Curiosity, le Labo Vagabond

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Francis Baldewyns

Curiosity, le labo vagabond

Editions du Prof 1


Table des Matières I. Avant-propos.

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II. La mission Mars Science Laboratory et le Rover Curiosity

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2.1. Rappels du 1er tome : « On marchera sur Mars » 2.2. L’atterrissage de Curiosity 2.2.1. Lieu d’atterrissage 2.2.2. Les étapes d’un atterrissage compliqué 2.2.3. Chronologie d’un atterrissage en douceur 2.2.4. La scène d’atterrissage

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III. Description de Curiosity 3.1. La main (ou la Tourelle) de Curiosity. 3.1.1. La foreuse 3.1.2. Le système de préparation des échantillons CHIMRA 3.1.3. APXS, le spectromètre à rayons X et particules alpha 3.1.4. La brosse DRT (Dust Removal Tool) 3.1.5. Récapitulatif : le tour complet de la main de Curiosity

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3.2. 3.2.1. 3.2.2. 3.2.3. 3.2.4. 3.2.5. 3.2.6. 3.2.7.

Les 17 caméras de Curiosity MAHLI, la caméra microscope La caméra de Descente, MARDI La ChemCam (Caméra chimique) Les 6 autres caméras du mât Les 8 caméras d’évitement d’obstacles Récapitulatif des caméras Comparaison des champs de vision et de résolution des diverses caméras : MAHLI, Mastcam et Navcam.

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3.3. Le REMS (Rover Environmental Monitoring Station), la Station de surveillance environnementale du Rover

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3.4. La partie arrière du Rover 3.4.1. Le système d’alimentation 3.4.2. Les antennes 3.4.3. DAN (Dynamic of Albedo Neutrons), le détecteur de neutrons

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3.5. La partie avant du Rover 3.5.1. Les instruments à l’intérieur de l’enceinte 3.5.2. Le détecteur de radiations RAD 3.5.3. SAM (Sample Analysis at Mars), le laboratoire chimique 3.5.4. CheMin, le chimiste-minéralogiste 3.5.5. L’ordinateur de Curiosity 3.5.6. L’isolation thermique de l’enceinte

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3.6. Les six roues et leur suspension 3.7. Testez vos connaissances avant le départ pour Mars

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IV. Annexes explicatives 4.1. Phénomènes d’interaction entre la lumière et la matière 4.1.1. Le phénomène d’absorption 4.1.2. Le phénomène d’émission stimulée 4.1.3. Le phénomène d’émission spontanée

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4.2. ChemCam : spectroscopie UV-Visible (250 à 800 nanomètres)

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4.3. Les rayons X

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4.3.1. La diffraction des rayons X 4.3.2. Le phénomène de fluorescence. 4.4. APXS (Alpha-Particle-X-ray-Spectrometer) : le spectromètre à rayons X et particules alpha

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4.5. SAM (Sample Analysis at Mars) 4.5.1. Le Spectromètre de masse 4.5.2. La Chromatographie en phase gazeuse

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4.6. CheMin (Chemistry and Mineralogy) 4.6.1. Diffraction des rayons X 4.6.2. La spectrométrie de fluorescence X

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V.

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Références bibliographiques

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I. Avant-propos Chers amis lecteurs, Après l’édition de « On marchera sur Mars » qui avait pour but de vous présenter la planète rouge en vous expliquant ses nombreux inconvénients d’habitabilité pour l’homme, je me suis dit qu’on pourrait quand même y aller ensemble… Virtuellement, bien sûr, en suivant si possible la chronologie des événements. C’est pourquoi j’ai d’abord décrit, dans ce deuxième tome d’une trilogie martienne, l’atterrissage du Rover dans le cratère « Gale » le lundi 6 août 2012 à 7h31. Ensuite, j’ai décrit ce laboratoire ambulant. Le troisième tome concernera l’a chronique de l’aventure martienne proprement dite. Quand Jules Vernes a écrit « Vingt Mille Lieues sous les Mers » en 1869, et que Herbert George Wells a écrit « The first men in the Moon » en 1901, ni l’un ni l’autre ne pouvaient imaginer que la connaissance des profondeurs abyssales de nos océans et la conquête de la Lune auraient lieu avant la fin du vingtième siècle. Mais l’un et l’autre nous ont fait rêver par leurs romans comme si nous y étions. Certes, l’ouvrage que je vous présente n’est pas un roman. Néanmoins, le rover qui fait l’objet de ce livre a été conçu, j’en suis sûr, au cours de moult péripéties, obstacles, opportunités, conflits d’intérêts dignes d’un roman. Curiosity est un produit bourré d’instruments « curieux » destinés à connaître la planète rouge. Comme ce fut le cas pour le lancement et le dépôt du rover sur Mars, sa conception et son assemblage, pièce par pièce, furent aussi le résultat d’un travail méthodique et acharné où s’exprima pleinement le génie humain. Après plus de 8 mois de voyage depuis la Terre et 560 millions de kilomètres parcourus, le rover d’un poids de 900 kilos nous attend au début de cette aventure qui est la nôtre et qui devrait durer deux ans. Certes, on peut conduire une voiture sans connaître de quoi elle est faite. Et plus d’un chauffeur a accompli des centaines de milliers de kilomètres au cours de sa vie sans savoir ce qui se trouve en dessous de son capot.

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Pour Curiosity, c’est pratiquement impossible. Car ce véhicule est aussi et surtout un laboratoire qui ne se contente pas de rouler, mais qui s’est donné la mission de prélever des échantillons, de les analyser, et de communiquer ses résultats à la Terre. Si nous voulons profiter de notre voyage martien dont la chronique sera éditée dès mars 2013, il est impératif que nous connaissions suffisamment bien le véhicule, ce « labo vagabond » nommé Curiosity. Il va sans dire que les photos et schémas repris dans cet ouvrage ne sont pas des produits personnels, mais appartiennent bien à la NASA et à JPL-Caltech. Comme je l’ai fait pour le premier tome, le lecteur qui veut approfondir ses connaissances techniques dispose d’annexes explicatives.

Je vous souhaite une bonne lecture Merci pour votre fidélité.

Francis Baldewyns, le 9 janvier 2013

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II. La mission « Mars Science Laboratory (MSL) » et le rover Curiosity. 2.1. Rappels du 1er tome : « On marchera sur Mars » Bien que la toute première sonde spatiale fût un succès, quand le 28 novembre 1964 la sonde Mariner 4 réalisa le premier survol de Mars et envoya 21 photographies, nous analyserons les missions effectuées au cours des 35 dernières années, depuis qu’un atterrisseur s’est déposé sur Mars puis que, peu à peu, l’homme a entrepris de rouler sur Mars.. Rappelons ce qu’est : Un Orbiteur : la partie d'un engin spatial destiné à rester en orbite autour d'un astre pour accomplir une mission Un Atterrisseur (Lander an anglais) : un engin spatial destiné à être posé sur le sol terrestre ou à la surface d'un astre. Les atterrisseurs sont équipés d’une instrumentation destinée à analyser localement la géologie et fournir ainsi une vérité terrain pour calibrer les observations depuis l’orbite. Un Rover : un véhicule conçu pour explorer la surface d'une autre planète ou d'un corps céleste. Au cours de ses déplacements le rover mène des observations et des analyses de son environnement, souvent de façon quasi-autonome et guidé depuis le Terre Mission

Lancé Année

Agence

Module dans la sonde

Apports scientifiques et technologiques

Viking1 et Viking2

1975

NASA

2 lancements distincts avec un Atterrisseur

Absence de traces de vie en surface

Mars Global Surveyor

1996

NASA

Orbiteur

Mars Pathfinder + Sojourner

1996

NASA

Atterrisseur + Rover

MarsOdyssey

2001

NASA

Orbiteur

Détection de la présence d’eau sur la surface

Mars Express + Beagle II

2003

ESA

Orbiteur + Atterrisseur

Cartes minéralogiques et cartes stéréographiques de la surface. Echec de Beagle II

Mars Exploration Rovers : Opportunity et Spirit

2003

NASA

2 lancements distincts avec un Rover

Découverte de l’hématite et d’autres minéraux hydratés

Mars Reconnaissance Orbiter

2005

NASA

Un Orbiteur

Phoenix

2007

NASA

Un Atterrisseur

Analyse de la subsurface près du pôle Nord où de la glace doit être présente

Mars Science Laboratory Curiosity

2011

NASA

Un Rover

Rover en développement : objectifs exobiologiques

Altimétrie, champ magnétique, image haute résolution Démonstration technologique des Rovers

Observation détaillée de la surface de Mars

Ci-dessous, les sites d’atterrissage sur le planisphère martien.

