Mémoire Bastien SEGURET

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VOYAGE sE PERDRE POUR trouver sa voie

Bastien SEGURET Designer d’Interaction Diplômes 2018



Merci Ă ...

Legois damien Dufeu antoine bertoliatti anne hans majoric bouchez raphael Panne amory morisson capucine Pinatton Michael


«Voyager c’est découvrir ...


... découvrir c’est enlever des couches» Nans Thomassey


Sommaire

Iintroduction

6

la découverte de l’inconnu

6

I. Préparation

16

1. Objectifs et motivations

19

2. Perspectives d’un début de voyage à deux

25

3. Un voyage a la limite de l’annulation

26

4. Planification du voyage itinérant, la recette

31

5. La passion de l’aventure partagée

37

6. L’inspiration du voyage

41

7. Les aventures partagées grandeur nature

45

8. Les aiguilles de portera

49

II.  Initiation au voyage à deux

54

1. Prendre ses repères

57

2. Premier partage d’un paysage exotique

61

3. Aventuriers sunboarder, rencontre musicale

65

4. S’exposer aux risques, gagner en authenticité

71

5. L’ascension du volcan Misti

77

6. Le bus express, transition introspective

81

7. sortir de sa zone des sentiers battus, gagner en authenticité

87

8. Le trek du Salkantay l’aventure jusqu’au Machu Picchu

93


III.  Initiation au voyage solitaire

98

1. initiation à la solitude par la méditation

101

2 la transition dans un nouveau lieu

105

3. La convivialité de l’auberge de jeunesse

113

4. À la limite d’un changement de plan

119

5. La communauté du campement

123

6. Le trek de la cordillère Huayhuash, la marche

131

7. lagune 69, challenge avec l’Australien

137

8. la frontière, la transition

141

9. rencontre dans la ville blanche

145

10. rencontre et changement de plan

151

11. un bon vieux «road movie» 155 12. de la routine dans l’organisation

159

13. La solitude, amplificateur de vulnérabilité

163

14. Rater son bateau, mais gagner en authenticité

167

15. place à l’improvisation

171

16. l’excursion dans la « selva », transmission de savoirs

175

Conclusion

178

L’après-voyage 181

Annexes Questions designer

184 186

Interwiew 190 bibliographie 195


Introduction Lima• Perou Le 24 Avril 2017



69 Alpes Parc de Laguna la vanoise, • Perou France

Le 521 Mai 2017 Le Juillet 2016


la Découverte de l’inconnu

D

e nature aventureuse, j’ai toujours pris goût à la découverte, l’imprévu et la surprise dans ma vie. En réalisant des voyages itinérants en Europe entre amis, des treks à deux je me suis rendu compte que

c’était un formidable terrain de jeu 1 pour explorer l’inconnu. Mes expériences et l’échange d’expériences de voyage de gens rencontrés et d’amis m’ont donné envie de voyager cette fois-ci plus loin (dans un pays plus inconnu), avec moins de moyens pour plus de liberté de mouvement et d’aventure provoquant les rencontres inattendues.

1  HORN Mike. Latitude 0. 2001. Paris: Edition XO. Collection Pocket

9


« Voyager c’est découvrir, découvrir c’est enlever des couches » 1 Sur un pari, Nans et Mouts, auteur de l’émission « Nu et culotté » et jeunes aventuriers dans l’âme décident de vivre une expérience un peu folle à travers le voyage, voyager nus et sans argent. « Plus on s’allège en voyage et plus il y a de l’inconnu », disent-ils. Nous observons au fil de leur aventure que cette mécanique de voyage avec « presque rien » favorise la rencontre de l’autre. En effet, cette expérience montre que ces conditions exposant l’individu à la vulnérabilité animent la bienveillance de l’autre qui se sent presque obligé de l’aider. Cependant, dans une interview, Mouts affirme que c’est la peur qui pousse les gens à ne pas aller vers l’autre. 2 Pour Catherine Vaudrey, la vulnérabilité est perçue comme l’incertitude, la prise de risque, l’ouverture émotionnelle 3. En effet, comme l’expose l’auteur dans son livre, « Le pouvoir de la vulnérabilité », « on pourrait avancer que la faiblesse vient d’un manque de conscience de notre vulnérabilité. Quand on n’est pas conscient de sa propre sensibilité, on court davantage le risque d’être blessé ».

1  THOMASSEY Nans, MOUTON Guillaume et GRAVEL Charlène. 2017. Documentaire. Nue et Culotté. Objectif Caraïbes. Durée 52 minutes 2 MOUTON Guillaume. Allumer le feu du voyage en vous avec Mouts. Enregistrer le 22 novembre 2016 [en ligne]. http://traverserlafrontiere.com/podcast-055-allumer-feu-voyage/ 3 BROWN, Brené et VAUDREY, Catherine. Le pouvoir de la vulnérabilité. Guy Trédaniel, 2015.

10


C’est pourquoi on pourrait avancer que les gens qui ne veulent pas ouvrir leur porte refusent la vulnérabilité en évitant de s’exposer à certains risques. En effet, ils se sentent naturellement dans une position de danger, et cela les rend plus faibles. On

peut

remarquer

également

que

le

refus

catégorique

d’ouverture à l’autre est souvent animé par de l’agressivité ; « c’est sans doute cette dernière qui traduit la peur de l’inconnu », dit Mouts. Néanmoins, dans un élan de bonté, certaines personnes qu’ils croiseront sur leur chemin donneront de leur temps et de leur énergie pour trouver des vêtements, les héberger et partager des moments de convivialité autour d’un repas ou d’activités. Ces personnes, acceptant de s’ouvrir aux deux aventuriers, sont donc conscientes de leur propre sensibilité ce qui entraîne à « casser la barrière de la peur  ». De même, Nans et Mouts expliquent que plus ils acceptent leur vulnérabilité aux yeux des autres et plus la mécanique d’ouverture à l’autre se fait naturellement. Les type

deux

aventuriers

d’expérience

improbables

peut

permettant

remarquent donner

également

accès

développer

une

à

des énergie

que

ce

situations positive

favorisant la confiance en soi. En effet, « l’énergie compte plus que l’apparence  », disent-ils. «  On se sent vulnérable, les gens y

sont

sensibles

et

font

naturellement

confiance » 4.

Dans

une démarche de dépouillement, Nans et Mouts expliquent

4 MOUTON Guillaume et THOMASSEY Nans. L’interview nue et culottée de Nans et Mouts. Arte. Enregistré le 01/06/2015. [En ligne]. https://www.youtube.com/ watch?v=lfbqp2mdQD4. Durée 4 minutes.

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qu’ils se définissent comme chercheurs de l’inattendu à travers le voyage. C’est dans ce sens qu’ils se lancent dans différents défis, qui sont des mises en situation non conventionnelles, sortant de l’ordinaire, comme faire du stop sans parler, voyager pied nu… Nans précise que «  la routine tue l’émerveillement  ». Pour les deux aventuriers, l’inattendu est source d’émerveillement. Dans ce sens, dans notre société où la routine prédomine, perdonsnous le goût de l’aventure et notre sens de l’émerveillement  ?

De l’extrême routine vers une source d’épanouissement, l’extrême liberté Jack London, célèbre écrivain et aventurier du XXe siècle, grandit dans les quartiers pauvres de San Francisco. 1 L’enfance de Jack ne fut pas facile. En effet, il était forcé de contribuer au financement familial en travaillant à la chaîne en usine. Cette routine extrême, cette aliénation par le travail l’ont poussé à s’évader pour vivre son aventure. Il achète une chaloupe et s’évade pour vivre une expérience inoubliable. En revenant de son aventure, il écrit son premier livre et réussit à gagner un concours. C’est le début de ses grandes aventures, à la recherche d’émerveillement dont il avait été privé durant son enfance.

1  VIOTTE Michel. Jack London, une aventure américaine. Enregistrer le 6 octobre 2017. [En ligne]. https://www.youtube.com/watch?v=e0KIBFLblQk&t=597s.

12


Guidé par ses envies, Jack se mit à lire énormément de livres d’aventures pour s’évader de sa vie empoisonnante, apprendre et s’inspirer d’autres auteurs pour enrichir et dessiner ses futures aventures. Passé de l’extrême routine à l’extrême liberté, à la recherche de l’inconnu, de l’émerveillement, Jack apprend à se débrouiller seul.

Attirance et éloignement pour l’inconnu Mais pourquoi aller vers l’inconnu  ? Que recherche-t-on  ? N’y a t-il pas un paradoxe entre le sentiment d’intrigue qui nous attire vers l’inconnu et la peur qui nous en éloigne  ? Pour Nans et Mouts, aller vers l’inconnu, c’est laisser le hasard faire les choses dans le cadre de la rencontre. Contre toute attente, cela leur permet d’apprendre de nouvelles choses, d’élargir leur ouverture d’esprit et leur zone de confiance lorsqu’ils traversent par exemple des situations précaires engendrant des moments d’espoir. Nans évoque le souvenir d’une nuit passé à zéro degré sans abris ni vêtements. L’espoir d’avoir du feu était alors crucial. Contre toute attente, Mouts réussi finalement par trouver un briquet qui leur permit de garder espoir en leur aventure. Nans explique également que si aller vers l’inconnu fait naître un sentiment d’émerveillement provoqué par l’inattendu, ce phénomène peut engendrer également un sentiment de doute face une situation compliqué comme dormir chez un ancien meurtrier. Dans ce type de situation, lâcher prise permet de

13


repousser ses limites et donc de stimuler la confiance en soi. Par ailleurs, Nans évoque dans sa conférence son étonnement de la confiance et de la disponibilité que leur offrent les personnes rencontrées sur le chemin. En effet, l’aventurier est surpris par la spontanéité de « faire confiance à un inconnu » que peuvent avoir certaines personnes à peine rencontrées sur sa route, telle que l’anecdote d’une dame à Paris qui leur laisse les clefs de son appartement pendant son déplacement en province. Si cette expérience démontre bien l’empathie et la bienveillance que possède naturellement l’humain, Nans évoque le sentiment d’embarras qu’il a lorsqu’il ne peut pas offrir quelque chose en retour. C’est ainsi que les deux vagabonds imaginent différents moyens de rendre un service, comme entretenir un jardin, faire le ménage ou offrir symboliquement un petit cadeau comme des origamis en papier pour honorer leur rencontre.

Amoureux de sport en pleine nature et ayant une certaine affinité avec la culture latine puisque j’avais déjà réalisé mon Erasmus à Madrid, bien que je ne prêtais pas forcément d’attention particulière à la destination au départ, en effectuant mes recherches, les terres péruviennes correspondaient à mes critères sportifs et linguistiques. Je me rappelle m’être dit avant de choisir la destination : « Peu m’importe l’endroit où aller, pourvu que je puisse m’immerger le plus facilement possible dans le pays et réaliser mon objectif principal, faire un trek au sein de la Cordillère des Andes  ».

14


Ciel

Terre

Chacana

Ceci est une "croix andine" datant de l'empire incas. On rencontre cette forme aussi bien dans diverses oeuvres architecturales que dans le textile. Pour la culture andine, c'est un symbole cosmologique représentant le lien étroit qui unit le ciel et la terre. Ici, le Chacana représente notre rêve à atteindre dans notre voyage.


I Préparation Lima • perou Le 23 Avril 2017



Laguna 69 Isla del sol • Perou bolivie

Le Mai2017 2017 Le 21 9 Mai


1

objectifs et motivations

L

es objectifs que nous nous fixons pour voyager viennent souvent de figures inspirantes, comme un membre de sa famille, un ami, un auteur... Alors : quel est l’objectif d’expérimenter la façon de voyager en nous lançons des

défis ? Amateur de sensations fortes, de découverte et de nature, à la manière d’un globe-trotter, ma quête à moi était d’expérimenter le voyage solitaire tournant autour de la marche et de l’itinérance avec les moyens matériels strictement nécessaires. Dans un premier temps, ce qui m’a motivé d’aller au Pérou, était la grande place de la nature et de la montagne propice aux treks et aux sports de

montagne

comme

l’escalade,

le

kayak,

la

randonnée…

Mes objectifs étaient de cibler les régions où je pourrai pratiquer ce type d’activité au cœur de paysages variés. Le Pérou est constitué de plus de quinze climats différents, et donc potentiellement de quinze types de paysages. C’est ce qui fait la beauté diversifiée de ce pays.

19


J’ai remarqué que la quête que l’on choisit d’atteindre dans un voyage joue énormément sur la façon de préparer son voyage.

L’essence de la préparation pour mieux (se) découvrir «  Partir à l’aventure c’est se résoudre à l’inconnu, donc au risque » 1. Effectivement, comme nous l’avons identifié à travers l’expérience de Nans et Mouts, sans risque, il n’y a pas d’inconnu et sans inconnu, il n’y a pas de découverte. Néanmoins, d’après mon expérience, si prendre des risques favorise l’exploration, trop préparer son voyage devrait minimiser le risque et donc la découverte. C’est pourquoi je pense que la préparation devrait être une phase exclusivement logistique et moins immersive. En effet la précarité liée au manque de moyens matériels peut conduire à des risques peu tolérables pour beaucoup de personnes et la découverte totale d’un pays inconnu favoriserait la surprise associée à l’émerveillement. Dans

la

célèbre

inconnue  » on l’émission,

émission

peut

minimisant

française

remarquer les

effets

que de

«  rencontre les la

en

terre

participants précarité

de

grâce

à la phase de préparation matérielle, partent à l’aventure avec

1  RUFIN Jean-Christophe et al. L’aventure pour quoi faire ?. 2013. Paris : Edition Point.

20


l’esprit plus serein. Je remarque que pour eux, les besoins essentiels en termes de matériel leur permettent de minimiser les risques liés à la sécurité contrairement à ceux liés à la découverte. Pour ma part, cette phase de préparation matérielle est essentielle pour me permettre de lâcher prise dans la découverte du pays.

Partir pour (se) découvrir et orienter ses perspectives d’avenir Dans son étude sur les voyageurs backpackers d’aujourd’hui, Jocelyn Lachance, socioanthropologue, précise que les lieux de destination sont interchangeables, c’est-à-dire que pour ce type de voyageurs, la destination ne compte sans doute pas plus que le simple fait de partir dans un pays inconnu. 2 Il explique également que chez le backpacker d’aujourd’hui (principalement les millénaux), voyager sert moins à changer le monde que changer le sien. À l’inverse des voyages hippies dans lesquels la

recherche

de

«  transformer

son

monde

intérieur

pour

transformer le monde extérieur, s’apparente à l’idée d’une révolution  », chez le voyageur moderne, la recherche, de «  se confronter intérieur

au

monde

devient

une

intérieur entreprise

pour très

transformer

le

monde

individualisée  », dit-il.

2  AURÉGUIBERRY, Francis et LACHANCE, Jocelyn. Le voyageur hypermoderne. Erès, 2017.

21


Dans une étude quantitative au Québec, « on parle souvent de backpacking comme un moyen de travailler sur son identité  », évoque Jocelyn Lachance. En comparant l’idéologie des pèlerins sur le Chemin de Compostelle et celle des backpackers, il remarque que ces types de voyages ont lieu généralement lors de périodes de transition de la vie des individus, comme dans le cadre de l’orientation de la vie professionnelle ou scolaire d’un adolescent ou de la reconstruction d’une personne venant de perdre un proche. Dans

plusieurs

interviews

de

ces

personnes

en

pleine

transition, ces dernières affirment que le voyage en sac à dos leur a permis de prendre du temps pour elles afin de faire le point sur leur vie, et dessiner de nouvelles perspectives d’avenir. Comme l’évoque Michel F dans sa revue électronique, « Rites de voyages et mythe de passage  », « dans la réalité comme dans l’imaginaire, le voyage possède une forte capacité à transformer les cadres de l’expérience en rites d’initiation  ». 1 C’est pourquoi Jocelyn Lachance explique que la narration à travers le journal de bord est un moyen souvent utilisé par les backpackers pour donner une cohérence à leurs expériences. Je remarque que les expériences narratives de globe-trotters confirmés sont souvent partagées pour initier les voyageurs novices et faire en sorte qu’ils osent partir. Jocelyn Lachance explique que les backpackers mettent trois quarts de risque

1  MICHEL, FRANCK. Rites de voyage et mythes de passage. L’Autre Voie, 2006, vol. 2, p. 11.

22


dans leur récit contre un quart de rencontre ou de découverte. Comme le dit Simmel : «  la forme la plus générale d’aventure est son abandon de la continuité de la vie ». 2 Le voyage à long terme, ou sac à dos est en effet un espace-temps expérimenté comme une rupture avec la routine et la continuité. Cette rupture est nécessaire pour que l’action devienne risquée.

2  ELSRUD, Torun. Risk creation in traveling: Backpacker adventure narration. Annals of tourism research, 2001, vol. 28, No. 3, p. 597–617.

23


Laguna 69 volcan misti • Perou

21 Mai 2017 Le 29


2

Perspectives d’un debut de voyage a deux

Finalement,

au

cours

de

mes

six

mois

de

préparation

de voyage, un soir à la terrasse d’un café avec un très bon ami, excité à l’idée de partir réaliser un rêve, je décide de partager

mes

ambitions

de

voyage

avec

Loïc,

un

batelier

travaillant sur la scène. Comme moi il adore l’aventure en termes d’exploration de l’inconnu et d’activités physiques en pleine nature. Rapidement

pris

d’un

élan

d’euphorie

et

de

projection

dans le voyage, nous nous décidons à partager une partie de l’expérience ensemble avant que je ne sois livré à moi même. Au début j’ai hésité, car je voulais me tenir à mon objectif qui était de voyager en solitaire et de réaliser mes rêves d’aventure dans la cordillère des Andes en tant que baroudeur. C’est décidé, nous vivrons l’aventure tous les deux pendant trois semaines. Je me dis que cela sera une bonne transition pour démarrer par la suite mon voyage en solitaire.

25


Laguna 69 La route des cascades • Perou Equateur

Le Mai2017 2017 Le21 1 juin


3

Un voyage a la limite de l’annulation

Ça y est, c’est «  le jour J  », notre vol sera en début d’aprèsmidi, nous nous levons relativement tôt pour terminer les derniers préparatifs matériels (peser le sac, enlever les derniers outils ou matériels superflus…). Nous pensons avoir suffisamment de temps pour arriver à l’aéroport d’Orly. Pour un temps de trajet estimé d’une heure et demie en plus d’environ une heure sur place pour l’enregistrement et l’embarcation, nous partons trois bonnes heures avant le décollage. Résultats, plus de trente minutes bloquées sur le quai de

Châtelet

les

RER

B

immobilisé

À

la

fois

Halles pour

abasourdi

attendant je

et

ne excité

sais par

impatiemment plus

notre

quelle

excuse.

l’impossible

imprévu

auquel nous devons faire face, un pic d’adrénaline générant à la fois du stress positif et de l’euphorie nous envahit, nous passons «  en mode survie  ». Pour faire face à la situation, nous prenons notre courage à deux mains et nous nous entraidons pour trouver des solutions alternatives afin de ne pas louper notre vol.

