UNIVERSITE PIERRE MENDES FRANCE INSTITUT D’URBANISME DE GRENOBLE Master « Sciences du Territoire » Mémoire de Fin d’Etudes
THEORIES ET PRATIQUES DES INTERVENTIONS URBAINES DANS LES CENTRES : FAVELAS ET PATRIMOINE URBAIN DE RIO DE JANEIRO Maria Isabel Costa Menezes da Rocha Directeur de Mémoire : Mme Paulette Duarte
«URBANISME HABITAT ET COOPERATION INTERNATIONALE» Septembre 2010
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Remerciements
Je remercie à Dieu pour être toujours là et pour mettre des personnes spéciales sur mon chemin. Entre ces personnes, Il a mis Márcio, mon mari, qui m’a soutenu pendant tout ce master et avant, dans le boulot et dans la vie. Ma famille, surtout mes parents, qui même étant au Brésil sont toujours avec moi « para o que der e vier ». La directrice de ce mémoire, Paulette Duarte qui m’a rendue tranquille dans les moments de doutes et questionnements. Tous mes collègues de l’APUR, en spécial Olivier Richard et Julien Bigorgne, des profonds connaisseurs des favelas cariocas. Tous les amis brésiliens à Grenoble, qui sont ma famille en France. Ana Luiza, Julien et Bruno, qui m’ont aidé à améliorer mon français en révisant quelques parties de ce mémoire. Tous mes collègues de l’IUG, qui m’ont fait comprendre un peu plus sur le monde. Les professeurs et les fonctionnaires.
D’ailleurs, il y a encore la capoeira et une petite samba, pour fuir du stress. Et merci.
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Sommaire
Introduction ...................................................................................................................................... 5 Chapitre 1 : Les favelas cariocas et la notion de patrimoine.......................................................... 8 Chapitre 2 : contexte des transformations ................................................................................... 14 1.
La coopération décentralisée Paris-Rio de Janeiro .............................................................. 14
2.
Rio Comprido: zone de projet et quartier central de Rio ..................................................... 18
3.
Les interventions du pouvoir public sur les favelas: Rio de Janeiro et Rio Comprido ......... 23
4.
Les interventions du pouvoir public sur les centres historiques: Rio de Janeiro et Brésil ... 28
Chapitre 3 : analyse des similitudes et différences entre les interventions et les projets urbains ............................................................................................................................................. 33 1.
Habitat .................................................................................................................................. 33
2.
Patrimoine ............................................................................................................................ 39
3.
Morphologie : espace de vie, culture, tourisme .................................................................. 48
4.
Interventions urbaines: exemples et références ................................................................. 51 4.1. La restructuration des favelas ........................................................................................... 51 4.2. Le renouvellement urbain ................................................................................................. 56
Chapitre 4: Considérations finales : l’expérience de la coopération .......................................... 63 1.
Les références trouvés au Brésil et en l’Amérique Latine .................................................... 63
2.
Rabat et ses favelas: les douars ........................................................................................... 66
3.
Connaissance et valorisation ................................................................................................ 68
4.
La participation de l'État de Rio de Janeiro dans la ville ...................................................... 73
5.
L’évolution du patrimoine .................................................................................................... 74
Conclusion ....................................................................................................................................... 78 Références bibliographiques ......................................................................................................... 82 Table de Figures .............................................................................................................................. 85 Annexes ........................................................................................................................................... 87
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Introduction Ce mémoire de fin d'études est issu du stage réalisé à l’Atelier Parisien d’Urbanisme – APUR – notamment sur la coopération décentralisée entre les villes de Paris et Rio de Janeiro. Leur dernier accord de coopération, signé pour la période de 2009-2010, comprend trois thèmes de travail : le premier porte sur l'assistance à la maîtrise d'ouvrage pour la requalification de la zone centrale de Rio, à travers le quartier pilote de Rio Comprido; le deuxième thème traite de l'appui à la réalisation d'un schéma directeur dans le domaine des transports; enfin, le troisième traite de la mise en œuvre d'une démarche adaptée en matière de logement social. Ces trois volets de la coopération s'articulent autour de thèmes transversaux concernant le renouvellement urbain de la zone centrale de la ville de Rio de Janeiro. De manière globale, nous considèrons l’existence d’une approche projet urbain et une autre des enjeux stratégiques (transport et habitat). L’approche projet urbain comprend alors, le projet pilote de requalification du quartier de Rio Comprido, mais toujours en rapport avec les enjeux en matière de transport et la mise en œuvre d'une nouvelle démarche du logement social – une opération pilote en matière de logement social locatif. La question du logement social a une relation étroite avec la région de Rio Comprido, qui comprend un grand nombre d'habitat populaire spontané, que l’on nomme favelas. Ce quartier se localise au sein de la métropole de Rio de Janeiro, dans la zone centrale qui est à l’origine de la Ville, donc possède une grande importance dans son histoire. Le contrat de coopération décentralisée entre les villes de Rio et Paris a été signé en vue de l'expérience et du savoir-faire parisien en matière de renouvellement urbain au centre-ville (ou à la ville-centre), afin de collaborer dans la maîtrise des transformations par lesquelles passe la ville de Rio actuellement, notamment dans son centre-ville. Cependant, la problématique des favelas est peu courante à Paris, et celles de la région centrale de la ville de Rio constituent encore une problématique spécifique : en concernant son « intégration » au centre-ville ancien (surtout la région portuaire), tout en respectant son temps d'existence dans le contexte urbain et paysagère carioca1. L'enjeu fondamental du projet urbain pour le quartier de Rio Comprido est de travailler sur les coupures et les discontinuités existantes dans son tissu de manière à intégrer la diversité urbaine du quartier – notamment la structure morphologique de ses favelas – dans le contexte urbain du centre-ville. Le but du projet est donc, de promouvoir l’ouverture de cet environnement urbain riche et méconnu par la société en général, ainsi que de faciliter l’accès de sa population aux services urbains. Dans d’autres mots, le projet va travailler la configuration spatiale de la zone urbaine de manière intégrale, considérant la présence des favelas comme lieux d’habitat qui font partie du contexte et donc de l’enjeu d’intégration et de continuité territoriale.
