URBAINE
LA FORÊT
L’HUMANITÉ PARMI Espace vivant ou vitrine urbaine, LA quel horizon pour la ‘Ville-Forêt’ ? SOCIÉTÉ FORÊT Espace vivant ou vitrine urbaine, quel horizon pour la Ville-Forêt ?
Lemoine Baptiste Année universitaire 2019-2020
La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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LA FORÊT URBAINE L’humanité parmi la Société Forêt Espace vivant ou vitrine urbaine, quel horizon pour la Ville-Forêt ?
Mémoire d’Initiation à la recherche Diplôme d’État de Concepteur Paysagiste LEMOINE Baptiste Sous la direction de Yves Petit-Berghem et Françoise Crémel Année Universitaire 2019-2020
La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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Avant-Propos
Ce mémoire de recherche rentre dans le cadre de l’obtention du diplôme d’état de Concepteur Paysagiste à l’école nationale supérieure du paysage de Versailles. Il étudiera la signification du terme «forêt urbaine» dans notre société en croisant les sources historiques ou plus récentes ainsi que notre rapport actuel à la forêt et à ses composantes physiques et vivantes. L’idée de ce mémoire de recherche est venue lors de la projection du film Le Temps des Forêts de François-Xavier Drouet, durant la Biennale d’architecture et de paysage qui s’est déroulée à Versailles en 2019. Ce film a été un premier pas vers la forêt, je me suis rendu compte de son enjeu dans notre société, de sa grande richesse et de son devenir, incertain. C’est ensuite greffé à cette première intuition, différentes lectures et articles qui relataient le thème de la forêt urbaine. Ma curiosité à prit le dessus et je suis tombé entièrement dans le sujet. Il m’ai alors venu plusieurs interrogations concernant le devenir et l’évolution de la forêt avec le développement exponentiel des villes et des urbains qui les habitent. Serait-il possible d’envisager une symbiose entre la ville et la forêt ? D’imaginer une humanité au sein de cette «société-forêt». Habitant en Auvergne, j’ai toujours eu un lien fort avec la forêt. J’apprécie le paysage forestier, lors de nombreuses balades dans la forêt de Tronçais, célèbre à l’international pour son bois réputé. Mes lectures ont aussi aiguisées ma curiosité. J’apprécie particulièrement le livre La vie secrète des arbres écrit par le forestier Allemand Peter Wohlleben. Entre science et savoir empirique, il raconte comment s’organise la société des arbres, la manière dont-ils communiquent entre-eux et comment ils s’organisent. J’approuve cette comparaison avec la société humaine. Si tous les êtres vivants fonctionnent en société, il n’y aucune raison pour ne pas imaginer la société des forêts. Cette étude se veut être une contribution devant permettre de mettre en relief les différentes visions de la forêt urbaine, mais aussi les opportunités de ce concept sur notre société urbaine. Ainsi, plusieurs typologies y sont développées, en particulier celles qui sont en lien avec les domaines de la conception en milieu anthropisé. Des difficultés n’ont pas manqué. Elles concernent particulièrement la disponibilité des experts forestiers que j’ai voulu contacter. Elles concernent également la situation épidémique de Covid-19 qui m’a obligé à formuler un entretien téléphonique avec un expert forestier mais aussi à limiter mon enquête de terrain puisqu’il me sera impossible de retourner au sein de la BNF à Paris. Voici donc, écrit sur un bout de forêt, l’histoire de celles qui se dessinent dans l’écrin des villes. À moins me direz-vous, que ce sont ces villes qui s’illustrent dans l’écrin forestier qui les enveloppent... 4
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Remerciements
Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont aidée lors de la rédaction de ce mémoire. Je voudrais dans un premier temps remercier, mes directeurs de mémoire, madame Françoise Crémel, ingénieure de recherche, doctoresse en paysage, membre du Larep, professeur à l’école nationale supérieure du paysage de Versailles ainsi que monsieur Yves Petit-Berghem, docteur et HDR en géographie, membre du Larep, professeur en écologie à l’école nationale supérieure du paysage de Versailles. Merci pour leurs patiences, leurs disponibilités et surtout leurs judicieux conseils, qui ont contribué à alimenter ma réflexion. Je remercie également toute l’équipe pédagogique de l’école nationale supérieure du paysage de Versailles, et tout particulièrement l’ensemble des enseignants du département écologie pour avoir pris le temps de répondre à mes questionnements et mes incertitudes durant ce mémoire. Je tiens à témoigner toute ma reconnaissance aux personnes suivantes, pour leur aide dans la réalisation de ce mémoire : Monsieur François Roumet, qui m’a beaucoup appris sur le fonctionnement des forêts. Il a partagé avec moi ses connaissances et son expérience du terrain pour élaborer mon questionnement sur l’exemple de la BNF à Paris. Monsieur François Hermant, pour l’entretien accordé ainsi que les documents transmis pour affiner l’élaboration de ce mémoire. Monsieur Romain Bocquet, pour m’avoir accordé du temps et avoir répondu à mes questions tout en comblant mes lacunes sur la forêt. Monsieur Jacques Saint-Louis, pour avoir accepté de m’ouvrir la porte de la forêt de la BNF et m’avoir transmis les documents nécessaires à la bonne compréhension du terrain. Un grand merci à l’ensemble de mes camarades, mes parents et ma famille pour leurs soutiens constant et leurs encouragements.
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AVANT-PROPOS 4 REMERCIEMENT 7
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LE THÈME - La forêt urbaine INTRODUCTION 11
PARTIE 1 - Naissance d’un concept vers un paysage de ville-forêt
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1. Des forêts-urbaines, définitions d’un terme imprécis
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2. La forêt et la ville, trait d’union entre deux espaces contraires
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PARTIE 2 - La forêt, nouvel équipement au service de la ville
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1. La forêt, approche écologique pour une ville organique
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2. Les multiples scènes de la forêt
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3. Perception et usages de la forêt en ville
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a. Introduction à la forêt urbaine 16 b. Regards croisés sur la forêt urbaine dans les métiers de la conception 17 a. Étymologie de la ville 24 b. La forêt comme artefact dans la ville 26 c. La forêt urbaine, une hétèrotopie de plus dans la ville 26 d. La forêt, espace de représentation complexe 28 e. Des classifications sociétales et culturelles de la forêt 29
a. Les dynamiques écologiques de la forêt b. L’écologie urbaine, moteur de transformation de la ville c. Le savoir sylvicole, utile pour penser les forêts urbaines?
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a. La lumière des villes face à l’obscurité des forêts b. La multifonctionnalité des forêts et ses enjeux de gestion c. Les vertus et bénéfices de la forêt
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4. La vie sauvage des forêts s’invite en ville 56
a. Le ‘sauvage’ chez les tribus aborigènes b. Les forêts urbaine nouveau refuge de la vie sauvage?
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PARTIE 3 - Les concepteurs, inventeurs de typologies de forêts urbaines 65 1. De la forme à l’usage, typologie des forêts urbaines
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a. Naissance des typologies 66 b. Rapport d’échelle, entre forme et représentation 69 c. Une gestion particulière en fonction des typologies 70
2. Analyse: la typologie de la forêt sanctuaire
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a. Introduction 75 b. Autour de l’imaginaire de la forêt sanctuaire 78 c. Protocole de recherche et de terrain 86 d. Perception brouillée autour de la forêt de la BNF 89 e. L’Entretien - François Hermant, Ingénieur Forestier 94 f. Scénario de compréhension du terrain 100 g. Observation et analyse de la végétation et de la faune de la forêt 104 h. Repenser une gestion adaptée à la typologie de la forêt sanctuaire 114
CONCLUSION 119 BIBLIOGRAPHIE 120 TABLE DES FIGURES 124 ANNEXES 130
La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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LeLathème forêt urbaine
Introduction /
La nature en ville est devenue ces dernières années, un sujet plus que jamais médiatisé et abordé abondamment par les scientifiques et les journalistes. En cause, le changement climatique qui devient aujourd’hui, priorité mondiale et absolue pour les pays du monde. Nous sommes passés d’un regard admiratif et contemplatif du végétal, le célébrant pour lui-même en tant qu’objet d’admiration et de beauté, à un regard fonctionnel et programmatique. L’arbre n’est plus uniquement envisagé comme composante de l’espace et objet de bien-être des villes. Il se dessine dans les concepts de ‘forêt urbaine’ comme un outil de régulation du climat, de dépollution de l’air, d’amélioration psychologique de la santé etc. On le célèbre au XXIe siècle pour ses capacités à atténuer les nuisances d’une ville qui produit elle-même ses problèmes envers ses habitants.. L’humanité prend conscience de l’inertie inévitable qui se dessine devant elle, une accélération et une augmentation des phénomènes climatiques sans retour en arrière possible pour ses prochaines décennies. Néanmoins, il faut rester réaliste et ne pas oublier que les plus grandes forêts du monde brûlent aujourd’hui sous nos yeux (Amazonie, Australie) et que l’extinction des espèces ne pourra être regagnée ou atténuée dans les quelques hectares de nature en plein cœur des villes. Notre propre existence dépend de la présence de cette richesse biologique terrestre dans laquelle nous avons notre place. Il est grand temps d’ouvrir les yeux, car la compréhension de la forêt pourrait être demain, le salut de notre survie. À travers ce mémoire je souhaite poser la question de la cohabitation possible entre la société des hommes établie dans les villes et la société des forêts. Quelle légitimité avons-nous pour envisager ces nouveaux concepts et quels sont leurs qualités spatiales pour dessiner l’espace de la ville. Je commencerais dans une première partie par définir le terme de forêt-urbaine à travers différents exemples mais aussi définir la fonction de la ville et ses origines. La deuxième partie s’attardera à la compréhension des différentes caractéristiques qui encouragent un attrait pour la forêt autant dans la perception qui s’exerce autour d’elle que dans ses usages, dans sa composition et dans son fonctionnement. Dans la troisième et dernière partie, j’aborderais les différentes typologies qui se dessinent autour de la forêt urbaine pour rentrer en détail par la suite dans l’exemple concret de la typologie de forêt sanctuaire avec la forêt de la bibliothèque nationale de France FrançoisMitterrand. Je nourrirais cet exemple avec le regard de professionnels mais aussi avec les données récoltées lors de mes visites de terrains. Page précédente: Figure 1: © Eva Jospin
Au milieu de cette course contre-la-montre avec le climat, je vais donc tenter dans ce mémoire, «L’humanité parmi la société forêt», de problématiser mon questionnement et esquisser, à l’aube de ce changement, le rapport profond des villes à une forêt devenue urbaine. La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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Figure 2: Carte mentale
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PARTIE 1 Naissance d’un
concept vers un paysage de ville-forêt
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- Partie 1 1. DES FORÊTS URBAINES, DÉFINITIONS PLURIELLES D’UN TERME IMPRÉCIS ______________________________________________________ a. Introduction à la forêt urbaine Le terme ‘forêt-urbaine’ prend depuis plusieurs années, de la consistante et des formes diverses dans le paysage quotidien des villes. Il s’immisce dans les consciences collectives, s’intègre à des discours politiques et se dessine dans des projets de paysagistes ou d’architectes. Ce terme de forêt-urbaine, souvent mal défini laisse le champ libre à un grand nombre de représentations et d’interprétations sur sa définition. Il est de vigueur de rentrer en détail dans les méandres de ce mot complexe et souvent utilisé à outrance dès que le moindre arbre vient à être planté en milieu urbain. Souvent associée au sujet de la nature en ville, la forêt, par la richesse du vivant qu’elle accueille livre un réel parie aux villes toujours plus denses, dans un futur où 75% de la population habitera les métropoles et mégalopoles.1 Comme le dit Nicolas Gilsoul, architecte paysagiste et philosophe, «Il faut faire la part des choses dans des métropoles promptes à se livrer à du greenwashing».2 En se dirigeant vers des recherches sur le moteur de recherche Google, on trouve en tête des résultats le site Wikipédia qui tente d’en dresser un portrait. Cette définition serait née à la fin du XXe siècle et désignerait un boisement au sein d’une aire urbaine. On peut y différencier la forêt inscrite géographiquement dans une aire urbaine des forêts péri-urbaines 16
qui cernent la ville et la banlieue. D’après cette définition, la différence avec le parc urbain serait dans l’importance à la naturalité, aux milieux et aux services écosystémiques rendus par la forêt. Les arguments dans la différenciation entre le parc et la forêt urbaine me semble quelque peu imprécis pour engager une réelle singularité entre les deux termes. Wikipédia reste un site collaboratif, son contenu peut être approximatif, ne s’appuyant pas sur des discours de professionnels. Si la forêt urbaine ne peut entrer dans une seule définition, c’est parce qu’aujourd’hui elle s’accroche à différentes structures et imaginaires dans sa représentation. Sa naissance prend forme au travers de projets liés au domaine de la conception. C’est dans ces métiers liés au travail de l’espace dans les villes que se développe un vocabulaire particulier. Les prémisses de la forêt urbaine semblent se dessiner dès le XIXe siècle avec les travaux de Frederick Law Olmsted. À Chicago il proposera l’entrée du paysage et d’une forme de nature dans la ville par une armature verte faite de parcs reliés les uns aux autres qu’il baptise « système de parcs ». Il ne fait aucun doute que Frederick Law Olmsted savait faire la différence entre un système forestier et un système de parc, il n’a donc jamais utilisé de termes purement forestiers pour nommer cette création.
b. Regards croisés sur la forêt-urbaine dans les métiers de la conception La forêt urbaine prend différentes formes dans l’espace urbain. Certains concepteurs ont esquissés différentes typologies qui se sont développées à travers le monde. Nicolas Gilsoul, architecte, paysagiste et docteur en sciences les classe ainsi en 6 grandes typologies pour éclaircir les regards car comme il le dit: «Tout à tendance à devenir forêt pour les gourmands de nature urbaine, du bouquet d’arbres dans un square aux rangées militaires d’un reboisement mono-spécifique.»3 On trouve donc ainsi, la forêt sous contrôle, la forêt linéaire, la nature augmentée, la forêt enchantée, le bois habité et la forêt sous perfusion. La nature augmentée, s’appuie sur les caractéristiques physiques du territoire pour guider les bras de forêts au travers de la ville. C’est le cas du travail de Frederick Law Olmsted abordé précédemment. La forêt sous contrôle, voit dans les arbres, une manière de calmer et d’améliorer les conditions de vie en ville. C’est la forêt comme outil urbain. Nicolas Gilsoul prend l’exemple de la ville de Montréal au Québec qui combat les canicules grâce à son plan d’action nommé ‘’canopée’’. La forêt linéaire, se matérialiserait sous la forme des trames vertes et bleues qui constituent des corridors depuis la campagne jusqu’au cœur de la maille urbaine. Cette
typologie est intéressante puisqu’elle aborde la question des animaux sauvages qui compose inévitablement la forêt et qui au travers de ces «corridors écologiques» viennent côtoyer les citadins. Plusieurs exemples sont listés et reviennent dans l’actualité, l’apparition de renards à Bruxelles, le lynx à Helsinki ou le sanglier à Berlin. La forêt enchantée, prend comme exemple le travail de l’architecte Japonnais Junya Ishigami, qui dessine au travers de ces projets, des imaginaires de forêts flottantes et idéalisés. Une vision poétique propre à la culture Japonaise. Dans ces forêts pas de bêtes et souvent très peu de diversité végétale. L’homme est souvent représenté seul au centre de ce milieu arboré lumineux, est-ce pour autant une forêt? Le bois habité, parle de la manière d’habiter au cœur de la forêt. Souvent utilisé pour la création des écoquartiers Nicolas Gilsoul voit dans ce modèle une mise à jour de la cité-jardin, théorisée au XIXe siècle. Le cas concret du quartier de Lille est souvent utilisé. Nicolas Gilsoul voit dans ce quartier une alternance de bosquet et de clairières: «Le discours marketing parle de forêts et de prairies. Ne nous y trompons pas, le parc peut être magnifique et très agréable à vivre mais il ne fera jamais forêt».4 Pour finir, la typologie de la forêt sous perfusion, se place comme l’apogée de la ‘forêt vitrine’. L’exemple de ‘Gardens by the Bay’ à Singapour, parc boisé de 101ha en témoigne. À l’intérieur de ce parc, les ‘arbres mères’ sont d’immenses structures de métal qui récupèrent La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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l’eau de pluie, la stockent et la réinjectent goutte à goutte grâce à des supers-calculateurs connectés. La ‘forêt’ est ici entièrement horticole et monnayée par les entrées payantes. Finalement, la forêt horticole est rentable, véritable apogée d’un système capitalisme sur la nature. On se balade à l’intérieur comme dans un parc d’attraction, le but et d’éblouir, de marquer les esprits. J’ajouterais à cette liste, la typologie de la forêt sanctuaire au croisement entre l’espace visible mais inaccessible et le lieu de préservation d’une certaine forme de nature et d’imaginaire sur le sauvage. Pour exemple, le jardin forêt de la BNF correspond à ces critères. Il y a cependant, certaines interventions d’entretiens qui permettent d’entretenir ‘l’image’ de cette forêt, la contraignant à rester figée dans l’espace et le temps. Un autre projet, imaginé par Gilles Clément raconte aussi une ‘nature’ destiné à devenir forêt: L’île Derborence. Construit à l’intérieur du Parc Matisse à Lille, l’île, enclot par un mur, permet le développement d’un écosystème entièrement autonome sans aucune intervention humaine. Dans ce projet, la forêt émerge au milieu du parc façonné uniquement par la nature. Ce projet se place aussi comme un plaidoyer pour la forêt semi-primaire Derborence située dans le canton du Valais Suisse est endommagé par une tempête.5 Ce regard de recréation d’une forêt dans un parc face à une forêt primaire endommagé est intéressant. À l’heure où l’Australie a perdu près de 500 millions d’animaux et plus de 10 millions d’hectares de forêt, y a t-il une manière de raconter une histoire d’engagement face à 18
ses catastrophes dans les forêts urbaines du monde et est-ce nécessaire? D’autres projets urbains requalifient la question de la forêt à travers l’œil d’un paysagiste et peuvent rentrer dans l’une de ces catégories. On peut retrouver Michel Desvigne qui s’intéresse beaucoup à cette question de la forêt urbaine, depuis les années 2000 avec pour exemple, le quartier d’affaires d’Otemachi, à Tokyo, conçue en 2009 où déjà, le terme de forêt s’inscrit dans la ville pour répondre à des problèmes climatiques et environnementaux engendrés par la ville. Comme le dit Michel Desvigne: «Ce lieu n’est ni une place, ni un parc, il a était conçu comme une forêt suffisamment dense et riche par sa végétation, sa topographie et la présence d’eau, pour atténuer ponctuellement le phénomène d’îlot de chaleur au cœur de la ville.»6 Un projet plus récent l’associe avec l’équipe de Richard Rogers (RSH-P) pour la mutation urbaine des abords de la gare Montparnasse à Paris. On y retrouve la volonté de libérer de grands espaces pour planter 4000 arbres et aménager 10 000m2 d’espaces verts. Sur ce projet, Michel Desvigne qualifie là aussi la plantation de ce projet de ‘forêt urbaine’ : «Reflétant les désirs de la majorité des riverains consultés, nous proposons un nouveau quartier ‘’vert’’ comprenant la plantation d’une ‘’forêt urbaine’’, composée de 4000 nouveaux arbres et 10000 m2 d’espaces verts. L’image de ce site actuellement dominé par le paysage, les routes et le stationnement sera radicalement modifiée.»7 Sans parler de forêt-urbaine, l’agence Ter
▲Figure 3: Photographie du jardin-forêt de la BNF sous la neige - © Dominique Perrault Architecture
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▲Figure 4: Perspective projet - Canopia urbana, Barcelone- © Agence TER
développe son concept de «Canopia urbana» (canopée urbaine) sur la Plaça de les Glories à Barcelone.Lancé en 2014, le projet a ouvert sa première partie en avril 2019. L’agence Ter base son travail sur différentes stratégies dans ce projet avec notamment un travail sur le sous-sol avant la plantation de la canopée. Un travail intéressant, puisque c’est le premier projet urbain où l’on peut observer qu’une réelle importance est accordée au sol pour imaginer le développement de la future canopée végétale vue comme un levier de dynamiques écologiques sur le site.8 D’autres projets se développent à travers le monde. Les urbanismes et architectes proposent eux-aussi leurs vocabulaires créatifs à travers le thème de la ‘ville-forêt’. C’est une 20
typologie bien différente du paysagiste car dans ce cas, le bâtiment joue un rôle majeur. Il devient support d’une végétalisation effrénée. C’est l’époque de l’architecture ‘verte’ avec l’envie fulgurante de créer des microsécosystèmes fusionnant avec le bâtiment. L’architecte malaisien Ken Yeang pose les bases en 1992 avec la tour Menara Mesiniaga à Subang Jaya, en Malaisie. Il ne se qualifie pas seulement d’architecte, mais aussi d’écologiste: «I’m an ecologist first, an architect second.» 9 Quand on connait les coûts d’entretiens de telles réalisations dans le temps, on peut se demander à quel moment commence l’écologie... Stefano Boeri, architecte Italien a lui aussi fait carton plein auprès du grand public avec son ‘bosco verticale’ de Milan qu’il définit comme
▲Figure 5: Perspective projet - Smart forest city, Cancun - Stefano Boeri Architetti © Federico Biancullo
une forêt verticale: «Le concept de Bosco Verticale est de construire plusieurs tours disposant d’une forte densité d’arbres afin de favoriser la réintégration de la nature en ville».10 Plus récemment, on le retrouve avec un projet de ‘smart- forest city’ à Cancun (Mexico) dont les perspectives sont déjà à la une de nombreux magasines et articles. Avec ce projet, la méconnaissance du vivant par le grand public et par certains architectes semble atteindre son paroxysme. Détruire un écosystème forestier sur 557 ha et espérer recréer un simulacre de nature artificielle et horticole sur un sol que l’on vient de détruire en l’appelant ‘forêt’. C’est un parc horticole quelconque au milieu d’un espace qui était immensément plus riche
avant l’intervention. Ce projet me fait prendre conscience de l’absurdité et de l‘immaturité avec lequel des architectes espèrent créer des liens entre la forêt et la ville. Je terminerais sur une phrase de Michel Corajoud abordant le thème de la ville fertile: «Si on enseignait la biologie dans les écoles d’architectures, on changerait tout.»11 Dans les décisions politiques, il y a une forte volonté d’augmenter la quantité d’arbres dans les villes comme l’explique Francis Rambert: «La ville de Bordeaux, par exemple, a décidé de replanter 20 000 arbres d’ici à 2025 et Grenoble a commencé à planter en masse : 15 000 arbres à l’horizon 2030.» 12
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▲Figure 6: Perspective projet - Place de l’Hôtel de Ville Paris Agence APUR © Céline Orsingher
L’année 2019 a aussi vu fleurir plusieurs articles mettant en avant une décision d’Anne Hidalgo, créer une forêt urbaine sur quatre sites emblématiques de Paris. Cette décision a bien sûr laissée sceptique un grand nombre de Parisiens car l’on peut se demander comment la maire de Paris compte créer de véritables forêts sur des lieux emblématiques comme devant l’Hôtel de ville, la gare de Lyon, derrière l’Opéra Garnier et sur les voies sur berge. Quelles formes et quels rôles prendront-elles en ces emplacements?
