sortir de cette situation. Là, dans sa cachette, elle attendit un très long moment (si bien que ses jambes ne tenaient plus et qu’elle dût s’asseoir en prenant garde de ne pas dépasser du rideau), jusqu’à ce qu’une jolie femme (sûrement la femme de l’acteur fou !) en habits de duchesse du genre Sissi, daigne entrer dans la pièce. Elle était vêtue d’une large robe rose pâle bordée de dentelle et brodée de perles, et cela rappela à Elsa l’image qu’elle s’était faite des grandes dames à la cour de Louis XIV. Elsa faillit pousser un cri d’admiration en voyant la longue, longue chevelure de cette reine, d’un blond pâle, qui lui arrivait au moins aux genoux. Des perles semblaient tomber en cascade le long de sa chevelure et formaient comme un chapeau de perles sur sa tête. Elsa pensa : Je suis donc vraiment tombée sur un plateau de tournage de Sissi, ou quoi ? Là, la grande dame alla s’asseoir à une coiffeuse dans le coin de la pièce et vaporisa

du parfum le long de sa chevelure. Puis, elle se leva et sortit de la pièce avant de s’arrêter à l’entrée de la pièce où elle posa gracieusement sa main gantée sur le chambranle de la porte. Elle appela : — Amadeus ! Peux-tu venir un instant, je te prie ? Bien-sûr, elle ne parlait pas en français, mais Elsa avait la curieuse impression d’avoir compris. Elle vit alors un homme de taille moyenne coiffé d’une perruque entrer dans la pièce et s’approcher de la femme. — Qu’y a-t-il ma fleur ? — Pourrais-tu me jouer quelque chose ? Cela fait si longtemps que je ne t’ai pas entendu jouer ! — Que veux-tu que je te joue ? — Oh, ce que tu veux ! — Je vais inventer une valse en ton honneur. Sous le regard attendri de sa femme, Elsa le vit alors s’installer au piano. Elle n’avait jamais rien entendu d’aussi beau. La musique sortait toute seule du cerveau de son compositeur, fraîche, inédite et agréable. Elsa se laissa même aller à pousser un soupir d’extase avant de réaliser qu’elle n’était pas seule dans la pièce et surtout qu’elle était dans un endroit inconnu. Lorsque la musique s’arrêta, le musicien resta en place et la femme lui sourit d’un air amoureux. Il se leva alors et vint vers elle pour la prendre dans ses bras. Elsa ne se sentit soudain plus à sa ECRITURES

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place. Mais finalement, une cloche résonna au-dehors et l’homme s’écria : — Oh, mon carrosse ! J’avais oublié mon rendez-vous avec monsieur d’Aubrac. Je dois y aller. A demain ! Chapitre 4 Elsa avait réussi à se glisser hors de l’espace devant la fenêtre à la nuit tombée et se trouvait maintenant dans l’écurie, un autre bâtiment de l’autre côté de la pelouse du château. Car elle avait découvert que la maison dans laquelle elle s’était retrouvée était en fait un grand château, datant probablement de plusieurs siècles et qui était entouré de grands bassins ornés de statues dans lesquels coulaient des jets d’eau. L’écurie était une pièce agréable, surtout depuis que les laquais qui l’occupaient étaient partis. Elle s’était trouvé un box libre et était à présent couchée dans la paille, le museau du cheval d’à côté à quelques centimètres de son visage. Le souffle chaud de sa respiration la berçait et elle sentait qu’elle n’allait pas tarder à s’endormir, épuisée par les évènements de la journée. Mais il fallait absolument qu’elle sache où elle se trouvait ! Comment pouvait-elle rentrer chez elle ? Elle résolut d’aller jusqu’au grand portail noir au fond du parc. Le vent froid de la nuit lui gelait le visage et la faisait frissonner. Elle poussa la porte en essayant de ne pas la faire grincer, mais ce fut peine 64

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perdue. Elle vit alors l’ombre de quelqu’un se découper dans le noir à la lueur d’une lanterne… Elsa ne bougeait pas. Tendue comme un arc, elle regardait l’ombre s’avancer dans l’allée. Soudain, une fenêtre du château s’éclaira et projeta sa lumière dans le parc, juste sur l’ombre. Elsa vit alors un jeune laquais en livrée, guère plus âgé qu’elle, se découper dans la lumière de sa lanterne. Celui-ci se dirigea vers un buisson de l’autre côté du portail et prit un petit chemin perpendiculaire à l’allée. D’un mouvement furtif, Elsa profita de son éloignement pour tenter de se cacher. Elle prit place derrière une espèce de Camélia dont les fleurs blanches lui chatouillaient le visage et s’accroupit, son regard toujours porté vers le chemin qu’avait pris le garçon. Celui-ci ne tarda pas à revenir. Il se posta alors à l’entrée du portail et poussa un profond soupir. Elsa dut en conclure qu’il allait garder le portail toute le nuit, ce qui ne l’arrangeait pas pour son projet. Elle tourna légèrement la tête et aperçut un haut mur de pierres dans lequel se découpait une assez large brèche. Les feuilles avaient crissé sous ses pas, elle en était sûre, mais le laquais ne sembla pas réagir. Retenant sa respiration, elle essaya d’avancer un peu sous le couvert des branches. Après quelques pas, le mur se dressa droit devant elle et elle put regarder à travers la brèche.


Mais là, nouvelle surprise : aucun lampadaire n’éclairait la nuit, mais la lumière du château lui permit de distinguer l’endroit. Pas de poubelles, pas de boîtes aux lettres, pas de goudron par terre. La rue était en terre battue et de profondes ornières y étaient creusées. Au bord de cette route de fortune, des champs non cultivés s’étiraient à perte de vue. Mais ce qui la choqua le plus, c’est qu’il n’y avait pas de poteaux et de fils électriques, d’antennes ou de bornes d’incendie, de panneaux de signalisation, enfin, quelque chose, quoi ! Son espoir d’être tombée dans une maison de réalisateurs de vieux films dans un monde normal s’était évaporé. Elle était bel et bien dans un monde inconnu, dans le passé ! Elle reporta son attention sur le portail. Miracle ! Son gardien n’était plus là. Il fallait qu’elle en profite, qu’elle sorte ! Elle se glissa sous les feuilles du camélia et marcha dans l’ombre jusqu’à l’écurie. Là, elle trouva dans un coin des habits de laquais, et, sans se poser de questions, elle les enfila. Ensuite, elle revint dans le box voisin de celui de son ami le cheval et se pelotonnant dans un tapis de selle à l’odeur rassurante, elle s’endormit. Chapitre 5 Un hennissement la réveilla. Surprise, elle regarda autour de ses vêtements, puis, comprenant enfin où elle était, se leva et se précipita dehors par la deuxième porte de

l’écurie. Les palefreniers venaient d’entrer pour nourrir les chevaux. Elle courut alors jusqu’au château, et, pleine d’audace, entra dans la cuisine sous ses nouveaux habits. Elle tomba alors nez à nez avec la cuisinière en train de remuer le contenu d’une casserole. — Tenez, vous tombez bien, allez donc apporter son petit déjeuner à monsieur ! — Heu, dans sa chambre ? — Evidemment, où voulez-vous le lui amener ? Et la cuisinière se tourna vers son fourneau en levant les yeux au ciel. Elsa résolut d’aller à l’étage, là où elle était tombée la veille. Au passage, elle en profita pour grappiller des raisins dans une coupe posée sur le plateau que lui avait donné la cuisinière. Elle eut de la chance. La première chambre dans laquelle elle pénétra se révéla être la bonne. L’homme en perruque de la veille était assis dans le lit. Il sourit à Elsa. — Eh bien, qu’attendez-vous, j’ai faim moi ! De nouveau, Elsa sut qu’il ne lui parlait pas en français, mais elle comprit. Elle s’avança donc et posa le plateau au bord du lit. Elle recula et allait sortir lorsque l’homme la retint. — Restez, restez, vous me tiendrez compagnie ! Apparemment, aucune des personnes qu’elle avait rencontrées ne doutait de son identité. ECRITURES

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Elle le regardait manger son pain viennois et ses fruits. Lorsqu’il eut fini, il se leva, et, tout d’un coup, lui dit : — Venez donc écouter le morceau que j’ai composé hier pour ma femme ! Elsa le suivit dans la pièce qu’elle avait découverte la veille. Il s’assit au piano et joua le morceau. Elsa ne put s’empêcher d’applaudir. Puis elle s’avança vers l’instrument et dit : — Permettez-vous ? Une lueur d’étonnement passa dans ses yeux et il se leva pour lui laisser la place. Elsa se mit alors à jouer sa valse favorite. Mozart la regardait comme ébahi et marmonna : — Merveilleux ! Quelle agilité ! Vous m’inspirez ! Mais Elsa arrivait à la fin du morceau et au moment où elle plaquait l’accord final, elle se sentit transportée, dans un vertige, et se retrouva allongée sur sa descente de lit. Elle se réveillait. C’était juste un rêve.

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Kawther Bensetti 3eme Carcassonne Collège de Grazailles

En mémoire de Georges

Une bombe ennemie vient encore de déchirer le ciel de Strasbourg. Cette fois-ci, c’est sur un vieux bâtiment : les éclats se sont projetés partout aux alentours, les vitres de la pharmacie d’en face sont complètement détruites, l’épicerie de Mr Meunier n’a pas été épargnée non plus par cette attaque aérienne. Dans les rues étroites et pleines de débris, les affiches de propagande ne manquent pas, celles vantant les mérites du Parti d’Hitler. Depuis l’annexion de l’Alsace-Lorraine, elles sont présentes dans tous les recoins de la ville. Il y a aussi, bien entendu, toutes les affiches décrivant les juifs, afin de pouvoir en dénoncer un, si par hasard, on le croise sur un trottoir. Cela fait 4 ans déjà que le Reichführer est au pouvoir. La guerre a été déclarée aux allemands il y a 3 mois. Le régime nazi a pris beaucoup d’ampleur. Les frontières ne l’arrêtent en rien. Pierre essaie tant bien que mal de rester vivant. Avec l’hiver qui approche, il n’a toujours pas trouvé d’abri. Il craint de recevoir une bombe sur la tête à chaque instant. — Hé ! Pierre ! Tu sais que la France a demandé l’armistice depuis que Paris est prise s’écria un jeune garçon de l’autre côté de la rue. — Non, mais dis-donc, la guerre n’a pas été bien longue, lui répondit Pierre.

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— Malheureusement, je pense que l’occupation sera plus dure que la guerre elle-même, dit doucement Georges. L’ami d’enfance de Pierre partage la même situation que lui. Ils ont grandi ensemble, vécu toutes les misères et toutes les joies ensemble. Il n’y avait aucune différence entre les deux garçons sauf une, énorme : Georges était juif. — Tu devrais te cacher au lieu de crier comme ça. Il y a beaucoup de gens qui connaissent ton identité et si tu te fais prendre, moi je me retrouverai tout seul. — Je sais, mais les SS sont plus occupés à attraper les familles dans leur maison qu’un pauvre garçon seul et désespéré dans la rue. — Enfin, il faut qu’on se dépêche de trouver un endroit où dormir, il commence à se faire tard. Je n’ai vraiment pas envie de passer une deuxième nuit dehors, il fait froid en ce moment. — Oui c’est pas sympa que les vieux nous aient virés. La ligne Maginot n’a servi à rien, les Allemands l’on simplement contournée et les soldats français sont restés là pendant que ceux d’outre-Rhin prenaient tranquillement possession des villes françaises sans aucune résistance. Qu’a l’intention de faire Hitler à présent de ce pays conquis si facilement presque sans effort ? 68

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— J’ai réussi à gagner de quoi vivre pendant deux à trois jours en nettoyant le jardin d’une vieille dame qui a tellement d’argent qu’on en retrouve partout chez elle. — Oh ! Elle t’a laissé entrer chez elle ? — Oui, pour aller au jardin on est obligé de passer par son salon. Elle était très gentille. Ah tiens, elle m’a passé ces gâteaux. Je t’en ai gardé un peu. — Merci beaucoup d’avoir pensé à moi Pierre. Attends-moi là, moi aussi je vais aller chercher un petit travail, comme ça on pourra se payer une nouvelle veste. Les nôtres sont usées et ne réchauffent pas vraiment. — Si tu veux, mais reviens vite, d’accord. Bien qu’étant du même âge, Pierre a toujours été plus mûr que son ami et se comporte comme un grand frère. Le fait d’être deux orphelins les a rapprochés et unis. Pierre a loué une petite chambre étroite mais au moins il y a deux lits et des couvertures, de quoi dormir au chaud pour une nuit. Il a aussi pensé à acheter de la nourriture pour calmer leur faim. Cependant, Georges ne rentre pas. — Qu’est-ce qu’il peut faire à cette heure ? Il devrait être rentré depuis un moment. Et le couvre-feu, j’espère qu’il … — Bonsoir Pierre ! Tu ne vas pas me… — Tu n’aurais pas dû rester dehors jusqu’à cette heure. C’est interdit et j’étais inquiet. — Ça va, désolé… Y’avait personne sur la


route, tout était tranquille et il n’y avait pas de quoi te ronger les ongles ! — Peut-être… Que voulais-tu me dire ? — Oh, je crois que de toute ma vie je n’ai jamais eu autant d’argent dans les mains. Avec ce que j’ai gagné, on pourra se payer bien plus que de simples vestes. — On dirait que c’est notre jour de chance… — Je t’explique. J’ai donc travaillé chez monsieur Meunier. Son épicerie est sans dessus-dessous depuis les bombardements de ce matin. Il m’a proposé de l’aider à tout nettoyer, c’était vraiment très dur à ranger. Il y avait des bouts de verre partout. Monsieur Meunier était vraiment très triste. Sa femme et ses filles n’ont fait que pleurer et il était très content que je l’aide, vu que sa femme est enceinte… Soudain, on frappe à la porte. — Il est un peu tard pour recevoir une visite ! — Je vais voir. — Bonsoir, nous vous prions de nous suivre tous les deux. Deux SS se tenaient devant eux. — Mais pourquoi ? — Tant pis pour vous, dit l’un des deux hommes habillé en civil et dont la taille était impressionnante. Pierre et Georges, terrorisés commencèrent à reculer tandis que les allemands s’avançaient dangereusement. D’un geste discret et rapide,

Pierre ouvrit la fenêtre derrière eux. Etant situés au rez-de-chaussée, Pierre savait qu’ils ne risquaient rien à sauter. Alors, dans un élan de courage, il ouvrit grande la fenêtre et se jeta en arrière tout en essayant d’entraîner Georges. Malheureusement, le nazi empoigna celui-ci avant qu’il n’ait eu le temps de se sauver. Le jeune garçon cria à son ami de s’enfuir. Rien n’y fît. Pierre se promettait, tout en courant, qu’il le sauverait, qu’il était prêt à mettre sa propre vie en péril pour lui. Seulement, ses larmes que le vent glacial du nord refroidissait, le firent douloureusement revenir à la réalité. Il se rendit alors compte à quel point il était faible face à ces gens. Pierre se dirige d’instinct vers l’épicerie de monsieur Meunier espérant y trouver du réconfort. L’obscurité des rues cache les blessures que subit la ville depuis quelques temps. On ne voit plus les débris sur le sol, ni les fenêtres cassées, ni même toutes les affiches de propagande. Tous les bruits sont feutrés. Devant la porte de Monsieur Meunier, Pierre prend le temps de sécher ses larmes et de préparer un petit discours pour expliquer son arrivée à une heure aussi tardive. Il frappe doucement à la porte, recommence un peu plus fort et encore une fois. Personne ne répond. Pierre se décide alors à entrer. La maison est bien calme, mais les jolis ECRITURES

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vases que Madame Meunier disposait un peu partout, ont tous disparu. Il n’était venu ici qu’à deux reprises auparavant, mais se rappelait nettement tout ce qu’il y avait vécu. Le garçon remarque plusieurs détails curieux et de nombreux objets disparus. Pierre se demande s’ils n’ont pas tout simplement quitté la ville. Ils ont toutes les raisons de l’avoir fait. Monsieur Meunier lui avait dit un jour, qu’il aimerait bien rejoindre son père qui habite en région parisienne. A l’étage, Pierre ouvre doucement une chambre. Il n’y a personne. Il se dirige alors vers une autre chambre déjà ouverte. Un cri de frayeur retentit dans toute la maison, accentué par le silence de la nuit et l’écho de la grande pièce dans laquelle il vient de mettre les pieds. Pierre sent un haut-le –cœur l’envahir puis perd soudain connaissance et s’affale sur le sol. La pièce rectangulaire est richement décorée de tableaux d’artistes contemporains, les meubles de bois clair avec une plaque de marbre blanc étaient soigneusement disposés. Un magnifique tapis ocre couvrait l’intégralité du sol. Au milieu de ce tapis à la beauté délicate, quatre corps gisaient là : un homme d’environ 35 ans, une femme enceinte de dix ans sa cadette et deux fillettes étaient allongés dans une mare de sang. Monsieur Meunier et sa famille avaient été massacrés par balles. 70

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La lumière du jour réveille Pierre. Son regard tombe une nouvelle fois sur les corps étendus. Il chancelle. Il ne sait plus quoi faire, fuir, résister, rester là et tout oublier. Il se pose des milliers de questions, mais aucune réponse. Pierre sort enfin de la maison et se met à errer dans les rues. Dans son appartement, tout est calme. Il ne reste plus rien de Georges. La vie de Pierre est maintenant vide de sens. Cela fait dix ans déjà que la guerre est finie. La 4ème République avec De Gaulle au pouvoir, a permis à la France de remonter considérablement le niveau des français. Pierre rentre chez lui. Un vieux couple qui a perdu ses quatre enfants durant la guerre, lui avait proposé de venir vivre avec eux. Il a trouvé un travail dans une usine et sa situation maintenant est celle qu’il espérait depuis toujours. Le jeune homme s’est lié d’amitié avec une fille qui lui rappelle étrangement son ami d’enfance. Elle fait des études d’Histoire. Un jour, elle propose à Pierre de l’accompagner dans un musée dédié à la seconde guerre mondiale et aux déportés juifs. En regardant une photo de train qui emmenait des hommes, des femmes et des enfants vers la mort, Pierre mit une main sur son épaule gauche, ressentant violemment la balle qu’il


reçut un jour, en 1941, alors qu’il voulait arrêter un train où il avait cru apercevoir Georges. Des photos, des noms attirent son attention et soudain il trouve ce qu’il cherche. Ses larmes coulent en ruisseau, mouillant ses vêtements. — Georges. Enfin, ce prénom apparaît face à lui. Il sait désormais que ce dernier a été gazé quelques jours après son arrivée dans le camp de concentration de Dachau. Une trace de lui resterait à jamais gravée dans ce musée au côté de milliers d’autres noms. Et ses larmes que le vent du nord refroidissait le firent douloureusement revenir à la réalité. Cette réalité nue loin des horreurs de la guerre.

