L'Archéologue de Dieu

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FRANCIS BALDEWYNS

L’archéologue de Dieu D'abord édité en 2005 à l’occasion du 50e anniversaire du décès d’Albert Einstein (14 mars1879 -18 avril 1955) et de l’Année mondiale de la Physique, cet ouvrage a été complété et édité en numérique en 2015, à l'occasion du 60e anniversaire du décès d'Albert Einstein

La version numérique sera mise à jour chaque fois qu'une preuve expérimentale nouvelle viendra corroborer les trouvailles de l'Archéologue de Dieu et de ses géniaux contemporains.

Editions du Prof


Du même auteur, sous son nom propre : • Promenade en Hugolie. Exposition du bicentenaire de la naissance de Victor Hugo Chaudfontaine et Engis 2002. sous son nom de romancier essayiste, Francis Baudouin : • La Barbarie des érudits (Préface d’Edmond Blattchen) Ed Dricot, Liège 1994 • Les despotes éblouis, (Préface d’Albert Jacquard) Ed. Dricot, Liège 1995 • 2067, l’inévitable affrontement, (Préface de Paul Rostenne) Clé, Editions littéraires, Liège 1997 • Le Congrès des ufologues (Préface d’Édouard Poty) Ed. Prof, Chaudfontaine 2003, • La fin des hommes machines (Préface de Paul Rostenne) Ed. Prof, Chaudfontaine 2004,

Récits autobiographiques : • Francisse d’Engisse (années 1945-1969) • L’odyssée d’un col blanc (années 1969-1993) • Professeur d’espérances (années 1993-2005) (Voir suite sur Wikipedia : Francis Baudouin)

L’archéologue de Dieu a été édité en mars 2005 aux Éditions du Prof, et enregistré sous la référence : D / 2005 / 9789 / 01 à la Bibliothèque royale.


Les sciences sont des fouilles faites dans Dieu

Victor HUGO Un peu de science éloigne de Dieu, mais beaucoup y ramène

Louis Pasteur Dieu ne joue pas aux dés



Avertissement de Tchantchès Voyez ce qu'il s'est passé lors de la première édition de l'Archéologue de Dieu en 2005. Tchantchès vous raconte:

En fait Einstein utilise comme Spinoza le vocabulaire religieux dans un sens poétique. Ce qu'Einstein entend par les mots « Dieu », « religion », « miracle » « intelligence supérieure »… est très différent de ce que l’on entend habituellement par ces termes.

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Avertissement de Tchantchès (suite) « Je crois au Dieu de Spinoza qui se révèle lui-même dans l'ordre harmonieux de ce qui existe, et non en un Dieu qui se soucie du destin et des actions des êtres humains. » Albert Einstein, réponse au Rabin Herbert S. Goldstein, télégramme, 1930.

« S’il y a quelque chose en moi que l’on puisse appeler "religieux" ce serait mon admiration sans bornes pour les structures de l’univers » Albert Einstein, lettre à un athée, le 22 mars 1954 (EA 39-525). (Einstein the human side p. 43)

Si les décideurs universitaires liégeois m'ont refusé l'exposition de mon livre à cause du mot "Dieu" dans le titre, je voudrais leur dire qu'Einstein utilisait régulièrement ce mot sans affecter la majorité de ses compatriotes. Certains, bien sûr, animés par un athéisme exacerbé, et se définissant pourtant comme libre penseur ont parfois tendance à contraindre la pensée des autres. Ce n'est pas mon cas. Terminons l'avertissement de Tchantchès par la déclaration de Steven Weinberg , Prix Nobel de Physique 1979, interviewé dans le New York Times: « Mais quelle différence cela fait-il si nous disons « Dieu », au lieu d’« ordre » ou d’« harmonie », à part le fait que cela nous permet de nous soustraire aux accusations d’athéisme ? Bien entendu, tout le monde est libre de parler de « Dieu » en ce sens, mais il me semble que c’est en faire un concept moins faux que dénué d’importance »1.

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Weinberg, S., Le rêve d’une théorie ultime, Odile Jacob, Paris, 1997, p. 218


Avant-propos Alors que j’étais encore à « l’école primaire » d’Engis, une commune industrielle située à mi-chemin entre Liège et Huy, notre instituteur de cinquième année nous avait demandé d’être à l’écoute de la radio et de lire les journaux, dans la mesure du possible. Un voisin me fournit La Dernière Heure du 19 avril 1955. A la une, on pouvait y voir la photo de Doris Day, en visite à Paris, qui allait ensuite passer une semaine au Festival de Cannes. La guerre de Hongrie se préparait et on apprenait que Monsieur Nagy était expulsé de la Présidence du Conseil hongrois. Enfin, le prince Albert de Liège, l’homme qui était resté insensible au vase du Val-SaintLambert que je lui avais offert deux ans plus tôt, lors de l’inauguration du pont d’Engis, au nom des Anciens Combattants, avait aussi sa photo puisqu’il devenait le parrain de Henri, le fils nouveau-né de la grande-duchesse Joséphine de Luxembourg. Malgré la demande de mon instituteur, je crus comprendre que la visite européenne de Doris Day était l’événement principal, tant j’entonnais à l’époque ses chansons à longueur de journée, et notamment « Whatever will be »  « Que sera, sera » en version française  qu’elle chantait dans le film d’Hitchcock, L’homme qui en savait trop. Non, il ne s’agissait pas d’elle, mais de cet homme chevelu nommé Einstein. L’article expliquait qu’il avait découvert une formule qui avait notamment permis de créer une bombe atomique aux Etats-Unis, après avoir fui l’Allemagne nazie. Il était ensuite devenu un grand pacifiste. Je comprenais mal à l’époque qu’on pouvait être pacifiste alors qu’on avait fourni au monde une formule expliquant comment il pouvait s’autodétruire. Notre instituteur nous expliqua que l’humain n’a pas toujours la maîtrise de ce qu’il découvre, les applications diaboliques, comme la bombe atomique, n’étant pas nécessairement voulues par les savants, auteurs des théories dont elles sont issues. Aucun homme de sciences ne fut aussi célèbre de son vivant et après sa mort. En 1955, déjà, je me sentais fort attiré par les sciences. Tout ce que j’avais entendu et lu sur Einstein n’était pas étranger à cela. Mais j’étais encore incapable de comprendre ce qu’il avait démontré. Mon père, soucieux de mon instruction, acheta le seul Paris Match de sa vie et je découvris encore mieux la tête de cet homme exceptionnel. Plus tard, j’achetai Le Soir et la Libre Belgique du 19 avril 1955. Je vous présente les articles, après la Une de La Dernière Heure de mon ex-voisin que j’ai conservée précieusement depuis un demi-siècle.

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Avant-propos L’expo de 1958 était proche. Elle m’aida à discerner la plénitude du bonheur dans l’acquisition de la connaissance qui fait reculer l’inconnu, le mystère. Alors que je proviens d’une famille modeste, je n’ai jamais entendu mes parents se plaindre ; ils avaient une confiance dans la vie qui m’émeut encore aujourd’hui quand je me souviens de ces moments heureux que j’ai partagés avec eux. Choyé, oui, je l’ai été, mais pas gavé. Je devais avoir quatre ou cinq ans quand mon père, qui m’accompagnait dans un magasin de jouets, fut surpris par la frugalité de mes choix. « Un soldat de plomb ! Rien que ça ! », s’est-il exclamé. Ce soldat de plomb me comblait. Il fit mon bonheur pendant quelques années, avec quelques autres jouets que j’avais demandés pour les « fêtes ». Pourtant, il m’arrivait d’avoir quelques caprices. En 1957, deux ans après le décès d’Einstein, je me souviens d’avoir eu cette idée saugrenue pour un garçon de 12 ans : obtenir une statuette à son effigie. Le problème, c’est qu’elle n’était en vente nulle part. Mes parents ne considérèrent pas que ce fut une extravagance et ils la cherchèrent, en vain. Ce n’était apparemment pas, en effet, un désir soudain et irréfléchi. Il suffit aujourd’hui de regarder ma collection de statuettes pour se rendre compte que la troisième dimension m’a toujours attiré. Au début du nouveau millénaire, quarante-cinq ans plus tard, je comblai ma petite frustration des fifties et j’achetai deux statuettes du savant, dont celle de gauche au quartier juif de Prague.

La machine à remonter le temps (The time machine) de Herbert George Wells fut sans aucun doute, à cette époque, le roman de science-fiction qui me passionnait le plus. C’était la machine la plus mythique de toute l’histoire du cinéma. Ce film me donnait une vision de ce que pourrait être un voyage dans le passé, mais aussi l’impossible retour vers le futur.

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Avant-propos

Einstein, soucieux de l’éducation est ici en compagnie de Heinrich Becker, ministre de l’Instruction en Prusse de 1925 à 1930, l’écrivain anglais H.G.Wells (auteur de science-fiction) et Paul Löbe, président du Reichtag de 1924 à 1932

Extrait de La machine à remonter le temps (G.Pal, 1960) Il n’est pas nécessaire d’être un scientifique ou un physicien de haut vol pour devenir disciple de cet homme qui avait l’humilité de dire : « Bien que, dans ma vie de tous les jours, je sois un solitaire, la conscience d’appartenir à la communauté silencieuse de ceux qui luttent pour la vérité, la beauté et la justice, m’empêche d’éprouver un sentiment de solitude’ »

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Avant-propos « Tot est r’latef », disait à cette époque Monsieur Marcel Philippot, mon professeur de sciences à l’Athénée de Huy en pastichant Einstein, avec l’accent liégeois en plus. Il nous parlait beaucoup du savant dont la vie avait mis clairement en évidence son souci d’expérimenter le mystère. Einstein se demanda ce qu’il se passerait si on pouvait chevaucher un rayon de lumière et il expliqua ce qu’il appela « La relativité restreinte » qui me passionnait vraiment. On sait, grâce à lui, que l’espace et le temps ne sont pas indépendants l’un de l’autre et que, pour pouvoir déterminer un « événement »2, on doit fournir, en plus des trois dimensions spatiales, la dimension temporelle. Car le futur et le passé sont séparés par ce laps de temps fini qui dépend de la distance de l’observateur et de l’objet observé, mais aussi de leur vitesse relative.

Marcel Philippot lors d’une leçon sur l’électromagnétisme

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Voir glossaire.

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Avant-propos C’est sans doute parce que, déjà à cette époque, je discernais la plénitude du bonheur dans l’acquisition de la connaissance qui fait reculer l’inconnu, le mystère, que l’étude de l’existant me paraissait être un gisement inépuisable. A un point tel, que cette notion d’espace-temps, extrapolée à l’humain, fit vraiment partie de ma propre vie, non pas que je voulus faire les choses vite, mais je ne voyais pas pourquoi je m’embarrasserais du superflu et gaspillerais cette précieuse quatrième dimension en m’encombrant de mille autres contraintes que les adultes appellent des « biens ». Je ne me suis jamais fait psychanalyser, mais je ne l’exclus pas. Et il est possible que ma passion pour le savoir provienne d’une certaine fuite devant l’ennui et l’angoisse qui menaçaient ma vie d’adolescent. Mais, ce dont je suis sûr, c’est que mon but était clair : « Je voulais découvrir pour savoir et non pas savoir pour découvrir ». Je pris de la distance par rapport aux valeurs matérialistes. Quand j’étais enfant, la mort n’était pour moi que le point d’inflexion qui sépare la vie sur terre de l’éternité, c’est-à-dire une situation lointaine que je « vivrais » comme un sommeil prolongé. Les manques m’étaient inconnus et j’éprouvais une telle insouciance que je surfais sur la vague de la vie, trop préoccupé d’utiliser pleinement le temps présent pour me soucier de l’avenir. Le présent, je le voyais déjà comme le filet d’un pêcheur que l’on jette dans les eaux prometteuses. J’étais heureux et riche d’avoir la chance de conquérir ce gisement inépuisable que sont : les oeuvres d’art, l’imagination poétique, l’histoire de l’humanité, les connaissances scientifiques. Cette joie satisfaisait mon esprit et lui faisait perdre conscience de l’ennui qui le menaçait. Ce n’est dès lors pas étonnant que, moins de dix ans après le décès d’Einstein, j’aie été tenté par le métier de chercheur, car il semblait me garantir ce flux renouvelé de connaissances auxquelles j’aspirais tant… Peu d’hommes ont été aussi célèbres de leur vivant qu’Albert Einstein, et il l’est toujours cinquante ans après sa mort pour avoir accompli une des plus grandes révolutions de l’histoire de la science et relancé l’aventure de l’esprit. Jamais avant lui progrès de la science et histoire du monde n’avaient été aussi étroitement liés : c’est par Einstein que la physique est devenue une dimension essentielle de l’histoire des sociétés. Il aura été non seulement un grand physicien et grand mathématicien, mais aussi un philosophe, un pacifiste et un humaniste, un poète et un musicien, un être tout de bonté et d’humour, un artiste de la science, créateur de génie, mais aussi un rebelle aux convictions profondes. Mais Dieu, dans mon titre, que vient-il faire ? Et comment surtout la science va-t-elle nous rapprocher du Créateur, alors qu’elle est supposée toute puissante et qu’elle fut aussi à la base de la désertification des églises en Occident ? N’est-elle pas aussi parvenue à expliquer ce que les religieux appelaient des « mystères » ? C’est bien le principal objectif de ce livre de montrer combien Albert Einstein, et d’autres contemporains, que j’ai eu l’occasion de rencontrer, ont modifié profondément la perception du cosmos. Certes, le Dieu de la Bible est malmené par les découvertes de ces hommes, et l’iconographie des fresques romaine et florentine devient une BD fiction vraiment éloignée du Dieu auquel le titre de ce livre fait allusion. Mais les sciences ne sont-elles pas ce que Victor Hugo avait déjà exprimé en son temps : « des fouilles dans Dieu » ? Et Louis Pasteur ne disait-il pas : « Un peu de science éloigne de Dieu, mais beaucoup y ramène ». Le but de cet ouvrage est clair : démystifier Einstein et d’autres grands savants qui ont compté pour lui et pour lesquels il fut un allié fondamental. Professeur de mathématiques et de sciences, j’espère de tout cœur interpeller les jeunes générations en leur suggérant un positionnement plus judicieux dans notre Univers plein de mystères, à la manière humble, respectueuse et passionnée des archéologues. C’est d’ailleurs cette interpellation qui fut responsable du mon revirement exceptionnel lorsque je décidai de quitter mon existence de Col blanc, broyé par les nécessités utilitaristes de l’entreprise moderne, pour renouer avec l’intelligibilité. Je m’éloignai des activités ruineuses d’esprit et décidai de devenir professeur d’espérances. A quarante huit ans, je présentai et réussis l’agrégation en sciences chimiques à l’Université de Liège.

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Avant-propos Comme je l’écris dans mon essai, La fin des hommes machines : « Bien que mon existence ne fût pas un long fleuve tranquille dont je pouvais, à ma guise, régler le débit du courant et dessiner le tracé des méandres, je n’éprouve aucun regret. Pour rester dans la métaphore fluviale, après avoir traversé quelques forts courants qui m’ont fait dériver, et après avoir essuyé plusieurs tempêtes, dont la dernière faillit m’être fatale, mon bateau entra dans un port tellement radieux que j’y jetai l’ancre Et depuis lors, mon âme est sereine » Mon nouveau port d’attache fut l’institut de chimie du Sart Tilman (photo ci jointe). Depuis lors, je n’ai cessé de combler le vide intellectuel qui m’avait tant frustré. Ce livre fait partie de ma démarche. Au travers du parcours d’Albert Einstein, de sa profession de foi et de ses découvertes, nous allons tenter de nous rapprocher quelque peu de notre Créateur. Soucieux de ne pas altérer le message de l’homme que nous commémorons dans cet ouvrage, chaque fois que j’en aurai l’occasion, je citerai le plus exactement possible les phrases qu’il a prononcées ou écrites. Parmi ces phrases, je choisirai d’abord celle qui exprime bien la psychologie du personnage, mais aussi mon propre comportement face aux nécessités de l’enseignement des sciences : « Dans l’intérêt de la clarté, il m’a paru inévitable de me répéter souvent, sans me soucier le moins du monde de donner à mon exposé une forme élégante ; j’ai consciencieusement suivi l’avis du théoricien génial L. Boltzmann, de laisser le souci d’élégance aux tailleurs

et aux cordonniers » Chaque fois que j’aborde un personnage important de l’histoire, je suis inévitablement conduit à étudier son environnement, ses moyens, ses outils, ses aspirations, ses buts, sa philosophie…Pour Victor Hugo, en 2002, lors de la commémoration du bicentenaire de sa naissance, il était impensable que je ne fasse pas allusion à ses femmes, au sens général du terme : son épouse, ses filles et ses maîtresses…Pour Einstein, aurais-je pu éviter des formules et des développements mathématiques ? Non, je ne le pense pas : une biographie de Victor Hugo, sans femmes , c’est comme une biographie d’Einstein sans mathématiques, c’est comme un baiser sans moustache ou une soupe sans sel…(avis personnel). Dans le but de ne pas alourdir certains chapitres, j’ai choisi de donner les explications mathématiques dans l’annexe qui leur est réservée. D’autre part, les principaux mots scientifiques pouvant poser quelque difficulté sont soulignés dans le texte et définis dans le glossaire à la fin du livre. J’ai aussi réservé une annexe biographique aux savants nobélisés qui ont compté pour Einstein et pour lesquels il revêtit une grande importance. En vous souhaitant une fructueuse lecture, puissiez-vous aussi, chers lecteurs, prendre part au plaisir que fut le mien d’accompagner l’archéologue de Dieu depuis 1879 jusqu’à 1955.

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Chapitre premier La profession de foi d’Einstein « Ma profession de foi » C’est un don du ciel que d’appartenir à la catégorie de ceux qui peuvent consacrer le meilleur de leur énergie à l’observation et à l’exploration de la réalité objective. Et je suis vraiment heureux d’avoir eu cette chance qui permet à l’homme de moins dépendre des caprices du destin ou de son prochain. Mais cette indépendance ne doit pas nous faire oublier nos devoirs à l’égard de l’ensemble de l’humanité, passée, présente ou future. Notre situation sur la Terre peut sembler étrange : chacun de nous y accomplit son bref séjour, sans l’avoir voulu ni demandé, sans en connaître le pourquoi ni le comment. De notre vie de tous les jours, nous apprenons seulement que nous sommes là pour les autres, pour ceux que nous aimons et pour ceux dont le destin est lié au nôtre. Je suis souvent troublé à l’idée que ma propre vie est fondée sur le travail de mes semblables, et j’ai conscience d’avoir une grande dette à leur égard. Je ne crois pas que notre volonté soit libre. Les paroles de Schopenhauer « L’homme peut faire ce qu’il veut, mais il ne peut pas vouloir ce qu’il veut » m’accompagnent dans toutes les circonstances de la vie et me réconcilient avec le comportement des autres, même quand ils me font du mal. Cette conscience que notre volonté n’est pas libre m’aide à ne pas trop prendre au sérieux ceux qui prétendent décider et agir, et à ne pas perdre ma bonne humeur. Je n’ai jamais recherché la fortune et le luxe, et même, je les méprise plutôt. Ma passion de la justice sociale m’a souvent opposé à d’autres hommes, tout comme mon refus de toute obligation ou dépendance que je ne jugeais pas absolument nécessaires. J’ai la plus grande considération pour l’individu et un dégoût invincible de la violence et du fanatisme. Tout cela a fait de moi un pacifiste et un antimilitariste passionné. Je regrette tout nationalisme, même le simple patriotisme. J’ai toujours considéré comme injustes et dangereux tous les privilèges fondés sur la situation sociale et la propriété, de même que tout culte excessif de la personnalité. J’adhère aux idéaux démocratiques sans méconnaître toutefois les faiblesses de la démocratie comme méthode de gouvernement. Pour moi, les premiers buts que doit poursuivre un Etat sont la justice sociale et la protection économique de l’individu. Bien que, dans ma vie de tous les jours, je sois un solitaire, la conscience d’appartenir à la communauté silencieuse de ceux qui luttent pour la vérité, la beauté et la justice, m’empêche d’éprouver un sentiment de solitude. L’expérience la plus belle et la plus profonde que puisse faire l’homme est celle du mystère. C’est sur lui que se fondent les religions et toute activité sérieuse de l’art ou de la science. Celui qui n’en fait pas l’expérience me semble être, sinon un mort, du moins un aveugle. Sentir que derrière tout ce que nous pouvons découvrir il y a quelque chose qui échappe à notre compréhension, et dont la beauté et la sublimité ne peuvent nous parvenir qu’indirectement, voilà ce que c’est que le sentiment du sacré, et, en ce sens, je peux dire que je suis religieux. Et il me suffit de pouvoir m’émerveiller devant ces secrets et de tenter humblement de saisir par l’esprit une image pâlie de la sublime structure de tout ce qui est.

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La profession de foi d'Einstein Commentons les phrases essentielles de la « Profession de foi » du savant, mais aussi les citations de tous ceux qui ont contribué à éclaircir l’origine du cosmos, de l’homme et de la vie, en général.

Le bonheur d’explorer la réalité objective

Stuart Mill qui vécut au XIXe siècle avait déjà écrit : « Dans un monde où tant de choses méritent notre intérêt et sont une source de plaisir, où tant de choses demandent à être corrigées et améliorées, toute personne possédant, ne serait-ce que le minimum nécessaire de capacités morales et intellectuelles, est capable de mener une vie qui peut être qualifiée d’enviable »3. Un siècle plus tard, Albert Einstein écrivait dans sa « Profession de foi » : « C’est un don du ciel que d’appartenir à la catégorie de ceux qui peuvent consacrer le meilleur de leur énergie à l’observation et à l’exploration de la réalité objective. Et je suis vraiment heureux d’avoir eu cette chance qui permet à l’homme de moins dépendre des caprices du destin ou de son prochain »4.

L’émerveillement devant les secrets du Cosmos

La technique est illusoire par rapport à l’infinitude. La science pure, celle qui démystifie progressivement les mystères du cosmos, suffit à elle-même. L’apprivoisement de l’infini n’implique pas que nous créions des objets finis, comme le religieux a créé la religion et l’architecte la cathédrale. De même, la découverte de l’électricité n’implique pas la nécessité de posséder une lampe. La science pure est plus libre que toutes les religions réunies, car elle n’a aucune limite dans sa liberté de découvrir et de s’extasier devant les phénomènes du cosmos. Quand je ferme ma lampe de chevet ou que je quitte la cathédrale, aussitôt le sentiment que j’en éprouvais disparaît. Et je me sens obligé, pour découvrir d’autres sentiments liés à l’utilitaire, d’errer sans cesse pour en obtenir de nouveaux ou alors de me limiter à quelques objets en épuisant lentement leur richesse pour éviter la menace de satiété qu’entretient le désir. La science pure permet de supporter le désir infini et ne nous emprisonne plus dans l’utilitarisme étroit et insatiable, mais nous ouvre la voie vers des objets de contemplation de plus en plus nombreux. A la fin de sa « Profession de foi », Einstein nous fait part de son bonheur : « Il me suffit

de pouvoir m’émerveiller devant ces secrets et de tenter humblement de saisir par l’esprit une image pâlie de la sublime structure de tout ce qui est ».

Le savant revendiquait une appartenance cosmique. En cela, il pensait comme Spinoza, « La nature naturante », partisan d’une forme de monisme5, une théorie philosophique où l’esprit et l’univers ne font qu’un. Au XXe siècle, où la science - je devrais plutôt dire la technique qui en émane - paraît toute puissante, la philosophie me paraît plus que jamais indispensable à l’éveil des hommes. L’objet scientifique, de son côté, n’est pas ce qui se montre, mais le résultat d’une construction théorique, une hypothèse méthodologique. « La représentation scientifique, disait Heidegger, ne peut jamais encercler l’être de la nature, parce que l’objectivité de la nature n’est dès le début qu’une manière dont la nature se met en évidence ». En tant que scientifique, cette phrase me plaît, car elle précise ce que sont pour moi les sciences : une infinité d’observations et d’expériences qui ne sont que les « manières dont la nature se met en évidence ».

Mill, J.S., L’utilitarisme-Essai sur Bentham, Quadrige PUF, Paris 1998, p.45-46 Sugimoto, K., Albert Einstein, Bibliographie illustrée, Belin, traduct. française, 1990, p.113 5 Du grec monos, « un » - C’est la théorie philosophique selon laquelle l’univers et l’esprit ne font qu’un : l’esprit appartient à l’univers, qui le détermine,. Rien ne dépasse l’univers. 3 4

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La profession de foi d’Einstein Einstein a le même Dieu que Spinoza

La quatrième phrase de la « Profession de foi » d’Einstein à laquelle nous faisons souvent référence évoque le mystère : « L’expérience la plus belle et la plus profonde que puisse faire l’homme est celle du mystère. Celui qui n’en fait pas l’expérience me semble être sinon un mort, du moins un aveugle. C’est sur le mystère que se fondent les religions et toute activité sérieuse de l’art ou de la science. Sentir que derrière tout ce que nous pouvons découvrir, il y a quelque chose qui échappe à notre compréhension, et dont la beauté et la sublimité ne peuvent nous parvenir qu’indirectement, voilà ce que c’est que le sentiment du sacré, et en ce sens, je peux dire que je suis religieux ». Cette phrase renferme tout le secret du bonheur de la connaissance, surtout lorsque celle-ci nous fait prendre conscience de l’infini. Plus nous étudions, plus nous découvrons, mais plus aussi nous voyons s’ouvrir devant nous des abîmes d’inconnu. « Einstein a déclaré croire au Dieu de Spinoza, qui se révèle dans l’harmonie ordonnée de ce qui existe, et non à un Dieu qui se soucie des actes et du destin des Humains » 6. Que Dieu ne joue pas aux dés, comme l’a déclaré Einstein, ou qu’Il y joue, l’essentiel dans cet article du New York Times, c’est qu’il voulait exprimer un sentiment de solidarité cosmique. Dieu représente pour lui une transcendance. Et tous les grands physiciens du XXe siècle, Bohr et Schrödinger, entre autres, ont aussi exprimé ce sentiment d’appartenance à ce quelque chose qui les dépasse. Steven Weinberg se demande : « Mais quelle différence cela fait-il si nous disons « Dieu », au lieu d’« ordre » ou d’« harmonie », à part le fait que cela nous permet de nous soustraire aux accusations d’athéisme ? Bien entendu, tout le monde est libre de parler de « Dieu » en ce sens, mais il me semble que c’est en faire un concept moins faux que dénué d’importance »7.

Mais Einstein a aussi sa responsabilité dans la bombe

Au moment où les nazis accédaient au pouvoir (le 30 janvier 1933), Einstein était en Amérique, mais il repartit pour l’Europe dès mars. Quelques heures avant son départ, il assistait à une réception au Waldorf-Astoria et s’exprimait publiquement sur le nouveau régime allemand, annonçant qu’il ne retournerait pas dans un pays qui ne respectait ni la liberté des citoyens, ni la liberté de parole et de recherche. Einstein débarqua à Anvers et se rendit à Bruxelles, à l’ambassade d’Allemagne, pour renoncer officiellement à la nationalité allemande. Déjà, en mer, il avait envoyé sa démission à l’Académie des Sciences de Berlin, comme Planck le lui avait demandé après ses déclarations sur la situation politique allemande. Il se rendit quelque temps à Coq-sur-Mer, une station balnéaire belge. Hélas ! il y eut la « Bombe » et Einstein, pourtant pacifiste acharné, apporta une impulsion décisive à sa construction. La lettre qu’il rédigea le 2 août 1939 au Président Roosevelt en témoigne : « Au cours des quatre derniers mois, grâce aux travaux de Joliot en France, et ceux de Fermi et Szilard en Amérique, il est devenu possible d’envisager une réaction nucléaire en chaîne sans une grande quantité d’uranium, laquelle permettrait de générer beaucoup d’énergie et de très nombreux éléments de type radium (...) Ce fait nouveau pourrait conduire à la réalisation de bombes (...) Une seule bombe de ce type, transportée par un navire et explosant dans un port pourrait en détruire toutes les installations ainsi qu’une partie du territoire environnant (...) Devant cette situation, vous souhaiterez peut-être disposer d’un contact permanent entre le gouvernement et le groupe de physiciens qui travaillent en Amérique sur la réaction en chaîne »8. Ainsi, en ayant démontré que l’énergie est égale à la masse multipliée par le carré de la vitesse de la lumière, Einstein devint sans l’avoir vraiment souhaité coresponsable des destructions de Hiroshima et de Nagasaki dont l’annonce l’affecta profondément et lui fit regretter d’être intervenu auprès de Roosevelt. Einstein devint un adversaire déclaré de toute poursuite des expérimentations nucléaires et il ne cessa de lutter pour empêcher l’utilisation de l’arme atomique. En 1946, il devint président de l’Emergency Committee of Atomic Scientists et, en 1948, dans son « Message aux Intellectuels », il lança l’appel suivant : « L’homme n’a pas réussi à créer des formes d’organisation politique et économique qui garantiraient la coexistence pacifique entre les Interview dans le New York Times du 25 avril 1979 Weinberg, S., Le rêve d’une théorie ultime, Odile Jacob, Paris, 1997, p. 218 8 Sugimoto, K., op. cit., p. 173 6 7

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La profession de foi d'Einstein nations. Il n’a pas réussi à édifier un système de relations internationales qui éliminerait la guerre et bannirait à jamais les terribles instruments de mort capables de détruire des populations entières. Nous, chercheurs, dont le tragique destin aura été de contribuer à la création de méthodes d’annihilation toujours plus efficaces, nous devons nous assigner le devoir capital de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour empêcher que ces armes soient utilisées aux fins mortelles pour lesquelles elles ont été inventées. Quelle autre mission plus importante pourrions-nous avoir ? Quel objectif social pourrait nous être plus cher ? » En 1952, on lui propose la présidence de l’Etat d’Israël pour succéder à Weizmann qui venait de décéder et qui avait assuré celle-ci depuis la création de l’Etat en 1948. Einstein refuse. En fait, il faut bien distinguer la science de la techno-science, dont les utilisations sont souvent imprévisibles. Einstein a dit qu’il n’avait pas mesuré jusqu’où pouvaient aller les extravagances. La science apparaît ainsi à la fois comme le socle de l’humanité et une source de détresse humaine lorsqu’on veut la rendre « utile ». Chaque jour nous apporte de nouveaux sujets d’inquiétude. Il est inutile de les rappeler tous, mais la plupart affectent le bonheur des hommes, qui ne peut être créé et entretenu qu’à la condition d’être protégé des périls de la nature (épidémies, tremblements de terre...), et des produits issus du rationalisme instrumental. La bombe en fait partie. Ces problèmes sont fondamentaux, ils méritent toute notre attention, car, comme nous le constatons, ils peuvent même être causés par tous ceux qui veulent la paix. Alors, engageons-nous sans arrière-pensée carriériste dans la voie des solutions. Il n’y a pas de chemin douillet ; les actions de Green Peace et des Médecins sans Frontières sont admirables, mais elles ne seront efficaces que si davantage d’hommes et de femmes préfèrent le pouvoir de l’amour à l’amour du pouvoir. Préparons les générations futures à entrer dans le monde des adultes en refusant d’être asservis par les divagations du rationalisme instrumental. Respiritualisons les hommes par le « savoir » et n’envisageons que les produits destinés au bien-être de l’humanité. Ne considérons plus celle-ci comme un ensemble de consommateurs appelés à dynamiser l’économie, mais comme la raison d’être de tout ce qui est fabriqué en vue de l’aider à s’affranchir de tous les maux qui la menacent. La conclusion d’Einstein : « L’homme peut faire ce qu’il veut, mais il ne peut vouloir ce

qu’il veut »

D’autres scientifiques, prix Nobel de physique et de chimie, et d’autres philosophes, tous contemporains, ne craignent pas, soit d’associer matière et esprit comme étant deux faces inséparables du réel, soit de faire la part du hasard et de la nécessité dans l’évolution, soit encore d’annoncer que le rêve d’une loi unique de l’univers suscité par les religions monothéistes prend forme. Que l’on soit porté à expliquer le monde par le hasard ou par l’action d’un esprit préexistant l’origine de l’univers, on accepte l’idée que la biosphère, et l’homme en particulier, sont composés d’« une seule substance diversement modifiée », comme disait de La Mettrie9, mais si diversement modifiée qu’à un certain niveau de complexité, elle se trouve capable d’agir autrement qu’une machine déterminée actionnée de l’extérieur. Cette matière possède en elle la capacité de modifier ou d’aménager les impulsions qu’elle reçoit. Bien que la profession de foi d’Einstein nous ait guidés positivement dans notre réflexion tout au long de ce chapitre, nous ne pouvons conclure celui-ci qu’en nous opposant au déterminisme absolu que le savant a exprimé dans une autre phrase de sa Profession de foi : « Je ne crois pas que notre volonté soit libre. Les paroles de Schopenhauer : « L’homme peut faire ce qu’il veut mais il ne peut vouloir ce qu’il veut » m’accompagnent dans toutes les circonstances de la vie et me réconcilient avec le comportement des autres, même lorsqu’ils me font du mal. Cette conscience que notre volonté n’est pas libre m’aide à ne pas trop prendre au sérieux ceux qui prétendent décider et agir, et à ne pas perdre ma bonne humeur ». Médecin et philosophe matérialiste français des Lumières, auteur de l’Homme-machine, qui développe une théorie mécaniste du corps humain qui a connu un fort retentissement.9 9

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La profession de foi d’Einstein Le déterminisme absolu, qu’Einstein défend comme une réalité inéluctable, ne déculpabilise pas, à ses yeux, l’homme de ses actions. Et chacun appréciera dans quelle mesure lui et quelques autres savants allemands eussent pu s’abstenir d’offrir leurs services au président Roosevelt pour se tourner vers les nazis. L’opposition entre deux ex-amis, Bohr et Heisenberg (voir le chapitre six), nous amènera à réfléchir sur les choix essentiels qui se présentent à nous au cours de notre vie. Espérons que cette théorie du déterminisme absolu ne nous entraîne pas à accepter la fatalité mécaniste que veut imposer une certaine technologie humaine. Celle-ci et ses produits n’auront de sens que s’ils contribuent, en fonction d’impératifs catégoriques précis, à l’humanisation de la prochaine civilisation. Nous croyons à l’autodétermination de l’humanité qui peut faire, en effet, ce qu’elle veut, mais elle peut aussi vouloir ce qu’elle veut si elle crée les conditions juridiques et sociales qui s’imposent.

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Chapitre deux Biographie illustrée d'Albert Einstein Issu d’une famille de négociants, Albert est né à Ulm le 14 mars 1879. Année fertile en événements pour les physiciens : Max Planck est reçu docteur à l’université de Munich, Max Von Laue naît le 9 octobre, Otto Hahn le 8 mars, le physicien anglais Maxwell décède à Cambridge, Werner von Siemens construit la première locomotive électrique que l’on admire à l’Exposition industrielle de Berlin.

Hôtel de Ville d’Ulm, et vue sur le Danube.

Sa maison natale photographiée, ci-jointe, a disparu en 1944 lors d’un bombardement anglo-américain.

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Biographie illustrée d'Albert Einstein Alors qu’Albert entre à l’école primaire dans un établissement catholique de Munich, à l’âge de 6 ans, naît le 7 octobre 1885, à Copenhague, un certain Niels Bohr. A 10 ans, en 1889, Albert entre au Luitpold Gymnasium de Munich, l’année où Gustave Eiffel construit la tour qui porte son nom pour l’exposition universelle de Paris. C’est aussi l’année de la naissance d’un certain Adolf Hitler et de Charlie Chaplin. A 16 ans, en 1895, Albert échoue à l’examen d’entrée du Polytechnicum de Zurich. Admis au second essai, il ne suit que les cours qui l’intéressent et travaille de préférence dans le labo de physique. A 17 ans, en 1896, il reçoit la formation de professeur de mathématiques et de physique. C’est l’année où il fait la connaissance de Mileva Maric, sa future femme. C’est l’année où Röntgen découvre les rayons X. A 17 ans, en 1896, il reçoit la formation de professeur de mathématiques et de physique. C’est l’année où il fait la connaissance de Mileva Maric, sa future femme. C’est l’année où Röntgen découvre les rayons X. A 21 ans, en 1900, Albert obtient son diplôme de professeur de mathématiques. A 23 ans, en 1902, il trouve un emploi à Berne, à l’Office fédéral des Brevets. Ce fut aussi l’année de la naissance d’une fille illégitime qui ne survivra pas. La maison qu’Einstein occupa à Berne de 1903 à 1905 à l’époque où il découvrit sa fameuse formule E=m.c2

Laboratoire de l’Ecole polytechnique de Zurich où travaillait l’étudiant Einstein

Traduction de la plaque commémorative apposée sur la maison : « Dans cette maison, Albert Einstein créa dans les années 1903-1905 sa loi fondamentale sur la théorie de la Relativité »

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Biographie illustrée d'Albert Einstein

En 1902, dans un journal de Berne, il propose des leçons particulières en mathématiques et en physique. Traduction de la coupure de presse :

Divers

Leçons privées de mathématiques et de physique données consciencieusement pour étudiants et élèves Albert Einstein, détenteur du diplôme officiel de polytechnicien Impasse du Droit,32, premier étage Une heure d’essai gratuite A 24 ans, en 1903, il épouse Mileva Maric et publie sa Théorie des fonde-

ments de la thermodynamique.

A 25 ans, en 1904, naît son premier fils, Hans-Albert. C’est l’année où il expose ses idées sur la relativité restreinte à ses collègues. A 26 ans, en 1905, Albert publie dans les Annalen der Physik différents articles dont deux posent les fondements de la théorie générale de la relativité restreinte. C’est l’année où 280.000 chômeurs allemands en grève réclament une loi de protection sociale. A 27 ans, en 1906, il obtient un doctorat à l’Université d Zurich. Et Max Planck accepte, le premier, le principe de la relativité restreinte. A 31 ans, en 1910, naissance du deuxième fils d’Albert, Edouard.

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Biographie illustrée d'Albert Einstein A 32 ans, en 1911, Einstein est nommé professeur ordinaire de l’université allemande de Prague. C’est à Prague qu’il se trouva confronté à la question juive. Einstein y fit la connaissance de Max Brod et Franz Kafka.

Au dessus à gauche, la maison où habitait Einstein dans les faubourgs de Prague Au dessus à droite, la Vieille synagogue En dessous à gauche, l’entrée du cimetière de Prague et à droite, les tombes juives.

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Biographie illustrée d'Albert Einstein C’est en 1911, aussi, qu’il participa au premier congrès Solvay à Bruxelles avec Sommerfeld et Wien, Marie Curie, Lorentz, Planck (Pour Sommerfeld, Wien et Planck, voir chapitre 6.5; pour Marie Curie et Lorentz, voir bibliographie)

A 34 ans, en 1913, Einstein et son ami, Marcel Grossmann publient une Esquisse de la théorie de la relativité générale et de la gravitation. C’est aussi l’année du deuxième congrès Solvay.

Quelques mois auparavant, Niels Bohr avait proposé son modèle de la structure atomique. C’est aussi en 1913 qu’Einstein fut nommé membre ordinaire de la section de mathématique et de physique de l’Académie des sciences de Prusse. On lui avait garanti à la fois un salaire élevé et la liberté de recherche. Il aurait le statut de professeur de l’Université de Berlin, mais serait dispensé de tout enseignement. A 37 ans, en 1916, il publie dans les Annalen der Physik , « Les principes de la théorie de la relativité générale » et devient président de la Société allemande de physique. Il entend ainsi décrire l’univers comme une entité globale ayant une existence propre. On n’étudie plus le devenir des objets dans l’univers, mais l’univers lui-même. Einstein qu’un Univers stationnaire est impossible s’il dépend seulement des forces de gravitation, car tôt ou tard, dans ce cas, il ne peut que s’effondrer sur lui-même. Il modifie ses équations par une constante cosmologique  qui s’oppose à la contraction gravitationnelle. L’Univers a, selon lui, la forme d’une énorme bulle de rayon R où  est l’énergie du vide qui s’oppose à l’attraction des masses, dont le terme mathématique est proportionnel à la densité moyenne M de la matière existant dans l’univers et à la constante gravitationnelle.

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Biographie illustrée d'Albert Einstein

A 40 ans, en 1919, il divorce avec Mileva Maric et, en juin de la même année, épouse sa cousine Elsa Löwenthal (ci-contre)

Cadeau de Noël 1919 d’Einstein à un ami : découpe de silhouettes dans du papier. Il s’agit de lui, de sa femme, lsa et de ses deux belles-filles.

Le contexte historique, après la première guerre mondiale, est tel que les physiciens n’échappent pas aux haines des patriotes anglais et français. En 1919, des Anglais interviennent auprès de la Royal Astronomical Society pour que celle-ci n’accorde pas sa médaille d’or à Einstein et, en 1922 à Paris, le physicien Paul Langevin rencontre une forte opposition lorsqu’il invite Einstein au Collège de France. Comme le rappelle Jean-Marc Levy-Leblond, à propos de cette fameuse visite à Paris, Bernadette Bensaude-Vincent dans son livre Langevin a noté : « Ces discussions savantes

sont peut-être d’autant plus rassurantes qu’elles sont moins compréhensibles. Il est doux, quand on se sent aveugle et désemparé, de savoir qu’il y a des gens qui voient clair, des « voyants », rompus aux plus hautes difficultés, capables de diriger la foule et de guider l’humanité. Bref, une élite éclairée. Il est plus doux encore de découvrir que ces « voyants », ces nouveaux mages, sont aussi des hommes. Einstein surprend, Einstein séduit, Einstein rassure, parce qu’il n’a pas la silhouette d’un clerc, parce qu’il n’a rien d’une effigie empreinte de raideur universitaire. Il a un sourire, de l’humour de la fantaisie. Il est humain, jeune, et même enfantin (…) Figure d’espoir qui annonce le salut. C’est presque le messie que Paris accueillit ». Du côté allemand, c’est tout le contraire. En 1920, le chargé d’affaires allemand à Londres écrit à son ministre : « Le professeur Einstein, dont le nom jouit d’une réputation internationale, représente un atout culturel de premier plan pour l’Allemagne » Comme l’écrit aussi Jean-Marc Levy-Leblond : « Einstein joue son rôle d’ambassadeur avec lucidité et sans illusion ; il avait écrit dès 1919 : Encore une application différente du

principe de relativité : je passe actuellement en Allemagne pour un savant allemand et en Angleterre pour un juif suisse ». Supposons que le sort fasse de moi une « bête noire », je deviendrais au contraire un juif suisse en Allemagne et un savant allemand en Angleterre » Comme pour faire la synthèse de ces deux visions, le courriériste d’extrême droite Léon

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Biographie illustrée d'Albert Einstein Daudet traite d’ailleurs Einstein, lors de sa visite à Paris, d’« ambassadeur de la pensée germano-suisso-circoncise »10

Dans le même article, Levy-Leblond rappelle que Emmanuel Berl, dans son roman Sylvia, a écrit : « La guerre avait laissé un certain désespoir au cœur de chacun ; l’après-guerre

fut, néanmoins, une époque d’espérance, de foi secrète (…) Les toniques, après tout, ne manquaient pas : les révolutionnaires avaient Lénine, les industriels avaient Ford, les savants Einstein, les psychologues Freud ». Il se rend aux Etats-Unis avec Chaïm Weizmann pour collecter des fonds en vue de construire l’université hébraïque de Jérusalem et financer le Fonds national juif. Il y reçoit un accueil triomphal. Il est conférencier à l’Université de Princeton.

Il est à New York en 1921. Les journalistes grouillent autour de lui. Il est étonné et dit : « Je dois avoir en moi quelque chose du charlatan ou d’un hypnotiseur pour attirer ainsi les foules comme au cirque. » A 43 ans, en 1922, lui est attribué le Prix Nobel de physique (mais rétroactif pour 1921) pour ses travaux sur la photoélectricité. Il ne peut se rendre à Stockholm parce qu’il est en route vers le Japon. Le protocole prévoit qu’en l’absence du lauréat, c’est l’ambassadeur de son pays qui le reçoit. « La cérémonie de remise du prix à Stockholm se déroula sans lui, car il était en route ver le Japon. En l’absence du lauréat, c’est l’ambassadeur de son pays qui reçoit pour lui la médaille et le chèque. L’ambassadeur d’Allemagne, après avoir consulté l’Académie des sciences de Berlin, soutint contre son collègue suisse qu’Einstein était citoyen allemand et alla recevoir le prix des mains du roi de Suède. (…) Einstein avait stipulé qu’il ne l’accepterait qu’à la garantie de pouvoir conserver sa nationalité helvétique, mais il n’y avait aucune trace de cette clause dans les archives.L’affaire se termina par une déclaration écrite d’Einstein selon laquelle, comme membre de l’Académie des sciences de Prusse, il bénéficiait de la nationalité allemande. »11

10 11

Levy-Lebllond, J-M., Un héros malgré lui, dans Sciences et Avenir de juillet-août 1997, pages 22 à 25 Sugimoto, Kenji., Albert Einstein, Bibliographie illustrée, Belin, traduct. française, 1990, p.88

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Biographie illustrée d'Albert Einstein

Cette année-là, le Danois Niels Bohr reçoit le prix Nobel de physique pour l’année en cours (1922). A 44 ans, en 1923, il se rend en Palestine où il mettra les colons sionistes en garde contre leur arrogance et leur aveuglement historique à l’égard des populations arabes. Hélas, sans succès. A 48 ans, en 1927, il participe à la Semaine de la recherche soviétique à Berlin et au conseil Solvay à Bruxelles. A cette occasion eut lieu la controverse sur les bases de la physique quantique. La majorité des physiciens suivent Max Born et Niels Bohr.

Ci-contre, avec Tagore, philosophe et mystique indien. Ci-dessous, avec Tagore, et Elsa, à gauche.

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Biographie illustrée d'Albert Einstein A 50 ans, Albert devient citoyen d’honneur de Berlin, l’année où Louis de Broglie reçoit le prix Nobel de physique (voir aussi chapitre 6.5). A 51 ans, en 1930, a lieu le sixième congrès Solvay, le dernier auquel Einstein participera. Lorentz, décédé, c’est Paul Langevin qui préside. Einstein deviendra, cette année-là, professeur à Princeton. A 52 ans, en 1931, il doit renoncer à son univers stable et se rallie à son uni-

vers en expansion. Lors de la première des Lumières de la Ville, en Janvier 1931. Charlie Chaplin lui dit : « Moi, on m’acclame parce que tout le monde me comprend et vous, on vous acclame parce que personne ne vous comprend. »

C’est aussi l’époque où les menaces des nazis commencent à peser sur lui. Ci-contre, Cent autorités scientifiques contre Einstein fut publié en 1931. « Le but de cette publication est d’opposer aux terrorismes des Einsteiniens les arguments d’un groupe puissant et illustre d’adversaires. »

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Biographie illustrée d'Albert Einstein “Bruxelles, Belgique, 8 septembreUne grande anxiété régnait à la villa « La Savoyarde », la résidence de Blankenberge du Professeur Albert Einstein, depuis la réception d’un bulletin rapportant qu’une organisation secrète nazie fixait un prix d’environ 455 dollars pour la tête du célèbre physicien. Madame Einstein s’est particulièrement alarmée, alors que son mari poursuit selon son habitude des marches matinales et de petites promenades dans les dunes. La police surveille dans le voisinage de la villa et des gardes du corps précèdent et suivent le professeur lors de ses promenades.

Sous ce dessin est écrit : « Le valet de l’ambassade allemande à Bruxelles fut chargé de faire guérir de ses hallucinations un demandeur d’asile qui traînait par là et qui prétendait être prussien. »

A 53 ans, en 1932, il part pour les Etats-Unis. C’est l’année où Werner Heisenberg reçoit le prix Nobel de physique. A 54 ans, en 1933, sa nationalité allemande lui est retirée et ses biens sont mis sous séquestre. Einstein quitte l’Amérique pour l’Europe à la fin du mois de mars et s’installe pour quelques mois en Belgique, à Le-Coq-sur-Mer. Fin novembre, il est à Princeton.

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Biographie illustrée d'Albert Einstein

Ci-dessus, en 1933 avec le roi des Belges, Albert Ier, et à Coq-sur-Mer, en compagnie d’Elsa en 1933. Pratiquant la bicyclette, et la comparant à la science, il avait l’habitude de dire : « Si elle n’avance pas, elle tombe » C’est l’époque où Einstein sent peser sur lui toute la pression médiatique qu’il n’a jamais su vraiment supporter. Il écrit à Solovine, son ami de jeunesse, au centre sur la photo ci-dessus, et avec lequel il avait fondé « l’Académie Olympia » à Berne. « Assez d’absurdités. J’espère que nous pourrons nous revoir quand l’agitation autour de ma personne sera un pu calmée. En attendant, salut affectueux de votre A.E. Si vous rencontrez des scientifiques juifs arrivant d’Allemagne, essayez de les mettre en contact avec moi. Je cherche à créer une université hébraïque à l’étranger (Angleterre) au moins pour apporter une première aide aux réfugiés et pour leur offrir une sorte d’asile spirituel ».