27


Finalement un bus au rond Charles de Gaulle étoile fera l’affaire, mais il va falloir courir pour ne pas le manquer ! En arrivant proches de l’arrêt, nous nous mettons à sprinter sur les derniers cinquante mètres en le voyant déjà là et nous finissons par le prendre. À ce moment-là, en calculant notre temps de trajet, nous pensons arriver dans les temps à l’aéroport. Néanmoins, nous oublions les aléas de la route, les embouteillages ! Un sentiment d’impuissance nous envahit, Loïc, mon ami devient rouge écarlate et moi blanc comme linge. L’attente nous fait réfléchir, trop réfléchir… Ne pouvant que faire confiance au bus, à la fluidité de la route, impossible de maîtriser la situation. C’est alors que les idées noires nous envahissent. Chacun porte ses écouteurs, un silence religieux envahit le bus, comme s’il fallait se préparer au deuil de notre aventure. Arrivé à l’aéroport, il nous reste quarante minutes avant le décollage, nous pensons être tirés d’affaire, quand la panique nous rattrape lorsque nous entendons : «  Une panne de réseau empêche tout enregistrement pour les vols ». Nous tentons par tous les moyens de nous renseigner pour réussir à embarquer quand une hôtesse aigrie, comme fatiguée des plaintes à répétition, nous précise que l’enregistrement devait s’effectuer maximum trente minutes avant l’embarquement. Tentant de sauver notre vol, nous expliquons que la panne est apparue à notre arrivée avant l’horaire limite d’enregistrement. Puisant dans nos ressources, nous tentons l’ultime justification, mais il semble impossible de lui faire changer d’avis. L’un contre l’autre, assis sur un banc, il y a d’abord un grand moment de vide et d’isolement, puis de rumination. Enfin, nous tentons de trouver tous les prétextes justifiables en notre faveur pour nous remonter le moral mutuellement. Puis, comme pris d’un instinct de survie, pour avoir la

28


possibilité de « repêcher » un autre billet de vol, mon ami appelle sa sœur travaillant dans une agence de voyages pour trouver des solutions alternatives. Aussitôt, je me dirige vers le stand de notre compagnie et j’interpelle deux agents s’apprêtant à partir. Ils me font signe de leur indisponibilité, mais l’un des agents, bienveillant, se décide à me consacrer du temps. Je lui explique la situation en jouant sur les sentiments. Observant ma détresse, il me fait signe de patienter. Pris à nouveau d’un sentiment d’espoir, je fais signe à mon ami de venir pour mettre toutes les chances de notre côté. Avec les nouvelles informations concernant le vol que lui a transmis sa sœur au téléphone, il prend confiance et me propose de parler à l’agent dès son retour.

Après avoir parlé avec son collègue, l’homme nous précise

que nous pouvons obtenir un vol dans les prochains jours, mais que le seul geste commercial qu’il peut faire est de ne payer seulement que le billet d’aller, soit sept cents euros, le prix de notre billet allerretour acheté il y a six mois… Après avoir découvert grâce à sa sœur que « l’abonnement de carte bleu gold » lui offrait la possibilité de repêcher son billet, Loïc, impliqué comme jamais dans un débat, fini par faire céder l’agent, qui nous offre un repêchage de nos billets à tous les deux ; le vol sera prévu dans deux jours. À notre retour, soulagés, nous nous lançons dans un « feed-back » de la situation, en nous jurant

de

partir

six

heures

à

29

l’avance

la

prochaine

fois.


Laguna 69 La vanoise, Alpes • Perou France

Mai 2017 Le 921juillet 2015


4

Planification du voyage itinérant, La recette

Réunis au bord d’une table avec nos deux ordinateurs, Loïc et moi commençons à explorer le Pérou, en quelque sorte. Lors de nos recherches, je m’aperçois qu’il est plutôt planificateur et organisé, il souhait découvrir toutes les meilleures possibilités d’itinéraires et d’endroit à explorer. Pour ce faire, il passe au peigne fin le guide du routard, Lonely planet, les forums de voyageurs tels que « Le sac à dos ». Cette immersion prématurée me séduit et je me prête aux jeux. Durant plusieurs semaines nous continuons à prospecter différents livres et médias sur internet (récit de voyageur, guide des treks au Pérou, Blog, Podcast…) pour élaborer l’itinéraire et les activités de notre voyage. De plus, par expérience de mes treks dans les Alpes, je me concentre sur les besoins matériels essentiels en termes de confort et de sécurité pour réaliser cette aventure. Je me souviens qu’au début je trouvais cela lassant, mais plus je me renseignais sur des forums via l’expérience d’autres voyageurs,

31


d’amis… plus je me prêtais au jeu de « la préparation millimétrée » en me créant des listes de matériels à acheter voir à créer. Je me souviens même avoir imaginé des situations de survie en amont avec le matériel utilisé pour me mettre en situation. Pour ce faire, je devais me projeter dans un contexte tel que la vie en pleine nature, lors d’un trek, afin d’envisager quel type d’objet je pourrais acheter pour anticiper mes besoins dans ces moments-là. Par exemple, je me rappelle avoir mimé une situation risquée lors de l’ascension d’un pic avec toute la panoplie de l’alpiniste dans un magasin de sport parisien.

L’Équilibre de la préparation, la clef pour vivre son aventure Si la projection est importante, elle permet de bien choisir et de bien répartir son matériel, afin de favoriser l’anticipation des situations à risque pouvant altérer le bon déroulement de l’aventure. Cette phase de projection dans la préparation du matériel m’a permis également de mieux définir mon voyage en termes de mode de vie. Néanmoins, pour Olivier Frébourg dans son livre « l’aventure pour quoi faire ? », l’aventure est une échappatoire, un refus du prévisible, une ouverture vers l’inconnu. 1 Ce point de vue laisse supposer que la préparation d’un voyage peut donc nuire à l’aventure.

1  RUFIN Jean-Christophe et al. L’aventure pour quoi faire ?. 2013. Paris : Edition Point.

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C’est d’ailleurs dans la fameuse émission, Rendez-vous en

terre inconnue, que je me suis rendu compte que l’expérience de préparation pour aller vers l’inconnu, la vraie aventure, prend tout son sens. Lors de la phase préparatoire, tous les participants partagent un sentiment de peur et d’euphorie pouvant se traduire par l’excitation de la surprise de ce qui les attend. Dans l’épisode «  Arthur chez les Quechuas  » 2 de la série, la célébrité explique que ne rien avoir préparer et de se laisser porter à ce point, ne lui était pas arrivé depuis 30 ans. Il ne connaît l’inconnu qu’à travers ses anniversaires surpris, dit-il, pour lesquels il a tout de même du mal à accepter l’imprévu. Vivre dans le confort, « sa tour dorée », permet d’accéder à tout sans effort et de tout contrôler. Ce type de vie l’empêche de faire face aux situations imprévues, explique-t-il. Dans l’émission, l’objectif de la préparation est de parer à

toute

prêtent

éventualité. au

jeu

en

Ainsi,

les

essayant

célébrités

toutes

sortes

aventureuses de

se

vêtements,

d’équipements correspondant à divers climats et situations telles que la vie en montagne, dans le désert, en forêt tropicale... Je remarque au fil de la préparation de mon voyage que si «  trop préparer  » peut nuire dans un premier temps à l’émerveillement que génère la surprise, cette phase permet de s’immerger et de commencer à vivre le voyage sans bouger.

2  LOPEZ Frédérique. 2017. Documentaire. Rendez-vous en terre inconnue. Arthur chez les Quechuas. Durée 100 minutes.

33


Par ailleurs, l’expérience de Milan Bihlmann et Muammer Yilmaz montre bien que le manque de préparation provoque plus facilement la rencontre 1. Dans leur livre, les deux aventuriers planifient très succinctement leur itinéraire et égarent leur carte européenne en début de parcours. Ce manque de préparation les conduit à errer dans la ville en recherchant des informations auprès des locaux. La plupart du temps, la générosité humaine est au rendez-vous. Nihat, un local de Bucarest leur propose d’abord de boire un verre avec eux pour comprendre la situation et leurs objectifs de voyage. Il finit par leur proposer de les héberger chez lui et fait appel à un ami pour planifier leur nouvel itinéraire vers Istanbul. Dans cet élan de générosité, la confiance s’installe. Les deux voyageurs peuvent lâcher prise et profitent de cette générosité et hospitalité pour se divertir autour d’un tournoi de football avec la communauté.

1  MILAN Bihlmann et MUAMMER Yilmaz Nicolas. Le tour du monde en 80 jours... Sans un centime. 2015. Paris : Edition Michel Lafon. Collection Pocket

34



Laguna 69 Pralognan, Alpes • Perou france

Le Mai2017 2017 Le21 8 juin


5

La passion de l’aventure partagée

Raphaël est un ami du lycée qui partage avec moi le goût de l’aventure. Je me souviens du lycée et des fameuses « virées » que nous faisions, partant dans l’inconnu cherchant inconsciemment l’expérience la plus inattendue possible comme celle où nous décidons de revenir d’une soirée en bord de Seine en suivant les rails du train. Après dix kilomètres de marche, nous arrivons dans son jardin et nous réfugions dans la cabane de son jardin, à l’abri des regards pour fumer quelques cigarettes et pour terminer une bouteille de vin que nous avions planqué avant de partir en soirée. D’un coup, sa mère que je ne connaissais pas encore hurle de sa fenêtre, il est quatre heures du matin, « Qui est là ? », dit-elle. Raphaël répond : « c’est moi, qui cela pourrait être d’autre ? ». Aussitôt, nous planquons la bouteille dans les buissons et nous nous lançons dans une chasse aux mégots express. Une minute plus tard, pris de panique en voyant la lumière de l’entrée s’allumer, , Raphaël élabore une stratégie. Il se hisse par la

37


fenêtre de sa chambre qu’il avait pris soin d’ouvrir avant de partir en soirée. Seul et démuni, je suis en face de la porte d’entrée, sa mère ouvre et me demande qui je suis. En même temps, Raphaël apparaît comme par magie derrière elle, en pyjama demandant ce qu’il se passe. Surpris de ce numéro, je suis abasourdi, mais je ris intérieurement.

38



Laguna Everest69 • Perou Nepal Le 16 novembre 2016 Le 21 Mai 2017


6

L’inspiration du voyage

Lors celui

de de

la

préparation

Raphaël,

parti

de en

mois pour essentiellement

mon

voyage,

solitaire faire

du

au

je

m’inspire

Népal trek

durant

sur

de trois

l’Everest.

Raphaël est un ami très proche avec qui je partage la même vision des choses et les mêmes centres d’intérêt, tels que le sport en pleine nature. Un soir, il me raconte avec passion son expérience vécue là-bas  ; les grandes marches réalisées, ses rencontres inattendues, les situations risquées et les imprévus auxquels il a dû faire face en s’en sortant parfois de justesse. Il m’explique que lors d’une marche accélérée, pensant avoir le temps d’arriver de jour au refuge en sautant une étape du trek, il arriva tant bien que mal dans la nuit, tétanisé par le froid glacial. Il me raconta également les moments de joie, privilégiés, contemplant seul un coucher de soleil ou partageant un repas traditionnel avec des locaux qu’il rencontra par hasard sur sa route… Durant la narration de son aventure, je le sens ému et très intime à la fois. L’authenticité

41


de

son

d’émotion monde

histoire me

partagée donne

parallèle,

un

avec

l’impression film

tellement de

d’aventure

de

plonger qui

passion

et

dans

un

m’inspirerait.

La mécanique du modelé Ce passage d’histoire vécue me fait penser à l’anecdote de Nicolas Dubreuil, dans son livre « Aventurier des glaces 1 ». L’auteur nous raconte sa trépidante aventure avec Jacques, l’ami de son père et aventurier du Grand Nord. Séduit par ses incroyables histoires d’aventure, il a envie de tester ce type d’expérience qui le fait rêver. Un jour, Jacques, son guide, décide de l’emmener pour l’initier au goût de l’aventure en pleine nature. Ancien soldat d’élite puis instructeur, il apprend à Nicolas les rudiments de la maîtrise du feu, de l’eau et du vent pour apprendre à survivre. Il a le rôle de disciple et malgré ses erreurs fréquentes, « Nicolas reproduit alors les gestes observés et prend note dans un carnet ». Animé par son rêve de ressembler à un aventurier, un héros en quelque sorte, il joue le rôle d’imitateur, ce qui va progressivement lui permettre de s’en détacher. Entre émerveillement et apprentissage, cette phase d’initiation guidée par son inspiration lui apporte toutes les compétences requises pour démarrer une nouvelle expérience

1  DUBREUIL Nicolas. Aventurier des glaces. 2012. Paris : Édition de La Martinière. Collection Point

42


de ce type en solitaire. Je remarque que la quête du surpassement de soi, se traduisant par « l’esprit du challenger » que nous cultivons avec mon ami, nourrit une sorte d’inspiration mutuelle, cercle vertueux initiatique permettant de booster nos compétences. Néanmoins,

ce

type

d’inspiration

est

limité.

Malgré

les

objectifs toujours plus difficiles que nous nous fixons, nous manquons de compétences techniques. Sans, nous pouvons nous exposer à des risques non maîtrisables. Par exemple, bien lire la nature du manteau neigeux lors d’une randonnée de ski permet d’éviter les risques d’avalanche. Dans cette perspective de quête évolutive, le guide professionnel peut être une autre source d’inspiration. De la même manière qu’un professeur, il va, de manière pédagogique, nous transmettre son savoir en jaugeant nos capacités physiques et psychiques au préalable.

43


69 Alpes Parc de Laguna la vanoise, • Perou France Le 10 Juillet 2016 Le 21 Mai 2017


7

Les aventures partagées grandeur nature

Je suis d’autant plus touché par l’expérience de Raphaël que depuis les années lycée, ayant un engouement tout particulier pour le sport et la nature, nous partageons de nombreux souvenirs communs. La montagne est un terrain de jeu naturel sur lequel nous exprimons notre passion pour l’aventure et le sport en pleine nature. Raphaël possède un chalet dans les Alpes, qui est à la fois notre camp de base et notre échappatoire. On y va en partie pour se ressourcer, se libérer des contraintes et s’éloigner de la routine quotidienne, mais aussi pour exprimer nos rêves d’aventures, réaliser des performances sportives en pleine nature. C’est en quelque sorte notre exploratoire d’aventure.

45


La cabane, lieu d’évasion La cabane est perçue comme un exploratoire par Gille Tiberghien 1, un endroit de transition, entre l’intérieur et l’extérieur. Cet endroit, favorisant la rêverie, est pour l’auteur, un espace d’évasion propice à la lecture et à la réflexion. C’est dans ce même lieu que certains grands écrivains et voyageurs vagabonds se sont réfugiés seuls pour écrire leur livre. Sylvain Tesson écrit par exemple son livre, « L’axe du loup » durant son séjour dans sa cabane sibérienne. 2 Pour Raphaël et moi, ce laboratoire d’aventure est en effet un lieu de réflexion, nous permettant de méditer sur l’aventure d’hier et de mettre en perspective celle de demain.

Parmi

toutes

les

expéditions

effectuées

dans

la

montagne

savoyarde, il y en a une qui m’a particulièrement marquée, une randonnée de trois jours pour atteindre « Les aiguilles de Portetta ».

1  TIBERGHIEN Gilles A. Note sur la nature, la cabane et quelques autres choses. 2014. Paris : Édition le Félin 2  TESSON, Sylvain. L’Axe du loup. GEOGRAPHIE-PARIS-SOCIETE DE GEOGRAPHIE —, 2004, p. 101-102.

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69 Aiguille Laguna de portetta, Alpes • Perou France

Le15 21Juillet Mai 2017 Le 2016


8

Objectif, aiguilles de Portetta

Je me rappelle que les parents de Raphaël nous avaient prévenus que nous étions insouciants du danger avant d’entreprendre cette marche. Un jour avant notre départ nous prenons tout de même le temps de faire un inventaire de tout le matériel nécessaire (tente,

vêtements,

alimentation,

crampons,

allume-feu…).

Nous partons très tôt dans la matinée afin d’avoir le temps d’arriver sur la crête avant le coucher de soleil. Compétiteurs dans l’âme, nous démarrons l’ascension sur une marche sportive à la conquête du sommet. Raphaël est plus endurant que moi, mon instinct me dit de le suivre. Le rythme est trop rapide, je n’en peux plus, je suis essoufflé, mais je tiens toujours bon en râlant. Il remarque ma détresse et m’encourage. Étrangement, comme un masochiste, je prends un certain plaisir à souffrir. C’est sans doute mon esprit challenger qui me fait tenir. Néanmoins, de temps en temps nous nous arrêtons à des endroits stratégiques nous offrant un panorama exceptionnel sur la vallée et les montagnes alentour. Galvanisés par notre objectif : « le sommet

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que nous ne quittons pas des yeux tout au long de notre marche », nous développons une énergie physique et morale phénoménale. Durant notre ascension, nous avons l’opportunité de dormir sur la crête du mont Charvet. Un panorama exceptionnel nous permet de dominer Courchevel à quelques dizaines de kilomètres en contre-bas. C’est à mi-parcours, dans ce cadre idyllique, semblable à la terre des Hobbits 1 dans le « Seigneur des anneaux », que nous savourons notre bière blanche du mont Blanc en admirant le coucher de soleil. La majesté du paysage rayonne sur nous et en nous. Pour immortaliser ce moment, nous filmons, prenons des photos et commençons à monter la tente. Nous recherchons rapidement un terrain plat avant la nuit en vain, nous nous contentons d’une légère pente. Le soir, la neige commence à tomber. Un froid glacial nous paralyse... Impossible de dormir. De plus, à cause de la pente nous glissons à plusieurs reprises au fond de la tente, ce qui contribue à arracher les piquets un par un. Cette situation inconfortable combinée à la fatigue m’énerve et provoque le rire de Raphaël qui se moque de moi. Soudain, nous avons l’impression que ce n’est plus nous qui glissons, mais la tente elle-même. Pris de panique, je sors pour la stabiliser. Frappées par le vent d’altitude, mes lèvres sont paralysées et j’ai du mal à communiquer avec Raphaël, mais je finis par réparer la tente. Le temps passe, il est toujours impossible de dormir dans ces conditions. Je suis de plus en plus sur les nerfs. Soudain, un bruit retentit tout proche de nous. La nourriture ! On a oublié de vider la

1  Egalement appelés Demi-hommes ou Periannath, ils font partie d’une des communautés vivant en terre du milieu dans le roman « Le seigneur des Anneaux ».

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nourriture dans la poubelle. C’est peut-être un renard ou pire... Un lynx ? Nous ouvrons discrètement la fermeture éclaire et j’allume ma lampe frontale, mais n’arrive pas à distinguer quoi que ce soit. Le bruit retentit à nouveau, il est tout près ! Pris de panique, je referme la fermeture éclair et me réfugie dans mon duvet. C’est une expérience assez particulière de ne pas voir ce qui se situe à cinquante centimètres de soi dans la nuit. Le bruit s’étouffe peu à peu, il semble disparaître, après avoir glissé une couverture de survie sur nos pieds, nous fermons enfin l’œil pour une heure ou deux. Au petit matin, malgré notre mauvaise mine, nous grignotons quelques barres de céréales et buvons de l’eau presque givrée, assis, enveloppés dans nos sacs de couchage en attendant que les rayons du soleil nous caressent le visage. Nous reprenons la marche. Il faut descendre le col et remonter jusqu’aux aiguilles. Nous n’avons plus beaucoup d’eau. Arrivé au col, je contemple avec émerveillement cette face de la montagne que nous allons gravir pour atteindre les aiguilles tout en haut. Au bout de deux heures de marche, nous avons fait à peine la moitié de l’ascension. Raphaël est devant, marchant à vive allure, qui ne bronche pas. Encore une fois, j’ai du mal à suivre son rythme et m’énerve pour de bon en lui signalant de m’attendre aux trois quarts de la montée. Les éboulis deviennent de plus en plus gros, certains mesurent plus de quatre mètres. Aveuglés par l’objectif, nous escaladons les gros blocs instables en nous enfonçant dans le canyon dessiné par les aiguilles. J’ai la gorge de plus en plus sèche et l’esprit de moins en moins lucide. Les risques d’éboulement nous inquiètent. Soudain, Raphaël manque de se faire écraser par un bloc qui vient de céder. Mon instinct de survie prend le dessus et je

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lui crie de faire demi-tour, que c’est trop dangereux de continuer. Malgré tout, nous arrivons au point culminant du canyon. Notre objectif atteint, nous nous réconfortons en savourant notre deuxième bière blanche, surpris par la beauté de ce paysage.