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________________ 1- Gilsoul Nicolas«Ville nature, jungles urbaines» dans «ARCHISCOPIE bulletin de l’IFA, thème ville nature» n°19, éd. de la Cité de l’architecture et du patrimoine, 2019, p. 9-23 2- Ibid., p. 9 3- Gilsoul pp.12, op. cit., p.16 4- Gilsoul pp.15, op. cit., p.16 5- Source: (http://www.hortalia.org/2019/02/04/entretiengilles-clement/) 6- Source: (http://micheldesvignepaysagiste.com). 7- Source: (http://micheldesvignepaysagiste.com). 8- Source: (https://agenceter.com/#) 9- Source: (https://www.kenyeang.com). 10- Source: (https://www.stefanoboeriarchitetti.net). 11- Source: (https://www.citedelarchitecture.fr/fr/video/ michel-corajoud-paysagiste) 12- Rambert Francis «éditorial , passage au vert» dans «ARCHISCOPIE bulletin de l’IFA, thème ville nature» n°19, éd. de la Cité de l’architecture et du patrimoine, 2019, p. 3
▲ Figure 7: Perspective de projet, forest city, LIUZHOU - © Stefano Boeri Architetti
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- Partie 1 2. LA FORÊT ET LA VILLE, TRAIT D’UNION ENTRE DEUX ESPACES CONTRAIRES ______________________________________________________ Il y a, me semble t-il, un oxymore entre les termes ville et forêt. Comment deux espaces aussi différents peuvent se retrouver associer en un même lieu. Une forme est-elle en train d’en effleurer une autre ou cette forme se retrouve t-elle enfermée dans l’autre. La ville serait-elle, grâce à la forêt, sur le point de se réinventer après des siècles à la dissocier de son cadre. La ville reste néanmoins, un lieu destiné à produire de l’habitable et pour se faire, elle a dû s’extraire de la nature sauvage qui constitue l’absolue inhabitable. La ville est la forme physique de la sédentarisation de l’homme en un lieu. Elle se présente comme un ensemble de constructions ou logent ses habitants. Elle est le lieu de l’interaction de la société humaine. C’est une production technique qui fait intervenir des professionnels: urbanistes, architectes, ingénieurs etc. Elle édifie pour ce faire, des constructions utiles à sa population. «La ville est le fruit d’une activité humaine spécifique dont le but est de produire de l’habitable.»1 a. Étymologie de la ville Les villes ont permis aux civilisations humaines de s’inscrire à travers le temps. Alain Cambier replace la ville dans son histoire étymologique pour mieux la comprendre. Comme il l’explique, le mot «ville» est assez ambiguë dans sa forme historique. Il vient du mot latin villa qui définit la maison rurale, la ferme. À l’époque GalloRomaine, le mot «ville» renvoie plutôt au collectif 24
en désignant l’ensemble des maisons rurales et des fermes qui se regroupent pour donner naissance à un lieu de culture. La culture est la ville sont intimement proche, ce mot vient du terme Romain colere qui signifie tracer un sillon, cultiver la terre, aménager la nature pour la rendre propre à l’habitation humaine. «La culture est certes d’abord agricole, au sens propre du terme, avant de renvoyer plus spécifiquement, par usage métaphorique, aux fruits de l’esprit.» 2 À l’époque Romaine, l’homme se place alors entre la nature et la culture, dans ce lieu «sanctuaire» produit par l’enceinte. Cette séparation entre la nature et l’espace travaillé par l’homme est extrêmement charnière dans l’histoire des villes: «Le monde façonné par l’homme est conditionné en profondeur par la clôture, l’enceinte, la délimitation. Elles sont censées garantir le droit et la paix.»3 Alain Cambier explique qu’à la fin du moyenâge, le mot «ville» disparaît pour laisser la place à «l’agglomération urbaine» qui s’oppose au village. Le mot urbs lui, servait à désigner la ville dans son sens concret, «un ensemble de maisons, d’édifices différent de l’adjectif «urbain» qui désigne d’abord l’habitant d’une ville.»4 En effet, l’urbain ou l’urbaine définit bien le fait d’appartenir à la ville. La forêt est urbaine par son appartenance spatiale au cadre de la ville.
▲ Figure 8: Plan de Paris, 1734-1739 © Michel Étienne Turgot
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b. La forêt comme artefact dans la ville Le projet du jardin sanctuaire de la BNF est un exemple de la modification des valeurs de délimitations à l’intérieur de la ville. La forêt est comprise dans une enceinte sanctuarisée, délimitée par une «clôture». Elle est elle même comprise au sein de la ville. Cette forêt devient alors un artefact, une représentation fictive de la forêt, car intégrée à la maille de la ville. Comme le souligne Alain Cambier, «Ce n’est donc que lorsqu’il élabore des objets artificiels que l’homme se construit un monde qui n’est plus soumis aux rythmes de la nature, mais porte plutôt les marques d’une histoire qui lui est propre.»5 Je pense qu’en maintenant la forêt de la BNF dans une image plutôt picturale de la nature par une gestion particulière, l’homme s’oppose donc toujours aux mécaniques évolutives du vivant dans un but esthétique. Pourtant, cette forêt pourrait prétendre aujourd’hui, à rendre beaucoup plus de rôles écosystémiques et de liens au bâtiment et au quartier qui l’encercle. Nous sommes donc dans l’artefact, dans le contrôle de cette vie organique non pas par peur d’être dépassé par la forêt, mais par crainte de ne plus s’ancrer dans les règles esthétiques attendues par les visiteurs alors même que la forêt est apte à créer ses propres règles. Les câbles de haubanage expriment ce désir de pérennité de la ville, appliqué à un arbre. Il y a certainement d’autres raisons qui ont poussées les gestionnaires à installer ces câbles (qualité des sols, âge des arbres plantés, fragilité) mais 26
l’idée reste présence. On n’arrive pas encore a accepter d’être dépassé par les mécanismes biologiques du site (chute d’arbres, pousse de ronces) alors même qu’ils devraient permettre à cet espace sanctuaire, de laisser s’exprimer la forêt.L’idée de cycles est alors présente au niveau des saisons peut-être, mais dans la composition, les cycles sylvicoles qui devraient s’établir dans l’espace propre à la forêt semblent bloqués. c. La forêt urbaine, une hétèrotopie incompatible dans la ville La ville, ne l’oublions pas, est aussi l’espace qui représente et rassemble une multitude de lieux qui existent ailleurs dans le monde. Je trouve alors, que l’approche de Michel Foucault dans la description de lieux qu’il appelle lui-même «hétérotopique» ouvre des portes sur le sens de la forêt-urbaine. Il nomme «l’hétérotopie» comme ceci: «[...] dont la fonction spécifique consiste à représenter d’autres lieux qui - parce qu’ils rentrent dans l’ordre du symbolique apparaissent mis en scène par l’homme et susceptibles de répondre au souci du sens de l’existence.»6 C’est peut-être alors là le problème. Certains objets où lieux peuvent être représentés dans la ville mais la forêt répond-elle à cette démarche? Si l’on observe bien, la grande fragilité des projets de forêt-urbaine repose sur le manque d’attention et de connaissance du site d’accueil du projet. La forêt, par ses caractéristiques spécifiques s’oppose à toute forme d’hétérotopie qui si elle est réalisée, déclinera inévitablement si les attentes environnementales des végétaux ne sont pas respectés.
« SI LES PARISIENS VEULENT DE LA FORÊT, ILS PEUVENT ALLER EN FORÊT, PERSONNE NE LES EN EMPÊCHE, ET, QUI PLUS EST, ILS Y TROUVERONT DES LOUPS. MAIS PERSONNE NE POURRA CROIRE QUE QUELQUES PLANTATIONS VONT ABAISSER LA TEMPÉRATURE AMBIANTE : ELLES CHANGERONT JUSTE L’ATMOSPHÈRE URBAINE ET PARIS NE SERA PLUS PARIS. » ALAIN SARFATI, ARCHITECTE
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Les pins transplantés dans la BNF répondaient peut-être à un climat particulier de la Normandie qui leurs convenaient particulièrement. On peut essayer de reproduire ce lieu au centre de la BNF, mais si les conditions climatiques et environnementales ne sont pas les mêmes, alors l’hétérotopie de cette forêt avortera peu importe les tentatives.
▲ Figure 9: Les Très Riches Heures du duc de Berry, Années 1440 - © Frères de Limbourg
d. La forêt, espace de représentation complexe Si l’on prend la définition minimale issue d’un dictionnaire, la forêt se décrit ainsi: «Grande étendue de terrain couverte d’arbres ; ensemble des grands arbres qui occupent, qui couvrent cette étendue».7 C’est une définition très simpliste mais qui déjà dessine les prémisses d’un paysage. Il y a aujourd’hui une simplicité quotidienne du vocabulaire envers la forêt qui appauvrit considérablement notre langage comme l’explique Geneviève Michon, ethnobotaniste. «Le vocabulaire français moderne qui qualifie ces étendues boisées et d’une rare pauvreté. Le terme de forêt est utilisé de façon universelle, aussi bien pour désigner les plantations de pins des Landes que pour la jungle dense des tropiques humides».8 Pourtant, il devrait exister autant de forêts qu’il 28
y a de représentations sociales de cette entité dans le monde. La forêt n’est pas universelle, il suffit de se rendre d’un bout à l’autre du monde pour comprendre que la définition n’a rien à voir d’une culture à l’autre. Par exemple, les paysans du Kalimantan Est (Île de Bornéo) utilisent huit grandes catégories pour décliner leurs forêts. Les paysans français du moyen-âge distinguaient eux, six grands domaines forestiers.
De plus, la valeur et le vocabulaire de la forêt évolue en fonction du domaine de compétence qui applique son regard envers cette entité, de l’époque et du regard culturel et social. Comme le relève Geneviève Michon, « [...] on voit vite que la forêt de l’anthropologue est finalement fort éloignée de celle de l’écologue, de l’exploitant forestier ou de l’aménageur.»9 C’est pourquoi nous n’avons pas la même représentation de la forêt qu’au moyen-âge ou qu’à la Renaissance. e. Des classifications sociétales et culturelles de la forêt Pour comprendre la forêt urbaine, il faut remonter à la source de ce vocabulaire. La forêt, comprend en effet de nombreuses classifications. Geneviève Michon insiste sur le fait que les sociétés classent les éléments du monde qui les entourent avec des propriétés subjectives qu’elles leurs attribuent et non pas par des critères objectifs. Ainsi, les faciès forestiers d’un territoire exprimerons le rapport de la société à cette forêt. En Occident, les typologies peuvent renseigner le type de composition arborée, proche du regard du botaniste (forêt de feuillus, forêt de résineux,décidue, sempervirente). Elles peuvent aussi s’orienter vers des caractères liées à l’écosystème et donc plutôt liée à un regard d’écologue (forêt primaire, climacique, secondaire, dégradée, anthropisée etc.) Avec ces types de classifications, la forêt
se retrouve en dehors de la sphère sociale, elle n’est pas liée à l’usage que l’on en fait ou à la manière dont on peut la pratiquer. D’autres classifications existent et répondent-elle, au rapport profond que la société entretien avec la forêt. Elle intègre alors des critères d’usages et de pratiques. On peut donc trouver la forêt de chasse, la forêt jardinée, la forêt sacrée, la réserve forestière, la forêt de chauffage etc.) Le forestier lui, intégrera des données qui seront liées à l’activité de sa profession. Chez les forestiers, les espaces correspondent à des ‘stations’ et la ‘station forestière’ définira une sylviculture précise avec pour but, une production de bois.10 On parlera donc de typologies de stations forestières relatives à une région mais aussi en lien avec des critères physionomiques, topographiques ou de gestions. Certaines classifications se référerons aux essences forestières dominantes (la hêtraie, la chênaie la pinède) d’autre sur le stade évolutif du milieu forestier. (Taillis sous futaie de hêtre, Futaie de feuillus). On pourra aussi voir apparaître certains types de gestions comme la futaie irrégulière, futaie régulière, gaulis, perchis etc.11 Comme abordé dans la première partie, le paysagiste étant lui au centre de différents métiers, apportera un regard plus esthétique, sociétale et paysager dans son approche typologique des forêts, s’inspirant des différents métiers et domaines scientifiques qui l’entoure. Il est intéressant de se pencher sur des organisations mondiales comme la FAO qui a élaboré des classifications propres à la forêt. Dans un rapport sur l’évaluation des ressources La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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30 ▲ Figure 10: Coupe et plan d’un morceau de forêt vu par le botaniste, - © Francis Hallé
forestières mondiales (FRA 2005). Pour eux la forêt correspond à des terres occupant une superficie de plus de 0,5 hectare avec des arbres atteignant une hauteur supérieure à cinq mètres et un couvert forestier de plus de 10%, ou avec des arbres capables de remplir ces critères. La définition exclut les terres dont le rôle prédominant est agricole ou urbain. Une définition un peu contradictoire avec leurs engagements dans le forum sur les ‘forêts urbaines’ puisqu’ils excluent la forêt dans une prédominante urbaine... La FAO offre une classification forestière intéressante puisqu’elle se place à une échelle mondiale avec un regard qui doit être transversale. Leurs définitions s’appuie sur des critères d’usages qui placent l’homme comme acteur et élément déterminant de cette définition par son empreinte sur la forêt. Ainsi on trouve, la forêt primaire, composée d’espèces indigènes et où la présence de l’homme n’est pas visible, où les processus écologiques sont préservés. La forêt secondaire correspond à une forêt primaire qui a subi une dégradation par des phénomènes naturels ou des activités humaines (agriculture, élevage). Elles se sont régénérées, mais comportent une structure différente de la forêt primaire dans la composition végétale. La forêt semi-naturelle se compose d’espèces indigènes, mais a était assistée ou plantée par l’homme en semi ou régénération naturelle. On trouve aussi les plantations forestières comme espace boisé crée artificiellement par plantation ou semis. Généralement l’essence plantée est la même sur l’ensemble de la parcelle comme dans une monoculture.
Les « autres terres boisées » désignent des terres arborée sur 5 à 10 % mais où l’on trouve aussi différentes strates végétales (arbres, arbustes, buissons). Cette catégorie ressemble à un espace plutôt dégradé. La dernière typologie se nomme « autres terres dotées de couverts arborés » et regroupe des terres qui ne correspondent pas à des ‘forêt’ car elles sont prédominantes à l’agriculture ou à l’urbain. « [...] les groupes d’arbres ou les arbres épars se trouvant dans les paysages agricoles, les parcs, les jardins et autour des bâtiments à condition que la superficie, la hauteur et le couvert répondent aux critères établis.»12 La forêt vue à travers ce rapport, confirme de ce point de vue, la séparation entre la forêt et l’espace urbain. Les deux ne semblent par être envisagés ensemble. Cette classification datant de 2005, on peut aussi se dire que le terme de ‘forêts urbaine’ n’est pas encore né et qu’il est normal qu’elle n’en fait pas référence. La forêt elle, semble se dissocier en deux grandes catégories, la forêt sauvage et la forêt transformée par l’homme. En français, on sépare le terme sylva du terme foresta. La sylva est un lieu de non-civilisation. Il était refuge des hors-la-lois au moyen-âge, et reste un espace fantasmatique du sauvage. La foresta est un lieu cadastré, aménagé, transformé par l’homme pour divers usages. Elle est mise en valeur par la civilisation humaine.13 William Gilpin différenciait lui aussi, ces deux catégories de forêts avec la forêt sauvage et la forêt embellit par l’homme. Il aborde la La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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deuxième comme touché par l’homme et donc transformé. La forêt perdrait donc son aspect sauvage une fois tombée entre les mains de l’homme. Il dit aussi que la forêt contient tous les paysages boisés plus petit allant donc du fourré au bois. «Les forêts, de par leur nature, sont des bois ab origine - ils ne sont points récemment plantés, mais réservés à l’abri et à la fourniture du gibier [...] Les arbres par conséquents, dont ces bois naturels sont composés, sont de touts âges et de toutes tailles, depuis les ancêtres de la forêt jusqu’au semis».14 Mais alors, comment peut-on caractériser la forêt en milieu urbain si ce n’est par l’ampleur des discours sur la réduction des phénomènes climatiques (îlots de chaleurs) quand elle est mise en place.
_____________ 1- CAMBIER Alain, «Qu’est-ce qu’une ville?», Paris, éd. VRIN, 2014, 128p. 2- CAMBIER pp.8, op.cit., p.24 3- CAMBIER pp.8, op.cit., p.24 4- CAMBIER pp.9, op.cit., p.24 5- CAMBIER pp.10, op.cit., p.24 6- CAMBIER pp.52, op.cit., p.24 7- Source: (https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais). 8- MICHON Genevieve, Ma forêt, ta forêt, leur forêt. Perceptions et enjeux autour de l’espace forestier, «bois et forêt des tropiques» [En ligne],», Numéro spécial Forêts détruites ou reconstruites, n°278, 2003, p. 15-24. 9- MICHON pp.17, op.cit, p.28 10- Source: https://inventaire-forestier.ign.fr 11- CARBIENER Didier, «Les arbres qui cachent la forêt, la gestion forestière à l’épreuve de l’écologie», Aix-enProvence, éditions EDISUD, 1995, 243 p. 12- Source: http://www.fao.org/home/fr/ 13- DE MALLERAY Anne et DESCOLA Philippe, «La forêt, lieu du sauvage» «Billebaude, La forêt dernier refuge du sauvage» éd. GLENAT, 2014, p. 4-11 14- GILPIN William, «Le paysage de la forêt», SAINTMAURICE, éd. Premières Pierres, 2010, 99p.
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La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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▲ Figure 12: Exemple d’une futaie régulière d’épicéa © Sylvestre Vernier
▲ Figure 11: Exemple futaie irrègulière © Olivier Baudry
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PARTIELa2forêt,
nouvel équipement au service de la ville
La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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- Partie 2 1. LA FORÊT, APPROCHE ÉCOLOGIQUE POUR UNE VILLE ORGANIQUE
▲ Figure 13: Peter Wohlleben dans la forêt de Hümmeln, Allemagne, - © Felix von der Osten
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a. Les dynamiques écologiques de la forêt
milieux précieux. Elle est fragile et supporte mal d’être piétinée régulièrement.»1
Je vais revenir à la typologie de la forêt sanctuaire avec le cas concret de la BNF pour comprendre les dynamiques biologiques qui sont à l’œuvre sur ce lieu. Différents étages organisent la vie d’une forêt, l’étage aérien du houppier, les sous-étages de végétation et pour terminer le plus important, le sol. On sait désormais que le sol est l’élément le plus important de la terre. Il est la source même de la vie comme le dit Nicolas Gilsoul:
Peter Wohlleben expert forestier nous parle lui de l’importance du sol: «la biomasse d’une forêt se trouve pour moitié dans cet étage inférieur.»2
«Ce qui définit la richesse du vivant d’une forêt tient dans son sol. La litière en décomposition crée la couche protectrice et nourricière de ces 36
Il est alors affligeant de voir l’absolue absence de prise en compte du sol avant l’intervention des pseudo-projets de forêts urbaines cités précédemment. La forêt devient une merveilleuse enseignante pour la ville, reine du bitume et du ruissellement. Les phénomènes climatiques extrêmes mettent à l’épreuve la matérialité du sol de nos villes, trop peu perméable.
▲ Figure 14: Plantation de Pins dans le sol de la forêt des Landes © François-Xavier Drouet
Aujourd’hui, l’érosion des sols, de plus en plus vigoureuse est une priorité mondiale. La forêt par son fonctionnement, protège la terre de l’érosion et apporte les conditions nécessaires à la vie du sol. La forêt urbaine permet de réinjecter de la vie organique là où, pendant des siècles nous avons essayé de nous en défaire. Pour l’implantation de la forêt de la BNF, le sol a été excavé sur trois mètres dans la roche calcaire. Il a ensuite était ajouté une couche de terre forestière sur environ cinq mètres.Une fois le sol mis en place et les végétaux installés, il faut attendre que la vie microbienne se forme dans le sol. C’est à partir d’elle que dépendra la bonne pérennité des arbres, la décomposition optimale des résidus organiques (feuilles, branches, bois etc).
Mais combien de temps cela prend t-il pour avoir un sol forestier autonome et pérenne? Peter Wohlleben aborde ce sujet sur le monde souterrain et dit: «Si l’on ne sait pas combien de temps un sol forestier met à se constituer, une chose est sûre: cent ans ne suffisent pas».3 Ce n’est pas au hasard que l’on dit que les arbres sont les maîtres du temps. Le sol met des siècles à se constituer et demeure extrêmement fragile. Sa richesse peut disparaître en un claquement de doigts par rapport au temps qu’il aura fallu pour le constituer. On peut observer ce phénomène dans les coupes à blanc réalisées dans les forêts productives. Le sol mis à nu voit ses La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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éléments nutritifs disparaître dans des torrents d’eau lors des pluies violentes. Francois-Xavier Drouet, cinéaste, nous a montré les méfaits de la foresterie moderne sur le sol et l’écosystème global dans son film ‘Le temps des forêts’.4 Une forêt ne devrait jamais être mise à nu hors phénomènes naturels de feux forestiers utile pour régénérer l’écosystème. La pérennité d’une forêt dépend de la diversité végétale qui la compose. Sur le site de la BNF 26 pins sylvestres adultes ont été transférés de la forêt de Bord en Normandie. Il y a eu en plus, des arbres de pépinières (pins, chênes, charmes, bouleaux) qui sont venus enrichir les parties boisées. En strate basse, des fougères, jacinthes, géraniums et faux fraisiers et d’autres espèces pionnières ont été plantées pour composer le sous-bois.5 On peut se rendre compte que cette forêt a été plantée comme un jardin. En règle générale, c’est un peu aberrant de ‘planter’ une forêt car normalement, elle est le stade final d’une succession de strates végétales. C’est bien notre désir d’instantanéité et notre impatience face à la lenteur des arbres qui pousse aujourd’hui les décideurs et clients à planter des arbres adultes. La gestion de la forêt doit être précise pour établir artificiellement ce que la nature réaliserait naturellement pour se régénérer (tempête, feu etc). En milieu urbain, il est nécessaire de bien entretenir la forêt pour éviter son vieillissement prématuré et réduit ainsi les risques d’incendie. Pour mener à bien le futur des forêts urbaines, le paysagiste concepteur doit travailler en équipe avec les experts forestiers. On ne gère pas un parc ni un jardin d’agrément. Dans les projets de forêt urbaine précédents, 38
on ne parle que trop peu ou pas du tout du rôle de l’expert forestier dans ces travaux de conception. Par sa présence, la forêt convoque de multiples actions avec des portés considérables comme l’explique Ernst Zürcher: «Une des formes d’actions des arbres, invisible au premier abord mais d’une portée considérable, réside dans leur rapport à la santé, l’équilibre et la fertilité de leur environnement immédiat ou plus éloigné.»6 On pourrait donc définir la forêt comme jauge de bonne santé d’un milieu. C’est une approche naturaliste semblable aux théories d’Aldo Leopold sur la nature sauvage. «La nature sauvage est une forme d’usage de la terre. C’est une norme de santé pour la nature.»7 Ces deux regards éclairent le propos sur le rayonnement puissant de la forêt. Elle a effectivement une présence dans l’environnement immédiat, mais aussi dans le lointain qui la connecte donc à la planète toute entière. Dans les domaines qui nous intéressent présentement, le lien entre les forêts et le climat est irréfutable. «les forêts sont une composante de la biosphère garantissant le fonctionnement et la stabilité du grand cycle géoclimatique.»8 En effet, comme le dit Ernst Zürcher, les forêts provoquent leurs propres pluies par évapotranspiration émises par les feuilles. Les massifs forestiers participent donc au mouvement des masses d’air dans l’espace.