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Curiosity est le dernier rejeton d’une longue lignée de véhicules spatiaux, tous américains, qui ont réussi à se poser sur la planète rouge. Ainsi, en 2012, Curiosity a succédé à la surface de Mars à Viking 1 et 2 (1976), Mars Pathfinder (1997), Spirit et Opportunity (2004) et enfin Phoenix (2008). Si les deux Viking et Phoenix étaient des stations fixes, Mars Pathfinder, fixe elle aussi, disposait d’un minuscule robot mobile, Sojourner ; enfin, Spirit et Opportunity sont des laboratoires mobiles, tout comme l’est Curiosity. Mais quel progrès et quel changement d’échelle en quelques années ! Le premier « rover » martien, Sojourner, pesait seulement 10 kg, Spirit et Opportunity pèsent 175 kg et Curiosity pèse 775 kg. Ce qui fait dire au Martien, debout entre Sojourner et Opportunity, et étonné de voir arriver Curiosity : « Oh, leur maman est ici ! »

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Curiosity est prévu pour fonctionner une année martienne, soit 668 jours martiens, ce qui représente 686 jours terrestres. Son objectif premier est d'évaluer l'habitabilité passée et présente de la planète rouge (voir compléments au chapitre 6.19. sur le résumé des conditions d’habitabilité d’une planète), et il est également conçu pour mener des recherches sur la géologie martienne, notamment des analyses de roches prélevées aussi bien en surface qu'en profondeur par forage6. Le nouveau rover à six roues motrices de la Nasa n’est pas alimenté, comme Mars Pathfinder, Spirit, Opportunity et Phoenix, par de simples panneaux solaires rechargeant des batteries, mais, comme Viking 1 et 2, par des RTG, c’est à dire des piles atomiques miniatures au Plutonium 238, qui lui assurent une puissance suffisante pour résister des années durant aux conditions climatiques terribles de la surface de Mars. Cette énergie nucléaire lui assure aussi, et surtout, une mobilité exceptionnelle. Sur le papier, en effet, ce robot mobile est capable, a minima, de parcourir une vingtaine de km à la surface de Mars pour trouver un « spot » scientifique intéressant, mais, si la mission de Curiosity est prolongée (comme l’ont été celles de tous ses prédécesseurs sur Mars) il est possible de rêver à un rayon d’action réel bien supérieur à cent kilomètres, l’énergie produite par ses RTG lui permettant de fonctionner une bonne douzaine d’années… Fantasme ? Pas sûr : Viking 1, qui était lui aussi alimenté par des RTG, a fonctionné un peu plus de six ans sur Mars. Quant à Spirit et Opportunity, ils fonctionnent toujours, six ans et demi après leur atterrissage, bien qu’alimentés seulement par le Soleil ! Véritable laboratoire ambulant, Curiosity, outre de puissantes caméras, est équipé d’une station météorologique et d’instruments d’analyse physico chimique, capables de déterminer la nature géochimique du sol et du sous-sol martien. L’objectif scientifique de Curiosity est d’écrire l’histoire de l’eau martienne ; quand, comment a-t-elle coulé, existe-t-elle encore dans le sous-sol ? Curiosity recherche aussi des marqueurs chimiques ou biologiques, afin de découvrir si la vie est apparue dans le passé lointain de la planète rouge, voire, on peut toujours rêver, si elle ne se cache pas encore aujourd’hui derrière quelque caillou. Mais pour trouver d’anciens cours d’eau sur Mars, il faut viser juste… Des années durant, les scientifiques américains – mais aussi français, russes, allemands, espagnols et ,canadiens, qui participent à cette mission de deux milliards d’euros – ont cherché des sites potentiels d’atterrissage pour Curiosity. Plusieurs dizaines de « spots » ont été repérés sur les images des sondes Mars Global Surveyor, Mars Odyssey, Mars Express et Mars Reconnaissance Orbiter, qui scannent la surface de la planète depuis leur orbite martienne. En juin 2010, la Nasa a publié la « short list » des sites d’atterrissage de Curiosity. Il en restait quatre : Holden Crater, Eberswalde Crater, Mawrth Vallis et Gale Crater. Leur dénominateur commun ? Avoir un passé hydrologique et en avoir gardé des traces, sous formes de séries sédimentaires, parfois riches en argiles. On sait aujourd’hui que c’est le cratère Gale qui a été choisi. Principaux objectifs de la mission Curiosity1. La mission de Curiosity (Mars Science Laboratory) poursuit quatre objectifs principaux: I. Déterminer si la vie a pu exister sur Mars ; II. Caractériser le climat de Mars ; III. Préciser la géologie de Mars ; IV. Préparer l'exploration humaine de la planète rouge. Dans cette optique, et particulièrement du point de vue de l'habitabilité de la planète, Mars Science

Laboratory devra travailler selon huit axes principaux :

1. recenser les composés organiques présents à la surface de Mars et établir leur distribution ainsi que leur concentration 2. quantifier les éléments chimiques fondamentaux de la biochimie : carbone, oxygène, hydrogène, azote, phosphore et soufre 3. identifier d'éventuelles traces de processus biologiques 4. caractériser la composition de la surface martienne et des couches superficielles du sol d'un point de vue minéralogique, isotopique et chimique 5. comprendre les processus de formation et d'altération des sols et des roches sur Mars 6. déterminer le schéma d'évolution de l'atmosphère de Mars sur les quatre derniers milliards d'années 7. établir le cycle de l'eau et le cycle du dioxyde de carbone sur Mars ainsi que la distribution actuelle de ces deux molécules sur la planète 1 Science Objectives of the MSL, JPL, NASA.

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8. mesurer le spectre large des radiations à la surface de Mars issues des rayons cosmiques, des bouffées de protons énergétiques émis par les éruptions solaires ou par les ondes de choc d'éjections de masse coronale, voire des neutrons secondaires issus de réactions de fission nucléaire dans l'atmosphère sous l'effet des rayonnements incidents. Nous avons vu que l’analyse des terrains, réalisée par le spectromètre Omega de Mars Express, a mis en évidence de nombreuses traces de systèmes aquifères anciens, notamment des dépôts d’argile vieux de 4 milliards d’années. C’est vers ce type de terrain que sera envoyé le rover Curiosity. La sélection sera faite entre d’anciens deltas de fleuves, probablement riches en sédiments, et le fond d’un océan fossile, où les traces d’une vie éventuelle ont pu s’accumuler il y a plus de 3,5 milliards d’années. Curiosity sera suivi en 2018 par le rover d’exobiologie européen ExoMars accompagné de son homologue américain MAX-C. Curiosity est cinq fois plus lourd que les rovers Spirit et Opportunity, et a emporté dix fois plus de matériel que ces sondes7, Alors que les petits frères, qui travaillent à merveille depuis des années, fonctionnent à l’énergie solaire, le nouveau rover fonctionne avec une pile atomique qui lui assure une autonomie de prés de douze ans. Les poussières martiennes qui s’accumulaient sur les panneaux solaires de Spirit et d’Opportunity perturbaient régulièrement le bon fonctionnement des petits robots. Ce ne sera plus le cas pour Curiosity. Le coût total de la mission est estimé à 2,3 milliards de dollars US8. Mars Science Laboratory, la nouvelle sonde de la NASA succèdera aux missions des robots Spirit et Opportunity à partir de l’été 2012 avec comme particularité, son mode de fonctionnement: au plutonium 238. Tandis que ses deux prédécesseurs fonctionnent grâce à l’énergie solaire, le nouveau rover sera doté d’une minuscule pile atomique qui lui assurera une autonomie d’une douzaine d’années. Les poussières martiennes qui s’accumulaient sur les panneaux solaires de Spirit et d’Opportunity retardaient souvent leurs progressions. 2.2. L’atterrissage de Curiosity 2.2.1. Lieu d’atterrissage2. Gale Crater (4,6 ° S, 137,2°E) Le cratère Gale se trouve au sud d'Elysium Planitia, au nord-ouest de Terra Cimmeria et en bordure d'Aeolis Mensae. Située à la limite entre les hautes terres de l'hémisphère sud et les basses plaines de l'hémisphère nord, cette zone est par ailleurs entourée de volcans assez lointains, Elysium Mons au nord, Tyrrhena Patera au sud-ouest et Apollinaris Mons à l'est. Le monticule central présente une structure stratifiée qui se serait formée sur au moins 2 milliards d'années2 à la suite de processus impliquant l'action durable de grandes quantités d'eau liquide. La structure actuelle ne serait d'ailleurs que le résidu d'une couche sédimentaire s'étendant sur toute la surface du cratère — voire au-delà — et qui aurait subi l'érosion éolienne soutenue observée par ailleurs dans toute la région. Le vent ne serait cependant pas seul en cause5, et d'autres processus complémentaires doivent également être envisagés. Les matériaux constituant ce monticule sont sans doute assez fragiles, car il est traversé de multiples entailles par lesquelles il s'effrite, mais sans jamais laisser apparaître de blocs de grande taille.