L’effort, moteur de réconfort ? Par définition, « le réconfort est ce qui redonne de la force morale, du courage et ce qui apporte de la consolation dans une situation pénible, douloureuse. » L’effort, quand à lui est «  la mise en œuvre de toutes les capacités d’un être vivant pour vaincre une résistance ou surmonter une difficulté. » 1 Pour

mon

ami

et

moi,

j’ai

remarqué

que

lors

d’une

ascension nous recherchons naturellement du réconfort par l’effort. Cette recherche du réconfort fait sans doute écho au goût de l’aventure. En effet « l’aventure se rattachant à l’inconnu, donc au risque » aurait été fortement atténué si nous avions emprunté le téléphérique pour atteindre le sommet. La recherche du risque nous permet de repousser nos limites. Dans les cas extrêmes, jouer avec le feu nous met forcément dans

des

situations

inconfortables,

mais

nous

permet

de

développer notre débrouillardise, comme récolter la glace de la

1  Définition CNRTL

52


montagne en cas de manque d’eau. Attirés par cette mécanique de l’effort et du réconfort à travers l’aventure, nous nous inspirons quotidiennement de reportages, comme ceux des explorateurs professionnels de l’EOFT 2, qui partagent leurs exploits sportifs en montagne. Jean-Christophe Rufin critique l’univers des mots en « Ex » comme les sports extrêmes. Pour lui, ces mots mettent en spectacle l’aventure, l’éloignant de la vie de tous les jours. Il est vrai qu’aujourd’hui les médias, à travers la publicité notamment, ont tendance à déconnecter les jeunes de la réalité, cultivant le mythe du héros. Le slogan de la marque Go-pro, « Be a hero » est sans doute le fait le plus parlant. Néanmoins, cette culture émergente permet à de nombreux jeunes de vivre de leur passion grâce au sponsoring. «  Pour atteindre la lune, il faut viser les étoiles, et donc viser encore plus haut  », comme le précise Paul Henry Delerue, sportif de haut niveau en snowcross. 3 Peut-être

que

la

recherche

de

l’aventure

extrême

est

finalement la traduction d’un besoin de sortir de la peur engendrée par notre société sécuritaire pour réaliser nos rêves.

2  EOFT (European Outdoor National Film Tour) est l’événement cinématographique, exposant des films d’expédition en montagne, le plus renommé d’Europe. Il se déroule dans plus de quatorze pays du continent et permet de mettre en avant les péripéties d’explorateurs internationaux, passionnés pour l’aventure et les grands espaces. 3  HENRY DE LE RUE Paul. 2015. TEDx Paris. Conférence. Dépasser ses peurs c’est oser être soi-même. Durée 18 minutes. Enregistré le 23 décembre 2016. [En ligne]. https://www. youtube.com/watch?v=8u04RWMQmMo.

53


II Initiation au voyage à deux Volcan misti • Perou 2 Mai 2017

54


55


Laguna Lima 69 • Perou

Le 24 21 Avril Mai 2017 Le 2017


1

Prendre ses repères

L’

arrivée dans la capitale du Pérou est déroutante pour Loïc et moi. En effet, Lima est une immense ville champignon. Sa superficie est plus de vingt fois supérieure à celle de Paris  ! À pied, nous mettons plus de quatre heures pour traverser la

moitié de la ville. Nous remarquons que nous ne sommes pas tant que cela dépaysé, il y a une quantité impressionnante de touristes. De ce fait, la ville regorge de taxis jaunes à damier klaxonnant à tout va. Nous sommes moyennement surpris lorsqu’un habitant de Lima nous explique que taxi est le métier le plus populaire de la capitale... Par ailleurs, le contraste et la proximité entre les quartiers pauvres et riches me rendent mal à l’aise. En flânant dans une avenue luxueuse agrémentée de restaurants gastronomiques et de magasins de haute couture, deux rues à gauche plus loin nous pouvons tomber sur des habitations misérables. Je remarque que les quartiers pauvres et riches ne sont pas si distincts que le montre

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le guide du routard. Par ailleurs, bien que nous craignons de prime abord pour notre sécurité, il nous faut peu de temps pour apprécier l’ambiance festive et chaleureuse qu’il règne dans les quartiers démunis en comparaison avec celle des quartiers riches, plus froide et austère. Observant les interactions humaines dans les quartiers pauvres, je remarque que la convivialité est sans doute le maître mot de la culture d’ici. Je me souviens avoir discuté de la culture d’Amérique latine avec un inconnu. Il me dit : «  ici, la solidarité s’appuie sur la confiance des uns envers les autres », précisant ensuite que l’entraide se fait souvent de manière spontanée, comme donner gratuitement des œufs à son voisin en difficulté financière. Afin de tout de même nous acclimater au pays en douceur, nous choisissons de résider à Miraflores, appelé quartier des gringos, car c’est le quartier le plus touristique de la ville  !

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69 desertLaguna de huacachina • Perou perou

Le 24 21 Avril Mai 2017 Le 2017


2

Premier partage d’un paysage exotique

Après dix heures exténuantes de bus, lors de notre arrivée sur l’oasis de Huacachina dans le désert d’Ica au sud du Pérou, nous contemplons dans le crépuscule, les immenses dunes de sable. Loïc et moi sommes pris dans l’excitation de l’aventure ! Comme pour nous préparer pour le jour des grands treks dans la cordillère, nous nous fixons un objectif, acheter une bière et la savourer en haut de la dune. Au pied de celle-ci, nous estimons le temps que cela pourrait nous prendre... cinq minutes… Décidément, nous avons oublié que marcher dans le sable, c’était comme marcher sur un tapis roulant à contresens, sans oublier que le tapis roulant, lui, n’est pas meublé. Après trente minutes de marche, notre cœur battant la chamade, nous

découvrons

avec

étonnement,

la

beauté

mystique

de

ce paysage. Grâce au croissant de lune bien dodu, j’observe sur plusieurs kilomètres, les dunes s’enfonçant dans les ténèbres. Je partage mon point de vue et mon ami m’écoute en silence en

61


hochant la tête comme s’il interprétait de la même manière ce paysage exotique. Après avoir repris notre souffle, assis sur le sable, contemplant les dunes se perdant dans les ténèbres nous savourons notre bière avec fraternité et planifions le jour suivant.

62



69 desertLaguna de huacachina • Perou perou

Le 25 21 Avril Mai 2017 Le 2017


3

Aventuriers sunboarder, rencontre musicale

Après notre réveil douloureux provoqué par les sons résonants des buggys, attraction très appréciée des touristes dans le désert, nous nous levons et nous apprêtons à réaliser nous aussi une attraction touristique, mais un peu plus sportive, « le sunboard » 1, une planche de surf sur sable que nous avions entrevu sur notre guide du routard. Le principe paraît simple. Il s’agit de monter à pied en haut d’une dune, puis d’y descendre comme sur un snowboard. Sauf que nous avions déjà tenté la montée la nuit, alors marcher pieds nus sur le sable brûlant sous un soleil de plomb à plus de quarante-cinq degrés, il fallait y songer avant. Mais pour nous, l’envie d’expérimenter cette activité originale est plus importante que de souffrir visiblement.

1  S’apparentant au snowboard, cette discipline peu connue s’exerce sur les dunes de sable. Les épreuves mondiales ont lieu chaque année à Hirschau en Allemagne sur le Mont Kaolino.

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Une fois arrivés en haut, bien qu’ayant gravi globalement les mêmes

dunes

découvrons glacé

moment. à

nous

filmant

un

illuminé

Armés

que

de

veille

nouveau par

nos

les

prendre

rayons

au

nous jeu

différentes

dans

paysage

appareils

L’euphorie dans

la

emporte du

sous

d’un

photo,

nous et

nuit,

un

soleil

reporter

situations

la

nous

ciel

blanc

bleu matinal.

immortalisons nous

commençons

aventureux

d’aventures,

ce

en

nous

comme

serait

l’odyssée de deux héros perdus dans l’immensité du désert. Puis nous poursuivons en enfilant maladroitement nos planches soigneusement tartinées de cire pour favoriser la glisse. Loïc s’élance, tandis que moi, continuant à me prendre au jeu du reporter, je filme. D’un coup, il tombe la tête la première dans le sable, comme un canard basculerait aisément dans l’eau pour attraper son repas. Je ris à cœur joie en me moquant de lui, mais ne fais pas le fier lorsqu’il s’agit de m’élancer. En m’imaginant dans la peau d’un surfeur, je démarre la descente. En contre-bas, j’observe deux silhouettes montant jusqu’à nous. Les voyant de plus près avec leur planche sur leur tête pour éviter les rayons du soleil, leur démarche hésitante me donne l’impression qu’ils sont deux «  sunboarder  » en herbe comme nous. Dans une volonté spontanée de rencontre, j’essaye de leur communiquer une blague avec le peu de vocabulaire que je maîtrise en espagnol. Après les présentations, au fil de notre conversation, je sens que le courant passe plutôt bien et que nous arrivons à comprendre et à nous faire comprendre. Ils nous expliquent qu’ils sont musiciens

66


argentins et qu’ils voyagent en se rémunérant grâce à leurs prestations musicales dans la rue. Leur style de vie m’inspire et me donne des idées. Vivre de l’itinérance est-il possible pour moi ? Après

quelques

mots

d’échange

sur

notre

maigre

expérience de voyage, comme des enfants en pleine phase d’excitation, nous partageons avec eux un moment de glisse en riant à cœur ouvert dans la plus grande des innocences.

L’instant présent, amplificateur de relation amicale Dans ce type de voyage, je remarque à quel point nous avons l’opportunité d’arrêter le temps et de profiter de l’instant présent. Si la recherche de l’instant présent est précieuse aujourd’hui, c’est parce qu’il devient de plus en plus difficile à trouver dans notre vie quotidienne. Dans le quotidien, l’hyper connectivité est omniprésente. Si elle contribue à créer du lien à profusion, elle favorise également le narcissisme en termes d’image de soi. Combien de temps passons-nous sur les réseaux sociaux pour soigner notre image et la partager ? Dans quel but, vouloir donner une fausse impression de l’instant présent aux autres sinon à soi-même ? Lors de mon voyage, j’ai observé que les millénaux préfèraient capturer le moment ou le cadre unique, privilégié, qu’ils sont

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venus voir, tels que la célèbre cité inca du Machu Picchu 1, plutôt que d’admirer et s’imprégner pleinement de cet instant de contemplation. L’objectif est d’essayer de convaincre les autres et soi-même que nous vivons une vie trépidante. Cette préoccupation

superficielle

se

développe

au

détriment

de

l’appréciation de ces instants pour ce qu’ils sont réellement. « L’aventure c’est être présent à soi-même et à autrui » comme le dit Olivier Frébourg. ». Or, lors de cette expérience vécue avec mon ami, je prends conscience qu’être présent à soi-même c’est se découvrir et être présent à l’autre, c’est le découvrir. Dans cette même dynamique, la découverte commune de l’inconnu, tel qu’un nouveau sport, le sunboard et un nouvel environnement, le désert, nous permettent de nous retrouver sur un même pied d’égalité. C’est comme si ce phénomène effaçait toutes nos certitudes et nos préjugés sur nous même et sur l’autre. Nous découvrons un autre visage de l’autre et de soi-même. Comme des enfants, la découverte de l’inconnu fait émerger à la fois de l’émerveillement et de l’entraide intensifiant le lien d’amitié.

1  Ancienne cité inca du XVe siècle au Pérou, perchée sur une saillie rocheuse unifiant les monts Machu Picchu et Huayna Picchu sur le versant oriental des Andes centrales.

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Laguna 69 Arequipa • Perou

Le 26 21 Avril Mai 2017 Le 2017


4

S’exposer aux risques, gagner en authenticité

Arequipa nous

est

la

rencontrons,

première le

véritable

changement

de

ville

en

climat

altitude

avec

le

que désert

est radical. C’est à ce moment-là que je me rends compte que

notre

face

aux

longue variations

préparation

vestimentaire,

climatiques

prend

71

tout

nécessaire son

sens.


Une préparation équilibrée favorise la maîtrise du risque La le

préparation

risque

inutile.

matérielle Elle

est

permet

essentielle de

pour

limiter

au

risque

s’exposer

constructif, plus mesuré. Ainsi, le lâcher-prise, devenant plus accessible,

favorise

l’errance,

laissant

place

à

l’inattendu.

D’après Sylvain Tesson, auteur vagabond, l’imprévu, matérialisé par les rencontres, est un maître de l’apprentissage 1 ainsi, guidé par son instinct, le voyageurse perd pour apprendre, afin de sortir de ses certitudes. « L’aventure est une école », dit-il. Néanmoins, si la préparation peut améliorer l’expérience de l’aventure à travers le lâcher-prise, plus celle-ci est importante et moins nous développons notre débrouillardise. Dans son livre «  Instinct  », Sarah Marquis, aventurière solitaire nous raconte son expérience de survie sur les terres sauvages australiennes. 2 Adepte

du

«  by

few

means 3 »,

comme

Sylvain

Tesson,

l’auteure expérimente cette fois-ci un voyage avec le moins de la

ressources soif

et

à

possibles la

solitude.

pour

se

confronter

Néanmoins,

à

la

faim,

l’apprentissage

des

techniques ancestrales aborigènes en amont lui permet d’aiguiser sa débrouillardise pour survivre. Cette préparation est maîtrisée

1  TESSON Sylvain. 2013. Une école de plein vent. In L’aventure pour quoi faire ?. Paris : Éditions Point, p. 36-38 2  MARQUIS SARAH. Instinct. 2016. Paris : Edition Michel Lafon. Collection Pocket 3  Faire avec ses propres moyens en faisant le moins possible recours aux nouvelles technologies.

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puisqu’elle anticipe les risques trop dangereux auxquelles Sarah Marquis serait exposée si les aborigènes ne lui avaient pas enseigné la comestibilité des plantes par exemple. À travers cette expérience de l’extrême, elle explique que l’expression « prise de risque » dans notre société moderne est communément associée au mal, à la souffrance. Sa définition est la suivante :

« La prise de risque est une initiative indispensable qui expose le sujet à un nouvel environnement, hors de sa zone de confort. Cela va lui permettre de grandir, de tester sa flexibilité, sa tolérance et de se nourrir intérieurement grâce à l’adaptation qu’exigera de lui son nouvel environnement. Les joies de la prise de risque ? Apprendre à avoir confiance en soi et en ses capacités intérieures comme extérieures et comprendre son appartenance à l’univers sous tous les angles  ».

Néanmoins, d’après mon expérience, s’exposer à des risques peut parfois altérer la confiance en soi et plus tôt qu’agrandir sa zone de confort la rétrécir. Si le hasard fait bien les choses, il peut aussi être source de handicap dans la confiance en soi. C’est ce que j’en conclus après m’être confronté à une mauvaise rencontre locale lors de mon voyage en solitaire.

Errant dans la ville, je rencontre par hasard un local avec qui je sympathise assez naturellement. Je sens que le courant passe bien entre nous, et tout naturellement nous échangeons sur nos vies en

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marchant. Cherchant tous les deux un fast food où manger, il me propose de manger un bout avec lui, chose que j’accepte volontiers. La barrière de la méfiance se dissipe au fur et à mesure qu’il me raconte son histoire. Âgé d’une quarantaine d’années, il m’explique que pour subvenir aux besoins de sa famille, il apprend le droit en faculté depuis trois ans. Fier de justement tenir son livre de droit sous un bras, il s’empresse de l’ouvrir pour m’en commenter quelques pages. C’est alors qu’il m’explique qu’il doit mener une interview portée sur « l’intégration des touristes européens au Pérou ». « Un vrai sujet », lui dis-je, compte tenu de l’essor touristique dans son pays. Assis dans le restaurant, il me demande, si j’ai un peu de temps pour répondre à quelques questions de son interview. Hésitant compte tenu du peu de temps qu’il me reste avant de prendre mon bus, souhaitant faire bonne figure, je lui dis : « D’accord, mais pas plus de vingt minutes ». Manquant de papier et de stylo, il se trouve gêné, puis finit par me demander un peu d’argent qu’il n’a pas sur lui pour en acheter à la librairie d’à côté. J’hésite, puis il me propose de garder son livre en guise de garantie. Toujours un peu hésitant, je finis par lui faire confiance, mais lui signale de faire vite compte tenu de la situation. Je lui donne l’argent et j’attends... dix minutes passent... Puis vingt… Je perds progressivement patience et confiance en lui. Quelques dizaines de minutes plus tard, je me résous à l’idée que je ne le reverrai jamais. Envahi par un sentiment de trahison et de colère, j’emporte le livre qu’il pensait sans doute que je laisserais sur place, ce qui lui permettait d’abuser de la confiance d’un autre touriste par la suite. Arrivé à la gare, par pitié, je finis par le donner à un agent d’accueil. Bien que recherchant l’authenticité par l’immersion locale durant mon voyage, cette expérience a affecté ma confiance envers les locaux.

74



Lagunamisti 69 Volcan • Perou

21 Mai 2017 Le 27


5

L’ascension du volcan Misti, entre nausée, émerveillement et challenge

En

compagnie

de

notre

guide

dans

l’ascension

du

volcan

Misti

Ivan,

nous

culminant

à

nous 5800

lançons mètres

d’altitude. En commençant à 3500 mètres d’altitude, mal acclimaté, Loïc commence à sentir la fatigue et le manque d’oxygène. Lors de la première pause, il ressent les effets néfastes de l’altitude. Souffrant de maux de tête, il décide de fermer un peu les yeux pour récupérer. Le guide ne lui en tient pas trop rigueur, il lui propose des feuilles de coca pour faire passer le mal de tête. Au fil de la marche et pendant les temps de pause, je prends plaisir à savourer ce paysage lunaire à perte de vue. Le poids du sac contenant quinze kilos d’équipement spécialement préparé pour cette ascension (piolet, sac de couchage, crampons, réchaud, alimentation, eau…) commence à freiner notre marche et couper notre respiration à certains moments. Loïc et moi souffrons en silence,

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mais nous ne fléchissons pas et faisons travailler notre mental pour compenser. Repoussant nos limites, nous jaugeons en quelque sorte nos capacités physiques et mentales. Je m’aperçois que mon expérience dans les Alpes m’aide à mieux appréhender ces capacités. En m’ont

effet, appris

les

treks

entrepris

avec

mon

à

maîtriser

mon

endurance

et

ami à

Raphaël

économiser

mon souffle à travers la marche sportive. Néanmoins, je ne connaissais pas les effets du manque d’oxygène à cette altitude. C’est semblable à une grosse fatigue mêlée à un mal de tête. Arrivés au campement, nous assistons à un superbe coucher de soleil devant lequel nous oublions toute la difficulté de la première partie de l’ascension. Après avoir monté notre tente, nous partageons le repas avec Ivan notre guide. Il en profite pour nous raconter des histoires d’expéditions qu’il a vécues et nous partage avec sagesse sa vision de l’alpinisme et de la nature. Je remarque qu’un moment de convivialité partagé après une expérience à forte sensation vécue ensemble permet de se mettre à nu et de tisser des liens uniques.