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Camille Lacam 3eme Castelnaudary Collège Blaise d’Auriol

Une expérience extraordinaire

Cette jeune femme de vingt-trois ans, Eugénie, est très discrète mais déteste l’injustice. Elle est médecin à Toulouse depuis trois ans. Son meilleur ami, Marc a les mêmes opinions qu’elle. Ils se sentent inutiles à Toulouse où ils ne sont que superficiels, car les malades sont très bien soignés et sont entourés de médecins excellents. — Franchement, toutes les habitudes d’ici me lassent — Tous les matins, il faut nourrir les personnes agées, les promener et leur poser un tas de questions bêtes pour savoir s’ils s’expriment mieux que la veille ! Après cela, nous devons les ramener dans leur chambre où il faut leur faire avaler des médicaments en essayant de ne pas les énerver pour éviter qu’ils nous gifflent ! — Qu’est-ce-que tu en penses, Marc ? — Je suis tout à fait d’accord avec toi. Je pense qu’il faut partir un moment et se changer les idées. Si on prend le prétexte qu’on veut faire un stage de remise à niveau, on sera accepté partout en France ! — Non, il faut trouver autre chose. Partout en France, ce sera la même chose qu’ici. 72

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Marc s’installe devant son ordinateur portable. Il ouvre la page - Médecins sans frontière - sur internet et un grand message apparaît : — Besoin de dix medecins diplômés pour secourir les enfants malades au Sénégal pendant trois mois. Départ souhaité dans un mois. — J’ai ce qu’il nous faut Eugénie ! Regarde ! La jeune femme se penche sur l’ordinateur et ne peut retenir sa joie. — Génial ! Inscris-nous ! Un mois plus tard, Eugénie et Marc sont au Sénégal. Rien à voir avec la France : il fait 40°C à l’ombre et le climat est très sec. Mais ils ne se laissent pas impressionner pour autant. Une vieille camionnette verte les attend pour les conduire dans un petit village où les habitants et la directrice de l’association les accueillent chaleureusement. — Bonjour à tous et bienvenue ! Ici, tout le monde a besoin de votre aide. Les enfants atteints du paludisme et les adultes qui ont la fièvre jaune, aidez- les de votre mieux ; Bon courage et bonne chance à tous ! En entrant dans les tentes où les malades se reposent, Marc et eugénie découvrent beaucoup de personnes solidaires. Des familles qui n’ont aucune personne proche malade, viennent réconforter celles qui souffrent. Les quinze premiers jours, Marc et Eugénie

aident tous les autres médecins. Que ce soit en changeant les pansements des malades, en les faisant manger, en leur racontant des histoires pour qu’ils s’endorment ou en les vaccinant. Ils sont satisfaits de leur travail et se sentent utiles. Ils s’épuisent et se dépassent pour les autres. Au bout du premier mois, Marc ne s’occupe plus que des personnes âgées et Eugénie des enfants. Lorsqu’ils se retrouvent pour les repas, le soir, ils se racontent ce qu’ils ont fait pendant la journée. — Aujourd’hui, j’ai aidé une petite fille qui commence à marcher. Elle est orpheline. Ses parents sont morts dans un accident. Elle est formidable et a une volonté extraordinaire, raconte Eugénie. — Moi, j’ai aidé des personnes âgées à marcher et à manger. Comment s’appelle la fille que tu aides ? — Christine. Elle dort tous les jours avec les malades car elle n’a aucune famille. C’est triste. Mais, au milieu du troisième mois, Christine attrape la fièvre jaune. Elle n’a qu’un an : c’est donc une maladie qui la fait souffrir plus qu’un adulte. Pendant une semaine, Marc et Eugénie ne s’occupent plus que de Christine (ils lui racontent des histoires lorsqu’elle ne dort pas...). Au bout d’une semaine, grâce à tous ces soins, elle recommence à s’alimenter normalement. ECRITURES

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Elle est en train de guérir doucement, mais sûrement. Le dernier jour que Marc et Eugénie doivent passer au Sénégal, elle est totalement guérie. Elle commence même à parler et elle appelle Eugénie maman . Eugénie et Marc hésitent alors à repartir en France. — Je me sens vraiment utile ici, et toi ? demande Marc. — Oh si ! J’hésite même à repartir en France. Maintenant que Christine est guérie, je me sens coupable de partir alors qu’elle n’a aucune famille. — Et si on restait ici? Après tout, rien ne nous oblige à repartir. — Rien, en effet, tu as raison, c’est une bonne idée. — Pour combien de temps on reste ici ? demande Marc — Au moins trois ans. Tous deux sont heureux de prolonger leur engagement pour trois ans de plus afin de continuer de vivre cette expérience extraordinaire.

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Castelnaudary Lycée jean Durand

eme

Mélanie Teisseyre

Fouizinette

— Oh ! C’est pas rigolo ! lançais-je à Clément. Cela faisait plus de dix minutes que nous ne nous étions pas adressé la parole : je regardais, en effet, l’aspect de cette chose qui remplissait mon assiette et qui pouvait être désignée comme étant de la nourriture. Nous avions incontestablement terminé de déjeuner, ou plutôt nous y avions renoncé : la vision de la compote périmée de Paulin nous avait définitivement coupé l’appétit. Ce fut donc Clément qui rompit le silence. Il se leva de table, prit son plateau et nous invita à faire de même, à mon grand étonnement. Je compris par la suite l’enthousiasme de mon cher camarade. Elle venait de poser son plateau : elle, encore et toujours elle ! Furieux qu’il ne cesse de ressasser cette histoire, je lui avais, par ces quelques mots, exprimé mon mécontentement. ECRITURES

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Après être sortis de la cantine, nous nous dirigeâmes vers la pelouse et nous nous y installâmes. La chaleur nous assaillait. Il nous était difficile de nous concentrer sur les révisions du contrôle de mathématiques. Prenant leur courage à deux mains, Paulin et Clément ouvrirent leur cahier, et, parmi les gribouillis et autres dessins en tous genres, finirent par se pencher de plus près sur le sujet du contrôle. Nous tentions désespérément de comprendre la méthode du raisonnement par l’absurde. Mes deux acolytes étaient concentrés sur la leçon ; moi, en revanche, je ne les écoutais que passivement, je regardais dans le vide, perdu dans mes pensées. — Et toi, tu en penses quoi, Fabrice ? me demanda l’un d’eux. A vrai dire, je n’avais pas suivi le fil de la conversation, trop occupé à faire des pronostics : la fourmi ou bien l’araignée ? Laquelle des deux serait la plus rapide pour parcourir le chemin lui restant jusqu’au pied de Paulin ? Cruelle question ! Je n’en aurai d’ailleurs jamais la réponse. — Oui, tu dois avoir raison , dis-je, ne sachant que répondre. Tous deux se regardèrent avant d’éclater de rire. Clément se laissa tomber sur le gazon. Il tenta de m’expliquer la raison qui les mettait dans cet état, mais ses paroles se perdirent … Je dus attendre qu’ils se remettent de leurs émotions. Paulin peinait à se relever. — 76

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Vraiment, alors comme ça, tu es tombé sous son charme ? — Je … quoi ? — Fouizinette. Je soupirai, levant les yeux au ciel. Elle, c’était Fouizinette, oui. Encore elle ! C’était son surnom : Fouizinette. Je ne me rappelais plus pourquoi nos recherches acharnées et la combinaison de nos diverses idées avaient abouti à ce mot insolite, hors du commun. Tout aussi curieux qu’il était, il s’associait particulièrement bien avec la situation cocasse que j’avais pu vivre la semaine précédente : le vingt cinq juin deux mille sept, soirée inoubliable. Ce soir-là, nous nous étions réunis, Paulin, Clément et moi, juste nous trois, pour fêter mon anniversaire, en petit comité. Seize années d’existence. Nous avions prévu de ne pas nous coucher avant le lever du soleil. Encore une lubie de Clément… Le programme était le suivant : camping dans la salle des fêtes, repas composé de pizzas, chips, bonbons, accompagnés de boissons gazeuses et sucrées uniquement. Paulin s’était, pour l’occasion, initié à l’art culinaire : nous avions eu droit à un gâteau au chocolat qui avait l’apparence d’une crêpe un peu trop épaisse, la couleur du charbon et la texture d’une pâtisserie ayant cuit vingt minutes de trop à 230°C. Après avoir été chercher les équipements pour installer «notre campement» j’avais


déposé le sac contenant la tente à mes pieds et gardé les sardines dans ma main (d’ailleurs elles nous auraient été inutiles, les planter dans le carrelage de la salle des fêtes n’aurait pas été chose facile). Alors que je me dirigeais vers la porte de la pièce voisine, il y eut une panne d’électricité. Nous avions tous les trois laissé nos téléphones portables sur le comptoir, à l’entrée, nous n’avions donc pas de source de lumière à disposition. Il nous était impossible d’avancer sans prendre le risque de trébucher sur le sac de la tente ou bien celui de se cogner à une table. La dimension de la pièce changeait ; Je perdais mes quelques repères, cette salle devenait immense, sans fin ; Je ne pouvais, malgré mes efforts, sentir quelconque matière sous mes doigts, seulement du vide. Une légère brise m’a alors surpris n’en rendant que plus inquiétante l’atmosphère régnante. Nous en étions sûrs, il y avait une personne étrangère dans cette salle. Nous nous étions regroupés au milieu de la pièce ou bien vers l’entrée, ou peut-être étions nous près du comptoir ? Nous ne le savions pas. Les fenêtres étaient toutes ouvertes : nous étions enveloppés d’une fraîcheur surprenante. Nous entendîmes par la suite, le bruit d’une serrure. Nous étions prisonniers. — Aïe ! c’était Clément, il venait de crier.

Nous avions beau l’appeler avec Paulin, nous restions sans réponse… Nous n’étions plus que deux, Paulin et moi. Puis il y eut un fracas, des portes claquaient, des bruits étranges provenaient de la salle voisine. Paulin n’était plus présent à mes côtés, son absence m’était angoissante. Je me retrouvais seul, armé de sardines, j’agitais les bras dans tous les sens (j’avais espéré assommer un être malsain avec l’une d’elles), prêt à faire face à tous les dangers. Ensuite, il y eut un vacarme alarmant, ils étaient plusieurs, au moins dix, si ce n’était plus. Je sentais les sardines glisser de ma main et à partir de cet instant, j’étais repéré. Mes pieds ne touchaient plus le sol et mon corps avait été violemment projeté contre le mur, et une odeur m’empêchait de respirer, ils voulaient m’endormir. Quand tout à coup, la lumière revint et les — «Bon anniversaire» ! jaillirent de tous côtés. Je m’étais retrouvé entouré de tous mes amis. L’un d’eux m’avait amené un miroir, ce n’était pourtant pas une nécessité pour moi que de me contempler, mais, oh ! stupeur ! Cette forte odeur que j’avais pu sentir n’était pas celle du chloroforme (où je ne sais quel autre anesthésique), mais, celle de laques capillaires colorées. Mes cheveux étaient peints de couleurs vives et peu harmonieuses : du rouge, du vert, du bleu, ECRITURES

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du orange avec une petite touche de jaune (tout ce qu’il pouvait y avoir de plus ordinaire). Le restant de la soirée s’était déroulé sans incident majeur. Paulin et Clément avaient pensé à tout : c’était une soirée déguisée, il y avait un buffet froid et des boissons alcoolisées pour le rafraîchissement, de la musique pour l’ambiance. J’avais remarqué une fille au fond de la salle. Elle ne me laissait pas indifférent. J’étais donc allé lui parler, mais je ne lui avais même pas demandé son nom. Puis le fameux slow de la soirée étant arrivé, nous avons dansé ensemble. J’étais (après avoir bu trois ou quatre succulents cocktails allègrement alcoolisés) disposé à lui avouer mes sentiments : c’était ce que je j’avais fait… — Et toi, tu en penses quoi, Fabrice ? Cette éternelle question… Combien de fois Clément et Paulin me l’avaient-ils posée dans la journée ? Une feuille comportant un bon nombre de calculs entra en ma possession. Le raisonnement par l’absurde, je n’y avais jamais rien compris et ce n’était pas à cinq minutes du contrôle que j’allais le comprendre. C’est après avoir désespérément tenté d’attirer mon attention en faisant de grands gestes que Fouizinette décida de venir nous rejoindre. Certes, elle n’avait pas ressorti cette magnifique robe à volants qu’elle portait lors de la soirée déguisée pour mon anniversaire. Seuls un jean, un tee-shirt bleu marine et un pull marron composaient sa garde-robe. Son petit sac à main avait été remplacé par son sac à dos noir, il n’y avait plus de bracelets aux bras, plus de bagues à ses doigts, plus d’épingles dans ses cheveux… Fouizinette venait nous aider pour les calculs de ce fichu raisonnement par l’absurde. Oui ! Absurde, voilà ce qu’était réellement toute cette histoire ! Car, en effet, j’avais déclaré mon amour à mon très cher voisin en sciences-physiques… un garçon.

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Mélanie Riols 3 ème Collège Saint-Exupéry Bram

Le garçon du futur

Dans le lycée Jean-Durand, dans la salle dix-huit qui est le cours de Madame Creg, se trouve, au troisième rang, Théo Klinger, un jeune garçon de seize ans aux cheveux bruns, aux yeux bleus et assez grand. D’un coup, Madame Creg s’arrête : — Théo ça fait la deuxième fois que je m’arrête, tu ne fais que parler avec Thibault. Maintenant, ça suffit. La prochaine fois, c’est une heure de colle ! tu as compris ? Théo, en baissant la tête, — Oui, Madame Creg, je suis désolé ! Thibault est le meilleur ami d’enfance de Théo, lui aussi a seize ans et ils sont dans la même classe. ECRITURES

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Le soir, Théo et ses amis font des sorties, mais aujourd’hui il y a répétition dans le garage de la maison de Théo pour leur groupe : «les djboyfriends». Théo rêve avec son groupe de faire le tour du monde. Le lendemain, Thibault rejoint Théo chez lui comme tous les matins. Thibault dit : — Salut ça va ? Théo répond : — Salut, oui, ça va tranquille, mais mes parents ont reçu le bulletin de notes et devine ? C’était la catastrophe. Ils m’ont dit de me mettre au travail et de moins m’amuser ou sinon le groupe, c’est fini pour moi ! Thibault, choqué : — Oh non ! tu ne peux pas abandonner le groupe comme ça, on a besoin de toi, tu es le meilleur bassiste ! Bon, j’ai eu une idée cette nuit. Pour le groupe, nous devons passer des auditions et prendre une chanteuse pour donner une touche féminine, tu crois pas ? Théo : — Oui, c’est une super idée et si on demandait à Alexia, elle chante bien et elle est plutôt belle ! Bon, écoute, arrivé au lycée je vais la voir. Je suis sûr qu’elle dira oui ! Le trajet se déroule comme tous les jours en passant par le parc des lilas et en bavardant. Il est huit heures, la sonnerie retentit, c’est l’heure du cours de français avec Monsieur Dark. Justement, Théo est assis à coté d’Alexia au 80