▲ Figure 15: Vue aérienne - Parc du Sausset, Villepinte Atelier Corajoud © J.B LEROUX
b. L’écologie urbaine, moteur transformation de la ville
de
Depuis les années 70, il y a au sein des villes et des jardins, une pensée écologique qui a permis de transformer, les pratiques et les projets des décideurs et des concepteurs. La gestion des parcs, jardins et espaces publics de la ville a vu apparaître un nouveau mode de gestion alternatif écologique pour faire face à la baisse de la biodiversité et des problèmes liés à l’usage des produits phytosanitaires. Gaelle Aggeri et Pierre Donadieu retracent la généalogie et la géographie de la diffusion des idées de nature
urbaine et des concepts liés à l’écologie urbaine et la ville durable.9 Les années 70 à 90, sont le théâtre d’une remise en cause de cette gestion des « espaces verts » jusqu’alors très horticole, manichéenne et hygiéniste. Les écologues et naturalistes s’emparent alors de ces questions pour approfondir la connaissance et la bonne gestion des écosystèmes urbains. « La qualité des espaces verts publics n’était plus liée à la fréquence de leur entretien, à la présence d’essences exotiques ou à leur fleurissement, mais à la diversité et à l’intensité de l’activité biologique qu’ils engendraient et qu’ils abritaient. »10 La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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▲ Figure 16: parc Matisse, Lille, L’île Derborence et le Boulingrin © Gilles Clément
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Le changement de regard est dès cette période enclenché. Il s’en suit pendant les années 90 différents concepts émergeant comme la gestion différenciée, gestion écologique ou proche de la nature. Ce nouveau modèle avance de front avec l’arrivée du terme « développement durable» largement politisé. Ce terme arrivé après la révolution industrielle traduit le changement de point de vue sur la croissance indéfinie et l’action néfaste des industries et de l’étalement urbain sur les milieux naturels. Lancé par l’ONU et abordé pour la première fois lors du rapport Brunteland en 1987 il enseigne sur l’empreinte négative de l’homme dans son développement et l’envie de trouver des solutions et un équilibre dans l’environnement dans lequel nous évoluons et construisons nos sociétés.11 Les concepteurs s’emparent alors de ces évolutions sociétales dans les projets avec toujours le souci de transposer les idées naturalistes dans l’espace urbain. « la conception des espaces publics évolua dans les années 90 vers de nouvelles pratiques cherchant à recréer littéralement des espaces sauvages ou ruraux dans la ville, comme des forêts, des bocages ou des marais. »12 Gilles clément développera alors sont concept du jardin en mouvement, inspiré des dynamiques de la friche. Basé sur l’observation et la synergie entre la croissance des végétaux et le rôle accompagnant du jardinier dans les dynamiques vivantes. Michel Corajoud travaillera, lui près de 30 ans sur le projet du parc du Sausset où il traitera 200 ha de forêt, bocage et parc tracés, situé entre deux villes de banlieue. Inspiré par les pratiques d’André Le Nôtre (le travail sur les bosquets) il
composera différentes dynamiques forestières et développera l’idée du parc forestier. Ces nouvelles pratiques sont autant le fruit d’un changement de représentation par le public, des espaces de nature urbaines, mais aussi, « la diffusion des idéologies planétaires, plaidant pour un respect plus effectif des ressources naturelles [...] »13 L’engouement du public pour la nature sauvage ou rurale dans la ville est fortement développé à partir des années 90. Il est vrai que l’on peut se demander si ces demandes sont l’expression d’un phénomène de mode ou bien une manifestation du public pour dénoncer les qualités de la ville qui ne répond plus au bien-être attendu. La forêt urbaine fait aujourd’hui partie d’une de ces formes de nature urbaine parfois sauvage, largement abordées par les politiques et les concepteurs. Alors cette nouvelle forme de nature urbaine se place t-elle aujourd’hui dans l’imaginaire collectif comme une bouée pouvant porter secours à une Humanité «en péril» via le changement climatique ? c. Le savoir sylvicole, utile pour penser les forêts urbaines? Dans cette partie, j’aimerais comprendre le regard des forestiers sur la forêt et voir depuis ce métier, le rôle que leurs connaissances peut apporter dans la création des forêtsurbaines. En effet, aujourd’hui, le forestier est plutôt absent des question et réalisations en milieu urbain, d’une part car le sujet est assez récent, que les exemples réalisés ne les ont pas fait participer à la réalisation mais aussi car j’imagine que pour un forestier, les quelques mètres carrés présent en ville que les concepteurs appellent forêt-urbaine ne constitue La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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peut-être pas encore un intérêt majeur pour eux. Le métier du forestier a beaucoup évolué au fil des décennies. Aujourd’hui il intègre des notions écologiques et environnementales qui n’étaient pas présentes auparavant. On peut trouver deux catégories de gestionnaires forestiers, les propriétaires privés et les gestionnaires publics. Les forestiers publics sont par leurs formations formés à considérer la forêt d’un point de vue utilitaire.14 De ce point de vue, la forêt est un ensemble d’arbres à gérer, à cultiver pour répondre à des exigences économiques et plus récemment écologiques mais elle est avant tout destinée à produire du bois. On trouve aussi deux états d’esprits différents chez les forestiers, les naturalistes et les productivistes, certains étant attachés à l’écosystème forestier, à son fonctionnement comme le serait un écologue et d’autre plus attaché à la productivité de la forêt et à sa rentabilité. L’aspect sensible du métier à souvent été laissé de côté face à l’aspect technique et économique. Si le forestier peut aujourd’hui assumer une dimension créative et sensible de son métier, il devient alors intéressant de l’intégrer dans la démarche des projets de forêt urbaine. La grande richesse du forestier est sa connaissance accru des dynamiques forestières, des essences et de leurs caractéristiques spatiales. Cette partie technique et cette projection sur l’évolution des cycles sylvicoles lors de la création d’une forêt urbaine est souvent le talon d’Achille au sein des projets. Pourtant la forêt n’est pas une finalité mais un lent processus qui évolue constamment. Certaines forêts urbaines ont besoins d’une gestion pour accompagner les dynamiques mais aussi pour s’adapter à l’environnement urbain en terme de sécurité ou d’usages. Grâce au forestier, 42
les projets de forêt-urbaine on beaucoup plus de chance d’être pérenne et techniquement viable dans le contexte urbain car même si le concepteur paysagiste a des notions forestières importantes, il ne fréquente pas en permanence la forêt et n’est donc pas un spécialiste. Les forestiers sont «les architectes des forêts»15 et on comprends que la profession est comme beaucoup d’autres en mutation et doit s’adapter à la société actuelle. Le forestier a un rôle énorme sur le paysage même si il n’en a pas la formation. ______________ 1- GILSOUL Nicolas «Ville nature, jungles urbaines» dans «ARCHISCOPIE bulletin de l’IFA, thème ville nature» n°19, éd. de la Cité de l’architecture et du patrimoine, 2019, p. 9-23 2- WOHLLEBEN Peter, «La vie secrète des arbres», Paris, éd. Les Arenes Eds, 2017, 260 p. 3- Ibid. p.105 4- DROUET Francois-Xavier, «Le temps des forêts»,2018, film couleur, France, MBO, 103 min. 5- Source: (https://www.bnf.fr/fr). 6- ZÜRCHER Ernest , «Les arbres entre visible et invisible», France, éd. ACTES SUD, 2016, 283 p. 7- LEOPOLD Aldo, «La conscience écologique»,Paris, éditions WILDPROJECT, 2013, 240p. 8- Zürcher pp.20, op.cit., p.38 9- AGGERI Gaelle et DONADIEU Pierre, «LA GESTION DIFFÉRENCIÉE DES PARCS PUBLICS, une nouvelle orientation des politiques des villes européennes» in actes du séminaire «Étapes de recherches en paysage», n° 2, Versailles, École Nationale Supérieure du Paysage, 2000, pp.43-52. 10- Ibid. p.46 11- Source: (https://www.kloranebotanical.foundation/fr/ depuis-quand-le-developpement-durable-existe-t-il) 12- AGGERI; DONADIEU pp.48, op.cit., p.39 13- AGGERI; DONADIEU pp.48, op.cit., p.39 14- CORVOL Andrée, «forêt et paysage Xe - XXI siècle», Paris, éd. L’HARMATTAN, 2011, 450p. 15- Ibid. p.42
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▲ Figure 17:Travail du forestier, mesure du diamètre des arbres © Atelier Denis Bomer
- Partie 2 2. LES MULTIPLES SCÈNES DE LA FORÊT
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Il y a donc des forêts multiples mais aussi différentes scènes de forêts. Car si l’on parle de forêt urbaine, souvent, leurs compositions, leurs surfaces ou leurs ambiances se rapprochent peut-être plus d’un bosquet, d’un bois ou encore d’un taillis.Tout ne peut pas, et ne doit pas être forêt. L’intégration des scènes de la forêt dans la composition des espaces de jardins (privés ou publics) a permis en effet, une première mise en lumière de la complexité de ces lieux aux multiples visages. Aujourd’hui, le jardin et l’espace public au sein des villes partagent des valeurs communes et la forêt, comme composante, se transpose pour aller doucement s’immiscer dans la composition de l’espace public.
Le bosquet, lui, se définit comme, un «petit bois formé de palissades régulièrement tondue, et coupé d’allées diversement symétrisées. Ses compartiments sont susceptibles d’ornements et de différentes variétés[...] ».
Pour enrichir et surtout comprendre ce vocabulaire, je me tourne vers les définitions historiques des termes forestiers dans l’art des jardins classiques et anglais du XVIIe et XVIIIe siècle.On retrouve de précise définitions dans les ouvrages de la famille Dezallier d’Argenville, avec notamment le fils, Antoine Nicolas, naturaliste et critique d’art. Ces définitions relèvent évidemment de la pratique du jardin classique au XVIIe siècle bien abordée par son père Antoine Joseph Dezallier d’Argenville au milieu du XVIIe siècle. Il définit, dans l’ouvrage sur la pratique et l’art des jardins, de multiples mots dont certains ayant retenus mon attention:1 Il définit le bois comme « Espace de terre planté d’arbres propre au charronnage, au chauffage ou à la construction des édifices».
Dezallier d’Argenville Antoine Joseph nous permet de comprendre que le terme de bosquet remonte au jardin d’Italie: «on appelle bosquet du mot Italien Bosquetto, un petit Bois de peu d’étendue, comme qui diroit un Bouquet de verdure.»3 Ce terme italien ne semble pas être spécifique à l’art des jardins mais semble être utilisé dans le langage courant. Dans les jardins classiques, la diversité des scènes de la forêt se retrouve donc dans la complexité des multiples bosquets que l’on peut utiliser pour les jardins. Le reste relève de la forêt de chasse et de réserve, lieu du domaine royal. Les scènes de forêt dans les jardins anglais du XVIIIe siècle sont bien différentes. Elles
En effet, son père avait abordé les notions de bosquets plus en détails.2 Il y définit six grandes variétés de bosquets qui peuvent entrer dans la composition des jardins. -Les Forêts et grands Bois de haute futaie -Les bois taillis -Les bosquets de moyennes futaie à haute palissades. -Les bosquets découverts à compartiments -Les bosquets plantés en quinconces -Les bois verts.
▲ Figure 18: Le pittoresque selon W.Gilpin: Landscape, 1 February 1794 © William Gilpin
transcrivent une attention beaucoup plus fine au détail, à un regard très précis et manichéen de peintre, comme il en serait pour la composition d’un tableau. William Gilpin en est l’exemple même. Il a su observer intimement la nature et élaborer des classements esthétiques pour différencier les multiples compositions de la forêt qu’il trie comme un peintre le ferait. Les scènes forestières deviennent alors pour lui, autant de couleurs que de métamorphoses saisonnières, de masses, de rythmes et de lumières. Il est aussi l’un des inventeurs de la notion de ‘pittoresque’ car il développe
différentes combinaisons de nature relatives à la forêt comme le bois, le taillis, le fourré, la forêt etc.4 À cette époque la forêt s’illustre dans les jardins par sa représentation pittoresque qui lui donne sa grande beauté dans la nature sauvage. Les paysagistes composent en recherchant dans les forêts sauvages, des principes qu’ils sont susceptibles d’appliquer au paysage du jardin. C’est bien l’affirmation des caractères singuliers des arbres et un certain romantisme qui donnera La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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▲ Figure 19: Peinture «dans la forêt de Fontainebleau » (1751-1823) © Jean-François Hue
à ces jardins leurs singularités. Il ne fait aucun doute qu’à partir de cette époque, qui débuta par l’art des jardins en Italie, la forêt prend un tout autre tournant dans sa représentation et sa fonction. Elle n’est plus vue dans son unique utilité (chauffage, chasse, construction etc) mais bien pour des valeurs esthétiques et spatiales nouvelles. William Gilpin donne dans ses écrits, différentes composantes de la forêt. Il définit le bois comme «toute combinaison d’arbres forestiers 46
d’une certaine ampleur dans un état de nature. Toutes les combinaisons de cette sorte, quoiqu’elles n’aient pas le privilège d’être des forêts, composent le même type de paysage.»5 Cette définition reste quelque peu flou, mais se différencie de l’art des jardins classiques par son décrochement à l’utilitaire des forêts. En revanche, il considère que le bosquet à un sens plutôt relatif car il ne serait dire combien d’arbre en constitue la chair dans une vue éloignée. C’est pour lui son détachement à un bois qui
lui accorde l’existence. Il peut donc comporter plusieurs centaines d’individus même si «aucune règle artistique ne saurait décider du nombre», comme il le dit. D’autre part, dans des vues rapprochées, il nomme bosquet, un groupe de trois ou quatre arbres. Cet attachement aux différents plans du paysage est intéressant car alors, la vue s’offre depuis un espace précis, comme il en est de même dans le jardin classique. Nous retiendrons alors cette phrase de W. Gilpin qui conclue sur le bosquet: «Nous distinguons ainsi plusieurs sortent de bosquets, les plus petits et les plus grands; les uns s’attachent au premier plan et les autres étant tenus pour un ornement du lointain».6 Deux autres termes utilisés par Gilpin me semblent intéressants à aborder pour leurs liens à la forêt. Il y a le taillis, qu’il définis comme « un paysage composé, d’arbres forestiers mélangés à des fourrés, lesquels doivent être éclaircis tout les 12 à 14 ans.»7 Selon lui, «le taillis n’est guère autre qu’une pépinière de jeunes arbres» 8 Le fourré est, selon lui similaire au taillis. Il le différencie comme «produit authentique de la nature».9 Ce paysage semble donc moins maîtrisé par l’homme mais rentre tout de même dans des options de composition. Car son côté impénétrable et dense interdit le passage. Il est entre autre composé d’un fouillis de broussailles et de ronces. Je finirais avec la définition de la forêt selon Gilpin. Ce qui est intéressant, c’est que pour lui, la forêt contient toutes les compositions de paysages boisés. Comme une succession de boites que l’on empilerait pour arriver à la plus
grosse et la plus complète que serait la forêt. D’autre part, il offre une différence entre la forêt sauvage de la forêt embellit par l’homme. On comprend bien que la forêt sauvage est pour lui le lieu de recueillement et d’observatoire dans lequel il peut puiser son inspiration et la transposer dans une forêt transformée et embelli au cœur des jardins. On peut ressentir que Gilpin voit aussi la forêt comme lieu ou le temps s’écoule et ou la vie humaine rencontre le sauvage: «Les forêts ne sont pas récemment plantées, elles sont réservées à l’abri et à la fourniture du gibier. Il y a donc dans ses bois naturels, des arbres de tout âges, depuis les ancêtres de la forêt jusqu’au semis. Ils poussent d’une manière désordonnée comme prescrit la nature.»10 Gilpin parle du «privilège d’être forêt» en le comparant au bois. C’est en ce sens que tout n’est pas forêt. Nous avons donc traversé le regard hygiéniste sur la forêt dans les jardins du XVIIe siècle et le regard plastique et esthétique du XVIIIe siècle. Ces deux époques offrent certaines similarités dans leurs manières d’aborder les paysages de la forêt. En effet, ces scènes de la forêt sont des composantes pour offrir à voir un paysage plus vaste. Elles participent à la beauté globale d’un ensemble, à l’appréciation d’un tout, vue depuis un point précis comme l’on regarderait depuis une fenêtre ouverte. Alors, quels paysages de la forêt souhaitons nous transmettre et offrir aux urbains? Accrochés à de fausses images, il ne fait aucun doute que les projets qui voient le jour aujourd’hui n’ont rien en commun avec les notions réelles et historiques sur les paysages La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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de la forêt. Les futurs concepteurs doivent alors, s’ils souhaitent continuer à raconter les forêts dans le paysage des villes, s’appuyer sur le chapitre précédent, celui de la forêt au cœur des parcs et jardins. Certaines forêts urbaines semblent peutêtre écrire et mettre en forme, ces pièces de nature de la forêt. Je pense notamment au jardin de la bibliothèque nationale de Paris qui dessine l’imaginaire du paysage de la forêt de Fontainebleau jusqu’à en avoir extirpé par hélicoptère, des arbres similaires dans une forêt de Normandie. Cette pièce de forêt se déploie ici comme une expérience immersive. La forêt se place, comme une peinture représentant la nature vivante qui évolue au rythme des saisons. Cette scène de forêt volontairement inaccessible prend la fonction d’un espace sanctuaire. On voit se développer et croître devant nos yeux, une nature et un écosystème qui se veut autonome. L’homme et le sauvage semblent alors n’avoir jamais étaient aussi proches, séparés de quelques centimètres par un mur de verre.
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_______________ 1- DEZALLIER D’ARGENVILLE Antoine Nicolas, «DICTIONNAIRE DU JARDINAGE Relatif à la Théorie & à la Pratique de cet Art», Paris, éd. Les frères DEBURE, 1777, 496 p. 2- DEZALLIER D’ARGENVILLE Antoine Joseph, «La théorie et la pratique du jardinage», Paris, éd. chez Jean MARIETTE, 1709, 208p. 3- Ibid. p. 47 4- GILPIN William, «Le paysage de la forêt», SAINT-MAURICE, éd. Premières Pierres, 2010, 99p. 5- Ibid. p.64 6- GILPIN pp.56, op.cit., p.45 7- GILPIN pp.65, op.cit., p.45 8- GILPIN pp.65, op.cit., p.45 9- GILPIN pp.69, op.cit., p.45 10- GILPIN pp.76, op.cit., p.45
« LE MONDE VÉGÉTAL, EN DÉPIT DES MYTHES ET LÉGENDES QUI LUI SONT RATTACHÉS, A PRESQUE TOUJOURS ÉTÉ ENVISAGÉ SOUS L’ANGLE DE L’UTILITÉ ET DEPUIS PEU, ÉCOLOGIQUE. ALORS QUE GILPIN CÉLÈBRE LES ARBRES POUR EUX-MÊMES, EN TANT QU’OBJETS D’ADMIRATION. » JOËL CORNUAULT
La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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- Partie 2 3. PERCEPTION ET USAGES DE LA FORÊT EN VILLE
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L’idée que l’écosystème forestier doit être intégré aux villes est sans doute nécessaire d’un point de vue écosystémique et en vue du dérèglement climatique que nous avons nousmême intensifié par notre usage des ressources et de la manière d’habiter la Terre. Mais il est important de comprendre que l’atmosphère d’une ville est bien différente de l’écosystème forestier. L’évapotranspiration et l’ombre des arbres engendrent inévitablement de l’humidité. En hiver, le soleil montre monte moins haut à l’horizon et l’humidité est donc plus importante. On sait que le manque d’exposition au soleil n’est pas bon pour la santé et peut jouer sur le mental voir même engendrer de la dépression. Il faut alors se demander si l’ombre des arbres engendrée par l’écosystème forestier n’est pas défavorable à la vie au sein de la ville notamment en terme de luminosité.1 Il peut être aussi intéressant de comprendre notre rapport à un habitat immergé dans un paysage forestier. L’idée peut sembler idyllique mais il y a bien des situations ou la forêt peut oppresser quand elle se retrouve dans le quotidien. Des exemples de villages entourés et presque recouvert par les forêts comme sur le plateau de Millevaches montrent que les habitants ne se sentent pas confortables dans ce type de situations.2 En effet, la forêt déstructure et homogénéise les paysages. Elle développe la dimension verticale de l’espace et la fermeture 50
du paysage. Nous avons donc plutôt intérêt à réfléchir à l’interface qui connectera l’habitat urbain et la forêt. Que voit et que ressent l’habitant immergé dans un paysage forestier? «la forêt n’est plus regardée de l’extérieur comme un paysage ou comme un décor mais de l’intérieur: l’observateur est dans la forêt, il n’est pas un visiteur, un promeneur, mais un habitant».3 ▲ Figure 20: Vue aérienne: bourg de Gentioux entouré par la forêt - © Mairie de GentiouxPigerolles.
a. La lumière des villes face à l’obscurité des forêts
D’autre part, il y a aussi, des contraintes techniques en ville qui peuvent être amenées à être modifiées. Les actes hygiénistes des villes notamment à Paris par le baron Haussmann avaient pour but d’aérer et de rendre respirable les rues de la ville. Le milieu forestier génère quant à lui, un environnement humide, frais et ombragé qui se place à l’inverse des conditions du milieu urbain.