78


S’exposer a un nouvel environnement, favoriser la mise à nu Semblable à la même impression que lors du trek des aiguilles de Portetta avec Raphaël, je remarque qu’au-delà du dépassement de soi, l’entraide dans l’adversité favorise la confiance mutuelle. Par exemple, étant plus expérimenté que Loïc dans ce type d’activité, je remarque que je vais par instinct l’encourager et lui transmettre les bons conseils par le geste, comme économiser son énergie en ralentissant le pas lors de passages compliqués. À l’inverse, au sein du campement, Loïc, ayant un meilleur sens pratique et organisationnel que moi dû à son métier de batelier, reprendra le rôle de guide pour m’enseigner des techniques de nœud solides pour faire face aux rafales de vent d’altitude. Je remarque que la confiance mutuelle repose principalement sur l’adaptation de plusieurs individus dans un nouvel environnement. Les confidences avec le guide lors du campement me font également remarquer qu’instaurer une confiance crée ou intensifie le lien d « amitié.

79


Laguna ica 69 • Perou

21 Mai 2017 Le 24


6

Le bus express, Transition introspective

Au Pérou, le bus est le premier transport en commun. Je suis frappé par la prestation de service et le confort de ces bus qui est sans aucun doute meilleur qu’en France. Nous avons droit à des sièges pouvant se transformer en lit, à de la climatisation et à un repas chaud servi par une hôtesse. Après avoir brièvement pris connaissance de l’essor économique du tourisme au Pérou, je comprends mieux pourquoi les bus, fréquentés majoritairement par les touristes sont autant évolués. Pour gagner du temps, nous réservons souvent des bus de nuit. Lors de ces longs trajets, avant de dormir, nous en profitons pour faire le point sur les expériences passées et futures. Pour faciliter notre organisation à travers la planification, nous disposons du guide du routard. Ce guide nous permet de trouver des hébergements et des restaurants à bon rapport qualité-prix. Muni d’un plan et d’informations pratiques de la vie courante, il nous permet également d’anticiper nos prises de repères essentielles. Par ailleurs, il offre une

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visibilité sur l’histoire, la culture et les meilleures activités locales. Avant de dormir, à l’aide mon micro enregistreur, j’immortalise nos ressentis et descriptions de l’étape que nous venons de réaliser.

Le guide du routard, Accélérateur d’adaptation dans un nouveau lieu À mon sens, le guide du routard permet de rapidement prendre ses marques dans un voyage itinérant. En échangeant avec d’autres backpackers, j’ai remarqué que, semblable au mien, leur voyage impliquait un constant changement d’adaptation dans de nouveaux lieux. De plus la durée de séjour, s’étalant sur

quelques

jours

ne

laisse

pas

énormément

de

temps

pour prendre ses repères concernant les besoins majeurs. Pour Loïc et moi, ces besoins sont exclusivement liés à la vie pratique tels que l’hébergement, l’alimentation, la banque… Ainsi qu’aux activités locales telles que les activités sportives et les monuments, les parcs à visiter… Le support de la carte des nouveaux lieux sur le guide du routard, balisant

toutes

les

informations

essentielles,

permet

de

cartographier l’environnement pour se repérer plus facilement. Néanmoins, si ce guide permet de prendre plus facilement ses repères sur de courtes durées, il peut limiter l’intégration à la culture locale. En effet, à travers l’expérience du tour du monde sans argent de Milan Bihlmann et Nicolas Muamer, on peut observer

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que sans guide 1, les deux aventuriers sont obligés de faire un effort pour aller vers l’autre. Errant dans les rues, comme dans un jeu de piste grandeur nature, démunis de moyens matériels et d’argent, la découverte d’un endroit inconnu sur une courte durée les force à demander des informations à la population locale pour n’importe quel type de besoin, comme manger, dormir, se soigner…

Le journal de bord favorise l’introspection À travers ce jeu, nous prenons plaisir à évoquer les moments forts de l’étape passée à Arequipa, comme l’ascension du Volcan Misti. Prendre le temps de décortiquer régulièrement notre progression dans l’aventure de cette manière, permet d’analyser notre expérience de manière ludique en mettant en

avant

les

échecs,

les

réussites

et

les

nouveautés,

autoévalués par nos ressentis et nos opinions. On pourrait assimiler ce type d’interview à un journal de bord commun.

Outre le fait de cristalliser les moments forts de l’expérience sous forme de souvenirs auditifs, je m’aperçois que le journal de bord permet également d’apprendre sur soi-même. En effet, l’auto-évaluation permet de mettre en avant ses compétences et ses centres d’intérêt.

1  MILAN Bihlmann et MUAMMER Yilmaz Nicolas. Le tour du monde en 80 jours... Sans un centime. 2015. Paris : Edition Michel Lafon. Collection Pocket

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Laguna 69 Isla del sol • Perou bolivie

Le Mai2017 2017 Le 21 1 Mai


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Sortir des sentiers battus, gagner en Authenticite

Arrivés en bateau sur l’Isla del sol, fameuse Île du lac Titicaca au sud du Pérou, je m’aperçois que l’île fourmille de touristes. En me faisant la remarque, je commence à comprendre que suivre aveuglément les indications du guide du routard en termes d’endroits à visiter ne va pas nous aider à sortir des sentiers battus. Au lieu de chercher l’authenticité à travers les rencontres locales, nous continuons notre chemin sur l’autoroute touristique. Je me fais la remarque : «  après tout, ce n’est que le début de l’aventure et ce n’est pas plus mal pour s’acclimater  ». Néanmoins, le simple fait d’être sur l’île mythique du dieu du soleil inca attise notre curiosité et nous force à sortir des sentiers battus comme si nous cherchions à explorer une nouvelle terre.

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Lâcher-prise par la préparation Je me rends compte que trop préparer un voyage nuit à la découverte et donc à la nature même de l’aventure, celle qui n’est pas artificielle, mais authentique, comme celle que nous apprécions avec Raphaël lors de nos treks dans les Alpes. À

l’époque

des

grands

explorateurs,

les

cartes

du

monde étant incomplètes, la découverte était d’abord géo graphique. sens

Les

propre.

qu’aucune

Si

source

explorateurs la

partaient

découverte

d’information

était n’était

dans la

plus

l’inconnu totale,

accessible

au c’est

pour

se

renseigner sur différents domaines, tels que l’environnement et ses ressources, la présence humaine, la culture locale... Aujourd’hui, il n’y a plus de place pour ce type d’exploration, car la carte du monde est globalement complète. De plus, à travers les blogs, les chaînes de vidéo amateurs, les articles et les guides touristiques, les médias contribuent de plus en plus à fournir de l’information sur le voyage en termes de conseil et de sécurité, de préparation matérielle, de destinations à visiter... Finalement, ce type d’exploration préliminaire fait sans doute l’effet « bande d’annonces ». En effet, « sans bouger de chez soi », on a la possibilité de voyager en avant-première. Je remarque que dans ces moments de navigation à la recherche d’informations, le temps s’arrête, nous oublions la routine quotidienne et démarrons l’expérience de l’aventure en nous projetant dans le voyage. Par exemple, nous nous imaginons gravir une montagne en nous posant différentes questions sur nos aptitudes physiques et morales.

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Par ailleurs, je me suis rendu compte qu’à force de trop m’impliquer dans l’élaboration d’un voyage, je manquais à la fois de surprise et tombais souvent sur des autoroutes touristiques, dans un cadre artificiel manquant d’authenticité. Aujourd’hui, avec le recul, je constate que plus on recherche d’authenticité avant de partir et plus on s’en écarte durant notre voyage. En effet le business touristique anticipe les attentes émergentes d’authenticité pour les jeunes globe-trotters. « Local », « authenticité », « dépaysement » sont devenus les maîtresmots du commerce touristique. Cette nouvelle tendance, visant à découvrir une destination hors des sentiers battus en privilégiant l’échange et le contact humain, fait émerger depuis quelques années le tourisme alternatif, qui s’intègre de plus en plus dans l’industrie touristique. Dans le tourisme équitable, il s’agit d’aller à la rencontre des communautés locales dans lesquelles le touriste va s’engager pendant une ou plusieurs semaines. En contrepartie, ce dernier acceptera de payer un prix dont il sait que les hôtes bénéficieront pour améliorer leurs conditions de vie. Le tourisme solidaire quant à lui permet de privilégier l’humain tout en favorisant le développement du territoire. Le WWOOFING est un exemple de tourisme solidaire pour lequel le voyageur échange ses services en termes de main d’œuvre contre « le gîte et le couvert » au sein de la ferme ou de l’exploitation agricole qui le reçoit. Dans cette optique, l’effervescence de ce marché touristique local tend à biaiser le sens même de l’authenticité qui se retrouve imité. Par exemple, je me souviens avoir rencontré des communautés locales vêtues de leurs parures traditionnelles, imitant le mode de vie de leurs ancêtres. Il va de soi que cette imitation a pour but d’intensifier la valeur exotique recherchée par les touristes.

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Ceci supposerait que pour ne pas tomber dans le panneau de l’artifice, il serait préférable de planifier « au jour le jour ». Les expériences de Nans et Mouts dans les reportages « Nu et culotté » montrent bien que définir seulement un objectif sans planifier favorise l’imprévu. La prise de risque est néanmoins plus importante. Par conséquent, pour aller à la rencontre de l’authenticité, il s’agit de trouver un juste milieu entre anticipations et lâcher prise.

D’un coup nous sortons des sentiers battus, au sens propre du terme, pour marcher dans les champs en dénivelé dessinant des terrasses typiques des cultures de ces régions d’Amérique latine sur le flanc de la montagne. Nous sortons de la peau du touriste pour nous glisser dans celle de l’explorateur. Soudain, cette petite initiation à la vraie découverte dévoile son premier secret. Nous découvrons alors une scène authentique. Sous le soleil matinal, un homme travaille la terre avec tellement d’intensité que cela nous laisse abasourdis. À ce moment précis, comme dans un jeu d’exploration grandeur nature, nous nous identifions à des « chasseurs d’authenticité ». Ainsi, cachés discrètement derrière un buisson, nous tentons d’immortaliser ce moment avec notre arme redoutable, la caméra. L’homme nous a vus, nous sommes démasqués, un peu timides, nous allons tout de même à sa rencontre. Nous lui demandons ce qu’il cultive ici. Il nous répond : « de la Coca, une plante médicinale à forte valeur spirituelle et de l’Oca, une plante potagère ». En discutant davantage, nous nous livrons un peu plus en dévoilant brièvement nos modes de vie. Cette rencontre développe notre confiance en nous et nous encourage

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à explorer davantage la facette locale de l’île et de ses habitants.


69 Salkantay,Laguna Andes peruviennes • Perou Le 4 Mai 2017 Le 21 Mai 2017


8

Le trek du Salkantay l’aventure jusqu’au Machu Picchu

Si Cuzco est la destination phare que nous rêvons depuis le début de découvrir, c’est qu’aux alentours de cette grande ville, ancienne capitale inca perchée à 3500 mètres d’altitude, se trouve la vallée sacrée, regorgeant de joyaux architecturaux ancestraux, telle que la forteresse d’Ollantaytambo et la célèbre cité du Machu Picchu. De plus, c’est le point de départ de nombreux treks mythiques allant en direction de cette cité percher au cœur des montagnes andines.

Parmi

ces

treks,

nous

choisissons

de

réaliser

le

Salkantay, moins touristique et plus sauvage que les autres. Dès le premier jour, souhaitant nous acclimater à l’altitude, nous nous lançons dans la recherche d’une agence de trek locale, en sillonnant la ville à l’aide des adresses inscrites sur notre guide du routard. Je m’aperçois que la carte GPS hors connexion de nos smartphones nous sert souvent pour rechercher une destination.

91


Malheureusement,

nous

ne

trouvons

aucune

agence

nous

proposant le trek à un prix raisonnable. Finalement, le soir même, nous décidons de contacter notre hôte Air bnb qui nous met en relation avec un ami travaillant dans une petite agence non inscrite sur le guide du routard. Par méfiance, je demande fermement à notre hôte si l’affaire est sérieuse et son prix. En effet, le mauvais souvenir de rencontre avec Juan, un habitant des quartiers pauvres d’Arequipa qui avait abusé de ma confiance, me rend encore méfiant des locaux. Finalement, nous nous décidons à aller voir sur place pour nous faire notre propre opinion. Malgré l’anglais approximatif du guide à l’accueil tentant de nous expliquer le déroulement du trek avec une carte en support, le prix attractif nous pousse à accepter cette prestation. L’enthousiasme nous gagne, nous allons réaliser le trek du Salkantay, un trek de quatre jours en direction du Machu Picchu. Le premier jour, un petit déjeuner rassemblant la communauté de

trekker

a

lieu.

Malgré

la

timidité

généralisée

provoquée

par la rencontre, nous commençons à échanger en anglais. Je

découvre

que

hormis

un

petit

groupe

anglophone,

les

nationalités sont hétéroclites. Nous rencontrons deux filles belges, un couple brésilien, un Italien et un Péruvien. Dans notre communauté, six

pays

sont

représentés

pour

seulement

douze

personnes.

Je m’aperçois que, la fatigue du voyage nous gagnant, la barrière de la langue s’intensifie et ne nous permet pas d’aller plus loin lors nos échanges. Néanmoins, plus le temps passe et plus nous prenons le temps de tisser des liens grâce à la marche et aux moments conviviaux passés dans les camps de base. Je remarque que c’est

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souvent pendant ou autour des repas que nous échangeons. Assis autour d’une grande tablée, nous commençons par partager avec nos voisins l’expérience du trek. Nous évoquons les difficultés les plus intenses de l’étape, ainsi que les paysages émouvants rencontrés sur notre chemin. Cette première ébauche en termes d’échange permet de se livrer plus facilement et partager son expérience personnelle.

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Le langage non verbal permet de découvrir l’autre Lors de nos discussions, je remarque que la barrière de la langue favorise le langage non verbal intégrant la gestuelle, l’émotion du visage, voire même l’image pour appuyer notre discours.

En

parcourant

les

rubriques

«  conseils

pratiques  »

des blogs de voyage, j’ai constaté qu’en termes d’alternatives à la barrière de la langue le dessin, l’image et la gestuelle étaient les principaux modes de langage non verbal utilisés pour faciliter la communication. D’après une étude menée dans le cadre d’un projet avec une communauté atteinte de la trisomie 21 1 (souffrant du trouble de la communication), Marion Dohen, chercheuse du CNRS de Grenoble, explique que « lorsqu’on entraîne une personne à mieux impliquer son corps lorsqu’elle parle, la gestuelle aide non seulement à trouver ses mots, mais elle permet de mieux structurer son discours. » Par ailleurs, je constate que la non-maîtrise d’une langue n’implique pas forcément une barrière de communication. Les blogueurs de « Be-my-trip », ayant vécu plusieurs fois au sein d’une communauté locale, expliquent que la barrière de la langue est plus un mythe qu’une réalité. 2 En effet, le vrai défi est l’effort de faire le premier pas pour aller vers l’autre.

1  CAILLOCE Laure. Quand le geste libère la parole [en ligne]. In Anne Peyroche. Publié le 02/07/2016. Date de mise à jour disponible [mis à jour le 07/11/2017]. Date de consultation [consulté le 11/11/2017]. Disponible à l’adresse : https://lejournal.cnrs.fr/ articles/quand-le-geste-libere-la-parole. 2  Blog. Consulté du 20/11/2017. [En ligne]. Communiquer avec les locaux et barrières de la langue : Mode d’emploi. http://be-my-trip.com/fr/communiquer-avec-les-locaux/

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Plus les jours passent et plus les liens se renforcent entre un couple brésilien, deux amis belges et nous deux. Sans doute que la difficulté que nous avons à communiquer avec le groupe australien intensifie la relation avec les autres étrangers. Par ailleurs, je remarque que discuter avec une personne anglophone est nettement plus simple que participer à une conversation de

groupe

anglophones

anglophone. fourniront

L’effet

de

naturellement

groupe moins

fera d’effort

que

les

pour

se

mettre au même niveau de langage que la minorité étrangère.

95


III Initiation au voyage solitaire Lima • Perou 24 avril 2017

96


97


Laguna Lima 69 • Perou Le 9 Mai 2017 Le 21 Mai 2017


1

Initiation À la solitude par la méditation

P

our Loïc, le voyage se termine après un mois d’aventure. Un sentiment de nostalgie m’envahit, je repense à tous les moments que l’on a surmontés, partagés ensemble. Je marche seul en traversant les quartiers de Lima,

méditant. Parallèlement, je me prends au jeu de la découverte, comme si j’étais guidé par mon instinct, moins que par un plan prédéfini comme j’avais l’habitude de suivre avec Loïc.

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Le voyage ralentit le temps J’aime l’errance lors de la marche. Il m’arrive souvent, dans Paris, de me laisser prendre aux jeux du hasard, de la découverte, pour rechercher l’étonnement. Ainsi, j’accorde de l’importance à des détails de la vie dont j’ignorais l’existence même. Je remarque que si l’errance favorise l’inattendu, elle possède un grand pouvoir de ralentissement du temps propice à la méditation. Dans ces moments-là, je profite de l’instant présent, ce qui me permet de faire le point sur divers sujets. L’avantage du voyage est d’être libre d’aller où l’on veut quand on veut. Le voyageur solitaire, qui n’est ni attaché à aucune contrainte, ni influencé par son cercle de proches, ni tenu par les tâches obligatoires de la vie active, est en quelque sorte maître de son destin. C’est pourquoi, affranchissant l’individu de ces contraintes, le voyage offre le temps d’être celui que l’on veut être, en choisissant de réaliser ce qui nous attire naturellement.

Puis je réfléchis à mon budget quotidien. En faisant les comptes, je me rends à l’évidence, je ne pourrai plus dépenser comme avant. Il faut sortir du cadre touristique, me dis-je. Après tout, c’est un mal pour un bien, c’est un challenge à tenir et cela me permettra peut-être d’aller à l’essentiel en vivant plus simplement, me forcer à aller à la rencontre des locaux et m’immerger plus dans la culture.

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Comme parfois

déconnecté à

marcher

sans

de

la

savoir

réalité, où

aller,

me je

surprenant

suis

en

pleine

méditation et la flânerie semble m’aider à réfléchir. Je savoure cet instant de lâcher-prise, car pour une fois, j’ai l’impression de

sortir

de

la

course

touristique,

je

prends

mon

rythme.

Longeant l’océan pacifique en marchant le long de la côte, j’assiste

à

un

coucher

de

soleil

majestueux

symbolisant

la

transition du voyage à deux au voyage solitaire. Souhaitant profiter de cet instant magique, je m’assois sur un rocher, nostalgique, j’ai presque les larmes qui m’envahissent. Perdu dans une sorte d’isolement lié à la solitude, ressassant le passé, je fais le deuil de notre voyage à deux. En tournant ma tête à droite, j’observe un enfant jouer au ballon avec son père. Je suis saisi par la complicité de ces deux êtres et capture cet instant avec mon appareil photo. Pour exprimer ce que je ressens, je sors mon micro-enregistreur et déroule ma pensée autour de l’expérience de cette journée particulière.