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Carioca: celui de la ville de Rio de Janeiro
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Ce mémoire de fin d’études s’appuie sur l’analyse des propositions réalisées par l’APUR, ainsi que sur les questions posées lors des propositions du projet urbain, qui porte sur requalification d’une zone urbaine de la région de Rio Comprido. Le rapport entre le périmètre historique du centreville de Rio et les favelas historiquement présentes dans la composition de ce premier, nous interroge sur de quelle façon la notion de patrimoine – urbain, culturel, historique – est transversale lors des interventions urbaines. Dans ce point, par rapport aux objectifs de la coopération décentralisée en question, nous pouvons nous demander: comment intégrer les savoir-faire et les nouvelles approches idéologiques et opérationnelles d’une ville du Nord (dans les problématiques complexes) sur un contexte particulier et en constante évolution d’une ville du Sud ? Alors, comment, dans le cas de la coopération décentralisée Nord-Sud, peut-on équilibrer le savoir-faire du Nord et les expériences spécifiques du Sud? Tout au long de ce mémoire, nous allons rapporter l'expérience de la coopération décentralisée entre les villes de Paris et Rio de Janeiro – à travers ses agences d’urbanisme l’APUR et IPP2 – avec les théories sur favela et patrimoine et les pratiques d’urbanisation de favelas et du renouvellement urbain des centres-villes. De manière générale, nous allons analyser les démarches d’intervention et projet urbain sur le patrimoine édifié, de façon à chercher comment on peut intégrer les savoir-faire en matière d’urbanisme d'une ville/pays du Nord, surtout en concernant la notion de patrimoine, et faire évoluer cette notion dans les interventions urbaines en favelas à Rio ? En vue qu’il s’agit d’une question complexe à répondre, nous proposons pour ce mémoire une approche plus théorique, afin de problématiser celle ainsi que d’autres questions sur le sujet. Le fait d’avoir développé un travail de stage plus fondé sur la pratique de projet a aussi motivé la recherche plus approfondie sur le contexte particulier de Rio, car il a un rapport assez différencié avec la question des favelas et avec les enjeux pour les aires centrales. Dans le premier chapitre nous allons construire une base théorique et conceptuelle pour clarifier les notions principales – favela et patrimoine – travaillées tout au long de ce travail. Le deuxième chapitre s’articule autour de la mise en contexte du sujet des interventions et projets urbains à Rio de Janeiro. Il traite de la démarche de l’accord de coopération, les contextes géographique, historique, social, de la zone de projet ; mais aussi en explicitant l’évolution des pratiques d’intervention sur les favelas et sur la région centrale de la ville de Rio. Le troisième chapitre analyse parallèlement les théories et les pratiques développées en termes d’urbanisme concernant l’objet d’étude et les concepts déjà explicités dans les parties précédentes. Ce chapitre porte sur un approfondissement des questions sur les divers types d’intervention de projet urbain. Il met en rapport les enjeux lors des opérations urbaines sur les 2
Institut Municipal d’Urbanisme Pereira Passos – agence d’urbanisme carioca
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quartiers centraux et les quartiers périphériques, de manière à savoir quels sont les intérêts, les acteurs et les contraintes dans chacun des cas ; tout cela en prenant compte des études théoriques sur le sujet. Si nous nous considèrons capables de comprendre la logique d’urbanisation des quartiers formels (souvent antérieurs à la pratique de l’urbanisme, surtout au centre-ville), la logique typomorphologique des favelas ne nous semble pas tout à fait évident à comprendre. Cependant, le désordre n'est plus qu'un ordre qui exige une lecture plus attentive 3 , et la production apparemment désordonnée de l'espace des favelas est fondée sur des stratégies socioéconomiques très logiques pour ses habitants favelados (Soares Golçalves, 2006). Étant consolidées dans l'espace de la ville, notre fonction en tant qu'urbanistes n'est autre que d’étudier cette « nouvelle » morphologie pour pouvoir intervenir dans ces territoires conscients de ses particularités. Ainsi, le quatrième chapitre porte sur l’analyse de l’expérience