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Biographie illustrée d'Albert Einstein Il travaillera désormais jusqu’à sa mort à l’Institute for Advanced Study de Princeton

Einstein acheta cette maison en août 1935, 112 Mercer Street à Princeton

Voici l’article d’un journal américain du 22 décembre 1936 annonçant le décès d’Elsa Einstein, à l’âge de 58 ans. On peut y lire : « Pendant leurs années de mariage, Madame Einstein fut une partenaire dans la création des calculs mathématiques abstrus qui firent la renommée mondiale de l’Allemand »

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Biographie illustrée d'Albert Einstein A 59 ans, en 1938, Albert publie un article : « Pourquoi haïssent-ils les Juifs ? ». C’est l’année où Enrico Fermi reçoit le prix Nobel de physique.

A 60 ans, en 1939, il écrit au président Roosevelt sur la possibilité de fabriquer une bombe atomique. Voici la version française. 2 août 1939 Monsieur, Un travail récent d’E.Fermi et I.Szilard, dont on m’a communiqué le manuscrit, me conduit à penser que l’uranium va pouvoir être converti en une nouvelle et importante source d’énergie dans un futur proche. Certains aspects de cette situation nouvelle demandent une grande vigilance et, si nécessaire, une action rapide du gouvernement. Je considère qu’il est donc de mon devoir d’attirer votre attention sur les faits et recommandations suivantes : Au cours des quatre derniers mois, grâce aux travaux de Joliot en France et ceux de Fermi et Szilard en Amérique, il est devenu possible d’envisager une réaction nucléaire en chaîne dans une grande quantité d’uranium, laquelle permettrait de générer beaucoup d’énergie et de très nombreux nouveaux éléments de type radium. Aujourd’hui, il est pratiquement certain que cela peut être obtenu dans un futur proche. Ce fait nouveau pourrait aussi conduire à la réalisation de bombes, et l’on peut concevoir – même si ici il y a moins de certitudes – que des bombes d’un genre nouveau et d’une extrême puissance pourraient être construites. Une seule bombe de ce type, transportée par un navire et explosant dans un port pourrait en détruire toutes les installations ainsi qu’une partie du territoire environnant. On estime néanmoins que des bombes de cette nature seraient trop pesantes pour être transportées par avion. Les Etats-Unis n’ont que de faibles ressources en uranium. Le Canada est assez bien pourvu, ainsi que l’ancienne Tchécoslovaquie, mais les principaux gisements sont au Congo belge. Devant cette situation, vous souhaiterez peut-être disposer d’un contact permanent entre le gouvernement et le groupe des physiciens qui travaillent en Amérique sur la réaction en chaîne. Une des possibilités serait de donner cette tâche à une personne qui a votre confiance et pourrait le faire à titre officieux. Cette personne devrait être chargée des missions suivantes : a) Prendre l’attaché des différents ministères, les tenir informés des développements à venir, faire des propositions d’action au gouvernement en accordant une attention particulière à la question de l’approvisionnement américain en uranium. b) Accélérer les travaux expérimentaux qui sont actuellement menés sur des budgets universitaires limités, en leur apportant un financement complémentaire, si besoin est, grâce à des contacts avec des personnes privées désireuses d’aider cette cause et en obtenant peut-être la collaboration de laboratoires industriels disposant des équipements requis. J’ai appris que l’Allemagne vient d’arrêter toute vente d’uranium extrait des mines de Tchécoslovaquie dont elle s’est emparée. Le fils du vice-ministre des Affaires étrangères allemand, von Weizsäcker, travaille à l’Institut Kaiser Wilhem de Berlin, où l’on a entrepris de répéter les expériences américaines sur l’uranium. Voilà qui explique peut-être la rapidité de cette décision. Sincèrement vôtre

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Biographie illustrĂŠe d'Albert Einstein Et voici la version anglaise originale.

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Biographie illustrée d'Albert Einstein A 61 ans, en 1940, il prête serment pour devenir citoyen américain.

Hélène Dukas, Albert Einstein et sa belle-fille Margot prêtant serment de citoyen américain Einstein fit l’objet d’enquêtes, avant et après sa prestation de serment.

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Biographie illustrée d'Albert Einstein

Ci-dessus, la traduction du rapport du FBI du 15 avril 1950, avec des annotations d’Edgar Hoover, le chef du FBI : « Il indiqua à l’ambassadeur polonais que les Etats-Unis n’étaient plus un pays libre et que ses activités étaient scrutées avec minutie. Il a été un sponsor d’un comité de défense des droits de 12 leaders communistes. Le 12 février 1950, sur le réseau NBC, Einstein recommanda d’interdire toute violence parmi les nations pour empêcher « l’annihilation générale » de l’humanité

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Biographie illustrée d'Albert Einstein « Contacts et associés Les contacts sociaux et professionnels d’Einstein, depuis 1938, ont inclus un certain nombre de membres connus et de sympathisants du Parti communiste. L’un de ses anciens assistants à l’Université de Princeton qui fut par la suite refusé par la Commission de l’Energie Atomique, fut recommandé par Einstein. L’enquête du Bureau a montré que sa secrétaire, Hélène Dukas, qui résidait dans la maison d’Einstein a établi de nombreux contacts avec des individus connus pour être communistes, plusieurs d’entre eux furent suspectés d’être des agents soviétiques. L’étendue de l’enquête sur Dukas fut nécessairement limitée aux techniques discrètes. L’information pas encore totalement exploitée indique qu’il peut avoir eu des contacts avec Emil Klaus Fuchs qui fut récemment arrêté en Angleterre comme agent d’espionnage soviétique.

Divers Einstein fut l’un des nombreux Allemands distingués qui prêtèrent leur influence et leur prestige aux communistes allemands avant l’ascension d’Hitler. En 1940, l’armée refusa d’expliquer à Einstein ce qui concernait « le champ limité de l’étude pour laquelle ses services étaient nécessaires » après que la Marine eut donné son consentement. Einstein déclara publiquement en 1947 que le seul véritable parti réel de France avec une organisation solide et un programme précis était le Parti communiste. En mai 1948, lui et « 10 anciens chasseurs de têtes nazis » tinrent une réunion secrète pour observer un nouveau rayon de lumière d’une arme secrète qui pourrait être dirigées depuis les avions en vue de détruire les villes, selon l’Arlington Daily, Arlington, Virginie, 21 mai 1948. Le service de renseignements de l’armée avisa par la suite au Bureau que cette information pourrait être sans fondement et qu’aucune machine ne pourrait être conçue pour être efficace à une portée supérieure à quelques pieds. »

Autre rapport du FBI daté du 9 mars 1955, un mois avant le décès d’Einstein dont l’original se trouve page suivante. « Helen Dukas, secrétaire du Dr.Albert Einstein, à Princeton, New Jersey, fut interviewée sur une possible implication dans des activités d’espionnage au nom de la Russie (1928-1933) à Berlin en Allemagne. Elle nia toute connaissance des identités des espions connus qui auraient pu être en contact avec le bureau du Dr. Einstein pendant la période concernée. Elle n’a pas connaissance du « Club des travailleurs intellectuels » à Berlin durant cette période. Elle affirma qu’elle était sa seule secrétaire depuis 1928 et que les seuls autres assistants qu’il avait eus étaient sa femme et sa belle-fille aînée, toutes deux décédées. Elle déclara que le Dr. Einstein conservait son seul bureau à Berlin à son lieu de résidence et qu’il n’y avait pas d’autre employé dans la maison. Elle ajouta qu’actuellement le Docteur Einstein était en mauvais état de santé. »

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Biographie illustrĂŠe d'Albert Einstein

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Biographie illustrée d'Albert Einstein A 62 ans, en 1941, il participe à un récital de violon à Princeton en faveur des enfants réfugiés. Il n’a jamais raté une occasion de sortir son violon, mais ça n’en faisait pas un musicien exceptionnel pour autant. La bombe Il est facile d’être pacifiste, diront les mauvaises langues, alors qu’on a découvert la plus terrible formule qui permet aux hommes d’extraire de la matière l’énergie capable de dévaster le monde… La fission de l’atome au même titre aujourd’hui que la manipulation génétique à laquelle notre homme n’est pas lié -, pose une question à la conscience des savants. Et pourtant, dit-on : « dans la seule réalité qui existe pour la science, il n’y a ni question ni conscience ! ». Ce ne fut pas vraiment le cas d’Einstein qui dit, trop tard il est vrai : « Il y a des choses qu’il vaudrait mieux ne pas faire ». Et Einstein n’oublia pas ses devoirs puisqu’il ne put à la fois être juif et allemand. Ne voulant pas se mettre au service de la barbarie, il dut quitter son pays natal et, à ce moment-là, il mesura combien les intellectuels dépendent de la société qui exige d’eux qu’ils acceptent ce qu’elle impose. En juillet 1945, des scientifiques et militaires préparaient l’essai Trinity ; la bombe atomique attendait son explosion. Le déclenchement eut lieu le 16 juillet à 5 heures 29. La chaleur émise fut si intense que le sable du site fut transformé en billes de verre verdâtre et qu’une onde de choc balaya les savants éberlués qui exprimèrent un mélange d’exultation et d’effroi. Le 28 juillet, les Japonais rejetèrent le dernier ultimatum des alliés. Le 6 août, trois semaines après l’essai Trinity, le bombardier B29 « Enola Gay » emporta dans sa soute la bombe « Little boy » et à 8 heures 15, heure japonaise, largua cette bombe de 4.300 Kg sur Hiroshima. Le 9 août, une deuxième bombe tomba sur Nagasaki (photo ci-jointe). Le 14 août, le Japon capitula et ce fut la fin de la seconde Guerre mondiale. A 66 ans, Einstein est profondément affecté par les bombardements atomiques. Il regrette d’être intervenu auprès de Roosevelt et met l’humanité en garde contre le danger de destruction nucléaire.

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Biographie illustrée d'Albert Einstein

Robert Oppenheimer, le « père de la bombe atomique américaine » converse ici avec Einstein. Obsédé par le souvenir de Los Alamos, où des hommes avec une certaine innocence préparaient le premier essai atomique en le qualifiant « d’expérience », comme si cela représentait un prolongement de leurs « activités habituelles », Oppenheimer aimait à coter les termes d’un vieux texte sanscrit : « Je suis la mort qui ravit tout, qui ébranle les mondes ».

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Biographie illustrée d'Albert Einstein A 73 ans, en 1952, après la mort de Chaim Weizman, président de l’Etat d’Israël depuis sa création en 1948, Einstein refuse sa succession malgré l'insistance de Ben Gourion (photo ci-jointe).

A 73 ans, en 1952, lors d’une rare interview qu’il avait acceptée. A 74 ans, en 1953, il publie la dernière version de la théorie de la relativité générale. La ville de Berne l’invite à venir célébrer, deux ans à l’avance, le cinquantième anniversaire de la relativité. Einstein est déjà très malade, il sait qu’il arrive au bout du rouleau. Il décline l’invitation, mais il ajoute dans sa lettre : »J’espère que quelqu’un saisira cette occasion pour honorer comme il convient les mérites de Lorentz et de Poincaré à cet égard »12 A 76 ans, le 18 avril1955, Einstein décède à l’hôpital de Princeton.

12

Auffray., J-P., Einstein et Poincaré. Sur les traces de la relativité, Paris, Editions Le Pommier, 1999

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Biographie illustrée d'Albert Einstein Voici les dernières photos d’Einstein à Princeton et en compagnie d’enfants juifs. Sa solidarité avec le peuple juif, fondée sur son « dur destin », fut le plus profond de ses sentiments personnels13.

13

Sugimoto, K., Albert Einstein, Bibliographie illustrée , Belin, traduct. française, 1990, p.166

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Chapitre trois Les principales découvertes théoriques « Dans ma vie, je n’ai jamais cessé de chercher à entrevoir, ne serait-ce qu’un instant, l’ordre des choses qui se cachent dans la nature. Toute démarche scientifique exige de croire dans l’harmonie du monde. Notre avidité à comprendre est éternelle » 3.1. La constante de Planck Planck publia le 14 décembre 1900 sa loi du rayonnement qui donna naissance à la théorie des quanta. Cette théorie révolutionnaire devint la base de la physique moderne. Elle postulait pour la première fois que les échanges d’énergie se font de manière discontinue. Introduits par Planck, les quanta correspondent à une entité physique, les photons, composants élémentaires du rayonnement grâce auquel Einstein interprétera plus tard l’effet photoélectrique.

E  hf 

hc

E est l’énergie d’un photon. Elle est égale au produit de f (la fréquence de l’onde) par une constante appelée constante de Planck et égale à 6,626.10-34 Joule.seconde. En fait, cette constante exprime le seuil d'énergie minimum que l'on puisse mesurer sur une particule. 3.2. La photoélectricité Observons de plus près l’écran que consulte Einstein. Un essaim de photons se dirige vers une cible métallique. Les chocs de ces « grains de lumière » libéreront des électrons des atomes. Et un courant électrique apparaît au sein du métal. La lumière est faite de particules, de « grains » et lorsqu’ils sont nombreux, ils donnent l’impression d’être une onde. Chaque grain emporte avec lui un paquet d’énergie bien définie appelée « quantum » (pluriel :quanta). En 1926, le physicien américain Gilbert Lewis baptisera photons ces grains de lumière. Ils sont 1 milliard de fois plus abondants que n’importe quelle autre particule. Leur vitesse est de 300.000 km/s. Pour la découverte de la photoélectricité, Einstein recevra le prix Nobel en 1921.

45


Les principales découvertes théoriques

Référons-nous à la théorie de la photoélectricité qu’Einstein énonça en 1905 et qui lui valut le Prix Nobel. Il démontra que lorsque l’énergie d’un quantum lumineux « hf » atteint une valeur précise, égale au travail d’extraction d’un électron d’une surface métallique précise, alors, et alors seulement, cet électron quitte cette surface. Pour que le phénomène se produise, il faut que la fréquence « f » soit égale à celle de la vibration électronique du métal illuminé. Si ce n’est pas le cas, l’augmentation de l’intensité lumineuse n’aura aucune incidence.

Métal E

e–

f0

f

f0 est la fréquence limite du rayonnement qui permet l’extraction des électrons.

46


Les principales découvertes théoriques L’énergie cinétique des photoélectrons est égale à

Ecin  hf  WA soit 1 2 mvmax  hf  W A 2

avec hf 

hc

 h = la constante de Planck (6,62.10-34), f est la fréquence de vibration électronique du métal considéré et WA est le travail d’extraction On peut trouver l’énergie cinétique de l’électron éjecté en déterminant la différence de potentiel nécessaire pour stopper son mouvement ; on a alors : 1 2 mvmax  hf  W A 2 hf  WA  Vs e où Vs est le potentiel d’arrêt et e la charge de l’électron (l’unité est l’électron-volt) La fréquence est limitée aux valeurs quantifiées propres au métal ciblé. C’est donc bien la fréquence qu’il faut viser et non l’intensité du rayonnement. (Voir aussi l’explication 1 de l’annexe mathématique) 3.3. La relativité restreinte et la vitesse de la lumière La première théorie d’Einstein, qui date de 1905, est dite « restreinte » par opposition à celle de 1915, intitulée « relativité générale » Restreinte, parce qu’elle ne s’applique qu’à des lieux animés d’un mouvement rectiligne uniforme et non pas au mouvement accéléré, qui concerne « la relativité générale. » Comme expérience de pensée, Einstein se posa la question de savoir ce qu’il constaterait s’il chevauchait un rayon de lumière. Il savait que c’était biologiquement impossible, car selon la relativité restreinte, la longueur des objets animés de cette vitesse se réduirait à zéro et le temps serait arrêté. Mais toujours dans son expérience de pensée, Einstein se demandait s’il pourrait se voir dans un miroir. Comme l’image dans le miroir est transportée elle-même par un rayon de lumière qui se déplace à la même vitesse (300.000 km/s) pourra-t-il jamais rattraper les rétines d’Albert qui filent devant lui. Voici la réponse à la rêverie du jeune Albert. Le rayon de lumière qui envoie à ses rétines sa propre image file en effet à 300000 km/s, mais cette vitesse est absolument indépendante de la vitesse du véhicule chevauché par Albert, même si le véhicule est la lumière elle-même. Pourquoi ? Parce que la lumière défie le principe d’addition des vitesses. Le 30 juin 1905, Einstein émet sa théorie aux Anales de chimie, Comme l’écrit Einstein14 : « Supposons qu’un train marche avec une vitesse constante v et qu’un homme se déplace dans un des wagons dans le sens de sa longueur, c’est-à-dire dans le sens de la marche du train, avec la vitesse w. Combien rapidement ou avec quelle vitesse W l’homme avance-t-il dans sa marche relativement au talus ? La seule réponse possible semble résulter de la réflexion suivante : si l’homme restait immobile pendant une Einstein, Albert., La théorie de la relativité restreinte et générale, traduit en français par Maurice Solovine pour Gauthier-Villars en 1923 ; Préface de Marc Lachièze-Rey, Dunod, Paris 2004, pages 18 et suivantes. 14

47


Les principales découvertes théoriques seconde, il avancerait relativement au talus, d’une longueur v égale à la vitesse du wagon. Mais, en réalité, il parcourt pendant cette seconde relativement au wagon et par conséquent relativement au talus, la longueur w, qui est égale à la vitesse de sa marche. Il parcourt donc au total pendant cette seconde, relativement au talus, la longueur : W=v+w » Poursuivons avec les propres phrases d’Einstein : « Supposons que, me trouvant devant la fenêtre d’un wagon d’un train en marche uniforme, je laisse tomber, sans lui imprimer une impulsion, une pierre sur le talus. Je vois alors (abstraction faite de l’influence exercée par la résistance de l’air) la pierre tomber en ligne droite. Mais un piéton qui observe le méfait du sentier constate que la pierre dans sa chute décrit une parabole. Je demande maintenant : « les lieux » que la pierre parcourt, sont-ils « réellement » situés sur une droite ou sur une parabole ? La réponse s’entend d’elle-même (…) La pierre décrit, par rapport à un système de coordonnées rigidement lié au wagon, une droite, mais par rapport à un système de coordonnées rigidement lié au sol, une parabole. Cet exemple montre clairement qu’il n’y a pas de trajectoire en soi, mais seulement une trajectoire par rapport à un corps de référence déterminé. Le phénomène de la propagation de la lumière doit naturellement, comme tout autre phénomène, être rapporté à un corps de référence rigide (système de coordonnées). Nous choisissons comme tel notre talus et nous supposons que l’air au-dessus de lui a été enlevé. Supposons envoyé le long du talus un rayon de lumière qui se propage par rapport à lui avec la vitesse c. Supposons que notre wagon se déplace sur la voie ferrée avec la vitesse v et dans le même sens que le rayon de lumière, mais, bien entendu, avec une vitesse beaucoup plus petite que ce dernier. Nous demandons maintenant : « Quelle est la vitesse de propagation du rayon lumineux relativement au wagon ? Il est facile de voir (…) que la vitesse la vitesse de la lumière cherchée par rapport au wagon est : W=c–v La vitesse de propagation du rayon lumineux relativement au wagon est, par conséquent, plus petite que c. Mais ce résultat est en contradiction avec le principe de relativité (…) D’après ce principe, la loi de propagation de la lumière dans le vide devrait, comme toute autre loi générale de la nature, être la même, soit qu’on choisisse le wagon, soit qu’on choisisse la loi ferrée comme corps de référence. Mais ceci paraît, d’après notre réflexion, impossible. Car, si tout rayon lumineux se propage, relativement au talus, avec la vitesse c, la loi de propagation de la lumière devrait par là même être différente relativement au wagon, ce qui est en contradiction avec le principe de relativité ». Les effets relativistes imaginés par Lorentz, contraction de longueur et dilatation du temps trouvent une place logique dans la théorie d’Einstein. C’est la barrière de la vitesse de la lumière, 300.000 km par seconde qui produit ces déformations pour l’observateur. Nous prendrons d’abord connaissance des « transformations de Lorentz » puis nous envisagerons la démonstration de la constance de la vitesse de la lumière et nous comprendrons alors qu’il n’y a aucune incompatibilité entre le principe de relativité et la loi de propagation de la lumière. 3.4. La relativité de la simultanéité

V

M’

M ’

48


Les principales découvertes théoriques Extrait du livre d’Einstein « Supposons un train très long se déplaçant sur une voie ferrée avec une vitesse constante v dans le sens BA. Les voyageurs du train auront avantage de se servir du train comme corps de référence rigide (système de coordonnées), auxquels ils rapporteront tous les événements. Tout événement qui a eu lieu le long de la voie ferrée a aussi eu lieu en un point déterminé du train. La définition de la simultanéité peut aussi être formulée exactement de la même façon par rapport au train que par rapport à la voie. La question suivante se pose ainsi tout naturellement : Deux événements (par exemple les deux éclairs A et B), qui sont simultanés par rapport à la voie, sont-ils aussi simultanés par rapport au train ? Nous montrerons tout à l’heure que la réponse doit être négative. Quand nous disons que les éclairs A et B sont simultanés par rapport à la voie ferrée, nous entendons par là que les rayons issus des points A et B se rencontrent au milieu M de la distance A-B située sur la voie. Mais aux endroits A et B sur la voie correspondent des endroits A et B dans le train. Soit M’ le milieu de la droite A-B du train en marche. Ce point M’ coïncide bien avec le point M à l’instant où se produisent les éclairs (vus du talus) mais il se déplace sur le dessin vers la gauche avec la vitesse v. Si un observateur dans le train assis en M’ n’était pas entraîné avec cette vitesse, il resterait d’une façon permanente en M et les rayons lumineux issus de A et B l’atteindraient simultanément, c’est-à-dire que ces deux rayons se rencontreraient au point où il se trouve. Mais en réalité il court (vu du talus) vers le rayon de lumière venant de A, tandis qu’il fuit devant celui qui vient de B. Il verra par conséquent le rayon de lumière qui vient de A plus tôt que celui qui vient de B. Les observateurs qui se servent du train comme corps de référence doivent donc arriver à la conclusion que l’éclair A s’est produit antérieurement à l’éclair B. Nous aboutissons ainsi au résultat important suivant : Des événements qui sont simultanés par rapport à la voie ferrée ne sont pas simultanés par rapport au train et inversement (relativité de la simultanéité). Chaque corps de référence (système de coordonnées) a son temps propre ; une indication de temps n’a de sens que si l’on indique le corps de référence auquel elle se rapporte. » 3.5. Les transformations de Lorentz Les « transformations de Lorentz » avaient déjà mis en évidence cette dilatation du temps et cette contraction des longueurs liées au mouvement. Dans la perspective d’Einstein, la masse semble aussi s’accroître avec la vitesse et finit par opposer une résistance insurmontable à toute accélération supplémentaire. Plus on se déplace à grande vitesse, et plus on s’approche de la vitesse de la lumière, plus il est difficile d’augmenter sa vitesse.

Yv

Y

V

vt

O O Z

X

Ov

Xv

Zv

Ces deux systèmes de coordonnées cartésiennes représentent deux référentiels dont ’un système d’axes en trait plein se déplace à la vitesse v dans le sens positif de l’axe x.

49


Les principales découvertes théoriques Tout point référencié dans le système d’axes en trait plein représente un mobile dont les coordonnées sont mesurables dans les deux référentiels. D’où les transformations de Lorentz

xv  x  vt ; yv  y ; zv  z

;

t  tv

En tenant compte de la transformation des coordonnées de temps :

xv 

x  vt 1

t

v2

t

v

1

v2 c2

c2 Aux vitesses très élevées, la vision de l’espace se déforme. La perception du temps est aussi perturbée. Pour ceux qui vivent l’événement, les durées sont toujours les mêmes mais les spectateurs ont une autre vision. Pour eux, le nombre d’images à la seconde est plus élevé et les événements se déroulent au ralenti. Comme ce fut le cas pour le train d’Einstein, un observateur immobile voit la longueur du mobile se raccourcir en fonction de sa vitesse. Effet de perspective, donc de perception. Le pilote ne s’aperçoit de rien. Que le mobile soit à l’arrêt ou atteigne sa vitesse maximale, il ne change pas de dimensions. Ce sont les images qui changent et non pas la taille des objets.

Schéma d’une balle vue au repos et après sa sortie du canon sur l’axe de sa trajectoire.

Le champ électrique d’une particule chargée électriquement n’est plus symétrique si cette particule se déplace à très grande vitesse.

Commentons les situations vécues par un astronaute, qui observe une impulsion lumineuse allant du plancher au plafond puis, par réflexion sur un miroir, du plafond au plancher. Si t0 est le temps nécessaire à un rayon lumineux pour accomplir la distance

AB  BC  2d , quand le temps est mesuré par le pilote lui-même, tp, alors

tp  2

d c

(1)

et le point d’impact lumineux, après réflexion sur le miroir, est le même que le point de départ, c’est-à-dire A. Considérons maintenant le même événement vu par un observateur fixe qui voit passer la navette spatiale. Après réflexion du rayon lumineux sur le miroir, le point d’impact est C, différent du point de départ. Cette constatation s’exprime quantitativement par le théorème de Pythagore :

d 2  AB 2  (

50

AC 2 ) 2

(2)


Les principales découvertes théoriques

Si « t0 » désigne la durée (inconnue) de l’événement pour un observateur au repos voyant passer la navette, la distance parcourue par l’impulsion lumineuse à l’aller est, pour cet observateur :

AB  c

to 2

et la distance parcourue par la lumière pendant le même temps est :

AD 

t AC v 0 2 2

B

d

A

C

B

d

A

D

C

Dans ce cas l’aller retour du rayon lumineux prend davantage de temps

51


Les principales découvertes théoriques En incorporant les deux dernières équations dans l’équation (2) et en notant que BD = h, nous obtenons : 2

t d  (c  v ) 0 4 2

2

2

d’où

Or t p  2

t0 d c

2

et

4d 2  2 (c  v 2 )

, donc

t0 

t0  4 2

d2 c2

1 v2 1 2 c

tp 1

v2 c2

3.6. Le comportement des règles et des horloges en mouvement. Repartons des systèmes d’axes des deux référentiels définis lors de la transformation de Lorentz. Supposons le référentiel O à l’arrêt et le référentiel Ov mobile se déplaçant à la vitesse v dans le sens de l’axe des x. On en déduit que le déplacement de tout point dans le sens de l’axe des x parcourt, pendant un temps t, une distance égale à:

xv 

x  vt 1

v2 c2

Si « l0 » est la longueur mesurée par un observateur fixe, quand l’engin interplanétaire est à l’arrêt (v=0 ) et si lv est la longueur mesurée par le même observateur alors que l’engin se déplace à grande vitesse v (non négligeable par rapport à c), la relation entre les deux longueurs observées est la suivante :

l0  xv 2  xv1 =

x 2  x1 1

v

2

=

c2

lv 1

v2 c2

d'où

lv  l0

v2 1 2 c

Ce qui signifie qu’à vitesse élevée l devient inférieure à l’, dans une proportion qui dépendra de cette vitesse.

Einstein a donné en 1911 cette conséquence surprenante du principe de la relativité : « Si nous placions par exemple un organisme vivant dans une boîte (…) on pourrait arriver à ce que cet organisme, après un vol suffisamment long, revienne à son point de départ très peu changé, alors que des organismes de même nature qui seraient restés immobiles aux endroits initiaux, auraient depuis longtemps laissé la place à de nouvelles générations. Pour l’organisme en mouvement, le long voyage n’aurait représenté qu’un cours instant, si la vitesse du déplacement était proche de celle de la lumière !

52


Les principales découvertes théoriques Cette constatation s’oppose aussi à Newton pour lequel, quel que soit le lieu où l’on se trouve et quelle que soit la vitesse qui nous anime, l’horloge donne la même heure. « Deux jumeaux ont 25 ans quand l’un d’eux effectue un voyage spatial. Le jumeau qui est dans le vaisseau spatial mesure le temps sur une montre de précision. Lorsqu’il revient sur Terre, il prétend avoir 31 ans alors que le jumeau qui n’est pas parti est certain d’avoir 43 ans. Le frère resté sur Terre aurait vieilli de 12 ans, alors que le voyageur n’aurait pris que 6 ans ! Quelle était la vitesse du réseau spatial ? » La réponse : 283.000 kilomètres par seconde. (Voir aussi l’explication 2 en annexe mathématique).

ct

Jumeau terrestre C Atterrissage du jumeau spatial

B

A Décollage du jumeau spatial 0

X

Ce graphique présente l’espace-temps de Minkowski dont les explications numérotées 5,6, 7 et 8 vous sont données dans l’annexe mathématique. En résumé, les horloges synchronisées au même endroit sont emportées, l’une par le jumeau terrestre et l’autre par le jumeau « spatial ». L’horloge mobile indiquera à l’atterrissage du jumeau spatial une durée inférieure à celle de l’horloge immobile du jumeau « terrestre ». Ce qui signifie que le jumeau spatial est plus jeune à son retour que le jumeau resté sur Terre. Comment est-ce possible ? Le jumeau terrestre parcourt une ligne d’univers parallèle à l’axe du temps « t », tandis que le jumeau spatial décrit une portion d’univers oblique (en pointillé). Puis il fait demi-tour pour rejoindre la Terre selon une portion de ligne d’univers symétrique de la première. Dans le référentiel de Minkowski, où l’on représente le temps comme quatrième dimension en plus des coordonnées spatiales, les trois étapes « décollage », « demi-tour » et « atterrissage » ne sont pas rectilignes. La longueur de la ligne pointillée est égale au produit de c par la durée (ct) qui s’est écoulée dans le vaisseau spatial. La longueur de la ligne continue correspond à la ligne d’univers du jumeau terrestre

53


Les principales découvertes théoriques Que s’est-il passé ?

t jumeauterrestre 

t jumeauspatial v2 1 2 c

C’est-à-dire que le temps de l’observateur, mesuré dans son propre système d’axes, est supérieur au temps propre consommé par le jumeau spatial. L’observateur a donc vieilli davantage. Et c’est aussi pourquoi l’astronaute se déplaçant à une vitesse proche de la vitesse de la lumière et revenant sur Terre est convaincu qu’il a moins vieilli que les terriens qu’il retrouve. En réalité, si l’on calcule la distance spatio-temporelle parcourue par le vaisseau au moyen des outils classiques de la géométrie euclidienne, on trouverait le trajet ABC plus long que le trajet AC ; dans le cas de l’espace-temps de Minkowski, la longueur du trajet ABC (voir schéma) est plus courte que celle du trajet AC. Par conséquent, la durée du voyage est plus courte pour le voyageur spatial que pour celui resté sur Terre. Certes, mais si l’on se plaçait à la place du voyageur spatial, sa ligne d’univers serait parallèle à l’axe du temps et c’est la ligne du jumeau resté sur Terre qui aurait la même allure que la ligne pointillée. Ne trouverions-nous pas alors que le voyageur resté sur Terre a rajeuni ? Non, car ce diagramme n’a aucun sens, car la terre ne ressent pas d’accélération quand elle quitte ou rejoint le vaisseau spatial. C’est donc le voyageur qui ressent l’accélération qui rajeunit. Einstein l’avait bien démontré : accélération et gravité sont identiques et c’est eux qui déterminent l’espace-temps. La constance de la vitesse de la lumière est maintenant démontrable à partir des transformations de Lorentz : voir l’explication 4 en annexe mathématique.

Comme l'indique cette montre-souvenir, le temps vécu à la vitesse v est égal au temps vécu à la vitesse zéro multiplié par la racine carrée de 1 - v2/c2 , c étant la vitesse de la lumière.

54


Les principales découvertes théoriques 3.7. La théorie de la relativité appliquée à la masse Einstein écrit15 : « D’après la Théorie de la relativité, l’énergie cinétique d’un point matériel de masse m n’est plus donnée par l’expression mais par l’expression 2 2

m

v 2

mc

1

v2 (1  2 ) 2 c

qui tend vers l’infini quand la vitesse v tend vers la vitesse de la lumière c. La vitesse doit, par conséquent, rester toujours inférieure à c, si grandes que soient les énergies qu’on emploie à l’accélérer. v2 3 v4 2 En développant l’expression pour l’énergie cinétique en série, on obtient : mc  m  m 2  ... 2 8 c 2 Quand  / c est petit par rapport à 1, le troisième de ces termes est toujours petit par rapport au second, le seul considéré dans la Mécanique classique. Le premier terme mc2 ne contient pas la vitesse, il ne faut donc pas en tenir compte quand il s’agit seulement de savoir comment l’énergie d’un point matériel dépend de la vitesse » « Un corps animé de la vitesse v, qui absorbe une quantité d’énergie E0 (E0 est l’énergie absorbée par rapport à un système de coordonnées en mouvement avec le corps) sous forme de rayonnement, sans que sa vitesse soit modifiée, éprouve un accroissement d’énergie égal à

E0 1

v2 (1  2 ) 2 c

L’énergie cherchée du corps est alors donnée, en tenant compte de l’expression indiquée plus haut pour l’énergie cinétique, par

E0 2 )c c2 1 v2 (1  2 ) 2 c

(m 

Le corps a donc la même énergie qu’un corps de masse m 

E0 c2

animé de la vitesse v. On peut par conséquent dire : si un corps absorbe une énergie E0 , sa masse inerte augmente de

E0 c2

La masse inerte d’un corps n’est pas constante, mais variable en proportion de la variation de l’énergie de celui-ci. La masse inerte d’un système de corps peut même être considérée directement comme la mesure de son énergie. Le principe de la conservation de la masse d’un système s’identifie avec celui de la conservation de l’énergie et n’est valable que si le système n’absorbe ni n’émet d’énergie. Si l’on écrit l’expression pour l’énergie sous la forme

mc 2  E 0 1

(1 

v2 2 ) c2

On voit que le terme mc2, qui nous a déjà frappé, n’est autre chose que l’énergie que le corps possédait déjà avant l’absorption de l’énergie E0. Le graphique d’augmentation de la masse en fonction de la vitesse est le suivant :

Einstein, Albert., La théorie de la relativité restreinte et générale, traduit en français par Maurice Solovine pour Gauthier-Villars en 1923 ; Préface de Marc Lachièze-Rey, Dunod, Paris 2004, pages 50 et suivantes. 15

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Les principales découvertes théoriques m 1  1 m0 v2 2 (1  2 ) c

m m0 3

2

1

v c 0

0,2

0

0,4

0,6, 6

1

0,8

1 3

2

v en 108 mètres / seconde

Une autre approche de la relation entre la masse et l’énergie  La mécanique classique a établi une relation entre la force moyenne F exercée sur un objet de masse m0 pendant un intervalle de temps t, et la quantité de mouvement obtenue par cet objet. D’où : F 

m0  v t

Cette formule peut s’appliquer à la balle de golf qui reçoit une force d’impulsion pendant un court moment, mais qui donne à la balle une certaine vitesse proportionnelle à sa masse. En utilisant la formule de la variation de la masse avec la vitesse, comme nous l’a appris la relativité restreinte :

m

m0 1

v2 (1  2 ) 2 c

nous obtenons :

v t F  3 v2 2 (1  2 ) c m0

En mécanique newtonienne, la variation d’énergie cinétique est égale au travail accompli   par la force F sur une distance  x , c’est-à-dire E = F  x En partant de l’état de repos (v=0), la différence d’énergie cinétique est donc égale à : v

E 0

La résolution donne :

m0 vv 3 v2 2 (1  2 ) c

E  (m  m0 )c 2

C’est la plus célèbre équation du monde, née en 1905 entre deux journées de travail à l’Office des brevets de Berne. Nous commémorons cette année son centenaire. Cette équation signifie que masse et énergie sont des grandeurs interchangeables. À une constante de proportionnalité près : c2 (le carré de la vitesse de la lumière). En d’autres termes, un kilo de matière, peu importe sa nature, pourrait produire milliards de Kilowattheures

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Les principales découvertes théoriques d’énergie (la production annuelle d’une très grosse centrale nucléaire), si elle était intégralement transformée en énergie pure. Un gramme de matière contient une quantité exorbitante d’énergie. En utilisant les unités du système KMS m s’exprime en Kg et c2 9.1016 (mètre/seconde) Voir l’exemple de conversion d’énergie en matière dans l’explication 3 de l’annexe mathématique. 3.8. La relativité générale et la forteresse newtonienne Pour connaître vers où l’on va, il faut aussi savoir d’où l’on vient. Comment apprécier Einstein sans parler des découvertes de l’un des plus grands savants de tous les temps : Isaac Newton. Isaac Newton (1643-1727) dans l’un de ses grands ouvrages, « Philosophiae naturalis principia mathematica », (Principes mathématiques de la philosophie naturelle), 1687, domine l’histoire de la pensée scientifique. Rappelons les trois lois fondamentales de Newton : Le principe d'inertie ou première loi de Newton affirme que, dans un référentiel galiléen, tout corps qui est soumis à une force résultante nulle est immobile ou en mouvement rectiligne uniforme. La seconde loi de Newton dit que l'accélération "a" d'un objet est proportionnelle à la force F qui s'y applique, et inversement proportionnelle à sa masse m. a = F/m La masse inertielle tend à résister à l’accélération, donc à la diminuer. Bref, on retrouve toujours la masse inertielle dans un contexte d’accélération, et sans qu’il soit question de gravitation. La troisième loi de Newton s'énonce comme suit : "Les forces se produisent toujours par paires. Si l'objet A exerce une force F sur l'objet B, alors l'objet B exerce une force égale et opposée -F sur l'objet A "

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Les principales découvertes théoriques D’après sa loi de la gravitation universelle, deux masses m1 et m2 s’attirent avec une force proportionnelle au produit m1 . m2 et est inversement proportionnelle au carré de leur distance :

Fcentripète  6,672.10 11

m1.m2 r2

6,67.10-11 est la constante gravitationnelle G. Si la Terre tourne autour du Soleil, c’est parce que les deux astres s’attirent. C’est vrai aussi pour la Terre et Lune. Une planète est sur une orbite stable quand la pesanteur ne la fait pas tomber sur le Soleil et quand la force centrifuge, qui se crée sur l’orbite, ne la fait pas sortir de celle-ci vers l’extérieur. La force centrifuge dépend de la masse m de la planète, de sa vitesse orbitale v, et de la distance r de la planète au Soleil.

mv 2 Fcentrifuge  r

Quand un objet effectue un mouvement circulaire, la force (F) résultante de son mouvement est donc perpendiculaire au rayon du cercle

F

58

Force résultante perpendiculaire au rayon


Les principales découvertes théoriques

Henry Cavendish (1731-1812) détermina en 1798, avec une balance tournante, la constante de gravitation universelle.On suspend horizontalement une baguette à un fil. Aux extrémités de la baguette sont accrochées des masses connues avec précision. Si l’on approche une masse connue beaucoup plus grande, la balance tournante effectue une faible rotation. G est calculé à partir de l’angle de torsion. Si l’on connaît G (6,67.10-11) et g (9,81 m/s2), on peut alors calculer la masse de la Terre : un corps de masse m à la surface de la Terre est attiré par le centre de gravité de la Terre avec une force gravitationnelle F égale à :

F  Gm

M  mg R2

M 

gR 2 G

mg est appelé poids d'un corps de masse m

Le rayon moyen de la Terre étant de 6.371.012 mètres. Le calcul est alors simple :

9,81.(6371012) 2 M   5,968.1024 Kg 11 6,672.10 Quel que soit l’endroit où un objet se situe dans l’univers, et quelle que soit sa vitesse, il aura des mesures identiques. Et du point de vue du temps, tout se passe comme si une horloge unique donnait l’heure identique à tout l’univers.

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Les principales découvertes théoriques Les marées16 La force génératrice des marées est une conséquence des forces de gravitation dans le système Soleil, Terre, Lune. La Terre et la Lune tournent autour d’un centre de gravité commun qui se trouve à l’intérieur du globe terrestre. L’action du Soleil est négligée pour simplifier. La Terre étant en rotation autour de son axe, la force génératrice des marées est constamment variable. Ainsi la force exercée par la Lune entraîne un léger gonflement de la surface terrestre et par conséquence un flux d’eau. : les marées. L’expression de l’accélération ag des marées est :

a g  2

Gm1 R r13

Avec m1 la masse de la Lune ; r1 la distance moyenne Terre-Lune

Pour Newton, l’unique ligne du temps est commune à tous les expérimentateurs. Chacun partage le même temps et celui-ci ne se mêle pas à l’espace. Le temps newtonien est unique et le décalage horaire de nos différents fuseaux n’est qu’une commodité permettant aux diverses nations d’utiliser au mieux les plages diurnes et nocturnes. Pour Einstein, tout est différent : sa structure se révèle grâce au trajet de la lumière : elle est courbe. Et quatre dimensions, et non trois, sont absolument nécessaires : les trois dimensions spatiales + le temps. Quel que soit le mouvement physique, il combine un déplacement spatial le long d’une direction de l’espace et un déplacement temporel le long de l’échelle du temps. Ce qui est plus paradoxal encore, c’est que la même règle permettant de mesurer les objets à une dimension est différente selon l’endroit où elle se trouve et selon la vitesse de l’observateur par rapport à la vitesse de l’objet observé. Contrairement à, Einstein proclame que le temps et l’espace sont interdépendants. D’où la création du nouveau concept : « l’espace-temps ». Impossible de toucher à l’un sans toucher à l’autre.17

16 17

Breuer Hans, Atlas de la physique, La Pochothèque, Le Livre de Poche, Paris,1997, p.45 Science et Vie Junior-Hors série (N°59-janvier 2005)

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Les principales découvertes théoriques On voit ici l’espace-temps qui s’incurve et les montres qui affichent des heures différentes. Il ne s’agit pas des différences d’heures « en fonction du méridien terrestre, mais d’une heure astronomique fonction de la déformation de l’espace-temps. De même que le ruban mesureur affiche des unités variant avec la courbure de l’espace-temps. Dès l’époque de Newton, les physiciens débattaient de la nature de la lumière : ondes ou particules. Newton avait une préférence pour les particules tandis que Huygen défendait les ondes. Pourquoi Einstein s’attaque-t-il à la forteresse newtonienne qui semble convenir à tout le monde depuis trois siècles ? D’abord, parce que Newton considère l’espace comme rigide, dont chaque lieu est directement adressable par les trois dimensions bien connus : largeur, hauteur et profondeur. Voici quelques phrases qu’Einstein aurait pu prononcer ou a même prononcées18 : « Un adulte normal ne s’arrête jamais pour réfléchir à l’espace et au temps. Cette question, les enfants seuls se les posent. Je suis resté un enfant. Je me suis toujours posé les questions les plus simples et me le pose encore Dieu aurait-il pu créer l’univers d’une autre manière ou peut-être n’en avait-il pas le choix ? Et comment moi aurais-je fait l’univers si j’en avais eu l’opportunité ? J’ai appris à m’isoler devant les imprévisibilités des relations humaines. La première théorie de la relativité était un jeu d’enfant devant la gravitation Toujours est-il qu’Albert Einstein a toujours eu l’ambition de lire dans les pensées de Dieu et ses « expériences de pensée » ne lui ont pas mal réussi. L’occupant de l’ascenseur tombe en chute libre et accompagne la cage dans sa chute. Celle-ci semble rester au repos par rapport à lui qui ne ressent plus aucune force s’exercer sur son corps. Il est en « impesanteur ». Einstein constate que la chute libre annule le poids. L’annulation du poids correspond à l’annulation de la gravitation puisque le poids est la force avec laquelle notre masse est attirée vers la Terre. L’occupant d’un vaisseau spatial qui se déplace à vitesse uniforme autour de la Terre vit aussi en impesanteur, après avoir subi une énorme accélération, au départ. S’il accélère d’ailleurs, à nouveau, soudainement, l’astronaute sera plaqué sur le sol de sa cabine. Pourtant dans l’ascenseur comme dans le vaisseau, l’attraction terrestre continue de jouer. En fait, ce qui est ressenti comme le poids n'est pas l'attraction exercée par la Terre sur la personne d'Einstein, mais la réaction du sol de la cage d'ascenseur soumis à cette force. 1ère conclusion : c’est l’accélération de l’ascenseur et celle du vaisseau spatial qui ont annulé les effets de la gravitation. Au moment où l’ascenseur touche le sol, l’occupant se retrouve dans la même situation qu’au départ, juste avant la chute de la cage : il sent son propre poids, les pieds appuyés sur le plancher, le tronc et la tête attirés vers le bas. C’est ce qui se produit aussi si le vaisseau spatial accélère soudainement alors qu’il navigue à vitesse uniforme. 2e conclusion : gravitation et accélération ont donc les mêmes effets. Ce qui signifie aussi que tous les effets de la gravitation peuvent être compensés par ceux d’une accélération. Accélération et gravité sont ressenties de manière identique.

18

Film de Françoise Wolff., Coproduction La Sept ARTE - Unité Thema on line productions,1997

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Les principales découvertes théoriques Einstein énonce alors son principe d'équivalence : un référentiel d’inertie, placé dans un champ de gravitation, est équivalent à un référentiel en mouvement uniformément accéléré placé dans l’espace libre de gravitation. Aucune expérience ne permet ainsi à l’observateur de distinguer s’il se trouve dans l’un ou l’autre de ces référentiels. Si le principe d’équivalence d’Einstein est valable, la gravitation doit être un phénomène dû à la courbure de l’espace-temps. Autrement dit, les effets que la gravitation produit sont

équivalents aux effets que produit le fait d’être dans un espace-temps courbe.

Après le décès d’Einstein, en 1955, les astronautes ont aussi testé ce principe, quand leur capsule, freinée par les frottements de l’air atmosphérique, se trouve en chute vers la Terre avec une accélération équivalente à 5/6 g. Dans ce cas, ils ne ressentent plus que le 1/6 restant des g. Ils pourraient alors croire qu’ils sont en chute libre vers la Lune dont le champ de gravitation est égale à 1/6 g terrestre. 3.9. Ce qu'Einstein ignora dans le principe d'équivalence. Einstein ignora, dans ce principe, les forces de marée gravitationnelles Pourquoi? alors que, selon Newton, les forces gravitationnelles agissaient selon la distance séparant les masses concernées. Selon Newton, un être humain devait être soumis à des forces d’intensités diverses. Les pieds étant plus proches de la Terre, ils devraient subir une attraction supérieure à celle s’exerçant sur la tête.

Mais, pour la personne qui est en chute libre, « elle ne sent plus son poids », dit Einstein (Photo de droite). Pourtant l’étirement entre la tête et les pieds ainsi que la compression latérale sont toujours là. Selon Thorne19 : « Einstein justifiait cet oubli en imaginant que la personne en chute libre (et son référentiel) était très petite. Si, par exemple, vous n’êtes pas plus gros qu’une fourmi, toutes les parties de votre corps sont proches les unes des autres, et ainsi la direction et l’intensité de l’attraction gravitationnelle seront pratiquement identiques au centre et aux extrémités de votre corps (…) D’un autre côté, si vous êtes un géant haut de 5000 Km, alors la Thorne Kip S.., Trous noirs et distorsions du temps, ‘L’héritage sulfureux d’Einstein), Flammarion, Paris, 1997, p.106. 19

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Les principales découvertes théoriques direction et l’intensité de l’attraction gravitationnelle de la Terre seront très différentes entre le centre et les parties extérieures de votre corps. Par conséquent, vous ressentirez au cours de votre chute un étirement et une compression énormes. Ce raisonnement convainquit Einstein que dans un référentiel suffisamment petit en chute libre (…) on ne devrait pouvoir détecter aucune influence des forces de marée gravitationnelles. Donc, de petits référentiels en chute libre dans notre univers doté de gravité sont équivalents à des référentiels d’inertie dans un univers sans gravité. Mais ce n’est pas le cas pour des grands référentiels » 3.10. Réflexions élémentaires relatives au principe d'équivalence Mais en quoi cette équivalence est-elle utile ? Tout simplement à déporter les questions. Désormais Einstein va étudier les problèmes qu'il ne va pas manquer de se poser dans un référentiel accéléré et il va transposer le résultat dans un référentiel soumis à un champ de gravitation. Cette transposition devra être locale entre un point du référentiel accéléré et un point du champ de gravitation. Lorsqu'une personne se pèse dans un ascenseur, le poids apparent de la balance, n'est pas le même quand l'ascenseur monte et freine, monte et accélère, descend et freine, descend et accélère. La balance indique avec quelle force la personne appuie dessus. Appelons cette force F, poids apparent, elle est verticale vers le bas. Si la personne appuie avec une force F sur la balance, par réaction (3ième loi de Newton, principe d'action-réaction), la balance appuie sur la personne avec une force N. Cette force est aussi verticale mais vers le haut. On l'appelle force normale de F et se symbolise par N. Le sens positif de déplacement de l'ascenseur sera de bas en haut. Quand l'ascenseur monte en accélérant, a = +a et quand il descend en décélérant, a=-a. Quant au poids il sera toujours orienté vers le bas et P (lecture positive sur la balance) s'écrira -P (négatif vectoriellement par rapport à la lecture) Si l'ascenseur est à l'arrêt ou se déplace à vitesse uniforme, a=0 et N = -P Le poids apparent sur la balance est égal au poids réel. Si l'ascenseur a une accélération vers le haut, a=+a, N=-P+m.a Le poids apparent est alors supérieur au poids de la personne, car F = -P+m.a. Si l'ascenseur a une accélération vers le bas, (c'est le cas d'un ascenseur qui monte en ralentissant, ou d'un ascenseur qui descend en accélérant), alors, a=-a, N=-P-m.a Le poids apparent de la personne est inférieur à son poids réel, car F=-P-m.a.