101


Laguna Huaraz69 • Perou

21 Mai 2017 Le 22


2

La transition dans un nouveau lieu

Je me rends compte que la partie de voyage réalisé avec Loïc me permet de m’acclimater à la culture locale. Laissant mon guide du routard de côté et me forçant plus à demander de l’information aux locaux ou à d’autres voyageurs itinérants, j’ai le sentiment d’être plus à l’aise, moins étranger au pays. Après avoir réalisé mon premier voyage en bus en solitaire, j’arrive au petit matin dans la ville de Huaraz, « la Chamonix des Andes  » comme on l’appelle ici, du fait de son environnement montagnard rêvé pour les randonneurs et les alpinistes. Comme je l’avais déjà constaté à Lima, l’aspect inachevé des bâtiments me

laisse

construction.

penser

que

toute

Les

morceaux

de

la

ville

ferraille

est

en

dépassant

cours ici

et

de là

suggèrent la construction d’un étage en plus. Achetant une bricole chez un petit commerçant, je lui fais part de mon étonnement à ce sujet. Il m’explique qu’au Pérou, la loi n’exige pas de taxe d’habitation aux propriétaires de bâtiments en cours

103


de

construction.

En

dehors

de

son

aspect

«  bric

à

brac  »,

la ville à l’air très dynamique et le sourire des gens révèle une convivialité qui me met rapidement à l’aise. Avec mon gros sac à dos, je ne suis pas vraiment pressé de trouver mon auberge de jeunesse. Avec la même errance qu’à Lima lors de mon premier jour de solitude, je préfère dans un premier temps découvrir la ville en me laissant guider par mon instinct. La surprise de l’inattendu porte rapidement ses fruits. J’observe des enfants jouer dans les flaques d’eau, des femmes quechuas, aux habits traditionnels, sont en train de vendre leurs récoltes de quinoa, pommes de terre, maïs ou coca. Plus j’avance et plus il y a de monde. Je dois sans doute m’approcher du marché du centre-ville. Toutes ces couleurs rayonnantes, les bruits des klaxons des TukTuk 1 et des conversations du marché m’immergent confortablement dans ce nouveau lieu. Au cœur de la place du marché, un banc est libre. Je profite de ce moment accueillant pour sortir mon guide du routard. En effet je suis fatigué de la route et préfère utiliser ce dernier pour m’informer plus en détail sur l’histoire de la ville, ses traditions, sa cartographie et les bons plans facilitant la vie courante.

1  Le Tuk-Tuk est un tricycle motorisé originaire de Thaïlande faisant office de taxi. Ce type de véhicule est omniprésent au Pérou ; il permet de se déplacer de manière originale et à faible coût. Les « taxis classiques », plus chers, sont exclusivement réservés aux touristes.

104


Transition et repères dans une nouvelle ville Lors de mon voyage itinérant en solitaire, je constate que le goût de la découverte m’entraîne à changer régulièrement d’endroit. C’est comme si je me lassais vite, fuyant perpétuellement la routine qui s’accentue au fur et à mesure du temps passé dans un endroit. Par conséquent, la durée d’exploration d’un endroit peut aller de trois à sept jours. Néanmoins, paradoxalement, je m’aperçois que la routine s’installe quotidiennement, dans mes rituels d’organisation. Je constate que ce phénomène est une alternative à la vie précaire que je mène, s’expliquant par ma transition régulière dans un nouveau lieu. En effet, après avoir échangé avec d’autres voyageurs itinérants, j’apprends que ces rituels d’organisation permettent de s’adapter rapidement à un nouvel environnement. Jean Béliveau évoque, dans son livre « L’homme qui marche » 2, son ressenti en matière de perte de repères particulièrement radicale lors de son passage des États-Unis au Mexique. Déboussolé, il doit se réadapter en s’immergeant dans la culture locale. Heureusement ses conditions matérielles rudimentaires, intriguant une habitante locale, lui offrent le privilège d’être facilement abordé. Dans un élan d’empathie et de générosité, elle lui offre le gîte et couvert en plus de le faire participer à sa vie quotidienne pendant quelques jours. Cette phase d’immersion facilitée par la rencontre des locaux lui permet progressivement de prendre ses marques et de « se sentir à l’aise, confiant, dans ce nouvel environnement ». Même si ce type de

2  BELIVEAU Jean. 2016. L’homme qui marche. Paris : Edition Flammarion. Collection Arthaud poche.

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transition est nettement plus contrasté que les miennes en matière de culture et de mode de vie, je retrouve néanmoins ce mécanisme lors de mon itinéraire. Ici, la ville est considérablement moins grande et le peuple de la cordillère est plus avenant que celui de la côte. « L’esprit village » qui règne ici me permet d’aborder plus facilement la population pour demander des informations sur mon itinéraire, par exemple. Parfois, lors de mon arrivée dans un nouvel endroit, la bonne humeur n’étant pas au rendez-vous, je ne désire pas forcément aller à la rencontre de l’autre pour recueillir de l’information. C’est pourquoi le guide du routard peut servir d’alternative pour s’acclimater dans un nouveau lieu. L’avantage de ce guide réside dans les informations tirées d’expériences de voyageurs « routard », ayant préalablement fait l’état des lieux pour en confirmer la qualité. De plus, ces informations, portées majoritairement sur l’aspect « vie pratique » et « découverte de la culture locale », facilitent l’adaptation et permettent d’anticiper les risques tels que la fréquentation de quartiers dangereux.

Dans mon guide, je recherche une auberge de jeunesse pas chère, conviviale si possible, et avec wifi pour communiquer avec mes proches. Frustré de ne pas pouvoir leur partager mon point de vue et ressenti sur mon voyage, j’attends avec impatience les appels téléphoniques  ! M’habituant progressivement aux horaires de décalage, j’arrive à m’organiser en fonction de mon planning pour appeler une fois par jour, lorsque le décalage horaire le permet. Je trouve enfin l’auberge de jeunesse qui correspond à mes critères. Perdu au cœur de la ville, mon portable n’a plus beaucoup de

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batteries, je dois faire vite pour enregistrer l’adresse sur mon application GPS, « Here map ». Heureusement, afin de gagner en autonomie, j’ai pris l’initiative avant mon voyage d’emmener avec moi deux batteries externes. Je me rends compte qu’elles me sauvent la vie assez souvent.

Partager un voyage à distance Je constate que le sentiment d’isolement lié à la solitude se fait ressentir de plus en plus. C’est sans doute le détachement brutal de mon compagnon de voyage qui intensifie l’effet de la distance avec la famille. En effet, je remarque que je ne leur avais pas donné de nouvelles autrement que par l’intermédiaire d’albums photo commentés, postés sur mon groupe WhatsApp. Néanmoins, je constate que le groupe créé sur WhatsApp, intégrant une grande partie de ma famille, me permet de valoriser mon expérience de voyage à travers la reconnaissance et le désir de partager une partie du voyage avec eux.

107


Le lifestyle, hors connexion Ayant fait le choix de ne pas payer d’abonnement internet, je remarque que cette décision réduit ma dépendance au smartphone,

que

j’utilise

uniquement

dans

les

moments

nécessaires. Ces situations tournent exclusivement autour de cas d’urgence, de la recherche d’information plus détaillée ou du besoin de contacter mes proches ou un voyageur rencontré sur la route. C’est pourquoi, lors de mon installation dans un nouveau lieu, j’opte souvent pour une auberge avec WIFI et cible les

endroits

Par

principaux

ailleurs,

de

utiliser

la

ville

qui

exclusivement

en

sont

mon

équipés.

smartphone

dans les cas nécessaires m’oblige à m’engager dans des communications physiques et verbales. C’est impressionnant à quel point vivre partiellement hors connexion réduit la distance et

intensifie

les

relations

humaines

108

grâce

à

la

proximité.



Laguna 69 Huanchaco • Perou

21 Mai 2017 Le 18


3

La convialité DE L’auberge de jeunesse,

Lors de mon arrivée devant l’auberge de jeunesse, la façade extérieure attire mon regard. Étrangement, son allure contraste avec les autres maisons du quartier. Elle ressemble à une maison anglaise aux couleurs rose bonbon semblable à une maison de poupée grandeur nature. Je retrouve cette touche de fantaisie et la chaleur que dégage le style anglais à l’intérieur. Cette

ambiance

conviviale

est

rassurante,

je

me

sens

bien.

Le gérant l’est tout autant. Expatrié anglais, il parle quatre langues, dont le français. Nous discutons et il m’explique qu’il a rencontré sa femme dans la région, lors d’un grand voyage au Pérou lorsqu’il était âgé de trente ans. Comme moi, il m’explique qu’il est passionné par la randonnée en montagne, ce qui l’a poussé à s’installer ici avec sa famille. Il m’explique également que son esprit voyageur, alimentant son intérêt pour la rencontre humaine, l’a encouragé à ouvrir ses portes aux voyageurs. Comme déconnecté à moitié de son histoire, j’observe

111


avec intrigue sa gestuelle et son regard pétillant qui en dit long sur son bonheur d’habiter ici. Je me reconnecte lorsqu’il s’adresse à moi en me disant : « fait comme chez toi, tu es le bienvenu ici ». Effectivement, cette intégration chaleureuse me donne l’impression d’être « chez moi ». En ma

montant chambre

serons

six

les

deux

partagée.

colocataires.

Il

étages y

a

L’odeur

au-dessus,

trois des

lits pieds

je

découvre

superposés, ne

tarde

nous pas

à

chatouiller mes narines, mais étrangement cela me plonge dans l’univers de la randonnée. Comme pour confirmer « l’esprit randonneur » qui règne ici, le bazar est aussi au rendez-vous. Il y a des affaires en vrac dans tous les sens. Tel un ensemble de guirlandes, toute la panoplie du randonneur en train de sécher est suspendue aux barreaux des lits… je me sens définitivement chez moi. Dans

les

autres

parties

communes,

j’observe

une

vieille

cuisine en bois à l’américaine donnant sur une salle à manger et

un

salon

avec

une

grande

table

en

bois.

Dans

cette

même pièce, un canapé en cuir marron encadrant une table basse est disposé dans la partie salon. Sur les murs, des photos de souvenir de rencontre entre randonneurs et des bibelots de montagne donnent vie à cet endroit. J’apprécie encore une fois

l’ambiance

chaleureuse

et

112

accueillante

qui

s’en

dégage.


L’auberge de jeunesse, une zone de transition Après le départ de mon compagnon de route, je ressens régulièrement les effets de la solitude. Un sentiment de vide mêlé à une perte de repère m’envahit. En effet, si le début du voyage m’a initié à la débrouillardise, dans les moments difficiles, comme la fatigue, je me suis rendu compte que l’entraide servait de soutien moral. L’échange humain, tel que le dialogue est sans doute le meilleur remède contre ces maux. C’est dans ce contexte que le contact humain prend tout son sens. Si l’auberge de jeunesse est une zone de transition, c’est que ce type d’hébergement permet de rapidement s’adapter à un endroit grâce aux rapports humains. En effet, le cadre de vie familiale et l’état d’esprit qui s’en dégage m’entraînent à rencontrer d’autres voyageurs. Ces différents voyageurs sont bien souvent des routards venant du monde entier. Comme moi, ils entreprennent un voyage économique en termes de budget et de matériel. Je suis avant tout frappé par la mixité des âges et des profils socioculturels. Ainsi, sans y prêter attention à premier abord, je peux vivre à la fois en cohabitation avec un Irlandais âgé de trente ans, nommé Brian, ingénieur développeur voyageant aux guises de ses envies depuis un an sans billet de retour et avec Dimitri, un retraité Russe de 70 ans, qui entreprend depuis plusieurs années un tour du monde de trek en solitaire. Bien que les profils soient différents, les voyageurs ont bien souvent le même état d’esprit, celui de s’ouvrir à l’autre et de ressentir de la convivialité entre voyageurs itinérants pour se sentir un peu comme dans son foyer « familial. »

113


Dans une auberge de jeunesse, on retrouve plusieurs espaces communs

permettant

d’accueillir

cette

ambiance,

vecteurs

de rencontre, tels que la cuisine partagée, la salle à manger, le dortoir et le bar. La cuisine permet de dévoiler sa culture et sa personnalité par la transmission de savoir-faire à travers la préparation de recettes. La salle à manger est l’endroit propice aux discussions en termes d’expérience de voyage, de vie ou de centres d’intérêt communs. Lors des discussions, je remarque que bien souvent des communautés linguistiques se créent. Ce phénomène intensifie l’effet « barrière de la langue » 1 qui peut mettre à l’écart certains voyageurs n’appartenant pas à ce groupe. Heureusement que le salon, propice au divertissement, comme le jeu de société, permet de faire des rencontres avec d’autres voyageurs de manière plus émotionnelle et plus ludique. Le bar est un endroit convivial par excellence, la touche festive à laquelle on l’associe souvent est liée au pouvoir de l’alcool. Par ailleurs, bien que l’alcool doit-être consommé avec modération, il participe à inhiber la timidité. Son effet favorise également la maîtrise d’une langue étrangère, permettant d’engager une conversation plus facilement. Pour finir, le dortoir est un lieu où l’espace d’intimité est partagé. Sur ce point, les voyageurs se retrouvent sur un même pied d’égalité. Dans ce sens, la discussion se fait de manière plus libérée. Si ce lieu de vie est propice à la rencontre, il rassemble également des personnes de tous les âges, partageant les mêmes centres d’intérêt. Ainsi, les lieux de rencontre donnent vie à des

1  Amandine. Blog. 2017. Comment voyager dans un Pays où on ne connaît pas la langue ? https://www.unsacsurledos.com/comment-voyager-pays-dont-on-connait-pas-langue/

114


échanges en terme savoir, de conseils ou d’aspirations autour des expériencedevoyage vécues par chacun. Cela me rappelle l’ambiance de notre chalet dans les Alpes, un endroit boisé, douillet où l’on se détend les pieds devant la cheminée en racontant des histoires.


Laguna Huaraz69 • Perou Peru

2017 DuLe7 21 au Mai 9 Mai 2017


4

À la limite d’un changement de plan

Au petit matin, installé dans la salle à manger, je rencontre un français préparant mon petit déjeuner. Me voyant surpris, il me dit qu’il s’appelle Jérôme et m’informe qu’il travaille ici. Je suis intrigué de savoir ce qui l’a amené à travailler ici. Jérôme me raconte que lors de son premier séjour dans l’auberge, il a rapidement sympathisé avec Alonzo, le gérant, qui lui a proposé de travailler pour lui. En retour, il me demande d’où je viens et de décrire mon voyage. Je me lance à mon tour dans la narration de mon voyage, lui expliquant mon itinéraire et la raison pour laquelle je suis venu ici. Aussitôt, je lui explique mon engouement pour le trek en montagne et lui décris brièvement ce que j’envisage d’entreprendre dans la suite de mon voyage itinérant. Rebondissant sur la description de mon itinéraire, il revient avec une carte et m’explique qu’il planifie de partir au même endroit que le mien et au même moment. Cet endroit est Chachapoya, une ville située au nord à la frontière de l’Amazonie. M’affirmant qu’il compte s’y rendre à pied et en stop, il me propose de l’accompagner.

117


Le soir même, je m’informe auprès d’Alonzo sur les différents types de trek à faire dans la région. À travers les critères que je lui expose, il me propose le trek « Huayhuash », un trek de neuf jours, l’un des plus beaux du monde. À peine le temps de reprendre mes esprits, j’accepte et me lance dans l’aventure. Malheureusement, j’apprends que Jérôme a dû partir plus tôt pour rejoindre un ami en Amazonie. Je suis un peu déçu, mais cela me donne la puce à l’oreille, je vais redéfinir mon itinéraire en fonction de mes nouvelles envies. Avant de partir, je profite des précieux conseils d’Alonzo en lui demandant de m’aiguiller sur mon nouvel itinéraire. Avant de m’aider, il me raconte son expérience de voyage en Colombie. Intrigué par ce pays que j’avais déjà retenu lors de discussions avec d’autres voyageurs, je commence à esquisser mon nouvel itinéraire à l’aide de ses recommandations en termes d’informations pratiques et de destinations. Comme pour marquer le coup d’un nouveau départ, je décide de partir le soir en direction de la Colombie.

118



Laguna 69 Cordilliere huayhuash • Perou

21 Mai 2017 Le 12


5

La Communaute du Campement

Le

trek

beaux

du

de

la

cordillère

monde

en

Huayhuash

raison

de

est

sa

l’un

grande

des

diversité

plus de

paysages. Situé entre la cordillère blanche et la cordillère noire, il permet d’avoir une vue imprenable sur les plus hauts sommets du Pérou tels que le Huascarán, culminant à 6768 mètres. J’atteins enfin l’objectif, le rêve, ce pour quoi j’étais avant tout venu, faire un trek dans la cordillère des Andes en solitaire. J’allais avec

entreprendre de

nouvelles

mon

premier

personnes

trek

pendant

seul

huit

et

jours.

cohabiter L’avantage

de ce long trek est qu’il m’offre la possibilité de rencontrer la

communauté

Quechua,

peuple

ancestral

datant

de

l’Empire inca et vivant dans les montagnes. Nous partons de bonne heure dans une camionnette en direction du campement. Soudain, le véhicule s’arrête, la route en terre est momentanément impraticable à cause de travaux. J’aperçois des personnes munies

121


de pelles de fortune affairées à combler les trous. Le travail est très archaïque, et pendant que l’on patiente j’en profite pour discuter et tenter de mieux connaître les autres participants. Trente minutes plus tard, nous voilà repartis. Le trajet est interminable. Dans l’attente, j’enfile mes écouteurs et me laisse bercer par la musique. Arrivé au camp, je suis saisi par la beauté du paysage. Littéralement

coupé

qui

et

broutent

les

du

monde

sherpas

qui

civilisé,

j’observe

s’activent

pour

les

mules

monter

les

yourtes communes et les tentes pour dormir. La yourte est le lieu du camp où l’on se rassemble tous pour partager le repas, discuter ou jouer à des jeux de cartes. Nous disposons de deux yourtes. L’une est rapidement envahie par les Israéliens, en majorité de groupe et l’autre par un irlandais, un russe et moi. L’irlandais s’appelle Brian. Assez pudique, il m’explique qu’il entreprend pour l’instant un voyage sans retour. L’avantage, c’est qu’il est développeur en informatique, ce qui lui permet de facilement trouver du travail en amérique latine lorsqu’il a besoin d’argent. L’autre homme s’appelle Dimitri. C’est un russe qui doit avoir la soixantaine. Timidité, ou discret, il est extrêmement calme. Après une journée de marche exténuante, le soir, installé dans la yourte, buvant du thé pour se réchauffer, nous commençons à échanger sur l’histoire des incas. Curieusement, Dimitri se révèle un peu plus malgré son anglais approximatif. Je découvre qu’il est passionné d’histoire et qu’il a réalisé énormément de treks et d’expéditions dans sa vie. Il nous partage avec émotion ses aventures de jeunesse dans la montagne, les grandes randonnées en kayak qu’il a réalisé avec un ami au Pakistan à l’âge de vingt ans. Il nous explique également

122


que les randonnées ont été l’élément moteur de sa passion pour la montagne. Accro au «  dépassement de soi  », il précise que le trek est devenu comme une drogue pour lui. Il finit par nous expliquer qu’il préfère voyager seul pour réaliser cette passion. Je lui demande pour quelle raison, mais il ne souhaite pas répondre. Dans l’autre tente, les Israéliens sont regroupés entre eux. L’ambiance est très animée. Curieux, je passe régulièrement les voir pour essayer de m’intégrer. Mais c’est assez difficile, même si ponctuellement ils essaient de faire un effort en parlant anglais, leur langue natale revient aussitôt à la charge. Comme les Américains, durant le trek du Salkantay, c’est sûrement l’effet de groupe qui génère ce manque d’adaptation. Mais

en

observant

leurs

gestuelles

et

leurs

attitudes,

je

comprends au moins l’essentiel. Et même si je ne comprends pas, le rire est communicatif. Par conséquent, j’arrive progressivement à m’intégrer en jouant aux cartes avec eux. Je constate que le jeu auquel nous jouons nous rassemble déjà un peu plus, même si la communication n’est pas encore au point. Malgré tout, de jour en jour, les Israéliens font l’effort de parler de plus en plus anglais. Au camp, la yourte est symbole de partage, de convivialité et d’entraide. Si nous sentons que quelqu’un est plus faible que les autres, nous lui donnons généreusement une ration de plus. Nous logeons dans des tentes de deux ou trois personnes. Cohabitant avec deux Israéliens dans ma tente, plus les jours passent et plus j’apprends à les connaître. Nous échangeons sur nos expériences de voyage d’abord, puis sur l’expérience de vie de chacun. À mon grand étonnement, je découvre qu’ils sont tous les deux militaires. J’ai du mal à y croire, car ils n’ont ni l’attitude ni le physique type

123


d’un militaire. Ils m’expliquent qu’en Israël, le service militaire est obligatoire durant deux ans pour tous les jeunes, afin de parer aux tensions avec la Palestine. Je suis abasourdi lorsqu’ils sont fiers de me montrer sur une photo leur prestation de volley-ball au-dessus du canon d’un tank militaire. J’ai du mal à me mettre à leur place.