2 Science Objectives of the MSL, JPL, NASA.

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Gale Crater

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2.2.2. Les étapes d’un atterrissage compliqué L'agence de presse russe Ria Novosti propose une infographie retraçant la descente du robot sur Mars

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2.2.3. Chronologie d’un atterrissage en douceur3

Le texte suivant est extrait de : « Curiosity, chronologie d’un atterrissage en douceur, le 7 août 20124 » té.

Bien qu’il fut écrit la veille de l’atterrissage, le 7 août 2012, il est en tous points conforme à la réali-

A 7h24, heure française, Curiosity entrera dans l’atmosphère martienne. L’engin arrivera comme un boulet de canon en fonçant à plus de 21 000 km/h et ne se trouvera à ce moment là qu’à 130 km d’altitude. Le bouclier thermique va ensuite chauffer jusqu’à 2100°C et va ralentir la vitesse jusqu’à 1500 km/h. Curiosity se trouvera alors à 11 km d’altitude. C’est à ce moment qu’un parachute de 16 mètres de diamètre va se déployer pour ralentir encore la chute à 450 km/h. Lorsque l’engin arrivera à 1,6 km d’altitude, le parachute sera largué et une sorte de grue volante équipée de 8 moteurs-fusées vont entrer en action. Cette grue va déposer sur Mars les 899 kg de Curiosity avec des câbles qui se détacheront automatiquement quand les roues du rover entreront en contact avec le sol. Tout ça est bien sûr entièrement automatisé.

En conclusion (poursuit l’auteur de ce texte), Cette procédure d’atterrissage est extrêmement complexe et comprend de nombreux risques. Si un des systèmes fonctionne mal, alors la mission sera perdue. Il s’agit effectivement de 7 minutes extrêmement longues pour tous ceux qui ont participé à ce projet. Il faut aussi rappeler que la perte de Curiosity serait une véritable catastrophe pour la science car un projet de cette ampleur prend 10 ans à réaliser. Il faudra attendre encore plusieurs années avant qu’une machine aussi complexe puisse arpenter le sol martien et apporter des réponses sur la naissance de la vie dans l’univers. 2.2.4. La scène d’atterrissage5 8 août 2012 La sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter n’a rien raté de l’arrivée de Curiosity sur la planète rouge. Après avoir immortalisé l’ouverture de son parachute, il nous offre une vue imprenable sur la zone d’atterrissage. 3 Sciences-Mag, http://www.sciences-mag.fr/2012/08/procedure-atterrissage-risque-curiosity-mars-nasa/ 4 Centre National d’Etudes Spatiales, http://image-cnes.fr/1-loeil-du-satellite/curiosity-chronologie-dun-atterrissage-endouceur/

5 Centre National d’Etudes Spatiales, http://image-cnes.fr/1-loeil-du-satellite/la-scene-datterrissage-de-curiosity/

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Zoom sur la scène de l’atterrissage Le lundi 6 août au matin, Curiosity s’est posé sur la planète Mars. Comme le montre l’image cidessous, prise par la caméra HiRISE de la sonde américaine Mars Reconnaissance Orbiter 24 h après l’atterrissage du rover, les traces de l’évènement sont encore visibles.

On peut voir sur le sol martien tous les éléments de la mission Mars Science Laboratory : le bouclier thermique avant (heat shield), qui fut premier élément à toucher le sol, le bouclier arrière attaché au parachute (back shell and parachute), le rover lui-même et enfin la grue aéroportée (sky crane), qui est venue s’écraser au nord ouest de la sonde après que les câbles ont été coupés. Pour se faire une idée des distances, le rover Curiosity se trouve à environ 1,5 km du bouclier thermique et, 600 m du parachute et 650 m de la grue aéroportée.

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Et le bonheur des ingénieurs et techniciens de la NASA et du CNES Ce 6 août 2012, de 6 heures 45 à 9 heures, j’ai parcouru alternativement les sites de la NASA et du CNES et ai partagé ces moments de joie.

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III. Description de Curiosity Nous présenterons donc peu à peu la complexité du rover Curiosity et passerons en revue les différents instruments qui le composent. Nous le décrirons en fonction des schémas et photos éditées par la NASA, l’ESA ou le CNES. Chaque fois qu’un complément scientifique s’avérera nécessaire, le lecteur sera invité à lire l’annexe correspondante.

3.1. La main (Hand) ou la (Tourelle) de Curiosity. Photo, ci-dessus, prise dans l’atelier de montage de la NASA

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La main (appelée aussi Tourelle), comme vous pouvez la voir sur la photo précédente, est un ensemble d’instruments qui permettent de prélever et de conditionner des échantillons du sol et des roches martiennes pour être analysées par l'équipement scientifique. 3.1.1. La foreuse Voici quatre photos de la foreuse prises sous différents angles

La foreuse (Drill) permet de forer un trou de 5 cm de profondeur et d'un diamètre de 1,6 cm. Le matériau broyé est recueilli à partir d'une profondeur de 2 cm et transféré au système de préparation des échantillons. 3.1.2. Le système de préparation des échantillons CHIMRA (Collection and Handling for Interior Martian Rock Analysis, en français recueil et traitement pour l’analyse du rocher martien) comprend une mini pelleteuse et un système de préparation des échantillons. CHIMRA : prélève un échantillon, le passe au crible et le livre aux instruments de laboratoire. Le schéma suivant montre les endroits où ont lieu la collecte et la manipulation de l’échantillon pour ensuite effectuer les analyses in situ. On distingue les deux voies d’accès qui permettent d’entrer la matière dans CHIMRA. La mini-pelleteuse (couleur rouge) prélève la matière par le bas, tandis que le foret (invisible sur ce schéma) fournit la matière au tube situé en haut. On peut voir aussi l’endroit du mécanisme de vibration qui aide au conditionnement et au transfert à l’intérieur de CHIMRA. Enfin, en sortie, se trouve la boite (en jaune) qui quantifie la matière nécessaire aux instruments de laboratoire. Crédit D'Image : NASA/JPL-Caltech

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Tube de transfert de l’échantillon prélevé par la foreuse Mécanisme de vibration de l’échantillon

Prise d’échantillon par la mini-pelleteuse

Sortie de l’échantillon après traitement

Quand la foreuse est utilisée pour prélever un échantillon en vue d’être analysé, il se peut que le foret coince dans la roche. Dans ce cas, la foreuse dispose de deux forets de rechange stockés sur la face avant du rover (flèche orange sur la photo suivante). Mais il faut au préalable s’assurer que Curiosity n’a pas subi de contamination terrestre, qui peut, en effet, être présente en dépit des efforts accomplis pour l’éviter. Mars Science Laboratory a prévu d’évaluer l’éventuelle contamination organique des échantillons prélevés sur la planète rouge à cinq moments différents de sa mission. Curiosity

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dispose en effet de cinq briques de matières organiques de contrôle (dénommées OCM, Organic Check Material) fixées sur le devant du rover dans des boîtiers scellés (flèche noire de la photo suivante).