Dans le cas d'un référentiel uniformément accéléré Si une personne se trouve dans un ascenseur à l'intérieur d'un vaisseau spatial, situé dans l’espace où la gravité est nulle, et si ce vaisseau est soumis à une accélération, la personne est attirée vers le sol de l’ascenseur à cause de l’accélération. La masse inertielle de cette personne tend à résister à l’accélération. Elle est donc attirée dans le sens contraire de l’accélération (N)

Contexte d’un champ gravitationnel Si une personne est dans un ascenseur immobile au 3e étage d'un bâtiment, la personne se sent naturellement attirée vers le sol à cause de la force gravitationnelle. Et elle sait que si le plancher de l’ascenseur n’était pas présent pour la soutenir (grâce à la force normale N), la masse gravitationnelle de la personne serait en chute libre vers la Terre. Les deux cas montrent bien des situations tout à fait différentes. Pourtant, la masse inertielle de la personne et sa masse gravitationnelle sont toutes deux soumises à des forces

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Les principales découvertes théoriques dans la même direction. Et si l'accélération de l'ascenseur spatial était de 9,8 m/s2 , la masse inertielle et la masse gravitationnelle subiraient des forces identiques. En effet, l’accélération égalerait exactement l’intensité du champ gravitationnel. a=+9,8 m/s2 N= -P+ 9,8 m = zéro Dans ce cas, la personne dans l’ascenseur ne pourrait pas dire si elle est sur Terre ou en accélération dans un espace sans gravité. C’est sans doute dans un contexte semblable que Einstein a établi le principe d’équivalence. Celui-ci énonce qu’un référentiel uniformément accéléré est équivalent localement à un champ gravitationnel. Finalement, la masse inertielle et la masse gravitationnelle sont deux concepts distincts, mais de même valeur. 3.11. L'espace-temps Einstein se dit alors que si la loi de Newton convenait pour la plupart des applications terrestres, elle était cependant fausse si elle ne tenait pas compte de la relativité, car Newton ne spécifie pas dans quel référentiel on doit mesurer la distance séparant les deux masses. « Heureusement, comme le réalisa Einstein, Minkowski avait apporté un outil puissant pour simplifier cette complexité : Désormais, l’espace en tant que tel et le temps en temps

que tel sont voués à disparaître comme des ombres, et seule une certaine union des deux conservera une certaine réalité » Il n’existe qu’un seul espace-temps absolu à quatre dimen-

sions dans notre univers, et une déformation de tous les temps et de tous les espaces doit se manifester comme une déformation de l’unique espace-temps absolu de Minkowski. »20 Mais comment la Terre produit-elle la même attraction sur tous les objets, quelle que soit leur matière et leur taille ? Comme l’écrit François De Closets21 : « Newton avait trouvé sa théorie en regardant tomber les pommes, Einstein va trouver la sienne en tombant avec les pommes. En l’absence de masse, l’espace et le temps restent plans, la lumière se déplace en ligne droite. L’espace est comme quadrillé par un échafaudage de barres rigides se coupant à angles droits. Grâce à elles, tout événement peut être spatialement mesuré. Pour Newton, un même objet aura les mêmes mesures à quelque endroit de l’espace où il se situe. Mais Einstein n’accepte pas que l’espace et le temps soient indépendants l’un de l’autre. Il estime au contraire qu’on ne peut toucher à l’un sans toucher à l’autre. Lorsqu’elle passe à côté d’un corps de masse importante, sa trajectoire est déviée par la courbure de l’espace-temps. Plus les objets sont massifs, plus l’espace-temps autour d’eux est courbé, incurvé. Einstein conclut : « L’espace-temps agit sur la matière et lui indique comment elle doit se déplacer. Réciproquement, la matière agit sur l’espace-temps et lui indique comment il doit se courber ». Cette modification de l’espace temps par la matière se déplace à la vitesse de la lumière. L’espace n’existe pas de façon absolue. Chaque corps le modifie et crée de ce fait sa propre géométrie. L’espace est la somme de toutes ces géométries. Thorne Kip S.., Trous noirs et distorsions du temps, ‘L’héritage sulfureux d’Einstein), Flammarion, Paris, 1997, pages 108,109 21 De Closets, François., Ne dites pas à Dieu ce qu’il doit faire , Seuil, Paris, 2004 20

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Les principales découvertes théoriques Selon Einstein, la gravité n’est pas une force, mais une propriété géométrique de l’espacetemps. L’expérience précédente montre une masse déformant l’espace newtonien : la masse et l’énergie courbent l’espace et le temps. On peut représenter l’espace-temps comme une surface élastique à deux dimensions. Dès 1917, Einstein perçoit au travers de ses équations mathématiques que l’univers doit se dilater ou se contracter. Mais Albert est persuadé que l’univers est une bulle statique immuable. Reculant devant sa propre découverte, il introduit dans une équation une « constante cosmologique ». Mais il apparaît qu’une constante cosmologique peut très bien être comprise dans une formule qui prouve l’extension de l’univers. C’est cette constante qui, aujourd’hui, explique ce qu’Einstein avait découvert. Il disait que la gravitation, qui rapproche les masses, trouvait une force opposée capable de disperser celles-ci et que l’ensemble restait statique. En 1922, le mathématicien russe Friedmann, avec d’autres savants, montra qu’un tel univers est instable et doit manifester une contraction ou une expansion. Par expansion de l’univers, on entend que la distance entre les galaxies augmente sans cesse. Pas tellement en fonction de leur vitesse, mais parce que l’espace, entre elles, se dilate. 3.12. Un paradoxe provenant de Paul Ehrenfest, physicien autrichien, ami d'Einstein, De gauche à droite : Zeeman, Einstein, Ehrenfest, vers 1920. Ehrenfest dit à Einstein : "Albert, comment se fait-il que le rapport entre le périmètre et le diamètre d'un disque en rotation ne peut pas valoir Pi (π)? Ce qui est quand même une base de la géométrie!"

Son raisonnement est simple: si on s'en réfère aux lois de Newton (voir chapitre 3.8, page 57) le mouvement résultant d'un mobile effectuant un mouvement circulaire est perpendiculaire au rayon entre ce mobile et le centre du cercle. Par conséquent, si on suit la relativité restreinte, Ehrenfest a raison d'énoncer son paradoxe, puisque la contraction de la longueur dans le sens du mouvement (présentée au chapitre 3.6. ) va réduire la longueur du périmètre du cercle alors que le rayon reste inchangé !!! 3.13. Réponse d'Einstein au paradoxe d'Ehrenfest

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Les principales découvertes théoriques Einstein interprète cette "expérience de pensée" par un principe qui va être à la base de la relativité générale, le fameux principe d'équivalence. "Si vous êtes en train de tourner sur ce disque, comme sur un manège, répond-t-il à Ehrenfest, vous vous sentirez attiré vers l'extérieur par la force centrifuge, comme si vous vous trouviez dans un champ gravitationnel. Il y a donc bien un lien entre la gravitation et la géométrie de l'espace". 3.14. L'apport de Friedmann et de Hubble Friedmann publia deux articles où il analysa des solutions non statiques des équations d’Einstein. Einstein n’imagine pas encore que la voie ouverte par Friedmann sera suivie par de nombreux mathématiciens. Georges Lemaître arrive à la même conclusion en 1927. Lemaître donne même la première conséquence de cette expansion : la fuite des nébuleuses extragalactiques En 1949, Il écrit, dans Albert Einstein : Philosopher-scientist : « L’histoire des sciences fournit de nombreux exemples de découvertes ayant été faites pour des raisons qui ne sont plus considérées comme satisfaisantes. Ce pourrait être le cas de la constante cosmologique » Quelle est donc cette énergie antigravitationnelle qui empêche les masses de se rassembler et qui, au contraire, les écartent l’une de l’autre ?

En 1929, Edwin Hubble (le deuxième à partir de la gauche sur cette photo) montra que notre univers n’était pas statique, mais qu’il ne cessait, au contraire, de s’étendre. La constante cosmologique tomba alors en désuétude et Einstein se demanda s’il n’avait pas commis une énorme bourde en la prônant. En 1931, Einstein publiera un article où il examine la possibilité d’un univers spatialement infini. Septante ans plus tard, cette constante cosmologique fut reprise dans les équations des astrophysiciens modernes. Les astrophysiciens d’aujourd’hui découvrent peu à peu que l’avenir de l’univers ne dépend que de la densité de matière qu’il renferme. Si cette densité dépasse un certain seuil, la gravitation prendra l’emportera sur l’expansion, en contractant l’univers. C’est alors le « Big Crunch ». Si la densité est inférieure à ce seuil, c’est le phénomène d’expansion qui l’emporte. Il se peut qu’une troisième hypothèse se présente où la densité de matière est telle qu’expansion et gravitation se compensent, alors on aurait alors affaire à une expansion correspondrait à un univers plat. Que furent alors les preuves qui apportèrent quelque crédit à ce qu’avait découvert Einstein ?

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Les principales découvertes théoriques Les astrophysiciens modernes ont découvert les super novae. Ces étoiles qui ont subi les effets de l’expansion antigravitationnelle finissent par exploser et deviennent aussi lumineuses qu’une galaxie entière. En mesurant cette luminosité, les astrophysiciens peuvent la distance qui nous en sépare. Quand une étoile s’éloigne de la terre, la longueur d’onde qu’elle nous transmet augmente par rapport à celle d’origine. Autrement dit, plus la longueur d’onde va vers le rouge (redshift) plus elle s’éloigne. Ce qui rappela la constante cosmologique d’Einstein qu’on avait négligée depuis longtemps. Les astrophysiciens constatèrent qu’en l’insérant dans leurs formules, l’expansion de l’univers n’était pas en train de ralentir mais, au contraire, s’accélérait. On constata alors que la matière ne représentait que 30% de l’univers alors que l’énergie représentait 70%. Autrement dit, la forme de l’univers dépend de ce qui s’y trouve. Matière et énergie s’engendrent sans cesse l’une de l’autre en fonction de son équation Les couches empilées le long de la direction temporelle décrivent l’évolution de l’espace dans le temps. La ligne d’univers de la Terre est la séquence d’événements qu’elle occupe durant sa vie. Les astres suivent les courbures générées dans l’espace-temps par les autres planètes. la trajectoire d’un objet = plus court chemin le long des courbures produites par la masse et l’énergie.

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Les principales découvertes théoriques Nous dirons aussi que deux événements ponctuels occupent le même point de l’espace temps s’ils sont simultanés à tout observateur capable de les voir. Pour pouvoir déterminer un événement, on doit connaître, en plus des 3 dimensions spatiales, la dimension temporelle. Tout ce dont nous avons la connaissance appartient au passé et le futur est composé d’événements sur lesquels nous pouvons encore avoir une influence. Comme tous les signaux ne peuvent être transmis à une vitesse supérieure à celle de la lumière, le faisceau lumineux que nous observons représente la limite des événements qui nous sont accessibles temporellement. Relativement à cette vitesse, tous les autres événements observables spatialement se produisent à des vitesses considérablement plus lentes et apparaissent figés. C’est ce qu’Einstein constatait déjà quand dans son expérience de pensée quand il voulait chevaucher un rayon de lumière. Géométriquement, l’espace-temps peut être représenté par deux cônes lumineux contigus par leur pointe, qui est située sur leur axe commun. Cette pointe représente « l’ici et maintenant » de l’observateur immobile. L’axe commun aux deux cônes est l’axe du temps. Le cône supérieur représente l’avenir (cône positif), le cône inférieur représente le passé (cône négatif). Perpendiculairement à l’axe du temps, les axes spatiaux indiquent les autres lieux où peuvent se trouver d’autres observateurs immobiles, qui sont situés dans ce qu’on appelle « l’ailleurs » et qui possèdent aussi chacun leurs propres cônes lumineux. La surface des cônes représente l’ensemble des lignes d’univers des photons ; on les dénomme « rayons nuls » ou « courbes nulles ». Chaque rayon nul correspond à un point de la couche céleste de l’observateur concerné. Le cône de sommet p est une structure géométrique absolue qui ne dépend pas de l’observateur mais du point spatio-temporel où il se situe. En dehors du futur et du passé, les événements du présent sont liés spatialement. Autrement dit le futur et le passé sont séparés par le laps de temps fini qui dépend de la distance de l’observateur à cet événement. Axe du temps Image du monde d’un observateur mobile

futur

Image du monde de l’observateur statique Signal lumineux quand v=c (rayon nul)

X2 ailleurs

ailleurs

X1

passé

Ici et maintenant

Par exemple, tous les phénomènes survenus sur la surface du Soleil ne nous parviennent que 8 minutes plus tard. L’image du monde d’un observateur mobile, qui évolue à vitesse constante, étant différente de celle de l’observateur statique, on peut imaginer que l’observateur mobile, placé spatialement et « temporalement » en un point déterminé du cône supérieur, pourrait influencer tout ce qui va se produire dans les minutes qui suivent. Et notamment un autre observateur situé ailleurs. Un exemple récent est celui d’un observateur du Tsunami dévastateur de décembre 2004, qui eut le temps de prévenir par téléphone plusieurs personnes, donnant à celles-ci le temps de se mettre à l’abri. Il ne s’agit pas d’un événement lumineux comme une explosion

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Les principales découvertes théoriques solaire, mais l’ici et maintenant d’un observateur a pu sauver d’autres personnes dont l’ici et maintenant une heure plus tard aurait inévitablement provoqué leur mort.

Ma ligne d’univers : je suis immobile en contemplant le ciel

Considérons qu’un faisceau de photons soit émis au point O par une explosion sur le soleil par des particules dont les lignes d’univers passent par O. Soit L l’une de ces lignes d’univers.L engendre un cône nul positif passant par P, qui est un point de ma propre ligne d’univers. Ma ligne d’univers est unidimensionnelle alors P que le cône nul du futur est tridimensionnel. Le cône et ma ligne se trouvent dans l’espace quadridimensionnel que l’on ne peut reproduire géométriquement. Si un atome est situé sur le rayon nul du futur de O, et qu’il le coupe au point Q absorbant ainsi le photon de l’explosion, alors il renvoie aussitôt un faisceau de photons. Générant, à leur tour, un O cône positif, ces photons poursuivront chacun, leur ligne d’univers respective, et ceux qui prenQ dront ma direction seront aperçus par moi au point P. Les vecteurs d’espace-temps Un déplacement d’espace-temps se définit par un couple de points. Le vecteur OP est du type temporel, le vecteur OQ est du type spatial. C’est ainsi que se développa la géométrie et la métrique de l’espace temps pour lesquelles vous trouverez une explication dans la référence ci-dessous,22 et dans l’annexe mathématique de cet ouvrage. Dans le voisinage des champs gravitationnels puissants, la courbure de l’espace est plus accentuée qu’à des distantes importantes. La courbure de l’ensemble résulte de l’ensemble des masses.

22

Ludvigsen, Malcolm., La relativité générale, Une approche géométrique, Dunod, Paris, 2000

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Les principales découvertes théoriques 3.15. Einstein fit appel à Marcel Grossmann, son ami mathématicien De gauche à droite, de haut en bas: Hermann Minkowski (1864-1909) ; Hendrik.A.Lorentz (1853-1928) Henri Poincaré (1854-1912) Einstein (au centre) et ses camarades : Marcel Grossmann, Gustav Geissler, et Eugen Grossmann. Marcel Grossmann vers1900.

En haut, de gauche à droite: Minkowski, Lorentz, Poincaré En bas, la photo de groupe, de gauche à droite: Grossman, Einstein,?,? En bas, à droite, Grossman

Einstein n’était pas un grand mathématicien et les bases mathématiques de ses recherches avaient été posées par Hendrik Lorentz et Henri Poincaré (tous deux en annexe biographique). Il avait aussi été aidé par Hermann Minkowski, son ancien professeur du Polytechnicum de Zurich qui le considéra d’abord comme un étudiant paresseux, car il prenait conscience qu’Einstein n’exploitait pas bien ses capacités. Il appellera Marcel Grossmann à l’aide et n’en fera pas de mystère. Il est vrai que ce dernier est un camarade d’études qu’il a connu en 1896 à l’âge de 17 ans. C’est lui aussi qui lui trouva, plus tard, grâce aux relations de son père, un emploi à l’Office des Brevets de Berne.

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Les principales découvertes théoriques « Grossmann, il faut que tu m’aides, sinon je deviens fou ! ». Le mathématicien organise son retour à Zurich. A partir de l’été 1912, ils peuvent travailler en commun. C’est aussi Grossmann qui sera le dédicataire de la thèse de doctorat d’Einstein. Et c’est avec lui encore qu’il rédigea le premier travail sur la théorie générale de la relativité Ci-contre, un manuscrit d’Einstein où, à côté des calculs, apparaît le nom de Grossmann et des commentaires sur sa compétence. Les formules relatives à la dynamique de l’univers de Friedmann, accessibles aux étudiants du secondaire supérieur et aux universitaires, sont expliquées dans le sous-chapitre suivant et dans l’annexe mathématique de cet ouvrage (Voir l’explication 9) « Algèbre des surfaces de Gauss, géométrie des espaces courbes de Riemann, tenseurs de Ricci, les instruments mathématiques sont maintenant dans les mains d’Einstein. Mais, tant vaut l’outil, tant vaut l’ouvrier et celui-ci n’est qu’un piètre utilisateur. Il doit refaire les études de mathématiques supérieures qu’il a refusées, parcourir à marche forcée les disciplines les plus arides : la géométrie non euclidienne, l’algèbre tensorielle. « Je n’ai jamais travaillé autant travaillé de ma vie, écrit-il à un ami, mais il ajoute : J’ai acquis un grand respect des mathématiques. (…) Avec son mentor, Grossmann, il se débat dans des difficultés inextricables (…) Là où Newton se contente d’une équation, Einstein doit en utiliser dix (…) Einstein a beau être épaulé par Grossmann, il peine jusqu’à en crever. »23 L’« équation d’Einstein » relative à la relativité générale faisant appel à des dérivées partielles non linéaires et à des concepts particuliers (le tenseur d’énergie-impulsion et le tenseur de Ricci), nous court-circuiterons certaines difficultés. Simplifions24.

R 

1 8G Rg   4 T 2 c

Retenons en toute première approximation que le membre de gauche de l’équation est relatif à la courbure de l’espace-temps ; c’est le tenseur de courbure d’Einstein. Le membre de droite correspond à l’énergie d’impulsion due à la matière, aux pressions et tensions. il est appelé tenseur d’énergie impulsion ( T )

De Closets, François., Ne dites pas à Dieu ce qu’il doit faire , Seuil, Paris, 2004, pages 207 et 208. Schutz Bernard, Gravity from the ground up, an introduction guide to gravity and general relativity, Cambridge University Press, 2003, p.242 23 24

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Les principales découvertes théoriques 3.16. Mise en équation de la dynamique de l’univers (les équations de Friedmann) En cosmologie, on conçoit nécessairement la matière comme un fluide homogène dont chaque point aura la densité moyenne de l’univers. Pendant les années 1922 à 1924, le mathématicien Alexandre Friedmann analyse des solutions non statiques des équations d’Einstein, solutions qui décrivent un univers en expansion. Einstein se taira pendant huit ans et, en 1931, il publiera un article où il examine la possibilité d’un univers en expansion. Lui aussi ajoute une constante cosmologique, mais pas pour démontrer que l’univers est statique, mais pour envisager diverses possibilités d’expansion dont il retiendra la dernière comme étant représentative de la situation actuelle. 

R 8G  k ( )2   tot   2 R 3 3 R

Avec R, distance entre deux galaxies ; G, la constante gravitationnelle de Newton (6,672.10-11),  tot la densité de la matière ; , la constante cosmologique ; et k, le signe de la courbure. Les équations de Friedmann qui expliquent l’évolution de l’univers concernent :  soit l’univers primordial où domine le rayonnement plutôt que la matière  soit l’univers actuel où la matière est plus abondante La situation actuelle de l’univers est telle que le rayon R augmente et la densité d’énergie diminue. On peut considérer que, par rapport à l’explosion originaire, située en O, l’univers peut être représenté par une sphère « comobile » de rayon R, centrée sur O, qui contient toujours le même nombre de particules. Si que sa masse totale reste constante. Ni Einstein ni aucun de ses contemporains n’imaginaient encore un univers en expansion, mais, à cette époque, les a priori philosophiques défendaient la notion d’un univers qui restait semblable à lui-même. Einstein modifia son équation de champ en incluant une constante cosmologique dont l’objectif était d’introduire une force répulsive permettant d’envisager un espace cosmologique statique, ce qui modifie l’équation de Friedmann Possibilités théoriques diverses de variation de la taille de l’univers et de sa vitesse d’expansion en fonction du temps. Les diverses hypothèses d’expansion de l’univers se démontrent à partir des formules de Friedmann. A ce jour, d’après les recherches, la densité de la matière est d’environ un dixième de la densité critique, nous aurions donc un univers ouvert, représenté dans un espace hyperbolique, bien que la densité paraisse sous-estimée. Dans certaines régions du cosmos apparaissent des masses de nature encore inconnue, ce qui nous amènerait à penser que l’univers est assez proche d’un univers plat. En résumé : Hypothèse de l’univers fermé (=0, k=1) : si la densité de matière est supérieure à une certaine densité critique (5 atomes d’hydrogène par mètre cube), la gravitation reprend le pas sur l’expansion. L’univers se contracte et s’effondre alors sur lui-même. Il se produit un « Big Crunch », phénomène inverse du Big Bang. Hypothèse de l’univers plat (=0, k=0) : si la densité de l’univers est à peu près égale à la densité critique, l’expansion ralentit indéfiniment et tend vers zéro. Dans ces deux cas, on obtient respectivement : 

R 8G 1 ( )2   tot   2 R 3 R 72

R 8G ( )2   tot  0 R 3


Les principales découvertes théoriques temps

Hypothèse de l’univers fermé (=0, k=1)

temps

Hypothèse de l’univers plat (=0, k=0)

expansion

expansion

Envisageons deux autres cas : Hypothèse de l’univers ouvert (=0, k=-1) : si la densité de l’univers est inférieure à la densité critique, l’expansion de l’univers continue indéfiniment sans pour autant s’accélérer. Hypothèse de l’univers à expansion accélérée(0) : la densité d’énergie du vide étant deux fois plus grande que la densité de la matière, ses effets surpassent ceux de la gravitation et les galaxies s’écartent. L’expansion de l’univers s’accélère indéfiniment. C’est la nouvelle hypothèse confirmée au XXI e siècle. 

R 8G  k ( )2   tot   2 R 3 3 R

R 8G 1 ( )2  tot  2 R 3 R temps

Hypothèse de l’univers ouvert (=0, k= 1)

expansion

temps

Hypothèse de l’univers en expansion accélérée 0

expansion

3.17. Essai de représentation réelle de l’univers. Notions de géométrie non euclidienne Einstein reconnaît qu’il lui est impossible de conclure la finitude de l’Univers. Il parle d’un

continuum fermé selon ses dimensions spatiales. Une sphère, par exemple, est un conti-

nuum fermé, car elle a une aire finie et pourtant il est possible de parcourir sa surface sans jamais trouver de borne ou de limite. La surface de la Terre est finie mais sans origine, ni fin, ni centre. Alors que Newton ne connaissait que l’ancienne géométrie euclidienne, dès la fin du XVIIIe siècle, les mathématiciens ont exploré de nouvelles géométries qui seront fort utiles à Einstein. Newton ne connaissait que la mathématique d’Euclide, celle que nous utilisons chaque jour. En résumé : l’espace est plat, la somme des angles des triangles est égale à 180 degrés. La géométrie euclidienne privilégie la notion de « droite » comme le plus court chemin d’un point à l’autre. Bernard Riemann, entre autres, a découvert d’autres univers géométriques. Mais, plus généralement, on introduit la notion de géodésiques (droites sur un plan, des arcs sur des sphères). Les figures suivantes présentent des géodésiques formant triangles. La courbure de ceux-ci est directement liée à la densité. Ils correspondent à l’univers de FriedmannLemaître pour diverses valeurs de k quand la constante cosmologique est nulle (=0).

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Les principales découvertes théoriques

K=0, espace plat

k0, espace hyperbolique

K=1, espace sphérique plat

Il fut un temps où l’homme pensait que la terre était plate. Maintenant il accepte le fait qu’elle soit ronde et il sait que, sur la surface de la Terre, le plus court chemin entre deux points n’est pas une ligne droite, mais une ligne courbe. Entre New York et Londres, par exemple, le plus court chemin est un grand cercle qui passe par la Nouvelle Ecosse, Terre Neuve et l’Islande. De même qu’un triangle géant dessiné sur la surface terrestre à partir de deux points de l’équateur vers le Pole Nord ne satisfait pas au théorème d’Euclide énonçant que la somme des angles intérieurs d’un triangle est égale à 180°C. Sur la géométrie à surface positive, la somme des angles d’un triangle est supérieure à 180°. Alors que sur une surface en selle, cette somme est inférieure à 180 degrés. Alors que sur une surface plane, deux lignes parallèles ne se coupent pas, elles se coupent sur une surface courbe. C’est la courbure du globe terrestre qui oblige deux lignes droites initialement parallèles à se couper au pôle Nord. Les figures suivantes25 présentent l’espace temps voisin de la Terre, où l’on voit la ligne du temps et la direction de la Lune. On constate que les géodésiques de deux particules se rapprochent dans le cas où la courbure est sphérique (figure b) et s’écartent quand elle devient hyperbolique (figure a). Einstein réalisa en 1912 que la force de marée et la courbure de l’espace-temps ne faisaient qu’un.

Thorne Kip S.., Trous noirs et distorsions du temps, ‘L’héritage sulfureux d’Einstein), Flammarion, Paris, 1997, page 114 25

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Les principales découvertes théoriques Les travaux de Thibault Damour, professeur à l’Institut des Hautes Etudes Scientifiques et membre de l’Académie des Sciences, portent sur la physique de la gravitation et tout particulièrement sur les rapports entre les théories et les expériences. Il a reçu de nombreux prix dont « la médaille Einstein » J’ai assisté à Paris à quelques-unes de ses conférences et j’y ai appris beaucoup. Dans un ouvrage exceptionnel, « Einstein aujourd’hui », il écrit : « Commentons le sens physique des équations d’Einstein. L’idée nouvelle essentielle est que la structure chrono-géométrique de l’espace-temps, c’est-à-dire la structure qui sous-tend toutes les mesures que l’on peut faire localement de durées, dT, et de distance, dL, n’est plus une structure rigide, donnée a priori un fois pour toutes (comme l’était la structure de l’espace-temps de Pöincaré-Minkowski), mais est devenue un champ, c’est-à-dire une structure dynamique, ou élastique, qui est créée et/ou déformée par la présence d’une distribution d’énergie-impulsion »26.

A gauche, un espace-temps rigide de la théorie de la relativité ; à droite, la géométrie de l’espace-temps « élastique » de la théorie de la relativité générale. Voir l’annexe mathématique (Explication 9) pour les compléments utiles à la compréhension de cette représentation hyperbolique Comment l’univers peut-il être à la fois fini et illimité ? Extrait du livre d’Einstein27 : « Le développement de la Géométrie non euclidienne conduisit à la notion qu’on peut douter de l’infinité de notre espace, sans entrer en conflit avec l’expérience (Riemann, Helmholtz). Ces sujets ont déjà été traités en détail et avec une limpidité incomparable par Helmholtz et Poincaré, tandis que je puis ici que les esquisser brièvement. Nous imaginons d’abord un genre d’existence à deux dimensions. Supposons ensuite qu’il y ait des êtres plats avec des instruments plats et, en particulier, des règles rigides plates librement mobiles dans un plan. En dehors de ce plan, il n’existe rien pour ces êtres, et tout ce qui arrive dans leur plan, ce qu’ils observent en eux-mêmes et dans leurs objets plats constitue un système causal fermé. Les constructions, en particulier, de la Géométrie plane euclidienne sont réalisables au moyen de bâtonnets, par exemple la construction d’un réseau. Le monde de ces êtres est, contrairement au nôtre, à deux dimensions, mais, comme le nôtre, infiniment étendu. Il s’y trouve un nombre infini de carrés identiques formés de bâtonnets, c’est-à-dire son volume (surface) est infini. Si ces êtres affirment que leur monde Leduc Michèle., directrice de la collection Savoirs actuels, Einstein aujourd’hui Einstein, Albert., La théorie de la relativité restreinte et générale, traduit en français par Maurice Solovine pour Gauthier-Villars en 1923 ; Préface de Marc Lachièze-Rey, Dunod, Paris 2004, page 120 et suivantes. 26 27

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Les principales découvertes théoriques est « plan », cela a un sens, à savoir que les constructions de la géométrie plane euclidienne peuvent être exécutées au moyen de leurs bâtonnets, chaque bâtonnet représentant toujours la même longueur indépendamment de sa position. Imaginons maintenant un autre genre d’existence à deux dimensions, non plus sur un plan, mais sur une surface sphérique. Les êtres plats avec leurs règles de mesure et leurs objets sont exactement adaptés à cette surface plane et ne peuvent la quitter ; tout leur monde d’observation s’étend au contraire exclusivement sur la surface de la sphère. Ces êtres, peuvent-ils considérer la géométrie de leur monde comme une géométrie à deux dimensions et, en outre, leurs bâtonnets comme la réalisation de la « droite » ? Ils ne le peuvent pas, car en essayant de réaliser une droite, ils obtiendront une courbe que nous, êtres à trois dimensions » désignons par le plus grand cercle, c’est-à-dire une courbe fermée de longueur indéterminée finie, qui peut être mesurée au moyen d’une règle. Ce monde a de même une surface finie qui peut être comparée à un carré formé de bâtonnets.Le grand charme de cette réflexion réside dans la connaissance suivante : Le monde de ces êtres est fini et cependant

sans bornes.

Mais les êtres de la surface sphérique n’ont pas besoin de faire un voyage cosmique pour constater qu’ils ne vivent pas dans un monde euclidien.Ils peuvent s’en persuader sur chaque partie de leur monde qui n’est pas trop petite. Ils tracent à partir d’un point, dans toutes les directions, des « lignes droites » (des arcs de cercle en géométrie à trois dimensions) de même longueur. La ligne joignant les extrémités libres de ces lignes sera appelée « cercle ». Le rapport de la circonférence d’un cercle à son diamètre, tous les deux étant mesurés avec la même règle, est, d’après la Géométrie plane euclidienne, égal à une constante  qui est indépendante du diamètre du cercle. Nos êtres trouveraient sur leur surface sphérique ce rapport égal à :

sin(

r ) R

r R

C’est-à-dire une valeur inférieure à  et différant d’autant plus de  que le rayon du cercle est plus grand par rapport au rayon R du « monde sphérique ». Cette relation permet aux êtres de la sphère de déterminer le rayon R de leur monde, même s’ils ne disposent que d’une partie relativement petite de leur monde sphérique pour leurs mesures.Mais si cette partie est par trop petite, ils ne peuvent plus constater qu’ils se trouvent sur un monde sphérique et non pas sur un monde euclidien ; une petite partie d’une surface sphérique se distingue peu d’une partie équivalente d’un plan. Si, par conséquent, les êtres de la sphère vivent sur une planète dont le système solaire qu’une partie infiniment petite du monde sphérique, ils n’ont pas la possibilité de décider s’ils vivent dans un monde fini ou infini, car la partie du monde qui est accessible à leur expérience est dans les deux cas pratiquement plane ou euclidienne. »

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Les principales découvertes théoriques Progressons vers ce type d’espace. a) Espace fini et limité à une dimension : un fil de longueur L d’extrémité A et d’extrémité B

B L

A

L

b) Espace fini et illimité à une dimension comme cette circonférence sans origine et sans fin de longueur L.

c) espace à deux dimensions fini et limité comme ce rectangle de longueur L et de largeur l

l

L d) espace à deux dimensions fini et illimité comme la surface d’une sphère (comme la Terre) de superficie finie sans origine, sans fin et sans point central. On peut se déplacer sur cette surface finie sans jamais rencontrer de limite. e) espace à trois dimensions fini et limité comme ce parallélépipède duquel on a enlevé une face pour en montrer l’intérieur de volume V limité à l’extérieur par ses faces de longueur L, de largeur l et de hauteur h.

h

l L f) un espace courbe à trois dimensions fini et illimité (donc pas de centre) Il est géométriquement impossible à représenter. C’est l’univers d’Einstein. Dans le Hors série de Sciences et Avenir n°105 de mars 1996, Jean-Pierre Luminet, directeur de recherches au CNRS, astrophysicien à l’Observatoire de Paris-Meudon s’interroge : « L’univers est-il spatialement fermé ou ouvert ? ».

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Les principales découvertes théoriques Souvent négligées par les chercheurs, l’étude des « variantes » topologiques d’espace à trois dimensions est susceptible d’apporter des réponses originales à la question de l’extension spatiale. Dans les modèles d’univers « chiffonné », le ciel est le théâtre d’une gigantesque illusion d’optique. Quand nous voyons un ciel rempli de galaxies, cet aspect ne permet pas de décider si les galaxies des régions lointaines sont ou non des images fantômes, c’està-dire des images répétées de galaxies plus proches. L’univers pourrait nous paraître vaste, « déplié », tandis qu’il serait en réalité beaucoup plus petit et « replié » Dans le même article, on peut lire : « Les partisans d’un monde fini ont longtemps buté sur une difficulté fondamentale qu’Archytas de Tarente, pythagoricien du Ve siècle avant Jésus-Christ, a énoncé : un paradoxe visant à démontrer l’absurdité de l’idée d’un bord matériel du monde. « Si je suis à l’extrémité du ciel, puis-je allonger la main ou tendre un bâton ? Il est absurde de penser que je ne le peux pas ; et si je le peux, ce qui se trouve audelà est soit un corps, soit l’espace. Nous pouvons donc aller au-delà de cela encore, et ainsi de suite. Et s’il y a toujours un nouvel espace vers lequel on peut tendre le bâton, cela implique clairement une extension sans limites ». Si ce qui est au-delà du monde fait toujours partie du monde, le monde ne peut être logiquement borné… Il fallut attendre le développement des géométries non euclidiennes au XIXe siècle pour mettre un terme à la controverse. Ces géométries permettent de concevoir des espaces finis sans avoir de bord (tout comme à deux dimensions la surface d’une sphère). Cette conception n’est pas si naturelle : lorsqu’un conférencier décrit l’expansion de l’univers, il se voit souvent poser la question : « Dans quoi l’univers gonfle-t-il ? La réponse est que l’univers ne gonfle dans rien du tout, puisqu’il n’y a pas d’espace en dehors de luimême. Ci-dessus : la fuite des galaxies : illustration de S.Numazawa 3.18. Révélation sur la lumière Après le paradoxe émis par Ehrenfest au chapitre 3.12, et la réponse d'Einstein au chapitre 3.13 sur une conséquence de la relativité restreinte (à la vitesse de la lumière, un mobile en rotation parcourrait une circonférence dont la longueur est inférieure à Pi fois le rayon), on observe qu'un rayon lumineux se courbe à l'intérieur d'un vaisseau spatial en cours d'accélération. Cette expérience nous révèle que si l’accélération d’un vaisseau spatial courbe la lumière, alors la gravitation peut aussi la courber. Einstein en conclut : « Il faut admettre que la géométrie à l’intérieur du vaisseau a été modifiée par son accélération. La géométrie est devenue courbe »

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Les principales découvertes théoriques La théorie de Brans-Dicke prévoit que :

 (

4GM R 1   ).( ).( ) c2 R r 2

où M est la masse du soleil : 1,99.1030 Kg ; R, son rayon : 696000 Km ; G, la constante de gravitation universelle : 6,673.10-11 ; r, la distance minimale du rayon lumineux au centre du Soleil ;  un paramètre additionnel. Il faut ajouter que, d’après la théorie, cette déviation est égale au double de celle obtenue dans la théorie de Newton. Position réelle de l’étoile

Position apparente de l’étoile

Image radio d'une lentille gravitationnelle : la croix d'Einstein. ll s’agit de quatre sources émettant un rayonnement radio entourant une cinquième source radio située au centre. A l'exception de la source centrale, qui provient du noyau d'une galaxie estimée à 400 millions d'années-lumière, les quatre autres sources constituent les images démultipliées d'un seul et même objet, un quasar situé en arrière-plan de la galaxie centrale à une distance 20 fois plus grande. La formation d'images multiples d'un même objet résulte des effets de courbure que subit le rayonnement électromagnétique lorsqu'il passe à proximité d'un objet massif, telle cette galaxie au centre de l'image. Cette galaxie joue ainsi le rôle d'une lentille gravitationnelle complexe, qui donne plusieurs images d'un même objet et amplifie l'intensité de la source. Les astrophysiciens examinent cette image prise par le télescope Hubble. Ils l’ont baptisée la croix d’Einstein. En effet, ces 5 astres sont en réalité un mirage. La galaxie visible au centre est pourtant réelle et une étoile très éloignée dont l’image est multipliée en 4 exemplaires (ce sont les branches de la croix) En réalité la galaxie courbe la lumière de l’étoile passant à proximité, comme le prédit Einstein. Cette galaxie fonctionne comme une lentille gravitationnelle.qui peut renverser, déformer, multiplier, agrandir ou rapetisser l’image d’un astre transportée par la lumière.

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Chapitre quatre Les preuves expérimentales Léon Brillouin écrit, dans la revue La Science et la Vie n°63 de juillet 1922, un article qui a pour titre : « Les théories d’Einstein et leur vérification expérimentale. » La photo fait partie de l’article. L’intérêt de ces phrases est de saisir l’opinion d’un spécialiste de l’époque au moment où Einstein était devenu très célèbre puisqu’il venait de recevoir, avec effet rétroactif pour 1921, le prix Nobel de Physique. 4.1. Vérification de la variation de masse avec la vitesse Pour l’observer, écrit Brillouin, il faut s’adresser à des particules animées d’une très grande vitesse : tels sont les électrons émis par les corps radioactifs et qui constituent le rayonnement (leur vitesse peut atteindre 0,85 fois la vitesse de la lumière) ; dans les tubes à vide élevé, analogues aux ampoules à rayons X, les décharges électriques mettent en jeu des électrons très rapides : avec 80.000 volts, la vitesse atteint la moitié de celle de la lumière. De très nombreuses expériences ont été exécutées, elles concluaient, en général, à l’exactitude de la formule relativiste, mais les erreurs de mesure étaient trop élevées pour entraîner la conviction : des recherches récentes, dirigées par le professeur Ch.-Eug.Guye de Genève, ont permis une vérification intéressante et complète. Les expériences, très difficiles, ont été poursuivies de 1907 à 1916. 4.2. Le défaut de masse des noyaux atomiques En 1913, Paul Langevin (Photo extraite du groupe de physiciens assistant à la conférence Solvay de 1927) explique le «défaut de masse» des noyaux atomiques, c'est-à-dire pourquoi la masse d’un noyau atomique est inférieure à la somme des masses au repos des nucléons (voir glossaire) qui le constituent. Selon Langevin, le noyau, en se formant à partir de ses composants, libère de l’énergie pour stabiliser sa structure et cette libération d’énergie produit une perte de masse. En 1932, deux physiciens britanniques, John Cockroft et Ernest Walton, prouvent expérimentalement la transformation de masse en énergie en bombardant une plaque de lithium avec des protons fortement accélérés : ils observent la désintégration de noyaux de lithium en deux noyaux d’hélium. En étudiant la trajectoire de ces noyaux d’hélium émis, ils mesurent leur énergie cinétique et vérifient ainsi expérimentalement la conversion partielle de la masse au repos des noyaux de lithium en énergie cinétique. En 1938, les chimistes allemands Otto Hahn et Fritz Strassmann, en bombardant de l’uranium avec des neutrons, constatent la présence de baryum radioactif dans les produits de réaction, c’est-à-dire d’un élément dont le noyau compte moins de protons que l’uranium. Les physiciens autrichiens Lise Meitner et Otto Frisch interprètent ce résultat par la fission de l’uranium : l’uranium, bombardé par des neutrons, se fragmente en deux noyaux plus légers et plusieurs neutrons. L’énergie libérée correspond à une petite partie de la masse au repos du noyau d’uranium, mais c'est déjà considérable. Bien que ces découvertes fussent fondamentales, signalons toutefois qu'Einstein ne participa à aucun développement amenant à créer la bombe atomique. Il n’est pas physicien nu-

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Les preuves expérimentales cléaire et n’a participé à aucune recherche menant à la construction de la bombe atomique pendant la guerre. 4.3. Preuves de la relativité et la gravitation. « Relativité généralisée » La première forme de relativité, malgré ses très grands succès, était incomplète. Certains problèmes théoriques restaient impossibles à traiter par ses méthodes ; mais surtout, le très grave écueil était l’existence de la gravitation ; la relativité affirmait qu’aucune action à distance ne peut être instantanée, mais doit se propager avec une vitesse inférieure ou égale à celle de la lumière ; au contraire, depuis Newton, toute la gravitation était bâtie sur l’hypothèse de forces attractives existant entre tous les corps matériels, et que l’on supposait agir sans aucun retard ; il y avait incompatibilité entre les deux points de vue. En outre, l’inertie de l’énergie conduisait à admettre que l’énergie lumineuse elle-même avait une certaine masse ; un rayon lumineux passant près du soleil devait être dévié, tout comme une comète très rapide. Mais comment établir, d’une manière exacte, les lois précises de ces actions ? Einstein maintient avec rigueur l’identité de la masse pesante et de la masse inerte conformément au résultat des mesures extraordinairement précises d’Eötvös ; la gravitation joue rigoureusement le même rôle qu’une accélération ; toute l’énergie est donc pesante, et un rayon lumineux sera dévié auprès d’une masse énorme telle que celle du soleil. Ce point de vue est nettement celui d’un physicien, avec une remarquable intuition des notions générales qui se dégagent des mesures. Le développement de la théorie exige un appareil mathématique assez ardu : Einstein, lorsqu’il aborda ce problème, ne possédait pas assez à fond la technique mathématique ; il l’apprit progressivement, poussé par la nécessité et par la logique intime des faits, et parvint à édifier la théorie que nous admirons actuellement. Indépendamment de ses conséquences nouvelles, elle constitue un effort merveilleux de généralisation de toutes nos lois physiques, et permet d’en donner des énoncés extraordinairement condensés. Quelles conséquences pouvait-on tirer de la théorie nouvelle ? Pour la plupart des cas usuels, on retrouvait pratiquement les mêmes résultats que par les méthodes anciennes : les écarts ne pouvaient devenir sensibles qu’au voisinage immédiat d’un corps de masse très considérable, par exemple, le Soleil. Einstein a pu ainsi prévoir les trois effets suivants : 1° Une planète gravitant à faible distance du Soleil ne parcourra plus une ellipse ; sa trajectoire ne se fermera plus ; on pourra se la représenter comme une ellipse animée d’une lente rotation autour du Soleil ; 2° Un rayon lumineux sera dévié d’une quantité double de celle à laquelle correspondrait l’application de la loi de Newton ; 3° Les raies spectrales du Soleil, au lieu d’être fixes, seront déplacées vers le rouge. Nous allons examiner successivement ces trois points, de croire avec plus de détails les apparences observées et leurs vérifications. Nous envisagerons ci-après les deux premiers effets.

Déplacement du périhélie de Mercure La planète la plus proche du Soleil est Mercure ; aussi est-elle tout indiquée pour tenter de vérifier la première prévision d’Einstein. Le mouvement de Mercure est assez troublé par l’attraction qu’il subit des autres planètes ; si l’on observe la trajectoire de cette planète, on peut la considérer comme une ellipse dont le grand axe PSA serait animé d’une rotation autour du soleil. On appelle aphélie le point A et périhélie le point P, et on donne à ce phénomène le nom de « déplacement du périhélie ». Le déplacement observé est de 574 secondes d’arc par siècle ; le calcul des perturbations qu’apportent au mouvement de Mercure les actions des autres planètes, permet d’expliquer une rotation de 532 secondes ; il restait un résidu de 42 secondes par siècle d’origine inconnue (…) Or la théorie d’Einstein prévoit une rotation supplémentaire de 43 secondes par siècle. L’accord est donc complet sur ce point.28 Science et vie, N°63 de juillet 1922, Les théories d’Einstein et leur vérification expérimentales , par Léon Brillouin 28

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Les preuves expérimentales

« Le raisonnement d’Einstein était simple : selon Newton la force de gravitation dépend de la distance entre le deux objets qui gravitent (par exemple le Soleil et Mercure),

Fcentripète  6,672.10 11

m1 .m2 r2

mais selon la relativité cette distance n’est pas la même dans les différents cas. L’audace d’Einstein était effarante. Ayant rejeté l’espace et le temps absolus de Newton pratiquement sans aucune justification expérimentale, il était maintenant tenté de rejeter sa loi de gravitation et ses immenses succès avec encore moins de vérification expérimentale. Cependant ce n’est pas les expériences qui le motivaient, mais bien sa profonde intuition de la manière dont les lois de la physique devaient se conduire »29 La lumière pesante, déviation des rayons lumineux près du Soleil Après le Congrès Solvay de 1927, dans l’article de la revue « Science et Vie », N°120, du mois de juin de la même année, Marcel Boll, Professeur à l’université de Paris écrit, dans un grand article intitulé « Les progrès de la Physique allemande des dix dernières années » : « Le seul moment où un tel phénomène peut pratiquement être observé, c’est pendant une éclipse de Soleil ; certaines étoiles proches du Soleil sont visibles ; on photographiera très exactement leurs positions et l’on comparera le cliché ainsi obtenu à une photographie de la même région du ciel, prise quand le soleil ne s’y trouve point. Les expériences de vérification furent organisées en 1919 par l’astronome anglais Eddington. L’éclipse du 29 mai 1919 était particulièrement propice, le Soleil se trouvant au milieu d’un grand nombre d’étoiles brillantes (l’amas des Hyades) ; deux expéditions partirent ; l’une avec le Dr Crommelin et M. Davidson alla s’établir à Sobral, ville située dans le Nord du Brésil (Ceara) ; MM. Eddington et Cottingham, d’autre part, se rendirent à la petite île du Prince, dans le golfe de Guinée (Afrique).

29

Thorne Kip S.., Trous noirs et distorsions du temps, ‘L’héritage sulfureux d’Einstein), Flammarion, Paris, 1997, p.96

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Les preuves expérimentales Les photographies de l’ellipse furent gênées par un temps un peu couvert ; l’une d’entre elles, pourtant, réussit avec une très grande netteté, et fournit comme résultat 1’’61, avec une erreur probable de 0’’30. (…) On voit que les nombres expérimentaux concordent très convenablement avec la valeur théorique de 1’’75, surtout si l’on tient compte de la très grande difficulté des mesures. Dans le chapitre, La relativité, du même article, Boll écrit : « En 1915, la relativité restreinte, due à Lorentz et à Einstein, était solidement fondée : elle transformait la physique en une sorte de géométrie à quatre dimensions, dans laquelle le temps entrait au même titre que les trois dimensions de l’espace. C’est en 1915, qu’Einstein (alors à Zurich) publia son premier mémoire sur la relativité généralisée : le point de départ physique était le classement, dans un système logique et cohérent, des phénomènes d’inertie et de gravitation, qui se trouvaient juxtaposés et indépendants dans la mécanique de Newton. Trois ordres de vérifications expérimentales vinrent justifier, après coup, la relativité généralisée ; ce furent : l’incurvation de la lumière au voisinage du Soleil, le mouvement de la planète Mercure, la comparaison de la couleur des lumières émises par le soleil et sur la Terre. Le ressentiment de ces travaux fut énorme, même en dehors du cercle des physiciens ; on peut ajouter : inconcevable, lorsqu’on sait que leur compréhension véritable exige des connaissances mathématiques approfondies. Mais les hommes de cette époque, bouleversés par les événements tragiques de l’histoire vécue, cherchaient simultanément : le merveilleux qui devait les affranchir et la base solide sur laquelle ils pouvaient construire ; ils s’imaginèrent trouver l’un et l’autre dans les résultats merveilleux de la science exacte. (…) La science a appris d’Einstein, avant tout, à ne pas s’effrayer de la suspicion qu’on peut jeter sur les notions apparemment les plus certaines, sur les vérités les plus évidentes, quand l’expérience l’exige. » Dans le chapitre Les quanta du même article, Marcel Boll poursuit : « La théorie des quanta fut proposée en 1900, par Max Planck (Berlin), mais ce n’est que dans ces dix dernières années qu’il apparut qu’il s’agissait là d’une réforme fondamentale de la physique, comme celle de la théorie de la relativité. Cela grâce au Danois, Niels Bohr, qui appliqua, avec un prodigieux succès, les idées de Planck à la structure des atomes. (…) Que la matière ait une constitution corpusculaire, la démonstration en avait été faite dans les décades précédentes ; on savait également déjà que chaque atome chimique avait une structure compliquée, composée de parcelles plus infimes, et l’on avait reconnu, comme éléments de l’édifice, les atomes d’électricité (le proton, positif, et l’électron, négatif). Avec la théorie des quanta, il s’agissait de trouver, dans les lois naturelles, l’origine de ces particules distinctes. Planck avait attribué à l’énergie une structure atomique ; Bohr fonda une théorie plus générale, d’après laquelle, non seulement l’énergie, mais encore d’autres grandeurs mécaniques ne peuvent être que des multiples entiers d’une quantité élémentaire, d’une partie commune, d’un « quantum » : on dit, pour abréger, que cette grandeur doit être quantifiée, d’après l’expression universellement consacrée. La quantification s’impose notamment pour l’impulsion rotatoire d’un électron qui décrit une orbite.