La loi de la jungle par l’entraide Le camp est un mot dont l’origine vient de l’art militaire. « C’est

un

terrain

généralement

clos

et

fortifié

sur

lequel

des troupes s’installent en ordre avec des tentes ou des baraques

pour

se

loger,

s’entraîner

ou

se

défendre » 1

Si l’entraide est une notion essentielle dans un camp, c’est que les conditions rudimentaires, souvent liées à l’environnement hostile, ne nous permettent pas d’être indépendants les uns des autres. Pour nous protéger, nous nourrir, veiller au camp contre toute intrusion étrangère (par exemple des animaux), nous devons unir nos forces en créant une cohésion de groupe pour survivre. Le camp de scout, illustrant bien les conditions d’immersion dans un milieu hostile, montre bien que la solidarité est la valeur essentielle pour vivre de cette manière. Chaque membre de la communauté « met la main à la pâte » pour subvenir aux besoins du groupe. Dans le cadre d’un repas par exemple, il faudra s’organiser et rassembler ses forces

1  Définition CNRTL

124


pour allumer un feu, préparer la nourriture et veiller à la cuisson. Un petit groupe ira chercher des branches de bois sec pour l’allumage et d’autres iront éplucher les légumes et chercher de l’eau au ruisseau. Néanmoins sans règles ni organisation au sein du groupe, la loi du plus fort l’emporterait sur celle du plus faible. Pablo Servigne, chercheur et ingénieur agronome, évoque dans son livre, « Entraide, l’autre loi de la jungle » 2, que le Darwinisme est communément interprété comme « la loi du plus fort ». Or, l’auteur explique que dans notre société moderne, ce n’est pas forcément la meilleure. En effet, pour Pablo Servigne, celle-ci anime principalement la culture de la compétition, engendrant de l’agressivité, qui s’avère néfaste pour notre santé 3. Les maladies chroniques engendrées par le stress du travail en sont un exemple. Pour lui, l’altruisme, l’entraide et la coopération, fondements de la solidarité, font aussi partie intégrante de cette loi et peuvent être des alternatives aux mauvais effets de la compétition. Dans ce sens, Pablo démontre que le phénomène de coopération se retrouve dans de nombreux domaines tels que la biologie, les sciences humaines, la psychologie… C’est un phénomène naturel entre espèces. Par exemple, l’entraide chez les arbres peut être illustrée par l’échange de nutriments entre un vieux conifère et un jeune bouleau réalisé par le biais d’un champignon, le mycélium, reliant les deux arbres par leurs racines.

2  SERVIGNE, Pablo et CHAPELLE, Gauthier. L’entraide : L’autre loi de la jungle. Éditions Les Liens qui libèrent, 2017. 3  Pablo Servigne

125


Il fait l’analogie avec l’espèce humaine à travers l’allocation familiale

dans

souligne

que

le le

même

processus.

phénomène

d’altruisme

De est

plus, très

Pablo présent

dans les moments les plus difficiles, impactant toute une communauté.

Il

explique

que

dans

l’épicentre

d’une

catastrophe naturelle, l’auto-organisation se fait bien souvent sans panique grâce à l’entraide. Autrement, il évoque une étude de neurosciences montrant qu’une situation de coopération stimule la région du cerveau liée au plaisir et à la récompense. À l’inverse, la perception de la tricherie, de l’égoïsme, stimulerait la zone du dégoût dans notre cerveau. Cela confirme bien que la réciprocité et l’empathie sont deux valeurs naturelles chez l’humain. Je remarque que dans le campement, cette mécanique de solidarité apparaît naturellement. En effet, la vulnérabilité du plus faible éveille l’altruisme du plus fort. C’est dans ces momentslà que l’esprit d’équipe mettant en exergue les compétences de chacun prend tout son sens. Par exemple, lors de l’installation du campement, la personne ayant des compétences sportives plus développées que l’autre, l’aidera à porter les charges trop lourdes. À l’inverse, celle qui était en difficulté lors de l’exercice physique prendra le rôle de l’animateur le soir venu et aidera le sportif à s’intégrer au groupe. De plus, je constate également que se rendre utile en dévoilant ses compétences permet de prendre confiance en soi et de gagner en responsabilité aux yeux du groupe. C’est pourquoi la demande émergente du tourisme équitable entraîne de plus en plus de touristes à s’immerger dans la nature pour goûter aux conditions extrêmes de survie, via des organismes de stages de survie.

126


Dans le documentaire « Yukon, la quête sauvage » 1, Kim Pasche, passionné par l’archéologie expérimentale à travers les outils préhistoriques, organise des stages de survie dans le Grand Nord canadien. Il a d’ailleurs initié Nans et Mouts de Nus et culottés à la survie. Ces stages d’immersion en pleine nature montrent à travers la réaction des initiés, à quel point d’une part l’inconfort permet d’apprécier les choses simples, et d’autre part que goûter à la vie frugale permet de prendre conscience que nous n’avons pas besoin de grand-chose pour vivre. De plus, Kim Pasche explique que si le challenge n’existe pas c’est qu’il n’y a pas de course à la modernité. En effet, il précise que « la nature est ce qu’elle ait, elle ne bouge pas et donc ne conditionnent pas les hommes à s’adapter en permanence ». Ainsi, je remarque à travers l’expérience d’un stage de survie avec Kim Pasche que le groupe, constitué de huit personnes inconnues les uns des autres, construit naturellement une sorte de symbiose pour subsister à leurs besoins primaires. Cette expérimentation précise que l’esprit du campement permet aux

de

générer

conditions

groupe

et

naturellement

difficiles,

minimisant

de

la

nécessitant

la

l’esprit

d’égoïsme,

solidarité cohésion

d’un

d’individualisme.

1  PLANTEVIN Antoine. 2017. Yukon, la quête sauvage. Durée 75 minutes. [En ligne]. https://www.youtube.com/watch?v=xmE1UO8KlF4

127

grâce


https://scontent-cdt1-1.xx.fbcdn.net/v/t34.0-12/26996350_10215395485070167_636484136_n. jpg?oh=4a0684e4ea57c6457087311f866eacab&oe=5A64E1CF

Laguna 69 Cordilliere huayhuash • Perou

21 Mai 2017 Le 17


136_n.

E1CF

6

Le trek de la cordillère Huayhuash, la marche

La grande marche s’effectuera avec deux guides et un groupe de trekker amateurs essentiellement composés d’Israéliens. Je me rappelle d’une montée assez escarpée de deux heures au cours de laquelle une Israélienne n’arrivait plus à avancer. Je la revois se mettre tout

prix.

dans

tous

Marchant

ses devant

états, elle,

s’obstinant je

remarque

à

avancer sa

à

détresse

et fais demi-tour. Finalement je lui propose de s’arrêter cinq minutes pour récupérer. Nous discutons un peu, cela semble lui faire du bien. Soudain, comme possédée par une énergie folle, elle emboîte le pas. J’ai presque du mal à la suivre. C’est impressionnant à quel point le mental influence l’état physique. Semblable à mes expériences de trek dans les Alpes, après avoir discuté une partie de la matinée avec des personnes du groupe pendant la marche, je décide de me challenger. Commençant à connaître mes capacités physiques, le guide me laisse partir

129


devant en m’expliquant le chemin à prendre. Seul dans mon élément, j’entreprends une marche sportive jusqu’au campement.

Construction de soi par la randonnée Je constate que la marche permet de se rencontrer soimême. En effet, si la marche peut être considérée comme une activité sportive et éducative, c’est qu’elle allie parfaitement introspection

et

dépassement

de

soi.

Cette

combinaison

s’illustre bien dans le film Wild 1. Dans ce road movie, Cheryl Strayed décide sur un coup de tête de quitter son ancienne vie d’addiction pour se lancer en solo dans un trek de 1700 kilomètres sur « Le Pacific Crest Trail ». Ce trek d’envergure permet à la jeune femme de se confronter à elle-même. Aussi inexpérimentée que peu préparée, entre rencontres, erreurs et flash-back, Cheryl se redécouvre elle-même. Cette aventure marque la reconstruction grâce à la randonnée d’un individu ayant vécu un traumatisme. En effet, je remarque que la marche sportive solitaire, c’est la rencontre avec soi. Puisant dans mes ressources, je me découvre des capacités inconnues et en jauge d’autres et je réfléchis énormément au passé pour dessiner mon avenir. Ce moment d’intimité profonde avec soi et la nature peut-il être une source de thérapie pour une personne en transition ou cherchant à orienter ou réorienter sa vie ?

1  VALÉE Jean-Marc. 2015. Wild. 115 minutes

130


Un pas après l’autre, j’ai l’impression de partager un moment privilégié avec la nature, d’être en symbiose avec elle. Face aux immenses glaciers et Altiplano se perdant dans l’infini, je me sens minuscule et vulnérable. J’ai un profond respect pour cette mère nourricière qui, contrairement à notre société moderne, évolue lentement. C’est sans doute cette impression de lenteur omniprésente qui permet de prendre le temps de nous centrer sur nous même plus sereinement. Après l’effort de l’ascension, j’arrive au sommet et me réconforte en profitant du privilège que la vue panoramique m’offre. Plus les jours passent et plus les liens se solidifient dans le groupe. Comme un speed dating, durant une marche de six heures, nous changeons fréquemment de compagnon de route pour mieux découvrir chaque personne. C’est comme si je changeais d’histoire au fur et à mesure de la marche. Je m’aperçois que plus l’histoire perdure et plus elle devient intime. C’est très intriguant à quel point la marche nous entraîne spontanément à échanger et à nous dévoiler. Estce l’environnement idéal et l’effort qui nous rapprochent de l’autre ?

131


La randonnée, une source de bien-être Il est prouvé que la marche en milieu naturel est source de bienêtre pour notre moral. Une étude menée par l’Académie nationale des sciences des États-Unis d’Amérique démontre que marcher 90 minutes par jour permet la réduction des risques engendrant certaines maladies mentales telles que la dépression. Cette dernière, de plus en plus présente dans notre société moderne, est souvent générée par l’influence de l’hyperconnectivité qu’impose le travail ou la vie. En effet, les demandes de plus en plus exigeantes en termes de rapidité à exécuter une tâche de travail montrent à quel point l’hyperconnexion possède une emprise sur notre santé morale et nos capacités intellectuelles. Une autre étude menée par l’Académie nationale des sciences des États-Unis compare un groupe de personnes marchant dans la forêt avec un autre groupe marchant en ville. Lors des tests de mémoire effectués par la suite, le groupe de personnes pratiquant la marche en forêt obtient un taux de réussite 20 % supérieur à l’autre. D’autres études ont aussi prouvé que les activités physiques en milieu naturel améliorent l’attention et diminuent l’impulsivité chez les enfants. Aux États-Unis, le projet « remedy hike », lancé lors de la journée mondiale de l’environnement, rassemble les gens hors des agglomérations pour leur proposer exclusivement la randonnée comme activité physique, pour stimuler leur santé mentale. En effet, depuis 2015 à Santa Monica, aux États-Unis, 10 % de personnes en plus sont touchées par la dépression, témoignent IMS Health. 1

1  BOUSBIB Ari. Health study. [plus en ligne - fusion de sites internet] http://www. imshealth.com/en/about-us/news/ims-health-study-us-drug-spending-growth-reaches-8.5percent-in-2015

132


Or l’étude précédente menée par « the Wellbeing Project 2 » dans la même ville a déclaré que plus de 50 % de la population de la ville ne pratiquait aucune activité physique en dépit de l’immense terrain de jeu naturel juste à côté de chez eux. De ce fait, un tiers de la population a déclaré être stressé tout le temps.

2  RUSK Julie. The Wellbeing Project. [en ligne]. Disponible à l’adresse : https://wellbeing. smgov.net/

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Laguna 69 • Perou

Le 21 Mai 2017


7

Laguna 69, challenge avec l’Australien

Au fond du bus, à demi réveillé, je pars en direction de la cordillère blanche pour réaliser la randonnée de « La Laguna 69 », une lagune turquoise à 4700 mètres d’altitude au pied des glaciers. Sur la route, je suis accompagné par une amie turque, Aleyna, rencontrée quelques jours plus tôt grâce à Bryan, l’irlandais partageant ma yourte lors du dernier trek Huayhuash. Très bavarde, je

l’entends

d’une

oreille

faire

de

nouvelles

connaissances.

Pour ma part, encore épuisé par cette longue marche, je n’ai pas envie de sociabiliser. Le brouillard extérieur me berce, j’ai l’impression qu’il rend ma tête encore plus cotonneuse qu’elle ne l’est. Nous faisons escale dans une petite auberge d’un village où nous déjeunons tous ensemble. Entouré de randonneurs, je me sens obligé de m’impliquer dans les conversations. Celle partagée avec Alex, un Australien, ne me laisse pas indifférent lorsqu’il aborde le sujet de la randonnée.

135


Repartis en bus jusqu’au point de départ de la marche, nous échangeons davantage sur nos expériences de randonnée au Pérou. J’apprécie son caractère serein et posé. Au cours de la première partie de la randonnée, dans la vallée, nous marchons côte à côte en silence, partageant ce moment propice au rêve et à la réflexion. Entouré de cascades, d’arbres tarabiscotés et de sols tapissés de mousse et de champignons rouges, j’ai

l’impression

L’aventure

est

d’être

plongé

lancée !

D’entrée

dans de

l’univers jeu,

Alex

«  d’Avatar  ». 1 accélère

la

cadence. Je suis surpris du rythme qu’il impose d’un seul coup. C’est comme s’il me lançait un défi amical, pour juger des capacités sportives que j’ai vantées plus tôt. J’en souris, puis m’engageant dans une sorte de compétition amicale, j’augmente le rythme et le double. Alex commence à s’essouffler à cause de son manque d’adaptation à cette altitude. Je commence à le distancer. Plus je prends de l’altitude et plus le paysage change. C’est la magie de la marche en montagne. Au fur et à mesure de l’avancement, le relief change et modifie totalement l’apparence de l’environnement autour de moi. Néanmoins, les distances sont trompeuses... Soudain, je distingue les glaciers qui semblent se jeter dans la lagune. Je fais une approximation de trente minutes de marche avant d’arriver à la lagune. Au bout d’une heure de marche, la distance qui me sépare des glaciers rétrécit à peine, je me sens dupé ! Désespéré, je repense à cette citation de Confucius : « Le bonheur n’est pas au sommet de la montagne, mais dans la façon de la gravir.  » Cette phrase 1  CAMERON James. 2009. Avatar. 162 minutes

136


me donne plein d’énergie et me permet de repartir l’esprit léger. À 4700 mètres, je finis par découvrir avec étonnement, sous les flocons de neige, cette ravissante lagune bleu turquoise nichée au pied des glaciers. En attendant Alex, ma transpiration exposée au vent glacial gèle. Ce froid de canard m’empêche de profiter pleinement du réconfort. Alex arrive quinze minutes plus tard. Me voyant grelottant, il me prête son manteau. Pris d’un élan de joie mêlé à de la folie, l’Australien me prête son appareil photo, se déshabille et se jette dans la lagune. J’ai du mal à prendre la photo tant je ris. Peu de temps après, nous observons un vieux sentier à moitié ravagé par les éboulis. Alex me montre avec le bout de son bâton de marche vers où il pourrait mener. Quelques secondes plus tard, je le vois marcher dans cette direction et me faire signe de le rejoindre. J’analyse la situation et me pose des questions en termes de sécurité, mais mon insouciance me rattrape. Nous voilà partis dans une autre ascension. Mais vers où ce chemin pourrait-il nous mener ? Plus nous montons et plus la marche se transforme en escalade. Cette difficulté pimente notre aventure. Deux heures plus tard, nous nous retrouvons en haut du glacier surplombant la lagune, admirant une vue magnifique.

137


Laguna 69 tugurahua • Perou Equateur

2017 DuLe7 21 au Mai 9 Mai 2017


8

La frontière, la transition

Le passage de la frontière entre l’Équateur et la Colombie est un peu éprouvant à cause du temps d’attente engendré par les nombreux contrôles de police. Une certaine euphorie mêlée

à

de

la

nostalgie

m’envahit.

Je

songe

à

tout

ce

qu’implique le changement de pays, de traditions, de paysages, de couleurs… De nombreux souvenirs défilent dans ma tête. Nous passons enfin la frontière ! Dans le bus qui m’emmène à Popayan, ma première destination de ce pays, un groupe d’enfants, monte dans le bus. Leur comportement désinvolte et leurs vêtements sales et troués me font constater que ce sont des enfants des quartiers pauvres. Il est vingt-trois heures et il me reste 8 h de trajet pour arriver à Popayan. En scrutant plus précisément leurs regards intrusifs portés sur mes affaires, je soupçonne implicitement leur objectif et je crains ne pas fermer l’œil de la nuit. Néanmoins, je mets en place ma stratégie « antivol ». Je prends mon petit sac à dos avec mon matériel de valeur sur mes genoux, et l’enlace avec mes bras.

139


Comme conscient de ma crainte à leur égard, l’un des gamins s’assoit à côté de moi et commence à me poser des questions sur ma vie. Il doit me sentir vulnérable, la cible parfaite à duper. Cette impression m’embarrasse. Comme pour lui prouver que je suis à l’aise, je lui réponds et lui pose une question sur sa vie en retour. Néanmoins, je surveille du coin de l’œil mes affaires. Comme si cela ne suffisait pas, une autre enfant plus jeune se moque de moi en espagnol. Je lui fais la remarque que je comprends tout ce qu’elle dit. Indifférente, elle continue son petit jeu pour attirer mon attention. Pendant ce temps, le gamin glisse sa main à proximité de mes poches. Heureusement, je devine rapidement son intention peu discrète et commence à lui faire un sermon. Je lui explique que je comprends son petit jeu, et lui dit en espagnol : « Tu vaux mieux que cela ». Puis je continue par lui donner une leçon de vie qu’il n’est pas près d’oublier. Comme saisi par mon discours, j’arrive à lire dans ses yeux le regard d’un enfant perdu qui vient de comprendre sa bêtise. Sans un mot, il part s’asseoir et sort au prochain arrêt de bus.