Ces briques sont formées de dioxyde de silicium amorphe et poreux à environ 30 %. Elles sont enduites d'une faible concentration de 3-fluorophenanthrene et de 1fluoronapthalene, soient deux substances organiques synthétiques inexistantes dans la nature terrestre et non prévues sur Mars. Chacune des briques est scellée dans sa propre boîte métallique et sous vide jusqu'à ce qu'elle soit forée sur Mars. Chaque boîte métallique d'OCM est prévue pour être prélevée seulement une fois étant donné que la suppression du scellé pourrait entraîner une éventuelle réaction entre la brique et l'environnement martien. Avec pour conséquence la perte de fiabilité de l’échantillon de calibrage. Lors de chaque contrôle, une brique d'OCM est forée, et le matériau broyé est alors tamisé et préparé par CHIMRA. Ensuite, il est déposé sur un plateau (flèche bleue de la photo précédente) où il est observé puis livré aux instruments d’analyse physico-chimiques que nous expliquerons plus loin. Une éventuelle contamination sur la surface externe de la boîte métallique scellée n'est pas un souci, puisque le centimètre supérieur de la brique forée n'entrera pas dans CHIMRA. Si les instruments d’analyse trouvent une substance organique autre que les deux fluorures organiques connus, elle sera considérée comme un passager clandestin. Si les substances connues sont les seules détectées, cela signifiera que la détection organique fonctionne bien et que l’acquisition de l’échantillon martien ainsi que son cheminement dans l’appareillage ont réussi le test d’absence de matières organiques contaminatrices. Voici la mini pelleteuse de CHIMRA en action s’apprêtant à déposer l’échantillon sur le plateau d’observation (en bas à droite). Dans le coin inférieur gauche de la photo, on distingue la boîte de rechange des mèches de foreuse.

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3.1.3. APXS : Le spectromètre à rayons X et particules alpha (Alpha-Particle-X-raySpectrometer) est juste au centre de la photo. APXS est un spectromètre qui bombarde sa cible (un rocher, le sol) de particules alpha et de rayons X (annexe 4.3.) et qui analyse le rayonnement X réémis en retour. Cela permet de doser les éléments chimiques qui ont une masse atomique comprise entre 22 (sodium) et 80 (brome), en particulier le sodium, le potassium, le silicium, le fer, le magnésium, le calcium, le soufre, le nickel... bref, les éléments constitutifs des principaux minéraux qu'on trouve sur Terre. Les mesures durent entre 10 minutes et 3 heures

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Ci-dessus un spectrogramme dont les données ont été fournies par APXS le 10 septembre 2012. Il s’agit de l’intensité des rayons X émis en fonction de la longueur d’onde (en nanomètres). L’explication scientifique se trouve annexe 4.4. 3.1.4. La brosse DRT (Dust Removal Tool, en français Outil d’enlèvement des poussières) permet d'enlever la couche superficielle de poussière qui recouvre la zone à examiner. Photo de gauche, la brosse de profil ; à droite, la brosse de face.

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3.1.5. Récapitulatif : le tour complet de la main de Curiosity (rotation dans le sens de la montre) 1. Au centre, APXS, à gauche CHIMRA ; à droite, le cadran arrière de la foreuse 2. Au centre, la caméra, à gauche, l’arrière de la foreuse, à droite la brosse DRT 3. Au centre, la foreuse, à gauche, la brosse DRT, à droite CHIMRA 4. Au centre, CHIMRA, à gauche la foreuse, à droite APXS 5. Au centre, la caméra, à droite, la brosse DRT

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3.2. Les 17 caméras de Curiosity 3.2.1. MAHLI (abréviation Mars Hand Lens Imager ), la caméra microscope. Elle permet de caractériser la composition et la microstructure des roches, du sol, du givre et de la glace, identifiables à une échelle comprise entre le micron et le centimètre de micron. Elle fournit des images en couleurs en lumière visible. Le but principal de l'appareil-photo du MAHLI de la curiosité est d'acquérir un plan rapproché, des images des roches en couleurs et à haute résolution en lumière visible. L'appareil-photo est capable de se concentrer sur n'importe quelle cible située à des distances pouvant varier de 0.8 pouce (2.1 centimètres) à l'infini,. Elle peut être également utilisée pour inspecter le rover. Voici son autoportrait (crédit NASA) photographié le 31 octobre 2012, par sa caméra MAHLI située au bout du bras robotique (à partir de 55 images qui ont été assemblées). Montée sur le bras robotique de Curiosity, la caméra MAHLI est en fait capable de s'éloigner du rover, de se retourner et de se contorsionner dans tous les sens pour capter chaque élément. Pour réaliser les clichés, elle s'est donc mise, en l'espace d'un jour, dans plus de 50 positions différentes en ne bougeant parfois que de quelques centim ètres. Les équipes avaient déjà testé le dispositif sur Terre bien avant le décollage de Curiosity. D'où la possibilité de livrer des clichés aussi précis, où le bras n'apparait le plu s souvent pas, volontairement mis hors du champ.

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Les équipes avaient déjà testé le dispositif sur Terre bien avant le décollage de Curios ity. D'où la possibilité de livrer des clichés aussi précis, où le bras n'apparait le plus souvent pas, volontairement mis hors du champ. En savoir plus : http://www.maxisciences.com/rover-curiosity/curiosity-comment-le-roverfait-il-pour-se-tirer-le-portrait_art27943.html Copyright © Gentside Découverte La cible de calibrage de MAHLI se trouve près de l’actionneur horizontal de l’épaule du bras robotisé du rover, comme le montre cette photo lors du montage de Curiosity au moment où le bras va être rattaché à l’épaule.

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Plateau de dépôt et d’observation des échantillons

Cible de Calibrage de la caméra MAHLI

Deux mèches de foreuse de rechange

La boîte de matières organiques pour les tests d’éventuelles contaminations terrestres

Gros plan sur la cible de calibrage de MAHLI

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3.2.2. La caméra de descente, MARDI (abréviation de MARS Descent Imager, en français

Caméra de Descente sur Mars)

Elle est fixée en bas du châssis de Curiosity. Comme son nom l’indique, elle sera opérationnelle pendant la descente du Rover avant qu’il ne se pose sur Mars.

L’atterrissage ayant déjà eu lieu au moment où je rédige ce texte. Voici des images prises par la caméra MARDI. En s’approchant du sol, les moteurs-fusées de la sonde ont soulevé des tourbillons de poussières relativement circulaires à la surface de Mars. A ce moment-là, quand la caméra couleur MARDI a acquis cette image, la sonde était à environ 20 m du sol. Dès lors, le rover a été descendu au bout de 3 câbles longs de 7,50 m et a déployé ses 6 roues. Cette image6 montre les excavations du site d’atterrissage où la fine poussière du sol martien a été soufflée par les rétrofusées de Curiosity et a dévoilé les roches sous-jacentes. Des fragments de roches incorporées dans une matrice plus fine sont particulièrement bien visibles, les 2 flèches du haut pointant vers des cailloux d’environ 3 cm et celle du bas vers un plus gros galet saillant de 10 cm. La taille, la forme, la texture et la position des galets les uns par rapports aux autres donnent de nombreuses indications sur les mécanismes de formation de ces couches sédimentaires.

6 http://image-cnes.fr/1-loeil-du-satellite/lenvironnement-de-curiosity-livre-ses-premiers-secrets/

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3.2.3. La CHEMCAM, (abréviation de Chemical Camera : caméra chimique) Elle est située tout au-dessus du mât, dans la position la plus éloignée du sol. Ce n’est pas à proprement parler la tête du robot (car elle ne contient pas le cerveau de Curiosity), même si morphologiquement elle peut apparaître comme telle, La voici photographiée par MAHLI que l’on perçoit (inversée) dans l’objectif.

C’est un analyseur des roches et sols dans un rayon d’environ 9 mètres en utilisant la technique d'analyse spectroscopique (voir annexe 4.2). Un laser pulsé (annexe 4.1.2.) de 1 GigaWatt/cm² de puissance tire sur une cible (entre 2 et 9 m), ce qui provoque la fusion du matériau et l'apparition d'un plasma que l'on détecte à distance en spectroscopie UV-visible (entre 250 et 800 nm). A partir des informations issues de CHEMCAM, le rover pourra alors se positionner près d'une roche afin de faire des analyses plus approfondies. L'expérience est aussi dotée d'une caméra qui fournit une image à haute résolution de l'échantillon.