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Les preuves expérimentales Dans le chapitre « Les quanta de lumière », La vieille théorie ondulatoire solidement fondée sur un grand nombre de faits, était en contradiction complète avec la théorie des quanta, qui peut être regardée comme une sorte de théorie corpusculaire. Cette opposition a particulièrement été mise en évidence par Einstein, qui introduisit la notion de quanta de lumière, sortes d’atomes de lumière, et montra la possibilité d’expliquer ainsi certains phénomènes où le rayonnement a une action mécanique. Telles sont les réactions photochimiques, comme la décomposition, par la lumière des sels d’argent de la plaque photographique. Tel est aussi l’effet photoélectrique, c’est-à-dire l’émission d’électrons lorsqu’un métal est frappé par des radiations, effet photoélectrique qui sert de base - on le sait – aux tentatives de télévision. La loi fondamentale de ces phénomènes découverte par Einstein a été vérifiée par de nombreux chercheurs. Pour terminer ce chapitre sur la lumière pesante, notons qu’afin de vérifier la prédiction de la relativité générale sur la déviation des ondes électromagnétiques au voisinage d’un objet massif, les astrophysiciens ont mesuré, de 1969 à 1984, la déviation des ondes radio émises par plusieurs quasars (voir glossaire). Afin de comparer la théorie d’Einstein à celle de Brans-Dicke (voir page 78), on a représenté sur un graphe les mesures du coefficient (1+)/2 qui est égal à 1 dans la théorie d’Einstein. Ces mesures confirment donc la relativité générale et rendent superflue la théorie de Brans-Dicke30 4.4. Décalage gravitationnel des fréquences suite à l’attraction de la lumière Après le décès d’Einstein, la théorie de la relativité générale connaît un regain d’intérêt. Robert Pound et Glen Rebka mettent en évidence expérimentalement le décalage gravitationnel des fréquences. De quoi s’agit-il ? En 1958, le physicien allemand Mössbauer avait découvert que les photons de haute énergie (photons gammas) ont une fréquence bien définie et quand ils frappent des noyaux identiques à ceux qui les ont émis, ces derniers émettent des photons de même fréquence. On dit alors que les noyaux récepteurs et les photons sont en résonance. Par contre, dans le cas où les photons incidents changent de fréquence, ce qui se produit dans un champ gravitationnel, les noyaux récepteurs n’entrent plus en résonance avec les photons, et émettent alors seulement quelques photons. L’expérience fut réalisée dans la tour Jefferson de l’Université de Harvard. Ils constatent qu’en tombant dans le champ gravitationnel terrestre, les photons ont 30

Bergia, Silvio., Einstein, le père du temps moderne, Belin, Pour la science, 2004, p.153

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Les preuves expérimentales changé de fréquence. Parmi de nombreuses autres expériences, en 1970, Shapiro et ses collègues envoient un signal radar vers Vénus qui sert de réflecteur passif et l’on constate. Le moment choisi pour l’expérience est ce qu’on appelle la conjonction, c’est-à-dire le moment où la Terre, le Soleil et Vénus sont alignés. Le graphique expérimental ci-dessus met en évidence le retard du signal (en secondes) en fonction de la conjonction. On constate que le jour dénommé zéro présente le retard maximal alors que, l’année précédente et l’année suivante, il s’annule. Le retard maximal détecté est de 200 microsecondes, soit 0,2 milliseconde sur un trajet qui dure, en moyenne, 20 minutes. 4.5. Vérification de l’effet photoélectrique par Millikan En abscisse, sont mesurées différentes fréquences de rayonnement incident et en ordonnée, la tension limite nécessaire à appliquer pour que l’électron enlevé à la première électrode n’atteigne pas la deuxième électrode. Cette tension est proportionnelle à l’énergie cinétique de l’électron (1/2mv2) et à l’énergie de Planck moins le travail d’extraction : E=hf-W , comme l’indiquent les annotations de Millikan (où f est remplacé par la lettre grecque  et W par P). On constate que l’énergie cinétique de l’électron libéré (en ordonnée) est linéairement proportionnelle à la fréquence du rayonnement (en abscisse). Et, comme Einstein l’avait prévu, il existe une fréquence limite en dessous de laquelle, l’électron n’est pas éjecté.

4.6. La découverte du rayonnement cosmologique en 1965 et le Big Bang. Aujourd’hui, nous pouvons observer à grande distance et remonter dans le passé. Ainsi des objets éloignés de 10 milliards d’années de lumière nous apparaissent tels qu’ils étaient en ce temps-là. « Le plus simple écolier sait maintenant des vérités pour lesquelles Archimède eut sacrifié sa vie », écrivait Renan dans la deuxième moitié du XIXe siècle. De nos jours, les lycéens connaissent la physique moderne et les principales constantes cosmologiques qui étaient encore inconnues des savants de cette époque.

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Les preuves expérimentales Ils connaissent les diverses hypothèses de la naissance de l’univers et savent que son développement est passé par diverses phases dont la plus ancienne, « l’ère de Planck » concerne les 10-43s après le Big Bang. Il régnait des températures de 1032 K.

Depuis 1992, la photo effectuée par le satellite américain de cosmologie COBE (COsmic Background Explorer), a permis de dresser la cartographie, représentée sur une image, du rayonnement cosmique diffus. Ce furent des indications précieuses sur les premières étapes de la formation des galaxies et des amas de galaxies. Ce satellite découvrit de faibles variations spatiales dans l’intensité du rayonnement qu’il capta. Il s’agissait d’un rayonnement en ondes millimétriques et centimétriques, qui était le même dans toutes les directions de l’espace (isotrope). Il est apparu environ un milliard d’années après le Big Bang lorsque les températures sont tombées à 3000°K. A ce momentlà, les protons pouvaient capter des électrons. L’univers, opaque, devint transparent. Il ressemblait alors à une boule de feu. Ce rayonnement correspond aujourd’hui à un « corps noir » de 3K de température. Cette photo est exceptionnelle puisqu’elle est une trace de l'Univers primordial qui a connu une phase très dense et très chaude. Ce fait d'observation constitue aujourd'hui un soutien solide à la théorie du big-bang qui décrit les premiers instants de l'Univers. 4.7. Vérification du paradoxe des jumeaux31 En 1976, des chercheurs de l’université du Maryland vérifient le paradoxe des jumeaux. Le premier graphique, page 88, représente le temps mesuré dans l’avion, et le temps mesuré sur Terre apparaît pendant toute la durée de l’expérience d’environ 60 heures. La courbe est divisée en trois portions (avant, pendant et après le vol). L’horloge placée dans l’avion à haute altitude fonctionne un peu plus vite (effet dû à la variation du champ de gravitation de la Terre avec l’altitude), mais l’horloge de l’avion prend du retard par rapport à celle restée sur Terre, car elle a parcouru une distance d’espace-temps plus courte (effet dépendant de la vitesse). Le deuxième graphique montre l’évolution des écarts de temps dus à la somme algébrique de la gravitation et de la vitesse.

31

Bergia, Silvio., Einstein, le père du temps moderne, Belin, Pour la science, 2004, p.145

87


Les preuves expĂŠrimentales

88


Les preuves expérimentales 4.8. Vérification expérimentale de la dilatation du temps En 1941, B. Rossi et D. Hall observent directement cet effet en étudiant des particules dans les rayons cosmiques, les muons. Des muons produits artificiellement en laboratoire se désintègrent après une durée de vie moyenne d’environ deux microsecondes. Or, les muons des rayons cosmiques détectés à la surface de la Terre ont été créés dans les hautes couches de l’atmosphère terrestre, à plus de 10 kilomètres des détecteurs, et la lumière met environ 30 microsecondes pour parcourir cette distance. Comment pouvons-nous détecter les muons cosmiques si leur durée de vie moyenne (2 microsecondes) est inférieure à la durée de parcours (30 microsecondes)? Einstein donne la réponse suivante : la vitesse des muons étant proche de celle de la lumière, ils vivent beaucoup plus longtemps de notre point de vue t0 (de leur point de vue, leur durée de vie est toujours de deux microsecondes) Autrement dit, si l'on applique la formule de la relativité restreinte :

tv = t 0 et que l'on imagine que la vitesse v augmente considérablement, le deuxième facteur avec la racine tend vers 0 on constate que le temps tv vécu par ce qui se trouve dans le référentiel en mouvement (Là où est le muon) est beaucoup plus court que le temps t0 vécu par ce qui se trouve dans le référentiel au repos, c'est-à-dire en l'occurrence l'observateur humain qui réalise l'expérience. Autrement dit, si nous observons effectivement que la durée de vie du muon en laboratoire est de 2 secondes, ce n'est pas le cas quand il se déplace à une vitesse proche de celle de la lumière où nous constatons une durée de 30 microsecondes. On peut aussi imaginer qu'un muon tombant du ciel vers la terre à la vitesse proche de celle de la lumière percevrait l’Atomium avec une hauteur considérablement réduite. On a vu que le temps relativiste était lié à une distance relativiste. Autrement dit la hauteur hv de l'Atomium mesurée par un être vivant se déplaçant à une vitesse v du sommet vers la base est nettement inférieure à la hauteur h0 mesurée par un observateur immobile.

hv = h0

N.B. h est la hauteur (à ne pas confondre avec la constante de Planck qui est tout autre chose)

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Les preuves expĂŠrimentales Deux photos prises lors de l'exposition Einstein un autre regard

Ci-dessus, l'Atomium vu par un muon iimmobile. Ci-dessous, l'Atomium vu par un muon cosmique

90


Les preuves expérimentales

Ma rencontre avec Einstein lors de l'expo Einstein, l'autre regard à Tour et Taxis à Bruxelles en 2005 4.9. Vérification expérimentale des ondes gravitationnelles Rappel des chapitres 3.8 à 3.10. Dans ces chapitres, nous avons appris comment Einstein s'était attaqué à la forteresse newtonienne et surtout quel avait été l'impact de son principe d'équivalence. Rappelons que l’impesanteur correspond à un système où l'on ne peut mesurer aucune accélération, causée par la gravitation ou par une autre force, par un observateur situé dans ce système. On a vu qu'Einstein en chute libre dans une cage d'ascenseur ne ressentait plus son poids (et tout objet l'accompagnant tombait à la même vitesse que lui). En fait, ce qui est ressenti comme le poids n'est pas l'attraction exercée par la Terre sur la personne d'Einstein, mais la réaction du sol de la cage d'ascenseur soumis à cette force. Ainsi, en tombant en chute libre avec l'ascenseur, Einstein ressent l'impesanteur, comme la ressentent les astronautes sur une orbite libre autour de la Terre. On a vu aussi dans les chapitres 3.8 à 3.10 que, techniquement parlant, un corps n'est pas en situation d'impesanteur en chute libre s'il est suffisamment grand, ou si le champ gravitationnel est suffisamment intense et non uniforme, pour que le corps soit sujet à des forces de marée non négligeables.

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Les preuves expérimentales Albert Einstein a ainsi postulé l'équivalence totale entre la chute libre et l'absence de gravité : aucune expérience physique, aucune mesure ne peut différencier une situation de chute libre d'une situation d'absence de gravité.

C'est ce principe d'équivalence qui est à l'origine de le la théorie de la relativité générale. Cette équivalence n'est que locale, pour des objets ponctuels. Selon Einstein, la gravité n’est pas une force, mais une propriété géométrique de l’espace-temps. Comme on l'a vu également dans les chapitres précités, on peut représenter l’espace-temps comme une surface élastique à deux dimensions. On utilise le terme d'onde gravitationnelle (ou d'onde de gravitation) pour exprimer les oscillations de la courbure de l'espace-temps qui se propagent à la vitesse de la lumière dans le vide. Le 14 septembre 201532, les chercheurs du LIGO33 annoncent avoir détecté directement des ondes gravitationnelles à partir de deux trous noirs. Cette annonce fut confirmée le 11 février 2016 lors d'une conférence de la National Science Foundation à Washington. Le résultat est publié le jour même dans la revue Physical Review Letters. Ce serait aussi « la première preuve directe de l’existence des trous noirs », affirme Thibault Damour, le physicien théoricien français.

L'interféromètre (LIGO) Nous avons vu précédemment que tout déplacement de masse dans un point de l'univers créait une vague se propageant à travers le cosmos. Plus la masse est grande, plus la courbure produite est grande et ainsi plus la gravité est intense. La courbure de l'espacetemps s'ajuste pour refléter le changement de la position d'objets accélérés et elle se propage comme des "vagues à la surface de l'eau" La production efficace d'ondes gravitationnelles demande de très grandes masses et de très grandes accélérations. Ce sont principalement des systèmes astrophysiques impliquant des objets massifs et très denses comme les trous noirs.

32

« Des physiciens annoncent avoir détecté les ondes gravitationnelles d'Einstein » [archive], sur lepoint.fr

33

Le Laser Interferometer Gravitational-Wave Observatory (« Observatoire d'ondes gravitationnelles

par interférométrie laser »), en abrégé LIGO,

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Les preuves expérimentales Au passage de cette vague gravitationnelle, une portion de l'espace se dilate puis se contracte avant de retrouver sa forme initiale. L'outil de détection de LIGO est un l'interféromètre dont le rayon laser est envoyé sur un miroir qui le sépare en deux faisceaux. Chacun parcourt une distance de plusieurs kilomètres à l’extrémité desquels un miroir renvoie le faisceau capté. Après plusieurs allers-retours, ce qui augmente la précision, chaque faisceau sort du bras pour croiser l’autre faisceau avec lequel il se recompose. Si les deux faisceaux ont parcouru la même distance, ils reviennent au même moment à l’intersection. Si une onde gravitationnelle a raccourci ou a rallongé l'un des bras, l'un des faisceaux sort un peu avant ou après l’autre. Ce déphasage fait que le résultat de la soustraction des deux faisceaux ne sera pas nul. C'est cette "vibration" qu'aurait donc détecté LIGO.

Schéma de principe de LIGO. Source : LIGO Sur le site suivant, http://lasciencepourtous.cafe-sciences.org/articles/les-ondesgravitationnelles-et-linterferometre-ligo/, M-A Jeulliau a écrit le 14 février 2016 : "Le concept d’interféromètre est donc assez simple mais pour atteindre la précision souhaitée pour détecter des ondes gravitationnelles, c’est un véritable tour de force car ces interféromètres qui mesurent 4 kilomètres de long doivent pouvoir mesurer une différence de distance de 10-18 m, soit un milliardième de milliardième de mètre ou encore le dix millième du diamètre d’un proton !! Le rapport de distance à mesurer est donc de 1021, ça revient à mesurer une différence de 1 centimètre entre la Terre et l’étoile la plus proche de notre système solaire (Proxima du Centaure située à 4 000 années-lumière). C’est juste incroyable ! Tout d’abord, LIGO possède bien des bras de 4 kilomètres mais en fait, la lumière en parcourt 1600 entre le miroir et la séparatrice car entre les 2, les scientifiques ont rajouté ce qu’on appelle une cavité de Fabry-Perrot dans laquelle le faisceau fait 400 aller/retours histoire de rallonger artificiellement les bras et donc d’améliorer la sensibilité du dispositif."

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Chapitre cinq Quelques citations d’Einstein Un estomac creux n'est pas un bon conseiller politique.

La plus belle chose que nous puissions éprouver, c'est le mystère des choses.

La possession de merveilleux moyens de production n'a pas apporté la liberté, mais le souci et la famine.

La vraie valeur d'un homme se détermine d'abord en examinant dans quelle mesure et dans quel sens il est parvenu à se libérer du Moi.

Mon idéal politique est l'idéal démocratique. Chacun doit être respecté en tant que personne, et personne ne doit être divinisé.

Nous aurons le destin que nous aurons mérité.

Je méprise profondément ceux qui aiment marcher en rangs sur une musique: ce ne peut être que par erreur qu'ils ont reçu un cerveau; une moelle épinière leur suffirait amplement.

L'imagination est plus importante que le savoir.

Dans l'effort que nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons quelque peu à l'homme qui essaie de comprendre le mécanisme d'une montre fermée. Il voit le cadran et les aiguilles en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n'a aucun moyen d'ouvrir le boîtier. S'il est ingénieux, il pourra se former quelque image du mécanisme, qu'il rendra responsable de ce qu'il observe, mais il ne sera jamais sûr que son image soit la seule capable d'expliquer ses observations. Il ne sera jamais en état de comparer son image avec le mécanisme réel, et il ne peut même pas se représenter la possibilité et la signification d'une telle comparaison.

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Chapitre six Quand le diable fait des fouilles dans Dieu… 6.1. Bohr et Heisenberg en amicale collaboration Werner Heisenberg et Niels Bohr avant la deuxième guerre mondiale.

Et le diable, c’est Hitler et les savants allemands qui lui sont restés fidèles. L’objet des fouilles, c’est la bombe. Sur la fresque de Diego Rivera intitulée Hitler, le Führer du peuple, on reconnaît Einstein en bas à gauche parmi les persécutés du régime.

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... A la fin des années trente, il devint vite évident que la réaction en chaîne qui résultait de la fission du noyau de l’atome d’uranium pouvait être utilisée pour une arme d’une extrême puissance. Les équipements qui devaient servir aux Allemands à obtenir la fission de l’uranium furent saisis à la fin de la guerre par une unité spéciale américaine. L’Institut Kaiser Wilhelm fut évacué dans les collines autour de Stuttgart. C’est dans une cave creusée dans le roc à Haigerloch que les physiciens allemands réalisèrent leur premier réacteur atomique, mais par bonheur sans obtenir la réaction recherchée. Werner Heisenberg, fit-il partie des suppôts du diable ? Participa-t-il à la construction de l’arme funeste ou, au contraire, freina-t-il les recherches ? Je voudrais évoquer maintenant l’histoire et les découvertes de ces eux scientifiques qui se brouillèrent à cause du diable. Ce chapitre s’intéressera aux relations tragiques que Bohr et Heisenberg ont vécues pendant la seconde guerre mondiale et ma principale source d’information, à ce sujet, est le film écrit et réalisé par Mike Smith Mike, Bombe atomique BohrHeisenberg, l’échec de Copenhague, présenté par la RTBF. Le monde fit la connaissance de Werner Heisenberg lors d’une conférence que Niels Bohr donna dans une université allemande. Prix Nobel de physique depuis 1922, le Danois était vénéré dans le monde scientifique. Le public, suspendu à ses lèvres, essayait tant bien que mal à comprendre. En effet, il parlait la main devant la bouche articulant l’allemand avec un accent danois très prononcé. De temps à autre, il insérait des mots anglais. De sorte que son discours paraissait confus. Il fut soudainement interrompu par un jeune physicien inconnu d’une vingtaine d’années qui lui fit remarquer qu’il avait commis une erreur mathématique dans ses propos. Bohr trouva cette interruption tout à fait pertinente et invita même le jeune homme à poursuivre la conversation lors d’une promenade qui ut lieu l’après-midi même. Au cours de cette promenade, les deux hommes réalisent qu’ils partagent plusieurs passions communes et se lient vraiment d’amitié. Bohr était un physicien imaginatif qui pouvait se représenter le comportement des électrons au sein même de l’atome, mais Heisenberg avait une compétence mathématique qui pouvait aider Bohr à formuler ses théories et à les développer. La théorie de Bohr était révolutionnaire, car depuis la Grèce antique on considérait l’atome comme indissociable ( ). Et depuis des centaines d’années, les étudiants apprenaient que les phénomènes physiques étaient dus par des relations de causes à effets. Bohr démontra qu’à l’échelle atomique. Il n’en était rien. Il emmenait d’ailleurs ses invités visiter le mécanisme de l’horloge de l’église de Copenhague pour montrer que cette belle mécanique était absente de l’atome dans lequel les électrons sautent d’une orbite à l’autre de manière imprévisible. Bohr avait posé comme premier postulat que l’énergie des orbites est quantifiée et que les électrons se déplacent autour du noyau sur des orbites déterminées et énergiquement stables. Comme second postulat, il énonça que lorsqu’un électron passait d’une orbite d’énergie E1 à une orbite d’énergie E2 il y a émission ou absorption d’une énergie sous la forme d’un rayonnement électromagnétique.

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Bohr avait dépassé la physique de Newton. En 1925, Werner Heisenberg demanda de devenir son assistant à Copenhague et ils devinrent les meilleurs amis du monde. C’est le début du réel essor de la mécanique quantique. Les succès de Heisenberg le rendent célèbre et, en 1927, on lui propose une place à l’université de Leipzig. A 26 ans, il devient le plus jeune professeur d’université d’Allemagne et en 1932, il reçoit le prix Nobel de physique.

Cette année-là, au congrès Solvay, Einstein et Bohr se sont vraiment opposés sur les interprétations possibles et les conséquences philosophiques des découvertes de la mécanique quantique. Selon Einstein, la théorie de Bohr était incompatible avec le principe selon lequel la physique doit décrire une réalité spatiale et temporelle.

Et pourtant, les quanta, qu’Einstein a fait surgir des mondes souterrains, vont le trahir. Dès 1924, avec Louis de Broglie, c’est une nouvelle génération de physiciens qui entrent en scène. Ils ont moins de trente ans et forment une révolution dont la principale victime sera leur père spirituel : Einstein. En effet, la mécanique quantique a permis de connaître la structure de la matière et celle de l'atome en particulier. Chaque raie spectrale correspond à l'énergie d'un photon transmise ou absorbée lorsqu'un électron passe d'un niveau d'énergie à un autre. L'interprétation des liaisons chimiques a été radicalement transformée par la mécanique quantique et est désormais fondée sur les équations d'onde de Schrödinger. Mais le problème souvent évoqué est celui du monde microscopique où règne la physique quantique et le monde macroscopique soumis à la relativité : deux théories incompatibles.

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Qu’en savez-vous, Albert ? Ne dites pas à Dieu ce qu’il doit faire.

Albert, vous pensez vraiment que Dieu ne joue pas aux dés !

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Niels, le monde n’est pas réglé par le hasard. Dieu ne joue pas aux dés.

Bien sûr, Niels, tôt ou tard nous le rencontrerons et il nous le confirmera


Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Comme l’écrit François De Closets34 : « Quelle est cette mystérieuse réalité biatomique qui répond comme un écho aux questions qu’on lui pose? Etes-vous une particule ? », « Je suis une particule » ; « Etes-vous une onde ? », « je suis une onde ». C’est dans les contes de fées que le même personnage change d’apparence d’un instant à l’autre, tantôt prince charmant, tantôt hideux crapaud. Mais on ne voit rien de tel dans le monde ordinaire. La double nature n’existe pas. La réponse ne saurait être qu’ « extraordinaire ». Elle va naître de deux approches simultanées qui semblent fort différentes et se révèlent convergentes. (…) « Que Dieu joue à ses serviteurs de sales tours, il faut bien l’admettre ; qu’il ait tout construit sur de telles règles, c’est intolérable » Einstein veut montrer que ce formalisme conduit à des aberrations qui prouvent les limites de la mécanique quantique. Il est assisté dans cette critique par Schrödinger. Bien que n’étant pas juif et pas directement menacé par les persécutions antisémites, le tout grand spécialiste de la mécanique ondulatoire n’a pas supporté la venue au pouvoir d’Hitler, il a quitté Berlin en 1933 et se trouve à Oxford. En 1935, il imagine le paradoxe du chat et montre que l’animal peut se trouver à la fois vivant et mort.35 (Voir l’explication 10 dans l’annexe mathématique). La théorie semble déboucher sur un non sens. Bohr s’empresse de confirmer que la mécanique quantique n’autorise nullement à passer ainsi du microscopique au macroscopique (…) Cette aporie vise à remettre la mécanique quantique à sa place, à freiner le zèle interprétatif de ces théoriciens. Les « réalistes » comme Einstein ou Schrödinger estiment qu’elle peut conduire à des situations aberrantes dont les physiciens, perdus dans le calcul, ne sont pas conscients et qui dénoncent les limites mêmes de l’entreprise. Dans la même logique, Einstein a publié en cette année 1935 un article à ce point percutant qu’à soixante dix-ans de distance, il ébranle encore la physique. Pour ce travail, il s’est associé à deux jeunes physiciens : Boris Podolsky et Nathan Rosen. Ensemble ils font paraître dans la Physical Review un article au titre très explicite : « La description par la mécanique quantique de la réalité physique peut-elle être considérée comme complète ? qui passera à la postérité sous l’appellation de « paradoxe EPR » pour Einstein, Podolsky, Rosen, bien sûr. » Le contenu de cet article dit en substance que le merveilleux et l’incompréhensible naissent d’une vision incomplète de la réalité et, en un certain sens, dénonce cette incomplétude. Pour Einstein, il doit exister quelque chose dont la mécanique quantique ne rend pas compte, et qui permet à des particules d’être à la fois distantes et non séparées. Bohr passe une nuit blanche : il répond à cet article en proposant une interprétation différente, mais peu convaincante. Quand on ne sait plus quoi dire, on se tait. C’est ce que firent les physiciens. Les physiciens finirent par oublier le paradoxe EPR et les bizarreries du monde quantique, et quand Einstein décède en 1955 aucune réponse n’est encore apportée au paradoxe EPR. Il faudra attendre 1964 pour que le physicien irlandais John Bell reparte de l’article de 1935 et montre que, dans un grand nombre de cas, les résultats ne sont pas les mêmes selon que l’épreuve est régie par la « magie quantique » ou par la « prestidigitation einsteinienne », qu’elle reflète la seule mécanique quantique ou bien « utilise des « variables cachées » comme l’imaginait Einstein. Les probabilités recalculées par Bell ne permettent aucune confusion entre l’hypothèse réaliste et l’hypothèse quantique. En 1982, à l’Institut d’optique d’Orsay, se déroula l‘épreuve de vérité. Ce fut l’expérience d’Aspect et de son équipe. Il fit courir des photons « corrélés », c’est-à-dire… Régulièrement, nous pouvons lire des articles rapprochant la physique quantique et la relativité générale. Laurent Nottale, astronome à l’Observatoire de Paris-Meudon, a voulu réconcilier les deux sœurs ennemies : « Devant tant de carences et de contradictions, je me suis dit qu’il

devait y avoir une théorie fondamentale qui puisse non seulement lever les incohérences de la mécanique quantique mais aussi réunifier celle-ci avec la relativité générale. »36 « Si encore les deux mondes étaient séparés dans les faits, on pourrait se satisfaire de ce dualisme, mais ce n’est pas vrai, et tous les objets macroscopiques ont des comportements

De Closets, François., Ne dites pas à Dieu ce qu’il doit faire , Seuil, Paris, 2004 Voir détails de cette expérience dans l’annexe biographique réservée à Schrödinger 36 Science et Vie, N°936 de septembre 1995, 50 ans, après Einstein, un savant élucide les mystères de l’univers, p. 48 à 56 34 35

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... microscopiques, ne serait-ce que l’émission et l’absorption permanentes de photons de lumière »

« L’idée forte de la relativité, c’est l’espace-temps (…) Or en mécanique quantique, il n’y a pas d’espace-temps. Plus exactement, ce dernier est plat, c’est-à-dire sans influence aucune sur les objets qu’il contient. (…) En mécanique, quantique l’espace serait absolu, insensible à la gravitation et finalement inutile. Effectivement, à petite échelle, la gravitation n’a que peu d’influence : entre les électrons, elle est 1044 moins forte que la force électromagnétique. On peut donc la négliger (voir démonstration en annexe mathématique).37 (…) Comme l’énergie est liée à la gravitation (E=mc2 oblige), à très petite échelle, la gravitation redevient dominante, donc l’espace ne peut plus rester indifférent (sans courbure)38 Laurent Nottale poursuit : « La situation actuelle m’est apparue absurde, et j’ai éprouvé la né-

cessité d’introduire un nouveau concept : l’espace-temps a bien une influence au niveau microscopique, à condition qu’on accepte qu’il soit fractal »

Comparons avec le monde classique pour mieux comprendre. Dans l’univers macroscopique, plus on observe avec une bonne résolution, la taille, la vitesse ou l’énergie d’un corps, plus la mesure est précise. Dans le monde microscopique, plus on mesure précisément, plus la vitesse change. La résolution ne précise pas le résultat mais en change la nature !

« Mon pari, c’est qu’il existe une donnée dont on n’a pas tenu compte dans l’interprétation : l’échelle à laquelle on regarde »

Changement brutal de cap, de « cadre de pensée ». Ce qui était sans importance, l’espacetemps ou la résolution spatio-temporelle, devient primordial.(…) Le monde microscopique est fractal, ce qui veut dire qu’on peut toujours observer à des résolutions p)lus petites et qu’on trouve toujours des choses différentes correspondant à la résolution à laquelle on regarde.

« Ainsi, le principe nouveau que j’ajoute à la physique, plus précisément, la relativité d’échelle, souligne Laurent Nottale, explique qu’on puisse voir des choses différentes en fonction de la résolution. Le monde quantique n’est plus fou, puisque la différence inexpliquée des résultats en fonction de l’échelle est maintenant nécessaire et compréhensible. En fait, c’est l’espace-temps luimême qui est différent selon les échelles. Et c’est parce que son rôle est primordial qu’il produit des résultats différents en fonction des échelles »

Or, les bases qui composent les longues chaînes d’ADN de notre code génétique sont du niveau de grandeur de l’angström, (10-10m) c’est-à-dire qu’elles possèdent des propriétés quantiques. L’information génétique a été écrite au niveau de la transition quantiqueclassique, et les êtres vivants montrent une structure fractale hiérarchisée de cette taille à deux mètres. D’ailleurs, ajoute Nottale, « cette continuité d’échelle peut aussi s’étendre à

l’organisation en société et pourquoi pas, à la Terre entière »

Mais contrairement à ce que Descartes disait, le global n’est pas une simple somme d’informations locales. ; car les échanges d’informations entre les différentes échelles sont permanentes

37 38

Ibid. Ibid.

100


Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Dans le chapitre huit, consacré à Ilya Prigogine et la flèche du temps, j’ai inséré un passage de mon essai socio-philosophique « La fin des hommes machines » où je me pose la question de savoir si les sociétés et leurs cultures ne sont pas aussi des systèmes composés d’hommes comme les solides, liquides et gaz sont composés de molécules ? 6.2. L’atome de Bohr La construction de l’atome de Bohr appartient à l’histoire de la physique. Elle est d’ailleurs souvent racontée par les physiciens selon un fil narratif qui suit les controverses sur la nature de la lumière et aboutit à l’hypothèse des quanta lumineux d’Einstein et à la mécanique ondulatoire de De Broglie, puis de Schrödinger (…) En 1913, Bohr est rentré à Copenhague et il ajuste toutes les pièces du puzzle. La caractère périodique du tableau de Mendeleïev peut s’expliquer par le nombre limité d’électrons occupant une même orbite : lorsqu’une orbite est remplie, on change de ligne dans le tableau. Quant à la discontinuité quantique de Planck, elle s’accorde merveilleusement avec les raies spectrales d’émission et d’absorption lumineuses(…) Bohr a compris que chaque raie d’émission ou d’absorption est déterminée par le changement d’orbite d’un électron, et les différentes orbites ont des valeurs énergétiques discrètes, dont l’unité est le quantum de Planck.L’atome de Bohr est né : noyau chargé positivement entouré d’électrons disposés en orbites successives - chacune caractérisée par un nombre quantique distinct- et susceptibles de « sauter » d’une orbite à l’autre en absorbant ou en émettant un quantum lumineux correspondant à la différence énergétique entre le deux orbites »39 La description de la structure électronique des atomes suivant la théorie de Bohr peut être résumée comme suit40 a) Chaque électron est situé sur un niveau énergétique caractérisé par son nombre quantique principal n. A chaque niveau correspond une orbite sur laquelle l’électron se déplace autour du noyau. L’électron n’émet ni n’absorbe aucune énergie lorsqu’il est sur un niveau énergétique donné. b) Lorsque l’électron passe d’une orbite supérieure (2) à une orbite inférieure (1), il émet de l’énergie sous forme de radiations électromagnétiques de fréquence  donnée, en utilisant la relation de Planck, par l’expression :

1 1 E  E 2  E1  h  21,79.10 19 z 2  2  2   n1 n2  où n2  n1 et z, le nombre atomique, est égal à 1 Pour l’hydrogène, la fréquence de la radiation émise est donc donnée par :

v

39 40

21,79.10 19 6,62.10 34

1 1 1 15  1  2  2   3,289.10  2  2   n1 n2   n1 n2 

Histoire de la Chimie de Bernadette Bensaude Vincent et Isabelle Stengers La chimie pour les sciences de la vie de C. Houssier (1ère partie) pages 10.21 à 10.23

101


Quand le diable fait des fouilles dans Dieu...

R2 R1

R3

Rn

102


Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... 6.3. Relations d’incertitudes d’Heisenberg Formulées par le physicien allemand Werner Heisenberg en 1927, ces relations ont contribué au développement de la mécanique quantique. Elles indiquent que, au cours d’une même expérience, la position et la quantité de mouvement ne peuvent être mesurées simultanément avec une grande précision. En observant la nature, nous modifions le monde, nous choisissons une manière de l'appréhender comme par exemple nous choisissons nous considérons l'électron comme une particule ou une onde en fonction de ce que nous voulons voir.

Incertitude sur la position x incertitude sur la quantité de mouvement  h

h étant la constante de Planck qui vaut 6,626.10-34 Joule.seconde x étant l’incertitude sur la position et p l’incertitude sur la quantité de mouvement (m.v) Alors Heisenberg déclare que :

x.p  h

La conséquence de cette formulation mathématique devient une interpellation philosophique exprimant que le processus de mesure influence immanquablement la grandeur mesurée. En effet, l'expérience montre l'éloignement, voire même la disparition, de notre monde quotidien quand on envisage l'échelle subatomique. Heisenberg ajoute que la relation d’incertitude vaut pour d’autres grandeurs physiques, par exemple l’énergie E et le temps t .

E.t  h

Par exemple : incompatibilité de la durée de vie de l’observation et durée de vie d’un état, puisqu’il est à la fois impossible de préciser simultanément la position et la quantité de mouvement d’une particule, tel un électron. Il précise qu'une détermination plus précise d'une quantité a nécessairement pour résultat la mesure moins précise de l'autre et que le produit des deux incertitudes n'est jamais inférieur à la constante de Planck. En mécanique quantique, les calculs de probabilités remplacent donc les prévisions précises de la mécanique classique. Les notions philosophiques d'indétermination que Heisenberg impliquait furent à l'origine d'un important courant au sein de la communauté scientifique, qui considé-

103


Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... ra ce concept comme bouleversant la conception traditionnelle des phénomènes de cause à effet. Envisageons deux exemples d’application41. a) Supposons que la vitesse d’un grain de plomb d’un décigramme (10-4 Kg) soit déterminée avec une précision vx = 10-8 mètres par seconde. Voyons quelle sera alors l’incertitude sur sa coordonnée x. Etant donné que

x.p  h ,

,

et que p  mv on peut écrire

10 8 x 

x.v x 

h m

6,626.10 34 et x  10 22 m 4 10

c’est-à-dire un dix millième de milliardième de milliardième de mètre Autrement dit, pratiquement, la position du grain est déterminée avec précision. b) Examinons maintenant le mouvement de l’électron dans l’atome. Les dimensions de ce dernier sont de l’ordre de 10-10 mètre. Dans le cas le plus défavorable la position de l’électron pourrait être déterminée avec une précision égale à :

x  10 10 m Par conséquent, pour cette imprécision sur la coordonnée, étant donné la masse de l’électron

9,109.10 31 Kg, l’imprécision sur la vitesse sera : 10 10 v x 

6,626.10 34 9,109.10 31

Par conséquent,

v x 

6,626.10 34  7,2.10 6 mètres par seconde 31 10 9,109.10 .10

Mais étant donné la vitesse de l’électron dans l’atome qui est de l’ordre de 10 6 mètres par seconde, il semble absurde de parler de la trajectoire et de l’orbite d’un électron étant donné ce haut niveau d’imprécision relative. Il ne faut pas se représenter l’électron dans l’atome comme une particule ordinaire, mais plutôt comme un nuage électronique. Les inégalités d'Heisenberg, énoncées en 1927 l'année d'un Congrès Solvay nous indiquent les limites sur la pertinence de l'emploi des concepts d'ondes et de particules classiques pour décrire les phénomènes à l'échelle atomique, comme ceux portant sur les électrons et la lumière. En aucun cas, ces inégalités n'indiquent une imprécision ou une limite à la connaissance simultanée de la position et de la quantité de mouvement d'une particule au sens classique. Elles ne reflètent pas une limite à la connaissance, mais une limite à l'application des concepts classiques pour décrire les phénomènes mécaniques à l'échelle de l'atome. Si l'on persiste à décrire la matière et la lumière en termes de particules et d'ondes, on ne peut le faire qu'en limitant ces concepts l'un par l'autre et en donnant des probabilités d'observations de telle ou telle valeur classique d'un objet classique.

41

Van de Vorst Albert., Introduction à la Physique, De Boeck Université , page 944

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... 6.4. L'homme et les lieux à la source de l'Esprit de Copenhague. Résumons le C.V. de Niels Bohr. Nous savons qu'il est un Danois d’envergure, connu dans le monde entier, et qu'il est surtout connu pour avoir élaboré un modèle de la structure de l'atome. Les étudiants du secondaire supérieur savent aujourd’hui que l’atome possède divers niveaux d'énergie, distincts les uns des autres, sur lesquels tournent les électrons. On en compte sept et le nombre d'électrons varie selon le niveau. Né le 7 octobre 1885 à Copenhague, il décède le 18 novembre 1962 à Copenhague. En 1922, à 37 ans, il avait reçu le prix Nobel de physique. Monsieur Philippot (voir avant-propos) avait appris son décès au journal de 13 heures et il consacra sa leçon cet après-midi là au célèbre modèle de Bohr sur la structure de l’atome. Quand nous avons terminé, ce qu’on appelait jadis les humanités, nous connaissions bien sa théorie à la base de la mécanique quantique : « les électrons ont la possibilité de passer d'une couche à une autre en émettant un photon » Et personne n’aurait osé dire de ce temps-là, ce que disent cet étudiant et ce journaliste à la TV. Ci-contre : Le monde ennuyeux (chiant) de Niels Bohr Ci-dessous : Cette leçon est réellement ennuyeuse

(chiante)

Avec boring (ennuyeux) remplacé par Bohring

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Le buste de Bohr décore la façade de l’entrée principale (Notre place du XX août, diraient les Liégeois) de l'université de Copenhague.

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... On le découvre fumant une pipe sur le billet de 500 couronnes danoises. Et sur un timbre, on voit la formule de l’énergie du photon émis par un électron qui change d’orbite. Puis, fumant une pipe, statufié vec Einstein

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... L'Institut Niels Bohr fut fondé en 1921, sous l'impulsion du physicien danois. À l'occasion du 80e anniversaire de Niels Bohr, le 7 octobre 1965, trois ans après son décès, l'institut qui s'appelait alors Institut de physique théorique de l'université de Copenhague a pris officiellement le nom d'Institut Niels Bohr. J’ai voulu voir ces bâtiments chargés de l’histoire de la physique. Je les ai touchés, et les ai photographiés. Voyant ma curiosité, un jeune chercheur m’a proposé de faire une petite visite.

Deux photos à la fin de sa vie. Ci-contre, Niels Bohr près de l'institut de physique au début des années 60. Sur la photo suivante, Bohr est le 5e assis au premier rang

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu...

Lecture conseillée, voir le lien suivant: http://www.matierevolution.fr/spip.php?article3807 par Robert Paris Voici un résumé :

Bohr avait été doté, par l'Etat danois, de grands moyens organisationnels et financiers pour s’entourer des meilleurs physiciens du monde qu’il invitait et auxquels il proposait un appui à condition… qu'ils adhèrent à son groupe (appelé « école de Copenhague »). Il fallait qu'ils acceptent ses thèses et sa direction scientifique. De très grands physiciens ont refusé de céder à ses pressions comme Einstein, de Broglie, Böhm ou Schrödinger… En 1929, deux ans après la rencontre Solvay que je viens d'évoquer, Bohr a institutionnalisé ses conversations privées avec des scientifiques, fondant les « conférences de Copenhague » et profitant de celles-ci pour embaucher les meilleurs chercheurs à son Institut… Il n’y avait aucun programme prévu d’avance. Les communications orales n’étaient pas publiées. Tout était informel. La discussion était ouverte. Les débats se poursuivaient généralement en privé avec Bohr lors de mémorables promenades et excursions. J'y ai vu de nombreuses photos encadrées dans les bureaux et couloirs, parmi lesquelles se trouvent les célèbres participants à l'esprit de Copenhague.

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Photo prise en façade de l'institut de physique de Copenhague en juillet 1963 Niels Bohr est décédé depuis le 18 novembre 1962

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Détail de la photo précédente: le fils de Niels Bohr, Aage Bohr est assis près de Dirac au premier rang (Flèche rouge)

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu...

Ci-dessus, Copenhague, 1932. Niels Bohr est en 3ème position debout, assis devant lui Léon Brillouin, Lise Meitner et P. Ehrenfest .

Ci-dessus, le personnel de l'institut de physique en 1921. Bohr est au second rang (flèche rouge) Ci-après, la Conférence de physique de Copenhague de 1937. A partir de la gauche, au premier rang : N. Bohr, W. Heisenberg, W. Pauli

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu...

Ci-contre, Bohr en conversation avec Heisenberg et Pauli (de dos)

A tous ses visiteurs, congressistes ou observateurs, Bohr insista vraiment sur l'essentiel de l'interprétation de Copenhague en conditionnant la fiabilité des mesures par le choix judicieux des mesures de la physique classique "parce qu'elles étaient les seules à fournir "un langage dépourvu d'ambigüité" Autrement dit, Bohr voulait éviter à tout prix les éventuels paradoxes dus à la dualité onde-particule. Ces deux concepts s'excluaient mutuellement en physique classique, mais pas en physique quantique où ils sont complémentaires, comme c'est aussi le cas pour la position et la vitesse qui, en physique classique sont associés en continu sur la trajectoire d'une particule. Pas en physique quantique où ces deux paramètres sont mesurables que dans certaines limites d'une relation dite d'indétermination. Pour plus de détails, lire Heisenberg et le principe d'incertitude, Etienne Klein, Grandes idées de la Science

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu...

La maison natale de Niels Bohr le long du canal à Copenhague. Ci-dessous, la plaque posée sur la façade: " Dans cette maison, naquit le physicien atomiste Niels Bohr le 7.10.1885"

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... 6.5. Le Congrès Solvay de 1927 : 17 des 29 physiciens présents avaient reçu ou allaient remporter le Prix Nobel Démarrons avec la photo du Congrès Solvay d'Octobre 1927 à Bruxelles où se sont réunis les plus grands savants du monde. Ce fameux congrès vit s'opposer "l'école de Copenhague"

(Bohr en tête, Heisenberg, Born, Pauli, Dirac) et les tenants d'une interprétation déterministe (de Broglie, Schrödinger, Einstein)

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Souvenir du Congrès Solvay de 1927: les participants quittent le parc Léopold pour une promenade (digestive, semble-t-il, ou en goguette) du côté de la Grand Place.

Schrödinger et Bohr

Schrödinger

Heisenberg

Pauli et Einstein

Dirac

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Kramers

Brillouin

De Broglie

Ehrenfest et Bohr


Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Les conseils Solvay m'ont toujours interpellé. Ce furent des moments mythiques de l’histoire de la physique. C'était l'époque de la « théorie des quanta » où s'affrontaient des génies de la science comme Einstein et Bohr quant à l’interprétation de la mécanique quantique. Les lieux ont peu changé. La façade a été nettoyée en 2007. L'âme des grands physiciens s'y trouve encore.

A partir de cette date, en fonction des sujets traités, on connut une série retentissante de Prix Nobel, comme celui de Louis de Broglie en 1929, Heisenberg en 1932, Dirac et Schrödinger en 1933 et bien plus tard, en 1954, celui de Born.

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... 6.6. Max Planck, le patriarche C'est incontestablement la résolution du problème du rayonnement du corps noir qui a marqué le début de la mécanique quantique. C'est Max Planck qui découvre la loi spectrale du rayonnement d'un corps noir. . En physique, un corps noir désigne un objet qui absorbe toutes les radiations qu'il reçoit. Son spectre électromagnétique ne dépend que de sa température degrés Kelvin (K). Le spectre visible est entre environ 400 et 800 nanomètres.

Max Planck, par l'étude des corps noirs, découvrit la valeur d'une constante qui portera son nom. Elle exprime le seuil d'énergie minimum que l'on puisse mesurer sur une particule. Sa valeur est la suivante : h = 6,63 . 10 -34 joules.seconde. Planck découvrit cette constante en 1900, provoquant l'étonnement des physiciens de l'époque qui croyaient que les échanges d'énergie entre la matière et le rayonnement s'effectuaient de façon continue, alors que les expériences prouvaient le contraire. Il introduisit la valeur de cette constante dans ses calculs et aboutit à cette formule: E = h . f dans laquelle E est l'énergie et f la fréquence. h étant la constante de Planck , Il donnera plus tard le nom de quantum à cette quantité d'énergie. En physique, un quantum (mot latin signifiant « combien » et dont le pluriel s'écrit « quanta ») est la plus petite mesure indivisible, que ce soit celle de l'énergie, de la quantité de mouvement ou de la masse. Cette notion est centrale en théorie des quanta, laquelle a donné naissance à la mécanique quantique.

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Ici sur la photo du Congrès Solvay en 1927, Planck a 69 ans Peu de temps après la découverte de Planck, Albert Einstein, à la suite notamment de son analyse de l'effet photoélectrique (voir page 45), suggère que la quantité hf est l'énergie d'une particule électromagnétique qui sera plus tard appelée photon. Cette réintroduction d'une conception corpusculaire de la lumière va inciter Louis de Broglie à proposer une relation analogue à celle de Planck, mais pour la quantité de mouvement :

6.7. La mécanique ondulatoire de Louis de Broglie Attardons-nous d'abord sur Louis de Broglie qui eut l'idée d'associer une fonction d'onde à chaque particule par cette formule:

λ = h/p = h/m.v où λ est la longueur d'onde et p la quantité de mouvement de la particule, c'est à dire le produit de sa masse par sa vitesse. Quant à h, il s'agit de la constante de Planck Plus la longueur d'onde est resserrée, plus la fréquence est élevée,

car λ = c.T = c/f d'où f = c/ λ Une particule est une onde qui se propage dans tout l'espace dont l'amplitude de probabilité nous permet de connaître la position à un moment t.

Ci-dessus, extrait de la photo du Congrès Solvay 1927, De Broglie est derrière Langevin qui a été son directeur de thèse doctorale en 1924. Traduction du texte de gauche : après une longue réflexion dans la solitude et la méditation, J'eus soudain l'idée, pendant l'année 1923, que la découverte d'Einstein en 1905 devait être généralisée en l'appliquant à toutes les particules matérielles et particulièrement aux électrons. Einstein apprécia la thèse de De Broglie. Des expériences furent effectuées aux Bell Telephone Laboratories et elles mirent en évidence que les électrons cachaient bien des propriétés ondulatoires. Le λ (Longueur d'onde) de la formule était bien de type ondulatoire et la quantité de mouvement m.v était corpusculaire. L'onde déplaçait donc la particule. En fait, De Broglie élargissait ce qu'avait dit Einstein: si lles ondes électromagnétiques avaient des caractéristiques propres aux particules, pourquoi la matière n'aurait-elle pas des des caractéristiques propres aux ondes? (Voir explication n° 10 dans l'annexe mathématique)

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Mais il n'existait pas encore d'équation pour calculer la dynamique des ondes qui guidaient les électrons.

En octobre 1925, un an après la thèse doctorale de De Broglie, le Hollandais Peter Debye (photo à gauche extraite du Congrès Solvay 1927) sollicita Schrödinger pour qu'il la produise42. Il fallait une équation qui permette de connaître les ondes émises par des vibrations de toutes natures, comme celles des cordes de guitare, ou les oscillations des molécules dans l'air ou les vibrations d'origine électromagnétique. Son équation intervint à un moment propice où le découragement sévissait chez plusieurs physiciens. On dit d'ailleurs que la mécanique ondulatoire développée par Schrödinger est née comme une réaction contre Heisenberg qui semblait trop peu intuitif dans le domaine des atomes. L'équation d'onde éclairait les ténèbres comme l'avait fait l'équation de newton F=ma

Sur la photo Solvay 1927, derrière Compton et Einstein. Schrödinger a déjà formulé l'équation et a fondé sa version de la mécanique quantique d'onde. Il a succédé très récemment à Planck à la chaire de physique théorique à l'université de Berlin. Dans six ans, il sera nobélisé. Que signifiait la fameuse fonction Psi? Des combats houleux s'en suivirent dans lesquels Max Born, qui avait déjà développé la fonction d'one dans les années 1925-1927, proposa la réponse la plus satisfaisante : "elle correspond à une amplitude de probabilité de présence des

électrons". Schrödinger s'opposa même à l'interprétation de Born, ayant toujours pensé que la fonction Psi représentait la répartition de la charge de l'électron comme si l'électron se dispersait dans l'espace comme un liquide remplissant les dépressions et évitant les aspérités. Comme Bohr au Danemark, Schrödinger devint un Autrichien célèbre et il eut droit aussi à sa photo sur un billet de 1000 Shillings autrichiens.