de stage, des références utilisées pour les propositions en matière de projet urbain à Rio, les autres possibilités d’étude, etc. de façon à construire une critique positive de la démarche de coopération décentralisée, des méthodologies d’échange/transfert de savoir-faire, et des proposition d’intervention, entre autres. Ce chapitre propose enfin, des pistes pour l’évolution de la notion de patrimoine culturel, par rapport surtout aux interventions urbaines dans un contexte particulier et divers. Nous concluons alors, sur l’importance de l’expérience de stage dans la formation d’urbanistes, conscientes des possibilités de faire évoluer un sujet théoriquement fondé sur les expériences pratiques du stage, de la coopération décentralisée et d’ailleurs. Nous espèrons avec cette approche plus théorique pouvoir contribuer aux discussions en matière d’urbanisme, mais aussi rétribuer les connaissances acquises lors de la formation en « Urbanisme, Habitat et Coopérartion Internantionale » et grâce à l’opportunité de stage.
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« A desordem é so uma ordem que exige uma leitura mais atenta » titre d'un article de Carlos Nelson Ferreira dos Santos pour la revue A Revista de Administração Municipal: Municípios, éditée par l'IBAM – Institut Brésilien d'Administration Municipale – (nº 51, ano 54, jul./ago./set. 2009)
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Chapitre 1 : Les favelas cariocas et la notion de patrimoine Au Brésil, la question des interventions dans les favelas à partir d’un projet urbain4 existe depuis des années 1980 et est aujourd’hui une partie composante de la pratique de l’urbanisme au pays, notamment dans les grandes agglomérations urbaines. Cependant, la notion de favela est née à Rio à la fin du XIX siècle, où il est apparu la première agglomération humaine « officiellement » appelée Favella (Morro da Favella). Cette première favela s’est implantée/installée sur l’une des collines (morros) du centre de la ville de Rio de Janeiro, en 1897. Nous pouvons partir de l'histoire du terme: un « héritage » du nom d'une végétation typique des caatingas du Nord-est brésilien, trouvée proche de la ville de Canudos, Bahia, sur la morne où étaient installés les soldats envoyés à la Guerre de Canudos (1896-1897): « Les favelas, encore anonymes dans les registres scientifiques – ignorées des savants, trop connues des rustres – peut-être un futur genre cauterium des légumineuses, ont dans leurs feuilles aux stomates allongés en villosités de remarquables outils de condensation, d'absorption et de défense. Si leur épiderme se refroidit la nuit bien au-dessous de la température de l'air, et provoque, malgré la sécheresse de ce dernier, de brèves précipitations de rosée, la main que les saisirait se heurterait pourtant à une plaque incandescente d'une chaleur intolérable. Parfois, quand certaines espèces ne se montrent pas aussi bien armées que les précédentes pour réagir victorieusement, on observe des dispositifs peut-être encore plus intéressants: les espèces s'unissent, s'enlacent étroitement et se transfigurent en plantes sociales. Ne pouvant contre-attaquer isolément, elles se disciplinent, s'agrègent, s'enrégimentent. » (Euclides da Cunha, 1997, p. 42)
En retournant à la ville de Rio de Janeiro, alors capitale brésilienne, ces soldats se sont installés sur l'actuel Morro da Providência, où ils ont trouvé une végétation similaire aux favelas de la morne à Canudos. Ils ont donc appelé cette morne de Morro da Favella, ou tout simplement Favella. Désormais, toute agglomération de baraques insalubres, normalement construits sur les collines en zone urbaine à Rio, sans la possibilité de s’intégrer au tissu urbain existant, sans infrastructure urbaine, faites par une population misérable « sans ordre, sans loi, sans principes, sans moral »5, a été définie comme étant une favela. Aujourd'hui, cette image pionnière des favelas semble être encore dominante dans l'imaginaire populaire, spécialement parmi les habitants de la ville formelle, les non-habitants de favelas. Mais, cette stigmatisation du genre favela est de plus en plus combattue par les connaisseurs et 4 5
Ce qu’on va appeler simplement Interventions urbaines ou interventions urbanistiques. O que é favela, afinal? / organizador: Jailson de Souza e Silva. – Rio de Janeiro: Observatório de Favelas do Rio de Janeiro, 2009.