En effet, l’humidité et l’ennemie de la ville, elle entraine moisissure et amène la maladie. Depuis toujours les villes n’ont cessé d’éviter l’humidité ou de la faire disparaître. La Ville de Versailles illustre cet exemple. Construite sur d’anciens marais, elle a dû pour s’établir, s’extraire un maximum de cette humidité grâce à d’importants travaux d’assainissements. Si la ville doit renégocier sa relation avec la forêt pour perdurer dans le temps alors il est possible qu’elle connaisse nombre de mutations dans les futures décennies pour mettre a jour son environnement qui devra être adapté aux étés caniculaires et aux hivers plus doux. L’ombre des arbres permettra évidemment d’atténuer les chaleurs estivales mais l’hiver la lumière se fait plus rare et les jours raccourcissent. Il y a un fort intérêt à favoriser alors, les arbres caducs qui laisseront passer la lumière hivernale à travers les houppiers. La forêt et plus généralement ce que l’on appelle nature, remet en cause notre théorie de la pérennité au sein des villes car elle instaure l’idée de l’éphémère universel, tout change et tout se transforme. Cette théorie est très développée dans les croyances issues du shintoïsme et du bouddhisme où «la régénération est consubstantielle à la dégradation.»4 b. La multifonctionnalité des forêts et ses enjeux de gestion Comme l’explique Pascal Nicot, chargé d’étude paysage au sein de l’ONF (office national des forêts) «Les forêts privées ou publiques sont réputées comme fessant partie d’un patrimoine commun et partagé.»5
Cependant, Pascal Nino explique que la notion de partage dépend de notre perception individuelle et que cette perception est influencée autant par notre culture que par notre vécu. Les aspects esthétiques et les attentes sociales sont alors très différentes d’une personne à une autre. La forêt est un espace fréquenté depuis les débuts de l’humanité. Sa fonction et ses usages varient en fonction des besoins de l’époque et des modes de vies et pratiques culturelles. Il est important de comprendre la gestion d’un espace forestier en fonction de sa fréquentation qui peut varier en intensité d’un moment de la journée à un autre ou encore en fonction des saisons. Aujourd’hui, les forêts urbaines et péri-urbaines répondent à des besoins et des attentes différentes mais toujours extrêmement variés. Il est difficile de concilier au sein de ces espaces, une multifonctionnalité tout en gardant la diversité et la richesse biologique propre à ce milieu. En effet, plus la fréquentation est forte et plus le niveau de sensibilité du lieu est accru. On peut se rendre compte que la typologie de la forêt influence grandement ses usages. Certaines sont inaccessibles comme la forêt sanctuaire et comporte donc des usages plus spécifiques comme des usages à distance liés au plaisir visuel, d’autre comme la forêt verticale comporte des usages privatifs car les arbres sont dépendant des propriétaires. Pascal Nino aborde la notion de typologie pour exprimer les ambiances spatiales, la perception, l’usage, la gestion ou encore les enjeux de la forêt. Les différentes typologies ainsi nommées sont intéressantes car elles bousculent les typologies de forêt urbaine basées sur la forme et sur la fonction du lieu. La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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Ces typologies ont été énoncées dans le cadre d’une forêt péri-urbaine et ne sont donc pas antinomique à la compréhension typologique des forêts urbaines. La typologie spatiale intègre un regard structurant sur la forêt depuis l’échelle du territoire jusqu’à l’échelle de l’unité paysagère. La typologie de la perception et de l’usage s’attache à une vision «consommée» du paysage en fonction de sa situation et de son rapport à l’espace urbanisé. La typologie liée aux enjeux définis plusieurs types d’enjeux. On peut ainsi trouver des enjeux liés aux vues, aux aspects réglementaires, mais aussi aux différents paysages sectoriels d’ordres paysagers, sociaux, productif etc. La typologie de la gestion sylvicole informe sur les différents niveaux d’intensité de gestion et de prélèvement: (sans intervention, gestion extensive, gestion sanitaire etc.) On peut se rendre compte que ces différentes terminologies d’espace liées à la forêt sont placées sous le regard du forestier avec une attention lié à ce domaine de profession et au regard singulier du métier sur la forêt.6 La forêt évolue face aux besoins de la société. Actuellement dans la société, les enjeux liés aux usages sont de plus en plus forts. Si l’on prend l’exemple des forêts domaniales, on peut observer qu’il y a une friction forte entre les usages récréatifs et productifs. En effet, l’ennemi numéro un de la forêt est certainement le tassement et le piétinement. Les usages et déplacement incontrôlés dans les milieux forestiers affaiblissent les différentes strates du sol et diminues la vie microbienne. Quand la 52
forêt est fortement fréquentée comme en milieu urbain, il devient nécessaire d’intégrer des règles pour éviter toute dégradation et usure du site. Cela passe autant par l’aménagement des sentiers et cheminements que par la mise à disposition d’informations pour former les usagers aux bonnes conduites et les amener à comprendre les dynamiques de la forêt. Le sol à besoin d’être aérée pour bien fonctionner et le tassement supprime cet apport d’oxygène. D’autres usages peuvent perturber l’écosystème forestier comme la fréquentation des chiens (urines et excréments) qui perturbent aussi la vie microbienne et la santé des arbres. On peut aussi trouver des problèmes indirects comme le dépôt d’ordures qui pollue fortement les sites. En effet les actes d’incivilité sont aussi récurrents en forêt. Certains usagers considèrent en effet la forêt comme une décharge gratuite à ciel ouvert. À ce titre, la forêt doit être gérée comme un milieu fragile et vivant, elle ne peut être considérée comme un immense terrain de jeu. Ces usages doivent être contrôlés pour permettre sa bonne santé à travers le temps. Un sol forestier est extrêmement lent à se mettre en place, il faut compter cent ans pour qu’il puisse se constituer ou se reconstituer après un accident par exemple. Les loisirs en forêt constituent aussi un usage encré dans la culture occidentale. On la fréquente pour diverses activités: - Les activités sportives ( VTT, randonnée, marche, Accrobranche paintball etc.) La promenade reste un grand classique de l’usage commun de la forêt. On s’y rend pour
▲ Figure 21: Les usages de la forêt: une ballade à cheval © Itinera-magica
prendre un bain d’oxygène et s’évader du contexte bruyant de la ville. La balade en forêt permet de profiter du calme et de rythmes lents qui s’oppose au milieu urbain. Des activités liés aux ressources que la forêt peut offrir s’appliquent aussi (cueillette de champignons, chasse, ramassage de bois de chauffage). Le premier usage de la forêt reste la sylviculture avec la production de bois. Les interventions et le travail des forestiers reste souvent méconnue du grand public. En effet certaines pratiques forestières ont apportés une vision négative du métier notamment lorsqu’il s’agit de monoculture ou de coupe à blanc aujourd’hui beaucoup moins pratiqués en France. Cependant, il reste encore certaines forêts qui ne
répondent à aucun usage particuliers. L’homme y est alors absent et ces forêts peuvent être alors protégées. Les forêts primaires, qui n’ont jamais été transformées et touchées par l’homme sont aujourd’hui en grande disparition. La dernière en Europe est la forêt de Bialowieza aujourd’hui menacée par des coupes. Les forêts urbaines répondent à des besoins différents des forêts domaniales ou de productions. Un forestier rencontré en forêt de Versailles m’a expliqué que la forêt urbaine doit être gérée comme une forêt de production pour pouvoir se renouveler convenablement. Souvent ces usages sont semblables à celui du parc. Il faut cependant expliquer aux usagers que le La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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▲ Figure 22: Pratique du Shinrin Yoku en forêt ar-mag.fr -© Jeremie Vaudaux
milieu n’a pas les mêmes besoins et qu’il est plus sensible qu’un parc. Dans certains projets, des cartes d’usages peuvent être développées dans la phase projet pour envisager des zones de circulations fixes, des lieux d’activités et ainsi pouvoir travailler sur des secteurs plus sensibles et moins accessibles au grand public. Ces zones sont importantes car souvent moins fréquentés, elles sont le refuge d’une faune et d’une flore plus spécifique. De part ses usages, la forêt constitue aussi un espace public et donc gratuit. Dans des sociétés occidentales fortement capitalistes la forêt se place donc comme un lieu de loisir et un espace de bien-être accessible à tous.
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c. Les vertus et bénéfices de la forêt Aujourd’hui, les bienfaits liés à la forêt sont documentés et de nombreuses expériences permettent de rendre mesurable ce que certains appellent la médecine des arbres ou «sylvothérapie». Cette pratique est très développé au Japon, le shinrin yoku gagne progressivement les pays occidentaux. On sait que la ville est un lieu anxiogène et que les citadins sont beaucoup plus sujet au stress. Plusieurs facteurs influencent le cerveau des citadins. En Angleterre les gardes forestiers de l’ONF britannique reçoivent aujourd’hui une formation à la sylvothérapie. La promenade méditative dans les bois réduit la tension artérielle et le niveau
de stress. Le docteur Quing Li, immunologiste à la Nippon Medical School de Tokyo et grand spécialiste de la sylvothérapie a réalisé une série d’analyses et relevés; «une seule journée passée à respirer l’air de la forêt réduit de façon spectaculaire les taux d’adrénaline et de cortisol, l’hormone de stress.»7 En plus de cela, on sait que les composés chimiques émis par les arbres se diffusent dans l’air et sont donc captés par notre corps lors de la respiration. Diana BeresfordKroeger, biochimiste, botaniste et spécialiste de la «médecine forestière» évoque le rôle antibiotique des phytoncides qui correspondent donc aux molécules volatiles issues des huiles essentielles sécrétées par les arbres. Certaines huiles essentielles présentent dans les arbres ont en effet des rôles importants sur le renforcement du système immunitaire. Les concepts de forêts urbaines pourrait-ils alors réduire l’ensemble des maladies chroniques en constante augmentation? En tout cas il semble évident qu’ils pourraient participer à cette nouvelle santé urbaine s’ils sont combinés à d’autres facteurs bénéfiques pour la santé comme l’alimentation. En se projetant dans un futur ou la voiture et le pétrole ne serait qu’un lointain souvenir on peut imaginer les bénéfices d’avoir au sein des villes une variété de typologies de forêts pour profiter au quotidien de ses bienfaits sur la santé. En plus de cela si les émissions de particules fines diminuent en ville on peut imaginer que le taux de molécules volatiles issus des arbres et forêts augmentera. Cette évolution pourrait avoir des modifications profondes de la société en le prenant sous l’angle de la santé. Si les urbains
sont en meilleur santé mentale et physique alors la société devient elle-même plus saine. La connaissance des bienfaits sur la santé de la forêt ne peut qu’inciter un peu plus les villes à tracer leurs chemins en lien avec la forêt d’autant plus qu’elle semble être la meilleure alliée pour contrer les effets du réchauffement climatique et de la pollution en ville.
______________ 1- CORVOL Andrée, «forêt et paysage Xe - XXI siècle», Paris, éd. L’HARMATTAN, 2011, 450p. 2- CORVOL pp.95-110, op.cit., p.50 3- CORVOL pp.98, op.cit., p.50 4- CORVOL pp.21, op.cit., p.50 5- CORVOL pp.371, op.cit., p.50 6- CORVOL pp.371-376, op.cit., p.50 7- ATKINSON Nathalie«Les bienfaits du bain de forêt» dans «BOOKS l’actualité à la lumière des livres: la forêt et nous» n°99, éd. SAS BOOKS, juillet-août 2019, p. 40-41
La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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- Partie 2 4. LA VIE SAUVAGE DES FORÊTS S’INVITE EN VILLE
______________________________________________________ a. Le ‘sauvage’ aborigènes
chez
les
tribus
Historiquement, le mot ‘sauvage’ vient du mot sylva en latin qui renvoie au bois, à la forêt. La frontière entre le sauvage et le domestique autrefois mieux définis semble aujourd’hui se dissoudre. On se rend compte que l’empiétement humain sur certaines terres oblige le sauvage, notamment les bêtes de la forêt à se déplacer pour trouver leurs nourritures, s’orientant ainsi vers les villes. Philippe Descola, célèbre anthropologue aborde cette frontière dans notre culture: «[...] En français, on peut constater une séparation entre ce qui relève de la sylva, la forêt, en tant qu’espace fantasmatique du sauvage, et de La foresta, la forêt lorsqu’elle est cadastrée, aménagée, mise en valeur par la civilisation humaine [...]»1 En France, la forêt est en très grande partie contrôlée et cultivée, mais elle continue pourtant de constituer dans l’imaginaire des urbains, un espace de ‘sauvagerie’.2 Il y a donc deux types de forêts à distinguer, les forêts travaillées et embellies par l’homme, et les forêts sauvages qui peuvent se définir aujourd’hui comme des forêts primaires. La forêt primaire ou ‘vierge’ est restée indemne de toute activité humaine au cours de son existence. Ses processus écologiques riches et complexes n’ont donc connu aucune perturbations. 56
Aujourd’hui, on peut compter sur les doigts d’une main, le nombre de forêt qui n’a pas été exploité ou touché par l’homme. Sur Terre, il reste environ un tiers de forêt primaire, principalement concentré en Amazonie, en Indonésie et dans le bassin du Congo. Symboliquement, le jardin-forêt de la BNF se place alors comme un espace qui remet en cause les frontières entre sauvage et domestique. Cette forêt est, en effet, créée et embellit par et pour les hommes, mais a pour objectif final de donner un caractère et une forme sauvage au site. C’est un lieu d’inter-relation écosystémique qui tente de rassembler et de tisser des liens entre les espèces animales et végétales. Dans ce cas précis, l’homme est présent à distance de l’autre côté des vitres, ou en hauteur, perché au niveau des cimes. Il y a aujourd’hui des codes bien différents entre le sauvage et le domestique. Par soucis de surfréquentation, l’homme ne peut intégrer un espace comme celui-là. Nous devrions regagner en silence et respect pour pouvoir à nouveau les fréquenter. Pour pouvoir vivre en lien avec la forêt urbaine, les codes de la vie sauvage doivent être retrouvés.Pour comprendre la signification du sauvage, il est intéressant de s’orienter vers les derniers espaces sauvages et tribus aborigènes à l’esprit animiste et naturaliste, qui entretiennent encore un rapport inspirant avec la forêt.
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▲ Figure 23: Tribu dans la forêt amazonienne du Brésil © sebastiao salgado
Cette pensée souvent prise de haut par la société occidentale pourrait pourtant permettre de construire, dans le temps, la résilience des villes. Philippe Descola a rencontré l’une de ces tribus, les Jivaros Achuar de l’Amazonie équatorienne. Il a pu observer, dans cette culture, une gradation dans l’utilisation et la connaissance de la forêt. La forêt proche est pour eux familière, c’est celle qui entoure l’espace habité. Elle est le lieu où l’on va cueillir les fruits et où l’on connaît les lieux, les arbres, les animaux. L’espace devient alors familier, il entre dans le cadre de l’habitude. Une vision similaire au regard d’Alain Cambier dans sa définition d’habiter: «Habiter ne se réduit pas à disposer d’un habitacle et renvoie plutôt à un habitus, puisque «chez soi» est toujours le prolongement même d’une personnalité qui rayonne dans son environnement».3 En s’éloignant de chez eux, ils entrent dans la forêt moins fréquentée, c’est l’espace dédié à la chasse où les Achuars construisent de petits campements. Ces cabanes permettent de passer plusieurs jours sur place pour que les hommes puissent chasser. Il y a donc une notion de fréquentation dans l’appréhension du sauvage. Si les forêts urbaines deviennent trop fréquentés alors elles rentrent dans ce cadre familier de ‘l’habiter’, et par la même occasion, perdent leurs esprits sauvages. Le fait même que la forêt de la BNF ne soit pas praticable lui permet de conserver cette vocation sauvage. La forêt constitue également un milieu fragile notamment au niveau du sol. La vie 58
microbienne qui décompose en permanence les matières carbonées dans le sol à besoin d’un milieu aéré en profondeur. Le sol constitue la plus grande richesse de la forêt, il en est le moteur et de sa bonne santé dépendra la vie de tout l’écosystème. Pour traverser le temps, le sol de la forêt doit se constituer sur différents horizons depuis les profondeurs de la roche mère jusqu’au tapis de feuilles et de bois, en surface. La forêt sauvage est aussi le lieu des nonhumains, les animaux, les plantes qui vivent en interdépendances les unes envers les autres. Chez les Achuars, la forêt éloignée n’est pas un espace d’altérité et n’est pas considérée comme ‘sauvage’ à proprement parler, car les êtres qui sont rencontrés dans cette forêt sont considérés comme des membres de la famille. C’est bien leurs connaissances des non-humains et des règles d’adaptation et de déplacement dans la forêt qui leur permet d’être en connexion permanente avec ce lieu.4 Philippe Descola aborde ce regard: «Le chasseur est en permanence en communication mentale, par l’intermédiaire de chants qu’il adresse à l’animal, pour se concilier ses bonnes grâces, le séduire».5 Parallèlement en Occident, notre vie moderne au sein des villes nous a fait perdre, de génération en génération, l’expérience de la nature et du sauvage encore pratiquée dans ces sociétés aborigènes.
▲ Figure 24: Indiens Achuar dans la forêt
«Il y a une sorte de course à l’abîme, à la destruction, non seulement des non-humains qui nous entourent, mais de notre rapport à eux. Elle est à peine compensée par les rapports qu’individuellement nous pouvons entretenir avec un animal familier, avec des plantes si on jardine, ou avec des paysages si on aime randonner, etc. Ce processus de dissociation du monde a profondément bouleversé notre rapport aux non-humains et, indirectement, maintenant, nos propres conditions de survie.»6 Les Achuars sont donc quotidiennement au
contact de cette nature au cœur de la forêt et tout n’est pas toujours rose. Comme le dit Philippe Descola, «ça peut mal tourner» il y a une notion d’apprentissage vis -à-vis de ce lieu, on y intègre des leçons de vie. Le but n’étant pas de transposer ce mode de vie dans les milieux urbains au travers de la forêt car, de toute manière, le contexte n’est pas le même (densité démographique, système technique, contexte social etc). C’est bien dans l’observation de ces tribus La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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qui vivent selon des principes de pérennité de leurs milieux de vie, et dans la découverte des solutions qu’ils ont inventés pour vivre en lien avec ce milieu complexe de la forêt que l’on obtiendra les clés pour réinventer la ville durable. «Si tous ces gens ont réussi, il n’y a pas de raison que nous ne parvenions pas à inventer des formes radicalement nouvelles par rapport à celles qui ont organisé notre existence sociale et politique depuis deux siècles en excluant les non-humains.»7 b. Les forêts urbaines nouveau refuge de la vie sauvage? Dans les villes toujours plus denses, la vie sauvage et les non-humains peuvent-ils survivre et s’adapter? Et si l’inverse se produisait grâce aux forêts urbaines? L’homme pourrait-il, à fréquenter de plus en plus les ‘non-humains’, regagner un peu de son essence sauvage profondément enfouis. On voit depuis plusieurs années, certains animaux regagner les villes ou plutôt dans la majorité des cas, il s’agit de la ville qui s’est lentement installé sur d’anciens sites forestiers. Les animaux de forêt ont de moins en moins d’espace pour vivre et se déplacer. Certains ont su s’adapter aux conditions urbaines et ont appris à vivre en cohabitation avec l’homme. Nicolas Gilsoul aborde certaines de ces relations et évolutions comportementales à travers un ouvrage intitulé «bêtes de villes». En ville, les animaux ont trouvé une source de nourriture autant présente dans les jardins que dans les poubelles. Berlin est un bon exemple de ce phénomène. La capitale comporte plus 60
de forêt que Paris et les animaux font partie des dynamiques de la ville. Les renards se baladent dans les jardins et les rues, les fouinent et les ratons laveurs sont eux très fort pour piller les poubelles.8 On ne peut penser les forêts sans y intégrer la faune sauvage qui y habite car leur rôle est aussi primordiale sur l’écosystème. Malgré les dégâts que les cervidés peuvent occasionner aux jeunes poussent forestières. Les animaux participent aussi à semer les graines dans la forêt par le biais de leurs déjections et apportent par la même occasion, une vie microbienne importante à la bonne santé du sol et des arbres. Si la voiture disparaît, si le rythme au cœur des villes ralenti, alors qu’elle serait la rencontre d’un renard sorti d’une forêt, avec un citadin à 6h du matin, près d’un café starbuck?