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fond de la salle. Il en profite pour lui parler : — Salut Alexia ! ça va ? Il faut que je te demande quelque chose ! Alexia lui répond en souriant : — Salut ! Oui ça va très bien, merci ! Que veux-tu me demander ? Je t’écoute. Théo dit : — Alors, voilà, tu le sais peut-être avec mes copains, nous avons monté un groupe il y a six mois maintenant et on veut trouver une chanteuse et j’ai pensé à toi. Théo trouve Alexia vraiment très belle, elle est brune avec de beaux yeux vert amande. Elle répondit : — Merci, c’est gentil d’avoir pensé à moi ! J’accepte avec plaisir ! La journée passe, la nuit tombe mais au bout de la rue on entend un grand bruit sourd, il vient du garage de Théo. Un des garçons dit : — Demain c’est samedi, si on allait acheter un micro et une nouvelle guitare ? Mon frère nous emmènera ! Tous dirent : — Oui c’est d’accord, alors on se rejoint au square à quatorze heures. La nuit passée, le jour apparaît. Théo se lève et va dans la cuisine prendre son petit déjeuner. Le déjeuner fini, Théo file dans sa chambre faire ses devoirs pour partir l’après-midi. Treize heures trente, Théo sort de table et


part rejoindre les autres au square. Quatorze heures, le frère d’un des garçons les prend dans sa voiture et se dirige vers le magasin de musique de l’autre côté de la ville dans un coin de rue. Ils entrent. Tous disent : — Bonjour, nous voudrions voir un micro et une guitare, s’il vous plaît Le magasinier : — Oui, venez voir avec moi ! Mais avant, je voudrais savoir votre budget ? Les garçons, se cotisant : — Nous avons deux cents euros. Le magasinier réfléchit une seconde et dit : — Alors, voilà un micro dernière génération et il vaut cinquante euros ! Et plus loin, nous avons une guitare à quatre-vingts euros ! Les garçons réfléchissent et disent enfin — Bon, nous avons décidé de prendre le micro et la guitare. Le magasinier leur dit : — Très bien, je vous prépare tout ça ! Alors ça vous fera cent-trente euros ! Merci. Les garçons tout heureux : — Merci, au revoir ! Les garçons sortent les mains pleines et le sourire aux lèvres. Théo dit soudain : — Désolé, les garçons il se fait tard, faut que je rentre. On se revoit lundi ! Ciao ! La nuit tombe et Théo, ayant fini de manger, monte dans sa chambre grande et pleine de posters de groupes, de voitures et se plonge

dans un bon DVD. Minuit, le DVD est fini, Théo s’endort. Soudain, quelque chose lui paralyse les paupières, il ne peut plus se réveiller. Dans son rêve, il s’imagine, lui, dans sa vie future mais une chose étrange modifie son rêve et devient réalité. Il se trouve à New York sur un plateau de concert avec une foule de personnes en délire ! Puis son destin bascule, il se retrouve à Toulouse dans une maison totalement modeste avec une femme, deux magnifiques enfants et, à cette époque, Théo a déjà vingt-huit ans. Il se trouve dans un monde inconnu et ne connaît rien de sa vie. Sa femme, qui se trouve être une fille qu’il a connue en primaire, lui dit bonjour comme si rien ne s’était passé. Théo ne comprenant rien reste sans voix. D’un coup sa femme lui dit : — Mais chéri, qu’est-ce qui t’arrive ? Tu ne te sens pas bien ? Théo répond doucement : — Oui oui, ça va ne t ‘inquiète pas mais j’ai une question à te poser et tu vas me prendre pour un fou mais qu’est-ce que je fais là ? La femme choquée dit : — Mais tu es chez toi et moi je suis ta femme et ce soir c’est à toi d’aller chercher les enfants à l’école. Tu n’a pas oublié tout ça quand même ? Arrête de dire n’importe quoi. Les clefs sont là. Théo d’un air stupide dit : — Mais, où est-elle l’école ? Désolé, mais je ECRITURES

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ne suis pas dans mon assiette aujourd’hui ! La femme rit et lui dit : — Bon écoute, je vais y aller, c’est plus sûr, repose-toi ! Théo part dans le salon, va se coucher sur le canapé et s’endort. La mère et les enfants sont de retour de l’école, Théo est réveillé par les cris des enfants : — Papa ! papa ! Théo, fatigué, est complètement ailleurs. Il part en courant. Dans la rue, Théo rencontre un vieil homme d’un certain âge. Il lui dit : — Viens-là garçon ! Ecoute cette devinette : «seul le futur est le fruit du passé». Et l’homme disparaît. Théo, n’ayant pas du tout compris se répète dans sa tête sans cesse la devise que lui a dite le vieillard avant de disparaître. Il réfléchit mais sans succès. Théo rentre chez lui dans la maison qu’il ne connaît pas avec une femme et des enfants inconnus. La nuit passe. Le jour se lève et Théo décide d’aller dans la rue où il a rencontré le vieillard afin d’avoir plus d’explications et sortir de ce cauchemar. Il arrive dans la rue et le vieillard apparaît. Théo dit : — Mais qui êtes-vous ? Le vieillard répond : — Je suis l’homme qui t’a fait venir ici, celui qui va te faire réfléchir sur ton futur. Là tu es en train de vivre ta vie future. Je sais, 82

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pour toi, cela paraît absurde mais c’est bien réel, enfin presque. Pour toi, tout change mais pour les autres, c’est la vie normale qui continue. La devinette que je t’ai dite, c’est la clef pour sortir de là. Si tu veux, je veux bien t’aider à comprendre la devinette mais c’est à toi, après, de sortir de cette vie, tout seul. Théo dit tout bas : — D’accord j’ai compris et je veux bien de votre aide car tout seul je n’y arriverai pas ! Le vieillard explique : — Alors voilà la devinette «seul le futur est le fruit du passé» veut dire simplement que ce que tu vis maintenant est le fruit de ton passé. Je pense que tu n’as pas compris, alors en plus clair cela veut dire que si tu veux que ton futur soit comme tu le désires, il faut que ton passé, c’est-à-dire avant le rêve, soit meilleur. Si tu as fait des erreurs, ton futur ne sera pas tout rose. Alors, à toi de jouer ! D’abord, il faut que tu assumes ton futur afin de revenir dans le passé pour te faire un futur sur mesure. Tu comprends maintenant ? Théo, fatigué dit : — Oui, j’ai très bien compris mais cela va être difficile ! Je ne sais rien de cette vie, je connais personne ! Mais je vais y arriver, je veux revenir dans le passé, même si c’est vrai que cette histoire est absurde. Je vais tout faire pour réussir et cela me servira de leçon !


Le vieillard disparaît à nouveau et Théo repart chez lui. Arrivé à la maison sa femme lui dit : — Mais chéri tu es bien matinal ! Où étais-tu passé ? Je me suis inquiétée ! Théo décontracté dit : — Oui c’est vrai, je suis matinal, je suis allé me balader. Le grand air m’a fait du bien ! Ne t’inquiète pas, maintenant, je suis là. La discussion finie, la mère accompagne les enfants à l’école et Théo va à son travail comme d’habitude. Mais le problème c’est que Théo ne sait pas où il travaille et il ne connaît pas non plus l’adresse. Il trouve dans une mallette, qui se trouve être celle de son travail une enveloppe, avec à l’intérieur son contrat avec une grande agence d’architecture qui se trouve au coin de la rue. Il part et là-bas à peine arrivé, tout le monde lui saute dessus pour lui dire bonjour et lui demande s’il avait lu et approuvé les maquettes. Théo, ne comprenant rien, leur dit qu’il est désolé mais il a eu un empêchement ce weekend et qu’il les lirait ce soir en rentrant. Il demande à l’accueil où se trouve son bureau, l’hôtesse le regarde étrangement et lui répond quand même. Il arrive devant son bureau et voit inscrit : «Théo Klinger PDG». Il se pose des tonnes de questions et entre. A l’intérieur, un siège très confortable et un immense bureau. La journée passe. C’est ainsi pendant deux mois. Du jour au lendemain, Théo se retrouve dans son lit dans le monde présent. Il a réussi. Le vieillard apparaît et lui dit : — Tu as réussi, je te félicite maintenant prends ton destin en main ! Théo lui répond : — Oui, maintenant, je vais faire attention ! Je vous promets ! Le vieillard disparu, le réveil sonne. Théo se prépare et reprend ses habitudes, il va au lycée et se met à travailler sérieusement. Deux ans s’écoulent et Théo fait de grandes études technologiques tout en gardant son groupe. Et la vie poursuit son cours, jour après jour, et son futur n’est plus le même ! Il réalise son rêve !

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Castelnaudary Lycée Jean Durand

ème

Marie Balladine Bigot

Heure du décès : 8h52

Julie est assise, sur cette chaise en plastique noir. Elle pense qu’ils pourraient en mettre des plus confortables. Voilà deux longues heures qu’elle attend dans cet hôpital, en face de la table basse, où des magazines sont entassés, les uns sur les autres. Elle n’a pas eu la curiosité de les feuilleter. Ils lui ont dit que c’était dans la nuit, qu’une fois de plus, elle l’avait échappé belle, mais qu’il fallait la garder plus longtemps que d’habitude en observation. Une opération était nécessaire. Julie a peur. Elle tremble. A trente-sept ans, elle ressent les mêmes sensations que le jour de son bac. Elle angoisse, les nerfs la prennent, elle voudrait marcher aux côtés de sa petite sœur, et entendre ses histoires d’amour. Plutôt que ses problèmes de cœur... L’odeur de l’hôpital la ramène au réel sur cette chaise qui lui donne mal aux fesses. Elle décide d’aller à l’accueil pour avoir des renseignements. — Bonjour, je voudrais avoir des informations sur Léa Joly, amenée cette nuit. La secrétaire est assez âgée ; Elle doit être proche de la retraite. Sa petite tête blonde, équipée de lunettes rectangulaires aux contours noirs, dépasse un tout petit peu du guichet. Elle est drôle, tellement elle se prend au sérieux. Si Léa était avec Julie, elles rigoleraient bien, mais ce n’est pas le cas.

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La voix de cette petite femme résonne dans les tympans de Julie : — Un docteur va venir, votre sœur est en chambre 313. — Je peux y aller ? où faut-il que j’attende encore et toujours ce docteur ? Julie s’impatiente, ses nerfs craquent, à tel point qu’elle s’imagine arracher le cœur de cette horrible femme pour le donner à sa sœur. — Allez-y, prenez l’ascenseur, répond sèchement la sorcière. Elle se dirige vers l’ascenseur, appuie sur le bouton humide, pour appeler cette machine qui a l’air très peu solide. Elle entre. Elle voit son reflet dans les portes grisâtres. Ses longs cheveux châtain clair sont emmêlés dans tous les sens. Ils l’avaient appelée à quatre heures du matin, elle venait de se coucher. Le téléphone sur la table de chevet se mit à sonner, elle ouvrit ses yeux noirs, elle décrocha, tomba le téléphone, mit les premiers vêtements qu’elle trouva et prit la route pour rejoindre sa sœur. Les portes s’ouvrent, elle sort. L’odeur de l’hôpital s’accentue, Julie met son foulard bleu azur sur son nez, elle marche en direction de la chambre 313. Dans le couloir, elle rencontre plusieurs infirmières, qui ont toutes l’air très gentilles. Peut-être que, grâce à elles, on peut oublier la froideur de ce lieu. Elle arrive devant la chambre, hésite un instant : que va-t-elle trouver derrière cette

porte blanche, traversée par un bandeau rouge ? Pourquoi ont-ils choisi cette couleur dans le service de cardiologie ? C’est quand même osé. Elle a dû le penser à haute voix, car tous les gens dans le couloir se retournent vers elle. Et il y a même une infirmière qui lui rappelle qu’elle est dans un hôpital et qu’elle doit parler moins fort. Julie s’excuse et entre dans la chambre après avoir toqué deux coups. Elle croit que son cœur aussi va lâcher quand elle voit dans quel état est sa petite sœur, branchée de tous les côtés. Une machine respire pour elle. Une perfusion au bras droit. Un masque à oxygène. Un grand drap blanc la recouvre, des pieds aux épaules. Elle est étendue sur le dos, les jambes tendues, les bras le long du corps. Ses cheveux blonds sont soigneusement déposés sous sa tête. Ses paupières sont fermées et cachent ses yeux bleus, si transparents, qu’on y voit son reflet. Julie reste un moment debout à la contempler. Elle ne sait pas si elle est terrorisée, anxieuse, ou rassurée de la voir vivante. Quelqu’un toque à la porte, Julie sort de ses pensées, et dit : — Entrez ! Sa voix bouleversée arrive jusqu’aux oreilles du docteur. — Bonjour ! dit-il en essayant de prendre un ton rassurant. Julie ne répond pas, paralysée par cette ECRITURES

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situation, elle demande précipitamment : — Quand allez-vous l’opérer ? — Il lui faut un nouveau cœur, répondit le docteur calmement. — Mais son pacemaker… Julie fut coupée par le médecin. — Inutilisable, c’est ce qui a provoqué en grande partie sa crise. Sans greffe, elle ne pourra pas sortir de cette chambre. — Elle est donc sur la liste d’attente ? Julie aurait tellement voulu offrir le plus beau des cadeaux à sa sœur, encore si innocente, qui était toujours là pour tout le monde. Un peu embêtante, parfois, mais si pleine de vie. Il fallait tout faire pour que tout recommence comme avant. — Oui, elle est sur la liste, mais il faut que je vous prévienne tout de suite que beaucoup de personnes sont dans le même cas. Cela ne va pas être évident, il va vous falloir de la patience. Le docteur répond calmement, mais cette triste grande sœur comprend que quelque chose ne va pas. Le docteur reprend : — Il faut que je vous dise que son état est très instable, on n’arrive pas à ralentir son cœur. — Vous voulez dire qu’il peut lâcher à tout moment ? Les larmes viennent à ses yeux. Pourquoi cela lui arrivait ? Pourquoi, pourquoi… Cette femme de trente-sept ans, n’arrive pas à réaliser, ou ne veut pas. Tant de choses se bousculent dans sa tête. Cette petite fille qui venait de naître, si expressive déjà. Cet ange, qui tous les soirs, revenait de l’école et allait voir sa grande sœur et lui disait tout. Mais aussi, cette adolescente mal dans sa peau, toujours quelque chose qui n’allait pas. Puis cette lycéenne apprenant qu’elle est en faiblesse à cause de son cœur. Et cette petite soeur, toujours attentive à ce qui se passe dans le monde, pas juste à sa petite personne mais à tous et à tout. En train de réaliser son rêve d’enfant, elle n’avait pas le droit de partir, elle ne devait pas. Un bip continu, fait sortir Julie de ses pensées. Tout le monde s’agite autour d’elle. Elle se tourne vers sa sœur. — Non, je ne veux pas, sans toi…. non je t’en prie ne t’en va pas, reste avec ta famille. Les yeux de Léa s’ouvrent, regardent Julie, et un sourire incertain se fait sur les joues de cette femme qui n’avait pas réalisé son rêve. Julie sait que c’est fini. Elle s’effondre sur le sol dur, elle prend sa tête dans ses mains et revoit le sourire de sa sœur. Heure du décès : 8h52

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Pierre Latché 3 èmé Castelnaudary collège Blaise d’Auriol

l’histoire secrète

Il était 23h36, et cela faisait maintenant bientôt dix heures que le conseil était réuni, quand ils décidèrent d’accepter le projet d’un nouvel avion hypersonique capable de transporter 6 000 personnes, le tout couronné d’une consommation minimale. Je sortis de la salle exigüe, des poches se formant sous mes yeux noirs, ravi de savoir que mon avion glisserait un jour sur les nuages. J’avais travaillé avec acharnement pendant presque trois ans dans le seul espoir de voir un jour mon avion voler. D’un pas nonchalant, je contournai le bâtiment C et me rendis dans ma chambre du dortoir de la base aéronautique de Houston. Je m’émerveillais chaque jour en regardant les plans et les croquis qui jonchaient mon bureau. ECRITURES

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Pendant les deux ans qui suivirent le colloque j’allais chaque jour à l’atelier voir l’avancée des travaux. À l’approche du moment fatidique, l’angoisse et le stress s’étaient emparés de moi. J’étais méconnaissable dans mon blazer acheté 5 000 $ chez Barcklett pour l’heureux événement. Mon regard vide se promenait sur la foule impatiente qui s’était massée devant le hangar 3. Quand le portail s’ouvrit, tout le monde retint son souffle et soudain il apparut ! Énorme, extraordinaire, magique ! Caché derrière mes mains, je pleurai malgré les tapes amicales que je sentais s’abattre sur mon dos ; je restais là, impassible, songeant à l’exploit que je venais de réaliser. Les escaliers se déplièrent et je montai dans la carlingue avec, pour toute compagnie, le pilote expérimenté Andrew Newman dit ‘’Flyboy’’. Ce dernier vérifia scrupuleusement les règles de sécurité. Il alluma les moteurs dans un bruit sourd et l’avion décolla à une vitesse fulgurante. Au dehors, la foule criait, hurlait, scandait mon nom : «Joshua, Joshua !» J’étais radieux tandis que je contemplais le cockpit innondé de lumière, fruit de mon travail. Bientôt l’avion survola Dallas et Andrew baissa les gaz pour atterrir sur le tarmac de l’aéroport de Washington ; mais la vitesse ne diminua pas. Il réessaya, sans aucun effet. Paniqués, nous appuyâmes sur 88

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toutes les commandes quand nous repérâmes un petit bouton bleu ciel sous le tableau de commande. Ne se doutant pas qu’il s’agissait d’une option camouflage, Andrew appuya longtemps et l’avion se changea en Boeing 747. Soudain, je saisis la radio : — Allo, Houston? Nous avons un problème ! Un grésillement se fit entendre et puis... plus rien, la radio avait été coupée. Bientôt, New-York et ses buildings s’offrirent à nous. Andrew essaya de redresser notre trajectoire mais l’avion ne bougea pas de sa position initiale. Au loin, les deux tours majestueuses du World Trade Center apparurent à nos yeux. Tandis qu’elles approchaient, nous vîmes un immense nuage de fumée opaque sortir d’un immense trou béant dans les vitres de la tour n°1. Notre avion s’abattit alors sur la façade de la deuxième tour. La foule criait, courait dans tous les sens sous l’épaisse volute de fumée. Une tour s’effondra alors. Des milliers de gens massés près de là regardaient avec effarement ce spectacle macabre. Ils ne se doutaient guère que quelques centaines de mètres plus haut, deux hommes étaient suspendus à un fil. Dans un excès de lucidité, j’avais sorti le parachute et saisi Andrew par la taille. Alors, nous nous laissions dériver, priant pour notre salut.