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intéressés de la réalité actuelle de ces occupations – soit les institutions publiques comme les universités, soit les personnes qui y habitent ou qui y ont vécu. Dans les premières années du XXème siècle, ce phénomène d'occupation informelle du territoire, normalement localisée dans des régions de difficile accès (mornes/collines, mangliers, dunes, etc.), s’est répandu sur l’ensemble des villes brésiliennes, notamment sur les villes-capitales. Le terme favela accompagne la diffusion du phénomène et est utilisé au niveau national. Internationalement, il peut être utilisé pour designer des zones d’habitation sommaires, bidonvilles ou slum areas. Le concept de favela à l’échelle global est trouvé chez UN-HABITAT (site internet), comme le terme utilisé au Brésil pour décrire des zones d'habitat informel ou bidonvilles6, il affirme encore que la définition officielle change régulièrement. Le terme favela concerne une réalité spécifiquement brésilienne, parce que créé dans un certain contexte; dans le cas du Brésil, plus précisément celui de Rio. Les favelas cariocas ont une image très particulière dans l'imaginaire mondial: elles sont associées à une culture particulière, exotique ; ont toujours un rapport avec la nature (végétation) et le relief de la ville; mais encore avec la violence, le trafic de drogues, la prostitution, entre autres images négatives aussi attribuées aux slums, bidonvilles, etc. Nous considèrons le concept de favela extrêmement complexe, dû notamment à l'évolution de l'objet favela le long d'un siècle d'existence dans les plus divers environnements urbains du Brésil. Cependant, la définition de favela, plusieurs fois adopté par les organismes publics, prend comme base un imaginaire populaire qui a peu ou rien changé sur le sujet pendant un siècle. Au Brésil, l'IBGE – Institut Brésilien de Géographie et Statistique – est l'organe national qui a défini favelas comme une « agglomération urbaine sous-normale », mais cette expression est aussi valable pour d'autres occupations. Par « agglomération sous-normale – favelas et similaires » l'IBGE7 a défini comme étant « Un ensemble formé par un minimum de 51 habitations (baraques, maisons...), qui occupent ou ont occupé jusqu’à une période récente, un terrain de propriété d’un tiers (publique ou privée), disposées en général de façon anarchique et dense, n'étant pas desservies, en sa majorité, par les services publiques essentiels. » (Cavallieri, 2009, p.26 : traduit du portugais)
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Favela: Term used in Brazil to describe informal housing areas or shantytowns. The official definition of the term regularly changes. 7
Setor censitário « Aglomeraro subnormal » (favelas e similares) - É un conjunto constituído de, no mínimo, 51 unidades habitacionais (barracos, casas…), ocupando ou tendo ocupado até período recente, terreno de propriedade alheia (pública ou particular) dispostas, em geral, de forma desordenada e densa, bem como carentes, em sua maioria, de serviços públicos essenciais.
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Ce type d'occupation est aujourd'hui un phénomène de niveau international, mais comme affirme Fernando Cavallieri; « on n'a pas doute que le terme et la forme urbaine se sont nationalisés et internationalisés à partir des morros8 cariocas, à travers son originalité historique, sa visibilité, sa puissance culturelle et ses précarités » (Cavallieri, 2009, p.27). L’IBGE présente, cependant, l’enjeu de redéfinir « agglomérations sous-normales » surtout de manière à distinguer les favelas des autres agglomérations similaires, dû aux transformations produites sur l’espace des favelas qui concernent directement sa conception (ibge.gov.br). L’objectif est la définition du nouveau concept lors des études sur le recensement (Censo) 2010. En effet, les favelas cariocas ont passé par des transformations tout au long d'un siècle d'occupation, ce qui fait que le terme ne représente plus sa forme urbaine actuelle. Celle-ci est le résultat de plusieurs investissements principalement provenant de la part de la population, mais aussi de la part du pouvoir publique depuis notamment les années 1980. La plus grande partie des favelas ne sont plus homogènes : on trouve des favelas où la plupart des constructions est réalisée en dur et les habitants accèdent à l’eau et à l’électricité par des branchements irréguliers (mais souvent payés à un tiers), ayant un aspect plus proche d’un quartier formel que des favelas très récentes, bâties avec des matériaux souples. Par ailleurs, une partie croissante des habitants obtiennent le titre de propriété de son habitation, grâce aux programmes publics de mise-en-norme et réglementation des quartiers irréguliers. Ces favelas touchées par l’intervention du Pouvoir public disposent désormais de quelques voies/rues bien consolidées, entre autres bénéfices ponctuels, en matière d’infrastructure basique, opérés afin d'améliorer les conditions de vie de la population. Cela indique qu’en partie, les favelas à Rio ne sont plus caractérisées par la définition nationale de « agglomération sous-normale ». Il faut observer encore le concept donné par la préfecture de Rio de Janeiro à travers son Plano Diretor9. Il considère que « Favela s'agite de la zone où il prédomine la fonction d'habitation, caractérisée par une occupation du sol par la population moins aisée, précarité d'infrastructure urbaine et de services publiques, voies étroites et avec un alignement irrégulier, lots de forme et dimensions irrégulières, et constructions non-autorisées, contraires au modèle légal. » (Rio de Janeiro, 2008, p.54 : traduit du portugais).