42

Voir plus dans Schrödinger et les paradoxes quantiques, collection de Etienne Klein, Grandes idées de la Science

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... 6.8. La mécanique quantique des professeurs et élèves de Göttingen Göttingen est l'une des plus célèbres universités d'Allemagne, avec 26 000 étudiants et 2 500 enseignants. 42 prix Nobel ont enseigné ou étudié à Göttingen. La ville abrite l'Institut MaxPlanck et l'Académie des sciences. En 1921, il est nommé professeur de physique théorique à Göttingen. Il concentre surtout ses travaux sur la physique quantique et développe, avec Pascual Jordan, la mécanique matricielle introduite par Werner Heisenberg. Le Congrès Solvay fut aussi l'occasion pour Max Born, professeur de Heisenberg à Göttingen, d'exposer sa vision de la théorie quantique, en opposition à celle d’Einstein. Born avait écrit en 1923 que son élève, Heisenberg, avait un talent incroyable et qu'il était fier de lui. Born était mathématicien et astronome et il fallut un certain temps pour qu'Heisenberg apprécie ses cours trop basés, selon lui, par la mécanique céleste. Mais ce doute fut de courte durée, car Heisenberg écrivit à son père, peu de temps après, qu'à Göttingen, il apprendrait une bonne fois pour toutes les mathématiques et l'astronomie. Il devint l'assistant de Born et semble-t-il se lia d'amitié avec lui, puisque les séances de cours s'achevaient souvent de façon informelle où Born et Heisenberg jouaient du piano en alternance ou à quatre mains. Born considéra en 1923, avec Bohr, Pauli et Heisenberg que tout le système de concepts physiques devait être reconstruit depuis ses bases et il inventa le terme de mécanique quantique comme intitulé de la nouvelle discipline. Born fut aussi le premier à donner au carré du module de la fonction d'onde la signification d'une densité de probabilité de présence. Born fut aussi le directeur de thèse de Robert Oppenheimer en 1927 à Göttingen. Le titre de ce chapitre intitulé "Quand le diable fait des fouilles dans Dieu...", n'est pas dû au hasard, quand on sait qu'Oppenheimer fut l'un des pères de la bombe atomique américaine. Born reçut le prix Nobel de physique de 1954. Quand le manifeste Russell-Einstein a été rendu public le 9 juillet 1955, au milieu de la guerre froide, mettant en lumière les dangers créés par les armes nucléaires, et appelant les principaux dirigeants du monde à rechercher des solutions pacifiques aux conflits internationaux, Born le signa avec 10 autres intellectuels et scientifiques de premier plan. Parmi eux, Albert Einstein, en avril 1955 (quelques jours avant sa mort).

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... 6.9. L'élève nobélisé avant le professeur Heisenberg derrière Born au Congrès Solvay en 1927 ne sait pas encore que 5 ans plus tard, il recevra le Prix Nobel, mais apparemment ce ne sera pas sans quelques regrets, si on le croit sincère dans la lettre qu'il envoya à son professeur après que celui-ci l'eut félicité pour son Prix Nobel: Cher Monsieur Born, "Le fait que je sois le seul à recevoir le Prix Nobel pour le travail effectué à Göttingen en collaboration - vous, Jordan et moi - me déprime et je ne sais que vous écrire. Naturellement je suis content que nos efforts communs soient appréciés, et je me souviens avec émotion de l'agréable époque e notre collaboration. Je crois également que tout bon physicien sait à quel point votre aide et celle de Jordan (Photo en dessous de Born) ont été importantes pour la structure de la mécanique quantique, et cela ne change pas en raison d'une mauvaise décision extérieure. Malgré tout, je ne peux moi-même que vous remercier à nouveau pour votre précieuse collaboration et me sentir un peu honteux. Cordialement W. Heisenberg

6.10. Wolfgang Pauli et son principe d'exclusion

Autre photo de Heisenberg prise en 1927, l'année où il définit son fameux principe d'incertitude, qui fit encore couler beaucoup d'encre quelques décennies plus tard.

Pauli de demi-profil, à côté d'Heisenberg au Congrès Solvay de 1927. Il y a deux ans déjà, en1925, Wolfgang Pauli, physicien autrichien, avait proposé un principe: les électrons ne peuvent pas

se trouver au même endroit dans le même état quantique. Par état quantique, on entend l'état d'un système est représenté par un ensemble de grandeurs physiques à partir duquel on peut déterminer toutes les propriétés du système concerné. Par exemple dans le cas d'un point matériel, l'état est complètement décrit par la donnée du vecteur position et de la quantité de mouvement . En même temps que son principe d'exclusion, Pauli proposa un quatrième nombreenquantique (le spin Le prix Nobel de physique lui fut attribué 1945. d'un électron)

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Par nombres quantiques, on entend jeu de nombres permettant de définir l'état quantique complet d'un système. Chaque nombre quantique définit la valeur d'une quantité conservée dans la dynamique d'un système quantique (Voir explication 12 en annexe mathématique) Le spin est, en physique quantique, une des propriétés des particules. Comme d'autres observables quantiques, sa mesure donne des valeurs discrètes et est soumise au principe d'incertitude de Heisenberg. C'est la seule observable quantique qui ne présente pas d'équivalent classique, contrairement, par exemple, à la position, l'impulsion ou l'énergie d'une particule. On voit ici Pauli, avec Bohr, en train d'observer une bille en train de tourner sur son axe, comme le spin de l'électron43

Voir explication 13 dans l'annexe mathématique pour plus de détails 6.11. Paul Dirac, un génie conceptuel Ci-contre, entre Lorentz et Einstein au Congrès Solvay de 1927, Dirac partagera son Prix Nobel avec Schrödinger en 1933. En 1926, un an avant ce congrès, Dirac était parvenu à rassembler en une seule formule la mécanique ondulatoire de Schrödinger et la mécanique matricielle de Heisenberg. Mais il voulait mieux encore, c'est-à-dire tenir compte de la relativité restreinte d'Einstein. Autrement dit, il voulait unifier la science, car les objets (l'électron en est un) se comportent différemment à une vitesse proche de celle de la lumière. Rappelons que l'équation de Schrödinger se démontre dépendante ou non du temps, mais ne tient pas compte de la relativité restreinte associant temps et distance parcourue en interconnexion44

Photo fine art america: http://fineartamerica.com/featured/wolfgang-pauli-and-niels-bohr-margrethebohr-collection-and-aip-and-photo-researchers.html 43

44

Plus de détails dans Feynman et l'électrodynamique quantique (collection Emile Klein: Grandes idées de la Science)

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Mais Dirac voulait aussi que son équation plaise. Ne dit-il pas : "Toute loi physique doit avoir une beauté mathématique" Il décrivit une situation nouvelle de ce qui se passe à l'intérieur de l'atome. En observant bien son équation Dirac a une véritable révélation parce que derrière les symboles de son équation, il y a la description parfaite de la réalité, il y a le code secret qui permet de décrypter la nature et qui lui annonce l'existence d'un autre univers jamais remarqué auparavant. En effet, au lieu d'avoir une solution, son équation en a deux: la première celle des atomes familiers, la seconde une sorte de miroir de notre univers constitué d'atomes dont les propriétés sont inversées; Dirac annonce qu'en plus de la matière, existe une antimatière et que ces des particules faisant partie de ces deux états ne doivent jamais entrer en contact sous peine de s'anéantir dans une explosion d'énergie. Les électrons positifs (positrons) qui ont la même masse que les électrons négatifs, mais une charge opposée, sont fabriqués dans nos laboratoires. Ils sont utilisés dans l'imagerie médicale (TEP Scan = tomographie par émission de positrons). Ils sont capables de nous montrer tous les détails de notre cerveau. Dans les années 1920, les physiciens ont du mal à croire en l'existence de l'antimatière. Mais un Américain, nommé Anderson, détecte des particules venant de l'espace et il constate que, soumises à un champ magnétique, certaines particules sont déviées d'un côté (les électrons) et d'autres dévient de l'autre côté. Anderson vient de découvrir les "électrons" de Dirac, autrement dit des particules antimatière. Ce thème ne sera pas développé dans cet ouvrage. Toutefois, nous réservons l'explication n°15 en annexe mathématique qui s'intitule : "Ebauche de l'équation de Dirac et de l'existence de l'antimatière. Photo ci-dessous: http://www.lindau-nobel.org/45

45

Lindau Nobel Laureate meetings

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... 6.12. Niels Bohr et Werner Heisenberg face à l'apocalypse Revenons aux événements qui ont précédé la deuxième Guerre mondiale. Au début des années trente, le contexte historique changea avec l’arrivée d’Hitler au pouvoir. La plupart des Juifs allemands quittèrent l’Allemagne. Bohr en accueillit plusieurs à Copenhague. Einstein choisit les Etats-Unis. Heisenberg décida de rester au pays, estimant qu’il pourrait mieux contrôler l’évolution de la physique allemande et réagir s’il le fallait à la dangerosité des découvertes. Selon le témoignage de Karl Weiszacher, un autre savant atomiste, qui fut interviewé dans le film de Mike Smith, Heisenberg lui aurait dit, en parlant d’Hitler : « Cet homme, je le connais de Munich, il est très dangereux. » Puis, il ajouta : « Je suis obligé de faire des compromis pour préparer l’avenir de mon pays et ne pas le laisser aux mains de ce salaud » Cette décision va jeter un froid sur ses relations avec Bohr, influencé par son épouse juive.

La correspondance entre Heisenberg et Bohr fut abondante, sauf pendant la deuxième guerre mondiale où Bohr ne put admettre que son « ex ami » reste en Allemagne « au service » des nazis.

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Lors d’un voyage à Berlin, je m’attardai toute une après-midi dans le quartier des anciens ministères nazis. Je suivis l’ancienne Prinz-Albrecht-Strasse puis rencontrai Niederkirchenstrasse quelques immeubles d’époque, tels la « Maison des Aviateurs » et le musée MartinGropius-Bau qui se font face : Je contournai le musée et découvris, sur l’arrière, un pavillon préfabriqué qui couvrait ce qui fut quarante ans plus tôt les caves de la Gestapo. Ce lieu chargé d’histoire me procura un sentiment de tristesse, mais aussi mit en évidence la résistance allemande à ce régime criminel.

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Maison des aviateurs face au musée MartinGropius-Bau

Ci-dessus et ci-dessous, le musée Martin-Gropius-Bau. Ci-dessous et photo suivante, à gauche, le pavillon blanc bâti sur les caves de la Gestapo

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu...

L’exposition s’intitulait : « Topographie des Terrors » Elle avait déjà enregistré 1,3 millions de visiteurs fin de l’année 1989. C’est là que furent interrogés des suspects de toute nature et où la torture était pratiquée et même certaines exécutions.

Heisenberg en faisait partie et fut interrogé dans ces caves en 1937 quand le régime d’Hitler le soupçonna d’une connexion avec le milieu des physiciens juifs. Sa vie était en danger. Après des mois d’investigation, le Reich führer Himmler rédigea une lettre à Heydrich où il écrivit « On ne peut pas se permettre de tuer ce jeune homme » et le physicien reçut l’ordre de ne plus enseigner les théories des physiciens juifs. J’y lus un article paru dans Das schwarze Korps (« Le Corps noir »), l’hebdomadaire des SS, et relatif à la « banqueroute politique de la science ». L’article classait les physiciens juifs au rang des « Weisse Juden », les Juifs blancs. Heisenberg en faisait partie, car il considérait la relativité d’Einstein comme « la base la plus évidente de toute recherche scientifique future ».

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu...

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Voici la traduction : « La dictature de la théorie grise. Il y a une manière primitive d’être antisémite, c’est celle qui se contente de combattre les Juifs en tant que tels. Ceux qui partagent cette attitude se contentent de tracer une ligne de démarcation bien précise entre eux et les Allemands. Le problème est résolu, disent-ils, à partir du moment où l’on a mis un terme aux mariages mixtes et où les Juifs ont été exclus de la vie politique, culturelle, économique de la nation. La solution la plus radicale qu’ils envisagent serait une émigration des Juifs vers la Palestine ou ailleurs. Quand l’Allemagne sera définitivement libérée de la présence des Juifs, l’antisémitisme n’aura plus de raison d’être, pensent-ils. Une telle manière de voir est d’une simplicité séduisante, mais elle relève d’une erreur de jugement : si nous devions combattre les Juifs en nous limitant aux caractéristiques anciennes et indubitables, nez camus et cheveux crépus, nous nous battrions contre des moulins à vent. Notre lutte contre l’influence des Juifs dans la vie politique et culturelle, et celle, encore inachevée, contre leur pouvoir économique, nous ont montré qu’il ne s’agit pas tant de combattre les Juifs en tant que tels que de s’attaquer à leur mode de pensée, ou plutôt à leur esprit malfaisant, qu’ils répandent partout grâce à ce qu’on appelle l’influence. (…) Malheureusement, la vérité est la suivante : le constant péril d’une judéification de notre vie publique, la puissance de l’influence juive que le national socialisme a dû endiguer, ne provient pas seulement du nombre, réduit, des Juifs, mais dans une proportion importante, de tous ceux qui, bien qu’ils oient de race aryenne, se sont ouverts à l’influence de l’esprit juif et lui ont fait allégeance. La victoire de l’antisémitisme racial n »est donc qu’une victoire partielle. Nous ne pouvons nous limiter à l’application rigoureuse des lois raciales de Nuremberg ou à la poursuite de la lutte entreprise contre le pouvoir économique juif. Nous devons également exterminer l’esprit juif qui fleurit en toute impunité lorsqu’il dispose des plus beaux fleurons de la race aryenne. (…) Ce ne sont pas les individus de race juive qui représentent, par eux-mêmes, le plus grand danger : le vrai grand péril, c’est la mentalité qu’ils diffusent. Et ceux qui se font porteurs de cette mentalité ne sont pas seulement des Juifs, il y a aussi malheureusement, parmi eux, des Allemands (…) « Les Juifs de sentiments » Le peuple a forgé un mot pour désigner ces porteurs du bacille juif, il les appelle les « Juifs blancs », et l’appellation frappe au cœur puisqu’elle élargit le concept de « Juif » au-delà même de sa définition raciale. Nous pourrions de la même façon dire « les Juifs de caractère », « les Juifs de sentiments », « les Juifs d’esprit ». Ce sont des gens qui se sont ouverts volontairement à l’esprit juif, faute d’en avoir un par eux-mêmes. ; Ils se sont faits les adorateurs de l’intellect chicaneur, parce qu’il leur manque les instincts naturels et la force de caractère qui poussent les hommes à développer leurs qualités propres et à s’y tenir étroitement. Il y a surtout un secteur de la vie nationale que cet esprit hébraïque des « Juifs blancs » a envahi comme un virus et où la parenté spirituelle qui existe entre eux et leurs maîtres juifs se démontre de façon irréfutable :: c’est le secteur de la science. Epurer la science de l’esprit juif doit être notre principal devoir, parce que si dans la vie de chaque jour il est devenu assez facile de combattre les « Juifs blancs » à l’aide de mesures législatives et policières, une science contaminée par le bacille hébraïque constitue pour l’esprit juif une position clef à partir de laquelle il peut continuer à n’exercer une influence déterminante sur tous les aspects de la vie nationale. Prenons un exemple caractéristique : aujourd’hui où le corps médical allemand doit affronter des tâches nouvelles et où la recherche est pressée de fournir des résultats décisifs dans le domaine de la biologie et de l’hérédité, de l’hygiène raciale et de la santé du peuple,aujourd’hui que voit-on ? En six mois, la presse médicale spécialisée a publié 2138 articles sur lesquels

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... 1085 émanent d’auteurs étrangers(dont 116 d’origine soviétique) et ne traitent absolument pas des problèmes qu nous considérons, nous, comme les plus urgents. Sous couvert « d’échanges de résultats » se dissimule la thèse de l’internationalisme scientifique si cher à l’esprit juif, qui l’a inventée et diffusée, parce qu’elle conditionne e la mise en place d’une domination incontrôlable. Mais c’est dans la physique qu'on décèle le plus clairement les effets de l’esprit juif, avec son représentant le plus accompli, Einstein. Tous les grands acquis dans ce domaine sont dus aux grandes capacités de savants allemands et à la méthode patiente, diligente et créative qui leur est propre dans l’observation de la nature ; et le savant allemand ne voit dans la théorie qu’un moyen, qui, dans certains cas, facilité l’observation de la nature mais en devient jamais une fin en soi. Le seul but que s’assigne le savant allemand, c’est la connaissance du réel, et il est prêt à lui sacrifier ses théories personnelles si elles se révèlent erronées ou insuffisantes. Mais, dans les dernières décennies, l’esprit juif a réussi à imposer une théorie, dont il a fait un dogme, qui est complètement dissociée de la réalité. Pour fonder et imposer cette théorie, on a eu recours à une généralisation sophistiquée de connaissances déjà acquises, à une habile manipulation de formules mathématiques, au constant brouillard de l’ambiguïté. C’est une théorie qui correspond parfaitement à l’esprit juif, à sa « méthode de recherche » à sa volonté de rendre superflue l’observation diligente, patiente et créative de la nature. C’est un professeur juif de Munich, Leo Grätz, qui a produit cette affirmation révélatrice selon laquelle, avec le temps, le physicien expérimentaliste régressera au rang de bon mécanicien auquel le physicien théoricien délèguera certaines expériences. C’est Einstein qui affirmait dans une conférence de 1922 : « On doit s’attendre à ce que la théorie devienne bientôt capable de calculer a priori les propriétés des atomes des produits chimiques et les moyens de les produire, ce qui permettra de se passer de l’épuisant travail expérimental du chimiste, gros mangeur de temps ». Après ces proclamations rejetant au deuxième plan le savant qui travaille en étroit contact avec le réel, on est passé très vite à la mise en pratique. Les Juifs Einstein et Haber, flanqués de leurs camarades spirituels Sommerfeld et Planck, ont commencé à répartir les chaires universitaires sans que rien ne vienne limiter leur pouvoir. A lui seul Sommerfeld pouvait se vanter d’avoir fait occuper dix chaires à ses élèves. En quinze années à peine, les physiciens théoriciens juifs et leurs hérauts ont fait imprimer près de 50000 pages, et la jeunesse a été presque exclusivement soumise à leur enseignement. Si on avait continué à tolérer ces agissements, on aurait fait disparaître en quelques dizaines d’années la catégorie des chercheurs productifs et proches de la réalité, au profit des théoriciens improductifs et ergoteurs. Le national-socialisme, en prenant le pouvoir, a éloigné ce péril, mais ne l’a pas encore totalement conjuré (…) Einstein, pierre angulaire Pour mieux montrer à quel point les « Juifs blancs » se sentent maîtres du terrain, prenons le cas du titulaire de la chaire de physique théorique de l’université de Leipzig, Werner Heisenberg, lequel, en 1936, a réussi à faire publier dans un organe officiel du Parti un article où il déclare que la théorie de la relativité d’Einstein est « la base la plus évidente de toute recherche scientifique future » et la met au rang des « travaux les plus remarquables de la jeune génération des savants allemands pour produire des systèmes théoriques appliqués à la connaissance du monde ». Dans le même temps, il tentait d’obtenir l’accord des physiciens allemands sur la valeur de cette théorie, pour impressionner les milieux les plus compétents en refusant tout moyen de débattre à qui n’était pas de son avis. Ce représentant de l’esprit einsteinien en Allemagne moderne a été nommé en 1928 à la chaire de Leipzig, en sa qualité d’élève modèle de Sommerfeld, alors qu’il était à peine âgé de 26 ans, c’est-à-dire trop jeune pour avoir vraiment effectué des travaux de recherche fondamentale. Dès sa prise de fonction, il commença par licencier son assistant allemand pour donner

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... son poste au Juif viennois Beck, puis au Juif zurichois Bloch. Jusqu’en 1933, son séminaire avait une majorité d’élèves juifs et aujourd’hui encore le cercle restreint auquel il s’adresse est composé de Juifs et d’étrangers. L’Ossietzki de la physique En 1933, Heisenberg et deux autres élèves d’Einstein, Schrödinger et Dirac, obtinrent le prix Nobel, ce qui était une provocation directe à l’endroit de l’Allemagne national-socialiste de la part du Comité Nobel, soumis à l’influence juive. On rapprochera cette récompense de celle attribuée à Ossietzki (En 1935, Carl von Ossietzki, 1889-1938, fondateur du mouvement « Nie wieder Krieg », « Jamais plus la guerre », et adversaire des nazis, reçut le prix Nobel de la paix ; Goering multiplia les pressions pour le faire renoncer à son prix, mais Ossietzki ne céda pas et fut mis en camps de concentration n.d.t.). Heisenberg remercia le Comité Nobel à sa manière en refusant de signer, en 1934, un appel des Prix Nobel allemands pour soutenir l’action d’Hitler, chancelier du Reich.Voici comment il justifia son refus :

« Même si, personnellement, je suis en faveur du oui, j’estime que ce genre de déclaration politique ne convient pas aux savants, et que, d’ailleurs, jusqu’à maintenant, ce n’était pas dans leurs habitudes. C’est la raison pour laquelle je en donne pas ma signature ». Cette réponse est typique de l’esprit juif auquel est gagné son auteur, quand il déclare que « ne convient pas » un acte d’union avec le peuple et de responsabilité politique de la part des « savants » Dans le contexte qui vient d’être décrit, il n’est pas étonnant qu’Heisenberg ait pu hésiter quelque peu entre choisir de travailler pour sa patrie, même si le chef du régime agissait en terroriste, ou combattre celle-ci. Mais a-t-il vraiment hésité ? En septembre 1941, Werner Heisenberg rencontre Niels Bohr à Copenhague en vue, dit-il, de convenir de la position commune à adopter par les physiciens du monde entier sur la cons-

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... truction de la bombe atomique. Il attend une réponse à sa question, mais Bohr estime que la mission de l’Allemand n’est pas claire et il y voit une opération de propagande des Nazis. Lors de cet entretien de Copenhague, Heisenberg finit par révéler à Bohr qu’il travaille sur la bombe nucléaire et Bohr met aussitôt fin à l’entretien et Heisenberg ne connaîtra jamais la réponse à sa question. Les deux ex-amis se retrouvent ainsi opposés et vont même plus communiquer entre eux pendant les années qui suivent. Quand les Allemands décident de construire la bombe en mobilisant leurs dernières ressources, car leur économie est en chute libre, Werner Heisenberg répond à Albert Speer qu’il faudrait des années pour réaliser un tel projet. En répondant ainsi, Heisenberg se débarrasse d’un lourd fardeau moral. En août 1945, Heisenberg et ses collègues physiciens, dont Weizacker, sont emprisonnés en Angleterre. C’est delà qu’ils apprennent l’explosion atomique sur Hiroshima. Mais après sa libération, Heisenberg affronte alors le rejet de ses anciens collègues et il est accusé par eux d’avoir collaboré au régime nazi. Il se défend en expliquant qu’au contraire, il n’a fait que retard la fabrication de l’arme nucléaire. L’intransigeance de Niels Bohr à son égard lui fait particulièrement mal. Il veut savoir ce que son ex-ami pense de lui. Et en Octobre 1945, celui-ci lui envoie une lettre, pour la première fois depuis l’entrevue de Copenhague, où il écrit : « Cher Heisenberg, j’espère que nous pourrons reprendre notre collaboration avant peu. Je suis sûr que l’avenir nous réserve à tous des jours plus heureux et que les horreurs commises sur des innocents par des hommes aveuglés par leurs préjugés serviront de leçon à toute l’humanité » En 1956, un livre (Plus brillant que mille soleils, l’histoire morale et politique des scientifiques atomistes) dévoila qu’Heisenberg était à la tête d’un complot pour empêcher Hitler de construire la bombe. Heisenberg aurait proposé d’arrêter la poursuite des recherches allemandes si Bohr parvenait à stopper les recherches des physiciens des autres nations. Au début des années 60, vingt ans après le voyage de Heisenberg à Copenhague, celui-ci réitère ses explications dans une interview dont les détails sont repris ci-après46. Le fait que Bohr se méprenne sur ses intentions lui fait beaucoup de peine. Mais Bohr déclarera que le sujet n’est plus d’actualité Il lui avait pourtant promis une entrevue, mais Bohr fut transporté d’urgence à l’hôpital où il décéda en 1962.

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Bombe atomique Bohr-Heisenberg , l’échec de Copenhague, présenté par la RTBF.

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... En ce qui me concerne Bohr et Heisenberg sont restés très présents dans mon esprit: Bohr, parce que j'ai enseigné ses découvertes pendant dix-sept ans et Heisenberg, parce qu'il nous accueillait dans le hall d’entrée de l'Athénée de Huy de 1957 à 1963 par cet écrit qui témoignait aussi de la prépondérance qu'il attachait aux humanités anciennes :

6.13. Conflits et foires d'empoigne entre physiciens47 La guerre fit aussi beaucoup de dégâts parmi les collaborations de ces physiciens qui aidèrent ou non le régime nazi. Mais il n'y eut pas seulement des oppositions dues au conflit mondial, d'autres conflits, à une moindre échelle, eurent lieu entre les ces physiciens animés par leurs découvertes, souvent partielles d'ailleurs, car parfois initialisées ou terminées par d'autres. Souvent partielles aussi en ce sens que, parmi elles, plusieurs physiciens avaient participé à les faire progresser avant leur terme. Il n'est pas toujours facile de différencier la part prise par l'un et l'autre dans la finalisation d'une découverte. Ce fut le cas pour tous ces physiciens entremêlés dans une série d'objectifs dont la définition était souvent remise en cause en fonction de constats inopinés ou d'intuitions géniales

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Plus de détails dans Schrödinger et les paradoxes quantiques (collection Emile Klein: Grandes idées de la Science)

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... Le remplacement de Max Planck En mai 1927, à Berlin, eurent lieu les débats relatifs au remplacement de Max Planck pour la chaire de physique théorique. Einstein n'était pas disponible, disposant d'une activitéle déchargeant de toute responsabilité d'ordre universitaire. Heisenberg était, semble-t-il, trop jeune (il avait 26 ans), Sommerfeld avait refusé de quitter Munich. Restaient deux ténors: Max Born et Schrödinger. Born était très discret alors que Schrödinger était un séducteur né et était en train d'achever son oeuvre maîtresse : la fonction d'onde. Planck comprit alors que Schrödinger allait remettre la physique sur le droit chemin après que celui-ci se fut embourbé et c'est lui qu'il choisit. Aussi étonnant que cela puisse paraître, Schrödinger répondit ceci : "Je suis profondément navré, mais je en peux me plier aux heures de cours. Il m'est impossible de travailler le matin." Le franc parler de Pauli Où commence la vérité dans tout ce que l'on raconte sur Wolfgang Pauli? On disait que sa présence dans un laboratoire perturbait le fonctionnement des appareils. Il n'hésitait pas à critiquer Einstein ou Bohr, les deux sommités de l'époque. Heisenberg supportait ses affronts : "je ne compte plus les fois où i m' traité d'imbécile" ditil. En 1930, il supposa l'existence du neutron et 26 ans plus tard les physiciens le découvrirent à l'endroit qu'avait indiqué Pauli. Schrödinger contre Born, Bohr et Heisenberg Bien que la majorité des physiciens eût accepté l'interprétation statistique de la mécanique quantique, certains comme Einstein, Schrödinger et De Broglie souhaitaient un retour aux concepts de la mécanique classique. L'avis d'Einstein heurta les suppôts de la mécanique quantique et certains, comme Heisenberg, osèrent être moins respectueux à l'égard du Maître. Heisenberg osa, en effet, se moquer d'Einstein qu'il engloba dans le trio avec De Broglie et Schrödinger, les qualifiant tous trois de "Chevaliers du continu", par opposition au quantique qui est le domaine du discontinu. D'un côté, l'institut physique de Copenhague et celui de Göttingen, et de l'autre côté les partisans de la mécanique ondulatoire, dont Einstein, s'opposèrent férocement. L'affront de Wien à Heisenberg48 Wien, qui est Wien. Un physicien qui reçut le Prix Nobel en 1911 « pour ses découvertes sur les lois du rayonnement de la chaleur1 ». En 1927, lors du Congrès Solvay, Il a reçu son Nobel 16 ans plus tôt « pour ses découvertes sur les lois du rayonnement de la chaleur1 ». et lui-même est âgé de 63 ans. Heisenberg n'en a que 26. Le 21 juillet 1926 à Munich, Heisenberg, en vacances chez ses parents, assista à deux conférences données par Schrödinger. Sommerfeld et Wien étaient les organisateurs. 48

Plus de détails dans Schrödinger et les paradoxes quantiques (collection Emile Klein: Grandes idées de la Science)

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Quand le diable fait des fouilles dans Dieu... A la fin d'une conférence, Heisenberg osa poser une question à Schrödinger relative à des phénomènes de nature corpusculaire et non ondulatoire, après évidemment avoir choisi des cas judicieux mettant le conférencier en difficultés. Schrödinger resta bouche bée, ne pouvant trouver une réponse acceptable. Wien intervint et il voulut mettre fin à la tension que la question d'Heisenberg avait provoquée, mais il le fit maladroitement en disant : "Ecoutez, mon jeune ami (il avait en effet 37 ans de moins que lui) ...Comprenez que le temps de ces balivernes de sauts quantiques est révolu"' Heisenberg, furieux, sortit et se confia à Pauli par ces termes : "C'est à peine s'il ne m'a pas fait sortir de la salle" Puis il ajouta : "Schrödinger se contente de jeter par dessus bord tous les effets théoricoquantistes... " Bohr invita cordialement Schrödinger à Copenhague. Heisenberg évoqua plus tard cette rencontre qu'il avait suivie avec intérêt, mais en restant au second plan. L'Autrichien dut subir le Danois qui n'arrêta pas de le titiller et de le pousser dans ses derniers retranchements, tant il voulait une réponse aux lacunes et failles de son adversaire. Car c'est bien comme un adversaire que Bohr considérait Schrödinger. On dit même que l'Autrichien tomba malade tant il devait être épuisé par l'exigence de son hôte. Mais Madame Bohr lui servit du thé et des gâteaux ce qui n'empêcha pas Niels Bohr de se rendre au bord du lit de son invité pour poursuivre leur conversation. Bohr accepta quand même de dire à Schrödinger " que la clarté mathématique et la simplicité de la mécanique ondulatoire constituent un grand progrès par rapport à la mécanique quantique antérieure" Schrödinger rentra guéri de Copenhague et se confia à Wien en ces termes ;"Il arrive vite un moment ou tu ne sais plus si tu dois accepter la position que Bohr attaque ou si tu dois attaquer la position qu'il défend"

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Wien, ci-dessus et à droite sous la flèche rouge, derrière la tête de Madame Curie lors du Congrès Solvay de 1911. Sommerfeld, ci-dessous et à droite, derrière Solvay et Lorentz, lors du Congrès Solvay de 1911

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Chapitre sept. Le mythe d’Einstein « L’un des aspects les plus difficiles à interpréter dans le domaine de la mythologie scientifique est la disparité des traitements réservés aux plus grands savants historiques. La plupart des scientifiques illustres sont ignorés des cinéastes dont toute l’attention reste focalisée que quelques noms. Parmi ceux qui ont acquis leur droit d’entrée à l’écran, nous retiendrons essentiellement Albert Einstein et Sigmund Freud que l’on rencontre sept fois chacun. Louis Pasteur (six fois), Pierre et Marie Curie (cinq fois), Benjamin Franklin (cinq fois). Restent parmi ceux qui font au moins trois apparitions : Charles Darwin, Albert Schweitzer, Thomas Edison et Galilée. Dans le domaine des sciences, Einstein et Freud sont certainement les personnages les plus révélateurs de l’extraordinaire fluidité de certains mythes. Rarement pris dans leur contexte scientifique, ils subissent tous les effets de mutation, de plasticité et de croisement » (…) Outre la rencontre mythique entre Albert Einstein et Marilyn Monroe (Une nuit de réflexion), on retiendra particulièrement celle de Freud et Einstein qui se retrouvent dans deux films (Einstein junior et le sous-marin jaune). (…) Sans parler de la présence d’un Dr Einstein dans Arsenic et vieilles dentelles (une parodie de Frankenstein), d’un docteur El Freud (Rêves lubriques) et même d’un docteur Freudstein (La maison près du cimetière). Enfin, dans le domaine des fausses confidences et des références symboliques, on peut rappeler que le chien du Dr Brown (Retour vers le futur) s’appelle Einstein »49 « Pacifiste ou père de la bombe », héros moderne ou génie marginal…Outre les vertiges provoqués par la théorie de la relativité, le statut acquis par la figure du savant allemand doit beaucoup à un contexte historique qui a fortement accentué les ambivalence du personnage »50. Einstein apparaît partout dans l’imagerie populaire.L’image la plus célèbre est la nique qu’il fit à un journaliste en 1951, une photo qui fut reproduite tous azimuts, comme ici par un dessinateur qui a choisi le trottoir comme support. Solitaire méditatif et bonhomme, mari égoïste et père indigne, violoniste amateur, pacifiste, partisan d’un gouvernement mondial, l’inventeur de la bombe, Einstein est tout cela et davantage. Aucun autre scientifique de son siècle ne peut prétendre à autant de popularité. « Et pourtant, souligne Jean Lopez, ses travaux sont réputés ardus, voire incompréhensibles pour le commun des mortels ! Curieux paradoxe : comment admirer ce que l’on ne comcomprend pas ? A moins que, dans Einstein, ce ne soit pas le savant mais… le magicien

Jouhaneau, J., Les scientifiques vus par les cinéastes, dans Sciences et Avenir de juillet-août 1997, page 56 49

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Levy-Leblond, J-M., Un héros malgré lui, dans Sciences et Avenir de juillet-août 1997, pages 22 à 25

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Le mythe d'Einstein qu’on vénère et craint ! Ce Merlin moustachu n’a-t-il pas, en quelques équations, bouleversé les choses les plus sacrées, celles qu’on croyait évidentes, éternelles et immuables : le temps, l’espace, la matière, la lumière ? »51 Einstein fut caricaturé très tôt. Le Kaiser Willem II entend faire de l’empire germanique la première puissance du monde dans tous les domaines militaire, industirel, économique et scientifique. Dans cet esprit, il lance la « Kaiser Wilhelm Gesellschaft » Sur ce dessin, les trois rois mages apportent leurs cadeaux de Noël. Il s’agit du Banquier Koppel, de l’industriel Arnold, et du commerçant Simon qui se présentent devant le fils de Dieu, Wilhelm II qui, curieusement, a la tête d’Einstein. Les rois mages ne présentent pas de l’encens et de la myrrhe mais – ce qui est plus important  trois instituts scientifiques : électrochimie, physique et chimie. Le premier directeur de l’Institut de Physique prévu est Albert Einstein.

Einstein l’original Einstein était un homme original. On le voit ici sans chaussettes

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Science et vie Junior N°24 d’avril 1996, Einstein, vous allez enfin comprendre

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Le mythe d'Einstein A gauche, Einstein, équipé de jumelles accrochées par une simple ficelle. Ci-dessous, Einstein caricaturé présentant la nouvelle géométrie de l’espace.

Caricatures d’Einstein dessinées lors de son voyage au japon en 1922

Einstein conversant avec Kamerlingh Onnes (1853-1926)  qui fabriqua le premier l’hélium liquide  dans la maison de ce dernier à Leyde.

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Le mythe d'Einstein Einstein a trouvé à Leyde un cercle scientifique très favorable à l’épanouissement de ses recherches. Ici, avec son collègue physicien Ehrenfest, ils partagent le même amour de la musique. Dessin de Maryke Kamerlingh Onnes

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Ci-dessous: illustration de l’article de Philippe Boulanger, intitulé : « Soyez original ! Comme Einstein ? »

« La science, c’est comme une bicyclette…Si elle n’avance pas, elle tombe » Ceci est l’affiche de l’exposition Vélo-sciences qui eut lieu au Musée de la Science, à Liège, du 4 avril au 23 octobre 2004

Pour la science, N°326 de décembre 2004, L’ère Einstein, p.1

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Le mythe d'Einstein Carte d’anniversaire reçue d’un étudiant reconnaissant

Ma petite-fille Ella pastichant Albert Einstein, sans le savoir

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144 Le vieux roi et la puce.. Einstein figure dans une parodie de Faust permettant de présenter les principaux précurseurs de la physique quantique et de son interprétation. L’action se passe à Copenhague dans le prestigieux institut Niels Bohr. Einstein sous les traits du roi de Thulé qui reçut de sa belle (entendez la physique classique) une coupe en or. Resté fidèle jusqu’à la mort, il y but une dernière fois avant de mourir. La puce représente manifestement la théorie quantique dont Einstein peut être considéré comme le père puisque c’est lui qui introduisit en 1905 le concept de « quantum de lumière ». La puce prit de l’âge, dit la parodie. Elle eut un fils. Le fils trahit le père…Puis des puces et des puces s’échappèrent de l’Académie de Berlin… »

Cette caricature pastichant “Alice au Pays des Merveilles” exprime l’étonnement d’Einstein constatant que le hérisson Heisenberg est passé au travers du mur. Il s’agit d’une allusion humoristique à la physique quantique qui fait appel aux probabilités

Le mythe d'Einstein


Le mythe d'Einstein Cravate Einstein avec les formules de la relativité restreinte, vendue sur les restoroutes belges au tournant du millénaire.

Einstein en Che Gevara et un formulaire d’abonnement de Science et Vie

Einstein taillé dans le Mont Rushmore à côté des Présidents des Etats-Unis.

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Le mythe d'Einstein Au décès d’Einstein, son cerveau fut prélevé et analysé sous toutes les coutures. Il pesait 1,320 Kg, ce qui correspond au poids moyen, mais il présentait une curieuse anomalie : une différence dans la « scissure de Sylvius », c’està-dire à la frontière entre les trois lobes du cerveau. Einstein avait des lobes pariétaux volumineux.

Photos extraites du film de Françoise Wolff : Einstein, un mythe, un homme Il est bien connu que ces lobes permettent de localiser des objets réels ou imaginaires dans l’espace, mais aussi de tenir des raisonnements mathématiques abstraits. Cette anomalie est-elle une explication de son génie ? Non, répondent les spécialistes, car il n’est pas prouvé qu’un enfant venant au monde avec cette anomalie serait un enfant génial. Scissure de Sylvius anormale. Le cerveau fut ensuite découpé en 240 cubes qui se retrouvèrent dans quelques bocaux. Celui-ci fit l’objet de l’admiration de Kenji Sugimoto, grâce à ce professeur américain, le Docteur Harvey.

A son insu, le saint juif a ses reliques. Le Docteur Harvey, anatomo-pathologiste, a prélevé le cerveau à la mort d’Einstein, envoyé des sections à des chercheurs du monde entier. Le seul résultat peu significatif : pas d’altérations dégénératives comme parfois certaines personnes en ont. Aujourd’hui, Harvey cherche un repreneur du célèbre cerveau. Les yeux d’Einstein, retirés par son ophtalmologue, sans autorisation, sont conservés dans une banque du New Jersey.

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Le mythe d'Einstein « Je suis le fils d’Albert Einstein », proclame cet homme de 65 ans, qui prétend être le fils d’Albert et d’Elsa quand elle avait 56 ans. « L’important pour moi est d’avoir le cerveau d’Einstein, l’héritage le plus précieux, ce sont ses gènes que je cherche à valoriser par mon travail scientifique » « La ressemblance me paraît évidente. Quand vous regardez mon crâne et celui-ci, c’est quasi identique », ajoute-t-il en montrant Einstein statufié.

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Le mythe d'Einstein

Ce dessin humoristique paru dans le Washington Post : une bulle perdue dans l’hyperbole représentant l’espace-temps. Commentaire : « Si un jour, dans un futur lointain, des êtres intelligents examinent le cosmos, tout ce qu’ils retiendront de ce tas de poussière que nous appelons Terre sera ceci : c’est là qu’à vécu Albert Einstein »

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Chapitre huit « Les dieux ont besoin de l’homme et les hommes ont besoin des dieux » Ylia Prigogine La science classique de Newton et d’Einstein était tournée vers la stabilité, l’équilibre, la permanence. Pourtant notre monde ne présente que fluctuations et instabilités. L’évolution est le passage d’une science comme géométrie à une science comme narration, où l’homme et la nature sont inclus. Einstein partisan de la permanence en envisageant un univers statique équilibré fut pourtant à la base de l’explication d’un univers en évolution. Einstein est devenu le Darwin contre sa propre volonté. Le concept fondamental de la science classique est le concept de la loi de la nature. La loi de Newton F = m.a. est une loi déterministe, puisqu’il suffit de donner une valeur à l’accélération d’une masse connue pour connaître la force qui l’animera dans le futur. Et inversement, la force étant connue, il est possible d’en déduire l’accélération qui lui fut donnée dans le passé. Le futur et le passé de cette loi classique sont en situation réversible. Est-ce vraiment un modèle de l’univers ? Que deviennent les hommes dans ce monde où existe une brisure entre eux et la nature ? La réponse est qu’il y a deux cultures séparées. Déjà un tel dualisme existait chez les philosophes Descartes (res extensa et res cogitans) et Kant (phénomène et noumène). Prigogine a voulu dépasser ces dualismes. Serions-nous les spectateurs d’un film déjà tourné ? Non, dit Prigogine, le monde est en construction, le futur n’est pas donné d’avance Quel est le lien entre déterminisme et contingence ? La notion de probabilité fait son entrée en physique avec la thermodynamique. Boltzmann influencé par Darwin mit en évidence les fluctuations et les hasards. La biologie devenait la biologie des populations et des phénomènes irréversibles. Le déterminisme est aliénant ; il empêche la coexistence des deux projets : celui de l’intelligibilité des lois de la nature et celui de l’humanisme des valeurs, sans lesquelles il n’y a ni choix ni liberté. Prigogine introduit alors la notion de la flèche du temps qui apparaît dans la thermodynamique avec l’entropie croissante d’un système isolé. Lorsqu’on sort de l’équilibre établi, on entame de nouvelles structures ordonnées, le monde se diversifie. La créativité humaine en est un bel exemple montrant bien que la flèche du temps est une propriété universelle de la nature et de l’homme. Newton n’avait pas tort, mais ses théories s’appliquait à des situations simples et idéalisées. La flèche du temps s’exprime en termes probabilistes. Prigogine n’est pas d’accord avec Einstein quand il disait que le temps est une illusion. Non, le temps construit le futur et le temps est à l’origine de la diversité du monde. Le monde est une superposition de fluctuations. Quel est le sens de cette flèche du temps ? Les cultures sont-elles aussi des systèmes composés d’hommes comme les solides, liquides et gaz sont composés de molécules ? Voici une autre citation souvent entendue dans les milieux cybernétiques : « Liquides et cultures se réorganisent lorsqu’ils subissent des fluctuations qui les éloignent de leur état d’équilibre ». On observe alors une sorte de cristallographie de non équilibre. Jusqu’où peut aller cette analogie entre un solide, un liquide, un gaz et une société ? Le professeur Prigogine admet « que la vie est trop compliquée pour être expliquée par la physique et la chimie. (...) La physique doit intégrer les structures d’ensemble ; comme, de même, on ne peut pas faire de la sociologie à partir d’un seul individu (...) dans le domaine de la physique, il faut considérer des ensembles : beaucoup de propriétés de la matière ne se définissent pas au niveau d’une particule à partir de laquelle je ne peux pas dire si j’ai affaire à un solide, un liquide ou un gaz (...) Parce qu’avant, la sociologie, et l’économie n’avaient

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Les dieux ont besoin de l'homme et les hommes ont besoin des dieux qu’un seul modèle : les lois de Newton. (...) Aujourd’hui, les sciences humaines peuvent prendre d’autres modèles : l’instabilité, le chaos » (...) Mais, il faut rester prudent parce que le mécanisme de décision, élément essentiel dans la description de la sociologie et de l’économie est évidemment très différent dans le cas de molécules et dans le cas de l’homme »53 Si l’on approfondit les notions d’entropie et de néguentropie, on constate que la mesure du désordre et de l’ordre n’a de sens que si nous englobons le système observé dans un environnement qui lui est supérieur, mais fermé. Cette image n’est pas difficile à se représenter puisqu’on constate aujourd’hui que notre atmosphère est entourée d’une couche d’ozone qui constitue, d’une certaine manière, une limite au système fermé qui nous contient. En effet, en faisant abstraction du trou préoccupant qu’on a découvert dans cette couche, on peut dire que les êtres vivants et les sociétés qu’ils composent (systèmes ouverts) sont emprisonnés biologiquement et « sociétalement » dans ce système fermé. Il y a lieu de s’interroger, dès lors, sur ce qui peut se produire lorsque, culturellement, économiquement et politiquement, les humains se réorganisent spontanément en créant de l’ordre, de la néguentropie au niveau des microenvironnements dans lesquels ils vivent par petits groupes (familles, villages, entreprises), c’est-à-dire dans cette multitude de sous-systèmes ouverts en interaction les uns avec les autres. Si cet ordre est consenti par souci majeur et collectif de rétablir la stabilité, nous n’avons pas vraiment affaire à une réaction spontanée, car elle est réfléchie et rationnelle et nécessite souvent des plans d’action, parfois contraignants, parfois austères. Mais l’humain, contrairement à la matière, est mu par la pensée. En première approximation, acceptons l’idée que ces réactions sont spontanées. Par contre, si le désordre provient de mécontentements individuels ou collectifs entraînant des oppositions, des soulèvements, des révolutions et même des guerres, on constate davantage de spontanéité, car dans la plupart des cas, leurs conséquences ne sont pas vraiment voulues. La fréquence d’augmentation spontanée du désordre est de loin supérieure à la fréquence d’augmentation spontanée de l’ordre. Si « Spontanément » est l’adverbe qui convient pour exprimer le passage d’un état déterminé (concernant l’ensemble du système ouvert et son environnement) vers un état plus (ou moins) désordonné, alors nous rencontrons l’application du second principe de la thermodynamique dans lequel S (l’entropie) augmente avec le désordre et diminue avec l’ordre.

dS

 dS  dS 0

. tot i e dStot est la somme de l’entropie totale (système interne ouvert + système externe fermé) ; dSi est l’entropie du système interne et dSe l’entropie du système externe. Nous constatons que la somme des deux différences d’entropies mesurées est toujours positive. Mais il se peut que dSi ou dSe soit négatif (néguentropie) alors que l’autre terme soit positif (entropie). On doit donc nécessairement créer du désordre dans un système pour créer de l’ordre dans l’autre et c’est toujours le désordre créé dans l’un qui est supérieur à l’ordre créé dans l’autre puisque la résultante de la somme des différences entropiques dStot est positive.

53

L’intégrale des entretiens Noms de dieux d’Edmond Blattchen et Alice Editions, Bruxelles, 1999, p.36 à p.39

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Les dieux ont besoin de l’homme et les hommes ont besoin des dieux

Voici les deux livres que le professeur Prigogine m’a offerts lors de notre rencontre, le 10 octobre 1997, à l’occasion de l’enregistrement de l’émission « Noms de dieux ». Ils se complètent vraiment : l’un est scientifique et expose la mathématique propre aux systèmes étudiés, l’autre aborde l’indispensable renouveau des sciences humaines et sociales. Repartons de la matière et posons nous la question de la spontanéité. A titre d’exemple, un lingot froid en acier ne peut devenir spontanément plus chaud que l’environnement dans lequel il se trouve. Mais l’inverse est vrai : les produits sidérurgiques provenant des lignes à chaud refroidissent spontanément dans des halls avant leur traitement à froid. De même, la solidification de l’eau en glace est spontanée à -1°C, l’entropie de ce système diminue et de l’ordre s’y crée (formation de cristaux géométriquement ordonnés) ; mais l’environnement dans lequel se trouve l’eau subit une augmentation d’entropie supérieure à cette diminution (le désordre à l’extérieur augmente davantage que l’ordre à l’intérieur de l’eau). Autre expérience : la fusion de la glace est spontanée à + 1 °C ; l’entropie de l’eau augmente dans le système interne étudié, du désordre s’y crée (les molécules d’eau se libèrent de leur ordre géométrique et roulent les unes sur les autres), mais le système externe dans lequel il se trouve subit une diminution d’entropie inférieure à l’augmentation du désordre interne.

S ext

Chaleur

S ext

Chaleur

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Les dieux ont besoin de l'homme et les hommes ont besoin des dieux Dans le schéma ci-dessus, à gauche, il y a solidification de l’eau : la chaleur passe dans le milieu extérieur où l’entropie Sext augmente (davantage de désordre). A droite, il y a fusion de la glace : la chaleur provient du milieu extérieur où l’entropie diminue (davantage d’ordre). Quelle analogie pouvons-nous envisager avec la solidification de l’eau en glace ? Celle-ci répond à une cristallographie ordonnée des molécules par rapport au désordre relatif du liquide. Il en est de même dans toute organisation humaine qui décide de mettre de l’ordre dans un système donné en communication avec son propre environnement. Ne dit-on pas : « les esprits s’échauffent. Il faut les calmer. » ? Ou encore : « le résultat de cette entreprise est dans le rouge, il va falloir restructurer »? Calmer les esprits dans un système interne ou restructurer celui-ci correspondent à une augmentation d’ordre, mais induisent souvent beaucoup de désordre dans son environnement. Dans ce cas, Sint a diminué au détriment de Sext qui a augmenté. Quelle analogie pouvons-nous envisager avec la fusion de la glace en eau ? La fusion de la glace provoque, dans le système interne analysé, une augmentation du désordre qui sera supérieure à l’augmentation simultanée d’ordre du système extérieur. Il en est de même dans tout environnement humain qui donne la priorité à la qualité de la vie de la population au détriment de la rentabilité des systèmes internes, dont les entreprises. Les forces du travail, par exemple, ont lutté pour améliorer leur situation pécuniaire. Il est vrai que le désordre créé dans certaines entreprises les a fait péricliter et beaucoup parmi elles ont même disparu, parce que leurs coûts se mirent à dépasser leurs bénéfices. Dans ce cas, Sext a diminué au détriment de Sint qui a augmenté. Globalement, à l’échelle de notre planète, la résultante des augmentations d’ordre, autrement dit la somme des néguentropies, est inférieure à la résultante des augmentations de désordre. Mais il y a lieu de se poser la question sur l’importance des désordres et des ordres générés. Par exemple, dans le cas de la solidification de l’eau en glace, il importe aussi de mesurer le désordre occasionné à l’environnement. On constate alors que le milieu extérieur deviendra d’autant plus chaud et désordonné qu’il était initialement ordonné, car il est bien connu que si le milieu extérieur est froid, plutôt que tiède, la même quantité de chaleur émise vers ce milieu aura pour effet de le « désordonner » davantage, un peu à la manière du joueur au bowling qui abat plus facilement neuf quilles parfaitement ordonnées dès le départ, plutôt que trois quilles désordonnées.