_______________ 1- DE MALLERAY Anne et DESCOLA Philippe, «La forêt, lieu du sauvage» «Billebaude, La forêt dernier refuge du sauvage» éd. GLENAT, 2014, p. 4-11 2- Ibid. p.6 3- CAMBIER Alain, «Qu’est-ce qu’une ville?», Paris, éd. VRIN, 2014, 128p. 4- DE MALLERAY Anne et DESCOLA Philippe, «La forêt, lieu du sauvage» «Billebaude, La forêt dernier refuge du sauvage» éd. GLENAT, 2014, p. 4-11 5- DE MALLERAY; DESCOLA pp.10, op.cit., p.58 6- DE MALLERAY; DESCOLA pp.7, op.cit., p.58 7- DE MALLERAY; DESCOLA pp.7-11, op.cit., p.58 8-Source:(https://www.lepoint.fr/insolite/wir-sindberliner-les-sangliers-s-incrustent-dans-la-capitaleallemande-15-12-2017-2180207_48.php)
▲ Figure 25: Nature humaine © Samuel Guigues
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62 ▲ Figure 27: Nature humaine © Samuel Guigues
▲ Figure 26: Nature humaine © Samuel Guigues
« CETTE SÉRIE NOUS DONNE À VOIR L’HOMME PAR LA MISE EN SCÈNE ALLÉGORIQUE D’ANIMAUX SAUVAGES. AU-DELÀ D’UN COMPORTEMENT OU D’UNE ATTITUDE, CETTE PRÉSENCE ANIMALE RÉVÈLE LA NATURE MÊME D’UNE PERSONNALITÉ À TRAVERS LA SYMBOLIQUE DES ANIMAUX. NATURE HUMAINE EST LA REPRÉSENTATION DE PERSONNALITÉS DE CITADINS, TRAITÉE DE MANIÈRE MÉTAPHORIQUE, ET NOUS DONNE À RÉFLÉCHIR SUR L’HOMME, SA MANIÈRE D’ÊTRE EN SOCIÉTÉ ET SON INSCRIPTION DANS SON ENVIRONNEMENT. » ARTCATALYSE COMMUNIQUÉ DE PRESSE GALERIE TERRASSE EN VILLE, MARSEILLE
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PARTIE 3 Les concepteurs,
inventeurs de typologies de forêts urbaines
La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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- Partie 3 1. DE LA FORME À L’USAGE, LES TYPOLOGIES DE LA FORÊT URBAINE
______________________________________________________ a. Naissance des typologies Les différentes typologies de forêt-urbaine prennent donc leurs origines dans les projets de conception au sein des villes. La typologie se définie selon des critères variés en fonction des différents projets qui ont émergé grâce aux différents concepteurs des villes. Comme abordé précédemment, Nicolas Gilsoul avait esquissé des pistes de typologies en comparant différents projets de paysages ce qui avait attisé ma curiosité dans la manière de nommer ces différents espaces. On trouvera donc des forêts qui renseignent sur leurs formes dans la ville comme la forêt linéaire. Dans le cas présent la forêt linéaire réalisée par l’agence Ter se situe au nord de Paris. Elle s’étire le long du périphérique d’où son adjectif de linéaire. Cette typologie s’appliquait avant aux parcs et espaces publics qui se plaçaient dans la trame urbaine des talus ou des délaissés d’infrastructures. On peut aussi trouver les forêts verticales, terme instauré par les architectes qui indique la manière dont la forêt s’agrafe à un bâtiment et semble ainsi pousser à la verticale. D’autres projets renseignent sur la fonctionnalité et l’usage accordé à l’espace forestier. On peut trouver le parc forestier, la forêt sanctuaire, ou encore la forêt habitée. On peut aussi trouver la forêt jardinée ou la forêt cultivée. La forêt sanctuaire donne par exemple des indications sur le rôle de cette forêt. Dominique Perrault a ainsi nommé le jardin forêt de la BNF comme sanctuaire car inaccessible aux usagers. Il y a aussi une valeur de protection de la faune et de 66
la flore qui peut se trouver à l’intérieur de cet espace. Le bois habité réalisé par l’agence Ter représente là aussi un usage de la forêt comme lieu de vie, habitable. Si l’on se focalise uniquement sur terme de forêt urbaine, on trouve très peu de typologies qui prennent en compte le statut de la forêt ou du terrain sur lequel elle est implantée. Ces définitions sont réservées depuis longtemps aux forêts situées à l’extérieur de la ville (forêt domaniale, forêt privée, forêt publique). Chez les forestiers, le terme de typologie renvoie souvent aux différentes stations forestières existantes au sein d’un site. Ce type de station forestière renvoie à différents critères particulier propre à une parcelle de forêt (voir la partie sur les classifications sociétales et culturelles de la forêt). Le vocabulaire utilisé pour définir ces espaces de forêt-urbaine et donc très variable mais on se rend compte que bien souvent, l’adjectif utilisé pour caractériser ce milieu est déjà repris d’un autre type d’espace comme du jardin ou du parc. Il est intéressant de constater que pour qu’un espace soit identifiable par une société et encore plus en ville, on a besoin de lui accorder une typologie ou une fonction. Dans les métiers de la conception, on accorde une grande importante à la caractérisation des lieux. Cette attribution de différents adjectifs à l’espace permet d’accorder l’existante de ces lieux. Ils deviennent alors identifiables dans notre vie quotidienne.
▲ Figure 28 : Chronologie des projets liés à la forêt et changements de paradigme possible dans la conception ou la gestion d’une forêt en milieu urbain
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▲ Figure 29: Réduction des échelles depuis la forêt domaniale de Saint-Germain-en-Laye au jardin-forêt de la BNF à Paris
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b. Rapport d’échelle, entre mesure et représentation La vocation première du concept de forêturbaine et de mettre en place en milieu urbain un micro-écosytème forestier en reproduisant des dynamiques et des formes forestières existantes. Si j’aborde la notion de «micro» c’est pour introduire aussi le rapport d’échelle dans lequel ces forêts urbaines sont pensées. Il serait impossible techniquement de pouvoir reproduire la taille d’une forêt domaniale au sein d’une ville car les villes ont elles-mêmes des dimensions de forêts domaniales. Pour exemple la forêt de Tronçais en Auvergne a la même surface que Paris intra-muros. Je suis partie pour illustrer cet exemple de l’échelle du jardin forêt de la BNF comme point de départ. On peut alors se demander quelle dimension et quelle taille minimale est exigé pour parler d’une forêt? Pour parler d’un bois ou d’un bosquet? Le jardin-forêt de la BNF illustre cet exercice de miniaturisation. Il installe sur une petite surface, ce qui semblait immense autrefois. À côté du jardin-forêt se trouve un parc forestier (Central Park) un bois (le bois de Boulogne) et une forêt (Saint-Germain-en-Laye). La forêt de Saint-Germain en-Laye mise en parallèle à la même échelle témoigne de cette réduction des échelles réalisées. Le vocabulaire de la forêt reste présent mais l’on y rajoute le préfixe «jardin» pour indiquer la présence de l’enclos, de cette sanctuarisation de l’espace. Dans cette compression et réduction maximale, le lieu «forêt» semble perdre certains de ces éléments constituants. On peut noter l’incapacité à accueillir la grande diversité de la
faune sauvage notamment avec les cervidés. On perd aussi un rapport à l’espace que l’on peut trouver en s’enfonçant dans les forêts domaniales françaises, le sentiment de perte et de désorientation propre à ses lieux. La forêt constitue normalement un espace de perte, on se retrouve dans un ailleurs on perd nos repère. On se retrouve désorienté car la forêt est homogène. Tout semble se ressembler et l’horizon semble être complètement engouffré derrière l’accumulation de troncs à perte de vue. Peut-on alors toujours considérer et nommer un espace forêt s’il n’apporte pas cette perte du regard par manque d’épaisseurs et de strates? Pour certains, la forêt se définit comme cet espace infini qui s’offre à nous, plus grand qu’un bois, lui-même plus grand qu’un bosquet. La surface a donc une grande importance car elle influe sur notre perception. Si l’on peut ressentir les limites boisées, c’est à priori que nous sommes face à un bois ou un bosquet. La forêt dépasse l’échelle de l’homme pour prendre place dans l’échelle du territoire. Cette forêt, profonde, se retrouve dans les légendes et contes, de Raiponce au Petit Chaperon Rouge en passant par Blanche Neige et les sept nains. Dans ces contes, la forêt se place à la limite entre l’espace merveilleux et féerique et l’espace d’incertitude, dangereux et angoissant. La forêt s’est aussi l’obscurité. On n’y trouve aucune source de lumière et la nuit, la dimension sonore se développe. J’ai déjà campé en forêt et je peux en témoigner, certains bruits deviennent angoissants quand on manque d’habitudes. Dans l’échelle d’une forêt domaniale il n’y a que nous et les êtres qui habite les lieux. Ce sentiment d’être seul face à un espace inconnu et immense ne peut arriver en ville. La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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en
Les différents concepts de forêt-urbaine répondent à des gestions particulières en fonction de leurs mises en place. Même si certaines réalisations sont critiquables ou que le terme peut évidemment être remis en cause de multiples manières, je m’attacherais à comprendre l’imaginaire se rattachant à ces projets et la manière dont la vision que nous avons de la forêt se transforme en fonction des différents projets. Les concepts de forêt-urbaine verticale m’intéresse dans leurs dimensions plastiques et dans la technicité que demande leurs créations. Est-il alors possible de combiner la forme de la ville dense et verticale à l’écosystème forestier sans tomber dans la facilité du «greenwaching» ou encore dans des erreurs techniques qui nuiraient à la pérennité et la résilience des villes. Un des premiers projets réalisé se trouve à Milan et se nomme «Bosco Verticale».1 Dans ce projet, la forêt tient un rôle d’outil. Elle climatise, rafraîchie et apporte de l’ombre aux terrasses et balcons. C’est une autre manière de percevoir et d’installer une végétation en ville. Il est évident que le rôle et l’écosystème forestier est ici incomplet. Il manque le contact au sol, l’encrage des arbres jusqu’à la roche mère, mais aussi le recyclage naturel des matières carbonées (feuilles, branchages) et aussi la diversité des sujets, du jeune plant à l’arbre centenaire. La gestion et l’entretien de ces forêts verticales est bien différente d’une forêt en plein sol. Comme la végétation est hors-sol, l’écosystème 70
▲Figure 30: Photographie du projet Bosco Verticale © Emilie Groleau Giovanni Nardi
c. Une gestion particulière fonction des typologies
végétal se retrouve entièrement dépendant de l’homme. Tout doit être calculé depuis les volumes de terres nécessaires jusqu’aux contraintes hydriques. Les jardinières hors sols ne sont pas capables de générer l’humidité nécessaire à la résistance hydrique des arbres durant les canicules. Sans arrosage, les plantations se retrouveraient grillées au soleil à 90%. Alors, comment est pensée la gestion de ces forêts verticales, laboratoire d’expérimentation d’une forêt évolution vers le hors sol. Je raisonnerais pour le projet «Bosco Verticale» par grandes thématiques: la croissance, l’eau, le sol, l’entretien. Un des points négatifs qui me semble remettre en question le terme de «forêt-urbaine» sur ce projet se trouve dans la taille des arbres définitifs. En effet, les arbres peuvent mesurer de 5 à 10 mètres maximum. Cette restriction est due à deux facteurs, d’une part à la taille des jardinières et la quantité d’espace disponible pour le développement racinaire et d’autre part, à des contraintes de sécurité et d’espace disponible dans la hauteur entre chaque étage.
▲ Figure 31: Photomontage de la future tour Occitanie à Toulouse - © Studio Libeskind
▲ Figure 32: Photomontage du futur projet ‘‘milles arbres’’, Paris © Sou Foujimoto architects + Manal Rachi oxo architectes + Compagnie de Phalsbourg + Ogic + Morph
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▲ Figure 33: Assemblage d’images extraites du film «Flying Gardeners», L’entretien du Bosco Verticale dans les airs © Produced by The Blinkfish
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D’autre part, la végétation arborée et dépendante d’une irrigation contrôlée et minutieusement distribuée. Le réseau d’irrigation est contrôlé par un système informatique à distance qui permet de calculer les besoins et les quantités d’eaux injectés dans les jardinières plantées. Il comprend donc 280 systèmes de contrôle (un pour chaque terrasse). Dans les premiers temps du projet, les architectes avaient prévu d’irriguer les arbres avec les eaux grises du bâtiment, malheureusement, des contraintes techniques n’ont pas permis de réaliser cette étape.2 Ce sont donc les eaux de pluies, récupérés qui permettront l’arrosage. D’un point de vue financier, ce type de bâtiment est extrêmement coûteux car la maintenance et le suivi doit être régulier tout au long de l’année. Les besoins en eau pour l’ensemble des plantations représentent 3.500 m3 / an.3 La forêt verticale, c’est aussi un entretien forestier particulier. J’ai découvert grâce à ce projet, les «Flying Gardeners», en français ce sont les arboristes-grimpeurs élagueurs.4 Ces professionnels de la taille utilisent des techniques d’alpinisme pour se déplacer grâce à des cordes le long des deux tours. Chaque année, une taille d’entretien est réalisée. Elle permet de faire le point sur l’évolution des arbres et de supprimer les branches sèches ou dangereuses. Avec cet entretien, on comprend bien que la gestion s’apparente plutôt à celle d’un jardin où l’on taille les pousses annuellement. Une forêt ne se taille pas au sécateur. Elle s’élague tout au mieux mais surtout elle se gère, on abat et on tronçonne des arbres d’un certain diamètre. La forêt verticale du Bosco Verticale ressemble dans ce contexte, tout au mieux à une jeune pépinière d’arbres juvéniles qui n’atteindra
jamais la taille et la pleine maturité d’une forêt. Pour la dimension du sol on a effectivement une problématique dans sa composition car il est utilisé comme matériau inorganique le lapilli volcanique, sélectionné avec différentes tailles de grains et mélangé avec du compost vert et de la terre végétale. Je pense que par cette composition les arbres ne peuvent avoir un encrage racinaire importants, voila pourquoi certains subissent un haubanage, problème similaire dans la forêt de la BNF. _______________
1- Source: (https://www.stefanoboeriarchitetti.net/en/ project/vertical-forest/) 2- Source: (https://www.inexhibit.com/it/case-studies/ilbosco-verticale-di-boeri-da-fenomeno-ad-archetipo/) 3- Source: (https://www.greenroofs.com/projects/boscoverticale-vertical-forest-milan/) 4- Source: (https://vimeo.com/142000408)
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- Partie 3 2. ANALYSE, LA TYPOLOGIE DE LA FORÊT SANCTUAIRE
______________________________________________________ Le terme sanctuaire vient du latin sancturarium, dérivé de sanctus: Saint.
REFUGE
SAINT
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CLOÎTRE
SACRÉ
ENCLOS SECRET IMPÉNÉTRABLE
a. Introduction Si l’on parle de typologie de forêt sanctuaire, c’est bien pour classifier un type de forêt qui répond à une forme et une fonction définie. Cette typologie pourrait se nommer sous d’autres noms (sacré, refuge, etc) mais je trouve que l’image du sanctuaire explore beaucoup de signification autour de ces espaces de forêts urbains particuliers. Le sanctuaire se définit comme un lieu protégé contre toutes les agressions. Pour le cas des forêts urbaines sanctuaires, c’est bien l’homme qui protège la forêt de l’homme lui-même, de la fréquentation et des agressions qu’il pourrait infliger, directement ou indirectement sur cet écosystème. Cette typologie peut paraître complexe car à travers les deux différents projets abordés, les concepteurs reconstituent de manière artificielle une forêt qui se doit d’être protégée et non pratiquée par l’homme. Un véritable paradoxe qui nous place en même temps comme créateur de ce lieu, protecteur mais aussi prédateur. L’idée du sanctuaire reflète aussi une idée du sacré et du religieux. Car le sanctuaire peut se référer aux édifices religieux et saints en général. Si l’on ne pratique pas ces espaces de forêts protégées c’est qu’au fond
on semble donc y pratiquer un certain culte protecteur. L’espace forestier devient religieux, il reflète le monde, la création et l’évolution d’une forme de nature évoluant au rythme des saisons. La BNF reflète une forme de religion car sa morphologie reprend le dessin d’un cloître avec son jardin central et ses galeries périphériques couvertes. La forêt sanctuaire c’est un lieu de spiritualité. Parfois caché ou dissimulé comme dans l’île Derborence ou bien centralisé et enclos comme le jardinforêt de la BNF. Par spiritualité je veux dire que ces lieux développent un certain imaginaire. Ils provoquent des réactions et questionnent de multiples façons. Chez certaines tribus du monde qui vivent encore en intimité avec la forêt, on retrouve cette image du sanctuaire. En revanche, dans leurs cultures, l’homme fait partie intégrante de ce sanctuaire. Il participe à son équilibre, rentre en connexion avec les lieux et connaît ses secrets. La forêt sanctuaire urbaine est-elle le lieu de tous les secrets pour le visiteur de ces lieux. Il y perçoit les formes et les textures mais à distance, sans jamais prendre part à son histoire qui semble s’écrire seule dans le cœur des villes.
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« C’EST UN MORCEAU DE NATURE ENTIÈREMENT ARTIFICIEL, SI JE PEUX DIRE, RECONSTITUÉ EN PLEIN PARIS, ET D’UN CALME ABSOLU, PUISQUE PERSONNE N’Y PÉNÈTRE. CE JARDIN A ÉTÉ CONÇU COMME UN ÉCRIN. IL EST ASSEZ SEMBLABLE À CES FRESQUES PEINTES DANS L’ANCIENNE BIBLIOTHÈQUE NATIONALE, RUE DE RICHELIEU, ET QUI ELLES AUSSI REPRÉSENTAIENT UNE NATURE MYTHIQUE. » DOMINIQUE PERRAULT INTERVIEWÉ PAR FRANÇOIS GRANON, TÉLÉRAMA, LE 29 MARS 1995.
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▲ Figure 34: Collage sur l’imaginaire autour du sanctuaire et de la forêt Travail personnel
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▲ Figure 36: Photographie de la forêt de la BNF entre les quatre livres ouverts - © Dominique Perrault Architecture
Pour comprendre la représentation et l’imaginaire qui se développe autour de la forêt de la BNF, il faut revenir à la genèse de l’idée de son concepteur. Dominique Perrault a souhaitait s’inspirer des scènes de nature peintes dans la salle de la bibliothèque Richelieu conçue par l’architecte Labrouste. C’est dans les années 1860 que l’architecte Labrouste conçoit une grande salle de lecture qui porte aujourd’hui son nom, en jonglant avec les matériaux tel que le verre, le métal, la faïence. Sur les murs, on peut découvrir des scènes de nature plutôt forestières peintes par Alexandre Desgoffe (1805-1882). Ces paysages peints sont inspirés directement des peintures antiques italiennes. Elles constituent pour le bâtiment, de véritables fenêtres qui permettent d’ouvrir le bâtiment sur la nature.1 Le jardin de la BNF instaure un dialogue différent car alors, la nature devient vivante le paysage sort de son cadre pour croître et se développer aux yeux des lecteurs. L’espace est enclos et interdit au public et cet espace forestier devient alors un bien précieux et protégé. Ce jardinforêt se place comme un espace charnière autour duquel toutes les déambulations s’organisent dans la même morphologie qu’un cloître où la nature centralisée s’offre à la rêverie des yeux.
▲ Figure 35: Photographie de la bibliothèque de l’institut national d’histoire de l’art - 2017 - © Emilie Groleau
b. Autour de l’imaginaire de la forêt sanctuaire
D’autres arbres de pépinières sont venus compléter le jardin mais aussi des espèces plus arbustives ou tapissantes. Au fil des années, le jardin-forêt s’est enrichie spontanément de différentes variétés d’arbres et de plantes, déposées par l’intermédiaire des oiseaux qui fréquentent le site, mais aussi grâce au vent.
▲ Figure 37: Carte des espèces végètales plantées pendant le projet du jardin-forêt de la BNF - Travail personnel
à l’origine, 150 pins sylvestres adultes (Pinus sylvestris L.) ont été sélectionnés dans la forêt de Bord en Normandie pour être replantés sur le site de la BNF. Ils ont été déplantés et ont été placés en jauge pendant trois ans sur une parcelle voisine pour tester leurs résistances. 126 pins sylvestres ont ensuite été choisis puis transférés à la BNF en 1995.2
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1988
François Mitterrand veux entreprendre des travaux pour la construction de «la plus moderne bibliothèque du monde» à Paris
1989
Dominique Perrault remporte le concours international pour la création une nouvelle bibliothèque 1990 Avant projet sommaire et démarrage des travaux de terrassement et d’assainissement
1994 Réalisation du jardin central, plantation des arbres adultes venant de la forêt de Bord en Normandie.
1993 Construction des salles de stockages, « les quatre livres ouverts »
1995 Inauguration de la bibliothèque et fin des travaux de construction
1996 Ouverture de la bibliothèque au public 2013 Construction d’une nouvelle entrée principale constituée de deux grandes mailles métaliques placées en vis à vis ▲ Figure 38: François Mitterand devant la BNF à Paris
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« JE SALUE L’ŒUVRE DE DOMINIQUE PERRAULT. [...] L’ÉDIFICE DONT IL A DESSINÉ LES PLANS PRIVILÉGIE LA SYMÉTRIE ET LA CLARTÉ, LA SOBRIÉTÉ DES FORMES, L’ORGANISATION SIMPLE DES ESPACES ET DES FONCTIONS. IL SE CREUSE DANS LE SOL COMME POUR Y CHERCHER LE SILENCE ET LA PAIX.[...] IL DRESSE FERMEMENT SES TOURS ET AFFIRME LA PRÉSENCE DU LIEU AU CŒUR DE LA CITÉ. » FRANÇOIS MITTERRAND PARIS, LE 12 JANVIER 1995
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La bibliothèque nationale de France s’est implantée sur une friche industrielle qui s’étendait sur environ 2,5 km dans le treizième arrondissement de Paris. Ce site se composait de plusieurs entrepôts pour l’industrie et le chemin de fer. À la fin du XXe siècle la structure économique de Paris était en effet déséquilibrée avec une partie à l’ouest, très riche et une partie à l’est, plus pauvre et industrielle. Pour rééquilibrer l’économie et l’image de l’est de Paris, Jacques Chirac alors maire de Paris décide d’implanter en lien avec le président François Mitterrand, cette bibliothèque trois fois plus grande que le centre Pompidou. Le but était aussi de doter l’est de Paris de nouveaux équipements. Cet ouvrage
se place comme un pion stratégique qui ouvre le développement d’un quartier plus vaste sur les rives de la Seine. Aujourd’hui, le quartier s’est densifié et développé.3 La forêt de la bibliothèque se trouve dans ce contexte entre différents éléments paysagers qui ne rentrent pas directement en connexion avec elle. On peut trouver sur la rive opposée de la Seine, le parc de Bercy, et à environ 4 km à l’est la pointe du Bois de Vincennes. Un peu plus au Nord en longeant la Seine se trouve aussi le jardin des plantes. Ses différents éléments sont importants pour l’espace de la forêt de la BNF qui se place aussi comme une nouvelle halte pour les différents oiseaux présents à Paris.