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Ici on utilise déjà le terme morro pour parler sur les collines habitées informellement à Rio.
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Le Plan Directeur (document d'urbanisme) de la ville de Rio de Janeiro le plus récente date de 2006. Il prend le même concept de favela du Plan Directeur antérieur, celui de 1992: Art. 147 - Para fins de aplicação do Plano Diretor Decenal, favela é a área predominantemente habitacional, caracterizada por ocupação da terra por população de baixa renda, precariedade da infra-estrutura urbana e de serviços públicos, vias estreitas e de alinhamento irregular, lotes de forma e tamanho irregular e construções não licenciadas, em desconformidade com os padrões legais.
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Ce même document contient un petit historique du phénomène des favelas à Rio, en considérant sa présence dans le paysage carioca depuis plus de 110 années. Il contient aussi un tableau qui compare la croissance de la population urbaine à Rio en rapport à la croissance des populations des favelas de la ville dans la période de 1991 à 2000, ce qui montre que la croissance des favelas, en termes de population, a été beaucoup plus forte que la croissance totale dans la municipalité. Malgré ces données, le Plan Directeur prend le même concept de favela adopté par le document d'urbanisme quatorze ans plus tôt. Cependant, ce sont la Ville de Rio et l'État de Rio de Janeiro, les niveaux du pouvoir public qui détiennent Figure 1.1 : Tableau de la croissance populationnelle des favelas entre 1991-2000 Source : Armazém de Dados/ Instituto Municipal de Urbanismo Pereira Passos a partir des données de l’IBGE
le plus grand nombre d'informations sur ces espaces dits de pauvreté, mais d'une hétérogénéité sociale et spatiale de plus en plus parlante (Valladares, 2006).
Les favelas de Rio, spécialement les plus anciennes, sont des lieux consolidés dans la formation de l'espace urbain, mais toujours en mutation. Alors, pourquoi son concept officiel n'est pas aussi « mutable »? Tout au moins, le nom de l'objet pourrait être mutable ; au lieu de favela, on dit favela carioca pour les occupations qui sont autant anciennes que le terme originel. Dans notre cas, on va caractériser les favelas cariocas du centre de la ville, y compris celles du quartier Rio Comprido, comme étant des espaces avec des habitations bien consolidées, mais aussi avec d'autres plus fragiles; avec un système de voirie assurée par le pouvoir publique, mais aussi des voies sans aucun traitement; avec une partie des maisons légalisées et desservies par les services publiques, mais aussi des nouvelles habitations qui sont bâties de façon irrégulière, voire illégale; avec une population constituée de propriétaires, de locataires, d'envahisseurs, de travailleurs du marché formel et informel, de marginaux, d'hommes, femmes et enfants. Enfin, un espace si hétérogène dans plusieurs aspects, mais qui peut normalement être identifié par la présence d’une morphologie urbaine organique; étant difficile de s’encadrer dans une définition si objective que favela. Mais il faut considérer le fait qu’une favela s’agit d’une production *sociale+ de l'espace urbain, ayant besoin d’être reconnue et acceptée/intégrée comme partie composante et inséparable du territoire de la ville. Les favelas consolidées présentent particularités dans son tissu urbain que, comme les quartiers les plus anciens, enrichissent la configuration urbaine de la ville de Rio grâce à sa diversité. Dû à ses spécificités morphologiques, à sa présence « durable » dans le paysage urbain carioca, les favelas symbolisent une construction sociale spécifique de l'espace urbain, donc une partie du patrimoine de Rio (Carlos Nelson Ferreira dos Santos, 1977).