Quelques minutes plus tard - qui nous parurent une éternité - nous rencontrions une surface rude et nous nous demandions si nous n’étions pas morts. Avec soulagement nous reconnûmes les jardins désespérément déserts de Central Park. Ma tante habitant dans les environs, nous nous rendîmes chez elle tout crasseux et honteux que nous étions. Aujourd’hui, à 85 ans, je rédige sur mon lit de mort ma dernière lettre, pour permettre à l’humanité de comprendre ce qui s’est vraiment passé ce 11 septembre 2001.

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Lucile Bruel 3 ème Carcassonne Collège Jeanne d’Arc

Lié à jamais

Sophie commence à enlever les premiers cartons, d’abord les vider, puis les jeter au fur et à mesure qu’elle les trie. — Boudu ! Comment ai-je pu envoyer toutes ces saletés au grenier sans même les trier avant ! Peu importe, elle continue tout l’après-midi… Vers 19 heures du soir, elle n’a toujours pas mangé. Elle s’apprête à partir, lorsqu’elle arrive vers les affaires de ses parents. Derrière, se trouvent des choses plus anciennes qui appartenaient probablement à ses grands-parents, ou à ses arrières grands-parents. 90

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Elle pense à faire un vide-grenier, mais lorsqu’elle s’aperçoit qu’elle ferait une énorme bêtise si elle vendait toutes ces antiquités, elle se met à les examiner. Une fois toutes ces affaires récentes jetées, il ne reste plus que quelques affaires de ses parents, et toutes les antiquités qui envahissent le fond du grenier. Elle va manger une petite salade, un yogourt et un fruit, car elle est pressée de découvrir tous les mystères de l’époque. Il y a des meubles coûtant une fortune, des lettres de l’ancien temps, et des tas de choses, qui, après un bon nettoyage, pourraient devenir des objets de fortune, et qui la rendraient milliardaire. Sophie était orpheline depuis l’âge de 11 ans, élevée dans une famille d’accueil, chez son oncle et sa tante, dans la région parisienne. Lorsqu’elle eut 20 ans, elle revint habiter dans son ancienne maison, celle dans laquelle elle avait vécu toute petite, avec ses vrais parents. Cette maison, qui se trouve en Bretagne, lui parut immense. Cinq mois plus tard, Sophie habite dans sa nouvelle maison, et est très fière de son aménagement. Parfois, il lui arrive de passer un petit coup de téléphone à ses «parents adoptifs» qui étaient en fait, son oncle et sa tante du côté paternel. Ceux-ci sont toujours très heureux de recevoir des nouvelles de cette jeune fille à laquelle ils se sont très fortement attachés. Dès que Sophie fût bien installée, elle chercha pendant un certain

moment des lieux dans lesquels elle pourrait trouver un poste pour gagner un peu d’argent. Un beau jour, elle apprit qu’elle était prise en tant que stagiaire dans une pharmacie. Cela fut, pour Sophie, un grand soulagement. Sophie décide d’aller se coucher, car il se fait tard et elle est très fatiguée. Demain, elle reprend le boulot, et elle n’a absolument pas l’intention de perdre son job… Le surlendemain soir, c’est le week-end. La jeune fille va faire des recherches pour trouver un traiteur de meubles, et demander conseil pour savoir quoi en faire. Elle ne veut pas les vendre, car elle sait qu’ils appartenaient à ses ancêtres, et que ce n’est pas n’importe quoi. En regardant avec une lampe de poche le fin fond de son grenier, elle aperçoit une petite boîte. Elle prend son mal en patience pour dégager tous les meubles qui l’empêchent de l’atteindre. Une fois la boîte devant elle, elle l’ouvre, et à son grand étonnement, la boîte ne s’ouvre pas… Sur l’objet se trouvent les inscriptions suivantes : «Lili. P. Gambru». Elle fait des recherches, en parle à ses oncles et tantes, et apprend que c’était le surnom de son arrière grand-mère, et l’initiale de son arrière grandpère, avec leur nom : «Gambru» celui même de Sophie. Même après insistance, la boîte ne s’ouvre toujours pas. Sur celle-ci, près des inscriptions, se trouvent deux colombes portant deux bagues de fiançailles ; et tout cela, gravé dans le bois d’olivier. ECRITURES

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Elle descend cette boîte, et la laisse errer dans sa chambre plusieurs années, sans jamais essayer de l’ouvrir. Cinq ans plus tard, en vidant son grenier, Sophie trouve une enveloppe coincée entre deux meubles, dédiée à ses charmants enfants, qui n’a d’ailleurs jamais été ouverte. En glissant sa main dans l’enveloppe, Sophie en sort une petite clef pas plus grosse que son petit doigt. Sans avoir oublié la découverte de la boîte dans le grenier, Sophie comprend instantanément, descend dans sa chambre, insère la clef dans la serrure, ouvre la boîte, et découvre deux bagues de fiançailles qui avaient été liées, et mises délicatement à jamais, sur un petit coussin de soie rouge. Sophie fait creuser la tombe de ses arrières grands-parents, et dépose dans une charmante petite boîte, les deux bagues, liées à jamais, et fait reboucher la tombe. Une larme coule sur sa joue. Sophie Gambru est très émue. Arrivée chez elle, la jeune femme dépose la belle boîte en bois d’olivier dans sa chambre à coucher. La boîte est bien évidemment vide. Jusqu’au grand jour, lorsqu’elle se mariera à son tour…

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Clément Tonon 3ème Castelnaudary Collège Blaise d’Auriol

Mon combat

— Vous avez été sélectionné n°5682. Félicitations. Veuillez patienter, un responsable s’occupera de vous dans un instant. Le n°5682 poussa un soupir exaspéré. Une demi-heure qu’elle poirotait dans la pièce plongée dans l’obscurité et que la voix d’hôtesse de l’air répétait mécaniquement le même message invariable. — Vous avez été sélectionné ... Vesper - c’était le nom du n°5682 - n’écoutait plus. Elle repensait en frissonnant aux dix dernières années et à la raison de sa présence dans la pièce sombre. Tout s’était passé si vite ... L’élection du néo-nazi Sigmund Von Spaark à la présidence de l’Allemagne avait tout déclenché : le pourri avait un réseau solide et une intelligence hors du commun. En moins d’un an, les deux tiers de l’Europe se réclamaient de la doctrine hitlérienne. ECRITURES

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Les Etats-Unis, la France et l’Angleterre ne purent empêcher la multiplication du phénomène, et en 2092, la Russie et le Japon rejoignirent les rangs des Allemands. Pendant six mois, des échanges diplomatiques tendus se déroulèrent entre les deux partis qui divisaient le monde. Mais la guerre était inévitable... Elle dura près de cinq ans et en avril 2098, les Etats-Unis envoyèrent la première bombe atomique. Un engin enrichi, près de six fois plus puissant que son ancêtre des années 2000. Moscou rasée, la riposte fut immédiate et le monde entra dans une guerre nucléaire sans retenue qui éradiqua en moins d’un an 98 % de la population mondiale. Les retombées radioactives ne permettant pas la survie à la surface du globe, les rescapés s’enterrèrent et bâtirent un complexe souterrain dirigé par un conseil de douze scientifiques corrompus. Par couardise, «les éxécrés» comme on les appelle, obligent hommes et femmes à vivre comme des forçats dans des cellules gardées par des créatures génétiquement modifiées dès leur conception. Cependant, il y a un mois, un espoir avait éclairci la sombre destinée de l’humanité. Une machine capable de ... — Nème5682 ! La voix s’était faite froide et cassante comme du verre. Après un entraînement de deux mois, vous avez été sélectionné pour remplir la mission qui doit préserver l’humanité toute entière. Vesper 94

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sourit. Au moins, personne ne lui mettait la pression. Vous n’êtes pas sans savoir qu’un prototype de véhicule spacio-temporel a été mis au point par mes confrères et moimême. Quant à votre objectif, j’irai droit au but : vous devez remonter jusqu’en 1903, trouver et convaincre l’adolescent qu’était Hitler à l’époque de renoncer à ses projets de destruction et ... Vesper n’avait pu se contenir et riait aux larmes. — Convaincre Hitler de ne pas être Hitler ! Pourquoi ne pas le tuer et revenir ici dans un monde tout nouveau, tout beau, peuplé d’éléphants roses et d’ours en peluche ? L’interphone pendu au plafond laissa échapper un ricanement plein de hauteur : — Nème5682, sachez que cela fait trois ans que nous travaillons sur ce projet et si la possibilité de tuer Hitler avait pu être concrétisée, soyez assuré que nous n’aurions pas hésité. Souvenez-vous bien que lorsque vous serez là-bas, personne ne doit mourir à cause de vous : les changements temporels pourraient être trop importants et j’exagère à peine en vous disant que si vous écrasez ne serait-ce qu’une mouche, le monde pourrait être gouverné par des orangs-outans anarchistes à l’heure qu’il est ! Cette fois-ci, Vesper ne souriait plus : elle prenait enfin conscience de l’enjeu de sa mission et du fardeau gigantesque qu’elle devait supporter. Lorsqu’elle ouvrit la bouche


pour parler, elle fut surprise de n’entendre qu’un murmure : — Et quand dois-je partir ? Personne ne répondit, mais, à l’extrémité de la pièce, une porte s’ouvrit, laissant filtrer un rayon de lumière. Comme dans un rêve, elle pénétra dans la petite pièce lumineuse qui avait pour seul mobilier une table minuscule à trois pieds. Vesper s’approcha et remarqua qu’un dossier y avait été déposé. Elle le prit et l’ouvrit. À l’intérieur, elle trouva des photos de la famille Hitler, des documents sur le mode de vie de l’époque et un exemplaire de «Mein Kampf». — Ces documents et un peu d’argent d’époque sont les seuls objets que vous pourrez emporter. Il va sans dire que vous devez les ramener tous sans exception. Vesper n’écoutait pas. Elle était fascinée par une photographie montrant Hitler jeune en train d’arranguer une foule d’étudiants. Quelque chose clochait sur cette image mais elle ne parvenait pas à savoir quoi. Cette anomalie la perturbait encore quand elle pénétra dans la salle suivante. Elle laissa des hommes, qu’elle ne connaissait, pas la sangler sur ce qu’elle prit d’abord pour une table de torture. Cependant, quand on lui colla toute une série d’électrodes sur le corps, elle comprit que c’était ça, le véhicule spacio-temporel. — Vous devrez vous faire passer pour une femme de ménage et gagner la confiance

de la famille Hitler. La deuxième phase de votre mission sera «d’éduquer» Adolf et de le mener dans le droit chemin, si je puis dire. Bonne chance. Ayant à peine eu le temps de soupirer, Vesper sentit une douleur atroce dans son crâne et elle perdit aussitôt connaissance. Quand elle se réveilla, elle était nue dans une impasse sombre et déserte du Vienne du début du XX ème siècle. Elle se mit à tousser : c’était la première fois depuis des années qu’elle respirait autre chose que l’air vicié des souterrains de 2100. Elle récupéra le dossier qui avait échoué à quelques centimètres d’elle et se vêtit des haillons qu’elle put trouver dans les poubelles de la ruelle crasseuse. Elle prit l’argent et après avoir consulté ses documents, alla s’acheter des vêtements propres. Vesper fut ravie de voir que son allemand était toujours aussi fluide et elle se mit bientôt à questionner les passants pour connaître le domicile des Hitler. Après quatre heures de recherche, elle arriva devant une bâtisse modeste des faubourgs de la ville. Elle frappa à la porte et attendit plusieurs minutes avant qu’un homme quelconque au visage triste et terne vint lui ouvrir sa porte. — Bonjour, je suis femme de ménage et je cherche du travail. Seriez-vous ...? Sans un mot, l’homme lui avait fermé sa porte au nez. ECRITURES

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Des éclats de voix retentirent à l’intérieur et une minute plus tard, elle se rouvrit, laissant entrevoir le visage d’une femme magnifique, un sourire encourageant à la bouche. — Excusez mon mari qui est un peu brutal avec les inconnus. Alors, vous êtes femme de ménage ? C’est si difficile de trouver de bonnes ménagères de nos jours. Je vous en prie, entrez. Surprise, Vesper suivit Mme Hitler jusque dans une maison décorée avec goût mais dans laquelle planait un climat de pauvreté. — Je vous en prie, asseyez-vous. Allongée sur le lit de la petite mansarde, Vesper souriait. Tout avait été si facile. Mme Hitler était une personne remarquable et les deux femmes s’étaient tout de suite séduites mutuellement. Un quart d’heure après son entrée dans la maison, elle était engagée. Elle avait bientôt fait la connaissance de Mr Hitler, douanier simple, souvent trompé par sa trop séduisante femme et du jeune Adolf. L’adolescent pâle et chétif était en permanence rivé à sa peinture. Son rêve était d’entrer à l’Ecole des Beaux Arts de Vienne et Vesper trouvait que le petit avait un talent indéniable. Dommage qu’il soit un monstre... Il n’avait pas prononcé un seul mot de toute la journée. Les jours suivants s’étaient mieux passés et au bout de deux semaines, Vesper était «presque» de la famille. 96

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Elle avait pu dérider Adolf et était vite devenue la confidente de cet enfant perturbé et repoussé par ses camarades. Pendant un mois, elle avait essayé au maximum de lui inculquer des préceptes de générosité et de tolérance et l’adolescent s’était révélé sensible et doux. Souvent, ils faisaient des débats philosophiques et c’était toujours lui qui avait l’opinion la plus mesurée et sage. Malgré ces qualités, Vesper trouvait qu’il était trop influencé par ses lectures et qu’il avait un esprit trop aisément influençable. Cependant, au bout de six mois, elle estimait qu’elle avait rempli sa mission avec brio et qu’elle avait sauvé le monde. C’est pourquoi, la veille, elle avait envoyé une lettre portant le code «l’aigle est mort» au 5 rue Frédéric Le Grand à Hambourg. Cette adresse n’existait pas, mais les scientifiques lui avaient affirmé que c’était le seul moyen de communiquer d’une époque à l’autre : elle devait être rapatriée dans quelques heures. Vesper se réveilla sur la «table de torture». Quelque chose n’allait pas. Tout était sombre, tout était...inchangé. — Vous avez échoué n°5682. La voix était sans émotion et un sentiment de dégoût transperça le coeur de Vesper. — Mais comment est-ce possible ? J’avais... J’ai réussi ! Sa voix s’étouffa en sanglots.


— Reconduisez-la dans sa cellule. Vesper n’avait même pas la force de résister et elle se laissa traîner à travers la prison souterraine jusque dans sa cellule. Là, elle pleura pendant des heures, affalée sur le sol. Soudain, elle remarqua le dossier qu’elle avait ramené de son expédition. Elle le jeta rageusement contre les barreaux de la porte et les feuilles s’éparpillèrent dans la pièce. Les feuilles ? Où était passé le livre, l’exemplaire de «Mein Kampf» ? Bah, sans doute tombé en route, et puis de toute façon... Soudain, Vesper sentit une goutte de sueur ruisseler le long de son dos. Un doute l’assaillit et elle se précipita sur les photos éparpillées sur le sol. Elle trouva enfin ce qu’elle cherchait et poussa un cri de douleur et de désespoir. La chose qui l’avait intriguée avant son départ sur la photo d’Hitler étudiant, c’était le petit livre qu’il tenait à la main, un exemplaire de «Mein Kampf» d’une édition étrange pour l’époque, près de vingt ans avant qu’il eut du être écrit.