▲ Figure 39: Dessin, rayonnement des parcs et boisements à proximité de la BNF - Travail personnel
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▲ Figure 40: Carte de situation de la bibliothèque de la BNF Travail personnel
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▲ Figure 41: Medley archives de Presse, Projet BNF Paris
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c. Protocole de terrain, la forêt de la bibliothèque nationale de France En choisissant la forêt de la Bibliothèque Nationale de France comme terrain d’étude, mon objectif était dans un premier temps de comprendre la manière dont cette typologie de forêt ‘sanctuarisée’ est gérée. Chaque typologie de forêt ayant ses caractéristiques propres, il me semblait évident que ce site aurait donc beaucoup de particularités spécifiques à mettre en lien avec d’autres typologies. C’est en me rendant une première fois sur ce lieu lors d’une exposition il y a deux ans que j’ai posé je pense, mes premiers questionnements et interrogations. Déjà son fonctionnement m’intriguait autant que la manière dont il avait pu être réalisée. Ce n’est pas hasard si Dominique Perrault, architecte gagnant du concours a choisi d’installer dans cet espace central une forêt. C’est pourquoi mon premier travail a consisté à comprendre l’histoire de ce projet en passant par des recherches sur internet, mais aussi des visites sur le site. Son emplacement en contexte urbain et en enclavement constitue un modèle idéal qui reflète bien selon moi et grâce à mes précédentes recherches, une forêt que l’on peut nommer urbaine. Une forêt avec sa dimension particulière certes, mais adaptée à ce contexte particulier, miniature et protégée. Dans un deuxième temps, je souhaitais aussi comprendre qu’elles sont les acteurs qui participent à l’existence d’un site comme celui-ci. J’ai donc contacté différents employés de la BNF et j’ai pu entrer en contact avec Monsieur Jacques Saint-Louis, le nouveau directeur des services techniques ‘espaces verts’ de la bibliothèque nationale. Monsieur Saint-Louis constituera mon interlocuteur principal sur ce site. Pour aborder la diversité d’acteurs qui fréquentent ce lieu, j’ai 86
aussi fais le choix de réaliser un travail d’enquête sous forme d’un questionnaire dont les résultats et enseignements tirés seront abordés plus loin. Il me fallait aussi enrichir mes connaissances sur ce terrain particulier. Je me suis donc rendu une fois à l’intérieur de la forêt de la BNF pour pouvoir m’immerger pleinement dans cet espace et réaliser différents croquis et relevés photographiques. Le croquis en coupe comme outil me permet de mieux observer les comportements des végétaux sur le site, leurs croissances, les éventuels blessures et leurs emprises spatiales. La reprise des différents dessins me permettra de mûrir ma réflexion par la suite. J’ai aussi choisi d’interroger différentes personnes qui par leurs points de vues et leurs liens avec ce sujet ont permis d’affiner mes idées et mes réflexions. J’ai donc réalisé un premier rendez-vous avant ma visite de terrain avec Monsieur François Roumet, paysagiste et enseignant à l’École Nationale Supérieure du Paysage au département écologie, pour affiner mes questionnements et ma démarche de terrain. Monsieur François Hermant Ingénieur forestier et chargé de mission «forêt de protection» et «équilibre sylvo-cynégétique» a gentiment accepté de répondre à un questionnaire lors d’un entretien téléphonique pendant la période épidémique de Covid-19. J’ai essayé de contacter en amont et durant des mois, des forestiers de l’ONF de Versailles sans avoir aucune réponse de leurs parts. L’entretien, présenté sous la forme d’un question réponse a été extrêmement enrichissant autant dans la compréhension de la forêt de la BNF que dans le lien au sujet central de la forêt urbaine.
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▲ Figure 42: Démarche de terrain, observation, croquis et photographie © Baptiste Lemoine
88 ▲ Figure 43: Perception de la forêt derrière la vitre, Rez-de-jardin © Baptiste Lemoine
d. Perception brouillée autour de la forêt de la BNF J’ai réalisé auprès des différents acteurs anonymes fréquentant la BNF, un travail d’enquête sous la forme d’un questionnaire disponible en annexe. Les questions étaient tournées autour de la perception de l’espace de la forêt. Neuf personnes ont été interrogées aux différents lieux d’où l’on peut apprécier la forêt; l’esplanade, la terrasse du restaurant, les couloirs du premier étage, les couloirs du rezde-jardin. Plusieurs points sur la difficulté de percevoir la forêt sont ressortis. Le premier défaut qui entrave une bonne immersion dans la forêt depuis l’intérieur de la bibliothèque concerne le vitrage. L’ensemble des vitres entourant la forêt subit depuis plusieurs années un problème. Le vitrage se teinte d’un dépôt blanc à l’intérieur du verre ce qui semble être pour le directeur technique, un problème lié à l’usinage des matériaux. Ce défaut de teinte perturbe grandement notre pleine immersion dans l’espace forestier, car il interfère avec notre champ visuel. Il faudrait sur le long terme, prévoir un changement du vitrage, mais tout cela demande des coûts importants qu’il faut prendre en compte. D’autre part, quatre personnes sur les neuf interrogées trouvent que les gardes corps positionnés sur l’esplanade et sur la terrasse du restaurant posent problèmes. D’après-eux, ces dispositifs perturbent la bonne immersion visuelle au sein de la forêt. Une personne interviewée appuie cela en disant « les barrières de sécurités bloquent la vue, c’est dommage». Un autre acteur propose de changer le dispositif de sécurité par un matériau plus transparent ou moins imposant. Les interviews ont donc confirmés ces problèmes liés à la lisibilité de
l’espace que j’avais déjà remarqué lors d’une précédente visite du terrain. Pour comprendre le point de vue des acteurs sur cet espace, je leur ai demandé si d’après-eux, on pouvait nommer l’espace central de la BNF une forêt urbaine. Quatre acteurs répondent que oui et cinq acteurs répondent que non. La réponse dépend beaucoup de la sensibilité de la personne mais en revanche en leur demandant de justifier leurs réponses, quatre personnes pensent qu’elle n’est pas assez grande pour être une forêt, deux personnes pensent que de part son inaccessibilité ce n’est pas une forêt urbaine et un acteur a répondu que le regard se perd dans les arbres et qu’alors on peut nommer l’espace forêt urbaine. Une autre personne a soulevée le fait que la forêt est enclavée est donc on ne peut pas la nommer ainsi. Les réponses sont très variées mais la question de la dimension pour nommer l’espace forêt urbaine est revenue le plus souvent. Deux personnes ont parlées de «mini-forêt» pour caractériser cet espace et je trouve que c’est plutôt juste. Par sa taille, la forêt de la BNF ne remplit pas tous les critères qu’une forêt publique pourrait avoir. En demandant aux personnes interviewées ce qui leurs déplaît dans cette forêt, quatre personnes trouvent dommage de ne pas pouvoir rentrer à l’intérieur. Après une discussion cependant, certains se corrigent en évoquant l’idée que si tout le monde fréquentait cette forêt alors elle serait beaucoup plus abîmée et moins riche ce qui est vrai. On aurait une faune beaucoup moins riche si l’espace était ouvert au public et un sol complètement tassé et donc sans vie. Un autre point important concerne la question: ressentez-vous une «frustration» d’avoir sous La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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les yeux cette forêt mais de ne pouvoir y accéder. Sept personnes sur les neuf interrogées aimeraient accéder à cet espace et ressentent une frustration. Ce que je trouve intéressant c’est de voir a quel point la vue est le sens le plus utilisé dans notre perception mais qu’il ne suffit pas pour profiter pleinement de la forêt. On peut se dire qu’il y a comme une envie de plonger l’ensemble de ses sens à l’intérieur de la forêt pour faire partie de l’espace. Cette observation est confirmée lorsque je leur ai demandé quels sens sont les plus importants pour profiter d’une forêt. L’ouïe et l’odorat viennent dans une majorité des cas compléter la vue. L’odeur a donc énormément d’importance. On va en forêt pour respirer de l’air frais, humide et faire le plein d’oxygène. C’est alors parfaitement normal que la forêt de la BNF reflète ses envies. À la question numéro six, Les acteurs devaient évaluer la perception de la forêt depuis leur point de vue actuel de zéro à dix. La moyenne de perception sur l’ensemble des interviews est de 5.6 sur 10. Globalement, les notes dépendent de la taille de la personne interrogée à savoir que si une personne est petite, les barrières de sécurité sont beaucoup plus gênantes sur la terrasse et si une personne est grande alors sa perception sera beaucoup plus facile. Pour les couloirs périphériques, la perception n’est jamais optimale à cause du vitrage teinté, ce qui explique les notes légèrement plus basses depuis ces points de vues. La question numéro sept à posée plus de problème. Les personnes ont eu du mal à évaluer la gestion de la forêt par manque de connaissances. Certains ont relevé le fait que l’on peut mettre zéro c’est à dire espace délaissé sans entretien mais que pourtant c’est une bonne gestion car c’est ce qui est souhaité 90
pour cette forêt. Je trouvais donc cette question intéressante car sans être une question piège, elle questionnait réellement les gens sur la notion du mot «entretenu» et sur son utilité dans un espace comme celui-ci. Dans une autre question, j’ai aussi demandé aux personnes interviewées de me donner trois mots pour décrire de leur point de vue, l’espace de la forêt. La page suivante liste l’ensemble de ces mots. Globalement, le questionnaire m’a permis de comprendre l’intérêt de cette forêt dans un espace public fréquenté comme une bibliothèque. J’ai aussi été un peu surpris du manque de curiosité des personnes interrogées avec le sentiment qu’ils n’observent pas vraiment le lieu dans lequel ils évoluent. Certains étaient tout de même curieux mais ont avoué que d’eux-mêmes, ils n’auraient pas eu ces questionnements personnels en tête. Je pense aussi que si le public n’observe pas réellement l’espace de la forêt, c’est qu’il se présente comme un décor pour eux, relayé au second plan par rapport à la bibliothèque. L’observation minutieuse n’est pas envisageable et donc la considération du lieu s’efface peu à peu. La communication sur l’évolution de cet espace mériterait d’être beaucoup plus mis en avant de la part de la direction de la bibliothèque. Je pense que les visites annuelles en petit groupe sont une bonne méthode pour amener le public à respecter ce lieu et à le comprendre.
Maritime
Obstruction
Vivant
Luxuriant
Intrigant
Calme
Surprenant
Écologique
esthétique
Vert
Sombre
Petit
Inaccessibilité
Artificiel
Vieillissant
Nature
Agréable
Spacieux
Calme
Aéré
Reposant
▲ Figure 44: Les différents adjectifs proposés par les personnes interviewées pour décrire de leur point de vue, l’espace de la forêt
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Oiseaux Arbustes
Insectes
Arbres
Herbacées Plantes
Champignons
Faune
Air
Eau Lumière
Chercheurs LPO (Ligue pour la protection des oiseaux)
Vivant
Elements naturels
Visiteurs
Acteurs extérieurs
Chercheurs MHNP (Museum d’histoire naturelle de Paris)
Chercheurs
Lecteurs
Recherche/ Etude du jardin-Forêt
Fonctionnement de la BNF Employés Ouvrier paysagiste Gestion/ Entretien Chèvres
Directeur technique du jardin-forêt
Berger
▲ Figure 45: DU MICRO AU MACRO ACTEUR: Carte dynamique des acteurs et des interactions autour du jardin-forêt de la BNF - Travail personnel
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« PARADOXALEMENT, DANS NOS SOCIÉTÉS OÙ LA FORÊT A ÉTÉ DOMPTÉE, CELLE-CI EST DEVENUE UN SPECTACLE, UN SPECTACLE QUI RESTE JUSTEMENT À L’EXTÉRIEUR DE NOS VIES QUOTIDIENNES. » ANDRÉE CORVOL
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L’entretien François Hermant 94
Ingénieur Forestier Chargé de mission «forêt de protection» et «équilibre sylvo-cynégétique» Les pages qui vont suivrent retracent l’entretien télèphonique qui s’est déroulé avec Monsieur Hermant, ingénieur forestier. L’entretien aborde le regard du forestier sur la question de la forêt urbaine, mais aussi les liens directs entre notre société et la forêt. Les dernières questions sont dirigées volontairement vers la forêt de la BNF pour enrichir la compréhension du terrain.
‘‘J’ai toujours été attiré par la forêt, depuis mon plus jeune âge’’ Après le bac, je voulais faire une école de formation de technicien forestier. Deux écoles étaient disponibles en France mais je n’ai pas été pris dans ces écoles à l’époque. Par la suite, j’ai voulu rentrer dans une classe préparatoire pour essayer d’intégrer par la suite, l’école des Eaux et Forêt de Nancy. À la suite de cette école je n’ai pas réussi le concours d’entrée. Après ces échecs, je suis donc partie à la FAC et je suis devenu enseignant en S.V.T (science de la vie et de la terre). Après un DESS j’ai réalisé mon stage au C.R.P.F (centre régional de la propriété forestière qui s’occupe des forêts privés). J’ai réalisé mon rapport de stage sur le peuplier dans son environnement. À l’époque ce sujet était très critiqué entre les écologues et les forestiers sur l’habitat des prairies humides. Après des CDD successifs j’ai passé en 2001 (à 35ans) un concours du ministère de l’agriculture visant à recruter des ingénieurs forestiers. Après ce parcours semé d’échecs, j’ai finalement réussi ce que je souhaitais faire dès mes 18 ans, mais à 35 ans.
‘‘Il ne faut jamais désespérer, on peut toujours y arriver à force de persévérance’’ Q1- Qu’est ce que le thème de la forêt urbaine signifie pour un expert forestier? François Hermant - Déjà, je pense que ce thème est très intéressant sur la philosophie même d’un point de vue des problèmes climatiques à venir mais il faut néanmoins rester prudent avec ce terme et avec la forme que cela peut prendre. Ça demande des coûts importants et un foncier important qui n’est pas toujours disponible dans les grandes villes. Pour avoir une vraie forêt il faut un vrai sol et je ne suis pas persuadé que les grandes métropoles comme Paris ont encore à disposition des sols riches et adaptés pour une forêt. D’autre part, une forêt ça prend de la place. Dans le vocabulaire forestier, on peut appeler une forêt dès lors quelle dépasse en moyenne 4ha. En dessous de ça on nommera plutôt cet espace un bosquet. La forêt urbaine est aussi un thème politique très présent dans les campagnes électorales qu’il faut prendre avec prudence. Q2- Aldo leopold célèbre forestier et écrivain prône, la ‘multifonctionnalité’ et le ‘multiusage’ des forêts, qu’en pensez-vous au regard de la ville?
FH - Je pense que c’est la même chose quand on est pas en forêt hors de la ville, la gestion multifonctionnelle en France c’est la philosophie de l’office des forêts qui allie la production du bois, le rôle social avec l’accueil du public et le rôle écologique pour héberger une faune et une flore adaptée. La fonction sociale doit être bien réfléchie pour ne pas nuire à la forêt avec le piétinement par exemple. La production de bois elle restera utilise pour créer de la valeur localement mais ça ne permettra jamais une production de bois assez importante. La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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Q3- La forêt sauvage a t-elle une place en ville? Comment voyez-vous le sauvage en France aujourd’hui? FH - Oui, mais si l’on souhaite créer des forêts sauvages en ville il faut faire attention à la fréquentation qui devient alors un frein à ce projet. Les forêts sanctuarisées à l’image du jardin forêt de la BNF sont de bons exemples à prendre en considération. Par sa vocation sanctuaire et le fait que personne ne peut la fréquenter elle garde son aspect sauvage. Pour le sauvage en France, il y a deux solutions à mon sens d’envisager cela. Soit on essaye de concilier plusieurs fonctions au sein d’un même territoire, accueillir la fonction sociale, la fonction de production et la fonction environnementale, soit on cherche à spécialiser les fonctions sur les territoires comme dans les forêts des Pyrénées par exemple. Mais bien sûr cela dépend de chaque site, et les forêts difficiles d’accès et escarpés devraient rester des lieux de refuge et de préservation du sauve. Le sauvage existe encore en France dans certaines vallées de France sans exploitation forestière mais cela reste extrêmement faible environ 0.5% des forêts françaises je crois. Q4- La gestion forestière semble mal abordée dans les projets de ‘forêt-urbaine’ plutôt traités comme des parcs? Que préconisez-vous en terme de gestion dans les forêts urbaines? FH - Pour moi, la gestion minimale doit être envisagée et le circuit court peut être mis en avant pour valoriser le bois sur place. Encore une fois le problème majeur reste le piétinement et la surfréquentation en milieu urbain. Il faut canaliser les fréquentations et bien réfléchir aux espaces fréquentables et aux espaces à préserver. D’autre part, plus la forêt est petite et plus la gestion est compliquée. Les projets de forêt urbaine inférieurs à un hectare auront donc de gros problèmes de tassement du sol. On ne sera plus dans une forêt mais plutôt dans un parc après.. Q5- Est-ce que certains projets proches du thème de la forêt urbaine vous paresses exemplaires ou bien engagés? FH - Sincèrement je n’en connais pas. Hormis les projets utopistes des différents candidats à la mairie de Paris que j’ai vaguement aperçu dans les actualités... Pour exemple, si l’on veut faire une forêt sur la Lune, théoriquement c’est possible. Tout ça pour dire qu’avec des moyens et des coûts colossaux, on peut réussir à faire ce que l’on veut...
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Q6- On ne peut pas ignorer les problèmes de feu de forêt à l’échelle mondiale, la France doit elle aussi anticiper la possibilité de feu de forêt sur des forêts en milieu urbain pour les prochaines décennies? FH - Oui, c’est un critère à prendre en considération. Il faudrait s’inspirer de l’entretien des forêts méditerranéennes. Gérer les broussailles inflammables et éviter les départs de feu. Les chèvres ou moutons peuvent être utiles pour se prémunir des incendies, mais attention il faut les surveiller, pour ne pas qu’ils attaquent les jeunes ligneux et déséquilibrent la régénération. Q8- Quel est votre regard sur la ville dans cinquante ans face aux problèmes environnementaux? Une alliance avec la forêt dans les villes peut-elle nous aider à affronter le futur? FH - Oui, les forêts peuvent contribuer sur plusieurs points (rafraîchir l’air, apporter de la diversité etc) mais je pense qu’il ne faut pas se faire d’illusions, si l’on prend l’exemple de ces petites forêts urbaines à Paris, ça ne réglera pas le problème de fond, et ça reste très marginale et infime pour régler les problèmes climatiques qui nous attendent. Les forêts urbaines sont une solution parmi tant d’autres à mettre en synergie pour espérer régler les problèmes futurs. Q10- Les concepteurs paysagistes ont aujourd’hui un rôle majeur dans la ville, travaillez-vous en lien avec eux ou d’autres spécialistes de l’espace pour l’aménagement des forêts? FH - Et bien je ne suis pas en lien avec les concepteurs car je ne travaille pas sur l’aménagement des forêts mais plutôt sur les forêts de protections. Q11- La forêt et les arbres semblent être les maîtres du temps, pensez-vous que nous devrions ‘penser comme les arbres’ pour imaginer les villes de demain? FH - Oui je pense, dans nos sociétés, il faut redonner de la place et un sens au temps. Je suis à Paris et je ne me fais pas d’illusions même en ces temps de confinements. Une fois que la crise du Coronavirus sera terminé je pense que l’on en tirera aucune leçon et la société repartira dans sa frénésie perpétuelle. Alors, oui il faudrait penser comme des arbres mais je ne me fais pas d’illusions.
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Q12- - Une phrase, citation ou un auteur qui vous donne de l’espoir et ouvre sur les possibilités humaines pour modeler un futur moins alarmant que celui vendu aux actualités ? FH - Je suis un peu pessimiste sur l’évolution de la société mais j’ai un petit garçon de 11ans et j’espère qu’il connaîtra de belles choses sur la Terre. Mais je pense que dans ce monde moderne, si l’on veut faire un pas en avant on devrait sortir de la consommation excessive et compulsive vendu par les publicités, et sortir de la superficialité. Q13- Souvent, dans les villes, des moyens techniques et financiers énormes sont mis en œuvre pour accueillir un peu de nature (toitures végétales, murs verts, immeubles plantés.) La forêt ne fait-elle pas à l’inverse, preuve de minimalisme et de simplicité technique? FH - Oui bien sûr, il faut réussir à insérer dans le système le minimum d’énergie artificielle pour obtenir le maximum d’intelligence et de réflexion. Les projets politiques de forêts urbaines à Paris demandent des coûts colossaux pour leurs créations, il faudrait repenser les projets avec le minimum d’argent à injecter et une intelligence sur le choix de plantes rustiques demandant un minimum d’eau.
Q14- Le jardin-forêt de la BNF se place comme un espace sanctuarisé et doit permettre à un écosystème de se développer avec un minimum d’intervention humaine, quel est votre regard sur ce type de projet? FH - Je pense que c’est ce vers quoi il faut tendre, injecter le minimum d’intervention pour sortir de l’aspect artificiel. Néanmoins, la création de cette forêt a certains défauts qu’il ne faut pas valoriser comme l’importation de milliers de mètres cubes de terres et le choix d’arbres adultes ce qui a demandé des coûts et des moyens techniques colossaux là aussi. Aujourd’hui ce qu’il faut retenir c’est la gestion minimale qui doit être appliquée pour un maximum d’efficacité. Q16- On utilise aujourd’hui la forêt pour répondre à des contraintes techniques et climatiques dans la ville, ne sommes nous pas en train de la considérer simplement comme un vulgaire outil? FH - J’ai envie de dire oui, mais pourquoi pas! Si la forêt apparaît être le bon outil pour régler les problèmes auxquels nous sommes confrontés, pourquoi pas, ça ne me choque pas outre mesure.
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Questions autour du jardin forêt de la BNF Q17- Aujourd’hui les Pins du jardin-forêt sont en train de mourir les uns après les autres et l’espace voit apparaître de nombreuses espèces pionnières. Quel serait pour vous, les gestions appropriées pour faire évoluer ce jardin vers stade forestier composé de feuillus? FH - Il faut accompagner la fin et la chute des Pins sur le site et laisser pourrir le bois sur place pour nourrir la vie microbienne du sol. Ensuite, il faut laisser les pionniers prendre la place de ces Pins. Un sol forestier met plusieurs centaines d’années à se constituer, il faut laisser le temps à la forêt de s’exprimer et ne pas oublier de communiquer au public sur l’évolution de cette forêt. Les gestionnaires sont toujours persuadés que plus on met d’argent au mieux c’est alors que la meilleure solution est de mettre le moins d’argent possible pour avoir le meilleur résultat possible. Q18- Peut-on imaginer réaliser une gestion avec la plantation de jeunes sujets pour favoriser la régénération? FH - Pourquoi pas, mais avant d’envisager la plantation il faut bien observer ce qui ce passe et voir s’il n’y a pas des semis naturels qui ont poussé, si il n’y a pas de jeunes bouleaux, érables ou chênes qui poussent. Si effectivement il n’y a pas d’autres moyens pour faire sortir les arbres, on peut envisager la plantation de jeunes sujets d’un mètre de haut maximum qui sera plus vigoureux que de planter un arbre adulte qui va végété trente ans avant de mourir. On peut aussi semer des glands de chêne sessile ramassés en forêt, en termes de coûts ça ne coûtera rien. Q19- La ronce et le lierre sont extrêmement vigoureux sur le site (sol enrichi + luminosité accrue), est-ce que cela vous donne des pistes de réponses sur l’évolution future de cette forêt? FH - Je pense qu’il faut intervenir modérément, repérer les semis ou jeunes arbres plantés et protéger ces jeunes plants de la ronce. On dit que la ronce est le berceau du chêne. En revanche, il ne faut plus mettre de chèvres, car elles vont tout manger sinon. On favorisera donc les érables, les chênes hêtre, charmes, noisetiers, bouleaux etc. Q20- Cette “micro-forêt” ne peut, par sa taille, contenir de cervidés ou d’animaux sauvages. Pour vous est-ce un problème pour le devenir de cette forêt? Les cervidés ont t’ils un rôle important dans la bonne santé de la forêt? FH - Au contraire, c’est très bien, l’excès de cervidés c’est une catastrophe pour les forêts, les chevreuils nuisent aux jeunes arbres par abroutissement et frottis et les sangliers mangent les glands et arrachent les jeunes plants. Sur ces petites forêts sanctuaires ce n’est absolument pas un problème. La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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f. Scénario de compréhension du terrain Pour approfondir ma compréhension du site, Je rencontre monsieur Jacques Saint-Louis directeur des services techniques ‘espaces verts’ de la BNF. Je questionne donc monsieur Saint-Louis sur la gestion actuelle du jardin forêt. Je comprends qu’il y a au sein de la forêt, peu d’opérations de gestions qui sont réalisées. Cela permet de conserver un aspect sanctuaire pour cet espace. Une des principales opérations réalisées sur le site est l’installation au sein du jardin de trois chèvres «des fossés» et donc de l’intégration de « l’éco-paturage » (pratiqué pour entretenir les espaces naturels et territoires grâce à l’action du pâturage effectué par les animaux herbivores). Ce mode de gestion est lancé dès 2018 sur le site de la BNF. Les chèvres sont amenées au sein du jardin pendant un à deux mois en période estivale. On y trouve donc une espèce de chèvres dite «des fossés» dont une adulte et deux jeunes cabris femelles. Comme évoqué sur le site de la BNF, « ce mode de gestion est appliquée quelques mois dans l’année afin de limiter le développement des ronciers et du lierre, de plus en plus extensifs, au détriment d’autres espèces.»3 Mais alors essayons de comprendre à partir de ces informations, pourquoi la ronce et le lierre se développent sur le site? Et est-ce que ce mode de gestion est adapté au lieu et à l’écosystème particulier du jardin-forêt ? Cette première information semble futile, elle constitue pourtant, une porte d’entrée dans la compréhension de cette forêt urbaine et va me permettre par la suite de tirer des fils sur la connaisance de la forêt de la BNF.