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Les favelas cariocas sont constituées par une forme d'architecture vernaculaire10, particulière à une région ; dans son cas particulier, nous allons considérer la favela comme étant une architecture authentique. Aujourd'hui, dans le contexte de la mondialisation, les architectures vernaculaires (aussi des architectures authentiques) sont des éléments forts de caractérisation d'une localité, éléments identitaires; ils sont de plus en plus intégrés dans la notion de patrimoine, ce que Françoise Choay appelle « héritages édifiés ». La question tourne autour de la difficulté à maintenir vive l'identité d'une ville, notamment d'une grande ville, si nous ne sommes plus capables de bien utiliser nos héritages édifiés, ni capables de créer ou de faire évoluer notre identité culturelle en termes d'architecture et urbanisme (Choay, 2009). Les spécificités et l'identité de chaque localité – région, ville, pays, culture – en matière d'architecture et urbanisme, en général sont issues du passé, sous la forme actuelle de ce qu'on appelle « patrimoine culturel» (autrefois, seuls les monuments étaient préservés, après, les tissus urbains ont été inclus dans cette notion). Selon Choay, cela est dû au fait de la rationalisation des formes urbaines contemporaines. Cette rationalisation du monde urbain produit des formes urbaines à partir de modèles considérés logiques dans le contexte mondial. Mais parler de contexte mondial par rapport au patrimoine c'est déjà synthétiser, car il n’est pas homogène et sa richesse habite dans la diversité. Tout ce qui est produit ailleurs de la nouvelle logique de l’urbanisme – né à la fin du XIXème siècle, affirmé tout au long du XXème siècle – ce n'est pas (facilement) intégré à l'environnement urbain général. Cependant, tout ce qui est antérieur à cette nouvelle logique – comme les centres urbains de l'époque colonial, au Brésil – passe par un processus de valorisation, ou une prise de conscience patrimoniale. Selon cette même auteur, il faut encore « poursuivre au présent l'invention des particularités spirituelles et matérielles qui fondent la richesse de l'humanité » (Choay, 2009, p. XLIV); un égard importante dans le contexte du « patrimoine mondial » défini par l'Unesco11, mais qui peut être aussi appliqué à une échelle plus petite, celle de la ville ou encore celle du quartier. « Or, par définition, le patrimoine d'une civilisation ou d'une culture lui est propre. La notion d'universalité en matière de patrimoine n'a de sens que comme caractéristique globale de notre espèce, et implique alors la totalité de ses productions. » (Françoise Choay, 2009, p.200)
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Le terme « vernaculaire » désigne la construction qui utilise les ressources et les méthodes disponibles localement pour répondre aux besoins locaux. Dans le contexte des favelas, les constructions sont normalement commencées à partir de matériaux de construction recyclés, des restes de constructions rejetés par la ville formelle. Cependant, l’habitation évolue selon les ressources économiques de l’habitant. Dans ce point, elle peut être plus ou moins vernaculaire selon le sens traditionnel du terme. 11
L'une des définitions de patrimoine naturel et culturel par l'Unesco: Les ensembles: groupes de constructions isolées ou réunies qui, en raison de leur architecture, de leur unité, ou de leur intégration dans le paysage, ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l'histoire, de l'art ou de la science.
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Nous utilisons ici des notions de patrimoine appliquées dans un monde globalisé – notamment celles développées par Françoise Choay en matière de patrimoine – mais il faudrait encore considérer une définition prenant en compte le contexte brésilien. La Constitution Fédérale Brésilienne considère comme patrimoine culturel brésilien tous « les biens de nature matérielle ou immatérielle, pris de façon individuelle ou en ensemble, porteur d'une référence à l'identité, à l'action, à la mémoire des différents groupes formateurs de la société brésilienne » (BRASIL, 1988, Art. 216 : traduit du portugais)12. Pourtant, en considérant l'existence de différents groupes, on commence à reconnaître le groupe des plus pauvres et sa manière de construire la ville en tant qu’intégrants de la société brésilienne. Nous verrons cela à partir des modes d'intervention urbanistique dans l'espace des plus pauvres, récemment consolidé dans le paysage urbain, spécialement le paysage de Rio de Janeiro. La question du renouvellement urbain des zone centrales de la ville de Rio de Janeiro, sujet de la coopération Paris-Rio, est interpelée par la notion de patrimoine édifié – ce qui doit être préservé ou pas – mais surtout et souvent par la discussion sur quelle image donner à la ville, ou encore quelle image valoriser de la ville. Ces questions ont aussi toujours un rapport avec la « marchandisation » du patrimoine culturel édifié – et donc, identitaire – de la ville de Rio; exactement comme on voit lors des interventions de projets urbains dans les centres-villes du monde entier. Ces questions sont aujourd’hui aussi applicables lors des interventions dans les quartiers spontanés, ou favelas. Nous traiterons de celles, aussi bien que d’autres questions, tout au long des chapitres qui suivent.
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Nos quais se incluen: I - as formas de expressão; II - os modos de criar, fazer e viver; III - as criações científicas, artísticas e tecnológicas; IV - as obras, objetos, documentos, edificações e demais espaços destinados às manifestações artístico-culturais; V - os conjuntos urbanos e sítios de valor histórico, paisagístico, artístico, arqueológico, paleontológico, ecológico e científico.