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Castelnaudary Lycée jean Durand

Claire Vicario 3 ème

La mort de l’Ange

Le vent gagne toujours en puissance, emportant la lourde neige qui s’accumule maintenant en une couche épaisse et collante sur l’herbe. Le lac en contrebas et la forêt environnante ne sont plus discernables au travers des tourbillons glacés. Seules les fenêtres illuminées du grand chalet se voient toujours. A l’intérieur, le groupe d’enfants s’assoit à même le sol, autour de la cheminée centrale. L’un d’eux tire la manche de sa voisine adulte : — Allez ! Commence, Andréa ! — Pas avant que la personne qui n’est pas à sa place parmi nous s’en rende compte. Une adolescente lève la tête devant le silence pesant de ses amis. 98

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Elle prend un air surpris : — On me parle ? — Inutile, c’est ton tour de corvée ce soir. Comme d’habitude : tu rapportes les bûches, celles de la bergerie, elles sont plus petites, et dépêche-toi, le feu commence à baisser. La fille grogne, enfile bottes, écharpe, manteau, bonnet et gants, puis sort en claquant la porte. La rafale qui s’est engouffrée fait frissonner les flammes et le cercle de gamins. Une fillette s’exclame : — Mais elle va manquer l’histoire ! Andrea a un geste désinvolte : — Alors, je raconte, oui ou non ? Un tonnerre d’exclamations affirmatives lui répond et elle débute son récit : Il était une fois, par une effroyable nuit d’hiver, une famille pauvre perdue dans ces montagnes. Les parents et leurs deux filles, torturés par la faim, se tassaient dans un cabanon abandonné. La plus jeune des enfants était gravement malade. Sa sœur lui avait donné son étole afin que la petite se réchauffe, mais rien n’y faisait et son père l’obligea à chercher de quoi faire un feu. L’aînée obéit et sortit, le ventre à l’agonie, vêtue d’une simple tunique et chaussée de sandales. A peine s’était-elle éloignée d’une vingtaine de pas qu’elle avait perdu ses repères. Le vent mordant et chargé de neige l’empêchait quasiment d’ouvrir les yeux. L’adolescente voulut faire demi-tour, se mit à crier, à courir, paniquée, dans la tempête

blanche. Elle ne vit pas le cabanon qu’elle dépassa sans s’arrêter. Elle ne vit pas la pente abrupte s’assimilant à un ravin. Elle glissa, tomba pendant une dizaine de mètres et perdit douloureusement connaissance. A son réveil, elle était enfoncée dans la neige qui avait amorti sa chute. La nuit l’entourait, son sang s’échappait de multiples égratignures sur sa peau pâle, la tête lui tournait. Elle se dégagea et se mit difficilement debout, encore stupéfaite d’avoir survécue à son plongeon et au froid. Elle entreprit de chercher un endroit où l’ascension serait moins difficile. Elle ne sentait plus ses mains et ses pieds maintenant nus, le souffle gelé meurtrissait son visage. Elle commença à marcher. Elle errait depuis quelques minutes quand elle l’entendit malgré le mugissement de la tempête. Les yeux aveugles de la jeune fille scrutèrent les ténèbres et elle le vit. Il avait l’air aussi mal en point qu’elle. Et aussi affamé. L’odeur du sang et la silhouette frêle de l’adolescente avait dû l’attirer. Le loup s’approcha, babines retroussées. Elle voulut fuir et se contenta de trébucher. Il était déjà sur elle. Elle pouvait sentir son haleine fétide et ses griffes qui lui lacéraient le ventre. Elle se saisit à tâtons d’une branche et le frappa des dernières forces qui lui restaient. La bête grogna de douleur et de colère, repoussa son bras et mordit. Elle hurla. Longtemps. Le vent s’était tu pour écouter son agonie. Elle savait que ses parents étaient au-dessus ECRITURES

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d’elle, quelque part au sommet de la côte. Elle espérait qu’ils l’entendent dans le froid silence nocturne. Elle savait qu’ils l’entendaient. Ils ne firent rien. Dans un sursaut de haine, elle jura de revenir des Enfers et d’emporter avec elle tous les enfants seuls de ces montagnes endormies, afin que leurs parents ressentent la souffrance qu’elle avait éprouvée et que ses propres géniteurs avaient ignorée. — Bou ! Un bambin émet un cri strident après que son voisin lui a causé la plus grande peur de sa jeune vie. Tout le monde rit. Andréa se lève. — Au lit, maintenant ! De multiples lamentations font écho à sa déclaration mais les petits membres de la colonie se dirigent tout de même vers les étages, à la suite de leur monitrice. Une fillette s’arrête néanmoins au bas des marches et fixe soucieusement la porte. — Qu’y a-t-il ? questionne son petit frère. — Cela fait plusieurs minutes qu’elle est sortie. Ange devrait être de retour à présent. — Ne t’en fais pas, la bergerie est un peu loin, elle va bientôt rentrer. Allez, viens, il faut qu’on se lave les dents. Ils montent. Dehors, une adolescente s’écarte de la fenêtre d’où elle a écouté la légende. Elle se dirige à pas lents vers le lac. L’air hivernal qui s’engouffre dans les déchirures de sa fine tunique ne semble pas la gêner. La glace fond sous ses pieds et la neige qui tombe se change en cendres avant de toucher sa peau. Le feu infernal de la vengeance brûle au fond de ses iris sombres. Dans ses bras graciles repose une enfant tout juste plus jeune qu’elle. La fillette dort. Paisiblement. Elle n’a pas froid. Elle n’aura plus jamais froid.

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Justine Collin-Garnier 3ème Castelnaudary Collège Blaise d’Auriol

Petit éloge mesquin

Clac, Clac, Clac. J’adore le bruit de mon talon qui cogne sur ce sol sec. Il ne pleuvait pas encore, bien que les nuages fussent denses et opaques. J’étais légèrement plus décontracté ; je pouvais enfin souffler, j’étais soulagé d’avoir enfin la rue pour moi seul. Au loin, je vis des phares surgir. Le véhicule manqua de renverser une femme qui dut sauter sur le trottoir. Je me précipitai sur la chaussée : soit la voiture tournait dans la dernière rue qui se présentait à elle, soit elle m’écrasait direct. La voiture continua son chemin sans me prêter attention. Vexé, je tournai les talons et filai. Je continuais à marcher seul dans la rue. Le brouillard s’était levé. Il faisait froid. ECRITURES

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Je passai plusieurs fois de suite mes doigts dans mes cheveux bouclés. J’essayais de faire le vide autour de moi. L’allée était calme. J’avais un drôle de pressentiment, la sensation d’être observé. J’étais persuadé qu’on me guettait. En tout cas, je ne me sentais vraiment pas en sécurité. Ça me fait penser que je ne me suis pas encore présenté à vous : mon unique conscience. Cela fait longtemps que je ne vous ai pas parlé. Mes parents m’ont appelé Matteo. J’ai toujours haï ce prénom. Pour mes amis : j’étais Matt. Mais ça ne me plaisait pas plus. Alors je me suis rebaptisé par un autre nom. J’ai toujours aimé la solitude avant que je rencontre Angel : 16 ans, un an de moins que moi, intelligente et réfléchie, souvent maladroite mais je l’aimais comme ça. Dans le nuage parfumé d’un soir, je me rappelle de cette jeune fille brune aux yeux bleus qui s’était glissée entre mes bras sans un mot. Le contact de sa chair m’avait rendu fou de désir pour elle. Mais tout cela était du passé. Je marchais toujours avec inquiétude jusqu’au moment où une voix féminine m’obligea à quitter mes pensées. — Matteo, attends-moi ! Je me retourne, mon regard reste figé. — Matteo, discutons de nous pour une fois … je t’écoute. Je continue à marcher sans lui prêter aucune 102

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attention et puis soudain un son sortit de ma bouche sans en avoir vraiment envie. — Mon univers n’est pas fait pour toi Angel. — Ce qui s’est passé avec Stéphane ce n’était rien Matteo, rien du tout ! — En effet. Il est juste arrivé ce qui devait tôt ou tard arriver. — Tu m’avais promis de jamais me faire ça, Matt. — Je pense que c’est ce qu’il y a de mieux pour toi, lui dis-je d’un ton brusque. — Cesse de jouer l’enfant, je t’en prie ! — Je te quitte, Angel tu comprends, ce que tu m’as fait je ne te le pardonnerai jamais, je ne rigole pas. — Tu … me … quittes ? enchaîna-t-elle lentement, dégoûtée par les mots que je venais de prononcer devant elle. — Oui ! Elle me fixait sans un mot, plongeant ses yeux bleus dans les miens. — Une partie de moi t’aimera toujours, j’ai trop longtemps fermé les yeux. Angel tu ne m’aimes pas pour ce que je suis. J’en suis désolé. — Arrête ! Ne dis pas ça ! — Tu ne m’apportes rien de bon Angel. Depuis que je t’ai vue dans les bras de cet autre garçon tout va de travers entre nous. Tu l’as bien remarqué. C’est même toi qui m’as fait cette réflexion. — Si … c’est ce que tu souhaites, finit-elle


par murmurer. — Fais attention à toi ma jolie ! — Oui, dit-elle timidement. — Promets-moi... — Je te le jure … — En échange de ça je vais te faire une promesse Angel. — Je t’écoute. — Je te jure que tu ne me reverras plus jamais. Je m’effacerai de ta vie, comme je suis en train de le faire pour toi. Le temps guérit les blessures. — J’ai le cœur qui s’accélère. Est-ce normal Matteo, je me sens pas vraiment bien ? — Ça doit être le choc de mes paroles ma jolie. — Tu n’as vraiment aucun scrupule. — Comme toi tu l’as fait pour moi le jour où tu as décidé de te blottir contre un inconnu, sans même vérifier que j’étais véritablement absent à la soirée. Fais attention à toi tout de même ! Elle partit au loin sans jeter un dernier coup d’œil à mon visage. Je marchais quand même sans réfléchir. Je n’étais capable de rien d’autre. J’avançais, j’avançais encore, j’avançais toujours. Je n’avais pas réalisé combien j’avais été brutal avec elle. Je ne pensais pas avoir de regrets même si les vagues de souffrance, qui, jusqu’alors, s’étaient contentées de m’effleurer, se soulevèrent en rugissant avant de s’abattre sur moi et de m’engloutir….

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Louise Pinel 3ème Castelnaudary Collège Blaise d’Auriol

Petty France

Chapitre 1 Le 20 juillet 1807 à Londres. Eleanora, une jeune fille de 18 ans, vit à Londres dans une famille issue de la haute bourgeoisie. Sa demeure, somptueusement bien décorée au goût de sa mère mais, trop morbide pour la demoiselle, se situe à Petty France non loin de Westminster. Dans le salon de la maison, règne une ambiance triste, sans vie. La pièce, toute sombre est éclairée par deux petites lampes accrochées au mur opposé à la fenêtre. L’air y est froid et il y a une fine odeur d’encens qui s’échappe d’un recoin non éclairé par les bougies. Une femme, assez robuste, brune et petite, rentre dans la pièce et appelle sa fille. — Eleanora ! s’écrie-t-elle, viens me voir, il faut que je te parle. — J’arrive, lui répond la jeune fille blonde. Me voilà. Pourquoi m’avez-vous appelée ? — Je pense que tu es au courant, c’est à propos du bal de la semaine prochaine, il est hors de question que tu-t’y rendes ! Lui ordonna sa mère. — Mais… je ne peux pas, mon carnet de bal est déjà rempli et je suis déjà prête. 104

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— Bien, alors annule tout, comme ça tout sera parfait. Et ne viens pas me le redemander, tu connaîtras mon avis et je ne reviendrai pas en arrière ! Insista la petite femme, anxieuse de l’acharnement de sa fille. — Mais pourquoi m’interdisez-vous ce bal plutôt qu’un autre, de quoi avez-vous peur ? — Si tu vas à ce bal, tu me le payeras, c’est compris ? Et tu n’as pas intérêt à me désobéir, car tu sais de quoi je suis capable ! Son regard lance des éclairs, donc la jeune fille aux yeux bleus n’ose pas répondre mais la défie du regard. Les étincelles que le diable lui lance peuvent laisser croire que cette femme est capable de tout et qu’ un secret se cache derrière ce simple bal. Donc, Eleanora a encore plus envie de percer ce mystère et pour cela elle doit désobéir à sa mère. Que lui fera-t-elle si elle désobéit ? De quoi ce démon est capable ? Et surtout, quel secret découvrira-t-elle si elle va à ce fameux bal ? Chapitre 2 Le 20 juillet 2007 à Londres. Nora ne sait plus où donner de la tête. Cette jeune fille de 18 ans cherche une tenue dans son armoire pour une fête assez spéciale, à

leur arrivée, sa mère et elle, la maison était lugubre, froide et triste. Sa mère, au grand étonnement de sa fille n’avait pas voulu changer cette décoration. Le téléphone sonne et sort la jeune fille de ses pensées. Elle répond. — Oui, c’est moi, dit son interlocuteur. — Qui est-ce ce moi ? — Tu ne me reconnais pas ! c’est ta mère ! s’étonna la femme. — Excuse moi, je suis très occupée et… — Ah bon ? et… Pourquoi ? demanda sa mère d’une voix faussement innocente. — Bien pour les préparatifs de la fête au château… — Que t’ai-je répété plus d’une fois ? — Oui, mais je suis majeure et vaccinée, ne te fais pas de soucis pour moi tu sais ! — Ce n’est pas une question d’âge, je suis ta mère et j’ai le droit de prendre des décisions pour toi ! — Je n’ai aucune envie de parler de ça avec toi ! Au revoir ! s’énerve Nora. Elle raccroche et remonte ses cheveux blonds et longs en queue de cheval. Pourquoi sa mère ne voulait-elle pas qu’elle aille à cette cérémonie ? Elle savait que sa

Westminster, non loin de chez elle. Cela ne fait pas très longtemps qu’elle vit dans cette maison, mais elle lui rappelle quelque chose. Cela faisait plus d’un siècle qu’elle n’avait pas été habitée et l’ancienne propriétaire a disparu dans d’étranges circonstances. A

mère était particulière, mais à ce point, cela ne lui ressemblait vraiment pas. Elle n’a toujours pas trouvé de tenue pour cette soirée, mais elle pense qu’elle trouvera son bonheur dans un magasin. Dans sa voiture, le froid a givré le pare-brise ECRITURES

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et elle doit attendre de le déglacer. Au fur et à mesure que le gel s’en va, il s’inscrit quelque chose sur le verre... Malédiction... Nora ne peut s’empêcher de pousser un cri car on lui avait dit que la maison était hantée. Derrière les buissons, une petite femme brune l’observe. Chapitre 3 Le 24 juillet 1807 à Londres. Judith, la mère d’Eléonora, ne supporte plus les bagatelles qu’elle et sa fille ont. Cela fait quatre jours que la jeune fille argumente sans cesse pour pouvoir aller au bal mais ce qu’elle découvrirait la traumatiserait à jamais : le mieux pour elle est qu’elle ne sache rien d’un secret pourtant si lourd à porter toute seule. Ou alors s’en débarrasser pour de bon pour enfin libérer sa conscience ? Oui c’est cela, il faut l’évacuer au plus vite. Dans le salon, dans un recoin où la lumière ne parvient pas à passer, se trouve une porte, un passage. Cela fait si longtemps qu’elle n’y est pas allée, ce serait le moment propice. Pour cela, il faut accepter et céder à la demande que sa fille ne cesse de faire depuis des semaines et Judith aura gagné, sera enfin libérée, après dix-huit ans de mensonges et de secrets. Cela faisait trois heures maintenant que Judith était enfermée dans cette fameuse pièce et maintenant, elle vient d’en sortir. Avant d’y rentrer, elle avait donné rendez106

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vous à sa fille dans le salon et donc, elles viennent de se retrouver. La mère de la jeune fille lui avait annoncé qu’elle avait une nouvelle à lui annoncer. — Ma fille, commence Judith, j’ai beaucoup réfléchi, et, comme j’ai remarqué que mes efforts allaient de mal en pis pour te garder, j’ai décidé de t’autoriser à aller à cette fête, et, pour te montrer que je n’ai pas d’arrières pensées, je t’offre ce collier qui appartient à ma famille depuis des générations. Elle ouvre l’écrin et un collier de perles doté d’un rubis apparaît. — Mais… il ne fallait pas ! Merci beaucoup mère ! Je ne sais pas quoi dire, il est magnifique ! Le lendemain soir, jour du bal au château de Westminster, Eléonora a mis une robe rouge et le collier que sa mère, Judith lui a offert hier. Elle est arrivée au château mais n’ose pas entrer car elle veut savoir pourquoi il y avait tant d’appréhension dans le refus de sa mère. De l’extérieur, elle découvre l’intérieur du château, et n’hésite plus à entrer. Elle n’a pas encore franchi l’entrée qu’elle voit une femme, plus tout à fait très jeune mais qui ressemble fortement à elle et cela la choque. Ses yeux bleus, ses cheveux blonds et longs, les traits de son visage. Elle n’a aucun doute, c’est elle, c’est sûr ! C’est sa mère, pas cette vieille sorcière de Judith. Décidée à lui parler, elle franchit le pas de la porte, mais sa respiration est bloquée. Le collier l’enserre


de toutes ses forces au point de l’étrangler. Ne pouvant plus s’oxygéner, la jeune fille s’éteint au sol inerte, morte. Chapitre 4 Le 25 juillet 2007 à Londres. Nora a enfin trouvé la tenue qu’elle mettra au bal. C’est une robe rouge qu’elle a trouvée dans un magasin. Elle a appartenu à une jeune fille qui lui ressemblait extrêmement vers les années 1800. Quoique sa mère dise, elle ira quand même au bal malgré ses menaces. Dans le salon, elle attend sa mère car elle veut lui parler, elle ne veut pas qu’une broutille vienne à les séparer. A dix huit heures, sa mère arrive. — Bonsoir, je peux te parler ? Commence la jeune fille aux yeux bleus. — Oui, mais d’abord, je te prie d’excuser mon comportement de ces derniers jours, je ne sais pas pourquoi, mais je n’étais pas tout à fait moi-même. — Ce n’est pas grave, mais je voulais te dire que ton avis ne changerait rien à ma décision, j’irai au bal que tu le veuilles ou non et je ne veux pas que l’on se dispute pour cela. — D’accord. J’ai rencontré une femme très charmante tout à l’heure, qui m’a donné ce collier, elle m’a dit qu’elle t’avait croisée une fois et que tu ressemblais beaucoup à une personne qui lui était chère. Donc en souvenir d’elle, elle aimerait que tu le portes

à la soirée. Judigaëlle ouvre l’écrin et un magnifique collier de perles orné d’un rubis apparaît. — Oh, il est magnifique ! s’exclame Nora. Merci beaucoup, vraiment ! Nora se prépare et part de chez elle dans la soirée. Sa mère s’est installée dans un fauteuil et contemple sa fille à la fenêtre et murmure : — Ma pauvre petite, tu es une fois de plus tombée dans le piège que j’ai monté contre toi il y a bien longtemps de cela. J’ai beau te mentir encore et encore, ta naïveté est toujours plus forte. Adieu ou au revoir, je ne sais pas… Nora fait le chemin à pied de Petty France à Westminster qui n’est pas très loin. Elle prend un détour car elle veut longer le long du river Thames. Nora croise Eleanora mais elle ne la voit pas. Lentement, le fantôme lui enlève le collier qui glisse par terre. Nora se rend au bal et voit une femme qui lui ressemble énormément. Aucun doute en elle ne surgit, donc elle va vers elle et entame une conversation. A Petty France, une femme petite et brune assise sur un fauteuil s’envole comme de l’encens. Un homme, peu fortuné, trouve, le long de River Thames un collier de perles avec un rubis et le glisse au fond de sa poche. Il le revendra demain sur Victoria Street.