140



Laguna pOPAYAN69 • Perou cOLOMBIE

Le Mai2017 2017 le 21 6 juin


9

Rencontres dans la ville blanche

Il est quatre heures du matin lorsque j’arrive à Popayan. Sortant de la gare routière, j’appelle un taxi qui m’emmènera à une auberge de jeunesse en plein cœur du centre de la ville. Au petit matin, je rencontre Marcus, un Hollandais qui à l’air d’avoir la joie de vivre. Sympathisant, nous prévoyons de faire un tour en ville cet après-midi, afin de faire nos courses alimentaires. Pour tenir mes économies et me responsabiliser un peu plus, j’évite les restaurants trop coûteux et me mets à consommer de la nourriture de rue telle que des empanachas, succulents chaussons fourrés de viande et de légumes.

143


Le « street food », ritualisation de la restauration sur une note conviviale Que ce soit au Pérou, en Bolivie, en Équateur ou en Colombie, je remarque que le « food truck » est une institution en Amérique latine. En effet, ce type de restauration est omniprésent dans les villages ou les grandes villes. Si ses avantages tournent surtout autour du budget économique et de l’aspect pratique, j’observe qu’il permet aussi aux habitants de se réunir plus facilement. En effet, près de mon auberge, j’ai observé plusieurs jours l’engouement d’une ribambelle de jeunes attendant à la même heure, avec impatience, les empanachas préparés par une petite dame d’un certain âge. Je remarque que cette personne, venant au même endroit chaque jour, semble entretenir une relation presque familiale avec les adolescents. Effectivement, l’attitude affective de ces derniers envers elle donne l’impression qu’ils la considèrent comme leur grand-mère. Ce petit rituel quotidien démontre que « Le Street food » permet de rassembler les gens dans un cadre convivial et de créer des liens authentiques. Dans cette même optique, je constate que « Le Street food » est un « accélérateur de liens » entre locaux et voyageurs. Effectivement, si beaucoup de locaux apprécient ce type de restauration, l’accès populaire à «  ce service de rue  », permet aux voyageurs d’en tirer profit pour faire plus rapidement des rencontres locales.

144


En

respectant

mon

budget

restreint,

j’achète

des

produits

économiques qui me permettent de bien tenir la journée, telle que des pâtes, des œufs ou des fruits. Par ailleurs, je prends plaisir à découvrir la saveur des produits alimentaires locaux tels que la papaye, la grenade, le fruit de la passion, la bière… Nous arrivons au supermarché de la ville. Comme un rituel, j’ai pris mes habitudes en termes d’achats alimentaires. Malgré quelques variantes alimentaires entre les supermarchés du Pérou et ceux de la Colombie, je trouve plus ou moins les mêmes choses et découvre de nouvelles spécialités que je m’empresse d’acheter pour goûter. Marcus, lui, n’a pas de liste de courses prédéfinie. Il semble se fier à son inspiration du jour. Scrutant tous les stands du marché, je remarque que Marcus a le goût pour ce type d’exploration, sans doute plus développé que le mien. (je reste un peu trop dans ma «  zone de confort  » en termes d’habitudes alimentaires) Ce mécanisme développe sa faculté à expérimenter des recettes locales comme une recette smoothie, populaire dans ce pays. Je me laisse un peu plus aller dans la découverte. Ainsi, dans la cuisine de l’auberge, nous nous lançons dans la confection d’un plat traditionnel colombien originaire de Medellín, la Bandeja Paisa. L’après-midi, nous explorons la ville à vélo. Marcus vit à fond son aventure. Il a l’air épanoui. Cet après-midi, je suis comme vierge de toute organisation et me laisse vivre. J’éprouve la même sensation de plénitude et de découverte que lors d’un trek. Nous marchons à la découverte de l’inconnu, errant dans les rues de la ville blanche au gré de nos envies. Lorsque nous sommes intrigués par quelque chose, nous nous empressons de faire une pause pour partager nos

145


impressions sur la situation. Utilisant un vieux vélo pour deux, que nous empruntons à l’auberge, comme des enfants, nous repartons à l’aventure, moi sur le guidon et lui sur les pédales. Je prends plaisir à partager cette expérience en toute innocence et simplicité. Le

soir

nous

nous

retrouvons

dans

une

salle

commune,

posés sur nos hamacs avec chacun une bière à la main, philosophant sur la vie. Cette conversation nous permet de découvrir notre intérêt commun pour la musique. Il me fait une

improvisation

attende.

Surpris,

improvisant

de je

moi

rap

en

l’écoute,

aussi

des

néerlandais puis

rentre

percussions

sans

que

je

m’y

dans

son

jeu

en

et

une

mélodie

l’accompagnant. J’ai l’impression de partager ce moment unique avec

un

très

bon

ami.

C’est

impressionnant

comment

les

liens peuvent se créer en si peu de temps quand j’y songe.

146



Laguna Popayan69 • Perou Colombie

Le Mai 2017 2017 Le 21 4 Juin


10

Rencontre et changement de plan

Le lendemain nous faisons connaissance de Ségolène, une Belge. Avec Marcus, nous l’intégrons assez rapidement et partageons avec elle des moments d’errance dans la ville comme nous l’avions fait tous les deux. Tant j’apprécie ces moments de convivialité et de découverte passés ensemble, j’ai l’impression d’oublier mon itinéraire. Après avoir décrit mon itinéraire en Colombie, Ségolène me précise qu’elle fera en partie le même, hormis sa première destination, le désert semi-aride de Neva. L’idée de retourner dans un désert différent du premier m’enchante. Marcus, lui, me propose de venir avec lui faire l’ascension d’un volcan. Le simple fait de partager un pays avec l’une des deux personnes me réjouit à l’avance. Néanmoins, un dilemme se pose, je devrai me séparer de l’un de mes deux amis. Cette idée m’attriste, mais je dois prendre rapidement une décision. Finalement, le désert m’intrigue plus que le volcan et je décide de partir avec Ségolène. Cette décision me fait de la peine pour Marcus.

149


Avant donne

de ma

d’emprunter lis

dans

partir,

pour

casquette durant

ses

yeux

mon un

lui

prouver

mon

«  Fédérer  » qu’il séjour. profond

150

Sans

dire

sentiment

amitié,

je

n’arrêtait un de

mot,

lui pas je

sympathie.



Desert de tatacoa • Colombie Le 7 Juin 2017


11

Un bon vieux « road movie »

Arrivé dans le désert, je sens comme un appel de liberté. Je suis saisi par l’immensité du paysage et par son atmosphère lunaire. J’ai l’impression d’être dans un autre monde. Ou peut-être dans celui des vieux films westerns tels qu’« Il était une fois dans l’Ouest ». 1 Ce cadre me fait penser également à la fameuse «  route 66  », inspiration des grands films de road movie tels qu’« Easy Rider » 2, dans lequel deux motards traversent les États-Unis. Ici, le temps s’arrête. Dans un élan de folie, j’ai envie de réaliser quelque chose de fort. L’inspiration me vient, demain matin nous emprunterons de vieilles motos et partirons faire une virée sur la seule route sinueuse du désert. Équipé d’un bandeau sur la tête et de chaussures de randonnée, je sillonne les routes du désert en toute insouciance et liberté.

1  LEONE Sergio. 1968. Il était une fois dans l’Ouest. 165 minutes 2  HOPPER Dennis. 1969. Easy Rider. 95 minutes

153


Le paradoxe de la liberté Jack Nicholson dans le film Easy Rider : « C’est très dur d’être libre lorsqu’on est acheté et vendu sur le marché. Bien sûr, ne leur dites jamais qu’ils ne sont pas libres, parce qu’alors ils vont se mettre à tuer et estropier pour prouver qu’ils le sont. Pour sûr, ils vont vous parler, et parler, et parler encore de droits individuels. Mais lorsqu’ils voient un individu libre, ça leur fout les jetons. »

154



desert de tatacoa • COlombie

Le 7 juin 2017


12

De la routine dans l’organisation

Après

toutes

ces

péripéties

vécues

en

solitaire,

je

me

sens de plus en plus débrouillard, indépendant et avide de découvertes. Je me surprends à avoir toujours les mêmes rituels d’organisation matérielle. En effet, à force de répéter les mêmes gestes presque tous les jours, mon organisation devient quasi militaire. Je constate que c’est une sorte de rituel qu’il est important d’entretenir afin de m’adapter aux rapides transitions de lieu.

157


Organisation rituelle, clé de l’adaptation Voyager avec un sac à dos nécessite énormément de rigueur en termes d’organisation matérielle. En effet, je prends conscience que sans cela je pourrais me retrouver dans des situations plus que compromettantes. Je me souviens que durant les premières semaines passées avec Loïc je faisais un peu moins attention.

Sillonnant les rues de la ville d’Arequipa, je souhaite retirer de l’argent. Je cherche ma carte bleue dans ma banane, mais je ne trouve rien. Commençant à m’inquiéter, je fais l’inventaire des situations passées dans lesquelles je l’ai utilisée. Soudain, le flash revient, c’était le même jour dans une banque non loin de notre auberge de jeunesse. Malheureusement il est trop tard pour me renseigner, les banques sont fermées à cette heure-là. Nous irons demain. Pendant toute la nuit, je m’imagine «  le scénario catastrophe  », rester bloqué

ici

sans

argent.

Heureusement

Loïc

me

propose

gentiment de m’avancer. Mais seul, comment aurais-je pu faire  ? Finalement, quelques heures plus tard, je retrouve ma carte dans la poche de mon blouson. Me faisant moi-même la morale, je jure dorénavant de respecter à la lettre mon organisation routinière. Cet engagement me permettra de ne pas risquer une autre étourderie impliquant des conséquences compromettantes sur mon voyage. Lors

de

la

préparation

du

voyage,

à

l’aide

des

conseils

d’expérience de backpackers et de mes propres expériences

158


de trek et de road-trip en Europe de l’Est, j’organise mon matériel

en

Mon

grand

litres

contient

fonction sac une

de

toutes

de poche

les

situations

randonnée principale,

de deux

envisageables. cinquante-cinq

latérales

et

«  un

cerveau  » en contenant deux autres. Dans celui-ci, je range exclusivement

mes

affaires

non

précieuses

telles

que

des

vêtements, des accessoires pratiques et du matériel d’hygiène de vie. Je remarque que l’optimisation du matériel est nécessaire.

Dans un premier temps, elle permet de catégoriser mes affaires. Par exemple, je dispose les affaires les plus utilisées dans les poches latérales, facilement accessibles. Dans un petit sac à dos, je range exclusivement toutes mes affaires précieuses, mais non indispensables en cas de perte ou de vol, tel que mon appareil photo, mes batteries externes, mon pique-nique, des médicaments… Dans ma banane, je range mes affaires indispensables, telles que mes papiers, mon argent et mon portable. Je vis littéralement avec elle, à tel point qu’il m’arrive régulièrement de dormir avec elle dans les transports. Ces 3 niveaux de rangement sont à mon sens indispensable pour voyager en itinérance de manière sereine. S’ils permettent de mieux s’adapter aux changements de lieux, ils permettent également d’éviter les vols ou les oublis. En pratique, je laisse souvent mon gros sac à dos dans les auberges de jeunesse ou dans ma tente lorsque je m’installe quelque part et je prends toujours mon petit sac à dos et ma banane sur moi. Ce n’est que lorsque je transite dans un nouveau lieu que je porte mon grand sac à dos.

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lETICIA • fRONTIERE COLOMBIENNE

Le 15 Juin 2017


13

La solitude, Amplificateur de vulnérabilité

À Leticia, et dans toutes les autres villes frontalières, l’arnaque touristique est très fréquente en raison du climat instauré par les trafics illégaux des Farcs en Colombie. Je découvre l’une des situations les plus classiques que l’on peut rencontrer en termes d’arnaque. Je souhaite aller sur l’île de Santa Rosa afin d’acheter, dès à présent, mon billet pour prendre le bateau en direction d’Iquitos, ma prochaine destination. Située à dix minutes en bateau de la ville, je suis obligée de payer un passeur en pirogue motorisée. À premier abord, l’homme semble gentil et souriant, j’ai naturellement confiance en lui. Lui expliquant la raison de ma traversée, n’ayant que des pesos sur moi, je lui demande d’abord si le peso 1 est accepté sur l’île. Il me répond que oui. Ravi, je le paye et nous partons. Ca y est je suis sur l’Amazone, sur le fleuve le plus puissant du monde qui

1 Monnaie colombienne

161


s’enfonce au cœur de la forêt la plus mystérieuse. Je suis émerveillé de découvrir ce nouvel environnement mythique. Telle une girouette, je tourne la tête de part et d’autre pour scruter la forêt originelle dans laquelle j’imagine déjà observer les communautés indigènes. Pendant quelques instants, j’oublie le stress de l’organisation. Arrivé sur l’île, j’observe un unique chemin de terre longeant l’île. De part et d’autre, il y a des restaurants locaux, des hôtels rudimentaires et des maisons typiques en bois sur pilotis. J’entrevois l’activité des familles dans leur logis, ouvert sur l’extérieur. Certaines personnes se reposent dans leur hamac, d’autres échangent le but fruit de leur pêche contre quelques billets. Soudain passe à côté de moi une colonie d’enfants, portant des cagettes sur leurs têtes et habillés en uniforme, comme s’ils revenaient de l’école. J’entrevois billet.

Une

dame,

la

capitainerie un

peu

mal

je

lunée

pourrai m’y

acheter

réceptionne.

mon Elle

n’apprécie sans doute pas les touristes. Je lui demande un billet d’aller pour Iquitos en bateau. Elle me demande de payer deux cents soles 1. Malheureusement je n’ai que de l’argent colombien et elle m’indique froidement de retourner à Leticia pour m’en procurer.

Un

sentiment

de

colère

m’envahit,

je

comprends

que je me suis fait berner par le passeur qui doit m’attendre sagement sur l’île, songeant avoir gagné un aller-retour en plus.

1  Monnaie Péruvienne

162



Leticia • frontiere colombie

Le 15 Juin 2017


14

Rater son bateau, mais gagner en authenticité

Je souhaite dormir sur l’île pour ne pas rater mon bateau et profiter de l’ambiance du village. Cela me permettra également de découvrir l’île. Ici, tout le monde a l’air de se connaître. Avant que la nuit tombe, je n’arrive pas à trouver d’hôtel. Fatigué et sans résultat, je finis par me poser dans un snack-restaurant et commande un poisson cuit au barbecue. En échangeant avec la femme qui le cuisine, elle me précise avec fierté que c’est son mari qui l’a pêché ce matin. Tout en dégustant ce succulent poisson, j’observe l’ambiance festive qui se dégage. Soudain, un homme apparaît devant moi et me demande en anglais s’il peut s’asseoir avec moi. Surpris de voir le seul étranger de la journée sur cette île, j’accepte. L’étranger, se nommant Chris, m’explique qu’il étudie les sciences politiques à Rotterdam. Nous entamons une discussion sur notre expérience, puis sur l’éducation en Colombie. Puis, la bière ne nous permettant plus de parler de choses profondes, nous nous laissons aller et rions de nos anecdotes de

165


voyage rocambolesques. Rassasiés, nous partons explorer plus en détail le village de nuit. Assis au bord de l’Amazone, réalisant que nous avons le privilège d’être au cœur de l’Amazonie, nous écoutons les bruits de la jungle. Après avoir repris notre marche, nous entendons un genre de musique connu en Amérique latine, la bachata. En avançant progressivement vers la mélodie, nous tombons sur une discothèque en bois. À l’intérieur, des jeunes du village dansent. Je me sens très complice avec le Hollandais et me laisse aller. Nous dansons pieds nus dans une tornade de joie. Tous les jeunes nous regardent, stupéfaits de voir deux étrangers partager leur piste de danse. Finalement, ils finissent par nous sourire et se mettent à danser avec nous, en formant un cercle. Dans ce joyeux moment de partage, j’ai l’impression d’être comme chez moi. Soudain, je regarde l’heure et je repense au bateau ! N’ayant toujours pas d’endroit où dormir, mon nouvel ami me propose de dormir dans son hôtel pour le peu d’heures qu’il me reste. Je me réveille, il est sept heures du matin, j’ai loupé mon bateau, ma tête est lourde, mon ami hollandais est parti, je vais devoir attendre deux jours de plus avant d’en avoir un autre. Bizarrement, je rationalise et ne m’en veux pas, j’ai passé une bonne soirée.

166


« On ne va jamais aussi loin que lorsque on ne sait pas où l'on va » Christophe Colomb


Iquitos • Perou

Le 17 Juin 2017


15

Place À l’improvisation

Plus indépendant, mon style de voyage se rapproche de l’authenticité. Je tisse des liens privilégiés avec mon guide, lors

de

mon

expédition

de

sept

jours

en

lodge,

en

forêt

amazonienne. En arrivant à Iquitos, un Tuk-Tuk me demande ma direction, je lui réponds que je cherche un endroit ou dormir. Il m’explique qu’il connaît un ami qui tient une auberge de jeunesse. Je lui fais confiance. Après tout, une fois sur place je verrai. L’endroit me plaît, je suis accueilli par un vieux monsieur sympathique qui me fait visiter l’auberge. Comme c’est l’ami de mon chauffeur, Ricardo, je n’ai même pas besoin de négocier, j’obtiens la chambre à moitié prix. Ricardo me raconte qu’il a des amis français. Il essaye tant bien que mal de prononcer quelques mots en français. C’est

comme

s’il

voulait

à

la

fois

me

faire

plaisir

et

montrer que ce qu’il dit est vrai. Je le félicite  ! En continuant la

conversation,

je

lui

explique

que

je

recherche

un

guide

local pour partir en excursion dans la jungle. Il m’informe que son

169


frère, Ronaldo est guide et pourrait me proposer un programme à la carte. Séduit par cette information, je lui demande les coordonnées de

son

frère.

Finalement,

Ricardo

l’appelle.

Contrairement

à

mes habitudes (agences locales recherchées dans le guide du routard), cette fois-ci, je décide de faire confiance à un guide local.

La peur accroît la distance entre deux individus C’est peut-être cela la vraie aventure humaine, tisser des liens, instaurer une relation de confiance et se laisser guider pour partir à la découverte. Je remarque qu’au début de l’aventure, je craignais les arnaques, les vols ou les quartiers réputés comme dangereux. Cette méfiance vient sans doute des médias. En effet, lors de la préparation de mon voyage, je m’étais renseigné sur les précautions à prendre lors d’un voyage à faire en Amérique latine. Aujourd’hui, je note que ce surplus d’informations ne fait que cultiver la peur. D’après mon expérience je pense que cette peur accroît la distance entre le voyageur et le local. Comme le dit Nan, « la peur pousse les gens à ne pas à aller vers l’autre. » 1

1 THOMASSEY Nans. 2015. TEDx Paris. Conférence. Nus & Culottés : detaching yourself to discover the world! Durée 18 minutes. Enregistré le 25 février 2015. [En ligne]

170


Ronaldo arrive avec sa petite fille dans les bras, il a l’air fort sympathique. Il me demande ce que je voudrais faire comme type d’excursion et me propose un planning personnalisé en totale improvisation, je le vois réfléchir et hésiter. Puis, je me mets à planifier avec lui. Cette nouvelle aventure débutera demain matin, je suis excité à l’idée de découvrir la faune et la flore amazoniennes, c’est un rêve d’arpenter cette forêt hostile presque non apprivoisée par l’homme. Au petit matin nous faisons quelques provisions au marché du port. Nous achetons des fruits, des verres de palmier grillés, puis nous partons pour quatre heures de pirogue en direction du campement.