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Chapitre 2 : contexte des transformations 1. La coopération décentralisée Paris-Rio de Janeiro Pour aborder les questionnements autour des interventions sur les quartiers centraux, les interventions sur les favelas, et la notion transversale de patrimoine, nous allons prendre l'exemple et l'expérience sur la coopération décentralisée entre les villes de Paris et Rio de Janeiro. La coopération franco-brésilienne sur les sujets du développement urbain et environnemental a débuté avec le Protocole des Intentions, signé en 2001 par le gouvernement français et la Caisse Économique Fédérale (CAIXA)13. Ce Protocole a institué le Programme de Coopération Technique en Développement Urbain Cidade Brasil, ayant comme objectif le renforcement d'une culture de renouvellement urbain des zones centrales. Depuis la création du Ministère des Villes en 2003, le renouvellement urbain a été intégré à la politique de développement urbain du Gouvernement Fédéral Brésilien. Dès lors, le Programme Cidade Brasil offre un appui technique pour l'élaboration de stratégies de renouvellement urbain de centres-villes en cohérence avec les directives du Ministère des Villes Brésilien. Ce contexte de partenariat entre les gouvernements français et brésilien a favorisé le développement des accords de Coopération Décentralisée entre les villes brésiliennes et françaises, comme il est le cas des villes de Rio de Janeiro et Paris (BRASIL, Ministère des Villes : site internet). Le premier accord de Coopération Décentralisée entre ces deux villes a été signé en 2004, avec la participation de la CAIXA et le Ministère des Villes brésilien. L'accord avait l’objectif de promouvoir l'échange d'informations et d'expériences pour rendre possible le développement d'un processus de réhabilitation intégrée de la zone centrale de la ville de Rio de Janeiro (annexe 01), plus précisément sur les quartiers de la Région Administrative São Cristovão – Benfica, Vasco da Gama, São Cristovão et Mangueira. Ce processus a traité de plusieurs aspects de la problématique de la région de manière transversale, entre eux l'articulation du réseau du transport en commun, afin de relier la région de São Cristovão avec les autres quartiers de la zone centrale. Les travaux développés pendant les deux années de l'accord ont résulté sur le Plan de Réhabilitation Intégrée de São Cristovão, ratifié par décret municipal en janvier 2006. On peut considérer aussi comme conséquence de ce processus, la Loi Complémentaire du 29/07/2004 qui institue le Projet de Structuration Urbaine (PEU) São Cristovão, concernant l’ensemble des quartiers de la région.
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La banque publique brésilienne, agent des politiques publiques du gouvernement.
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La nécessité d’élaborer un Plan de Réhabilitation Intégrée est due à toutes les transformations (urbaines, économiques, sociales) observées dans le contexte d’un quartier ancien comme celuici. Entre ces transformations, on peut citer le changement de ses fonctions résidentielles pour fonctions industrielles dans les années 1930, et plus récemment la perte des industries, qui vont fonctionner dans les périphéries métropolitaines. De manière générale, cela reflète énormément la population qui occupe le quartier, et donc la vie urbaine. On assistait alors, à la dégradation socio-économique du quartier et l'arrivée d'un processus d'abandon et dégradation des bâtiments – plusieurs avec une valeur historique, donc une valeur de patrimoine culturel urbain – et de l’infrastructure urbaine. À côté des problématiques liées au patrimoine urbain sous-utilisé et sousvalorisé, on considère déjà la présence d'un phénomène urbain très fort à Rio: cette zone, qui contient l'une des plus « traditionnelles » favelas de Rio, aujourd'hui quartier de la Mangueira, continue à être peu à peu occupée par d'autres favelas. Il est important de noter que l'ancienne favela da mangueira a été traitée de manière égale et intégrée dans le contexte de São Cristovão, pas seulement dans le cas du Projet de Structuration Urbaine, mais aussi dans l'ensemble de législations urbaines concernant le quartier de Mangueira. Dans un premier moment de la coopération Paris-Rio, la question des favelas a été mise de côté, en vue notamment de la problématique la plus parlante pour ce quartier dit historique: « L’enjeu est stratégique : paupérisé, dégradé, engorgé, le centre de la ville de Rio de Janeiro a perdu ses habitants et ses activités, au profit de zones périphériques. La revitalisation du centre-ville devient donc une urgence pour la métropole brésilienne, sur le plan urbain, social et économique. » (France Diplomatie – Atlas français de la coopération décentralisée : diplomatie.gouv.fr)
Pour cet enjeu stratégique, la coopération de Rio de Janeiro avec Paris s’est complètement fondée sur l'expertise parisienne en termes de renouvellement urbain de zones centrales, mais surtout sur la notion de réhabilitation intégrée, qui : « (…) allie à la proposition de requalification de l’espace urbain, le développement économique
et
social,
la
reformulation
du
système
de
viaire
et
des
transports, l’augmentation de la qualité environnementale et l’intensification de la production du logement ; de manière à promouvoir le repeuplement de la région et pulser le développement durable, fondés sur l’amélioration de la qualité de vie » (IPP – Plan de Réhabilitation Intégrée de São Cristovão, 2006 : traduit du portugais).