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Marine Frileux 3 ème Carcassonne Collège de Grazailles

Prématuré

26 septembre 2007 Coucou, je m’appelle Ambre et j’ai 13 ans. Aujourd’hui c’est mon anniversaire et je t’ai reçu comme cadeau ! Avec toi je vais partager mes peines et mes joies, te faire le compte-rendu de mes journées (tous les jours, promis !!!!). Je vais commencer par te raconter ma journée puis après, ma VIE !! Je me suis levée et ma mère m’a tendu un paquet dans la salle à manger, c’était toi : un magnifique journal intime brodé en fil rose sur fond blanc ivoire avec des jeux d’ordinateur, de société, des habits, de l’argent… Voilà pour ma journée. Maintenant ma vie, donc je m’appelle Ambre Fournier, je suis fille unique et je vis dans une maison avec mon père et ma mère à Carcassonne (plus exactement dans un coin «paumé» de Carcassonne, mais bon, on ne choisit pas son village ). Je suis au collège de Grazailles en 5ème2, ma meilleure amie s’appelle Sara et on ne se quitte pas car on partage la même passion : la danse ! 108

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Qu’elle soit jazz ou classique, peu importe, on adore ça ! Attention, ne nous trompons pas sur la signification du mot danse, d’après le dictionnaire : action d’exécuter un ensemble de mouvements du corps, parfois accompagnée d’une musique ou d’un chant. Complètement faux ! !!!!! La danse, c’est bien plus que ça ! Ce n’est pas se «trémousser» sur un air de musique plutôt sympa, c’est un art, un besoin, mon oxygène, ma façon d’oublier tous mes tracas et mon futur métier ! De plus, quand on a un modèle à suivre on la pratique avec de plus en plus de ferveur : le mien c’est ma professeur de danse : Johanne Bisser. Je suis vraiment désolée, mais en tant que reine de la soirée de mon anniversaire, je suis dans l’obligation d’y assister !!! J’espère que tu comprends : je te laisse !!

faut le dire. Normalement je la revois demain, j’espère qu’elle n’apprendra jamais ce secret que je viens de te confier. Maintenant, je vais être obligée de te mettre sous cadenas et de bien garder ma clé !!! À demain. 28 septembre 2007 J’ai revu Amélie, toujours aussi sympa, de plus en plus même, je dirai. Aujourd’hui nous n’avons pas parlé de Valentin. Demain c’est samedi, il me tarde : je dois faire une sortie macdo-ciné avec Sara, et bien sûr aller en ville entre les deux mais personne n’est censé le savoir sauf elle et moi ! J’aime bien cette impression d’enfreindre les règles, d’aller à la limite sans pour autant faire quelque chose de gravissime ! Je te raconterai demain comment ça se sera fini, j’espère bien !!!

27 septembre 2007 Aujourd’hui, en sortant de l’école (car je rentre de l’école à pied) j’ai rencontré une fille superbe, elle s’appelle Amélie et a 17 ans. On a fait connaissance, elle a vraiment l’air très sympa, elle m’a dit que quand elle avait 15 ans, elle avait un copain qui

29 septembre 2007 C’était une journée fabuleuse, magnifique, magique et on pourrait même rajouter le mot fantastique !!! J’étais plantée devant le MacDo en train d’attendre Sara mais elle m’a appelée pour décommander : elle était punie. Elle a

s’appelait Valentin mais il l’a quittée pour une autre fille plus petite qu’elle. Je me suis faite toute petite, je ne pouvais pas lui dire que c’était moi la fille qui lui avait «piqué» son Valentin, alors on a continué notre chemin mais avec un certain malaise de ma part, il

toujours le don pour se faire punir le weekend et de plus le seul jour où on peut aller au ciné !!! Je me retourne et je vois un homme, la vingtaine, il me fixe, s’approche de moi et m’invite à manger MacDo avec lui. J’accepte ECRITURES

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bien sûr, des créatures comme ça on n’en voit pas tous les jours !!!! On commence à bavarder, il me raconte sa vie, je lui raconte la mienne. Il s’appelle François, je sais, pour un jeune c’est ridicule mais quand tu l’as devant, tu n’as pas du tout envie de rigoler, je l’écoutais attentivement, plongeais mes yeux dans les siens qui étaient d’un bleu comme jamais je n’en avais vu !!!!! J’étais complètement sous le charme, à tel point que je n’ai pas vu l’heure passer et qu’à deux heures on était toujours au macdo en train de parler. Il m’a proposé d’aller au cinéma avec lui voir un film d’amour, je lui ai dit que je préférais les films d’action, il a paru étonné mais a suivi mon idée. Et tu ne devineras jamais, pendant le film : on s’est embrassés !!! Pas un baiser rapide, non, un vrai, mieux que dans les films : c’était merveilleux, je suis encore sur mon nuage et j’ai l’impression de flotter !! Pourvu que le retour à la réalité ne soit pas brutal !!! A demain ! 30 septembre 2007 Devine qui vient de m’appeler à l’instant ? Gagné, c’est lui : François, l’homme de ma vie ! Il veut que j’aille le voir à seize heures, c’est magnifique : ma mère est d’accord (elle croit que je suis avec Sara mais chut !!! ). Je me demande quand même pourquoi un garçon beau comme un Dieu s’intéresserait à moi, pauvre petite blonde d’un mètre 110

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soixante ! Bon, ne nous gâchons pas la journée : j’ai rendez-vous avec l’Amour avec un «A» !!! Promis, je ne te laisse pas tomber, je te raconte dès que j’arrive !!! J’en reviens et mon idée se fonde : je suis amoureuse !!!!!!! Je sais, tu vas me dire — Attention Ambre ! Tu n’as que treize ans, ce type a vingt-quatre ans : tu ne trouves pas qu’il est un peu trop vieux pour toi ? Et je te répondrai : — Ne t’inquiète pas, je sais ce que je fais ! C’est vrai quoi, le lien qui nous unit est si fort que quand il a fallu que chacun rentre chez soi on a failli pleurer ! Eh oui !! C’est réciproque et magnifique ! Allez va, je sais que tu meurs d’envie que je te raconte mon après-midi : j’attendais devant le MacDo quand je l’ai vu au loin : il faisait le slalom entre les voitures pour me rejoindre, une fois arrivé : je lui saute au cou et comme cadeau il m’embrasse éperdument ! Tout le reste de l’après-midi, nous l’avons passé ensemble : nos corps enlacés, deux jeunes tourtereaux passant devant les magasins, seuls au monde. La Terre entière aurait pu s’arrêter de tourner !! Il faut que je me remette de mes émotions, cette journée, je crois, a été la plus belle de ma vie !


1er octobre 2007 Je vais te raconter quelque chose qui va te faire bien rire : pendant le cours de SVT (en ce moment, on est en plein dans les volcans et les plaques aussi appelées lithosphères …). Je m’ennuyais à mourir et commençais à m’imaginer plus tard. Bien sûr, je ne conçois pas mon avenir sans François ! Je nous voyais dans une grande et belle maison, lui en train de jardiner avec notre chien et moi pendant ce temps en train de donner son biberon à notre bébé, le fruit de notre amour. Quand tout à coup j’ai senti mon portable vibrer dans la poche avant de mon jean, c’était lui !!! Il m’avait envoyé un texto et me disait : — Coucou mon bébé, je suis en plein dans mon boulot mais entre deux clients j’ai réussi à t’envoyer un SMS !!!! Je pense à toi et imagine (vu l’emploi du temps que tu m’as donné) que tu es en SVT, bon courage. Je t’aime. Et là, je me suis pris une honte phénoménale !!! En lisant les deux derniers mots de ce message, je suis tombée de ma chaise : j’ai fait un raffut pas possible, en plus j’en ai tombé mon téléphone ce qui m’a valu un détour par la case conseillère principale d’éducation et deux heures de colle ! Je répète DEUX HEURES DE COLLE !!!! Non seulement c’est la première fois de ma vie que je me prends deux heures de colle mais en plus, c’est deux heures de moins passées avec lui, celui qui m’a dit je t’aime !!! IL M’A DIT JE T’AIME !!!!! Il faut vraiment que je me remette de mes

émotions, j’ai rendez-vous avec lui demain, dans son appartement : ça va me changer du MacDo !! 2 octobre 2007 Je crois que j’ai fait une connerie. Une grosse connerie. Je suis allée à son appartement comme prévu, nous nous sommes embrassés un peu plus fougueusement que d’habitude et là, tout s’est accéléré. On a fini dans son lit, dans les bras l’un l’autre. Je ne regrette rien, c’était magnifique, sensationnel. C’était ma première fois, et je suis heureuse de l’avoir faite avec lui mais il y a un truc qui me chiffonne : il n’a pas mis de préservatif ! Je ne suis sûrement pas la première avec qui il le fait, et s’il avait le SIDA sans le savoir ? Et s’il me l’avait transmis ? Je crois bien que je divague, ce doit sûrement être parce qu’aujourd’hui nous avons eu une réunion d’information-prévention contre cette maladie. Mais je suis inquiète, j’irai faire le dépistage. 20 octobre 2007 Je n’ai pas pu t’écrire avant. Ou plutôt je n’ai pas voulu. Depuis le jour où je l’ai appris, je ne peux plus parler, plus vivre. Je n’ai pas le SIDA. Mais j’ai pire. Je suis enceinte. Je l’ai appris en allant faire le dépistage. Je suis désolée mais les mots restent coincés ECRITURES

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dans mon stylo, pour moi plus rien n’a de sens. Je n’ai que 13 ans !!! Personne n’est au courant, sauf le père !!! Ne parlons pas de cet être immonde qui se nomme François. A l’annonce de ce lourd secret, il m’a dit que ce n’était pas son problème et s’est barré ! Mais qu’est-ce que j’ai fait !!! Comment vais-je l’annoncer ? Depuis cette découverte, je suis dans une profonde dépression ! Et mes chers parents, les pauvres, croient que c’est un chagrin d’amour ! Non j’ai quelque chose dans mon ventre ! Mais qu’est-ce que je vais devenir ? Que dois-je faire ? Avorter ? le garder ? Toutes ces questions se bousculent dans ma tête jusqu’à en avoir la migraine. Je n’en peux plus. Je te laisse. A quand j’en aurai la force.

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Bérénice Adam et Marion Sanchez 3ème Carcassonne Collège Jeanne d’Arc

Promesse à Londres

Dans une rue de Londres, il pleuvait. Près d’une vieille cabine téléphonique, à l’angle de la rue, attendait un homme habillé d’un long manteau noir et d’un chapeau. Une femme arriva, on entendait le claquement de ses talons sur la route inondée, elle remit un paquet étrange à cet homme puis celuici disparut sans se retourner. La femme tomba au sol et une voiture noire démarra à toute vitesse et prit la fuite. Quelques minutes plus tard la police arriva. — Alors qu’est ce qui s’passe ici ? Demanda le chef de la police en allumant une cigarette. — C’est le meurtre d’une jeune femme sans papiers, elle a été tuée par une balle de neuf millimètres. Un témoin dit avoir tout vu de sa fenêtre, il ne veut parler qu’à vous Monsieur, répondit un jeune policier. Crister écrasa sa cigarette, puis partit à la rencontre du témoin et sortit son vieux bloc-notes pour ensuite l’interroger : — Vous vouliez me parler ? ECRITURES

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Le témoin chuchota : — Oui ! Partons d’ici, il y a trop de monde ! L’homme et Crister s’éloignèrent, le témoin ouvrit son parapluie et raconta ce qu’il avait vu : — Cette jeune femme, je la connaissais, c’était une prostituée — Qu’avez-vous vu exactement ? L’homme regarda autour de lui et avoua : — Cette femme remettait un colis à un homme près d’une cabine téléphonique ! — Connaissiez-vous le nom de la victime? — Il s’agissait de Paty ! Et je crois qu’elle habitait loin de la capitale, à plusieurs kilomètres de Londres, dans une campagne et … Le chef le coupa : — Merci Monsieur. Il interpella un policier — Vous allez venir avec nous. Quelques minutes plus tard ils arrivèrent au commissariat puis s’installèrent dans une salle d’interrogatoire. Crister posa son vieux carnet au bord de la table, et lui demanda son nom. — Wherriere, Jean-Marc. — Bon, Monsieur Wherriere, j’ai l’impression que vous ne me dites pas tout. Vous n’avez rien à vous reprocher ! N’est-cepas ? — Euh … bien sûr ! Je n’ai rien à me reprocher ! — Etes-vous sûr Monsieur ! Une femme 114

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s’est fait tuer sous vos yeux. Il faut nous dire tout ce que vous savez ! — D’accord, je lui avais promis de ne pas lui dire, pour ne pas encore plus salir son nom, mais elle se droguait ! Le témoin passa la main dans ses cheveux et répéta: — Elle se droguait, Paty volait de la marchandise aux fabricants de drogue. C’est assez courant chez les prostituées ! Après un long moment de silence, Crister se leva et reprit la conversation : — Vous deviez être proche pour savoir qu’elle volait de la drogue ? — Oui ! Nous étions intimes ! — C’est-à-dire ? — Elle me faisait passer du bon temps ! Crister regarda fixement le témoin : — Elle vous faisait juste passer du bon temps en vous racontant ses magouilles ? J’ai beaucoup de mal à vous croire. Peut-être qu’elle était votre complice dans une affaire de drogue ! Le chef de police aperçut quelques gouttes de sueurs qui dégoulinaient le long de son front. — Je l’avoue : Paty travaillait pour moi, elle volait la drogue puis je la revendais. Elle ne pouvait pas faire autrement. Cette trainée voulait tout raconter à ma femme pour notre liaison, mais j’ai menacé de la balancer aux flics. C’était la parole d’une droguée contre la mienne.


Le chef sourit : — Monsieur Wherriere, l’interrogatoire est terminé. Vous pouvez partir. Le témoin cria : — Mais vous n’allez pas me laisser partir. Ils vont me tuer ! Crister proposa au témoin de se rasseoir. — Mais qui va vous tuer ? Le témoin éclata en sanglots, puis avoua. — Cette garce allait me balancer aux autres dealeurs, elle leur a passé une preuve que je revendais leur drogue. C’était moi ou elle, j’ai été obligé de la tuer, elle avait rompu la loi du silence, notre promesse. Le chef de la police déclara : — Vous êtes en état d’arrestation ! — Vous devez garder le silence, tout ce que vous direz sera et pourra être retenu contre vous, si vous n’avez pas d’avocat, il vous en sera commis un d’office… Jean-Marc Wherriere fut condamné à perpétuité pour un homicide volontaire. Peu de temps après il se suicida dans sa cellule.