Les deux photos suivantes montrent la cible de calibrage de la ChemCam, située sur la « hanche » droite du Rover.

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La cible de calibrage est constituée de neuf cercles de couleurs différentes. Les matières employées dans ces cercles sont les types de matériaux que les scientifiques ont prévu de rencontrer sur Mars. Le carré est un alliage de titane (n° 10 de la plaque).

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3.2.4. Les 6 autres caméras du mât a) Deux caméras panoramiques MASTCAM (Mast Camera, caméras du mât) semblables à une paire de lunettes rectangulaires fixée à une hauteur d'environ 1,97 mètre au-dessus du sol et pouvant fournir des images en couleurs, en lumière visible et en proche infrarouge. Elles ont deux longueurs focales fixes, mais différentes : une longueur 34 millimètres pour une (Mastcam 34) et une longueur 100 millimètres pour l'autre (Mastcam 100). La Mastcam 34 permet une vision en angle large et la Mascam 100 offre des possibilités de téléobjectif. Elles fournissent des images en couleur et à haute définition, et elles peuvent être combinées pour des vues stéréo. Elles sont utilisées pour identifier les caractéristiques géologiques des terrains environnants et reconstituer la topographie du site. Elles doivent également enregistrer les phénomènes météorologiques détectés par REMS (nuages, givre, poussières soulevées par le vent) et apporter leur contribution dans les tâches de navigation. Elles peuvent observer des détails d'une taille allant jusqu'à 0,15 mm. b) Les quatre caméras de navigation Navcams (Navigation Cameras) Elles sont montées de part et d'autre des Mastcams. Elles sont utilisées pour déterminer la configuration du terrain et planifier les déplacements du rover

Le rover peut se déplacer à une vitesse de 4 cm par seconde en navigation automatique sans détection d'obstacles soit 150 m/h, mais si la détection d'obstacle est activée sa vitesse chute de moitié. Le rover Curiosity est conçu pour parcourir au moins une vingtaine de kilomètres au cours des 22 mois terrestres que doit durer au minimum sa mission primaire.

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3.2.5. Les 8 caméras d’évitement d’obstacles Il s’agit des Hazcams (Hazard Avoidance Cameras, en français : Caméras d’évitement d’obstacles) Elles sont solidaires du châssis du Rover et sont montées deux par deux reliées à l'ordinateur de bord pour l'avertir d'éventuels obstacles pendant sa progression. Elles sont dotées d'un objectif fisheye avec un champ optique de 124° et fournissent des images en noir et blanc permettant de reconstituer une image tridimensionnelle de ce qui se situe devant et derrière le rover jusqu'à 3 mètres de distance et sur une largeur de 4 mètres. Photo des 4 caméras Hazcam frontales et un schéma des 4 autres Hazcams situés à l’arrière

3.2.6. Récapitulatif des caméras

3.2.6. Récapitulatif des caméras

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3.2.7. Comparaison des champs de vision et de résolution des diverses caméras : MAHLI, Mastcam et Navcam.

3.3. Le REMS (abréviation de Rover Environmental Monitoring Station, en français : Station de Surveillance environnementale du Rover) Le REMS est une station météorologique qui mesure la pression atmosphérique, l’humidité, les radiations ultraviolettes, la vitesse du vent, la température du sol et de l’air. Les capteurs sont répartis sur plusieurs emplacements : deux grappes d'instruments sont attachés au mât de la caméra (Remote Sensing Mast RSM), à 1,5 mètre au-dessus du sol, et pointent dans deux directions écartés de 120° pour obtenir une bonne mesure de la direction et de la force des vents locaux ;

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Le technicien de la NASA en train d’installer les deux capteurs sur le mât

D’autres capteurs, des photodiodes, sont situés sur le pont supérieur du rover et mesurent le rayonnement ultraviolet dans différentes longueurs d'ondes. Enfin l'électronique située au sein du corps du rover est reliée à l'extérieur par un canal afin de mesurer la pression ambiante.

Les deux cercles rouges indiquent l’endroit des capteurs (sensors en anglais).

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UVS signifie Ultra-violet Sensor (capteur de l’Ultra-violet) et PS signifie Pression Sensor (capteur de pression) 3.4. Description de la partie arrière du rover Le schéma suivant présente Curiosity vu d’en haut. La partie arrière est à droite de la photo.

Passons les instruments en revue en nous référant au schéma, mais aussi aux flèches sur la photo prise par MAHLI. 3.4.1. Le système d’alimentation (flèche orange)

Le système d'alimentation se situe à l’arrière et ressemble à une queue redressée à 45°; il envoie sa chaleur excessive vers le corps proprement dit qui est situé à gauche du schéma précédent.

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Loin du soleil ou dans des positions ne pouvant pas garantir un éclairement idéal, l'utilisation de panneaux solaires n'est pas possible. La mission pouvant durer plusieurs années, une source radioactive semble la solution idéale. C'est un choix qui a été fait pour certaines missions lunaires ainsi que pour la plupart des sondes en orbite autour des planètes au-delà de Mars. Le robot Curiosity sur Mars dispose également d'une source de Plutonium238

La NASA a choisi d'utiliser une source d'énergie nucléaire car les autres alternatives comme l'énergie solaire ne répondaient pas aux exigences de la mission. C’est le MMRTG (MultiMission Radioisotope Thermoelectric Generator ; en français, Générateur Thermoélectrique à Radioisotope Multi-Mission. Le rover à propulsion nucléaire peut aller plus loin, voyager à plusieurs endroits, durer plus longtemps et communiquer dès son entrée dans l'atmosphère. Il dégage par ailleurs davantage de puissance électrique et de chaleur pour une charge utile plus grande par rapport à l'autre source d'énergie alternative étudiée par la NASA - le solaire. Mars Science Laboratory pourra ainsi disposer d'une énergie abondante de 2,5 kWh/jour au lieu de 0,6 à 0,9 kWh/jour sur Opportunity, dont la puissance résiduelle, le 12 mai 2009 (après 1884 sols) n'était plus que de 460 Wh/j. 3.4.2. Les antennes Les deux antennes en bande X sont utilisées pour les communications à longue distance directement avec la Terre. Elles sont posées sur les deux « hanches » de Curiosity. L'antenne à faible gain (Low-gain Antenna) est omnidirectionnelle et n'a donc pas besoin d'être orientée, mais son débit est limité. L'antenne à grand gain (High-gain Antenna) en forme d'hexagone plat permet des débits importants, mais doit être orientée avec précision vers la Terre. Elle a été développée par l'Espagne et dispose de deux degrés de liberté, ce qui permet de la tourner vers sa cible sans déplacer le rover. Ces deux antennes sont fixées sur l'arrière du pont supérieur du rover. Ci-dessous, la HGA (High Gain Antenna, l’antenne à gain élevé) dont le capteur a une forme hexagonale qui s’oriente en fonction……..

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La photo suivante a été prise par MAHLI où l’on voit les deux antennes : HGA (flèche orange) et, derrière elle, LGA (flèche bleue).

Bien que Curiosity puisse envoyer ses données directement sur Terre, elles seront essentiellement relayées par les deux orbiteurs de la Nasa qui tournent actuellement autour de Mars (MRO et Odyssey). Pourquoi ? A cause du faible débit de données que l’on peut envoyer depuis Mars vers la Terre (entre 500 et 32.000 bits par seconde). En revanche, lorsque ces mêmes données sont relayées par une sonde, le taux de transfert peut atteindre jusqu’à 2 millions de bits par seconde pour MRO et de 128.000 à 256.000 pour Odyssey. C’est la troisième antenne (flèche noire), l’antenne UHF (Ultra High Frequency), qui sera utilisée le plus souvent pour les communications à courte portée avec les sondes en orbite autour de Mars, car les satellites sont fréquemment à portée d'antenne du rover.

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3.4.3. DAN (Le détecteur de neutrons)

Il est composé d’un générateur de neutrons situé à l’intérieur de « la hanche droite » de Curiosity, tandis que le détecteur se trouve sur « la hanche gauche », comme le montre la photo précédente prise dans l’atelier de montage de la NASA.