S Y S T E M E

Chaleur

Faible augmentation d’entropie

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Milieu extérieur chaud et désordonné


Les dieux ont besoin de l’homme et les hommes ont besoin des dieux

S Y S T E M E

Chaleur

Forte augmentation d’entropie

Milieu extérieur froid et ordonné

La thermodynamique nous renseigne sur les tendances, mais elle reste muette sur les vitesses. Les transformations spontanées sont parfois très rapides (comme c’est le cas de l’expansion d’un gaz), mais ce n’est pas une règle générale. Une huile visqueuse a spontanément tendance à s’écouler lentement. Tout processus engendrant du désordre peut se produire à vitesse très réduite et parfois même imperceptible. Lorsque apparaissent, par exemple, les désordres dans nos populations et sociétés, il est souvent tard. Ce fut le cas dans le domaine économique, où le libéralisme voulut progressivement déplacer l’ordre vers les domaines qui l’intéressaient (pour qu’augmentent le rendement et le profit) en n’acceptant pas d’assumer le désordre occasionné sur la qualité de la vie des populations par les conséquences de ses excès. Ce libéralisme-là commença lentement mais sûrement à nous déstabiliser mais aujourd’hui, sa vitesse est galopante et elle n’a plus de limite. Il se disculpe d’ailleurs en permanence du désordre qu’il a provoqué. C’est le cas aux Etats-Unis qui préfèrent payer leur pollution plutôt que d’apporter de vrais remèdes qui risqueraient de compromettre quelque peu leur économie. C’est aussi aux Etats-Unis que s’est créée cette société duale où seuls les riches ont droit de cité : 50 millions de citoyens sont dépourvus de sécurité sociale. Ainsi, l’économique veut sauver l’économique au détriment de la planète et des hommes. Les réseaux capitalistiques des sociétés multinationales ne sont-ils pas semblables à cette cristallographie ordonnée des molécules de glace et ne veulent-ils pas constamment se restructurer pour que leur « machine » fonctionne à plein rendement, sans trop se soucier des répercussions négatives qu’elles produiront sur le système global ? Pour les humains, les désordres induits par les systèmes hyper ordonnés se mesurent en souffrance, en esclavagisme, en pollution, en malnutrition, en maladies, en pauvreté ; bref, en destructions physiques et spirituelles. L’absentéisme au travail augmente ; l’alcoolisme s’installe ; les divorces sont légion, car la cellule familiale est secouée et perturbée par les horaires déments et par l’importation des conflits et problèmes journaliers depuis les milieux de travail jusqu’au sein des ménages. Le Professeur Prigogine (pour lequel j’utilise le temps présent, malgré son récent décès) est aussi aux interactions entre les hommes et Dieu, si on en juge au choix du symbole qu’il a choisi pour l’émission « Noms de dieux ».

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Les dieux ont besoin de l'homme et les hommes ont besoin des dieux

Quand il nous présenta sa statuette précolombienne, Meczala, il nous dit : « J’aime beaucoup cette sculpture parce qu’elle représente une interrogation, voire une certaine anxiété (...) Dans les civilisations d’Amérique du Sud et d’Amérique centrale, la conception régnante (de l’art) y est celle d’un monde « biologique » dans lequel le mouvement des planètes et l’éclat du soleil demandent de l’énergie : il faut qu’on nourrisse les dieux ; les dieux ont besoin de l’homme et les hommes ont besoin des dieux 54 ». Le temps d’être et de devenir. Les bifurcations d’un système se produisent lorsque ses déséquilibres sont tels que ce système passe de l’état élastique à l’état de déformation irréversible. Ce passage obligé permet aux éléments interactifs qui composent ce système de se réorganiser pour retrouver un nouvel équilibre. Les civilisations n’échappent pas à cette loi fondamentale. Et elles connaissent, elles aussi, « Les structures dissipatives » Où en sommes-nous actuellement ? Dans la phase élastique ou dans la phase de déformation proche de la rupture ? Depuis le début de l’ère moderne, nous assistons au développement de la science où règne en maître la connaissance rigoureuse, objective, incontestable. Au cours du XXe siècle, la pensée scientifique a été amenée à substituer à l’image classique du monde de la physique newtonienne - monde déterminé rigoureusement et dont la nécessité fait sa loi - une image d’un monde en devenir, où la contingence prend place à côté de la nécessité. Bien que l’on ne puisse nier le bien apporté par les sciences, on doit s’interroger sur la raison pour laquelle simultanément à ce bien s’effondrent une à une les valeurs culturelles que l’homme avait mis si longtemps à construire. « Parce que c’est la vie elle-même qui est atteinte, ce sont toutes ses valeurs qui chancellent, non seulement l’esthétique, mais aussi l’éthique, le sacré et avec eux la possibilité de vivre chaque jour ».55 Ce bouleversement s’est accentué par la spécialisation des tâches et par la prolifération de recherches tous azimuts en vue d’être le premier sur le marché des valeurs d’échange, ce qui ne va pas nécessairement de pair avec les valeurs d’usage. Les méthodes scientifiques ont tissé leur toile dans tous les domaines y compris dans ceux qui concernent la ges54 55

Ibid, p. 61-62 Henry, M., La Barbarie, Grasset, Paris, 1987, p.9

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Les dieux ont besoin de l’homme et les hommes ont besoin des dieux tion des hommes, c’est-à-dire l’administration et le management. C’est ce qu’on appelle communément la pensée unique qui nous a réduits à n’être plus que des producteursconsommateurs assujettis aux développements de la techno-science. « Tandis que, semblables à la houle de l’océan, toutes les productions des civilisations du passé montaient et descendaient ensemble, comme d’un commun accord et sans se disjoindre – le savoir produisant le bien, qui produisait le beau, tandis que le sacré illuminait toute chose -, voici devant nous ce qu’on n’avait en effet jamais vu : l’explosion scientifique et la ruine de l’homme. Voici la nouvelle barbarie dont il n’est pas sûr cette fois qu’elle puisse être surmontée »56 Cette barbarie, c’est l’univers technique qui prolifère à la manière d’un cancer, s’autoproduisant lui-même, en l’absence de toute norme, dans sa parfaite indifférence à tout ce qui n’est pas lui, c’est-à-dire la vie de celui qu’il dévore. Le problème des problèmes de notre temps doit se poser dans les termes suivants : l’élite occidentale réussira-t-elle à se détacher de cette forme civilisatrice qui ne se préoccupe pas de la culture, pour travailler à une forme nouvelle, ou bien se fascinera-t-elle sur un cadavre qu’elle s’appliquera à momifier afin de masquer son néant d’une illusion de survie ? Après avoir « réussi » son développement, le capitalisme a du mal pour créer le chapitre suivant, de telle sorte que les chances paraissent être en réalité contre le « favori » et en faveur du cheval inconnu. « L’être humain n’a jamais le temps d’être, il n’a jamais le temps que de devenir », disait Georges Poulet. Et Paul Rostenne exprimait cette pensée par la métaphore de la Chrysalide et de la chenille : « Comme la chenille a besoin d’être chenille et la chrysalide d’être chrysalide, l’homme moderne a besoin d’être moderne et de prendre toutes les formes et tous les contenus qu’il se donne. Comme la vie détruit successivement la forme chenille puis la forme chrysalide en visant le papillon, la vie amène aussi l’homme vers sa plénitude en passant par une série d’étapes qui ne sont pas seulement physiques - comme c’était le cas pour l’insecte - mais avant tout spirituelles »57. La culture est une culture de la vie ; elle se transforme comme la chenille, elle est à la fois ce qui transforme et ce qui est transformé dans un mouvement incessant. Et son organisme tout entier, en perpétuelle transformation, interagit en permanence avec celui de ses semblables. La vie humaine, au cours de son évolution, engendre de nouvelles expériences ; l’humain rencontre ainsi de nouvelles qualités de vie, de nouvelles altitudes de valeurs qui l’aspirent vers le savoir non plus comme valeur utilitaire, mais comme valeur absolue. « La culture, c’est ce qui reste quand on a tout oublié »58 C’est le système qui englobe tous les autres, c’est un contenant sans lequel le contenu n’a aucune saveur. Ce n’est pas un conditionnement mensonger, comme c’est souvent le cas des emballages rencontrés sur le marché des capitaux, des biens et des services ; c’est au contraire la vérité première, celle qui empêche la barbarie de s’installer comme le conditionnement hermétique empêche les bactéries d’attaquer le produit qu’il protège. Mais, cette protection est fragile si l’on n’y prend garde en permanence, car « Les peuples les plus civilisés sont aussi voisins de la barbarie que le fer le plus poli l'est de la rouille »59. L’homme n’a pas vraiment de passé, parce que sa conscience lui fait vivre, en permanence et au présent, les événements qui ont marqué sa vie. Seul l’homme hic et nunc existe vraiment, et pour vivre le présent, il a sans cesse besoin de se souvenir. Constamment, l’homme se souvient et extrapole. Son passé et son futur se sont comme assemblés l’un à l’autre pour former sur la ligne du temps deux cônes de sens opposé, contigus en leur sommet en un point désertifié : son présent. Ces deux cônes expriment les flux spatio-temporels des événements du passé et ceux des projections vers l’avenir. Puisque, selon Aristote, le passé n’est plus, puisque l’avenir n’est pas encore, puisque le présent lui-même a déjà fini d’être dès qu’il a commencé d’exister, comment pourrait-il y avoir un « être du temps » ?

Ibid. p.10 Rostenne, P., La barbarie des élites, Editions Desclée et Cie, Tournai, 1954 58 Citation d’Edouard Herriot 59 Comte de Rivarol (1753-1801) 56 57

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Les dieux ont besoin de l'homme et les hommes ont besoin des dieux Quelques maximes relatives au « Présent » par ordre chronologique croissant des dates de naissance des auteurs Cueille le jour présent, en te fiant le moins possible au lendemain. Carpe diem quam minimum credula postero. Horace 65-8 av. J.-C Odes, I, XI, 8 Et souviens-toi encore que chacun ne vit que le présent, cet infiniment petit. Marc Aurèle (121-180) Pensées, III, 10 La vie, c'est le plaisir ou rien. ... Jouissons aujourd'hui, nul ne connaît demain. Palladas d'Alexandrie Ve siècle Anthologie palatine, V, 72 (traduction R. Brasillach) Lorsqu'on est trop curieux des choses qui se pratiquaient aux siècles passés, on demeure ordinairement fort ignorant de celles qui se pratiquent en celui-ci. René Descartes (1596-1650) Discours de la méthode Les hommes qui, par leurs sentiments, appartiennent au passé et, par leurs pensées à l'avenir, trouvent difficilement place dans le présent. Louis de Bonald (1754-1840) Lettre, à Joseph de Maistre, 22 mars 1817 La durée est essentiellement une continuation de ce qui n'est plus dans ce qui est. Henri Bergson (1859-1941) Durée et simultanéité (P.U.F.) Que Dieu vous garde de sacrifier le présent à l'avenir ! Anton Pavlovitch Tchekhov, (1860-1904) Le Conseiller privé Mon passé, c'est les trois quarts de mon présent. Je rêve plus que je ne vis, et je rêve en arrière. Jules Renard (1864-1910) Journal, 23 mars 1901 Les extrêmes me touchent. André Gide (1869-1951) Morceaux choisis, Epigraphe (Gallimard) Les jours sont peut-être égaux pour une horloge, mais pas pour un homme. Marcel Proust (1871-1922) Chroniques, Vacances de Pâques Paru dans le Figaro, 25 mars 1913. Sur la terre, deux choses sont simples: raconter le passé et prédire l'avenir. Y voir clair au jour le jour est une autre entreprise. Armand Salacrou (1899-1989) La terre est ronde Quand on est encore ce que l'on est, on est déjà ce que l'on sera. Georges Poulet (1902-1989) La Distance intérieure, Marivaux

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Les dieux ont besoin de l’homme et les hommes ont besoin des dieux La vraie générosité envers l'avenir consiste à tout donner au présent. Albert Camus (1913-1960) L'Homme révolté Si la fonction vitale d’un homme de 75 ans en bonne santé vue par un matheux est f(x). L’intégration de cette fonction, qui est en fait l’activité qu’il a produite au cours de sa vie, peut s’exprimer comme une accumulation de présents infinitésimaux correspondant à 2.366.820.000 secondes.

2.366.820.000

0

f ( x ) dx

L’intégrale de zéro à 2 milliards trois cent soixante-six millions huit cent vingt mille secondes est une manière de se représenter la vie d’un homme de 75 ans comme la fonction vitale f(x) accumulant une infinité de moments présents, chacun d’eux (dx) tendant vers 0. Le passé n’existe vraiment que dans la mesure où il hante notre présent. Il n’est pas étonnant, dès lors, que la culture des hommes soit imprégnée des sommités du passé, comme le révèle ce sondage effectué par la B.B.C. auprès de ses auditeurs, à la fin de l’année 1999, où elle leur a demandé quels étaient les Anglais les plus célèbres du millénaire. Les réponses furent évidentes : William Shakespeare prend la première place, suivi par Winston Churchill, le plus jeune de ces célébrités, puis William Caxton (1422-1491), l’imprimeur du premier livre en Angleterre, et les deux scientifiques, Charles Darwin et Isaac Newton. Mais la culture est aussi prête à accepter de nouveaux concepts pour se donner l’illusion du progrès, de sorte qu’elle accepte les innovations sans trop se poser des questions sur leurs conséquences. Vers de prochaines bifurcations des systèmes L’évolution des systèmes physico-chimiques s’explique par leur « auto-organisation » Celle-ci s’effectue chaque fois que, éloignés de leur position d’équilibre, ces systèmes subissent des fluctuations fondamentales et irréversibles. Il se passe alors comme une brisure de symétrie que le professeur Prigogine appelle « une bifurcation ». Entre deux bifurcations, les systèmes évoluent de manière déterministe ; à la bifurcation, leur comportement devient probabiliste. C’est pourquoi toute hypothèse d’extrapolation audelà de ce qui nous paraît être l’état d’entropie maximale est vaine. Avant que l’humanité n’atteigne le prochain point de bifurcation organisationnelle, au-delà de la mondialisation qui est en cours, il subsiste de nombreux domaines où peuvent intervenir nos actions correctrices, à commencer par la mise en place d’un gouvernement mondial démocratique. Les expériences capitalistes et bureaucratiques du XXe siècle nous ont appris que si l’on oubliait le sens de l’homme dans l’application des voies et moyens de ces politiques, on aboutissait à un système aliénateur. Et cela nous ne le voulons plus à aucun prix. Pourtant, ces deux systèmes ont eu leurs heures de gloire et pourraient encore les avoir si on les approchait différemment des Américains, pour les uns, des Russes et des Chinois, pour les autres. Hans Jonas nous explique que la « Planification centrale » permet d’éviter le mécanisme de la concurrence et donc « l’aberration d’une production de marché visant à exciter le consommateur. Puisque le gaspillage est une des plaies de notre civilisation, la planification aurait l’avantage d’un ordre économique et social non motivé par le gain à la condition d’éviter « la mauvaise orientation venant d’en haut, la servilité et le règne des sycophantes venant de la base »60 Les systèmes qui intéressent les sciences sociales sont articulés les uns aux autres et s’influencent en fonction de leur prépondérance dans la motricité de l’ensemble. Cet ensem60

Jonas., H., Le principe Responsabilité, Les Editions du Cerf, Paris, 1990

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Les dieux ont besoin de l'homme et les hommes ont besoin des dieux ble nous apparaît comme une structure mécanique complexe formée d’engrenages mus, soit directement par le volant moteur principal, soit par d’autres engrenages actionnés par celuici. Par analogie, notre société subit la résultante de forces diverses et vit les événements produits par leurs interactions réciproques : c’est l’histoire des hommes. De situations de blocage en situations de crise, parfois embellies par quelques découvertes fondamentales qui font bondir l’humanité vers un progrès réel, l’histoire de nos sociétés ne se déroule pas comme fonctionne une machine numérique programmée. Le système biosocial, le système politique, le système économique, le système culturel, le système des croyances, des valeurs, des codes éthiques et esthétiques, tous ces systèmes ne disposent que d’une autonomie relative les uns par rapport aux autres. Quel est aujourd’hui celui qui représente le volant moteur de notre société ? La réponse est évidente : le système économique. Et comment pourrions-nous modifier notre société en ne donnant pas la primauté à d’autres systèmes plus proches de l’humain ? Là est la question fondamentale à laquelle il est plus difficile de répondre. En effet, comme le souligne Julian Huxley : « Dans le langage de la causalité, le naturaliste peut parfois découvrir une seule cause définie pour un phénomène, le savant en sciences sociales doit toujours se contenter de plusieurs causes partielles. Il faut qu’il élabore un système fondé sur l’idée de causalité multiple » Des fréquences harmoniques humaines et de la volonté Les diverses citations de La Mettrie - l’auteur de l’homme machine - que j’ai eu l’occasion de rappeler dans cet essai, nous laisseraient un goût amer si nous nous limitions à ce qu’elles énoncent au premier degré, car nous accepterions alors comme une fatalité notre état d’homme machine. Au contraire, nous devons rebondir sur ces affirmations et découvrir les voies d’humanisation de celui-ci. Nous voulons être autre chose qu’une matière malléable à merci. Mais, cela ne signifie pas que nous nous distancions de la matière, car celle-ci aussi pose ses conditions. Ellemême ne se laisse pas manipuler sans règles et elle n’agit pas n’importe comment sous les impulsions qu’on lui donne. Référons-nous à la théorie de la photoélectricité qu’Einstein énonça en 1905 et qui lui valut le Prix Nobel. Il démontra que lorsque l’énergie d’un quantum lumineux « h » atteint une valeur précise, égale au travail d’extraction d’un électron d’une surface métallique précise, alors, et alors seulement, cet électron quitte cette surface. Pour que le phénomène se produise, il faut que la fréquence «  » soit égale à celle de la vibration électronique du métal illuminé. Si ce n’est pas le cas, l’augmentation de l’intensité lumineuse n’aura aucune incidence. C’est donc bien la fréquence qu’il faut viser, puisqu’elle, seulement, est fonction de la nature du métal choisi. Cette fréquence ne peut d’ailleurs prendre toutes les valeurs imaginables, mais elle est limitée aux valeurs quantifiées propres au métal ciblé. Les physiciens s’appliquent aussi à dénicher, dans leur discipline, les équations, les idées, qui décriront le mieux la réalité de la finance, la discipline qui produit l’agitation de tous les spéculateurs. Pour décrire les fluctuations des marchés, et les fluctuations des hommes qui les animent par leurs offres et leurs demandes, on peut aussi se référer à la physique des écoulements turbulents dont les analogies profondes avec la vie de la Bourse ont intrigué Jean-Philippe Bouchaud : « Il y a quelques années, je m’intéressais à des désordres dits tropicaux, extrêmes ; la plupart du temps, il ne se passe rien, puis on a de gros événements, des accidents. Les marchés financiers ont aussi par intermittence des bouffées d’activité qui, dans le temps, s’organisent de la même façon. En apparence, cela n’a rien à voir, mais qu’est-ce qu’un écoulement turbulent sinon un système où des molécules interagissent entre elles ? »61 Certes, l’être humain aussi est conditionné par sa propre matière contre laquelle rien n’est possible ; nous savons que, par exemple, il naît avec un potentiel génétique dont il pourra difficilement enrayer les effets pendant son existence. Et la structure neuronale de son cerveau, constituée progressivement en fonction de son vécu et des conditions du milieu dans lequel il évolue, aura aussi pour conséquence de lui faire appréhender la vie de manière spécifique. 61

Barthélemy, P., Le monde du vendredi 1 septembre 2000, Aujourd’hui, p. 19

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Les dieux ont besoin de l’homme et les hommes ont besoin des dieux Notre matière se limiterait-elle à quelques excitations particulières à notre espèce qui lui donnent les mêmes réactions physiques que les phénomènes perceptibles au laboratoire moyennant quelques expériences simples, voire banales ? Serions-nous déterminés autant qu’Einstein le pense ? C’est-à-dire de faire ce que nous voulons, mais de ne pouvoir vouloir ce que nous voulons ? Par exemple, lorsque vous prenez le volant, vous avez l’impression individuelle de maîtriser votre véhicule alors que la force des statisticiens « démontre » quoi que vous fassiez, sur le plan collectif, que la route tuera en France plusieurs milliers de personnes chaque année. Malgré tout le désir de chacun qu’il n’en soit rien, votre conduite ne sera, à sa manière, que la confirmation de cette « loi naturelle »62 Ne serions-nous que des matières diversement modifiées ? Nous ne le pensons pas. Pour l’homme, il faut aussi que celles-ci soient dignes d’intérêt, car si les êtres vivants ne cherchent rien, ils ne percevront rien. Comme l’a écrit Georges Ganguilhem : « Un vivant n’est pas une machine qui répond par des mouvements à des excitations, c’est une machine qui répond à des signaux par des opérations »63. Puisqu’il suffit à l’herbivore de voir et de sentir de l’herbe pour se mettre à la brouter, sans qu’il lui soit nécessaire d’y déceler l’action de la lumière solaire sur ses vertus alimentaires, je constate qu’il existe chez l’animal une conscience sensorielle du monde, strictement proportionnelle à l’activité requise de lui pour satisfaire son besoin corporel de nourriture et de bien-être ainsi que la nécessité de l’espèce de se reproduire. Certes, la conscience est essentiellement « attention », et l’attention est « intérêt », c’està-dire perception, non de l’objet comme tel, mais de l’objet comme nécessaire. Sans cette conscience, l’objet est perçu vaguement, comme dans une vision marginale. Et puisque la conscience est conscience de ce qui m’importe, et que la précision de la perception de l’objet se limite au besoin que j’en ai, si je choisis un fruit pour le déguster, sa couleur ne m’atteindra que si elle signifie sa succulence. De même, la femelle, après l’époque des amours, rentre, pour le mâle, dans cette réalité marginale où se meuvent aussi, les uns pour les autres, les passants des rues urbaines ou les voyageurs des transports en commun. Et pour qu’un corps ou un visage féminin se détachent avec précision de cette masse confuse, il faudra que se manifeste chez un homme, par exemple, une attirance sexuelle ou un intérêt esthétique. Mais, celui-ci ou celle-là, en éveillant la conscience, ne lui donne d’aiguiser la perception sensorielle qu’en fonction stricte de son exigence. La conscience apparaît donc chez les êtres qui en sont pourvus non comme l’instrument d’appréhension du réel, mais comme l’utilisation des instruments d’appréhension dont elle peut disposer. Et il n’est pas interdit de penser que l’inadéquation entre la perception et la conscience, qui ne cesse de détacher le réel « intéressant » d’un réel inintéressant », détermine, même dans les consciences les plus élémentaires, le sentiment moins confus d’une distinction entre le donné et sa vérité. La vérité de l’herbe pour l’herbivore, c’est strictement sa qualité alimentaire telle que la perçoivent sa vue et son goût. Mais quand il s’y couche, sa vérité devient ce qu’en perçoit son toucher. L’alternance de ces deux vérités de l’herbe correspond à l’alternance des deux besoins de nourriture et de repos. Et si ces deux seuls besoins se manifestent à l’herbivore devant l’herbe, celle-ci n’aura jamais pour lui d’autre vérité. Je veux croire qu’une action effectuée par un homme nécessite de sa part, en plus de cette conscience sensorielle, une connaissance de l’objet sur lequel porte son action et une connaissance de l’influence de cet objet sur tous les autres objets - appartenant au même système ou à des systèmes différents - qui pourraient, d’une manière ou d’une autre, produire une conséquence fâcheuse sur le cours des événements que cet homme sera appelé à vivre. Il va de soi que la majorité des hommes ont une conscience plus développée que l’herbivore et loin de moi la pensée de vouloir discréditer notre espèce à ce point. Néanmoins, je voudrais être certain que cette majorité agit avec assez de perspicacité et de retenue et que les nécessités de l’espèce humaine, pour cette majorité, s’accompagnent du souci à moyen et long terme de l’accueil et de l’épanouissement des générations futures. 62 63

Ibid Ganguilhem, G., Conscience de la vie, Hachette, Paris, 1952, p 180-181

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Les dieux ont besoin de l'homme et les hommes ont besoin des dieux À présent, la conscience humaine regarde dans deux directions, dont l’une n’a rien à voir avec le corps et ses besoins. Quelque chose devient conscient en l’homme qui apparaît plus essentiel, c’est l’appel à une perfection d’un autre ordre qui envisage de sa part une activité et des efforts sans commune mesure avec l’activité et les efforts physiques et qui ne peuvent attendre aucune aide du dynamisme corporel, bien au contraire. Désormais, la lutte est déclenchée dans l’humanité entre son conservatisme qui l’animalise et ce dynamisme trans-corporel qui tend à l’arracher de son animalité. Désormais, il devient de plus en plus difficile de vivre, vu qu’entre les consciences ne joue plus une simple imitation du même au même, mais une émulation taraudante qui inquiète celles qu’elle n’entraîne pas. Aujourd’hui, chaque pensée, chaque sentiment, chaque acte individuel y est porté par un conformisme qui suffit à sa justification. La vérité n’est plus de rester ce qu’on est, mais de devenir ce qu’il faut être. Ne craignons pas la marginalité lorsqu’on est différent de ce que le moule de la pensée unique attend de nous. Vive alors notre singularité et notre insoumission à devenir semblable aux autres ! Et ici intervient ce moteur turbo, qu’on peut appeler « Volonté » Et même si ce moteur est superbement conçu et entretenu, il ne peut éviter certaines sources paradoxales qui rayonnent vers lui et le conditionnent en dissimulant, derrière les fréquences discrètes qui lui conviennent, d’autres fréquences subliminales qui ne vibrent plus en phase avec lui, mais provoquent en lui de manière insidieuse des déformations irréversibles : ce sont les stimuli destructeurs d’humanisme, les conditionnements, les producteurs de réflexes... L’homme n’est pas une plaque métallique améliorée ni une matière diversement modifiée, ni un animal polarisé sur sa nécessité. C’est d’abord un être pourvu d’un esprit unique capable de trouver le chemin de son propre bonheur si sa volonté fonctionne et si on lui apprend à la développer et à se défier des signaux corrupteurs. L’homme est matière, né de la matière et incapable de ne pas en tenir compte, mais il est avant toute chose un être libre qui peut décider de son propre destin par ses propres choix. Contrairement à ce que disait Einstein, l’homme peut vouloir ce qu’il veut. Il n’est plus seulement un composé chimique formé de la combinaison d’éléments de base de la planète, dans des proportions précises, mais il est avant tout une matière pensante capable de tout modifier y compris lui-même.

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Chapitre neuf L’homme, finalité de la création ou produit du hasard et de la nécessité ? Ce chapitre réunit d’autres archéologues de Dieu qui se sont interrogés sur les mystères de la création. Le principe anthropique Le principe anthropique consisterait à reconnaître dans ce réglage fin des propriétés de l’univers une conspiration cosmique dont le but est l’apparition de la vie intelligente. L’univers, possédait-il, dès les premiers instants, les propriétés requises pour élaborer la complexité ? Là est la question fondamentale qui partage nos contemporains. Ce principe concerne autant l’origine physique des hommes que leurs relations sociales dans la mesure où il ne me paraît pas possible de faire la part des choses entre l’homme, produit biologique du Big Bang, et l’activité humaine qui s’en suit. L’homme vit et agit. Il est ce qu’il fait. Pourquoi séparerions-nous d’ailleurs l’évolution biologique et les activités de l’espèce humaine, puisque celles-ci sont elles-mêmes créatrices de changement biologique et qu’une certaine causalité circulaire s’est établie dans le monde et explique l’évolution de l’espèce humaine, en particulier ? Peu importe le nom que l’on donne à cette prodigieuse énergie initiale, qu’on l’appelle : Big Bang, Dieu ou « L’élan vital ». On doit d’abord se poser la question de savoir si, dès cette première fraction de seconde où la création s’est mise en marche, cette puissance initiale avait ou non une finalité. La « complexification » croissante de la matière et l’esprit auquel celle-ci s’articule (ou qu’elle génère) sont bien les questions fondamentales que tout scientifique, philosophe ou théologien doit se poser un jour. Pascal n’avait-il pas déjà cerné cette complexité lors qu’il affirma : « Tout ce monde visible n’est qu’un trait imperceptible dans l’ample sein de la nature. Nulle idée n’en approche. Nous avons beau enfler nos conceptions au-delà des espèces imaginables, nous n’enfantons que des atomes, au prix de la réalité des choses. (...) Voilà notre état véritable ; c’est ce qui nous rend incapables de savoir certainement et d’ignorer absolument. Nous voguons sur un milieu vaste, toujours incertains et flottants, poussés d’un bout vers l’autre. Quelque terme où nous pensions nous attacher et nous affermir, il branle et nous quitte ; et si nous le suivons, il échappe à nos prises, nous glisse et fuit d’une fuite éternelle. Rien ne s’arrête pour nous. (...) Donc toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiatement et immédiatement, et toutes s’entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties »64. Dans cette complexité, il m’apparaît essentiel de considérer ce qui est à l’origine de l’espèce humaine et de trouver entre sa création et ses actions une logique. Quand Brandon Carter a parlé du « principe anthropique », selon lequel les lois de la nature doivent permettre l’existence d’êtres intelligents capables de s’interroger sur elles, il me semble avoir donné à l’univers et à l’homme un sens tout aussi novateur, tout aussi puissant que celui de l’incarnation divine en la personne de Jésus. Excepté le fait que la conception chrétienne anthropomorphique de Dieu soit plus attirante, plus confortable, plus chaleureuse, plus optimiste que la conception de l’homme marquée de « cosmomorphisme » qui ne voit en celui-ci qu’une spécificité qui apparaît aujourd’hui relever des caractères généraux de la vie; relevant eux-mêmes des caractères généraux de la matière universelle.

64

Blaise Pascal, Pensées, édition Brunschvicg, Paris, Hachette, 1953, II, p348, 354, 355-356

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L’homme, finalité de la création ou produit du hasard et de la nécessité ? Mais, aujourd’hui, le principe anthropique est de plus en plus contesté, comme l’est aussi l’incarnation de Dieu en Jésus. Car l’homme biologique, comme finalité de la vie et fer de lance du Big Bang, n’est-il pas aussi contestable que l’homme Jésus comme fils de Dieu ? Fallait-il l’homme pour que l’univers prenne sens ? L’homme est-il l’élément pensant de l’univers ? Dans ce monde, il est en tout cas cet animal capable de jugement, socialisé, éduqué et civilisé disposant d’une capacité expressive supérieure aux autres espèces : la diversité des sons émis par sa voix et leur combinaison est considérable. Déjà, selon le philosophe Kant, tout se passe « comme si » la nature poursuivait intentionnellement des fins. Selon Kant, le procédé « comme si », « als ob », qualifie un usage régulateur des idées de la raison. L’idée de finalité n’a donc pas de réalité objective. Elle est une règle méthodologique. Et nombreux furent ses prédécesseurs à émettre quelques réflexions à ce sujet. Descartes disait : « On présumerait trop de soi-même si on entreprenait de connaître la fin que Dieu s’est proposée en créant le monde ». Pour Spinoza, la « doctrine finaliste renverse totalement la nature et conduit à concevoir Dieu à l’imitation de l’homme », alors que Leibniz voyait le système de l’harmonie générale comme « les règnes des causes efficientes et des causes finales parallèles entre eux ». Et Bernardin de Saint-Pierre n’hésitait pas à dire : « Ne regarde point les tempêtes de l’atmosphère (...) comme des désordres de la nature : tout est bien dans un plan infiniment sage ». Les énoncés anthropiques peuvent être classés en deux grandes familles : les énoncés faibles et les énoncés forts. Les énoncés faibles ne supposent aucune finalité et sont simplement l’expression du principe de causalité : la vie humaine existe, alors il faut qu’il existe des conditions nécessaires à son émergence. Les énoncés forts sont explicitement prescriptifs, puisqu’ils affirment que l’univers est tel que la vie devait y apparaître nécessairement en raison d’une cause finale (but, projet, intention, plan, etc.). Dans une perspective strictement déterministe, on pourrait supposer que la vie devait apparaître nécessairement dans l’univers pour des raisons liées à la nature même de certains déterminismes physico-chimiques. « Nous ne naissons pas seuls. Naître, pour tout, c’est co-naître. Toute naissance est une co-naissance », écrivait Paul Claudel » : « Nous faisons partie d’un ensemble homogène, et comme nous co-naissons à toute la nature, c’est ainsi que nous la connaissons » 65 (...) « Au sens large, connaître, c’est exister en même temps. Ainsi, tout ce qui naît, esprit ou corps, co-naît selon son mode. Il y a harmonie à chaque instant de la durée, entre toutes les parties de la création, depuis le Séraphin jusqu’au ver » 66. Nos temps sont extraordinaires, car cette connaissance est bien supérieure à celle qu’ont connue nos ancêtres. D’abord la place de la planète dans le cosmos. Ce n'est qu'en 1965, après la découverte d’ondes radio provenant de notre galaxie, que s'est consolidée l'hypothèse d'un univers isotrope né d’une immense déflagration, et que nous n’étions qu’une portion plus infime encore que celle que nous avions imaginée. Il était établi par ce fait même, en convergence avec d’autres théories jusque-là hypothétiques, que notre univers était bien en expansion. Comme si nous nous situions sur une infime surface d’un ballon en train de gonfler, chaque portion de cette surface représentant une galaxie. L’univers a d’ailleurs tellement gonflé que nous ne percevons plus sa courbure : il est devenu plat. C'est aussi à cette époque que les sciences de la terre font leur unification : on comprend que la planète est un système vivant, qui a sa vie et son histoire, et où tous les éléments interagissent les uns avec les autres. L’Ecologie prend alors conscience qu'il n'y a pas seulement les écosystèmes les uns à côté des autres, mais qu'il y a une biosphère dont le problème s'est posé dès les années 70 avec tous les périls qui la menaçaient si nous continuions à la polluer. Et c'est aussi à la même époque que l’on découvre que l’Afrique est le berceau de l’homme moderne ; ce qui, jusque-là, était presqu’impensable puisque l’on était convaincu qu’il y avait à peine 30.000 ans que les formes humaines très archaïques - présentant de 65 66

Paul Claudel, Art Poétique, p53 Ibid., p 72

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L’homme, finalité de la création ou produit du hasard et de la nécessité ? gros bourrelets osseux autour des orbites - étaient encore très répandues en Afrique. De nouvelles datations ont permis de conclure que l’homme moderne avait pu évoluer sur ce continent il y a plusieurs millions d’années. La décennie soixante-dix est aussi celle où l’analyse systémique devient incontournable à un esprit avisé. On est convaincu qu’il existe des lois fondamentales des systèmes complexes. Ce sont des lois relatives à la structure, à l’organisation et à l’échelle et, tout simplement, elles disparaissent quand on focalise sur les composants individuels d’un système complexe, car elles ne résistent pas quand on interroge chaque participant individuellement. Selon Edgar Morin, l'humanité a émergé de la biosphère et nous devons prendre conscience du chaînon de la vie, la nôtre reliée à la terre, la terre reliée à son soleil et son soleil relié à cet immense cosmos. Là est l’idée fondamentale : croire qu'un homme est un être supra naturel est une erreur qui a conduit à l'idée folle de l'homme maître de la nature, qui allait la conquérir et la maîtriser. Il n'y a pas de substance biologique différente des substances physico-chimiques. Penser isoler la vie de la matière est une idée folle qui, aujourd'hui, est une idée fausse. Philosophes, scientifiques, théologiens, que pensent-ils du chaînon humain ? Deux mots dominent la littérature concernant l’évolution du cosmos, en général, et des êtres vivants, en particulier. Ces deux mots sont : « Hasard » et « Nécessité ». Selon les connaissances et croyances des hommes qui les prononcent, une série de définitions apparaissent et, parmi elles, des différences fondamentales. Ainsi, en ce qui concerne le « Hasard », il est : « le caractère d’un fait inexplicable par les causes finales, alors que l’on croit observer en lui une certaine finalité » 67, « La mesure de l’ignorance » 68, « Le mécanisme se comportant comme s’il y avait une intention » 69. Quant à la « Nécessité », elle exprime ce qui ne peut pas ne pas être, et dont l’essence implique l’existence. C’est un mot dont le sens est fonction de la foi et de la culture de la personne qui le prononce. « S’il y a un trait du tempérament français particulièrement frappant (...), c’est ce que j’appellerai le besoin de la nécessité. Le Français a horreur du hasard, de l’accidentel, de l’imprévu »70, disait Claudel. Le chaînon vital qu’est l’homme dans le développement du cosmos est-il dû au hasard ou est-il nécessaire ? Et si cette nécessité existe, est-elle téléologique ? Autrement dit, at-elle une finalité réelle ? Cette prise de conscience fondamentale n’est-elle pas déjà en train de couver intuitivement depuis plusieurs siècles ? Quand Julien Offroy de La Mettrie a écrit « L'Homme est une machine, et il n'y a dans l'Univers qu'une seule substance diversement modifiée », ne signifiait-il déjà pas, à sa manière, que tout ce qui avait suivi le Big Bang avait sa source en lui ? Et d’autres, n’ont-ils pas déduit de cette explosion originaire, de cette brutale conversion énergétique en matière, une finalité : l’homme ? Celui-ci est-il l’effet du hasard ou de la nécessité ? En effectuant une courbe rentrante par rapport à ses principes fondamentaux, l’Eglise catholique en vint progressivement à reconnaître l’évolutionnisme, mais ce fut un combat long et pénible contre elle-même. En 1909, déjà, quand l’Université catholique de Louvain participa aux fêtes du centenaire de Darwin, le chanoine Henri de Dorlodot, géologue et théologien, s’est employé à démontrer « que l’on ne peut trouver dans l’Ecriture Sainte, interprétée

67 68 69

70

Paul Foulquié, Dictionnaire de la langue philosophique, p.313 H. Poincaré, Sciences et méth., p. 65 H. Bergson, Les deux sources, p. 155 P. Claudel, Positions et prop., I, 18-19

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L’homme, finalité de la création ou produit du hasard et de la nécessité ? d’après les règles catholiques, aucun argument contre la théorie de l’évolution naturelle même absolue »71, Vingt ans plus tard, Georges Lemaître, un autre ecclésiastique belge, n’a pas hésité à déclarer, entre 1927 et 1933, que l’univers était en expansion et que cela impliquait un passé chaud et dense, qu’il appela l’Atome primordial. Ce qui le positionna comme l’actuel précurseur du modèle du Big Bang. Le pape Pie XII, étonné par ses propos, évita toutefois de le démettre en ajoutant que ceux-ci étaient tout à fait en accord « avec la singularité initiale incluse dans les modèles du Big Bang ». Puis ce fut Teilhard de Chardin qui émit la théorie d’une coexistence de l’esprit et de la matière depuis la naissance de l’univers, comme si, dès le Big Bang, l’énergie et la matière étaient déjà parcourues par une force créatrice spirituelle. Autrement dit, l’homme est un produit de l’évolution dont la conscience originaire est la cause de la complexification moléculaire de l’organisme humain, en particulier.

Teilhard épouse en fait la théorie des philosophes évolutionnistes qui n’hésitent pas à extrapoler aux choses de la vie les théories qu’ils ont échafaudées pour expliquer les phénomènes de la matière brute. Depuis lors, l’évolution de l’Eglise ellemême a permis « Le Grand Pardon » et celui de Darwin, en particulier.

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Darwin, Ch., L’Origine des espèces, GF-Flammarion, Paris, 1992, introduction de Drouin, p.28

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L’homme, finalité de la création ou produit du hasard et de la nécessité ? Le philosophe Henri Bergson(ci-contre), prix Nobel de littérature en 1927, voit dans la vie, depuis ses origines, qu’elle « est la continuation d’un seul et même élan qui s’est partagé entre des lignes d’évolution divergentes. Quelque chose a grandi, quelque chose s’est développé par une série d’additions qui ont été autant de créations ». Bergson ne dissociait pas l’être de l’agir, et il expliquait leur interaction : « On a donc raison de dire que ce que nous faisons dépend de ce que nous sommes ; mais il faut ajouter que nous ne sommes, dans une certaine mesure, que ce que nous faisons, et que nous nous créons continuellement nousmêmes. (...) Pour un être conscient, exister consiste à changer, changer à se mûrir, se mûrir à se créer indéfiniment soi-même »72. À ce que Bergson appelle « L’élan vital », Teilhard préfère « L’énergie radiale ». Et à Teilhard, il est habituel d’opposer Jacques Monod (ci-dessous) qui publia, en 1971, « Hasard et Nécessité » où il dénonça « L’élan vital » et « L’énergie radiale » en expliquant que l’évolution biologique était fonction du hasard des mutations et de la nécessité de la sélection naturelle. Les notions de « Hasard » et de « Nécessité » sont aussi exprimées de manière systémique par Joël de Rosnay73 : « À la racine de la genèse de toute forme nouvelle, on retrouve donc un générateur aléatoire de variété et un système de stabilisation. Le générateur aléatoire de variété joue le rôle du « Hasard ». (...) Le système de stabilisation et de sélection représente la « Nécessité » Il fait intervenir l’environnement. (...) L’environnement agit comme un filtre en ne conservant que les formes les mieux adaptées. La sanction, c’est l’élimination. La mort ».