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Chanteclaire Delafenêtre 3ème Carcassonne Collège Jeanne d’Arc

Psychopanorexie

Assise à son bureau, Linsée réfléchit en regardant en direction de sa fenêtre. Il est 19h15, Olga, sa mère, la tire de ses pensées : — Linsée ! Viens manger ! L’adolescente se lève en soupirant et commence à descendre les escaliers lentement. Arrivée à la cuisine, elle s’assoit en face d’Olga et reste sans réaction devant son assiette. — Vite ! Dépêche-toi de manger, je dois partir dans un quart d’heure… dit sa mère. — Oui, oui, t’inquiète, je vais faire vite… Linsée trie sa nourriture, en met la moitié dans ses manches et avale avec difficulté ce qui lui reste. — Bon, je vais y aller, à plus tard, dit Olga. Quand la porte s’est refermée, Linsée va vers la poubelle pour y mettre au fond les aliments qu’elle a stockés dans ses manches. Elle s’installe dans le salon, prend un magazine, le feuillette cinq minutes et le jette par terre. 116

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Depuis que sa mère travaille de nuit à l’hôpital et que son père est dératiseur en Espagne, elle s’ennuie tous les week-ends. Elle remonte dans sa chambre et commence à faire son petit ménage : d’abord elle soulève son matelas pour retirer les bouteilles de bière vides qu’elle a cachées; ensuite elle rajoute des posters au mur ; puis elle met sur elle ses piercings et ses pendentifs, et enfin elle descend au rez-de-chaussée de l’immeuble, balancer les cannettes dans les conteneurs publics. Dehors, la nuit est tombée depuis déjà longtemps. Linsée marche dans la rue sombre. Ses longs cheveux sombres à moitié colorés flottent au rythme du vent. Elle aperçoit une ombre au loin : c’est Vin’s, un simple clochard de rue ; comme à son habitude il porte des vêtements à moitié déchirés avec des clous, il a de nombreux tatouages et son crâne est rasé d’un côté. C’est le meilleur ami de Linsée. Elle court vers lui et commence à parler : — Salut boy, ça va ? — Ouai, bien et toi ? — Bof, ça pourrait aller mieux, mais bon… — Ah ok, je comprends, c’est encore l’histoire de tes parents divorcés et aussi

grave ! interrompt Vin’s. — Oui, oui répond Linsée sans réellement faire attention à ces mots. — Franchement, prends garde à toi, ne fais pas de bêtises… je dois y aller, désolé, ciao ‘tite fille sombre. — By Vin’s. Après cette brève conversation, Linsée rentre à la maison, la tête baissée et la pensée ailleurs. Elle aimait tellement Micaël qu’elle aurait tout fait pour ce gars… Deux jours après, Olga doit partir au Portugal pour trois semaines à cause de son travail. Elle laisse de quoi manger dans le frigo pour sa fille et part. Durant ces jours-là, Linsée mange peu et finit par ne plus du tout se nourrir ; devenant faible et maigre au fur et à mesure des journées : passant de 43 kg à 39 kg, de 39 kg à 33 kg et ainsi de suite, tellement sa douleur sentimentale est grande. Elle a maintenant un teint cadavérique; ses pantalons deviennent trop grands de la taille et elle flotte dans ses vêtements moulants. Pendant un soir pluvieux ; pâle comme la mort, n’ayant plus que la peau sur les os, Linsée sort de chez elle, marche avec peine le

l’autre truc… — Ouai, je souffre toujours de cette rupture avec Myke, je suis perdue sans lui… — Aïe… j’ai bien peur que celui-là, tu ne l’oublieras pas; faut vraiment que t’arrêtes de te rendre malade à cause de lui : tu risques

long de la rue en s’appuyant au mur. La pluie trempe ses cheveux, la lumière des étoiles fait briller ses grands yeux noirs remplis de larmes. Elle se sent glisser doucement le long du muret, ne sentant plus ses jambes. ECRITURES

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Soudain elle se rend compte que quelqu’un la soulève de terre, la portant dans les bras. Elle tourna son visage et distingua Myke. Malgré son regard trouble, elle le reconnut tout de suite ; elle lui murmura : — Tu sais, je t’aimais… A ces mots, Micaël lui adressa un sourire, ému par la fidélité et la tendresse de Linsée. A cet instant, les yeux de la jeune fille se fermèrent, sa bouche laissa échapper un dernier gémissement et un long liquide rouge foncé en sortit.

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Raphaëlle Simoneau 3ème Castelnaudary Collège Blaise d’Auriol

Une quête importante pour une petite plante

J’arrive devant une porte immense, d’un blanc pâle, un peu comme celle que j’imagine dans le livre si passionnant que je suis en train de lire. Je m’avance un peu, la porte s’ouvre immédiatement sans que je fasse quoi que ce soit. Je continue mon chemin sans trop me préoccuper de cet événement étrange. Ce brouillard franchi, ma vue s’éclaircit et je découvre alors une sorte de monde imaginaire couvert de neige poudreuse. Tout à coup, quelqu’un m’interpelle : — Vous cherchez quelque chose Mademoiselle ? — Heu... moi ? En fait, je ne sais pas trop où je suis ! Je viens de répondre à un vieux monsieur aux yeux de chat, ce qui m’intrigue. — Ah ! Je vois ! Venez, suivez-moi ! Me répond-il. ECRITURES

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D’un pas hésitant, je le suis. En marchant, j’observe attentivement l’univers dans lequel je pénètre. J’avance sur un petit chemin bordé de maisons, chacune ornée de guirlandes colorées. L’homme que je suis, commence à presser le pas. J’accélère pour le rattraper et je remarque qu’il nous éloigne de plus en plus des habitations. Je me demande bien où il peut m’emmener ! Nous arrivons petit à petit sur une immense falaise déserte, on est vraiment très haut. Je suis épuisée, essoufflée ! Il va trop vite ! Il s’arrête. J’en profite pour le rattrapper et me reposer un peu. Il fixe quelque chose. Il se tourne vers moi et me dit : — Regarde ! Il me montre du doigt le ciel et son coucher de soleil. Le ciel forme un dégradé de bleuviolet et le soleil est jaune foncé avec un peu d’orange et de rose autour. Je trouve ça magnifique ! Si seulement j’avais mon appareil photo ! Le vieil homme me sort de mes pensées en se retournant et en me montrant le ciel à l’opposé. Je regarde et découvre exactement le même coucher de soleil ! Mais comment est-ce possible ? — Il y a deux soleils, me dit l’homme tout naturellement. — Vous me prenez pour qui ? Lui répondisje, et au fait, qui êtes-vous ? Et où suis-je ? Il me dit simplement : — Vous comprendrez plus tard ! J’en ai vraiment marre. Et il y a pourtant bien 120

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deux soleils ! Ne comprenant rien, je continue de le suivre. Je commence à avoir froid. Il m’emmène derrière un rocher. Il me déclare d’un ton impératif : — Couchez-vous par terre ! M’ayant fait très peur, j’exécute son ordre. Je me couche au sol, dans la neige glaciale. Il s’allonge à côté de moi et me dit de faire exactement la même chose que lui. J’observe avec attention ses gestes. Il se couche dans la neige et dessine un ange avec son corps. Je fais de même. Puis, tout à coup, je commence à m’enfoncer dans le sol, je le traverse et tombe sur une sorte de matelas. Inquiète, je cherche le viel homme. Il est juste à côté de moi et commence à se relever. Je ne comprends vraiment plus rien ! Je me lève et le suis. J’examine un peu la toute petite salle où j’ai atterri. C’est une sorte de hall. Cette pièce est couleur or et au mur, sont accrochées des branches de houx. Le vieillard m’emmène dans une salle gigantesque cette fois-ci. Il y a beaucoup, beaucoup de monde. Ils bougent dans tout les sens. Je lève la tête et découvre un plafond parsemé de petites étoiles. Au centre de celui-ci, un magnifique lustre de cristal scintille. Au-dessus de nos têtes, de drôles de créatures volent dans toute la pièce. Je suis trop loin d’elles pour voir ce qu’elles sont exactement. Je continue de suivre l’homme que je suis depuis le début. Je suis un peu perdue au


milieu de tout ce monde. Toutes ces personnes font des allers-retours de cette pièce à une autre salle. Et c’est dans cette autre salle que l’homme m’emmène. Je rentre dans la pièce, elle est sombre, peu éclairée. Au milieu, se trouve un lit, avec beaucoup de personnes autour. Je m’avance un peu mais l’homme m’arrête et me dit qu’il ne faut pas trop que je m’approche. Il s’avance vers le lit et je l’entends murmurer à la personne couchée : — C’est elle ! C’est la fille humaine ! D’un coup, toutes les personnes de la pièce se reculent et me regardent. La personne sur le lit, dont je ne distingue pas si c’est un homme ou une femme, dit d’une faible voix: — Laissez-moi seul avec elle ! Et deux minutes après, il n’y a plus personne dans la pièce. Je m’avance à pas hésitants vers le lit. Maintenant, je vois que c’est un homme très âgé, aux yeux normaux, sur un lit majestueux. Il me dit, si doucement que j’ai dû mal à l’entendre : — Comment t’appelles-tu ? — Galatéa Monsieur, lui répondis-je. — Sais-tu qui je suis Galatéa ? — Non. — Je suis un mage. Le mage Téléo. Sais-tu où tu es ? — Non. — Tu es dans le Palais des Galimos. — Des Galimos ? — Oui, peut-être que tu en as vu en arrivant

au Palais. Pour toi c’est l’équivalent d’une marmotte avec des ailes de papillon et une queue de cochon. Un Galimos du nom de Sim t’accompagnera durant ta mission. — Heu... ma mission ? — Ah. Tu n’es pas encore au courant. Comme tu peux le constater, je suis très très malade et même mourant. Une prophétie dit qu’un jour le mage de ce palais, moi-même, sera atteint d’une grave maladie, comme je le suis en ce moment. Seule une plante très rare a le pouvoir de me guérir et seule une humaine venue de la planète Terre peut la trouver et courir les plus grands dangers pour parvenir à cette plante «la Lunarie» et me soigner. Voilà. — Heu... Il doit y avoir une erreur. Je ne peux pas être cette fille ! Je n’ai jamais entendu parler de cette prophétie ! — Non, non. Il n’y a pas d’erreur ! Tu es la fille humaine. La prophétie dit vrai. Deux jours plus tard, je suis en route pour trouver la Lunarie, accompagnée de Sim. Le mage m’a remis un sac avec plein d’affaires dont une carte avec le chemin que je dois suivre pour trouver la plante. J’observe le petit bout de parchemin. Il y a un point rouge à l’endroit où commence ma route. Je n’ai pas un très bon sens de l’orientation mais je vais me débrouiller. Je suis la route que m’indique la carte. J’aperçois au loin une immense montagne toute blanche, couverte de neige. ECRITURES

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C’est là-bas que je dois aller. Il commence à faire nuit. Je n’ai pas le temps d’aller plus loin. Je cherche un endroit où je pourrai dormir. Je continue à chercher jusqu’à ce que je ne voie plus rien. Je me retourne et aperçois des ailes phosphorescentes et des yeux de chat. Je me souviens à présent que c’est le Galimos qui m’accompagne. Je l’avais complètement oublié. Il commence à voler vers un endroit précis. Je le suis. Il me conduit jusqu’au pied de la montagne, dans une grotte, à l’abri. Je pense qu’il connaît bien les environs. Je m’installe, fais un feu et prépare à manger avec les provisions que Téléo m’a procurées. Il y a aussi de la nourriture pour Sim. En mangeant, j’observe le Galimos. Effectivement, comme me l’a dit Téléo, c’est une marmotte avec des ailes de papillon et une petite queue de cochon. Comme toutes les personnes que j’ai vues, mis à part Téléo, il a des yeux de chat. Ses pupilles sont allongées. Il me fixe. Son regard est perçant et il me pétrifie. Je le trouve assez mignon mais surtout très étrange. Aussitôt le repas fini, épuisée, je m’endors. Le lendemain matin... — Galatéa ! Galatéa !... Il faut se lever ! Il est tard et nous avons une longue route ! J’ouvre péniblement les yeux. C’est Sim qui est en train de me parler. Non, c’est impossible ! Je dors encore ! Je ferme les yeux puis les rouvre. Je ne dors plus et c’est bien le 122

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Galimos qui me parle. — Tu parles ? — Ben...oui. — Mais pourquoi tu ne me l’as pas dit plus tôt ! — Parce que je n’avais aucune raison de te parler jusqu’à maintenant. — Décidément, on ne me tient jamais au courant ! Et comment peux-tu parler ? — Tous les Galimos parlent. Plusieurs autres espèces, certaines que tu appelles animaux, parlent. C’est comme ça. — Bon, c’est pas important. Mais pourquoi tu m’as réveillé ? — Parce que les soleils sont levés depuis trop longtemps déjà et nous ne devons pas perdre de temps ! Après avoir englouti quelques fruits, nous reprenons notre long et périlleux voyage, avançant droit dans les montagnes. Nous marchons déjà depuis plusieurs heures dans le brouillard épais et le vent glacial. Je suis essoufflée et épuisée. Je n’en peux plus. J’ai l’impression que jamais je ne verrai le bout de cette pente ardue. Nous nous arrêtons un petit moment pour souffler un peu. Assise sur un rocher, je bois de l’eau quand un petit chat vient se frotter contre mes jambes. Je me demande bien ce qu’un chat fait dans une montagne comme celle-là, dans la neige et le froid. Je m’apprête à le caresser quand Sim me crie : — Arrête !


— Mais pourquoi ? J’ai bien le droit de caresser un chat ! — Ce n’est pas n’importe quel chat ! Ne l’écoutant pas, je passe ma main sur son dos. Il est tout doux. Tout à coup, je ne sais pas comment c’est possible, mais le chat grandit, grossit. Il devient énorme, immense ! Il fait presque ma taille ! Il me regarde méchamment. — Cours ! me dit Sim. Obéissant à ses ordres, je cours à toute vitesse. Je me retourne et vois six chats géants qui nous poursuivent. Tous les dix mètres, je regarde derrière moi. Je constate qu’ils se rapprochent de plus en plus de nous. Sim est déjà loin devant, lui il peut voler ! Il m’attend souvent et me dit de me dépêcher. Je regarde encore derrière. Ils ne sont plus qu’à cinq mètres de moi. Je perd de l’allure. Je n’arrive plus à suivre Sim. Je le vois qui m’attend dans un endroit couvert, une sorte de caverne. Je continue de courir de toutes mes forces. J’arrive à quelques mètres de la grotte quand l’un des chats m’attrappe la jambe. Il a des dents pointues enfoncées dans mon mollet. Il me fait mal et je n’arrive pas à m’en débarrasser. C’est à ce moment-là que Sim arrive, me prend par les bras et me soulève. Le chat me lâche. Sim me repose à terre quelques mètres plus loin et me demande d’essayer de courir jusqu’à la grotte. Malgré ma jambe en sang, je parviens

à la caverne. Les chats géants, juste derrière moi, s’arrêtent en voyant mon entrée dans la grotte. Ils s’en vont en couïnant. — Ouf, on l’a échappé belle ! Qu’est-ce qu’ils nous voulaient ? Et pourquoi ils ne sont pas venus dans la caverne ? — Ce sont les chats des montagnes. Ils nous voulaient juste comme repas. Ils se sont arrêtés devant la grotte car ils en ont peur. C’est un grotte enchantée. — En tout cas, merci de m’avoir sauvée. Je ne pense pas que j’y serais arrivée sans toi. — De rien. Désolé de t’avoir fait courir après mais je ne peux pas porter la masse d’un humain très longtemps. Et ne t’en fais pas pour ta blessure, là où nous allons, ils pourront te soigner. — C’est la grotte indiquée sur la carte ? — Oui. On a beaucoup avancé. Maintenant, suis-moi si tu veux bien. Dans la caverne, il y a une grande porte de fer, scellée comme il le faut. C’est devant cette porte que Sim me conduit. Il m’explique : — C’est de l’autre côté de cette porte que nous allons. Il faut un mot de passe qui est le nom du mage pour lequel on vient, Téléo, puis une petite voix va nous poser des questions sur lui qui ne sont jamais les mêmes que celles de la fois d’avant ou d’après. Puis il s’écrie : — Téléo ! — Quel âge a-t-il ? répond la voix. — 511 ans. ECRITURES

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— Comment s’appellent sa femme et sa fille ? — Sa femme c’est Céleste et sa fille Nausicaa. — Quel est son plus fidèle serviteur ? — Sim. — A quelle espèce appartient-il ? — Aux Galimos. D’un coup, la porte s’ouvre. Sim a répondu juste à toutes les questions, donc la voix en a jugé que ce n’est pas un imposteur. Les deux battants de la porte, ouverts, je découvre un autre monde. C’est magnifique. Il ne neige pas. C’est tout vert. Les habitations sont toutes ornées de fleurs et de lierre. Il y a des fontaines, des cascades, des lacs, partout. C’est vraiment incroyable. Je regarde ma jambe, il n’y a plus aucune trace de ma blessure. C’est vraiment magique ! — Bienvenue chez les mages ! me dit Sim. Des petits bonshommes, qui m’arrivent à la taille, se promènent dans la rue. Certains rentrent chez eux, d’autres vont chercher de l’eau, il y en a même un assis dans l’herbe qui joue de la guitare et chante en même temps. Tout le monde a l’air content. L’un d’eux, s’approche de moi et me tire par la manche de ma veste. Il me déclare d’une petite voix : — Bienvenue à toi. Tu es ici notre hôte. Tu dois te rendre à l’Assemblée des Mages. Sim va t’accompagner jusqu’à l’entrée mais ne pourra y assister avec toi. 124