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CHÈVRE DES FOSSÉS (chèvre commune de l’Ouest / chèvre des talus) Origine:
Nord Ouest de la France, Haute Bretagne / Basse Normandie
Aptitude:
Élevé pour son lait mais peu productive, débroussaille les talus, adepte des ligneux et broussailles.
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▲ Figure 46: Photographie des chèvres installées dans le jardin-forêt de la BNF - 2018 - © Béatrice Lucchese BnF
PROBLÉMATIQUE
Un second entretien avec François Roumet, paysagiste et enseignant à l’École du Paysage de Versailles permet d’envisager un scénario de compréhension des dynamiques de la forêt de la BNF observable à travers cette carte dynamique.
La ronce et le lierre poussent fortement dans la forêt de la BNF. Ces deux espèces végétales aiment les sols riches et les espaces lumineux pour se développer.
Le sol de la BNF a été crée grâce à de la terre arable importés sur le site. 3
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Les pins adultes ajoutés dans le jardin vivaient en forêt de Bord dans un sol drainé et sablonneux. Dans ce type de sol, la ronce se développe peu car elle ne trouve pas dans le sol acide les conditions de son développement.
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Pins sylvestres
On transplante les Pins et les replante dans un sol plus riche sur le site de la BNF. Les arbres transplantés sont alors du départ, replantés et haubanés dans un sol qui ne leur convient pas.
Les arbres deviennent vieillissant, le sol prend beaucoup plus la lumière, conditions propices au développement de la ronce et du lierre. Le roncier constitue dans en forêt, un espace « couveuse » qui protège les jeunes arbres forestiers.
En haubanant les arbres, on coupe la régénération naturelle et les dynamiques biologiques du site. Le sol du jardin-forêt est aujourd’hui très riche et il ne correspond plus aux besoins d’une pinède, mais plutôt aux besoins d’essences de sols plus riche comme une chênaie.
Aller avec la dynamique de la forêt en favorisant le développent de jeunes plants forestiers là où les pins haubanés sont les plus faibles. Permettre d’anticiper la mort des Pins adultes qui sont aujourd’hui en fin de vie. Remettre en place un couvert boisé qui ne laisse pas passer la lumière jusqu’au sol et empêche ainsi le développement des plantes herbacées et ligneuses sur le site.
SOLUTION ENVISAGÉE
Les années passent et le sol du jardin s’enrichit grâce à l’amendement de matière carbonées apporté par les essences caducs (bouleau/merisier chêne etc).
Les chèvres des fossés mangent les herbes et les jeunes ligneux et participent donc elles aussi à stopper la régénération de la forêt. Faire venir les chèvres sur le site semble donc être une mauvaise idée car elles bloquent le problème plutôt que de le comprendre et d’aller avec les nouvelles dynamiques de la forêt. ▲ Figures 47, 48, 49, 50
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Ils ne pourront jamais reconstituer leur système racinaire et leur encrage est donc voué à l’échec. L’haubanage constitue une béquille pour l’arbre mais il a ses limites et n’est pas adapté pour les vents violents. Les photographies des derniers arbres tombés montrent bien qu’ils se déracinent avec la motte de plantation qui est restée intacte. Les racines se sont très peu développées. Si l’arbre ne se déracine pas alors il finit par casser. Dans une pinède, ce sont les arbres de lisières les plus exposés au vent qui cassent en premier. Comme l’espace devient de plus en plus aéré tous les arbres sont exposés et l’enclavement ne semble pas réduire le vent, mais au contraire, accentuer certains tourbillons. 104
▲ Figure 52: Etat de certains pins haubanés après des vents violents - © Saint-Louis Jacques
Certaines espèces végétales sont apparues spontanément dans le jardin. Grâce au suivi réalisé par les experts du muséum d’histoire naturelle de Paris, nous pouvons retracer l’évolution et la palette des espèces venues s’installer dans le jardin-forêt. D’autre part, les pins sylvestres adultes avec haubanage ont subi un certain nombre de perte dû aux vents violents et aux différentes tempêtes survenues en Îlede-France. Les Pins transplantés ne supportent pas les coups de vents et se placent comme de véritables dominos sur le site. En coupant leurs racines pivots lors de leurs extractions de la forêt, les concepteurs ont condamné ces arbres à un handicap majeur.
▲ Figure 51: Etat de certains pins haubanés après des vents violents - © Saint-Louis Jacques
g. Observation et analyse de la végétation et de la faune de la forêt
2009 = 49
2011 = 30
2013 = 28
n po Ja du on ne ir p o a oè n J Tr au du re a ce r e en Su ho str p ve ov Pr So yl s n er de Pi eti ier x s l oi u i u N oco vra -ho ic r x M isie fau er ia ce M on au ah r s ise M rie cer n u r- u e La rie mm igèn u o d é La x c In cul ou er n H nti édo la p Eg ne ert lu hê v e n C ne hev mu hê c m C ne co hê e C arm h C
s lle ui fe nq ci à a ge ad er vi ée n e tiv Ca gn ul u e Vi e c te d riqu sne sc et é he Ve ger 'Am uc a r d D b Ve isin de Cu n a r R ie de mu e s ai ne m e m Fr yto co un d'or x la n m C ço m les au ne co uil ise e Sé nce à fe s o ant e p o R nce e d am ns o é r o R ou ule uill en c ig n R on a u à m en c R sti com he c ly lit Po en ven is ss er o Pi te p s b n ti de u rée s Pe rin mm é use tu co lom bt Pâ rin agg es o tu e ill Pâ nc feu ée tie à ud Pa nce e J tie e d Pa tair rié
Pa
▲ Figure 53: Carte d’apparition des espèces végétales pendant les trois années d’inventaire: données MNHN Paris - Travail personnel
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Br a Br ch o y Br me pod u s e Br nel tér de yo le ile s b oi Bu ne com s g di m C le r oïq un ar a u e e C da mp er m a C feu ine nte hé il h C lido des éris hè in b s é C vre e ois e hi fe e C nd uil hi e le C end nt c de irs e o s C e c nt c mm boi irs o o u s C e d m m mm n lé e u u m s C at ch n n om ite a C pa de mp ré g s s pi no h Ep de n b aie ilo ca la s Fa be pil nc u à lai Fé x-li tig re tu se e Fo que ron car ré u e Fo gè rou r g e u e G gèr aig ai e le l G let mâ ér gr le H ani atte er um ro H be à n ou à g Iv lqu Ro ros ra e be se Ja ie v lain rt s r ac ci iva e in Ja nthe ce use es ci d' n La th Es ite e s pa La ron auv gn ite m ag e La ron ara e itu p îch La e d iqua er m es nt La ier mu m po rs p u Li sa rpr er ne e r Li e g co se ri m r m m Li on pa un se de nt e M ron s c or d ha e M elle s h mp or d a s e o M lle u ies ou n ce M ron oir -am ou d e èr e O ron es rti r o i e s Pâ d oug ea qu ioïq e ux er ue et te vi va ce
Au sein même de la forêt, la quantité de Pins adultes diminue fortement et aucune régénération n’est envisagée sur le site. Après avoir discuté avec l’actuel directeur des services espaces verts de la bibliothèque je comprends que les questionnements sur le devenir de cette forêt existent mais qu’ils n’ont pas la connaissance pour évaluer les problèmes et pouvoir y répondre. L’entreprise de jardinier ‘‘Antoine et Nicolas’’ qui intervient sur le site ponctuellement réalise en effet certaines gestions d’arboriculture mais ne semble pas avoir les connaissances pour aider les gestionnaires a prendre des décisions sur le devenir de cette végétation.
Le sol prend donc de plus en plus la lumière sur cet espace, ce qui favorise la croissance de la ronce accentuée par le sol riche apporté lors de la création du jardin-forêt. Le lierre est aussi présent le long des arbres. Il se développe en cherchant la lumière pour pouvoir fleurir. Aujourd’hui il ne constitue pas un problème pour les arbres car il n’est pas considéré comme un parasite, il semble indiqué certaines fois, la faible santé de l’arbre sur lequel il s’agrippe. D’autre part il est intéressant pour la faune car il nourrit beaucoup d’insectes butineurs et sa morphologie permet à certains oiseaux de nidifier entre ses feuilles.
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▲ Figure 54: Plan de situations des arbres de la forêt de la BNF: Données MNHN Paris - Travail personnel
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▲ Figure 55: Une forêt sous artifice, détail de l’haubanange des Pins de la forêt de la BNF
L’inventaire présent sur les trois différentes années (2009, 2011 et 2013) permet de comprendre certaines dynamiques végétales. Tout d’abord, les comptes-rendus d’inventaire floristique réalisés par le Muséum National d’Histoire Naturelle révèlent qu’il y a une tendance globale à la diminution du nombre total d’individus et d’espèces observées entre 2009 et 2013 sur l’ensemble du site. Les chercheurs du Muséum mettent en avant le fait que la végétation semble se modifier pour passer d’une flore assez forestière à une flore plus rudérale. Cette observation est validée grâce à mon arpentage du site. En effet, aujourd’hui (sept années après le dernier inventaire) la végétation basse et herbacée est extrêmement développée et caractérise un milieu ouvert et non un milieu forestier. Certaines espèces pionnières du
milieu forestier tels que les fougères aigle mais aussi le charme démontre la mise en place d’un stade précoce des successions végétales dans le jardin de la BNF. Le jardin-forêt retrouve un stade pionnier suite à la disparition progressive des Pins sylvestres qui constituaient la strate haute (voir graphique ci-dessous).
▲ Figure 56: Évolution des Pins au sein de la BNF - Travail personnel
Certaines plantes que j’ai pu observer sur le terrain me donnent des indications sur le sol et sur l’environnement de la forêt. On les appelle des plantes bio-indicatrices. Pour exemple, l’ortie dioïque aime les sols riches et humides et sa présence indique un excès de matières organiques végétale (bois mort, feuilles, résidus de culture) et animale (sur-pâturage, excès d’apport de lisiers/fumiers). Elle est également une plante signature d’un excès de fer dans les sols. La Chélidoine, plante vivace indique elle aussi, un sol très riche en azote et en matières organiques. Le gaillet grateron plante annuelle germe dans un sol riche en azote.
Le laiteron maraîcher plante annuelle pousse lui aussi dans des sols très riches en matière organiques et lourds. Ces plantes confirment donc la présence d’un sol aujourd’hui riche en matière organique.4 La ronce commune est à elle seule une incroyable indicatrice du milieu. Elle permet de comprendre absolument toutes les dynamiques en place sur le jardin forêt de la BNF. Elle est physiologiquement ‘programmée’ pour amener un écosystème rudérale ou champêtre vers un écosystème forestier. C’est une plante pionnière qui assurera la transition de la plaine à la forêt. Elle se développe dans les zones de lumières.5 Page suivante: ► Figure 57: Analyse des plantes de la forêt: travail personnel
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4.
5. 6.
7. 8. 7. Viola odorata (Violette odorante) 8. Sonchus Oleraceus (laiteron maraicher)
3.
1. Chelidonium majus (Chélidoine) 2. Rubus fruticosus (la ronce commune) 3. Lonicera periclymenum (Chevrefeuille des bois)
2.
4. Urtica dioica (ortie dioïque) 5. Claytone de cuba (Claytonia perfoliata) 6. Galium aparine (Gaillet Gratteron)
1.
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Le paysage de la forêt de la BNF n’est pas inerte, bien au contraire. Cet espace, situé en bordure de la Seine abrite une multitude d’espèces vivantes qui ont su trouver refuge au sein de ce lieu. Plus largement et comme l’indique l’équipe du MNHN, cet espace qui « pourrait être intégré dans une dynamique plus large d’un fonctionnement écologique des espaces verts de l’est parisien (Bercy et Jardin des plantes notamment).»6 L’inventaire est dynamique, il n’est pas figé car la faune évolue constamment dans le temps. Chaque animal ou insecte participe à réguler une autre espèce et se place donc dans la grande chaine alimentaire de cette forêt. La population faunistique évolue en fonction des conditions climatiques et de l’entretien réalisé dans la forêt. Cet espace accueille peu de mammifères excepté la souris domestique. Cet espace sanctuaire est trop petit pour accueillir des mammifères sauvages comme les cervidés ou encore les sangliers mais selon François Hermant, expert forestier cela ne pose pas de problème, bien au contraire. Les populations de cervidés et de sangliers ne cessent d’augmenter en forêt et cela a des répercutions directs sur les milieux boisés. Les sangliers sont friands de glands, en trop grand nombre ils coupent la régénération naturelle des forêt. Les cervidés quant à eux agressent les jeunes arbres par frottis ou abroutissement direct. Voilà pourquoi il est préférable d’évider d’introduire sur des petits espaces comme celui-là, des animaux friands de ligneux. Pour favoriser la mise en place d’un écosystème le plus complet possible dans cet espace, il sera
donc préférable à l’avenir, de garder sur place les différents arbres qui tombent et de les laisser au sol de la manière la plus naturelle possible. Cela permettra comme l’explique Monsieur Hermant, ingénieur forestier, d’apporter un enrichissement du sol et d’accueillir tout un tas de bactéries et d’insectes dans le bois mort. L’idée est d’imiter, le plus possible, les dynamiques naturelles de la forêt et de faire de ce lieu un espace où l’on ai le minimum d’intervention possible et un réseau biotique efficace. Si la gestion devient plus forestière, alors on pourra observer dans les prochaines années, une évolution de la structure du sol amendée par la plus grande densité de feuillus et des plantes de strate basse plus forestière. En terme de perception et grâce à l’enquête réalisée auprès des acteurs du site, on peut observer que les personnes interrogées n’ont observé au sein du jardin que quelques oiseaux. Certains ont aperçu les chèvres quand elles étaient enclos dans la forêt. Le suivi réalisé par le Muséum d’Histoire Naturelle de Paris me semble extrêmement important à reconduire dans les prochaines années pour plusieurs raisons. Déjà, car cette forêt me parait intéressante comme laboratoire de diversité du vivant au sein d’un environnement urbain et d’autre part, car après discussion avec Monsieur Saint-Louis, la gestion et l’apparence de la forêt va évoluer dans les prochaines décennies et il serait donc judicieux de pouvoir continuer à répertorier de la connaissance sur les transformations de ce lieu à travers le temps. Page précédente: ◄ Figure 58: Carte d’interaction de la faune au sein de la forêt de la BNF Travail personnel
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Pins adultes vieillissant et fragiles 20m Strate haute vieillissante
10m Faible strate arbustive
Nord
Sureau Noir
Jeune Pin Merisier brouté
Sud Chêne
▲ Figure 59: Coupe 1:Une forêt trop poreuse et lumineuse
J’ai pu me rendre à l’intérieur de la forêt de la BNF le 12/03/2020 avec la permission du directeur technique de la forêt, Monsieur Jacques Saint-Louis. Pour comprendre et analyser les dynamiques végétales du site, j’ai choisi de travailler en coupe que j’ai ensuite remises aux propre une fois rentré. Le dessin m’a permis de comprendre différents éléments complété par les discussions avec M. Saint-Louis dans la forêt. Cette coupe a été réalisée sur une partie de forêt où les chèvres étaient en pâture. D’abord, le problème du vieillissement et de la fragilité des Pins est un éléments lisible sur place. On peut observer plusieurs branches cassées suite 112
aux derniers vents violents, mais aussi des tas de bois qui indiquent l’abattage des derniers pins tombés. Plusieurs essences pionnières sont aussi installées comme le bouleau ou le merisier. Ces essences de courte durée ne constituent pas le stade final forestier. Des essences forestières doivent les succéder avec notamment le Chêne qui conviendrait bien à ce type de sol. La strate basse herbacée de la forêt se compose majoritairement d’espèces friandes de sols riches et d’une bonne luminosité. En strate basse, aucun jeune plant forestier présent mais certains arbustes de mi-ombre comme le sureau noir.
20m Strate haute d’arbres pionniers
10m Strate arbustive inexistante Strate basse de roncier
Nord
Roncier Bouleau adulte
Jeune Pin: Croissance stagnante
Sud
Jeune Pin envahit par la ronce
▲ Figure 60: Coupe 2:Un espace sous couvert aux allures de prairie enfrichée
Sur cette coupe réalisée dans une partie où les chèvres n’étaient pas présentes, la présence de ronciers est prédominante. Son développement est accéléré par la lumière abondante et par la terre arable du site. En strate basse aucun jeune plant ne semble se développer. Le roncier est très dense et la diminution des Pins replace la forêt entre un stade de friche et de pionniers qui semblent préparer le sol au bon développement des futurs arbres de haute futaie. Néanmoins, la ronce est surnommée le «berceau du chêne» car son couvert protège les jeunes plants et maintient un sol meuble. On trouve aussi sur cette partie, beaucoup de lierre qui commence à
pousser sur le tronc des différents arbres. N’étant pas considéré comme un parasite, il indique au contraire, une luminosité abondante. Si l’arbre est en bonne santé, le lierre grimpera seulement à son tiers pour fleurir au soleil. Monsieur SaintLouis souligne la nécessité de retrouver un imaginaire de forêt vierge sur ce site et de sortir de cet état actuel ou la forêt semble exploité et ‘artificielle’ (tas de bois à différents endroits, haubanage des pins). Le grand défi sera donc de trouver un équilibre avec une gestion de régénération qui devient nécessaire sur le site tout en conservant un aspect arboré important dans le jardin forêt. La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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h. Repenser une gestion adaptée à la typologie de la forêt sanctuaire
20m Croissance des arbres de haute futaie 10m Strate de déveoppent des pionniers
Décomposition des arbres sur place
Observer et valoriser la croissance de jeunes plants forestiers
croissance des arbres pionniers
▲ ► Figure 61, 62, 63, 64: Coupe 3: Régénération de la forêt, place aux pionniers
Pour dessiner des scénarios de développement possible de la forêt de la BNF, je mobilise les informations récoltées lors de l’interview avec Monsieur Hermant, ingénieur forestier (voir chapitre entretien). La première étape consisterait donc à accompagner la chute des Pins en imitant le phénomène de chablis en forêt. L’arbre tombe et laisse derrière lui, un trou de lumière. L’arrivée de la lumière relance une croissance de la végétation au sol. L’arbre se décompose naturellement et nourrit la vie microbienne du sol. C’est le bon moment pour anticiper la croissance de futurs arbres qui prendront la relève. Certains pionniers vont d’eux même s’installer (bouleaux, 114
érables, frêne, merisier etc.). Il faudra favoriser le développement des feuillus par rapport aux pins sylvestres qui pourraient repousser par la suite. Monsieur Hermant confirme qu’il est nécessaire de stopper l’introduction des chèvres dans la forêt qui ont pour action d’abroutir les jeunes plants qui pourraient pousser. Il faut laisser le temps à la forêt de se développer en passant par tous ces stades évolutifs. Nous devrions pouvoir observer un réel changement et s’approcher d’un stade forestier au bout d’une cinquantaine années. Plusieurs actions peuvent donc être envisagées par la suite pour arriver à cet imaginaire.
1.
L’observation est la clef pour avoir un bon développement forestier sur ce site. Il faut d’abord favoriser la pousse des semis naturels qui peuvent se présenter dans les ronces ou auprès de certains arbres. En complément des pionniers qui pointeront le bout de leur nez, on pourra semer l’ensemble du terrain avec des glands de chêne sessile mieux adapté à la chaleur.
Coupe 4: Semer pour relancer la croissance
2.
Si malgré ces interventions, la croissance des arbres reste difficile, on peut, pour accompagner la croissance, planter des jeunes sujets forestiers dans les zones de lumières. On favorisera la plantation de sujets les plus jeunes possibles pour que leurs systèmes racinaires puissent pleinement se développer durant leurs croissances.
3.
De plus, il sera nécessaire de retrouver un entretien minutieux des ronces sur le site. Une intervention manuelle ou mécanique sera envisagée pour protéger les jeunes sujets durant leurs jeunesses. Si la débroussailleuse est utilisée, il faudra veiller à ne blesser aucun jeune plant qui commencerait sa croissance. La ronce disparaîtra quand les pionniers et les arbres de hautes futaies auront pris leurs places, elle fait entièrement partis de l’écosystème et participe à la formation du futur sol forestier.
Coupe 5: Planter de jeunes sujets en dernier recourt
Coupe 6: Entretenir la ronce quand cela est nécessaire.