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Ses données doivent permettre de déduire l'abondance de l'eau sous forme libre ou dans des minéraux hydratés. Cet instrument est développé par l'Institut de recherche spatiale de l'Académie des sciences de Russie45. DAN (Dynamic of Albedo Neutrons) est un détecteur actif et passif de neutrons qui doit mesurer l’hydrogène présent dans la couche superficielle du sol martien (moins de 1 mètre de profondeur) le long de la trajectoire suivie par le rover. 3.5. Description de la partie avant du Rover (la partie gauche de la photo)

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3.5.1. Les instruments à l’intérieur de l’enceinte Les organes du corps proprement dit se trouvent à l’intérieur de l’enceinte (Sous le pont supérieur), située à gauche du schéma précédent.

Sur cette photo-ci, seules leurs trappes d’accès apparaissent. C’est le cas pour SAM (Sample Analysis at Mars), le laboratoire chimique, désigné par la flèche orange, et pour CheMin (Chemistry and Mineralogy), désigné par la flèche bleue, qui est à la fois est un diffractomètre et un spectromètre à fluorescence X. Le bras de Mars Science Laoratory positionne alors l'ouverture du compartiment choisi audessus de l'ouverture d'un des deux instruments scientifiques (CheMin ou SAM). Le contenu du compartiment à échantillon est alors déversé dans l'instrument scientifique après ouverture de portes en imprimant des vibrations à CHIMRA. L'échantillon peut être également déversé sur un petit plateau d'observation situé à l'avant du rover (flèche noire sur la photo précédente) et étudié à l'aide de la main MAHLI et du APXS situés à l'extrémité du bras. 3.5.2. Le détecteur de radiations RAD Sa trappe d’accès apparaît sur le pont supérieur. Il sert à mesurer les radiations qui parviennent jusqu'au sol. La deuxième photo montre l’instrument avant son insertion dans l’enceinte.

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3.5.3. SAM (Sample Analysis at Mars), le laboratoire chimique Après la diversité des activités de la main de Curiosity, après les nombreux sens visuels des caméras (ChemCam, Hazcams, Rems), après les détecteurs de REMS, voyons maintenant le laboratoire chimique SAM situé dans la partie avant du corps du rover. SAM dispose de deux trappes d’accès sur le pont supérieur pour introduire les échantillons solides, et d'autres sur l'avant du rover pour les échantillons gazeux. SAM (« Sample Analysis at Mars ») est un mini laboratoire qui doit contribuer à déterminer l'habitabilité présente et passée de la planète. SAM est composé de trois instruments qui sont destinés à fournir la composition chimique (moléculaire, élémentaire et isotopique) de l'atmosphère et de la surface de Mars. Cette suite d'instruments est essentiellement dédiée à la recherche d'indices possibles de vie passée sur Mars, ou d'une activité prébiotique, principalement par la recherche et la caractérisation des molécules organiques qui peuvent se trouver dans le sol martien. SAM comprend les éléments suivants : Après l’entrée des échantillons solides par SSIT (Solid Sample Inlet Tubes, en français : Admission des éprouvettes d’échantillons solides), les deux trappes d’accès (ici vues du pont du Rover),

Les composés ainsi séparés peuvent être identifiés et envoyés vers l'instrument scientifique QMS pour obtenir une information sur la structure des molécules. QMS (Quadrupole Mass Spectrometer) est un spectromètre de masse à quadrupôle (utilisé pour analyser les gaz de l'atmosphère ou les produits obtenus par échauffement d'un échantillon du sol martien (Voir annexe 4.5.1.) Ils sont aussi soumis à un chromatographe en phase gazeuse (GC Gas Chromatograph). Celui-ci sépare les composants organiques des échantillons martiens sous forme gazeuse. Les échantillons gazeux peuvent provenir de l'atmosphère de Mars, ou du traitement thermique et chimique des échantillons solides collectés par le rover Curiosity (Voir annexe 4.5.2.) La séparation est effectuée à l'aide de 6 colonnes chromatographiques, chaque colonne étant dédiée à une famille de composés chimiques.

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Un spectromètre laser réglable (TLS Tunable Laser Spectrometer) qui permet d'obtenir des ratios précis des isotopes de carbone et d'oxygène dans le dioxyde de carbone et de mesurer les traces de méthane et ses isotopes du carbone.

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Mini laboratoire SAM chargé d'analyser les échantillons recueillis par MSL. 3.5.4. CheMin (Chemistry and Mineralogy), le chimiste-minéralogiste CheMin (Chemistry & Mineralogy) est un instrument qui effectue l'analyse minéralogique d'échantillons de roches par diffraction X et par fluorescence des rayons X (Voir annexe 4.6.) La première technique permet d'identifier la structure cristalline des composants de l'échantillon tandis que la deuxième méthode fournit la composition en éléments et la concentration massique des différents éléments. L'objectif est de détecter la présence de minéraux formés en présence d’eau. CheMin est logé comme SAM dans la partie avant du corps du rover avec des ouvertures débouchant sur le pont supérieur permettant au bras d'introduire l'échantillon à analyser qui a été préparé auparavant.

L’'échantillon est introduit dans une capsule d'analyse située sur une batterie (un carrousel) comprenant 26 autres capsules utilisables. Une analyse complète dure généralement 10 heures et est effectuée de nuit pour permettre le refroidissement du capteur à -60 °C

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3.5.5. L’ordinateur de Curiosity7 Le processeur qui équipe Curiosity n’a rien d’extraterrestre : c’est un PowerPC 750, un processeur conçu par IBM et Motorola et qui est appelé G3 chez Apple. Sur le robot, il fonctionne à une fréquence d’horloge de 200 MHz, ce qui est peu, mais largement suffisant pour ce qu’il doit faire. La carte mère embarque 256 Mo de RAM et 2 Go de mémoire flash pour stocker les photos, les vidéos et les données scientifiques avant de les transmettre à la Terre. L’ordinateur qui utilise cette carte mère s’appelle un RAD750, éprouvé dans de nombreuses missions spatiales. Il est protégé des radiations par son boîtier qui résiste jusqu’à 1 000 Gray et à des températures de - 55 °C à 70 °C. Pour des raisons de redondance, un second RAD750 est embarqué.

Le rover dispose de deux ordinateurs identiques « radiodurcis » pour résister aux rayons cosmiques. Ils utilisent tous deux un microprocesseur RAD750 fournissant une puissance de 400 MIPS à 200 MHz61, successeur du RAD6000 utilisé par les Mars Exploration Rovers. Chaque ordinateur comporte 256 Ko d’EEPROM, 256 Mo de mémoire DRAM et 2 Go de mémoire flash. L'ordinateur de bord de Curiosity a une capacité dix fois supérieure à celle des rovers MER. Il pilote les activités du rover à la surface de Mars mais il joue également le rôle 7 Alexandre Salque 01net.

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d'ordinateur de bord pour l'ensemble de la sonde durant toutes les phases allant du lancement jusqu'à l'arrivée sur le sol martien. 3.5.6. L’isolation thermique de l’enceinte Comme l’indique le schéma suivant « ROVER CHASSIS AND THERMAL ENCLOSURE » signifie que le châssis du rover supporte une enceinte isolée thermiquement permettant ainsi aux instruments qu’elle abrite de ne pas subir les conséquences du froid intense qui règne sur Mars. L’énergie excédentaire non utilisée de MMRTG permet aussi d’entretenir dans l’enceinte une température ambiante non destructrice des instruments qu’elle contient.

3.6. Les six roues et leur suspension. Le rover doit parcourir des terrains présentant des irrégularités (rochers), des pentes fortes et un sol dont la consistance, parfois sableuse, peut conduire à l'enlisement du véhicule et entraîner sa perte comme ce fut le cas pour Spirit. Toutefois plusieurs caractéristiques permettent au rover de mieux faire face à ces difficultés que ses prédécesseurs. Curiosity peut s'aventurer sur des pentes à 45° sans se retourner. Il peut escalader des rochers ou franchir des trous d'une hauteur supérieure au diamètre de ses roues (50 cm). Pour y parvenir il utilise une suspension, baptisée rocker-bogie, mise au point par la NASA pour les rovers MER : celle-ci limite l'inclinaison de la caisse du rover lorsque celui-ci franchit un obstacle qui ne soulève qu'un seul des deux côtés. Les 6 roues, qui comportent à leur surface des cannelures pour une meilleure prise dans un sol mou ou sur des rochers présentant une face abrupte, sont équipées chacune d’un moteur individuel.