72 73

H. Bergson, L’évolution créatrice, p 7-8. Joël de Rosnay, Le macroscope, Points, p. 260-261

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L’homme, finalité de la création ou produit du hasard et de la nécessité ? Mais la « Nécessité » de Monod n’entraîne pas nécessairement une finalité, une téléologie74 dans l’évolution de l’univers. Ce qui revient à dire qu’aucun esprit n’a jamais pris le contrôle de la matière depuis le Big Bang. « L’univers n’était pas gros de la vie, ni de la biosphère de l’homme » écrit-il. Nous sommes donc loin de la « singularité initiale » de Lemaître, de l’élan vital de Bergson et de l’énergie radiale de Teilhard. La conception de Monod sur l’univers n’exclut toutefois pas que les êtres vivants soient des objets finalisés : « L’une des propriétés fondamentales qui caractérisent tous les êtres vivants sans exception : celle d’être des objets doués d’un projet (souligné dans le texte) qu’à la fois ils représentent dans leurs structures et accomplissent par leurs performances »75. Ce projet est la conservation et la multiplication de l’espèce. Mais il ne s’agit pas d’une coprésence de l’esprit et de la matière comme le pensent les philosophes croyants. Le biologiste, Jean Rostand, affirme : « Bien sûr, il y a de la finalité dans la nature, puisqu’il y en a dans l’esprit de l’homme, mais le problème est de savoir si la nature peut « finaliser » sans passer par un cortex cérébral ». Et si le cortex cérébral était un moyen choisi par Dieu pour mener à bonne fin son projet ? Toute la question est là : la finalité des êtres vivants et de la nature, est-elle un passage obligé nous amenant vers une finalité de l’univers ? Dans « Poussière de vie »76, le professeur de Duve, Prix Nobel de médecine, (Photo RTBF, prise lors de l’émission Noms de dieux), marque son désaccord avec l’affirmation de Monod et soutient au contraire que l’univers était bien, dès son origine, gros de la vie : « Vous avez tort. Il l’était », lui écrit-il. Tout en attribuant le même rôle au hasard, il affirme que : « l’univers n’est pas vide de sens et que cette signification gît dans la structure même de l’univers, qui se trouve être capable de produire la pensée par le truchement de la vie et du fonctionnement cérébral. La pensée, à son tour, est une faculté grâce à laquelle l’univers peut réfléchir sur lui-même »77.

telos = fin, étude des fins Jacques Monod, Le Hasard et le Nécessité, Seuil 1970, p. 22 76 Christian de Duve, Poussière de vie, Fayard, p. 495 74 75 77

Ibid., p. 496

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L’homme, finalité de la création ou produit du hasard et de la nécessité ? Toutefois, de Duve, malgré son apparente inclination pour Teilhard en optant pour un « univers signifiant et non vide de sens », se dit plus proche de Monod sur le plan scientifique, mais avec une « lecture différente des mêmes faits ». Celle-ci « attribue le même rôle au hasard, mais le fait intervenir dans le cas de contraintes si strictes que la production de la vie et de la pensée en devient obligatoire, et ce, à maintes reprises »78. La théorie du hasard est aussi développée par Stephen Jay Gould qui énonce : « Il est presque impossible pour l’être humain de ne pas croire que nous avons quelque relation particulière avec l’univers, que la vie humaine n’est pas seulement le résultat plus ou moins grotesque d’un enchaînement d’accidents remontant aux trois premières minutes (...) Plus l’univers paraît compréhensible, plus il paraît aussi dépourvu de sens »79. Gould a décrit l’imprévisibilité des fluctuations pour les grandes familles d’animaux : des reptiles se sont mis à voler, pendant que d’autres restaient sur terre ; parmi les mammifères, les baleines sont retournées dans l’eau et d’autres n’ont pas quitté la terre ; certains singes sont devenus des hommes pendant que d’autres sont restés singes. Proche de la conception de Monod, Steven Weinberg, Prix Nobel de physique, rêve d’une théorie ultime80 : « Dans cet esprit, il me semble que si le mot Dieu doit avoir un sens quelconque, c’est pour signifier un Dieu intéressé, un créateur, un dispensateur de lois, qui a non seulement établi celles de la nature et de l’univers, mais aussi des normes relatives au bien et au mal, une entité quelconque qui se soucie de nos actes, en bref quelque chose que nous avons des raisons d’adorer. C’est là le Dieu qui, tout au long de l’Histoire, a compté pour les hommes et les femmes. Les scientifiques, et beaucoup d’autres, parlent parfois de « Dieu » pour évoquer quelque chose de si abstrait et de si dégagé qu’il devient difficile de Le distinguer des lois de la nature. (...)Trouverons-nous Dieu dans les lois de la nature ? (...) Mais aussi prématurée que puisse être cette interrogation, il est difficile de ne pas se demander si nous trouverons une réponse à nos questions les plus profondes, un signe quelconque d’un Dieu intéressé, dans une théorie fondamentale ultime. Je pense que non ». de Duve, op. cit., p. 495 The first three minutes,New York, Basic Books, 1977, p148. 80 Dreams of a final theory, Pantheon, New York, 1992 78

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L’homme, finalité de la création ou produit du hasard et de la nécessité ? Cette évolution imprévisible se retrouve chez Pascal Picq, paléoanthropologue au Collège de France, qui ne voit pas en l’homme le but de l’évolution et résume son point de vue dans un article intitulé : « Le cimetière des idées reçues ». Et il poursuit : « Car il faudrait admettre qu’il existait une petite musaraigne, Purgatorius, notre ancêtre, il y a 70 millions d’années, qui a exterminé les dinosaures à l'aide de météorites et de volcans gigantesques ; que les plantes à fleurs sont arrivées au bon moment pour célébrer l’événement ; que l’Afrique s’est fendue d’un grand Rift et que les calottes glaciaires ont apporté une touche rafraîchissante finale. Cette symphonie d’événements digne de Fantasia ne fait qu’aligner une série de contingences. Si tout était à refaire, la partition jouerait un autre air, mais pas pour les hommes, pas plus que pour les singes, les chevaux ou les serpents »81. Nous n’en finirions pas de citer de grands savants aussi célèbres les uns que les autres, qui ont sur la coexistence esprit-matière, au sein de l’univers, des opinions différentes ou très nuancées ; certaines d’ailleurs exprimées de manière plus affirmative que d’autres, où les subjectivités et les croyances ne sont pas étrangères. Je serais incomplet si je ne citais pas le professeur Prigogine, Prix Nobel de chimie en 1977, (photo RTBF prise lors de l’émission Noms de dieux) : « Ce qui émerge aujourd’hui est donc une description médiane, située entre deux représentations aliénantes, celle d’un monde déterministe et celle d’un monde arbitraire soumis au seul hasard. Les lois ne gouvernent pas le monde, mais celuici n’est pas non plus régi par le hasard (...) »82. Prigogine situe l’histoire des hommes dans cet ensemble d’ensembles qu’est le cosmos : « Il y a une histoire cosmologique, à l’intérieur de laquelle il y a une histoire de la vie, dans laquelle il y a finalement notre propre histoire (...) C’est l’idée d’un univers en construction »83. Sur le point de savoir qui ou quoi a construit l’univers, Prigogine ne s’aventure pas. Comme Bergson, il pense que : « la création de l’univers est avant tout une création de possibilités, dont certaines se réalisent et d’autres pas »84. D’où ce dialogue pathétique entre Einstein et Bergson, l’un déterministe et l’autre partisan de l’Evolution, l’Evolution créatrice. L’idée fondamentale de Bergson était un Temps orienté et s’il s’est tourné vers la métaphysique, c’est parce qu’il n’y avait rien dans la physique de son époque qui permît d’envisager un Temps orienté. Or Einstein n’en voulait pas, car pour lui le sens du temps est une illusion. Mais, Prigogine veut réconcilier le philosophe et le physicien ou du moins trouver en eux une valeur commune. Cette valeur est le choix, la liberté et la responsabilité. Ou bien nous sommes le produit d’une auto-organisation qui s’édifie par l’intérieur, par ce que nous appelons « les lois de la nature » ou bien le cosmos (Bergson) ou nous sommes le produit d’un « programme » extérieur (Einstein), « mais dans tous les cas, il y a un choix, une liberté et une responsabilité ». Parmi les penseurs scientifiques de cette fin de millénaire, il y a d’autres physiciens de haut niveau qui ont compris que la philosophie des sciences méritait toute notre attention. Historia spécial n°50 p. 24 Emission « Noms de dieux » RTBF et Edmond Blattchen 83 Ibid 84 Ibid 81 82

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L’homme, finalité de la création ou produit du hasard et de la nécessité ? C’est le cas de Jean Charon qui s’est inséré entre la matière et l’esprit parce qu’il les considérait comme deux faces inséparables du réel : « On croit que notre corps est une statue gelée dans laquelle chaque particule a sa place une fois pour toutes. Or ce n’est qu’une apparence, car 98 pour cent des atomes de notre corps changent en une année ; notre peau change tous les mois ; notre squelette tous les sept ans. Tout ce qui constitue notre organisme est donc changé intégralement en sept ans. Pourtant, la forme reste la même ou à peu près. De toute évidence, une sorte de savoir-faire semble à l’œuvre »85. Ce même Jean Charon n’avait-il déjà pas écrit : « Je sais que je suis l’enfant du plus conscient que moi, avec lequel je vis physiquement en symbiose comme les cellules de mon corps le font avec moi ; je sais que ce Berger qui veille sur moi saura, si je suis capable de l’entendre, m’indiquer si ma liberté m’écarte trop du chemin que l’évolution construit avec moi et pour moi, vers le plus. Je sais que l’Eternel est mon Berger. Je me le répète aujourd’hui souvent, comme une affirmation positive pour préluder à chaque journée, à chaque nuit. (...) J’ai vécu 15 milliards d’années. Car je suis né avec ces premiers électrons créés à partir de la lumière originelle, au début du monde »86. Pour étudier l’ensemble des phénomènes physico-chimiques qui régissent le cosmos, l’humanité a créé les sciences exactes ; mais la manière dont les hommes ont réfléchi au cours de leur histoire et comment ils ont utilisé leur savoir, c’est le domaine des philosophes et des sociologues. Selon Marx, l’ouvrier n’a plus la liberté de ses choix, de ses outils et de ses fins et il est devenu « un appendice de chair dans une machine d’acier ». Son déterminisme matérialiste éprouve toutefois le besoin de préciser qu’il n’y a pas de cause acquise, que l’inné est secondaire et que seuls le « matérialisme historique » et les luttes de classes interviennent dans la création de tous les objets de ce monde. C’est pourquoi Marx a mis l’accent sur le projet et la finalité humaine en considérant que les objets n’ont pas tous été créés par l’évolution, mais par l’homme : « Les objets de la certitude sensible la plus simple ne sont eux-mêmes donnés que par le développement social, l’industrie et les échanges commerciaux (...) On sait que le cerisier, dans presque tous les arbres fruitiers, a été transporté sous nos latitudes par le commerce et ce n’est donc que grâce à cette action d’une société déterminée à une époque déterminée qu’il fut donné à la certitude sensible de quiconque ». Donc, même l’arbre qui paraît être donné là de toute éternité est un objet inséparable de la production de l’homme. Limiter l’évolution du monde et de l’humanité en particulier à la seule dynamique de la lutte des classes est une théorie dépassée aujourd’hui. Pourquoi ne serait-ce pas l’inverse : l’inné, la principale cause, et la lutte des classes, la seconde ? Personne ne peut pondérer a priori l’influence de l’un et de l’autre. La théorie marxiste atteignit en Union soviétique des proportions dramatiques sous l’action du généticien Théodore Lyssenko qui combattait la notion de gène dont il considérait l’invariance comme totalement incompatible avec les thèses du « matérialisme dialectique de la nature » pour lesquelles l’inné est quantité négligeable. Le principe de l’influence du milieu devait être prépondérant et il n’était pas question de démontrer le contraire. Homme fanatique et sans scrupule, Lyssenko entraînera l’URSS dans une catastrophe économique par ses initiatives désastreuses qui empêcheront tout développement de la génétique dans son pays. Le terme de « génétique » fut d’ailleurs interdit par le pouvoir et de nombreux scientifiques payèrent de leur vie leur refus de « politiser » les chromosomes. Les sociobiologistes actuels dont O.E. Wilson jettent un pont entre les sciences naturelles et les sciences sociales, et l’expression « des gènes à la culture »87 mérite une explication : « Comment peut-on prétendre parler d’un gène qui commanderait la culture ? En fait, aucun scientifique ne l’a fait. (...)Tous les biologistes parlent d’interaction entre l’environnement et l’hérédité. Mais sauf dans les carnets de laboratoire, jamais ils ne parlent d’un gène qui « causerait » un comportement donné, et jamais ils ne prennent cela au pied de la lettre. Cela n’aurait pas plus de sens que son contraire, l’idée selon laquelle un comportement procéderait de la culture sans l’intervention de l’activité cérébrale. L’explication de l’action causale des gènes sur la culture, comme celle des gènes sur n’importe quel produit de la vie, ne Jean Charon, Et le divin dans tout ça ?, Albin Michel, p.41 Jean Charon, J’ai vécu quinze milliards d’années, Albin Michel, pp. 154 et 155 87 Wilson, E.O., L’unicité du savoir, Robert Laffont, Paris, 2000, p.180 85 86

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L’homme, finalité de la création ou produit du hasard et de la nécessité ? réside pas dans l’hérédité seule. Et pas davantage l’environnement, mais bien l’interaction entre les deux88 (...) Et Wilson donne un exemple : « Le cas d’école de norme de réaction, c’est la forme de la feuille d’une plante amphibie. Quand un spécimen de l’espèce considérée pousse sur la terre ferme, ses feuilles ressemblent à des pointes de flèche. Quand il pousse en eau profonde, les feuilles à la surface ont la forme de pieds de lys ; et quand il est submergé en eau profonde, les feuilles se développent comme des tiges d’herbes qui flottent au gré du courant. Aucune différence génétique connue chez ces plantes ne sous-tend cette extraordinaire variation. Ces trois types de base sont des variations de l’expression du même type de gènes causées par différents environnements. Elles forment ensemble la norme de réaction des gènes commandant la forme des feuilles ». Après les explications de Wilson, il m’apparaît que toutes les théories évolutionnistes sont tout à fait compatibles avec l’existence de Dieu, que celui-ci prenne le nom de Big Bang (Lemaître), d’Elan vital (Bergson), d’Energie radiale (Teilhard)... L’homme est bien un instrument de propagation de l’esprit, mais il n’est pas en soi la finalité de l’esprit. L’hominisation est une organisation parmi d’autres Il faut être indulgent pour l’Homme, si l’on songe à l’époque à laquelle il a été créé. Alphonse Allais Les actions de l’homme et le savoir qu’il a accumulé au cours des siècles - qui représente tant pour nous et qu’Einstein met en exergue dans sa profession de foi - ne sont pas indépendants de l’évolutionnisme. Les objets de connaissances et les actions humaines ne sont pas de purs produits fabriqués directement par Dieu - quel que soit le nom qu’on Lui donne mais proviennent d’une évolution biologique et psychologique telle qu’il fallait que l’homme fût créé pour qu’ils puissent eux-mêmes exister. L’hominisation biologique est mesurée sur trois principaux paramètres : la marche érigée, la libération de la main et la « cérébralisation » en tenant compte de leurs interrelations fonctionnelles. Il a fallu quatre cent mille à cinq cent mille générations, soit 20 à 25 millions d’années pour que l’évolution biologique construise les anthropomorphes actuels. C’est grâce à leur main préhensile que les précurseurs des hominiens ont pu apprécier les directions, les distances et situer l’endroit où ils se trouvaient. Cette « représentation centrale de l’espace » - comme dit Lorenz - permet non seulement aux hominiens de se mouvoir dans celui-ci, mais aussi de déplacer les objets de leur environnement. Ainsi, ils économisent un maximum d’énergie qu’ils dépenseraient s’ils agissaient de manière probabiliste en répétant maintes fois les mêmes gestes jusqu'à ce qu’ils trouvent celui qui correspond à l’objectif visé. De cette hominisation biologique se dégagent donc les conditions de la pensée raisonnée et de la fabrication méthodique d’outils. C’est ici qu’intervient une fois de plus l’analyse systémique : elle nous apprend que par une série d’interactions et de rétroactions, les paramètres qui ont donné naissance à l’hominisation se sont enrichis mutuellement et ont accru considérablement les aptitudes des espèces concernées. La sexualité et l’intégration familiale, la sollicitude parentale et la domestication sont des formes de sélection naturelle particulières, tandis que la réduction de l’instinct et la liberté d’action sont des modes de comportement qui se sont adaptés au cours du temps. Simultanément, la sélection a permis de corréler les expériences personnelles avec le monde réel en transmettant les connaissances de génération en génération. L’accumulation de celles-ci a amené l’homme à prendre conscience de ses potentialités cérébrales et de les utiliser comme puissance créatrice capable de modifier son environnement. À l’évolution biologique, s’est ainsi progressivement adjointe l’évolution culturelle. Ce n’est pas une raison pour nous prendre pour des « dieux » : nous ne sommes que des singes d’une espèce avancée Les moins stupides de notre espèce savent que par rapport aux autres animaux, les grands singes, par exemple, nous ne pouvons pas vraiment exalter notre supériorité. Leur potentiel expressif nous étonne et leur morphologie nous rappelle constamment nos ancêtres communs. Ne nous sommes-nous pas souvent posé la question de savoir ce qu’ils pourraient nous dire s’ils possédaient la capacité d’émettre des sons plus nuancés ? 88

Ibid, p.180-181-182

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L’homme, finalité de la création ou produit du hasard et de la nécessité ? L’homme partage avec les chimpanzés et les bonobos 98 pour cent de ses gènes. Selon Frans de Waal89,aujourd’hui, la discipline a tourné le dos aux approches dogmatiques et monolithiques du « tout génétique » ou du « tout apprentissage » et la vieille querelle entre l’inné et l’acquis est désormais périmée. La subjectivité a fait place à des bilans plus fiables et plus nuancés. De réputation sexuelle sulfureuse, les bonobos restent les moins connus des grands singes. Ils vivent dans la forêt tropicale du bassin du fleuve Zaïre (République démocratique du Congo), et l’on pense qu’ils n’ont jamais quitté leu pays d’origine. La population des bonobos est difficile à évaluer, compte tenu de la difficulté d’accès à leur territoire, mais on l’estime comprise entre 2500 et 10000. Même si l’on ajoute quelques centaines qui sont captifs dans les zoos européens et américains, l’espèce est fragile et menacée. Ces animaux ont la particularité de désamorcer leurs conflits par une activité sexuelle fréquente, intensive, hétérosexuelle et homosexuelle. Alors que les chimpanzés s’accouplent more canum ( à la manière des chiens ) les bobonos ont la particularité de relations sexuelles face à face, (more hominum, à la manière des humains) ; celles-ci étant favorisées par la localisation des organes sexuels de la femelle, plus entre les jambes que les chimpanzés. Société idéale ? On peut la qualifier de tolérante, sensible, intelligente. On peut s’étonner de ne pas voir les bonobos utiliser des outils dans leur milieu naturel ; les primatologues disent qu’ils n’en ont pas besoin. Cependant, de nombreux exemples prouvent que ces animaux sont capables d’empathie : ils se mettent parfois à la place de leurs congénères et leur viennent en aide90. Comme l’écrit le naturaliste E.O.Wilson : « Chez les animaux, ce sont les grands singes qui se rapprochent le plus de la vraie aptitude linguistique. (...) Leur champion s’appelle Kanzi, un bonobo, l’animal le plus intelligent qu’on ait observé en captivité. J’ai rencontré ce génial primate lorsqu’il était encore tout petit (...) J’ai joué avec lui et partagé un verre de jus de raisin, et j’ai été frappé par son attitude générale, étonnamment semblable à celle d’un enfant de deux ans. Des années plus tard, Kanzi a acquis un vocabulaire riche, avec lequel il indique ses désirs et ses intentions sur un clavier d’images-symboles. Il construit des phrases qui sont lexicalement, sinon grammaticalement correctes. Un jour, il a dit « Eau glace venir » (Donnez-moi de l’eau avec de la glace) et on lui a apporté sa boisson »91. Le fait que l’homme se serve d’un langage lui permettant de désigner des objets et d’exprimer des sentiments précis est un atout considérable. Et même si la plupart des animaux savent exprimer leur faim d’une manière ou d’une autre, ils savent difficilement désigner par leurs sons le type de nourriture qu’ils désirent. Cette propriété du langage a permis à l’espèce humaine de se distancer de plus en plus des animaux les plus évolués en transmettant de génération en génération les produits de sa pensée, comme les outils et ses expériences. C’est l’existence de la « tradition cumulative » et des outils qui ont permis à l’homme de devenir l’espèce dominante de tout le monde animal. Oserais-je répéter cette analogie qui provoqua jadis quelques sursauts parmi mes lecteurs : « L’homme est au chimpanzé ce que l’ordinateur de l’an 2000 est à celui des années soixante : un produit qui s’est développé davantage ». De même qu’il m’est impossible de passer sous silence cette réflexion que j’ai lancée à une étudiante après avoir attendu un temps certain la réponse à la question que je lui avais posée : « Même le Bonobo pourrait répondre à cela ! ». Il s’agissait d’une notion élémentaire de chimie et ma remarque fut mal acceptée. Mais, ce que l’étudiante ignorait, c’est que je pensais vraiment - non pas qu’elle était un grand singe mais que le singe nommé Bonobo - s’il avait disposé d’un QCM en images-symboles - aurait répondu à cette question. L’homme n’est rien de plus qu’un organisme pensant, un produit de la nature qui a évolué plus que les autres produits. Le « Es denkt in mir » de Nietzsche, le « Cela pense en moi », c’est certes la tradition, mais c’est aussi l’organisation moléculaire biologique qui s’est complexifiée au point qu’elle a sécrété la pensée ou que celle-ci est co-présente depuis le début de la formation du cosmos. Si le chimpanzé, le gorille, le Bonobo et l’Ourang-Outang avaient une configuration du larynx différente de la nôtre, peut-être pourraient-ils aussi s’exprimer comme l’homme, et peut-être diraient-ils aussi « Es denkt in mir » ? De Waal, F., Lanting, F., Bonobos, le bonheur d’être singe, Fayard, Paris, 1999 Voir article de Michel Febvre dans Pour la science de mars 2000(édition française de Scientific American), 91 Wilson, E.O., op. cit., note n°50, p.172-173 89 90

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L’homme, finalité de la création ou produit du hasard et de la nécessité ? Alors que les ressemblances morphologiques entre les hommes et les grands singes représentent 60 pour cent des caractères étudiés, les biologistes moléculaires ont constaté que, sur l’ensemble du génome humain, un pour cent seulement des gènes était différent du génome des singes. Mais, petites causes, grands effets. On constate que l’évolution morphologique est contrôlée par les gènes « architectes », qui décident de la vitesse et donc de la durée du développement des espèces. Cette découverte est révolutionnaire si on la compare à l’ancienne conception synthétique du milieu du XXe siècle qui associait de petites différences morphologiques à de faibles mutations et de grandes différences morphologiques à des milliers de mutations. Devenons-nous remuants comme de simples fourmis ? N’est-ce pas là le comble des hommes machines ? L’observation due au major Hingston mérite d’être rappelée parce qu’elle illustre l’orientation finalisée de l’action collective des fourmis dans l’enlèvement d’une proie d’une certaine dimension. « Lorsqu’on jette un peu de nourriture à une fourmi de l’espèce Cremastogaster auberti qui vit sur les figuiers de la région de Bagdad, on la voit immédiatement se diriger vers le nid et revenir avec une équipe. Après avoir découvert l’endroit où se trouve le butin, l’équipe forme un cercle autour, le dépèce et l’emporte par fragments dans le nid. Si l’on coupe une sauterelle en trois fragments - le premier ayant une longueur de 5 millimètres, le deuxième étant deux fois plus grand que le premier, et le troisième trois fois plus grand que le deuxième - et que l’on dépose les trois fragments devant trois fourmis se trouvant sur le même arbre, mais en des points différents, toutes trois se précipitent vers le nid. Chacune dépêche une équipe vers son fragment. L’expérimentateur les laisse seules pendant dix minutes, après quoi il compte le nombre de fourmis faisant partie de chaque équipe : elles sont 28 devant le petit fragment, 44 devant le fragment de longueur intermédiaire et 89 devant le plus grand. En gros, chaque nombre est le double de celui qui le précède, autrement dit à peu près proportionnel aux dimensions du fragment. L’action collective de Crematogaster auberti est censée manifester selon l’auteur, une certaine forme d’estimation ‘intelligente » du travail à effectuer. Sans discuter la légitimité de ce qualificatif, il est indubitable que le comportement observé suppose que les fourmis recruteuses ont transmis à la collectivité une information différentielle au sujet du but à atteindre : elles ont mémorisé et transmis au groupe une donnée extérieure au moyen d’un code particulier. La finalisation est donc évidente. La dépersonnalisation des hommes au profit de quelques-uns Certes, les expériences du XXe siècle ont rendu compte d’échecs cuisants dont les répercussions sont encore fortes aujourd’hui. C’est le cas du communisme pratiqué par une Nomenklatura qui n’a fait que reproduire un système aliénateur et aussi totalitaire que la monarchie tsariste qu’elle avait supprimée. Les moules de la vanité et du pouvoir ont vite fait de se renouveler au cours du temps. Leurs formes sont différentes, mais les modèles qui en sortent sont coulés dans la même matière dont les principes fondateurs privilégient tôt ou tard une extrême minorité. Ce que l’on peut croire sincère fait trop souvent place aux égoïsmes, aux pouvoirs despotiques, aux intérêts personnels qui finissent par prévaloir sur le fond. Marx et Jésus, à un moment ou à un autre, ont été trahis par des hommes qui les ont pris en otage pour bâtir le système qui convenait à leurs propres intérêts. Au vingtième siècle, Mao Tse-Toung et ses successeurs ne cherchaient pas un marxisme universel, mais le leur. Les différences entre les particularismes ont souvent un rôle plus important que les similitudes au niveau du système global. C’est aussi la raison pour laquelle la papauté lutta longtemps pour refuser un christianisme universel qui fût différent de celui qu’elle voulait. Mais, aujourd’hui, la majorité des particularismes s’accordent à accepter la pensée économique et sociale actuelle comme étant la seule capable de rendre aux hommes le bonheur de vivre. Il n’est pas rare que des personnes prétendant se battre pour le social soient elles-mêmes minées par la pensée unique et par la nécessité de trouver en l’humain un gisement égoïste plutôt qu’une finalité partagée. C’est souvent le cas dans cette guerre économique que nous vivons de manière permanente depuis bientôt trente ans où de nombreux dirigeants d’entreprise et leurs cadres sont appelés à « dégraisser » les structures qu’ils ont en charge en se débarrassant le plus possible de leur inutile contenu : les hommes et les femmes.

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L’homme, finalité de la création ou produit du hasard et de la nécessité ? Il faut, en permanence, nous protéger d’insidieux courants d’idées toujours prêts à tuer dans l’œuf les puissances novatrices qui visent le bien-être humain, car il est trop facile de discréditer le bon sens et de qualifier d’utopie ce que nous refusons d’envisager. Évidemment, toute la question est de mettre d’accord su cette notion toute relative qu’est le « bienêtre ». La politique des fournis dont il vient d’être question est évidemment contrôlée par leur reine et il n’est pas rare d’entendre des dirigeants humains articuler des phrases qui vont jusqu’à prôner la dépersonnalisation des hommes qu’ils ont à gérer, ce qui donne à chacun de ceux-ci un sentiment de puissance dans l’abandon de soi pour un système qui l’englobe. Dans cet ordre d’idées, j’ai lu dans un journal d’entreprise les paroles d’un directeur qui disait : « Nous sommes parvenus à instaurer un système où il n’y a pas de cloisonnement hiérarchique. Personne n’est au service de personne, tout le monde peut se faire aider par tout le monde ». Ces paroles sonnent d’autant plus faux que celui qui les a prononcées voulait au contraire se faire remarquer et donc s’individualiser en dissimulant dans l’ombre la masse de ceux qui l’avaient aidé à atteindre ses propres objectifs dont celui – qui n’était pas le moindre – de réussir personnellement. Mais il faut savoir que de telles paroles animent les hommes-fourmis. La plus grande connaissance actuelle est de se dire que nous ne connaissons rien Pendant des milliers de millions d’années, l’univers que nous connaissons aujourd’hui était sans vie. Celle-ci, au début du XXIe siècle, nous paraît insignifiante du point de vue de l’espace qu’elle occupe dans le cosmos, et infiniment récente par rapport au moment où a eu lieu le Big Bang. En partant du Purgatorius, le premier primate répertorié à ce jour, qui vivait il y a 70 millions d’années, puis en passant par le Ramapithecus (il y a 14 millions d’années), l’évolution a engendré les Australopithecus (il y a cinq millions d’années pour Australopithecus anamensis et trois pour l’Australopithecus africanus). Puis l’Homo Habilis (2 millions d’années), l’Homo Erectus (1 million d’années) et enfin l’homme actuel, l’Homo Sapiens Sapiens (il y a 100.000 ans). En cette fin de millénaire, il ne se passe pas un jour sans que nous apprenions quelque chose de neuf sur nos ancêtres. Et d’ailleurs, nous qui parlons volontiers de millions d’années en paléontologie et de millions sinon de milliards d’années-lumière en astronomie, interrogeons-nous sur la fragilité de nos connaissances, puisqu’il y a cent ans à peine que nous avons commencé à comprendre comment se transmettaient nos caractères héréditaires à notre descendance. Nous ne sommes donc qu’à l’aube de l’histoire des hommes et les théories élaborées depuis cent ans ne peuvent avoir la prétention de tout expliquer. La plus grande connaissance actuelle est de se dire que nous ne connaissons rien. Dans les sous-chapitres précédents, nous avons tiré la sonnette d’alarme sur les comparaisons faciles qu’on pouvait faire entre certains comportements de l’homme et de la société, d’une part, des molécules et des états de la matière, d’autre part. Nous avons averti le lecteur de l’indispensable prudence dont il fallait faire preuve lors de telles comparaisons. Certes, la « consilience » apporte des éléments neufs capables de « redonner vigueur aux humanités moribondes »92 et notamment en encourageant de rapprocher les disciplines scolaires de telle manière que le cloisonnement actuel entre elles disparaisse au profit d’une créativité nouvelle. Il faut oser supprimer les frontières intellectuelles pour acquérir une vision complète du monde. Sinon tout est fragmentaire et bancal. Mais ce n’est pas non plus une raison pour conditionner une science par une autre et en cela la sociobiologie doit prendre garde de se référer à des options qui relèvent trop de l’objectivité cartésienne. Le naturaliste E.O. Wilson estime que les sciences humaines et médicales sont toutes deux confrontées à des problèmes urgents et il se rend compte que les premières ne se développent pas aussi vite que les deuxièmes. Pourquoi ? se demandet-il, et il répond : « Les médecins s’appuient sur les fondements cohérents fournis par la biologie moléculaire et cellulaire (...) et sur les spécialistes des sciences sociales qui refusent Terme anglais rare proche de celui de « cohérence » utilisé par E.O.Wilson dans « L’unité du savoir », et qui exprime bien le caractère de concilier différentes disciplines apparemment étrangères les unes aux autres. Op. cit. 92

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L’homme, finalité de la création ou produit du hasard et de la nécessité ? l’idée selon laquelle la connaissance est régie par un ordre hiérarchique, conviction qui unit et anime les sciences de la nature. (...) Les spécialistes des sciences sociales dans leur ensemble ont négligé les fondements de la nature humaine et ils ne se sont guère intéressés à ses origines »93 « Les utopies sont prises en considération par les sciences sociales, ce qui n’est pas vrai pour les sciences naturelles, et les utopies doivent bien sûr être fondées sur des tendances existantes. Bien que nous soyons persuadés maintenant qu’il n’y a pas de certitude future, et qu’il ne peut y en avoir, des conceptions du futur peuvent cependant influencer la façon dont les humains agissent dans le présent. L’Université ne peut s’abstenir d’un tel débat dans un monde où, la certitude étant exclue, le rôle de l’intellectuel change forcément et l’idée d’un scientifique neutre est sévèrement remise en question (...) Nous venons d’un passé social de certitudes conflictuelles, qu’elles soient reliées à la science, à l’éthique, aux systèmes sociaux, pour arriver dans un présent de questionnement considérable, incluant même le questionnement sur la possibilité intrinsèque des certitudes. Peut-être assistons-nous à la fin d’un type de rationalité qui n’est plus approprié à notre temps (...) Nous invitons les sciences sociales à s’ouvrir elles-mêmes à ces questions (...) La responsabilité d’aller au-delà de ces pressions immédiates ne revient pas uniquement à ceux qui travaillent dans les sciences sociales ; elle échoit aussi aux bureaucraties intellectuelles - administrateurs d’université, associations de chercheurs, fondations, agences gouvernementales - en charge de l’éducation et de la recherche. Il nous faut reconnaître que les principales questions que pose une société complexe ne peuvent être résolues en les décomposant en petites parties qui semblent faciles à maîtriser analytiquement, mais plutôt en tentant de traiter ces problèmes, de traiter les hommes et la nature dans leur complexité et leurs interrelations »94

93 94

Wilson, E.O., op. cit. p.21 Wilson, E.O., Ibid. p. 238-241

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Conclusion « Je n’ai jamais compris » écrivait Einstein « pourquoi la théorie de la relativité, dont la problématique est si éloignée de la vie quotidienne, avait pu trouver un écho aussi vivant et enthousiaste dans les couches les plus diverses de la population ». La réponse paraît simple : « la théorie de la relativité donnait à la physique théorique l’importance que la philosophie avait détenue jusque-là, et l’impression ne pouvait être qu’énorme chez tous les esprits éduqués ».95 La relativité est devenue incontestablement une merveilleuse construction intellectuelle, où le physicien fut et reste « l’archéologue de Dieu », certes le Dieu panthéiste, celui de Spinoza, prônant ainsi une théorie philosophique où l’esprit et l’univers ne font qu’un. Bien que je sois devenu professeur de mathématiques pour électromécaniciens, face à la théorie de la relativité générale je ne suis qu’un amateur soucieux de découvrir les mystères du cosmos. Au cours de la rédaction de cet ouvrage, j’ai pris conscience de l’abîme mathématique devant lequel je me trouvais.

Mais je me suis dit aussi qu’à soixante ans, il n’était pas trop tard pour le combler partiellement. C’est ma profession de foi actuelle et c’est ma manière à moi aussi de faire des fouilles dans Dieu. Max Born prononça un discours lors du cinquantième anniversaire de l’annus mirabilis : « Les fondations de la relativité générale m’apparaissaient alors, et encore aujourd’hui, comme le plus grand exploit de la pensée humaine quant à la Nature, la plus stupéfiante association de pénétration philosophique, d’intuition physique et d’habileté mathématique. Mais ses liens à l’expérience étaient ténus. Cela me séduisait comme une grand œuvre d’art que l’on doit apprécier et admirer à distance »96

Sugimoto, K., Albert Einstein, Bibliographie illustrée, Belin, traduct. française, 1990, p.167 Physics and Relativity, dans Fünfzig Jahre Relativitätstheorie, Bern, 11-16 Juli 1955, Verhandlungen, A.Mercier et M. Kervaire éds., Helvetica Physica Acta, Supplement 4, 244-260 (1956) 95 96

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Conclusion Et T.Damour écrit97 : « Aujourd’hui, cent ans après l’annus mirabilis, la situation est très différente. La relativité générale joue un rôle central dans un large domaine de la physique, allant de la cosmologie primordiale à la physique des trous noirs (…) Elle a même des applications pratiques quotidiennes via les systèmes de positionnement par satellite (comme GPS et bientôt son système européen Galileo). Beaucoup de projets expérimentaux amitieux (et coûteux) visent à la tester (…) ou l’utilisent comme outil pour déchiffrer l’univers lointain (…) Loin est donc le temps où ses liens à l’expérience étaient ténus. Cependant, il est remarquable de constater que la fascination, évoquée par Born, pour la structure et les implications physiques de la théorie reste entière. » A côté de l’émerveillement des découvertes d’Einstein, n’oublions surtout pas la contribution pacifiste du savant, même s’il a contribué au « progrès » qui aboutit à la bombe atomique. Puissent les derniers mots d’Einstein, écrits en avril 1955, inspirer chacun de nous : « En matière de vérité et de justice, il n’y a pas de petits ou de grands problèmes, tout est de même importance quand il s’agit de l’humain. A celui qui ne prend pas la vérité au sérieux sur les sujets peu importants, on ne saurait faire confiance sur les grands »98 Souvenir d'un cours de physique sur les lois de Lenz.

Leduc Michèle., directrice de la collection Savoirs actuels, Einstein aujourd’hui par Aspect Alain, Bouchet François, Brunet Eric, Cohen-Tannoudji Claude, Dalibard Jean, Damour Thibaut, Darrigol Olivier, Derrida Bernard, Grangier Philippe, Laloë Franck, Pocholle Jean-Paul …CNRS Editions , EDP Sciences, Paris, 2005, p.316. 98 Ibid 30 97

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Glossaire99 Absolu Identique dans tous les référentiels Absolu (espace) Conception de Newton de l’espace à trois dimensions dans lequel nous vivons selon laquelle la notion de repos absolu a un sens. Dans cet espace absolu, les longueurs des objets ne dépendent pas du mouvement du référentiel dans lequel elles sont mesurées Absolu (temps) Conception de Newton du temps comme universel, tout le monde s’accordant sur la simultanéité des événements et sur l’intervalle de temps entre deux événements. Big Bang Explosion à l’origine de l’univers Big Crunch Hypothèse de l’étape finale de l’effondrement de l’univers sur lui-même Bombe atomique Une bombe dont l’énergie explosive vient de la réaction en chaîne de fission d’uranium 235 et de plutonium 239. Constante de Planck Constante fondamentale (symbole h) qui intervient dans les lois de la mécanique. Elle vaut 6,64.10-34 joules Contraction des longueurs Contraction de la longueur d’un objet résultant de son mouvement par rapport à un observateur qui mesure cette longueur. Cette contraction n’apparaît que dans la direction du mouvement. Courbure de l’espace et du temps Propriété de l’espace ou de l’espace-temps qui le conduit à violer les notions de géométrie d’Euclide ou de Minkowski : les lignes droites initialement parallèles peuvent finir par se croiser. Propriété de l’espace-temps qui conduit des particules en chute libre suivant des lignes d’univers initialement parallèles à se rapprocher ou à s’écarter. Courbure de l’espace-temps et forces de marée sont synonymes. Déviation de la lumière Déviation de la direction d’un rayon lumineux quand il passe à proximité du Soleil ou d’une autre masse. Cette déviation est due à la courbure de l’espace-temps autour de cette masse. Effet photoélectrique Effet par lequel un métal, soumis à un essaim de photons de fréquence précise, libère des électrons. Evénement Point sans l’espace-temps, c’est-à-dire une position dans l’espace à un moment donné. Cela peut aussi être quelque chose qui se passe en un point de l’espace-temps, par exemple, l’explosion d’un pétard. Galaxie Rassemblement de plusieurs milliards d’étoiles orbitant autour d’un centre commun. Les galaxies ont un diamètre de l’ordre de 100.000 années lumières. Matrice Une structure mathématique ayant la forme d’un tableau comprenant des rangées et colonnes. Mécanique ondulatoire Forme initiale de la théorie quantique, créée en 1924 par Louis de Broglie, selon laquelle à toute particule en mouvement est associée une onde périodique. Mécanique quantique Lois de la physique qui gouvernent le royaume de l’infiniment petit (atomes, molécules, électrons, protons) et qui sont aussi sous-jacentes au royaume de l’infiniment grand quoi qu’elles s’y révèlent rarement. La mécanique quantique prévoit des phénomènes tels que le principe d’incertitude, la dualité onde-particule et les fluctuations du vide.

Définitions provenant de Thorne Kip S.., Trous noirs et distorsions du temps, ‘L’héritage sulfureux d’Einstein", Flammarion, Paris, 1997, pages 587 à 602 99

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Glossaire Photon Particule de lumière associée par la dualité onde-particule aux ondes électromagnétiques. Relativité générale Ensemble des lois d’Einstein de la physique dans lequel la gravitation est décrite par une courbure de l’espace-temps. Relativité restreinte Ensemble des lois d’Einstein de la physique en l’absence de gravitation Référentiel d’inertie Référentiel qui ne tourne pas et sur lequel aucune force extérieure n’agit. Le mouvement d’un tel référentiel est uniquement dû à sa propre inertie. Simultanéité (relativité de la) Fait que les événements qui sont simultanés dans un référentiel ne le sont pas dans un autre en mouvement par rapport au premier. Tenseur : c’est la généralisation mathématique de l’idée d’un seul vecteur à un système qui contient plusieurs vecteurs à la fois. Tenseur de courbure d’Einstein : la construction mathématique utilisée par Einstein pour décrire la partie de la courbure de l’espace-temps. Tenseur d’énergie impulsion : Einstein savait qu’il ne pouvait pas seulement utiliser la densité de masse comme source unique de la gravité. Aussi, introduisit-il un tenseur exprimant la densité de masse et la pression. Ce tenseur tient compte à la fois de la matière et de l’énergie Tenseur métrique : la structure mathématique qui permet de calculer les distances dans un espace courbe. Il peut être représenté par une matrice de valeurs qui peut changer de place en place.

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Biographie des archéologues de Dieu Bohr, Niels, (1885-1962) est né à Copenhague, Bohr entre en 1912 au laboratoire de Rutherford à Manchester. La théorie de Bohr sur la structure atomique, pour laquelle il recevra le prix Nobel de physique en 1922, est publiée entre 1913 et 1915. Son travail s’inspire du modèle de l’atome de Rutherford, dans lequel l’atome est considéré comme formé d’un noyau compact entouré d’un essaim d’électrons. En 1916, Bohr rejoint l’université de Copenhague pour y travailler comme professeur de physique. Son institut deviendra, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, le centre d’une activité théorique remarquable et verra naître les développements les plus féconds de la théorie quantique. Pendant cette même période, Bohr est aussi invité comme professeur dans de nombreuses universités. En 1939, il se rend compte de l’importance des expériences de fission. Aux États-Unis, lors d’une conférence, il convainc les physiciens de l’importance de ces expériences. Il démontre plus tard que l’uranium-235 est l’isotope de l’uranium qui subit la fission nucléaire. Il retourne alors au Danemark, où il est forcé de rester après l’occupation allemande du pays en 1940. Il finit cependant par s’enfuir aux États-Unis, où il participe à la réalisation de la première bombe atomique (projet Manhattan), à Los Alamos (NouveauMexique). Max Born (11 décembre 1882-5 janvier 1970) était un physicien et mathématicien allemand naturalisé britannique. Il a notamment joué un rôle important dans le développement de la mécanique quantique. Le prix Nobel de physique lui fut attribué en 1954. Sa véritable passion en physique fut la toute jeune théorie de la relativité d’Einstein. Il deviendra un ami proche du père de la théorie de la relativité

générale,

mais

leurs

opinions

divergeront

quant

à

l’interprétation de la mécanique quantique. Avec Heisenberg, il exposera sa vision de la théorie quantique, en opposition à celle d’Einstein, lors du mythique congrès Solvay en 1927. Congrès que beaucoup considèrent comme l’acte de fondation de la mécanique quantique Max Born avait émigré en Angleterre à cause du régime nazi. Devenu citoyen britannique il enseigna longtemps à l’université d’Edimburg avant de prendre sa retraite en Allemagne où il décédera en 1970. Marya Slodowska Curie est née à Varsovie en 1867. En 1891, elle étudie la chimie à la Sorbonne. En 1903 Marie Curie et son mari, Pierre Curie, partagent avec Becquerel le prix Nobel de physique. Marie Curie reçoit en 1911 un second prix Nobel, celui de chimie, est couverte d’honneurs et devient une personnalité mondiale. En 1994, l’élément de numéro atomique 96 sera appelé curium (Cm) en hommage à Marie et Pierre Curie. Albert Einstein a dit : « Madame Curie est, de tous les êtres célèbres, le seul que la gloire n’ait pas corrompu »

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Biographie des archéologues de Dieu De Broglie, Louis, duc de (1892-1987), physicien français qui a apporté une contribution essentielle à la théorie quantique avec ses études de la radiation électromagnétique. Il commence des études d’histoire à la Sorbonne. En 1924, il obtient le titre de docteur d’État avec une thèse relative à des Recherches sur la théorie des quanta. Influencé par les travaux d’Einstein, il y affirme que, de la même façon que les ondes peuvent se comporter comme des particules, les particules peuvent se comporter comme des ondes. Il propose, par exemple, qu’un électron peut se comporter comme une onde de longueur d’onde h / mv où h est la constante de Planck, m la masse et v la vitesse de l’électron. E. Schrödinger se servira des idées de De Broglie pour formuler sa théorie : la mécanique ondulatoire. De Broglie a été élu à l’Académie française en 1943, nommé professeur de physique théorique à l’université de Paris (1928), secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences (1942), et conseiller au Commissariat à l’énergie atomique (1945). Il a reçu le prix Nobel de physique en 1929 pour sa découverte de la nature ondulatoire des électrons (1924). Heisenberg, Werner, (1901-1976), physicien allemand né à Würtzburg, est l’un des fondateurs de la mécanique quantique, ami de Pauli à Munich et, avec Bohr, pilier de l’Ecole de Copenhague. Leur débat avec les partisans du déterminisme (notamment Einstein) durera jusqu’à nos jours. Il énonce en 1927 les relations qui stipulent qu’il est impossible de mesurer simultanément la position et la vitesse d’une particule : elles porteront son nom, le « principe d’incertitude d’Heisenberg ». Ces travaux valent à Werner Heisenberg le prix Nobel de physique en 1932. Il professe à l’Université de Leipzig. Sans grand enthousiasme, il tente de construire un générateur d’énergie nucléaire… Avec le recul du temps, il apparaît bien comme un des principaux créateurs de la connaissance nouvelle du monde physique.

Lorentz, Hendrik Antoon, (1853-1828), « Lors du changement de siècle, tous les physiciens théoriciens le considéraient comme leur maître et leur guide » ; C’est ce que dira Einstein de Lorentz. Lorentz maîtrise déjà l’allemand, l’anglais et le français en entrant à l’Université de Leyde où il ne reste que deux ans. Prix Nobel en 1902, il réussit à montrer en 1904 que les équations de Maxwell restent invariantes par rapport à une transformation des coordonnées de l’espace et du temps ; un an plus tard, Einstein étend cette condition d’invariance sous une « transformation de Lorentz ».

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Biographie des archéologues de Dieu

Pauli, Wolfgang, (1900-1958), est un physicien né à Vienne. « Fils spirituel d’Einstein », lié avec Heisenberg, il se forme à Munich et à Copenhague, chez Bohr. Après avoir rédigé, à l’âge de 20 ans, un exposé remarquable sur la théorie de la relativité, il participe à l’élaboration de la mécanique quantique. Vers 1925, il formule le

principe d’exclusion qui porte son nom et pour lequel il reçoit le prix Nobel de physique en 1945 : principe fondamental selon lequel deux fermions identiques, tels que des électrons, ne peuvent pas occuper le même état (état d’énergie) dans un atome. Ce principe justifie en partie les régularités de la classification périodique. En 1931, il introduit une particule

nouvelle, le neutrino. Il fallut attendre vingt-cinq ans pour voir la confirmation expérimentale de l’existence du neutrino.

Planck, Max, (1858-1947), est né à Kiel (Nord de l’Allemagne). Après l’Université, en mathématiques et en physique, à Munich.Le problème du « corps noir » est insoluble par la mécanique classique, qui professe que la nature de fait pas de « saut ». Planck émet, presque malgré lui, une hypothèse révolutionnaire : les échanges d’énergie s’effectuent de façon discontinue. Il crée ainsi la théorie du « quantum élémentaire d’action », d’où l’adjectif « quantique ». La constante « h » en est la base. Elle sera d’ailleurs appelée « constante de Planck ». Il reçoit en 1918 le prix Nobel de physique. La théorie se développe plutôt sous l’action de Bohr et Schrödinger, car Planck lui-même tourne son intérêt vers la « relativité » d’Einstein, qu’il défend comme il défend d’autres collègues juifs, sous la férule d’Hitler. Il avait perdu un premier de ses fils pendant la première guerre mondiale et il perd le dernier dans la répression qui suit l’attentat contre Hitler en 1944… Poincaré, Henri, Jules (1854-1912), mathématicien, astronome, théoricien et philosophe des sciences, influença la cosmologie, la relativité et la topologie. Poincaré suivit, de 1872 à 1875, l’Ecole Polytechnique de Paris où il obtint des succès mathématiques. Il obtint un doctorat à l’Ecole Supérieure des Mines en 1879 grâce à une thèse sur les équations différentielles. En 1881, il devint professeur à l’Université de Paris à l’âge de 30 ans. En 1889, le roi de Suède lui décerna un prix pour sa contribution à la théorie des orbites. En 1906, il fut élu président de l’Académie des Sciences et en 1908, membre de l’Académie française. Comme le fit Minkowski, Poincaré contribua à l’explication de l’espace-temps

Schrödinger, Erwin, (1887-1961) est né et mort à Vienne. Il a une carrière brillante lais troublée par deux guerres : officier d’artillerie, professeur à Iéna, Stuttgart, Breslau, Zurich, Berlin, Edimbourg, retour à Graz(Autriche), exil à Dublin jusqu’en 1956. Il reste un philosophe qui pense que « la forme remplace aujourd’hui la substance ». Le sommet de cette carrière se situe en 1926, quand il complète la mécanique ondulatoire créée par Louis de Broglie et lui donne une base mathématique abstraite en établissant une équation d’onde qui portera son nom. En 1933, Schrödinger partage le prix Nobel de physique avec Dirac.t

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Annexe mathématique Explicat ion 1. L’effet photoélectrique. 1. Est-ce que la surface du cuivre (travail d’extraction=4,4 eV) émettra des photoélectrons si elle est illuminée par de la lumière visible ? La longueur d’onde du seuil (WA=0) se déduit de :

Ecin  hf  WA

d’où

Ecin  hf

et

Ecin  hf 

hc

Réponse à la question posée :



hc (6,63.1034 J .s )( 2,998.108 m / s )   282nm E 4,4(1,602.1019 ) J

Conclusion : la lumière visible (de 400 à 700 nanomètres) ne peut pas extraire de photoélectrons du cuivre 2. Pour être en mesure de briser une liaison chimique dans les molécules de la peau humaine et causer ainsi des coups de soleil, un photon doit avoir une énergie d’environ 3,50 eV. A quelle longueur d’onde cela correspond-il ?

hc (6,63.10 34 J .s )( 2,998.108 m / s )    354nm E (3,50eV )(1,602.10 19 J / eV ) Conclusion : les rayons ultraviolets sont responsables des coups de soleil. Explication 2. Le paradoxe des jumeaux L’horloge du vaisseau spatial, vue par le jumeau, qui est dans l’espace, donne une durée de voyage de 6 années. Le jumeau qui est resté sur Terre voit son frère vieillir de 6 années, mais son horloge lui indique qu’un temps de 18 années s’est réellement écoulé ; par conséquent, la vitesse à laquelle a voyagé le jumeau spatial est de :

t'

t 

18 

v2 1 2 c 6

1

d’où l’on tire

v2 c2

v2 = 1- 0,111 et v = 0,943c = 2,83.108 m/s c2

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Annexe mathématique Explication 3. Exemple de conversion entre masse et énergie Envisageons un exemple d’application. Le Soleil rayonne de l’énergie de manière isotrope dans toutes les directions. Au niveau de la Terre(r=1,50.1011m), la puissance délivrée par le rayonnement solaire est de 1,4 kW/m 2. Quelle masse le soleil perd-il par jour par suite du rayonnement émis ? La surface d’une sphère centrée sur le Soleil et passant par la Terre est donnée par :

Surface  4r 2  4 (1,50.1011 m) 2  2,83.1023 m2 Sur chaque mètre carré de cette surface, le Soleil rayonne une énergie par seconde de 1,4kW. Par conséquent, l’énergie totale rayonnée par le Soleil par seconde est de :

Energie / s  (surface)(1400W / m 2 )  3,96.10 26W La quantité d’énergie rayonnée par jour (86400s) est de :

Energie / jour  (3,96.1026W ).(86400s / jour)  3,42.1031 J / jour En conclusion, la masse perdue par jour par le soleil est de : m 

E0 3,42.1031 joules   3,8.1014 kg 2 c (2,998.108 m / s ) 2

Explicat ion 4. Démonstration de la constance de la vitesse de propagat ion de la lum ière Maintenant que nous connaissons les transformations de Lorentz, reprenons le texte d’Einstein relatif à la constance de la vitesse de propagation de la lumière. « Il est facile de voir par l’exemple suivant comment la loi de propagation de la lumière dans le vide est, en vertu de la transformation de Lorentz, satisfaite aussi bien pour le corps de référence O que pour le corps de référence O’. Supposons qu’on envoie un rayon de lumière le long de l’axe positif des x et qu’il se propage conformément à l’équation x=ct, c’est-à-dire avec la vitesse c. Conformément aux équations de la transformation de Lorentz, cette relation simple entre x et t entraîne une relation simple entre x’ et t’. En effet, en substituant, dans deux équations de la transformation de Lorentz, à x la valeur ct : ( c  v )t x  vt devient x'  x'  v2 v2 1  1 2 c2 c t' 

vt c v2 1 2 c

t 

devient

t' 

v )t c v2 1 c2

(1 

d’où l’on obtient immédiatement en divisant :

x’=ct’ C’est conformément à cette équation qu’a lieu la propagation de la lumière. On voit ainsi que la vitesse de propagation est aussi par rapport au corps de référence O’ égale à c. Il en est de même pour les rayons lumineux qui se propagent dans une direction quelconque. »

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Annexe mathématique Explication 5. Qu’est-ce que l’espace-temps de Poincaré-Minkowski ? Approche anecdotique Soit un chauffard déambulant dans une grande avenue avec une plate-forme posée sur son toit dont une série de pétards éclate au moment où l’arrière du véhicule passe devant moi.100

Le déplacement du chauffard est repéré par un système d’axes dont l’abscisse correspondant au déplacement de la voiture. Le temps du chauffard et celui de l’observateur sont repris en ordonnée. A gauche, le graphique espace-temps dessiné par le chauffard avec les explosifs sur le toit. A droite, mon espace-temps, alors que je vois et entends l’explosion au moment où l’arrière du véhicule passe devant moi. Les verticales en pointillés représentent les lignes d’univers de l’avant et de l’arrière de la voiture. L’espace-temps perçu par le chauffard au moment de la détonation au moment de la détonation

L’espace du chauffard

L’espace-temps du chauffard perçu par l’observateur au moment de la détonation au moment de la détonation

L’espace de l’observateur

Dans le graphique de gauche, un déplacement horizontal correspond à un déplacement dans l’espace à un instant fixé. Le chauffeur fait corps avec le véhicule et ses pétards explosent en même temps. Quant à l’observateur fixe, il constate que les explosifs n’explosent pas en même temps De son point de vue le pétard arrière, plus proche de lui, explose avant le pétard le plus en avant. Thorne101 poursuit son expérience de pensée en prenant cette fois des chiffres précis. En voici le résumé. Vous conduisez une voiture de sport, dont la longueur est de 1 Km et qui roule à 162.000 Km/s (soit 54% de la vitesse de la lumière). Au moment où l’arrière de votre voiture passe devant moi, le pot d’échappement pétarade et émet une bouffée de fumée. Cet événement est noté B sur les diagrammes. Thorne Kip S., Trous noirs et distorsions du temps, ‘L’héritage sulfureux d’Einstein), Flammarion, Paris, 1997, p.72 101 Thorne dessiné dans Schutz Bernard, Gravity from the ground up, an introduction guide to gravity and general relativity, Cambridge University Press, 2003, p.322 100

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Annexe mathématique Vous entendez deux microsecondes plus tard (2 millionième de seconde) un pétard à hauteur de votre pare-chocs avant. Cet événement est noté D sur les diagrammes. Nous ne sommes pas d’accord ni sur les intervalles de temps entre la bouffée et la détonation, ni sur la distance qui les sépare. Ecarts constatés Temps Distance Pour vous 2.10-6 s 1 Km Pour moi 4,51.10-6s 1,57 km Pourtant, malgré ces désaccords temporels et spatiaux, nous sommes tombés d’accord sur l’intervalle absolu le long de la ligne d’espace-temps qui sépare ces deux événements Explicat ion 6. Existence d’une distance absolue grâce au conte adapt é du livre de Taylor et Wheeler 102 par Thorne 103 Voici le résumé du livre de Thorne dont les phrases sont en caractères italiques. Chaque année, en juin, dans l’île Mledina, le jour le plus long de l’année, les hommes embarquent sur un navire et se rendent dans une île sacrée, nommée Serona, pour s’entretenir avec un énorme crapaud. Toute la nuit,

le crapaud les charmait d’histoires merveilleuses de galaxies et d’étoiles, de pulsars et de quasars. Et le lendemain, les hommes retournaient à Mledina, emplis d’une inspiration qui les réconforterait pendant toute une année. Chaque année, en décembre, pendant la nuit la plus longue de l’année, les femmes se rendaient à Serona pour s’entretenir avec le même crapaud pendant toute la journée durant et revenaient la nuit suivante, elles aussi pleines d’inspiration et de réconfort. Ni les femmes ni les hommes ne pouvaient pas raconter les événements pendant leur voyage ni ce que leur avait dit le crapaud.