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Sim m’emmène alors à travers les ruelles où circule beaucoup de monde. Nous débouchons sur une place déserte parsemée de fleurs où trône, au centre, un gigantesque escalier en colimaçon dont les marches semblent être des nuages. Je ne sais pas où il mène. On s’arrête devant cet escalier. Le Galimos me dit : — Là, normalement tu dois voir un escalier. — Oui. — Cet escalier te mènera à l’Assemblée des Mages, mais je ne peux t’y accompagner. Tu devras te débrouiller seule pour trouver «la Lunarie». — Mais pourquoi... — Je ne vois pas l’escalier. Comme tu as pu le remarquer, mes yeux ne sont pas comme les tiens. Ils sont comme ceux des chats. Dans ce monde, il n’y a que les mages qui ont des yeux identiques aux tiens, et ils peuvent voir l’escalier. C’est pour ça que la Prophétie dit qu’il faut que ce soit une humaine qui trouve la plante et guérisse notre mage. Maintenant, prends l’escalier et bonne chance. Nous nous retrouverons au Palais des Galimos à la fin de ta quête. Puis il s’envole retrouver son maître. Je n’ai le temps de rien lui dire de plus. Il ne me reste qu’une seule chose à faire, monter l’escalier. Il est immense. Je ne sais pas combien il y a de marches, au moins un bon millier. En gravissant ces marches,


j’ai l’impression de marcher sur un escalier couvert de coton. C’est tout mou. Je vois enfin le bout de ces marches. C’est pas trop tôt ! L’escalier mêne dans une salle avec une immense table ronde au centre, où siègent les mages. Il y en a une dizaine. Certains sont géants, d’autres nains et d’autres de taille normale. Mais aucun n’a les yeux de chat. Tous me regardent. Le plus petit d’entre eux prend la parole en premier. C’est une jeune fille, avec de longs cheveux noirs. Elle me dit : — Approche Galatéa. Elle me montre une chaise juste à côté d’elle. — Nous formons l’Assemblée des Mages. La Lunarie que tu es venue chercher, est une plante très, très rare. C’est pour ça qu’elle est dans un lieu sûr. Comme tu es au courant, tu n’as plus Sim pour t’accompagner. Seule, tu vas franchir cette porte... Elle me montre une porte en or massif... — Et continuer ta route. Je te rassure, ça ne sera plus très long. Bonne chance ! La porte s’ouvre et se referme aussitôt, laissant place à un chemin de nuages. Il n’y a absolument rien sur ma route. J’avance, ne sachant pas trop où je vais. À un moment, le chemin nuage s’arrête, suivi d’une passerelle en bois. Je passe sur cette sorte de pont et je retrouve mon chemin. Ca tourne dans tout les sens. Tout à coup, devant moi, il y a une échelle, en bois elle aussi. Elle m’amène à une place de

nuages toujours. J’ai l’impression d’être dans un labyrinthe. Autour de cette place, une échelle qui descend, un ascenseur qui monte, un toboggan et une corde. Là je ne sais pas où aller. Au hasard, je prends l’ascenseur, ce qui me permet de me reposer quelques instants. Je continue sur un chemin, prend un toboggan et me retrouve sur une nouvelle piste. Je suis perdue. Je ne regarde pas où je vais, quand soudain je tombe dans un trou. J’atterris sur un chemin qui s’arrête. C’est une sorte d’impasse. Derrière moi, se trouve une fontaine. Je suis coincée. Les deux issues sont bloquées et je ne peux pas remonter. J’essaye de chercher une autre sortie, en vain. N’ayant plus d’espoir, je vais me rafraîchir à la fontaine, quand des formes se mettent à scintiller dans l’eau. Ce sont des lettres qui composent les mots : — Quel Mage ? Je trace, sur l’eau, les lettres T. E. L. E et O du doigt. Tout d’un coup, la statue de la fontaine représentant un lutin, se met à bouger. Elle me tend une plante colorée, une espèce de fleur. Je regarde l’eau, le mot Lunarie y est inscrit. Enfin je la trouve, cette satanée plante ! Je ne l’aurais jamais imaginée ! Mais ça ne résoud pas le problème de la sortie de cet endroit ! Je retourne là où je suis tombée, quand soudain je suis brusquement secouée et me retrouve devant un coucher de soleils qui m’est familier. Je parcours du regard la falaise, il y a deux ECRITURES

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soleils, de la neige par terre et le fameux rocher. Je m’en approche, je fais l’ange au sol, j’atterris sur le matelas et me rends dans l’inoubliable grande salle. À l’entrée, je trouve mon compagnon Sim qui m’attend. Il me dit : — Galatéa ! Les Mages m’ont prévenu de ton arrivée ! Tu as trouvé la Lunarie ! Bravo ! Maintenant, vas la remettre à Téléo, il n’attend que ça ! Je vais de ce pas voir le mage. Je rentre violemment dans la pièce, m’approche du lit et dis au mage Téléo : — Je l’ai trouvée, j’ai trouvé «la Lunarie» ! Je sens une sensation de joie interprétée par un sourire sur le visage du vieillard. Une femme, habillée en infirmière, accourt au pied du lit. Je lui remets la plante. Elle sort de la salle puis réapparaît aussitôt, une petite fiole à la main. Le mage boit le contenu du flacon. Subitement, la petite salle sombre devient éclairée et décorée comme pour une fête, avec des banquets, de la nourriture en abondance... Le mage se lève. Il n’a plus du tout l’air d’un vieil homme. Au même moment, je ressens le besoin d’aller aux toilettes. Je cherche autour de moi, l’envie devient de plus en plus pressante, je n’en peux plus, je , je... J’ouvre les yeux. Je suis dans le noir. J’allume la lumière. Je tourne la tête et découvre ma table de chevet. Il est quatre heures du matin, je suis dans mon lit.

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Amber Pearson 3ème Couiza Collège J.B Bieules

La rencontre

C’était l’année de la grande faim et la ville était déserte. Les maisons, couvertes de givre, semblaient sinistres dans la lumière faible du matin, les nuages sombres couvraient le ciel et annonçaient la neige. Une jeune femme, portant une lourde cape noire, sortit d’une maison en jetant des regards furtifs aux alentours. Elle ferma la porte en marchant rapidement, elle tourna dans une venelle où un homme d’une stature imposante l’attendait. Vêtu de gris, on ne le distinguait presque pas du mur grisâtre derrière lui. — Tu es en retard, lui lança-t-il sèchement en la fixant d’un œil doré. Elle lui jeta un regard noir, alors qu’elle sortait un paquet de sous sa cape. — Elÿin a placé des gardes, lui dit-elle en lui tendant le paquet. — Tu aurais du les tuer, lui répondit-il brusquement en lui arrachant le paquet des mains et en le rangeant sous sa cape. — Nous partons à minuit, sois en retard et je pars sans toi ! ECRITURES

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Il se baissa pour ramasser un sac qu’il avait laissé par terre, et commença à partir. Alya, les larmes aux yeux, lui tourna le dos. Sylkara De retour chez Elÿin, Alya repensa à sa rencontre avec Kärthien. Elle ne savait presque rien de lui. Il était revenu gravement blessé des plaines mortes où il avait perdu un œil. Personne ne savait rien de plus de lui. C’était un homme dangereux, mais il connaissait le passage à travers les plaines et elle avait besoin de lui si elle voulait échapper à Elÿin. Elle avait passé l’année à s’assurer qu’il l’emmènerait avec lui quand il partirait. Pendant six mois, elle l’avait supplié avec du Sylkara, une drogue qui effaçait la mémoire et donnait de l’endurance à l’usure tant que l’on en prenait tous les deux ou trois jours. Si on s’arrêtait, on pouvait en mourir. Ce soir, à minuit, commencerait leur voyage, et Alya avait peur. Elle n’avait pas dit à Kärthien qu’Elÿin risquait de les poursuivre et elle ne savait pas ce qu’il ferait. Le voyage Alya frissonna, il faisait froid et elle ne voyait rien dans le noir intense. Elle fut soudainement frappée d’une terreur profonde. Et si Kärthien ne venait pas, serait-elle condamnée à vivre avec Elÿin toute sa vie ? Alya entendit un craquement derrière elle. Elle se retourna et vit Kärthien à quelques mètres d’elle, vêtu de gris, une épée au côté, une dague dans chaque botte, son œil doré fixé sur elle. Il avait l’air surpris qu’elle soit là. — Tu es venue, murmura-t-il. — Bien sûr, répliqua-t-elle sèchement en montant son cheval. — Tu es prêt ? — Allons-y, répondit-il. Ils firent avancer leurs chevaux et furent engloutis par la nuit.

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3ème Carcassonne Collège Jeanne d’Arc

Vengeance de lycéen

Dans cette chambre sombre où la lumière du jour traverse peu la fenêtre crasseuse, un homme âgé de la trentaine, assis à son bureau, regarde des photos. Attiré par l’une d’entre-elles, il la saisit et dit : — Valentine, je t’es enfin retrouvée, tu pensais pouvoir m’échapper, je vais te faire souffrir comme tu m’as fait souffrir ! Elle était d’une beauté éclatante avec ses yeux marrons et ses cheveux longs bruns, les traits de son visage montraient qu’elle était espagnole. Il enfila un long manteau noir et sortit de sa maison. Sa démarche était sinistre. D’un regard discret il suivait Valentine depuis plusieurs jours pour connaître son emploi du temps. Trois jours plus tard, elle avait disparu... Assise et enchaînée sur cette chaise, dans une pièce des plus sinistre, avec juste une faible lumière, elle était inconsciente. — Valentine, dit-il d’une voix douce. Valentine, réveille toi !! lui cria t-il subitement. Secouée elle ouvrit les yeux : — Où suis-je, et qui êtes-vous ? — Enfin, Valentine tu ne te rappelles pas de moi ?

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Son regard suffisait pour montrer qu’elle reconnaissait son ravisseur. — Alors tu te rappelles ! Pendant toutes ces années de lycée, tu m’as humilié publiquement et maintenant tu vas payer pour tout ce que tu m’as fait subir ! Un sourire s’afficha sur son visage. — Je suis désolée, dit Valentine en voulant se justifier, je n’était qu’une enfant gâtée ... Il l’interrompit : — Tu préfères le scalpel ou le couteau de cuisine ? — Tu as perdu la tête William ! Détache-moi et je te présenterai des médecins qui te sauveront mais il faut que tu me détaches ! — Non ! le scalpel fait des traits plus précis. Il approcha de la future défunte tout en contemplant son outil de torture. Tu sais, je t’aimais mais toi, tu t’es moquée de moi tu ne m’as jamais compris, mais maintenant tu vas payer les conséquences de tes actes. Il saisit son visage en larmes qui lui suppliait... Il lui fit le sourire d’ange... On put entendre de la cuisine le dernier cri qu’elle poussa... Il se débarrassa du corps et nettoya la pièce. Plus tard la police vint lui poser des questions et ils revinrent quelques jours après avec un mandat de perquisition. Les experts trouvèrent une goutte de sang qui se cachait sous une armoire de la pièce où Valentine avait été tuée, ils arrêtèrent William Gotschen pour le meurtre de Valentine Santiago. Dans la salle d’interrogatoire l’avocat de William le fit sortir. En peu de temps l’assassin était libre. Le soir même, il fit une valise et commanda un billet pour le Mexique. Mais la police avait trouvé de nouvelles preuves. Arrivé à l’aéroport, au moment où il allait donner son billet, les policiers l’arrêtèrent et il fut interné. Un mois plus tard, il s’échappa et plusieurs meurtres de jeunes espagnoles qui ressemblaient toutes à Valentine Santiago ne furent pas résolus et William Gotschen ne fut jamais retrouvé...

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Collège Saint-Exupéry

Pauline Laborde 3ème

La vie…

Dans la rue, des voitures brûlent et des cris retentissent. Gladis, de sa fenêtre, regarde les flammes oranges qui montent dans le ciel. Dans la tour d’en face, elle aperçoit à sa fenêtre, sa copine Nadia. Elle ouvre sa fenêtre et elle hurle : — Nadia, viens, dépêche-toi. — Oui , j’arrive mais il y a ma cousine Carla qui est avec moi, répond Nadia. — Ce n’est pas grave, venez ! s’énerve t’elle. ECRITURES

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Elles traversent la rue en courant, un foulard contre le nez. Dehors, l’odeur est irrespirable : ça sent le pneu fondu et la ferraille. — Cela ne peut plus durer, pense-t-elle. Enfin on sonne à la porte. — Salut, hurlent Carla et Nadia en chœur. — Coucou, dit Gladis. — Où sont les deux autres ? demande Nadia. — Elles arrivent vers seize heures. Vous savez ce que j’ai découvert chantonne t-elle ? — Non. Vas-y. Elle les entraîne alors dans sa chambre. C’est une pièce claire et ordonnée. Elle est peinte en prune avec des pointes de vert pomme qui la rehaussent. Sur le lit est posée une affiche : — C’est mon père qui me l’a ramenée de l’imprimerie de Cormeilles en Vexin, il travaille là-bas. — Tu vas l’afficher ? Ose Carla. — Non je pense que je vais l’emmener à Nora, ma professeure de danse. En effet, Gladis fait de la danse classique, ce qui est rare, vu son statut social. C’est à ce moment-là que la sonnette retentit. — Ah, voilà Agathe et Camille, dit Gladis, allons leur ouvrir. Les cinq filles sont enfin réunies. Elles décident alors de porter ensemble la fameuse affiche à Nora. Elles s’attachent toutes un foulard autour du nez et sortent. 132

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Dans la rue, le calme est un peu revenu, mais l’odeur est toujours là. Elles prennent la route qui va à l’école de danse. La salle d’accueil est vide, le studio également, ceci est très bizarre, quand soudain, Nadia pousse un cri d’horreur. Nora est là dans la réserve étendue sur le dos, elle porte un tutu blanc qui devient peu à peu écarlate. Sa gorge est grande ouverte, elle a les yeux fermés, elle semble dormir, il y a juste ses taches de sang qui ramènent à la réalité. Le spectacle est effroyable. Soudain Nadia tombe inanimée sur le sol aux côtés de Nora. Ses copines ne bougent pas, elles sont tétanisées. Un danseur entre alors et en voyant la scène, court chercher de l’aide. Bientôt la pièce est remplie de pompiers et de policiers. Les cinq filles sont transférées à l’hôpital. Là, une cellule psychologique est mise à leur disposition. Elles restent à l’hôpital pendant trois jours. Elles n’arrivent pas à ôter cette image de leur tête. Elles finissent par sortir, leurs familles sont très présentes et les entourent énormément. Elles restent confinées dans leur chambre tous les jours. Leur vie est devenue un enfer. Enfin elles se décident à rompre le silence et de se réunir. Elles ne veulent plus parler de l’affaire mais la curiosité reprend vite le dessus, elles sortent dans la rue. Le quartier où vit Nora est toujours bouclé par un cordon de sécurité.


Pleines de courage, elles passent en dessous mais sont vite arrêtées par un inspecteur. — Que faites-vous là ? — C’est nous qui avons découvert le corps de Nora. — Ah, alors, il est important que vous le sachiez, votre amie s’est suicidée. Voilà, la vie nous réserve bien des surprises et quoi que l’on fasse elle nous prend dans son cours.

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Table des matières 134

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Accident Clémence Izard Castelnaudary, lycée Jean Durand

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Amaruma Camille Cosnier Bram, collège Saint-Exupéry

9

Un ange Benjamin Docquiere Carcassonne, collège de Grazailles

37

L’angoissante apparition Kévin Touyard Bram, collège Saint-Exupéry

42

Charlotte Nico Swinnen Castelnaudary, lycée Jean Durand

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Dog Soldier Andréa Coste Carcassonne, collège Jeanne d’Arc

48

Drogue douce Yasmina Bouttaga et Anaïs Breil Carcassonne, collège de Grazailles

57

Elsa Coline Durand Carcassonne, collège de Grazailles

61

En mémoire de Georges Kawther Bensetti Carcassonne, collège de Grazailles

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Table des matières

Une expérience extraordinaire Camille Lacam Castelnaudary, collège Blaise d’Auriol

72

Fouizinette Mélanie Teisseyre Castelnaudary, lycée Jean Durand

75

Le garçon du futur Mélanie Riols Bram, collège Saint-Exupéry

79

L’heure du décès Marie-Balladine Bigot Castelnaudary, lycée Jean Durand

84

L’histoire secrète Pierre Latché Castelnaudary, collège Blaise d’Auriol

87

Lié à jamais Lucile Bruel Carcassonne, collège Jeanne d’Arc

90

Mon combat Clément Tonon Castelnaudary, collège Blaise d’Auriol

93

La mort de l’Ange Claire Vicario Castelnaudary, lycée Jean Durand

98

Petit éloge mesquin Justine Collin-Garnier Castelnaudary, collège Blaise d’Auriol

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Table des matières 136

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Petty France Louise Pinel Castelnaudary, collège Blaise d’Auriol

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Prématuré Marine Frileux Carcassonne, collège de Grazailles

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Promesse à Londres Bérénice Adam et Marion Sanchez Carcassonne, collège Jeanne d’Arc

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Psychopanorexie Chanteclaire Delafenêtre Carcassonne, collège Jeanne d’Arc

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Une quête importante pour une petite plante Raphaëlle Simoneau Castelnaudary, collège Blaise d’Auriol

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La rencontre Amber Pearson Couiza, collège J-B. Bieules

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Vengeance de lycéen Carcassonne, collège Jeanne d’Arc

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La vie Pauline Laborde Bram, collège Saint-Exupéry

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Les personnes ressource

Bibliothèque départementale de l’Aude Pascale Cier, directrice Evelyne Hébras-Fichet, coordinatrice du projet Centre Départemental de Documentation Pédagogique Jean Bourdin, directeur Magalie Bossuyt, coordinatrice du projet Conseil général de l’Aude , direction des interventions departementales, enseignement et culture Claudette Armisen Inspection Académique, coordination des projets Jean-Marc Roland Bram, médiathèque Virginie Fabre, bibliothécaire Bram, collège Saint-Exupéry Annie Montsarrat, documentaliste Carcassonne, collège Jeanne d’Arc Bénédicte Langlois, documentaliste Carcassonne, collège de Grazailles Denis Tuchais, documentaliste Carcassonne, collège Le Bastion Marie-Hélène Hilaire, documentaliste Castelnaudary, collège Blaise d’Auriol Valérie Marcoul, documentaliste Castelnaudary, lycée Jean Durand Marianne Lopez, documentaliste Couiza, bibliothèque Micheline Rousseau, bibliothécaire Couiza, collège Véronique Gardair, documentaliste Villemoustaussou, bibliothèque Jacqueline Pinson, bibliothécaire

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Bibliothèque Départementale de l’Aude 25, rue du Moulin de la Seigne 11855 Carcassonne Cédex Tél. 04 68 11 66 77 Fax. 04 68 11 66 80 E.mail. bdac@cg11.fr Site web : biblio.aude.fr

Centre Départemental de Documentation Pédagogique 56, avenue Henri Goût 11000 Carcassonne Tél. 04 68 47 73 91 Fax. 04 68 25 77 34 www.crdp-montpellier.fr/cd11


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