La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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L’étude de cette typologie de forêt sanctuaire a permis de mettre en avant différents points importants. La gestion d’une forêt est une composante essentielle pour assurer sa pérennité. La forêt urbaine est beaucoup plus complexe que l’on pense. On peut se rendre compte qu’aujourd’hui ce concept ne peut être envisagé sans une gestion précise et une compréhension optimale du site, du sol et du fonctionnement des écosystèmes. Le paysagiste à entièrement son rôle et sa place lors de la création de ces forêts urbaines. Néanmoins, il est nécessaire d’avoir des bases solides en écologies et en sylviculture pour mener à bien ces chantiers. Si le paysagiste concepteur arrive à mobiliser les informations nécessaires pour créer ce milieu alors, la société à toutes les cartes en main pour vivre et nouer des relations urbaines avec la forêt. Néanmoins, je me rends compte des conséquences de nos modes de vie urbains fortement opposés à l’écosystème forestier. Sanctuariser la forêt dans des espaces urbains permet de mettre à distance les hommes et de préserver le milieu. Dans le cas échéant, il ne me parait pas envisageable d’imaginer le devenir d’une forêt de manière optimale. On peut s’en rendre compte au sein de la forêt de la BNF où malgré la mise à distance, les actes d’incivilités perdures. Des canettes vides, détritus et emballages parsèment le sol, jetés depuis l’esplanade supérieure. Je pense que la communication et la sensibilisation auprès du public est essentielle et fait autant partie d’une forme de gestion préventive qui vise à protéger le site d’éventuelles incivilités. À la suite de ma visite sur le site de la BNF, Monsieur Saint-Louis m’a fait part de son intérêt pour mon travail de recherche sur le paysage de la forêt 116
de la BNF. J’espère par la suite pouvoir partager avec lui ce document ainsi que les conclusions que j’ai pu en tirer. Ce travail pourra donc permettre je l’espère, de guider les gestionnaires de la forêt vers des pistes de gestion et d’anticiper la transformation végétale de la forêt de la BNF d’une pinède à une forêt de feuillus en bonne santé. Après avoir étudié le cas précis de la forêt de la BNF, je me rends compte qu’il n’est pas évident de donner une définition unique et universelle à la forêt urbaine. Cette difficulté émerge par la multitude de formes et de rôles accordés à la forêt dans les projets des concepteurs. Ces espaces, restent en effet des lieux très singuliers dans chaque réalisation. Malgré cela, je peux déduire à travers les différents projets que j’ai pu étudier, que la forêt urbaine se manifeste par le besoin de réintroduire un écosystème forestier dans une forme spatiale adapté au contexte urbain.
______________ 1- Source: (https://blog.bibliotheque.inha.fr/fr/index.html) 2- Source: (https://www.bnf.fr/fr/le-jardin-foret-du-site-francois-mitterrand) 3- Source: C’est pas sorcier -Bibliothèque Nationale :La mémoire à livre ouvert (https://www.youtube.com/ watch?v=teU8tAQo3CE) 4- Source:(http://gabb32.org/wp-content/uploads/2017/01/ Guide_bio_indication_vegetale_BDG_GABB32.pdf) 5- Source:(https://petitesruches.fr/spip.php?article45) 6- Muséum National d’Histoire Naturelle «Rapport de biodiversité dans la forêt de la BNF» Rapport final, 2014, 41p.
▲ Figure 65: Imaginaire et co-existance des humains et non humains au sein des forêts urbaines - Travail personnel
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TABLES DES FIGURES ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE GLOSSAIRE
CONCLUSION
Conclusion Aujourd’hui, il est entièrement envisageable d’imaginer une société humaine en lien avec la société forêt. Toutes les villes ne se prêtent bien sûr pas à ce scénario et n’ont pas la physionomie parfaite pour envisager ce concept mais certaines si. Certaines villes peuvent trouver dans la forêt une renaissance, un pas de côté pour mieux avancer. Le genius-loci de chaque ville doit être poussé à son maximum pour faire évoluer de manière durable la vie au cœur de nos villes. Le paysagiste concepteur est habilité à esquisser ce devenir, les écosystèmes constituent ses outils il est donc plus que n’importe qui, à même de pouvoir mettre à jour des villes qui s’épuisent sous les problèmes climatiques. Le travail en équipe avec les forestiers et leurs connaissances sur les dynamiques écologiques des milieux forestiers doivent être mobilisés. Il faut aujourd’hui se questionner sur les réelles motivations qui engagent la création d’une forêt urbaine. Ces projets demandent souvent, des coûts colossaux pour leurs mises en places. Pourtant, mettre en place une forêt devrait être envisagé en injectant le minimum d’effort pour avoir le maximum de résultat comme l’explique François Hermant. La connaissance de la composante du sol est une donnée essentielle à traiter ainsi que l’équilibre dans les projets forestiers entre les mécaniques naturelles et le contrôle de l’homme par une gestion à long terme, d’une génération à une autre. La forêt, autonome, pérenne et cosmopolite nous donne les clefs d’un système de ville durable. Il est désormais nécessaire de trouver la meilleure approche écologique possible. La forêt peut être une aide pour affronter les dérèglements climatiques et les conséquences qu’ils induisent mais, elle ne pourra à elle seule régler les problèmes de fond déclenchés par nos sociétés humaines. La forêt urbaine deviendra une force pour la ville dans la mesure ou sa gestion sera efficace et pérenne.
‘‘Laissons la forêt encrer ses racines dans le dédale des rues, dans les espaces libres, dans le tissu des infrastructures. Laissons la forêt s’enraciner dans l’avenir de la ville et dans l’avenir des Hommes’’. Baptiste LEMOINE
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BIBLIOGRAPHIE ABANDA Fernande, «La forêt, un patrimoine commun de l’humanité ? Réflexion sur les conflits de représentations de la forêt à l’aune de sa patrimonialisation», Colloque du Centre de recherche sur les innovations sociales [En ligne],»,communication de conférence-actes du colloque 2015, consulté le 08 décembre 2019, https://www.academia.edu/17159350/La_forêt_un_patrimoine_commun_de_l_humanité_Réflexion_sur_les_conflits_de_représentations_de_la_forêt_à_l_aune_de_sa_patrimonialisation AGGERI Gaelle et DONADIEU Pierre, «LA GESTION DIFFÉRENCIÉE DES PARCS PUBLICS, une nouvelle orientation des politiques des villes européennes» in actes du séminaire «Étapes de recherches en paysage», n° 2, Versailles, École nationale supérieure du paysage, 2000, pp.43-52. AIT-TOUATI frédérique, ARÈNE Alexandra, GRÉGOIRE Axelle, «TERRA FORMA, Manuel de cartographies potentielles», Paris, éditions B42, 2019, 191 p. ATKINSON Nathalie (dir.) «Les bienfaits du bain de forêt» dans «BOOKS l’actualité à la lumière des livres: la forêt et nous» n°99, éd. SAS BOOKS, juillet-août 2019 CAMBIER Alain, «Qu’est-ce qu’une ville?», Paris, éditions VRIN, 2014, 128p. CARBIENER Didier, «Les arbres qui cachent la forêt, la gestion forestière à l’épreuve de l’écologie», Aix-en-Provence, éditions EDISUD, 1995, 243 p. CORVOL Andrée, «forêt et paysage Xe - XXI siècle», Paris, éditions L’HARMATTAN, 2011, 450p. DE MALLERAY Anne (dir.), «Billebaude, LA FORÊT DERNIER REFUGE DU SAUVAGE» Grenoble, éditions GLENAT, 2014, 95p 120
DEZALLIER D’ARGENVILLE Antoine Joseph, «La théorie et la pratique du jardinage», Paris, éditions chez Jean MARIETTE, 1709, 208p. DEZALLIER D’ARGENVILLE Antoine Nicolas, «DICTIONNAIRE DU JARDINAGE Relatif à la Théorie & à la Pratique de cet Art», Paris, éditions Les frères DEBURE, 1777, 496 p. GILPIN William, «Le paysage de la forêt», SAINT-MAURICE, éditions Premières Pierres, 2010, 99p. MICHON Geneviève, « Ma forêt, ta forêt, leur forêt. Perceptions et enjeux autour de l’espace forestier », bois et forêt des tropiques [En ligne],», Numéro spécial Forêts détruites ou reconstruites,n 278, 2003, consulté le 08 décembre 2019, https://www.academia.edu/3110753/Ma_forêt_ta_forêt_leur_forêt._Perceptions_et_enjeux_autour_de_l_espace_forestier LABOURDETTE Marie-Christine (dir.), «ARCHISCOPIE bulletin de l’IFA, thème ville nature» Bozouls, éditions de la Cité de l’architecture et du patrimoine, 2019, 128p LEOPOLD Aldo, «La conscience écologique», Paris, éditions WILDPROJECT, 2013, 240p. PORTERO Guillaume, «La forêt urbaine, Réflexion sur une approche dynamique », Openfield, revue revue ouverte sur le paysage» [En ligne], LA REVUE / N°3 • Participer 2014, consulté le 02 novembre 2019, https://www.revue-openfield.net/2014/01/30/reflexion-sur-une-approche-dynamique-de-la-foretubaine/ WOHLLEBEN Peter, «La vie secrète des arbres», Paris, éditions Les Arenes Eds, 2017, 260 p. ZÜRCHER Ernest , «Les arbres entre visible et invisible», France, éditions ACTES SUD, 2016, 283 p. La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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Filmographie: DROUET Francois-Xavier, «Le temps des forêts»,2018, film couleur, France, MBO, 103 min. DUPRAS Jérôme (conférencier), «La forêt urbaine : Luxe ou nécessité?» conférence organisée par le centre d’étude de la forêt, 2016, 34 min, Canada, https://youtu.be/ZY1E2-6jOUE GABORIT Marie (animateur), JACQUINOD Claire, LEMASSON Jean-Claude, LUSSIER Pierre, SOIGNON Jacques, «La forêt en ville, est-ce possible?» Aux Arbres 2018, tables rondes, 46min, France, https://youtu.be/6dl0_BXq_G4 KRAUS Daniel, SCHUCK Andreas, «Sage usage de nos forêts: l’approche intégrative», 2017, film couleur, Allemagne, Filmhaus, Berlin, 23 min. THE BLINKFISH, «THE FLYING GARDENERS», 2015, film couleur, Italie, 9 min.
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TABLE DES FIGURES Figure 1: Dessin pastourelle,Eva Jospin, 2015 (https://www.suzanne-tarasieve.com/exhibition/eva-jospin-2/) Figure 2: Dessin, carte mentale, Regard autour de la forêt urbaine - Travail personnel, 2020 © Lemoine Baptiste Figure 3: Photographie du jardin-forêt de la BNF sous la neige © Dominique Perrault Architecture (http://www.perraultarchitecture.com/fr/projets/2465-bibliotheque_nationale_de_france.html) Figure 4: Perspective de projet Canopia urbana, Barcelone, 2014 - 2021 © Agence TER (https://agenceter.com/projets/barcelone-placa-de-les-glories-canopia-urbana-8/#) Figure 5: Perspective de projet, Smart forest city Cancun, Mexico - Stefano Boeri Architetti © Federico Biancullo (https://www.stefanoboeriarchitetti.net/en/project/smart-forest-city-cancun/) Figure 6: Perspective de projet Place de l’Hôtel de Ville Paris - Agence APUR © Céline Orsingher (https://www.paris.fr/pages/des-forets-urbaines-bientot-sur-quatre-sites-emblematiques-6899) Figure 7: Perspective de projet forest city, Liuzhou, Chine © Stefano Boeri Architetti (https://www.stefanoboeriarchitetti.net/en/project/liuzhou-forest-city/) Figure 8: Dessin, plan de Paris, 1734-1739 © Michel Étienne Turgot (https://fr.wikipedia.org/wiki/Plan_de_Turgot) Figure 9: Peinture, Les Très Riches Heures du duc de Berry, Années 1440 - © Frères de Limbourg (https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Très_Riches_Heures_du_duc_de_Berry) Figure 10: Dessin, coupe et plan d’un morceau de forêt vu par le botaniste. Illustration tiré du livre «50 ans d’explorations et d’études botaniques en forêt tropicale» © Francis Hallé 124
Figure 11: Photographie, exemple futaie irrègulière © Olivier Baudry (https://www.avenirforet.com/2015/01/28/la-sylviculture-irrégulière-une-gestion-forestièreécologique/) Figure 12: Photographie, exemple d’une futaie régulière d’épicéa © Sylvestre Vernier (https://www.iseta.fr/quand-btsa-gestion-forestiere.html) Figure 13: Photographie, Peter Wohlleben dans la forêt de Hümmeln, Allemagne, - © Felix von der Osten (http://www.vonderosten.de/peter-wohlleben-for-la-parisienne) Figure 14: Photographie, plantation de Pins dans le sol de la forêt des Landes 2018, © François-Xavier Drouet (https://www.atelier-documentaire.fr/films/le-temps-des-forets) Figure 15: Photographie, vue aérienne - Parc du Sausset, Villepinte Atelier Corajoud © J.B LEROUX (http://corajoudmichel.nerim.net) Figure 16: Photographie, parc Matisse, Lille, L’île Derborence et le Boulingrin © Gilles Clément (www.gillesclement.com/) Figure 17: Photographie, le travail du forestier, mesure du diamètre des arbres © Atelier Denis Bomer (http://www.denisbomer.fr/-/galleries/reportage-illustration/parc-national-de-chambord) Figure 18: Peinture, le pittoresque selon William Gilpin: Landscape, 1 February 1794 © William Gilpin Figure 19: Peinture «dans la forêt de Fontainebleau » (1751-1823) © Jean-François Hue Figure 20: Photographie, vue aérienne: bourg de Gentioux entouré par la forêt © Mairie de Gentioux-Pigerolles. (https://www.projetsdepaysage.fr/la_foret_comme_cloture_l_enfermement_de_l_habitat_par_la_ foret) La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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Figure 21: Photographie, les usages de la forêt, une ballade à cheval © Itinera-magica (https://www.itinera-magica.com/rando-equestre-ardenne-foret-saint-hubert/) Figure 22: Photographie, Pratique du Shinrin Yoku en forêt © Jeremie Vaudaux (https://www.ar-mag.fr/le-shirin-yoku-bains-de-foret-10727/) Figure 23: Photographie, Tribu dans la forêt amazonienne, Brésil © Sebastiao Salgado (https://icom.museum/fr/news/discours-sebastiao-salgado-une-initiative-pour-la-foretamazonienne-du-bresil/) Figure 24: Photographie, indien Achuar dans la forêt © COICA (https://www.caaap.org.pe/website/2016/12/26/pronunciamiento-sobre-la-situacion-de-lanacionalidad-pueblo-shuar-del-ecuador-en-la-provincia-de-morona-santiago-y-la-detencion-delpresidente-de-la-federacion-shuar-agustin-wachapa/) Figure 25: Photomontage, «Nature humaine» © Samuel Guigues (http://artistes-g.artcatalyse.com/samuel-guigues-nature-humaine-galerie-terrasse-en-villemarseille.html) Figure 26: Photomontage, «Nature humaine» © Samuel Guigues (http://artistes-g.artcatalyse.com/samuel-guigues-nature-humaine-galerie-terrasse-en-villemarseille.html) Figure 27: Photomontage, «Nature humaine» © Samuel Guigues (http://artistes-g.artcatalyse.com/samuel-guigues-nature-humaine-galerie-terrasse-en-villemarseille.html) Figure 28: Schéma, chronologie des projets liés à la forêt et changements de paradigme possible dans la conception ou la gestion d’une forêt en milieu urbain - Travail personnel, 2019 © Lemoine Baptiste
126
Figure 29: Schéma, réduction des échelles depuis la forêt domaniale de Saint-Germain-en-Laye jusqu’au jardin-forêt de la BNF à Paris - Travail personnel, 2019 © Lemoine Baptiste Figure 30: Photographie, projet du Bosco Verticale © Emilie Groleau Giovanni Nardi (https://www.stefanoboeriarchitetti.net/en/project/vertical-forest/) Figure 31: Photomontage de la future tour Occitanie à Toulouse © Studio Libeskind (https://libeskind.com/work/occitanie-tower/) Figure 32: Photomontage du futur projet «milles arbres», Paris © Sou Foujimoto architects + Manal Rachi oxo architectes + Compagnie de Phalsbourg + Ogic + Morph (https://www.oxoarch.com/project/4) Figure 33: Assemblage d’images extraites du film «Flying Gardeners», l’entretien du Bosco Verticale dans les airs © Produced by The Blinkfish (https://vimeo.com/142000408) Figure 34: Dessin collage, l’imaginaire autour du sanctuaire et de la forêt Travail personnel, 2019 © Lemoine Baptiste Figure 35: Photographie de la bibliothèque de l’institut national d’histoire de l’art - 2017 © Emilie Groleau (https://www.inha.fr/fr/bibliotheque.html) Figure 36: Photographie de la forêt de la BNF entre les quatre livres ouverts © Dominique Perrault Architecture (http://www.perraultarchitecture.com/fr/projets/2465-bibliotheque_nationale_de_france.html) Figure 37: Dessin, carte des espèces végétales plantées pendant le projet de la forêt de la BNF Travail personnel, 2019 © Lemoine Baptiste Figure 38: Photographie, François Mitterrand, président de la République française, et Emile Biasini, secrétaire d’État chargé des Grands Travaux devant la BNF à Paris (http://www.dpa-bnf.com/#/acteurs/) La forêt urbaine : L’humanité parmi la société forêt
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Figure 39: Dessin, rayonnement des parcs et boisements à proximité de la BNF Travail personnel, 2019 © Lemoine Baptiste Figure 40: Dessin, carte de situation de la bibliothèque de la BNF Travail personnel, 2019 © Lemoine Baptiste Figure 41: Archives de Presse, 1989, projet BNF Paris (http://www.dpa-bnf.com) Figure 42: Montage photographique, démarche de terrain, observation, croquis et photographie Travail personnel, 2020 © Baptiste Lemoine Figure 43: Photographie, Perception de la forêt derrière la vitre du bâtiment, Rez-de-jardin, 2020 © Baptiste Lemoine Figure 44: Photographie des pins dans l’espace de la forêt, 2020 © Baptiste Lemoine Figure 45: Schéma, Du micro au macro acteur, carte dynamique des acteurs et des interactions autour du jardin-forêt de la BNF - Travail personnel © Baptiste Lemoine Figure 46: Photographie, les chèvres installées dans le jardin-forêt de la BNF - 2018 © Béatrice Lucchese BnF (https://www.bnf.fr/fr/ra2018-la-reduction-de-lempreinte-ecologique-et-le-developpement-durable) Figure 47: Photographie, l’emprise de la ronce dans la forêt, 2020, © Baptiste Lemoine Figure 48: Photographie, Pins sur le site de la forêt de Bord en Normandie avant la transplantation (http://www.dpa-bnf.com/#/1994/) Figure 49: Photographie, les chèvres qui mangent les ligneux dans la forêt - 2018 © Béatrice Lucchese BnF (https://www.bnf.fr/fr/ra2018-la-reduction-de-lempreinte-ecologique-et-le-developpement-durable) Figure 50: Photographie, La végétation de la forêt de la BNF, 2020 © Baptiste Lemoine
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Figure 51: Photographie, état de certains pins haubanés après des vents violents - Février 2020 © Saint-Louis Jacques Figure 52: Photographie, état de certains pins haubanés après des vents violents - Février 2020 © Saint-Louis Jacques Figure 53: Schéma, carte d’apparition des espèces végétales pendant les trois années d’inventaire: données utilisées: MNHN Paris - Travail personnel Figure 54: Schéma, plan de situations des arbres de la forêt de la BNF Données utilisées: MNHN Paris - Travail personnel Figure 55: Photographie, une forêt sous artifice, détail de l’haubanage des Pins de la forêt de la BNF, 2020 © Lemoine Baptiste Figure 56: Graphique, évolution des pins au sein de la BNF Données utilisées: MNHN Paris - Travail personnel Figure 57: Photographie des plantes spontanées rencontrées dans la forêt, 2020, © Lemoine Baptiste Figure 58: Schéma, interaction de la faune au sein de la forêt de la BNF Données utilisées: MNHN Paris - Travail personnel Figure 59: Croquis, coupe n°1 d’état des lieux de la forêt de la BNF Travail personnel © Lemoine Baptiste Figure 60: Croquis, coupe n°2 d’état des lieux de la forêt de la BNF Travail personnel © Lemoine Baptiste Figure 61, 62, 63, 64: Croquis, coupes des gestions envisagées au sein de la forêt de la BNF Travail personnel © Lemoine Baptiste Figure 65: Imaginaire et co-existance des humains et non-humains au sein des forêts urbaines Travail personnel © Lemoine Baptiste
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ANNEXES
Annexe 1- Questionnaire de l’enquête réalisée sur le site de la BNF à Paris:
Travail EnquêTE
Les résultats sont exploités de manière anonyme.
l’humanité parmi la société forêt La typologie du jardin-forêt de la BNF
▲ Photographie du jardin-forêt de la BNF sous la neige © Dominique Perrault Architecture
Enquête réalisée dans le cadre de mon mémoire de recherche universitaire à l’école Nationale Supérieure du Paysage de Versailles.
Contact: Baptiste Lemoine baptistelemoine3107@gmail.com
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questionnaire: i. Situation
9. Avez-vous observé des animaux au sein dans la forêt? Si oui lesquels? :
1. Quel type d’acteurs êtes vous? Etudiant
.............................................................................................................................
Chercheur
Visiteur extérieur
Employé à la BNF
Autre:___________
iii. vocabulaire / Sens 10. Selon-vous, quel(s) critère(s) sont importants pour définir une forêt?
2. A quel étage vous situez-vous actuellement? RDC
1er étage
Terrasse
Autre: ..............................
3. Le jardin de la BNF constitue-t-il un critère positif pour fréquentez ce lieux? OUI
NON
Sa dimension
Sa composition
Son emplacement
Ses couleurs
Ses bruits
Ses odeurs
Autre: .................................................................................. 11. D’après-vous, peut-on nommer l’espace centrale de la BNF une ‘forêt urbaine’?
4. Quel espace préférez vous fréquenter pour profiter du cadre du jardin-forêt? .................................................................................................................
ii. Perception
OUI Pourquoi?
................................................................................................................
5. Quels critères vous attirent ou vous déplaisent dans l’espace de la forêt? .................................................................................................................................
12. D’après-vous, quels sens sont les plus importants pour profiter pleinement d’une forêt? L’ouïe
6. évaluez la gestion de la forêt sur une échelle de 0 à 10
(0 = espace délaissé sans entretien // 10 = espace très entretenu)
Note:
7. Donnez trois adjectifs pour décrire de votre point de vue, l’espace de la forêt: 2:
3:
( 0: Vue bloquée dissimulée 10: vue dégagée)
Note:
L’odorat
Le toucher
La vue
Le goût
L’odorat
Le toucher
La vue
14. Ressentez vous une «frustration» d’avoir sous les yeux cette forêt mais de ne pas pouvoir y accéder? OUI
8. évaluez votre perception sur la forêt depuis votre point de vue actuel:
Le goût
13. Quels sens utilisez-vous pour profiter du jardin-forêt de la BNF? L’ouïe
1:
NON
NON
15. Avez- vous des commentaires ou questionnement particuliers relatifs à la forêt de la BNF? ...................................................................................................................
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