171


Foret amazonienne • Perou

Le 23 Juin 2017


16

L’excursion dans « la selva », Transmission de savoirs

Les

lodges

constituent

notre

camp

de

base,

d’où

nous

partons en excursion dans la forêt. Ils se situent à côté d’un village indigène en bordure de l’Amazone. Loin de la ville, au cœur de la nature, niché dans ma cabane, je me sens bien. Autour du lodge, des poules et une cane suivie de ses canetons jouent dans les flaques. Un perroquet perché en haut du lodge réservé à l’espace commun chante à plusieurs reprises «  Bienvenido, Bienvenido  » pour me souhaiter la bienvenue. Cette rencontre adoucit mon arrivée dans cet environnement hostile.

173


L’animal contre la solitude J’ai remarqué que les animaux domestiques étaient très présents dans les auberges de jeunesse. Parfois, quand je me sens seul, le contact avec l’animal permet d’apaiser l’isolement.

Lors de ma première excursion, Ronaldo, mon guide, m’apprend les propriétés de différentes plantes médicinales. Finalement, je constate que la nature devient accueillante à partir du moment où nous la connaissons. Au cours d’une marche, je suis pris d’une migraine. Ricardo arrache une plante médicinale et prélève sa pulpe qu’il enroule soigneusement dans une feuille de palmier. De retour au lodge, il la presse dans un verre et la dépose sur mon front en me conseillant de la garder cinq minutes. En effet, quelque temps plus tard, mon mal de tête a disparu, je me sens revivifié. Plus le temps passe et plus j’entretiens un lien privilégié avec lui. Semblant m’apprécier, il me présente à des amis à lui au village. Un peu gêné, je me présente maladroitement. Je suis finalement invité à boire du bon rhum maison. Le dialecte du coin,

éloigné

de

l’espagnol,

m’empêche

de

comprendre

la

conversation. Néanmoins, le langage corporel arrive à compenser cette gêne et me permet de communiquer avec eux. Je m’appuie également sur Ricardo, qui traduit certaines de mes phrases. Cette nuit nous décidons d’entreprendre une expédition et de dormir en tente au milieu de la jungle. Avançant dans les

174


profondeurs de la forêt, je le suis à la trace. Une sensation angoissante m’envahit lorsque je tombe nez à nez avec une tarentule, attendant sagement au creux d’une liane. Dans la pénombre, j’ai

l’impression

de

contempler

des

milliers

de

lucioles

flottant dans l’air, j’ai l’impression d’être dans le film Avatar. Allongé dans la tente, plongé dans un autre monde, je songe à la fin de mon voyage. Un sentiment de mélancolie mêlé de satisfaction m’envahit quand je repense à toutes ces expériences vécues.

175


Conclusion Lima - Perou 24 avril 2017

176


177


Laguna 69 • Perou

Le 21 Mai 2017


l’après-voyage

Rentré en France peu de temps après l’épisode de la forêt amazonienne, je fais le bilan sur mon initiation au voyage. La recherche d’authenticité que j’ai entreprise tout au long de mon périple m’a entraîné à sortir peu à peu de ma zone de confort, à prendre des risques, me perdre pour finalement lâcher

prise

et

profiter

pleinement.

La

transition

n’était

pas

facile, mais cet acte de dépassement de soi offre la possibilité de mieux se connaître et ainsi se construire. Même si cette manière de se perdre est issue d’une volonté première, le hasard permet en effet de se confronter à l’inconnu, et ainsi se découvrir sous un nouvel angle lors de situations ou rencontres inédites et largement éloignées de notre quotidien. Ainsi, le voyage permet de mettre en lumière des facettes jusque là insoupçonnées de notre personnalité et de puiser dans nos ressources enfouies.

179


Par

ailleurs,

la

rencontre

humaine

est

un

point

d’importance cruciale. On apprend petit à petit à apprivoiser l’autre malgré les potentielles barrières de langue, de culture… La

rencontre

est

un

formidable

vecteur

de

la

découverte

de soi, que ce soit par le partage de l’expérience ou la solidarité exercée dans les moments difficiles (trek, campement…). Il en résulte une prise de confiance en soi-même et en l’autre. Ainsi, mon voyage peut être qualifié d’initiatique, car j’ai appris à mieux me connaître au cours de celui-ci. J’ai pu me recentrer sur ce qui est essentiel pour moi, et ainsi commencer la construction de mon avenir, grâce aux expériences que j’ai listées dans mon carnet de voyage. Un mois plus tard, je suis parti en voyage itinérant en Provence à vélo avec ma copine. Ce challenge m’a permis d’explorer et de continuer ma réflexion sur le voyage itinérant à travers d’autres modalités, notamment par un moyen de transport écologique et un mode de logement sous tente uniquement. Différentes sources d’inspiration m’ont également fait réfléchir sur la possibilité de travailler en voyageant, avec un van par exemple, ou en se faisant sponsoriser comme vidéo reporter dans le cadre d’expéditions. Mon voyage en Amérique du Sud m’a aussi permis de réfléchir sur un potentiel projet avec Raphaël : développer un service de guides de randonnée, treks, etc. qui permettrait de dynamiser l’économie locale, en contournant les grosses agences et en employant des guides locaux indépendants, tout en proposant des partenariats avec de petits commerçants. Ce projet permettrait de proposer des prestations axées sur l’authenticité et le partage d’expérience.

180


« Connais-toi toi même » Socrate


Annexes Lima - Perou 24 avril 2017

182


183


Problematiques

1. Vulnerabiliteé et sociabilite >  Sachant que l’être-humain est un être naturellement empathique. >  En admettant que l’aventure est la découverte de l’inconnu. >  En supposant que « découvrir c’est enlever des couches ». >  Sachant que la vulnérabilité est par définition : « ce qui peut-    être susceptible d’être touché, blessé, d’un point de vue moral ou    physique » >  En supposant que s’exposer aux risques c’est accepter de faire    confiance à un inconnu. >  Sachant que de plus en plus de sites internet permettent de plus en

184


plus de préparer son voyage.

En tant que designer, comment puis-je permettre aux voyageurs inexperimentes et desireux de rencontres authentiques a faire confiance a l’autre en voyageant ?

185


2. Voyage itinerant et repere >  Sachant le voyage itinérant est par définition le déplacement que l »    on fait, généralement sur une longue distance, hors de son domicile    habituel. >  En constatant que lors d’un voyage itinérant, la transition régulière    dans de nouveaux endroits nécessite de prendre rapidement ses    repères.

>  En constatant que la solitude lors d’un voyage peut nuire au moral    et intensifier la perte de repère. >  En admettant que l’auberge de jeunesse est un hébergement    permettant aux voyageurs de vivre ensemble sur des courtes    durées. >  En constatant que l’état d’esprit convivial de ce type    d’hébergement, facilite les rencontres entre voyageurs    internationaux, d’âge et de profils socioculturels différents. >  En constatant que l’échange lors des rencontres, donne lieu à des    transmissions de savoir sur les expériences de voyage en termes de    conseil, d’information…

En tant que designer, comment puis-je permettre aux voyageurs solitaires de prendre rapidement leurs repères dans un nouveau lieu grace l’etat d’esprit de l’auberge de jeunesse ?

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3. voyage et orientation

En sachant que le voyage est l’école de la vie. >  Sachant que le voyage initiatique est un voyage dans lequel une    personne se trouve confrontée à des épreuves, aux nouvelles expé    riences qui lui permettent de passer à l’âge adulte. >  En constatant que de plus en plus de jeunes entreprennent un

voyage initiatique pour se construire, donner du sens à leur vie. >  En supposant que le voyage permet d’acquérir de nouvelles compé    tences permettant de conforter ses perspectives avenir. >  En constatant que se perdre dans un voyage permet de découvrir.    En supposant que se désorienter permet de s’orienter.

>  Sachant que « dans la réalité comme dans l’imaginaire, le voyage    possède une forte capacité à transformer les cadres de l’expérience    en rites d » initiation ».

>  En constatant que le backpacker réorganise le temps de son    voyage, en mettant par exemple 90 % de risques dans son récit et    10 % de terrasses avec d’autres étrangers. >

En constant que le journal de bord est support permettant d’expri mer les moments fort de ses ressentis et péripéties. En constatant qu’internet permet de plus en plus aux voyageurs de partager leur expérience de voyage (podcast, blog…).

187


Comment en tant que designer puis-je capitaliser sur l’experience du voyage pour permettre aux jeunes d’orienter leurs perspectives d’avenir ?

188


Interview de Michael pinnaton

Biographie express Bloggeur voyageur et directeur du site « Traverser la frontière », Michael est un ancien étudiant en école de commerce désireux d’aventure et de rencontres. Au cours de ses études, le programme Erasmus lui permet de découvrir le monde à travers différentes nationalités. À la suite de ses études, il se lance dans le marketing. Désireux de travail indépendant, il monte sa propre entreprise. La pression du business l’affectant, il ose partir en solitaire et se découvre par la suite une passion pour le voyage. Actuellement blogueur professionnel, il vit de sa passion. Il diffuse aussi les podcast d’autres voyageurs tels que Nans et Mouts de Nu et culotté.

189


Question 1 Bonjour Michael, selon toi, comment peut-on acceder a la « vraie authenticité » en voyageant ? Déjà, le fait de rester dans un même endroit te permet de t’intégrer plus facilement. Il est aussi important d’apprendre la langue. Ensuite, l’authenticité passe par les gens : est-ce que la personne voudra passer du temps avec toi ? Le plus important c’est ton attitude. Il faut aller vers les gens de la manière la plus naturelle possible. Si tu arrives vers les gens de manière humble le contact passe tellement plus facilement. Aussi la façon dont tu vas voyager va changer la manière d’aborder l’authenticité. Par exemple l’auberge de jeunesse est une bonne option.

Question 2 D’après toi, comment arriver a communiquer avec les locaux et surmonter la barriere de la langue ?

Il faut choisir la destination en fonction ! Un certain confort sur la langue est nécessaire et simplifie la vie. Et puis la culture aussi joue. En Asie j’ai eu du mal à parler avec les gens, la langue est très éloignée de la nôtre et la gestuelle aussi.... Des intermédiaires ou d’autres gens peuvent faire office de guide sinon, par exemple en Thaïlande j’avais des amis vietnamiens qui jouaient ce rôle et qui m’aidaient pour payer le repas ou le transport en facilitant la

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compréhension. Il ne faut pas non plus hésiter à utiliser les outils qu’on a à disposition, par exemple montrer des objets, ou se servir de Google traduction. Je pense que le point commun peut rassembler. Il y a une intuition et ça se confirme, ça se sent instinctivement si tu peux t’entendre avec quelqu’un, s’il va être agressif ou plutôt calme.

Question 3 Ton expérience du voyage t’a-t-elle aidée du point de vue orientation ou découverte de soi ? Le voyage permet de prendre conscience des choses et se découvrir. Ca transforme la vie de beaucoup de monde : tu peux découvrir un autre monde que tu ne pensais pas possible. Par

exemple:

J’ai

découvert

un

monde

grâce

à

l’Erasmus.

Quand tu voyage, tu as cette révélation que tout ça ça existe. Les médias, la société, le gouvernement te poussent à mener une vie classique. Comme Matrix, le voyage permet de te montrer qu’il existe des mondes parallèles. Ca te fait réfléchir à toi, à ta vie et te rendre compte de ce que tu veux. Voyager élargit ton esprit, ça te fait réfléchir. Le champ des possibles s’élargit parce que tu rencontres des gens. Avec mon blog, j’essaye de planter des graines pour que quelque chose fleurisse chez chaque personne. Aujourd’hui grâce à la force d’internet tu as accès à plein de choses. Les Podcast me permettent de m’ouvrir aux autres tout en restant chez moi.

191


Je révèle des envies personnelles par l’expérience des autres. Finalement, mon objectif est de pousser les gens à oser voyager, en leur faisant découvrir l’expérience de voyage d’autres voyageurs.

« Le voyage est une tentative pour transformer un rêve en réalité » Alain de Botton


Bibliographie

Livres · BELIVEAU Jean. 2016. L’homme qui marche. Paris : Edition

Flammarion. Collection Arthaud poche. · BLANC Jean David Blanc. 2012. 3 jours au Népal. Paris :

Edition Robert Laffont. · RUFIN Jean-Christophe et al. L’aventure pour quoi faire ?.

2013. Paris : Edition Point. · TESSON Sylvain. 2013. Une école de plein vent. In L’aventure

pour quoi faire ?. Paris : Éditions Point, p. 36-38. · HORN Mike. Latitude 0. 2001. Paris : Edition XO. Collection

Pocket.

193


· BECEL Anne. L’invention du voyage. 2016. Paris : Edition Le

Passeur. Collection Pocket. · LE SAGE Benjamin. Sans un sou en poche. 2016. Paris : Edition

Flammarion. Collection Arthaud poche. · DUBREUIL Nicolas. Aventurier des glaces. 2012. Paris : Édition

de La Martinière. Collection Point. · MILAN Bihlmann et MUAMMER Yilmaz Nicolas. Le tour du

monde en 80 jours... Sans un centime. 2015. Paris : Edition Michel Lafon. Collection Pocket. · MARQUIS SARAH. Instinct. 2016. Paris : Edition Michel Lafon.

Collection Pocket. · TIBERGHIEN Gilles A. Note sur la nature, la cabane et quelques

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L’Autre Voie, revue électronique. · BROWN, Brené et VAUDREY, Catherine. Le pouvoir de la

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· JAURÉGUIBERRY, Francis et LACHANCE, Jocelyn. Le

voyageur hypermoderne. Erès, 2017. · SERVIGNE, Pablo et CHAPELLE, Gauthier. L’entraide : L’autre

loi de la jungle. Éditions Les Liens qui libèrent, 2017.

Films · VALÉE Jean-Marc. 2015. Wild. 115 minutes. · LEONE Sergio. 1968. Il était une fois dans l’Ouest. 165 minutes. · HOPPER Dennis. 1969. Easy Rider. 95 minutes. · CAMERON James. 2009. Avatar. 162 minutes.

Emissions et documentaires · THOMASSEY Nans, MOUTON Guillaume et GRAVEL Charlène.

2017. Nu et Culotté. Objectif Caraïbes. Durée 52 minutes. [En ligne]. https://www.youtube.com/watch?v=QXmLWvX_1bc. · LOPEZ Frédérique. 2017. Rendez-vous en terre inconnu. Arthur

chez les Quechuas. Durée 100 minutes. [En ligne]. https://www. youtube.com/watch?v=NC7tYYRKPCc.

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· VIOTTE Michel. 2017. Jack London, une aventure américaine.

Durée 96 minutes. [En ligne]. https://www.youtube.com/ watch?v=e0KIBFLblQk&t=597s. · PLANTEVIN Antoine. 2017. Yukon, la quête sauvage.

Durée 75 minutes. [En ligne]. https://www.youtube.com/ watch?v=xmE1UO8KlF4. · RABATE François. 2007. Histoires de scouts. Durée 52 minutes.

[En ligne]. https://www.youtube.com/watch?v=wFZJM1tFYRo. · PELLE Frédéric. 2002. La Carte aux Trésors. Durée 110 minutes.

[En ligne]. https://www.youtube.com/watch?v=mx9iXHoVMnQ.

Conferences · HENRY DE LE RUE Paul. 2015. TEDx Paris. Conférence.

Dépasser ses peurs c’est oser être soi-même. Durée 18 minutes. Enregistré le 23 décembre 2015. [En ligne]. · THOMASSEY Nans. 2015. TEDx Paris. Conférence. Nus &

Culottés : detaching yourself to discover the world! Durée 18 minutes. Enregistré le 25 février 2015. [En ligne].

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Sites · CAILLOCE Laure. Quand le geste libère la parole [En ligne].

In Anne Peyroche. Publié le 02/07/2016. Date de mise à jour disponible [mis à jour le 07/11/2017]. Date de consultation [Consulté le 11/11/2017]. Disponible à l’adresse : https:// lejournal.cnrs.fr/articles/quand-le-geste-libere-la-parole. · BOUSBIB Ari. Health study. [plus en ligne - fusion de sites

internet] Disponible à l’adresse : http://www.imshealth.com/en/ about-us/news/ims-health-study-us-drug-spending-growthreaches-8.5-percent-in-2015. · RUSK Julie. The Wellbeing Project. [En ligne]. Disponible à

l’adresse : https://wellbeing.smgov.net/. · B. Jean-Baptiste. Les 8 tendances qui changent l’industrie

du tourisme. [En ligne]. In Jean-Marie E.Publié le 06/05/16. [Consulté le 13/11/17] Disponible à l’adresse : https://www. consoglobe.com/7-tendances-changent-industrie-tourismecg/2.

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Autres (Blog, émission, interwiews) · Blog. 2017. Communiquer avec les locaux et barrière de la

langue : Mode d’emploi. https://www.unsacsurledos.com/ comment-voyager-pays-dont-on-connait-pas-langue/ · Amandine. Blog. 2017. Comment voyager dans un Pays où on

ne connaît pas la langue ?. https://www.unsacsurledos.com/ comment-voyager-pays-dont-on-connait-pas-langue/. · MOUTON GUILLAUME et THOMASSEY NANS. L’interview nue

et culottée de Nans et Mouts. Arte. Enregistré le 01/06/2015. [En ligne]. https://www.youtube.com/watch?v=lfbqp2mdQD4. Durée 4 minutes.tel que la papaye, la grenade, le fruit de la passion, la bière…

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Diplômes 2018 Bastien SEGURET

Voyager, se perdre pour trouver sa voie Voyager c’est planifier et respecter ses objectifs… C’était l’illusion parfaite d’un voyage réussi avant que je n’entreprenne l’expérience en Amérique latine durant trois mois. Dans ce mémoire nous traiterons cette expérience comme un immense terrain de jeu favorisant «  l’exploration de l’inconnu  ». Perpétuellement en quête d’authenticité, durant mon voyage, la volonté de sortir des sentiers battus m’a progressivement entraîné à quitter pas à pas ma zone de confort, en prenant des risques pour finalement lâcher prise et profiter de l’instant présent. En effet, la planification de mon projet se dissipant progressivement et le passage d’une première partie du voyage à deux à une seconde en solitaire, m’ont conduit à expliquer, comment ces transitions m’ont progressivement appris à faire confiance à mon instinct pour me guider. Ce mémoire, à l’allure de carnet de voyage, retrace et analyse l’évolution de mon expérience, de la préparation jusqu’aux retours, sous la forme d’anecdotes et de focus analytiques. Tel un jeu de piste, l’objectif est de suivre le parcours évolutif de ce voyage initiatique pour comprendre les mécanismes de l’exploration de l’inconnu permettant de mieux se connaître pour mieux s’orienter.

Ecole de Design

Établissement privé d’enseignement supérieur technique www.strate.design


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