A l’automne de 1905, un jeune homme radical de Mledina, nommé Albert104, qui se préoccupait peu des tabous de sa culture, découvrit et montra deux cartes sacrées à tous les habitants de Mledina, hommes et femmes.Il s’agissait des cartes utilisée par la prêtresse, guide

des femmes et du prêtre guide des hommes lors de leur séjour à Serona. Cette trahison du serment des hommes et femmes de Mledina provoqua un grand choc, car les cartes n’étaient pas d’accord sur l’emplacement de Serona.Les femmes voguaient vers l’est pen-

dant 10 milles, puis vers le nord pendant 21 milles, tandis que les hommes voguaient vers l’est pendant 16,5 milles, puis vers le nord pendant 16,5 milles.

Beaucoup d’habitants prétendirent que les cartes étaient fausses, sauf un ancien de Mledina, nommé Hermann105, qui y croyait. Un jour de 1908, il découvrit la vérité : les hommes

de Mledina naviguaient en se dirigeant à la boussole, et les femmes en se guidant sur les étoiles. Les hommes repéraient le nord et l’est magnétiquement, les femmes par la rotation

de la Terre, qui faisaient tourner les étoiles au-dessus de leur tête. En arrivant à Serona, les deux directions empruntées par les hommes et les femmes faisaient angle de 20°. Hermann avait utilisé la formule de Pythagore : la somme des carrés des deux côtés de l’angle droite est égale au carré de l’hypoténuse (le côté le plus long) Taylor E.F. & Wheeler J.A., Spacetime Physics: Introduction to Special Relativity, (W.H.Freeman, San Francisco, USA,1992 103 Thorne Kip S.., Trous noirs et distorsions du temps , ‘L’héritage sulfureux d’Einstein), Flammarion, Paris, 1997, p.187 à 190. 104 Allusion à Albert Einstein 105 Allusion à Hermann Minkowski 102

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Annexe mathématique Pour les hommes, la ligne droite entre les deux îles était l’hypoténuse et cette distance était égale à 212  10 2  23,26milles

Pour les femmes, la ligne droite entre les deux îles était aussi égale à :

16,45 2  16,45 2  23,26milles L’histoire ne raconte pas comment les gens de Mledina, avec leur culture empreinte de tabous, réagirent à cette merveilleuse trouvaille. Conclusion : Tout comme il existe une distance absolue en ligne droite à la surface de la

Terre entre Mledina et Serona, il existe entre deux événements quelconques de l’espacetemps un intervalle absolu en ligne droite, calculable à partir d’une formule analogue à celle de Pythagore, en utilisant des longueurs et des temps mesurés dans n’importe quel référentiel, le mien ou le vôtre. C’est l’équivalent de cette formule de Pythagore, que j’appellerai la formule de Minkowski, qui découvrit ce dernier à découvrir l’espace-temps absolu.106 Ce qui surprend a priori dans la formule de Minkowski, c’est que les séparations au carré sont soustraites alors que chez Pythagore, elles s’additionnent. Utilisons la formule de Minkowski (expliquée en annexe pour quatre dimensions) et appliquons la au diagramme unidirectionnel correspondant à notre expérience de pensée : S 2  L2  c 2 (t ) 2  (X1 ) 2

Si S est la longueur du segment séparant deux événements spatiotemporels mais se produisant sur un trajet unidimensionnel, l’intervalle de temps pour le pilote, signalé sur le diagramme « votre espace » est :  t =2.10-6 seconde, d’où c  t = 0,6 km Mon intervalle de temps, signalé sur le diagramme « mon espace » est :  t =2.10-6 seconde d’où c  t = 1,35 km Etant donné que pour vous, le pilote, L=1Km et que pour moi il est de 1,57 Km, pour vous, S est égal à (1,0) 2  (0,6) 2  0,8Km ; pour moi, S est égal à (1,57) 2  (1,35) 2  0,8Km

Minkowski prouve que selon les observateurs, le temps et l’espace sont effectivement relatifs, mais qu’en fait l’intervalle d’espace-temps est absolu pour chacun d’eux. Toutefois, contrairement à Thorne qui, au risque de provoquer votre colère, ne vous explique pas la différence entre la formule de Minkowski et celle de Pythagore, permettez-moi de vous l’expliquer dans l’annexe mathématique reprise dans cet ouvrage. 106

Ibid,p.90

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Annexe mathématique Minkowski était le professeur d’Einstein au Polytechnicum de Zurich dont Einstein séchait les cours. « Lorsque Einstein publie la relativité, Minkowski occupe la chaire de mathématiques à l’université de Göttingen. Il découvre avec étonnement et admiration le travail de son ancien étudiant, qu’il avait toujours considéré comme un « fainéant » ; Dans L’article fondateur ? le traitement mathématique de la relativité est assez sommaire, il se résume, pour l’essentiel, aux transformations de Lorentz. Pour Minkowski ce continuum d’espace-temps pourrait être traité de façon beaucoup plus élégante. Les mathématiciens savent construire des espaces abstraits à plus de trois dimensions. Il imagine donc de faire passer l’espace-temps relativiste de l’algèbre à la géométrie en lui donnant la forme d’un espace quadridimensionnel » ’ Minkowski estime que cette construction n’est pas seulement un jeu mathématique, mais qu’elle correspond aux structures profondes du réel. A l’époque, Einstein considère qu’elle est inutilement compliquée et préfère s’en tenir à ses équations. Et voilà que, travaillant sur la gravitation, il découvre tout le parti qu’il peut tirer de ce formalisme. Ne colle-t-il pas au plus près de la réalité, comme le soutenait son vieux maître ? Sans les conceptions impor-

tantes de Minkowski, la théorie de la relativité générale serait peut-être restée dans les langes, reconnaîtra-t-il ».107 Explicat ion 7. Rappels m athémat iques ut iles à la compréhension du di agr amme de Minkowski. Qu’est -ce qu’une hyper bole ? Une hyperbole est le lieu géométrique des points dont les distances à deux points fixes ont une différence constante en valeur absolue (sans tenir compte des signes + et -). Les deux points fixes F et F’, appelés foyers sont situés sur l’axe des x à une distance égale à la demi diagonale du rectangle ayant pour côtés 2a et 2b. L’équation d’une hyperbole est la suivante : x2 y2  1 a2 b2

L’hyperbole ci-jointe a pour équation : x2 y2  1 9 16

Etant donné ses asymptotes sont perpendiculaires, elle est dite « équilatère ». Et dans ce cas,

Ou encore :

x2 y2  1 9 9 x2  y2  9

A partir de ce rappel mathématique précédent, analysons ce diagramme de Minkowki où l’on ne peut représenter que les mouvements à une dimension (le long de l’axe des X).108 Un événement est représenté par son point d’univers (x,t) dans un plan où l’on porte en abscisse le lieu x et en ordonnée son temps t. Les échelles des axes ont été choisies de telle manière qu’un mouvement à la vitesse de la lumière (x=c.t) soit représenté par une droite à 45°.

107 108

De Closets, François., Ne dites pas à Dieu ce qu’il doit faire , Seuil, Paris, 2004, p.202 Stöcker H., Jungt F., Guillaume G., Toute la physique, Dunod, 1999, p.146j

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Annexe mathématique Que signifie cette hyperbole de Minkowski ? 0n envisage en fait la trajectoire d’une particule sur un trajet unidimensionnel sur l’axe des x. L’hyperbole est le lieu des « points-événements » qui peuvent être atteints depuis l’origine des axes dans un temps propre de 5 mètres lumière par plusieurs particules se déplaçant unidirectionnellement à des vitesses différentes Les durées de déplacement des particules sont mesurées par un observateur fixe quand le temps propre de celui-ci a atteint 5 mètres lumière. Les durées se calculent à partir des transformations de Lorentz. On constate que le temps mesuré par l’observateur dans son propre système d’axes, est supérieur au temps propre des particules. Celle qui se déplace à la vitesse de 0,3c est enregistrée en un temps de 5,5 mètres lumière, et celle se déplaçant à la vitesse de 0,7c est enregistrée à 10 mètres lumière. Si ces particules étaient des cosmonautes voyageant à ces vitesses, ceux-ci constateraient que leur temps propre est inférieur au temps mesuré dans le système d’axe des terriens. Par conséquent, lors de leur retour sur Terre, ils découvriraient qu’ils ont moins vieilli que les terriens qu’ils retrouvent. La ligne d’univers d’une particule contient l’information nécessaire pour calculer sa vitesse. Le diagramme suivant montre que la vitesse entre deux événements est l’inverse de la pente de la ligne d’univers joignant les événements. Etant donné que le diagramme a pour ordonnée T=ct et pour abscisse x, et que la vitesse est égale à x/T, la pente est l’inverse de la vitesse : T/x.

T Ligne d’univers d’une particule en mouvement

T

X

x Toute droite passant par l’origine des axes représente la ligne d’univers d’une particule se déplaçant à la vitesse v dans la direction x. Ces droites ont pour équation T=1/vx Si v est exprimée en unités c (3.108 m/s), x est la distance parcourue en mètres et T est le temps écoulé depuis le départ en mètres lumière. Ce qui signifie que la ligne d’univers relative à la particule se déplaçant à la vitesse de la lumière c sera bissectrice de l’angle droit formé par les deux axes. En effet, dans ce cas, v=1, 1/v=1 et t=x. Si la particule a une vitesse inférieure à c (par exemple 0,7 c), T=1/0,7 x et l’angle formé par sa ligne d’univers avec l’axe des x est supérieur à 45°. A la limite, quand la vitesse tend vers zéro, 1/v tend vers l’infini et l’angle tend vers 90°, ce qui explique que l’axe T correspond à la ligne d’univers de l’observateur immobile. Etendons le diagramme ci-dessus dans les quatre quadrants de Minkowski. Que constatons-nous ? Si l’on envisage la trajectoire d’une particule sur un trajet unidimensionnel, avec une structure d’hyperboles équilatères où a=R, on constate que :

189


Annexe mathématique x2 y2  1 R2 R2

ou x  y  R où R est exprimé en fonction des unités x et y. Or, dans le schéma de Minkowski, « ct » est fonction de x et x est fonction de « ct ». Mathématiquement, à partir du schéma suivant, on peut conclure que le coefficient angulaire des droites en pointillés passant par l’origine des axes est égal à 1. Ce qui signifie que ces droites sont « bissectrices » des quadrants et asymptotes des courbes hyperboliques. Elles représentent la ligne de temps d’une particule se déplaçant à la vitesse de la lumière. Etant donné l’équation d’une hyperbole, on conclut que 2

2

2

ct  x  R et S’il existe, en plus des axes du graphique précédent, deux autres axes, « ct »’ et x’ mesurant respectivement la vitesse de propagation d’un autre mobile (en mètres lumière) et la distance parcourue par celui-ci dans la direction x’, on constate que : x 2  c 2t 2  R 2

2

2

ct=R et ct’=R. Autrement dit, comme on l’a vu précédemment, l’hyperbole couvrant les quadrants 1 et 2 est bien le lieu des « points-événements » qui peut être atteint depuis l’origine des axes en un temps propre (en mètres lumière) identique pour tous ces points dans leur propre système d’axes. Mais si l’on se place dans le système défini par les axes ct et x, on constate que le temps mesuré sur t’ s’est dilaté par rapport t. Cette constatation est vraie aussi pour la courbe hyperbolique relative au passé qui couvre les quadrants 3 et 4. Comment interpréter les courbes hyperboliques couvrant les quadrants 2,3 et 1,4 ? Etant donné que x=R et x’=R, ces courbes peuvent être considérées comme le lieu des « points événements » équidistants de l’origine des axes, pour des mobiles se déplaçant dans des directions différentes, comme c’est le cas des axes x et x’.

190

2

1

3

4


Annexe mathématique Explication 8. Qu’est-ce que l’espace-temps de Poincaré-Minkowski en 3D ? Approche mathématique Généralisons la structure géométrique euclidienne de l’espace ordinaire.

X3

X3

L

X1

X1 +1

X2 Si L est la longueur du segment séparant deux événements se trouvant dans le plan X1X3 cette distance peut se calculer comme suit : L2  (X 1 )2  (X 3 )2

Si le segment de droite se mesure par les 3 coordonnées spatiales, X1,X2 et X3, la longueur L séparant deux événements se calcule alors comme suit : L2  (X1 )2  (X 2 )2  (X 3 )2

X3

X3 L

X1 X2

X1 +1

X2

191


Annexe mathématique Mais nous voyons que la dimension temporelle n’est pas encore prise en compte. Il y a donc lieu d’introduire les moments du temps « quand se passent » ces deux événements séparés par d’une durée T=t.109 Si l’on appelle S l’intervalle entre les deux événements quadridimensionnels, alors :

(S ) 2  (X 1 ) 2  (X 2 ) 2  (X 3 ) 2  (X 4 ) 2 (S ) 2  L2  c 2 (t ) 2  (X 1 ) 2  (X 2 ) 2  (X 3 ) 2  c 2 (t ) 2 où c désigne la vitesse de la lumière (ou plus exactement la vitesse maximale de propagation des signaux)

Explication 9. Equations d’Einstein de la relativité générale Progressons maintenant vers les équations d’Einstein de la relativité générale à l’aide de nouveaux concepts mathématiques.Comme l’écrit Einstein110 : « C’est que nous avons de bonnes raisons de penser que l’espace de Minkowski « libre de champ » représente un cas particulier normal possible, et certes un cas particulier le plus simple qu’on puisse imaginer.Un tel espace est, en ce qui concerne sa propriété métrique, caractérisé par le fait que :

dx1  dx 2  dx3 2

2

2

est le carré de la distance spatiale, mesurée avec une règle, de deux points infiniment voisins d’une section transversale tridimensionnelle d’un caractère spatial (théorème de Pythagore) , tandis que dx 4 est l’intervalle temporelle, mesuré avec une mesure du temps appropriée, de deux événements ayant ( x1 , x2 , x3 ) en commun. Tout cela revient à ceci – comme il est possible de le montrer à l’aide de la transformation de Lorentz – que la grandeur

dS 2  dx1  dx 2  dx3  dx 4 2

2

2

2

a une signification métrique objective. (…) En soumettant maintenant cet espace, dans le sens du principe de relativité générale, à une transformation continue arbitraire quelconque des coordonnées, la grandeur significative objective est exprimée dans le nouveau système de coordonnées par la relation

dS 2  g ik dxi dxk

où il faut sommer par rapport aux indices i et k et par rapport à toutes les combinaisons 11,12 ;…jusqu’à 44. Les g ik ne sont pas maintenant des constantes, mais des fonctions des coordonnées, qui sont déterminées par la transformation arbitrairement choisie. Malgré cela, les g ik ne sont pas des fonctions arbitraires des nouvelles coordonnées, mais précisément des fonctions telles que la forme dS 2  g ik dxi dxk peut, par une transformation continue des quatre coor2 2 2 2 2 données, de nouveau être transformée en la forme dS  dx1  dx 2  dx3  dx 4 » Qu’est-ce que g ik ? Une matrice diagonale dont les seuls éléments non nuls sont g 00  1 et g11  g 22  g33  1 Dans cette équation, on a utilisé la convention de sommation d’Einstein (autrement dit, tout indice est supposé être sommé sur toutes ses valeurs possibles) La chrono-géométrie de l’espace-temps de Poincaré-Minkowski peut être visualisée en représentant autour de chaque point x de l’espace-temps le lieu des points qui sont séparés du point x par un intervalle (carré) unité, c’est-à-dire l’ensemble des points x’ tels que :

S xx '  g ik ( x'i  x i )( x'k  x k )  1 2

Leduc Michèle., directrice de la collection Savoirs actuels, Einstein aujourd’hui , page 270, CNRS Editions , EDP Sciences, Paris, 2005 110 Einstein, Albert., La théorie de la relativité restreinte et générale, traduit en français par Maurice Solovine pour Gauthier-Villars en 1923 ; Préface de Marc Lachièze-Rey, Dunod, Paris 2004, p.170. 109

192


Annexe mathématique Ce lieu est une hyperboloïde (unité) à une nappe.111 L’espace-temps représenté ici n’a que trois dimensions (une dimension temporelle représentée verticalement) et deux dimensions spatiales XY représentées horizontalement. On visualise aussi la ligne espace-temps représentant l’histoire du mouvement d’une particule.

Un rappel des équations des hyperboloïdes s’impose.

Appliquons la formule de base,

dS 2  g ik dxi dxk

dans le plan de la géométrie euclidienne. La distance « dl » entre deux points infiniment voisins de coordonnées cartésiennes (x1, x2) et (x1+dx1, x2+dx2) est donnée par la relation de Pythagore dl2 = dx1 2 + dx2 2 Si la surface n’est pas plane ou si le système de coordonnées n’est pas cartésien, la distance sera donnée en général par une relation de la forme : dl2 = g11 dx1 2 + 2 g12 dx1 dx2 + g22 dx2 2 où g11, g12 et g22 sont des coefficients éventuellement variables selon le point considéré.

X2 +dX2

dl X2 X1

X1 +dX1

De façon analogue, dans la géométrie de la relativité générale, les points x d’espacetemps sont repérés par quatre ordonnées X1, X2, X3 et X4 (avec X4 = ct), et la distance spatiotemporelle infinitésimale « ds » est donnée par la relation : 111

Einstein aujourd’hui, chapitre de Thibault Darmour, CNRS Editions , EDP Sciences, Paris, 2005, pages 207 à 319

193


Annexe mathématique ds2 = g11 dx1 2 + g12 dx1 dx2 + g21 dx2 dx1 +…..+ g34 dx3 dx4 + g43 dx4 dx3 + g44 dx4 2 (Expression qui peut être positive, négative ou nulle). Les coefficients g  (  ,=1,2,3,4). varient a priori dans l’espace et dans le temps : ce sont des fonctions du point x considéré. Ils définissent la métrique de l’espace-temps, dont la gravitation est la traduction physique. Le groupe de symétrie de cette chrono-géométrie est le groupe de transformation de coordonnées (X1,X2,X3,T) en (X1’,X’2,X’3, T’) laissant invariante la forme de l’intervalle S. On aboutit à la formule d’Einstein :

1 8G R  Rg   4 T 2 c



où G est la constante newtonienne de la gravitation, c la vitesse de la lumière, et R  g R  où R  est le tenseur de Ricci. T est le tenseur d’énergie impulsion. (Voir glossaire). Quant à  et , ce sont des indices permettant d’envisager 10 combinaisons différentes (Voir annexe mathématique et glossaire) Le membre de gauche de l’équation est relatif à la courbure de l’espace-temps ; c’est le tenseur de courbure d’Einstein. Le terme de droite correspond à l’énergie d’impulsion due à la matière, aux pressions et tensions. il est appelé tenseur d’énergie impulsion ( T ) A l’équation ci-dessus, Einstein proposa en 1917 qu’on ajoute au membre de gauche le terme   g  où  est une constante appelée constante cosmologique pour obtenir une solution cosmologique globalement homogène et stationnaire. Après la découverte de Hubble du mouvement d’expansion de l’ensemble des galaxies, et après les travaux de Friedmann, qui développa des solutions cosmologiques en expansion, Einstein rejeta ce terme Si nous remontons le temps de plus en plus loin vers l’origine de notre univers (en expansion), on constate que la distance séparant les points de l’espace tendait vers zéro et la densité de l’espace temps était infinie. On peut supposer qu’à une époque dans un passé fini :

LimR  0 t 0

et

Lim   t 0

C’est le big-bang qui est une conséquence nécessaire du principe cosmologique et de l’équation de gravité d’Einstein. Le rayon de l’univers, à son origine, il y a environ 15 milliards d’années était égal à zéro et la densité énergétique était maximale. La fameuse constante cosmologique d’Einstein Ni Einstein ni aucun de ses contemporains n’imaginaient encore un univers en expansion, mais, à cette époque, les a priori philosophiques défendaient la notion d’un univers qui restait semblable à lui-même. Pour contrebalancer l’attraction de la matière, Einstein modifia son équation de champ en incluant une constante cosmologique (  0) dont l’objectif était d’introduire une force répulsive permettant d’envisager un espace cosmologique statique. Cette constante cosmologique entraîne une accélération alors que la densité et la pression de tot entraîne une décélération. Friedmann aussi ajouta une constante cosmologique, mais pas pour démontrer que l’univers est statique, mais pour envisager diverses possibilités d’expansion dont il retiendra la dernière comme étant représentative de la situation actuelle. 

R 8G  k ( )2   tot   2 R 3 3 R

Avec R étant la distance entre deux galaxies ; G, la constante gravitationnelle(6,672.10-11), tot, la densité de la matière ; , la constante cosmologique et k, le signe de la courbure. La densité critique. Pour   0 et k  1 , l’univers commencera à se contracter après une phase initiale d’expansion. C’est ce qu’on appelle un univers fermé qui conduira au « Big Crunch ». Pour   0 et k  0 , l’univers est dit plat, il n’y a ni expansion ni rétraction. Pour   0 et k  1 , l’univers est dit ouvert, il y a expansion mais pas d’accélération. Pour   0 , l’univers est en expansion accélérée. C’est la nouvelle hypothèse confirmée au XXI e siècle.

194


Annexe mathématique Explication 10. Applications de la loi de De Broglie sur la mécanique ondulatoire Calcul des longueurs d'onde associées aux particules suivantes112

particule macroscopique: Balle de tennis, de masse 0,05 kg et de vitesse 40 m/s.

particule microscopique: Électron de masse = 9.10 –31 kg et de vitesse 107 m/s

valeur tout à fait mesurable qui correspond à la longueur d'onde des rayons X Explicat ion 11. La loi de Schr ödinger et le paradoxe du chat, à la fois mort et vivant. Un grand merci au Professeur Victor Desreux qui enseigna, à mon épouse et moi, la chimie physique pendant les sixties. Nous avons conservé de lui un excellent souvenir. Si je le cite ici, c’est parce qu’il m’a interrogé en 1966 sur l’équation de Schrödinger. Voici ce que je lui ai répondu : Le concept de dualité de la lumière d’Einstein présente un comportement à la fois ondulatoire et corpusculaire. Une fonction appelée fonction d’ondes (notée ) décrit les états d’une particule ou d’un système physique.  dépend de la position et du temps. Elle permet de déterminer des probabilités sur la position et sur d’autres grandeurs du système décrit. D’un point de vue strictement mathématique, celle-ci peut s’écrire sous la forme

t x   0 sin 2 (  ) T 

Si nous nous intéressons à la seule variable spatiale à un instant t déterminé, la dérivée seconde partielle de cette fonction d’onde par rapport à x se calcule comme suit : Fonction d'onde initiale

t x   0 sin 2 (  ) T 

Dérivée première: nous nous intéressons seulement à x

Dérivée seconde

112

Voir site scribd : https://fr.scribd.com/doc/21990580/9/I-Hypothese-de-Louis-de-Broglie

195


Annexe mathématique

= En tenant compte de la relation de De Broglie et de l'énergie cinétique 2mEk = m2v2 d'où

et



h  mv

=

h 2mEk

où m et v sont respectivement la masse et la vitesse de la particule, Ek son énergie cinétique, et h, et la constante de Planck, on déduit que :

1

2

m 2 v 2 2m 2m  2 E k  2 ( Etot  E p ) 2 h h h

après avoir remplacé l’énergie cinétique par la différence entre l’énergie totale et l’énergie potentielle

Ek  E  E p

Par substitution dans la relation de la dérivée seconde ci-dessus, on obtient finalement :

 2 8 2 m   ( Etot  E p )  x 2 h2 On associe à chaque orbitale atomique une forme et une énergie permettant ainsi de répondre aux deux questions absolument cruciales :  

Où ai-je une chance de trouver l’électron autour d’un atome ? Quelle est son énergie ?113 Victor Desreux fit ensuite allusion au « chat de Schrödinger » qui est une expérience épistémologique. On peut imaginer bien des expériences paradoxales, telle celle-ci : on enferme un chat dans un caisson blindé équipé de la machine infernale que voici (conçue de telle manière que le choix ne puisse la toucher) : dans un compteur Geiger se trouve une quantité très faible de substance radioactive, si minuscule que dans une période d’une heure, un des atomes va peut-être se désagréger et actionner un petit marteau qui brisera un flacon de cyanure. Si le système est laissé à lui-même une heure, on dira que le chat est toujours en vie si aucun atome n’est désagrégé entre-temps, mais qu’il est mort s’il y a eu une désintégration. La fonction ondulatoire de l’ensemble du système doit exprimer la double probabilité du chat vivant et du chat mort.

113

http://jlamerenx.fr/orbitales-atomiques/ Site Marcelin Berthelot

196


Annexe mathématique Explication 12 : Démonstration de la loi de Schrödinger indépendante du temps Partons de la formule de l'énergie totale égale à la somme de l'énergie cinétique et de l'énergie potentielle Et = Ecin + Epot

pot

On sait d'autre part que la quantité de mouvement p pour la particule est égale à m.v Elevons p au carré et divisons par 2m, on obtient Etot = Ecin + Epot

énergie cinétique

pot

L'énergie totale observable est souvent appelée l'Hamiltonien H Détermination de E en fonction de k (le nombre d'ondes)

k=

π

= nombre d'ondes sur une circonférence et

πf T étant la période de l'onde

et f, sa fréquence) E = hf où :

est la constante de Planck. et λ = c.T =

La relation de Planck-Einstein peut s'exprimer en termes de longueur d'onde : E=

λ

=

π

= ħck

avec : 

, la constante de Planck réduite ou constante de Dirac

, la vitesse de la lumière dans le vide,

On peut également attribuer un nombre d'onde à une particule matérielle d'impulsion moyenne utilisant la relation de de Broglie : λ = h/p = h/m.c

, en

=ik = or

ψ

et k = (il ne s'agit plus du h barré)

= ħk 197


Annexe mathématique ħ

=

=

or Etot = Ecin + Epot

pot

On multiplie les deux membres par Etot

= ħ

et or

Donc

pot

tot

+

tot

Ceci est l'équation de Schrödinger indépendante du temps. On l'écrit parfois

+

tot

pot

Explication 12bis : Démonstration de la loi de Schrödinger dépendante du temps Détermination de E en fonction de Envisageons maintenant l'impact du temps π

= π

π = 2π x

E=ħ

d'où

P= ħk d'où et repartons de la fonction d'onde et dérivons cette fois-ci par rapport au temps:

Etot=

ħ

Etot

=ħ Etot

Etot

198

=

car Etot=

=

= hf =

=

= k=

ħ

=


Annexe mathématique Substituons dans l'équation de Schrödinger

+

tot

pot

+

pot

Ceci est l'équation de Schrödinger dépendante du temps Si on remplace la constante de Dirac (h barre) par la constante de Plank (h), l'équation de vient

+

pot

la quantité « énergie cinétique + énergie potentielle » est appelée Hamiltonien du système, et notée H. En faisant la correspondance entre la grandeur physique H et l'équation aux dérivées partielles, on crée un opérateur noté

:

H= L'équation de Schrödinger s'écrit :

L'hamiltonien apparaît ainsi comme un opérateur agissant sur la fonction d'onde. En résumé: respectivement les deux équations de Schrödinger en fonction de l'espace et en fonction du temps

tot

+

pot

+

pot

199


Annexe mathématique En physique classique, une particule est décrite par sa position x. L’évolution de sa position (la trajectoire de la particule) est donnée par l’équation de Newton F = m.a (voir page 57) que l'on écrit mathématiquement en fonction de la dérivée seconde de l'espace en fonction du temps F (x,t) = m En physique quantique, en vertu de la dualité onde-corpuscule, la particule est maintenant décrite par une fonction d’onde Ψ(x, t) Que représente Ψ ? Nous donnons ici l’interprétation de Born. Cette interprétation relie la quantité Ψ(x)2 = Ψ(x)Ψ∗(x), (Ψ∗ = conjugué complexe de Ψ) à la notion de densité de probabilité de trouver la particule en x. La connaissance de Ψ(r, t) permet alors (dans l’interprétation de Born). 1.3 Equation de Schrödinger La question qui se pose est maintenant la suivante : si on poursuit le parallèle avec le mouvement d’une particule, il faut alors trouver une équation pour décrire Explication 12ter : Autre démonstration de la loi de Schrödinger dépendante du temps à partir de

La dérivée première indépendante du temps est La dérivée seconde indépendante du temps est

La longueur d'onde et la quantité de mouvement p de l'onde dans la relation de De Broglie sont liés comme suit :

Et l'énergie cinétique vaut par conséquent

En plaçant la valeur déduite de cette dernière relation dans la dérivée seconde précédente

200


Annexe mathématique

En remplaçant Ek (l'énergie cinétique) par Etot - Epot

Explicat ion 13 . Les nombr es quant iques et le pr incipe d'exclusion de Pauli. 114 1. Le nombre quantique principal : n Ce nombre quantique correspond dans le modèle de Bohr au numéro de la couche électronique. C’est donc un nombre entier n ≥ 1 et c’est aussi le numéro de chaque période (ligne) de la classification des éléments : n

1 2 3 4 5 6 7

Niveau K L M N O P Q On notera que n n’intervient que dans la com posante radiale de la fonction d’onde. 2. Nombre quantique secondaire : l Appelé aussi nombre quantique azimutal, il se définit par rapport à n : l est un nombre entier positif qui peut prendre les valeurs comprises en 0 et n - 1 : n - 1 ≥ l ≥ 0 

Pour n = 1 : l = 0,

pour n = 2 : l = 0 ou l = 1

pour n = 3 : l = 0 ou l = 1 ou l = 2

etc.

A chaque valeur de l correspond une "orbitale atomique", terme définit un peu plus tard. Cette orbitale atomique porte un nom : l

114

0

1

2

3

4

http://hrsbstaff.ednet.ns.ca/schof/chimie/chimie11/nombres_quantiques.htm

201


Annexe mathématique Orbitale atomique

s

p

d

f

g

3. Nombre quantique magnétique : m Il se définit par rapport à l : m est un nombre entier qui peut prendre (2.l + 1) valeurs encadrées en l et -l : +l≥m≥-l  Pour l = 0 : m = 0,  pour l = 1 : m = -1 ou m = 0 ou m = 1,  pour l = 2 : m = -2 ou m = -1 ou m = 0 ou m = 1 ou m = 2,  etc. A chaque valeur de (n, l, m) correspond une orbitale atomique (O.A): n 1

2

3

l 0

0

1

1

1

0

1

1

1

2

2

2

2

2

m 0

0

1

0

-1

0

1

0

-1

2

1

0

-1

-2

O.A. 1s 2s 2px 2pz 2py 3s 3px 3pz 3py

202

3dx²-y²

3dzx 3dz² 3dyz 3dxy


Annexe mathématique 4. Nombre quantique de spin : s Sa valeur pour l'électron est s = 1/2. Le moment cinétique de spin ms peut prendre deux valeurs : ms = 1/2 ; ms = -1/2 Si ms = 1/2, on a coutume de représenter l'électron par une flèche verticale orientée vers le haut : ↑. Si ms = -1/2, l'électron est représenté par une flèche verticale orientée vers le bas : ↓.

203


Annexe mathématique Explication 14 : Utilisation des quatre nombres quantiques Ces quatre nombres quantiques permettent de caractériser un électron dans un atome ou un ion. Dans le tableau périodique des éléments, également appelé table de Mendeleïev, se trouvent tous les éléments chimiques. Leur ordre séquentiel est basé sur le numéro atomique (nombre de protons croissant) et en fonction de leur configuration électronique, laquelle sous-tend leurs propriétés chimiques. Le tableau périodique a connu des réajustements depuis sa première version, tenant compte des découvertes effectuées au cours du dernier siècle. Il est devenu un référentiel universel où l'on découvre tous les types de comportements physique et chimique des éléments qui le composent. En novembre 2014, sa forme standard comportait 118 éléments. Aujourd'hui, chaque élément contient sa configuration électronique. Le Fer, ci-dessous, possède la configuration de l'Argon symbolisé [Ar], mais les orbitales extérieures possèdent respectivement le nombre quantique 3 et 4. Sur la couche 3, se trouvent 6 électrons qui gravitent sur une orbitale d. Sur la couche 4, se trouvent deux électrons qui gravitent sur une orbitale "s".

Les différentes formes d'orbitales ont déjà été abordées visuellement lors de l'explication 12. Après le principe d'exclusion de Pauli, nous sommes maintenant mieux à même de comprendre le tableau récapitulatif suivant: Signification originale

Nom

Nombre quantique secondaire

Forme

Quantité(2l+1)

Orbitale s

sharp

Boules symétriques

1

Orbitale p

principal

Haltère

3

Orbitale d

diffuse

Double haltère croisée (entre autres)

5

Orbitale f

fundamental

Rosace (entre autres)

7

Orbitale g

(continuation alphabétique)

?

9

Orbitale h

(continuation alphabétique)

?

11

204


Annexe mathématique Explication 15 : Ebauche de l'équation de Dirac et de l'existence de l'antimatière

= Conclusion

=

=

:

Nous différencions

de

lorsque l'énergie est positive ou négative et tenons compte de la

masse de l'électron

-

=0

+

=0

=

avec

=

avec

+

(Equation de Dirac en 1928)

Même équation avec

Solutions à cette équation Dans le développement de l'équation de Schrödinger, on a vu que :

et que Etot

d'où

=

=

ħ

ħ

=

=

c'est-à-dire

-

ħ

=

ħ

205



Bibliographie Atkins., P.,Chimie générale, Interéditions, Paris,1992 ARTE Production, Soirée THEMA sur Einstein, écrit et produit par Thomas Levenson, A Green Umbrella Production for BBC TV/WGBH Boston Auffray., J-P., Einstein et Poincaré. Sur les traces de la relativité, Paris, Editions Le Pommier, 1999 Bergia, Silvio., Einstein, le père du temps moderne, Belin, Pour la science, 2004 Bergson, H., L’évolution créatrice, Librairie Félix Alcan, Paris, 1920 Bergson, H., La pensée et le mouvant, Librairie Félix Alcan, Paris, 1934 Bollinger, Dominique., Miquel Philippe., Centre National de Documentation Pédagogique – Vidéo - Chercheurs de notre temps -Philosophie : Ilya Prigogine, 1998 Boutriau E., Boutriau J., Levens J., Savoir et savoir-faire en mathématiques, 6e année niveau A, H. Dessain Breuer Hans, Atlas de la physique, La Pochothèque, Le Livre de Poche, Paris,1997 Brisson, Luc.,Le mythe du Big Bang, dans Sciences et Avenir de juillet-août 1997, pages 12 à 18. Bueche, F.J.,Hecht, E.,Physique générale et appliquée, MacGraw-Hill International (UK) Ltd.1997 De Closets, François., Ne dites pas à Dieu ce qu’il doit faire, Seuil, Paris, 2004 de Duve, C., Poussière de vie, Fayard, 1996 Durand, Stéphane., La relativité animée, Belin ; Pour la science Einstein, Albert., La théorie de la relativité restreinte et générale, traduit en français par Maurice Solovine pour Gauthier-Villars en 1923 ; Préface de Marc Lachièze-Rey, Dunod, Paris 2004. Grundmann, S., Einsteins Akte (Wissenschaft und Politik-Einsteins Berliner Zeit), SpringerVerlag, Berlin, 2004 Hermann Joachim., Atlas de l’astronomie, La Pochothèque, Le Livre de Poche, Paris,1998 Hoffmann, Banesh., La relativité, histoire d’une grande idée, Belin, Pour la science. Houssier, Claude., La chimie pour les sciences de la vie (1ère partie) 1995 Infeld, Eryk., L’été indien d’Albert Einstein, dans “Les génies de la science, N°21 trimestriel novembre 2004-février 2005 » Journal La Dernière Heure du 19 avril 1955 Journal La Libre Belgique du 19 avril 1955 Journal Le Soir du 8 août 2002, p.15, Anton Vos, Albert Einstein et la théorie de la relativité

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Klein, Etienne, Heisenberg et le principe d'incertitude, Le monde existe-t-il quand o ne le regarde pas? Grandes idées de la Science,2014 Klein, Etienne, Schrödinger et les paradoxes quantiques, L'univers réside dans l'onde, Grandes idées de la Science,2014 Lachièze-Rey Marc.,Au-delà de l’Espace et du temps (La nouvelle physique) , Le Pommier,2003 Lapierre, J-W., L’analyse de systèmes - L’application aux sciences sociales - Labor, Bruxelles, 1992 Leduc Michèle., directrice de la collection Savoirs actuels, Einstein aujourd’hui par Aspect Alain, Bouchet François, Brunet Eric, Cohen-Tannoudji Claude, Dalibard Jean, Damour Thi-

207


Bibliographie baut, Darrigol Olivier, Derrida Bernard, Grangier Philippe, Laloë Franck, Pocholle Jean-Paul, CNRS Editions , EDP Sciences, Paris, 2005 Le Figaro Magazine N°965 du 24 avril 1999-La pensée d’Einstein a pesé sur l’Histoire Levy-Leblond, J-M., Un héros malgré lui, dans Sciences et Avenir de juillet-août 1997, pages 22 à 25 Ludvigsen, Malcolm., La relativité générale, Une approche géométrique, Dunod, Paris, 2000 par J.M. Levy-Leblond Moore Pete, Les grandes idées qui ont changé le monde, Acropole, septembre 2003 Pour la science, N°326 de décembre 2004, L’ère Einstein Reinhardt Fritz et Soeder Heinrich, Atlas de Mathématiques, La Pochothèque, Le Livre de Poche, Paris,1997 RTBF Liège et Blattchen, E., Emission Noms de dieux, Invité : I. Prigogine, diffusée le 23 novembre 1997 Schutz Bernard, Gravity from the ground up, an introduction guide to gravity and general relativity, Cambridge University Press, 2003 Science et vie, N°63 de juillet 1922, Les théories d’Einstein et leur vérification expérimentales, par Léon Brillouin Science et Vie d’avril 1927 Les progrès de la Physique allemande dans les dernières années, par Marcel Boll Science et Avenir-- Hors série-- N°99 --Décembre 1994--Janvier 1995-- Comprendre la matière, Science et Avenir-Hors série-N°105-mars 1996-Comprendre l’infini Science et vie Junior N°24 d’avril 1996, Einstein, vous allez enfin comprendre Science et Vie, N°936 de septembre 1995, 50 ans, après Einstein, un savant élucide les mystères de l’univers Science et Vie, N°970 de juillet 1998 - Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Science et Vie, N°978 de mars 1999, Einstein et le Big Bang Science et Vie, Trimestriel N°189, décembre 1994- Le Big Bang en questions Science et Vie, Trimestriel N°205, décembre 1998- L’univers de la gravitation Smith Mike, Bombe atomique Bohr-Heisenberg , l’échec de Copenhague, RTBF Spektrum der Wissenschaft, 1/2005, Biographie, Das neue Weltbild der Physik, Einstein Stöcker H., Jungt F., Guillaume G., Toute la physique, Dunod, 1999j Sugimoto, Kenji., Albert Einstein, Bibliographie illustrée, Belin, traduct. française, 1990 Teilhard de Chardin, P., Le Phénomène Humain, Editions du Seuil, Paris, 1955 Taylor E.F. & Wheeler J.A., Spacetime Physics: Introduction to Special Relativity,W.H.Freeman, San Francisco, USA,1992 Thorne Kip S.., Trous noirs et distorsions du temps, ‘L’héritage sulfureux d’Einstein), Flammarion, Paris, 1997 Van de Vorst Albert., Introduction à la Physique, De Boeck Université Wolff Françoise, Einstein, un mythe, un homme, textes d’Einstein lus par Jean-Marie Dussolier, Coproduction La Sept ARTE-Unité THEMA et ON LINE Productions, 1997 Wünschmann Andreas, E=mc2 , Eine Formel verändert das physikalische Weltbild, StudienVerlag Wünszchmann,Kirchheimbolanden, 2003

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Références photographiques Am erican Institut e of Physics P.100: Niels Bohr devant un auditoir e. P.103: Heisenberg devant un auditoire. P.139, bas : Einstein avec Onnes à Leyde P.140, haut : Einstein et Ehrenfest dessinés par Maryke Onnes Am erican Jewish Archives, Cincinnat i P.33 : Einstein à vélo. Albert Einst ein Gesellschaft, Berne : P.25 : la maison qu’occupait Einstein à Berne. P.25 : un extrait d’un journal de Berne où Einstein propose des leçons part iculières en mathématiques et en physique. Ar chiv des verfassers P.70 : archiv des verfassers Thalwil près de Zur ich, le 28 m ai 1899, Einstein et ses camarades, Marcel Grossmann est à gauche Benjam in Couprie, Bruxelles , Solvay Inst itute Bruxelles : P.27 : le Conseil Solvay de 1911. P.115 : le Conseil Solvay de 1927 (color isé) Einstein Archives, New-York:Lotte Jacobi, Deering : P.30 : en compagnie de Tagore : Einst ein Archives, New -York:Lotte Jacobi, Deer ing ; P.31 : Einstein en 1930 Fr ancis Ba ldewyns, photos personnelles : P.23 : l’hôtel de Ville d’Ulm et les bords du Danube . P.26 en bas : l’entrée du cimet ière juif de Prague et les tombes juives . P.61 : Einstein soumis à la gravitat ion lor s du freinage de l’ascenseur. P.62 : Einstein en im pesant eur pendant la chute libre d’un ascenseur. P.79 : Einstein observe à l’ordinateur une lent ille gravitat ionnelle : « La croix d'Einstein » P.91 : Ma rencontre avec Einst ein lors de l'exposit ion Einstein, l'autre regard P.97 : Entret ien Einstein -Bohr P.100 : Einstein en conversat ion avec Bohr lors d’une rencont re privée… P.108 à 111: photos de 2007 à l'universit é de Copenhague et à l'institut Bohr P.116: Maison natale de Niels Bohr P.119: Photos de 2007 sur le l ieu de rencontre du Congrès Solvay P.129 et 130 : l’ancien quart ier des ministères nazis et le musée « Topogr aphie des Terrors » P.137: Le message d'accueil de Heisenberg à l'entrée de l'At hénée de Huy P.145: Ella, pet ite fille de l’auteur de ce livre, im itant Einst ein. P.148: Cr avate avec formules de la relat ivité restreinte et photo d’Einstein Jewish Nat ional and University Library, Jér usalem : P.66 : Einstein et ses collègues amér icains, dont Hubble Lotte Jacobi, Deer ing : P.35 : Einstein à Princeton en 1938 ou 1939: Moos and Partner Archive, Munich : P.23: la maison nat ale d’Einstein à Ulm. P.26, en haut : la maison où habit ait Einstein dans les faubourgs de Prague. P.29 : Albert Einstein à New -York en 1921. P.33 : avec Albert Ier, le roi des Belges. P.37 : Hélène Dukas, Albert Einst ein et sa belle f ille Margot prêtant serment de citoyen amér icain . P.99 : Einstein et Bohr photogr aphiés par Paul Ehrenfest. RTBF Liège. P.154 : Francis Ba ldewyns, Paul Rostenne et Ilya Prigogine, en 1997, après l’enregistrement de l’émission Noms de dieux commémorant le vingt ième a nniversaire de son prix Nobel. P.166 : Christ ian de Duve, lors de l’émission Noms de dieux. P.168 : Ilya Prigogine pendant l’enregistr ement de l’ém ission Noms de dieux.

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Références photographiques Science Photo Libr ary P.150 : Ilya Prigogine, au temps où il reçut le pr ix Nobel. Film de Smith M ike, Bombe atomique Bohr- Heisenberg , l’échec de Cope nhague, RTBF P.134 : dernièr e int erview d’Heisenber g Film de Fr ançoise Wol ff, Einst ein, un mythe, un homme. P.146: cerveau d’Einstein P.147 : l’homme qui se prenait pour le f ils d’Einstein

210


Table des matières Avertissement de Tchantchès

5

Avant-propos

7

Chapitre premier.

La profession de foi d’Einstein

17

Chapitre deux.

Biographie illustrée d'Albert Einstein

23

Chapitre trois.

Les principales découvertes théoriques 3.1. La constante de Planck 3.2. La photoélectricité 3.3. La relativité restreinte et la vitesse de la lumière 3.4. La relativité de la simultanéité 3.5. Les transformations de Lorentz 3.6. Le comportement des règles et des horloges en mouvement. 3.7. La théorie de la relativité appliquée à la masse 3.8. La relativité générale et la forteresse newtonienne 3.9. Ce qu'Einstein ignora dans le principe d'équivalence. 3.10. Problèmes élémentaires relatifs au principe d'équivalence 3.11. L'espace-temps 3.12. Un paradoxe provenant de Paul Ehrenfest, physicien autrichien, ami d'Einstein, 3.13. Réponse d'Einstein au paradoxe d'Ehrenfest 3.14. L'apport de Friedmann et de Hubble 3.15. Einstein fait appel à Marcel Grossmann, son ami mathématicien 3.16. Mise en équation de la dynamique de l’univers (les équations de Friedmann) 3.17. Essai de représentation réelle de l’univers. Notions de géométrie non euclidienne. 3.18. Révélation sur la lumière

45 45 45 47 48 49

Les preuves expérimentales 4.1. Vérification de la variation de masse avec la vitesse 4.2. Le défaut de masse des atomes 4.3. Preuves de la relativité et la gravitation « Relativité généralisée » 4.4. Décalage gravitationnel des fréquences suite à l’attraction de la lumière 4.5. Vérification de l’effet photoélectrique par Millikan 4.6. La découverte du rayonnement cosmologique en 1965 et le Big Bang. 4.7. Vérification du paradoxe des jumeaux 4.8. Vérification expérimentale de la dilatation du temps 4.9. Vérification expérimentale des ondes gravitationnelles

81 81 81

Chapitre cinq.

Quelques citations d’Einstein

94

Chapitre six.

Quand le diable fait des fouilles dans Dieu… 6.1. Bohr et Heisenberg en amicale collaboration 6.2. L'atome de Bohr 6.3. Relations d'incertitudes d'Heisenberg 6.4. L'homme et les lieux à la source de l'Esprit de Copenhague. 6.5. Le Congrès Solvay de 1927, 17 des 29 participants avaient reçu ou allaient remporter le prix Nobel 6.6. Max Planck, le patriarche 6.7. La mécanique ondulatoire de De Broglie 6.8. La mécanique quantique des professeurs et élèves de Göttingen

Chapitre quatre.

52 55 57 62 63 64 65 66 66 70 72 73 78

82 85 86 86 87 89 91

95 95 101 103 105 115 118 119 121

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Table des matières 6.9. L'élève nobélisé avant le professeur 6.10. Wolfgang Pauli et son principe d'exclusion 6.11. Paul Dirac, un génie conceptuel 6.12. Niels Bohr et Werner Heisenberg face à l'apocalypse 6.13. Conflits et foires d'empoigne entre physiciens Le mythe d’Einstein Les dieux ont besoin de l’homme et les hommes ont besoin de Dieu L’homme, finalité de la création, ou produit du hasard et de la nécessité ?

Chapitre sept. Chapitre huit : Chapitre neuf :

122 122 123 125 135 139 149

Conclusion Glossaire Biographie des archéologues de Dieu

161 175 177 179

Annexe mathématique

183

Explication 1. Explication 2. Explication 3. Explication 4.

L’effet photoélectrique Le paradoxe des jumeaux Exemple de conversion entre masse et énergie Démonstration de la constance de la vitesse de propagation de la lumière Explication 5. Qu’est-ce que l’espace-temps de Poincaré-Minkowski ? Approche anecdotique Explication 6. Existence d’une distance absolue grâce au conte adapté du livre de Taylor et Wheeler par Thorne Explication 7. Rappels mathématiques utiles à la compréhension du diagramme de Minkowski. Qu’est-ce qu’une hyperbole ? Explication 8. Qu’est-ce que l’espace-temps de Poincaré-Minkowski en 3D ? Explication 9. Equations d’Einstein de la relativité générale Explication 10. Applications de la loi de De Broglie sur la mécanique ondulatoire Explication 11. La loi de Schrödinger et le paradoxe du chat, à la fois mort et vivant. Explication 12. La loi de Schrödinger indépendante du temps Explication 12bis. La loi de Schrödinger dépendante du temps Explication 12ter. Autre démonstration de la loi de Schrödinger Explication 13. Les nombres quantiques et l'exclusion de Pauli Explication 14. Utilisation des quatre nombres quantiques Explication 15. Ebauche de l'équation de Dirac et de l'existence de l'antimatière

Bibliographie Références photographiques Table des matières

212

183 183 184 184 185 186 188 191 191 195 195 197 198 200 201 203 205 207 209 211


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