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Chacune des 4 roues d'extrémité comporte un moteur agissant sur la direction ce qui permet au rover de pivoter sur place.

La sculpture des roues fait apparaître en alphabet Morse les trois lettres JPL (abréviation de Jet Propulsion Laboratory)

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3.7. Testez vos connaissances avant le départ pour Mars

Testez vos connaissances avant de prendre le départ pour la planète Mars. Cette photo vous permettra de vérifier votre perception des différents instruments. Elle a été prise par la caméra MAHLI

Page suivante, vous pouvez vérifier vos réponses.

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IV. Annexes explicatives 4.1. Phénomènes d’interaction entre la lumière et la matière La compréhension du laser nécessite l’introduction du concept de quantification de la ma-

tière. Cela signifie que les électrons sont répartis sur différents niveaux d'énergie, c’est-à-dire les « couches électroniques » que décrit pour chaque élément le tableau périodique des éléments (outil de base de l’étudiant chimiste). Ces niveaux d’énergie sont numérotés par ordre croissant d'énergie avec un nombre entier n, pouvant prendre les valeurs 1,2,3… L’état n=1 est l'état d'énergie la plus basse, correspondant à un électron sur l'orbitale la plus proche du noyau. Retenons les trois plus importants phénomènes qui se produisent lors de l’interaction entre la lumière et la matière : l'absorption, l'émission stimulée et l'émission spontanée. Dans les schémas suivants, la lettre grecque  est la fréquence du rayonnement incident. 4.1.1. Le phénomène d’absorption

L’absorption se produit quand un atome est par un rayonnement électromagnétique (la lumière) et, dans ce cas, l’atome peut passer à un niveau énergétique supérieur en absorbant l'énergie du rayonnement. Ce processus est résonnant, ce qui signifie que la fréquence du rayonnement doit être proche de la fréquence atomique de l’élément absorbant. La condition de résonance correspond alors à la conservation de l'énergie.

Avant l’interaction entre la lumière et la matière, les électrons ont une énergie E1 ; après l’interaction, ils ont acquis une énergie E2. C’est le phénomène d’absorption.

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4.1.2. Le phénomène d’émission stimulée Un atome excité peut se « désexciter » en diminuant de niveau en libérant l’énergie sous forme d’une onde électromagnétique qui sera amplifiée, car l’énergie du rayonnement incident sera augmentée.

Comme pour l'absorption, ce processus n'est possible que si la fréquence du rayonnement est proche de la fréquence de l’atome concerné. C’est le principe adopté par le Laser. Un laser est donc, fondamentalement, un amplificateur de lumière dont la sortie est réinjectée à l'entrée. Son l'alimentation en énergie est la source du pompage, la sortie est le rayonnement laser qui est réinjecté à l'entrée par les miroirs de la cavité résonnante, le mécanisme de l'amplification étant l'émission stimulée.

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4.1.3. Le phénomène d’émission spontanée Un atome dans un état excité n peut se désexciter, même en l'absence de rayonnement incident. Le rayonnement est alors émis avec une phase aléatoire dans une direction aléatoire.

4.2. ChemCam : spectroscopie UV-Visible (250 à 800 nanomètres) Le spectre électronique est la fonction qui relie l'intensité lumineuse absorbée par l'échantillon analysé en fonction de la longueur d'onde. Le spectre est le plus souvent présenté comme une fonction de l'absorbance en fonction de la longueur d'onde. Voici le premier spectre de ChemCam sur un caillou dénommé « Coronation »

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4.3. Les rayons X Rappelons les principales propriétés des rayons X permettent deux méthodes d’analyse : la diffraction et la fluorescence : L'ordre de grandeur de leur longueur d'onde étant celui des distances interatomiques dans les cristaux (métaux, roches...), ils peuvent diffracter sur ces cristaux ; Ceci permet de faire de l'analyse chimique, par diffraction de rayons X (ou radiocristallographie) ; 4.3.1. La diffraction des rayons X La longueur d'onde des rayons X étant de l'ordre de grandeur des distances interatomiques (quelques angström), les interférences des rayons diffusés vont être alternativement constructives ou destructives. Selon la direction de l'espace, on va donc avoir un flux important de photons X, ou au contraire très faible ; ces variations selon les directions forment le phénomène de diffraction des rayons X. Ce phénomène a été découvert par Max Von Laue (Prix Nobel en 1914) et longuement étudié par sir William Henry Bragg et son fils sir William Lawrence Bragg (prix Nobel commun en 1915). Réflexion des rayons X sur une famille de plans réticulaires espacés d'une distance d8

Les directions dans lesquelles les interférences sont constructives, appelées « pics de diffraction », peuvent être déterminées très simplement par la formule suivante, dite loi de Bragg :

8 Eduschol, Diffraction des rayons X, Techniques et études des structures cristallines, Christophe Aronica, Erwann Jeanneau

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avec  

d = distance interréticulaire, c'est-à-dire distance entre deux plans cristallographiques ;

θ = demi-angle de déviation (moitié de l'angle entre le faisceau incident et la direction du détecteur) ;  n = ordre de réflexion (nombre entier) ;  λ = longueur d'onde des rayons X. 4.3.2. Le phénomène de fluorescence. Quand un matériau est soumis à un rayonnement de forte énergie comme des particules alpha, par exemple, qui sont des ions d’hélium, les atomes constituant le matériau peuvent subir une ionisation, c'est-à-dire qu'un ou plusieurs électrons peuvent être éjectés des couches électroniques de chacun de ces atomes. L'atome est alors dans un état excité mais la perte d'un électron a rendu la structure électronique de l'atome instable. La désexcitation se fait par une transition électronique : un électron d'un niveau plus élevé « descend » pour occuper la case quantique vide (place laissée vacante par l'électron éjecté). Cette transition électronique provoque l'émission d'un photon X moins énergétique que le rayonnement incident. Le terme de fluorescence est appliqué aux phénomènes dans lesquels l'absorption d'un rayonnement produit la réémission d'un rayonnement moins énergétique.

4.4. APXS (Alpha-Particle-X-ray-Spectrometer) : le spectromètre à rayons X et particules alpha Les sources radioactives de Curium 244 bombardent l’échantillon prélevé de particules alpha (noyaux d’hélium). Le système APXS tire profit d'une combinaison de l'émission de rayon X induit par particule (PIXE, Particle Induced X-ray Emission – Emission de rayons X induits par des Particules) et de la fluorescence XRF (X-Ray-Fluorescence) induite par les rayons X créés. La méthode PIXE (en anglais : Particle Induced X-ray Emission ; en français : émission de rayons X induite par particules chargées ou aussi : fluorescence X induite par particules accélérées) ) est une méthode d’analyse basée sur l’ionisation des couches internes des atomes (K,L ou M) par une particule chargée et sur la détection du rayonnement X produit par le réarrangement électronique. Comme ce rayonnement X est caractéristique de l’élément ionisé, on peut tirer de l’analyse du spectre X obtenu des informations sur la composition de l’échantillon et de la fluorescence de rayon X (XRF) pour déterminer la chimie élémentaire.

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Principe

Le mécanisme de la méthode PIXE se déroule au niveau de l'atome et de son cortège d'électrons. Le scénario se décompose en 3 phases9 1. En pénétrant dans l'objet à analyser, une particule du faisceau éjecte un électron proche du noyau d'un atome. 2. L'atome ne reste pas dans cet état instable et excité. Le trou laissé est aussitôt comblé par un électron d'une orbite plus extérieure. 3. Lors de ce réarrangement, l'atome émet un rayon X pour libérer son excès d'énergie. Pour chaque élément chimique, l'énergie de ce rayon X est unique comme le montre le spectrogramme suivant (dont l’axe des ordonnées est logarithmique) : Par exemple, pour le Calcium (Ca) le taux de rayons X dû au réarrangement atteint une intensité de 10000 pour une énergie de 140 Kev (Kilo électrons-volts)

Une comparaison directe des spectrogrammes pris avec les instruments de MER (Opportunity et Spirit) d’une part et de MSL APXS, d’autre part montre (en abscisse) que la gamme d'énergie de MSL a été développée à environ 25 kev. La sensibilité globale (signaux par unité de temps) est augmentée par un facteur égal à 3 pour les éléments de faible nombre atomique et d’environ 6 pour les éléments de nombre atomique élevé audessus du Ti (Titane). La crête au rapport de fond est comparable. Aucun fond additionnel significatif du MSL n'est prévu.

9

Thomas

Calligaro,

Ingénieur

de

recherche,

Laboratoire

juin 1997

52

de

recherche

des

musées

de

France


4.5. SAM (Sample Analysis at Mars) Curiosity est doté d'un chromatographe en phase gazeuse couplé à un spectrographe de masse capable d'identifier les composés organiques, qu'ils soient d'origine biologique ou non 4.5.1. Le Spectromètre de masse10 La spectrométrie de masse (en anglais, mass spectrometry ou MS) est une technique physique d'analyse permettant de détecter et d'identifier des molécules d’intérêt par mesure de leur masse, et de caractériser leur structure chimique. Son principe réside dans la séparation en phase gazeuse de molécules chargées (ions) en fonction de leur rapport masse/charge (m/z). Elle est utilisée dans pratiquement tous les domaines scientifiques : physique, astrophysique, chimie en phase gazeuse, chimie organique, dosages, biologie, médecine... Ces ions fragments sont ensuite séparés en fonction de leur rapport masse/charge par l'application d'un champ magnétique et/ou électrique, puis collectés par un détecteur. L'ensemble de ces ions fragments constitue le spectre de masse dont la lecture permet l'identification de la structure moléculaire.

10 Introduction à la Spectrométrie de masse par Pierre Dubreuil : http://www.rocler.qc.ca/pdubreui/masse/Ms1/spectro_masse1.html

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Par exemple, ce spectre de masse de la 1-phĂŠnyl-2-propanone ArCH2COCH3 dont la masse molaire = 134,18 g/mol. Les principaux fragments sont:

Voici le spectrogramme correspondant.

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4.5.2. La Chromatographie en phase gazeuse11 Le chromatrographe de Curiosity a été fourni par les laboratoires français LATMOS (UMR 8190) et LISA (UMR 7583) de l’Institut Pierre Simon Laplace, qui en assurent la responsabilité scientifique. Les objectifs de SAM se divisent en trois volets principaux : la quête de molécules organiques (molécules nécessaires à la vie, telle que nous la connaissons), y compris le méthane, la quête de l’eau, et la quête des isotopes et des oxydants. Pour cela, il réalisera des analyses des roches, du sol et de l'atmosphère. Deux types de traitements seront appliqués aux échantillons, à savoir un chauffage progressif depuis la température ambiante (~ 0°C) jusqu’à environ 1100°C, et un traitement chimique, qui doivent permettre à des molécules organiques importantes, mais non volatiles, de pouvoir être vaporisées et analysées par la suite instrumentale. L’utilisation en amont du chromatographe en phase gazeuse permet de séparer les composés présents dans le mélange gazeux et de les injecter individuellement dans le spectromètre de masse : ainsi, l’identification des molécules est possible et fortement facilitée. Le chromatographe permet également l’analyse des énantiomères (molécules dissymétriques en composition et en structure chimique, mais qui sont l’image l’une de l’autre au travers d’un miroir) : en effet, les molécules qui constituent le code génétique du vivant (tel que nous le connaissons) n’utilisent qu’une seule des deux formes d’énantiomères (droite ou gauche). Exemple12 : Exemple de séparation des énantiomères de différents acides aminés par chromatographie en phase gazeuse. Les énantiomères d'une espèce chimique sont dénommés L (lévogyre) ou D (dextrogyre) en fonction de la géométrie de la molécule

11 Fédération Française des Sociétés scientifiques : http://www.f2sasso.org/lettre3/page6/index.html 12

http://sam.projet.latmos.ipsl.fr/SAM_GC_Instrument.html

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4.6. CheMin (Chemistry and Mineralogy) 4.6.1. Diffraction des rayons X La méthode employée est celle de la diffraction de rayons X : pour simplifier, disons qu’on mesure la façon dont l’échantillon «disperse» le rayonnement X. Cela permet d’en déduire la composition, la carte d’identité minérale des sables et poussières prélevés. La diffractométrie de rayons X (DRX, on utilise aussi souvent l'abréviation anglaise XRD pour X-ray diffraction) est une technique d'analyse fondée sur la diffraction des rayons X sur la matière. La diffraction n’ayant lieu que sur la matière cristalline, on parle aussi de radiocristallographie. L’appareil de mesure s’appelle un diffractomètre.

Ci-dessus, la première analyse du sol martien par diffraction X à l'aide de CheMin. Des rayons X bombardent l'échantillon en tournant autour de lui et on mesure leur diffraction dans les différentes directions, ici visualisée par un code couleur, le rouge montrant l'intensité la plus forte. On obtient ces arcs de cercle, spécifiques des cristaux présents. © Nasa/JPLCaltech/Ames La diffraction par rayons X de l’échantillon montre la présence de feldspath cristallin, de pyroxènes et d’olivine au sein d’un matériau non-cristallin. Une composition proche du sol volcanique d’Hawaii sur Terre. Nous ne disposons pas du diffractogramme relatif à cette première analyse. Mais en voici un sur une poudre inconnue montrant l’intensité en microangström des longueurs d’ondes diffractées en fonction des angles 2 (voir schéma du chapitre 4.3.1.)

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4.6.2. La spectrométrie de fluorescence X (en anglais XRF pour X-ray fluorescence) C’est une méthode d'analyse chimique utilisant une propriété physique de la matière, la fluorescence de rayons X. Cette méthode a déjà été abordée pour le système APXS situé sur la Main de Curiosity Lorsque l'on bombarde de la matière avec des rayons X, la matière réémet de l'énergie sous la forme, entre autres, de rayons X ; c'est la fluorescence X, ou émission secondaire de rayons X. Le spectre des rayons X émis par la matière est caractéristique de la composition de l'échantillon. En analysant ce spectre, on peut en déduire la composition élémentaire, c'est-à-dire les concentrations massiques en éléments.

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V. Références bibliographiques Francis Baldewyns, On marchera sur Mars, Editions du Prof, 2012, Chaudfontaine Site du CNES : http://www.cnes.fr/web/CNES-fr/6919-cnes-tout-sur-l-espace.php Semiwiki : http://www.semiwiki.com/forum/content/1551-mars-rover-curiosity-eda.html Eduschol, enseignement de Lyon The National Space Society of Phoenix Human Spaceflight and Exploration http://nssphoenix.wordpress.com/2012/08/05/curiosity-mars-science-laboratory-landing-tonight/ Radio : La Voix de la Russie Olga Zakoutnaya Géologie de la planète Mars, Wikipedia Site informatique de la NASA (National Aeronautic Spatial Administration.), http://www.nasa.gov/ Site de JPL (Jet propulsion Laboratory), http://marsrover.nasa.gov/home/ Site de la NASA, http://www.nasa.gov/ Globe of Mars, scale 1:22 250 000, Greaves and Thomas London Mineralogy of the martian interior up to core-mantle boundary pressures, Bertka, Mars Science Laboratory, Wikipedia Thomas Calligaro, Ingénieur de recherche, Laboratoire de recherche des musées de France juin 1997 Eduschol, http://culturesciencesphysique.enslyon.fr/XML/db/csphysique/metadata/LOM_CSP_Diffraction-rayons-X-techniques-determinationstructure.xml JPL : Ralf Gellert, université de Guelph, Canada, Spectromètre de Rayon X et de Particules D'Alpha (APXS) : http://msl-scicorner.jpl.nasa.gov/Instruments/APXS/ Médiathèque et index ufologique et spatial : http://mediathequedelufologie.wordpress.com/author/mediathequedelufologie/page/12/ Galerie d’images, Orbite Mars : http://orbitmars.futurasciences.com/galerie_images/picture.php?/1476/tags/18-en_couleur JPL, MSL Science Corner http://msl-scicorner.jpl.nasa.gov/samplingsystem/ CNES, http://image-cnes.fr/1-loeil-du-satellite/curiosity-chronologie-dun-atterrissage-en-douceur/ RiaNovosti Infographie : http://fr.rian.ru/infographie/20120807/195593143.html Gentside Découverte: http://www.maxisciences.com/rover-curiosity/curiosity-comment-lerover-fait-il-pour-se-tirer-le-portrait_art27943.html

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