Dans ce contexte, la coopération parisienne avec la ville de Rio de Janeiro encourage la prise de conscience sur l’importance de la transversalité en termes d’urbanisme, une caractéristique qui manque encore aux politiques urbaines au Brésil. Cette première expérience de la coopération Paris-Rio de Janeiro est partie du cas concret d'un quartier central de Rio – São Cristovão – visant à la construction d'une stratégie territoriale pour 15
être la base du développement local du quartier, et aussi des futurs projets urbains dans l'ensemble de la zone centrale. L'expérience sur São Cristovão est terminée en 2008, avec la mise en œuvre du plan de réhabilitation intégré du quartier, et l'assistance à Maîtrise d'Ouvrage auprès de la Mairie de Rio pour l'accompagnement du projet sur le Centre Historique de Rio (France Diplomatie, site internet). À ce moment, en 2008, une nouvelle phase de la coopération était en cours d'instruction pour poursuivre l'assistance technique parisienne sur l'aménagement de l'ensemble de la zone centrale et portuaire de Rio. Son début était envisagé pour l'année 2009, en vue de la prise de fonction du nouveau et actuel Maire de Rio de Janeiro, Eduardo Paes. Avant la signature de ce nouvel accord de la coopération décentralisée, une mission à Rio a été organisée du 5 au 12 septembre 2009 afin de définir en concertation avec les techniciens cariocas le contenu de chaque composante de travail, les objectifs opérationnels pour cette nouvelle phase, bien comme un calendrier de travail. Il s’agissait, alors, la mission de démarrage pour cette phase allant de septembre 2009 à septembre 2010, pour laquelle un cofinancement du Ministère des Affaires Étrangères et Européens a été obtenu à l'été 2009. L'accord a été effectif le 27 Octobre à Rio de Janeiro, lors de la visite du Maire de Paris, Bertrand Delanoë. L'objectif central du projet de coopération, défini pour cette phase, est d'appuyer la Municipalité de Rio de Janeiro dans la revitalisation de la zone centrale de la ville (figure 2.1). Il s'agit d'accompagner le passage des études à leur réalisation, en permettant aux responsables politiques
et
opérationnels
cariocas
de
construire
un
ensemble
actualisé
d'outils
méthodologiques de mise en œuvre des aménagements projetés lors des phases précédentes de la coopération. Il s'agit donc, de passer d'une vision stratégique, nourrie par les différentes études menées, à une phase de mise en œuvre (Rapport de la première mission, septembre 2009).
Figure 2.1 : Photo aérienne détachant les quatre régions administratives du centre cariocas et le secteur d’étude Source : élaboration ayant comme base les données cartographiques de la Municipalité de Rio
Pour le projet de coopération 2009-2010, une nouvelle problématique a été intégrée dans le contexte du renouvellement urbain des quartiers centraux à Rio: la restructuration d’une partie 16
de la région administrative du Rio Comprido est le sujet d'une des trois composantes du programme de coopération. Dans la pratique, cette restructuration doit se passer surtout au niveau des favelas de la région, entre les plus anciennes de la ville de Rio, de façon à les « ouvrir » et les intégrer à la ville formelle. 3 thèmes de travail au programme de cette phase de coopération Composante 1 : Assistance à la maîtrise d’ouvrage pour la requalification de la zone centrale de Rio, à travers le quartier pilote de Rio Comprido. Cet axe consiste à fournir à Rio une assistance technique transversale pour l’accompagner dans le pilotage et la mise en oeuvre du projet de requalification de sa zone centrale, en travaillant sur un secteur pilote identifié en concertation avec la Municipalité de Rio de Janeiro : le secteur Rio Comprido / Catumbi. Composante 2 : Appui à la réalisation d’un schéma directeur dans le domaine des transports Paris travaillera avec Rio de Janeiro à l’élaboration d’une première étude sur le système de transports de la Zone centrale. Cette étude, tournée vers la faisabilité d’un système de transport de moyenne capacité sur la zone, sera menée en tenant compte des dynamiques structurantes à l'œuvre dans le domaine des transports (rationalisation des services de minivans, billet unique, prolongation ligne de métro, évolution des enjeux en fonction des JO 2016…). Elle associera les compétences du SMU et du SMT et mobilisera les compétences de l'État de Rio. Composante 3 : Mise en œuvre d’une démarche adaptée en matière de logement social La question du logement, et en particulier du logement social, est un enjeu important dans la démarche de requalification de la zone centrale. L’ambition de cette composante est de concilier les différentes contraintes et atouts du territoire, sur le plan de son architecture, de son patrimoine urbain et de l’habitat, en définissant des démarches prescriptives et incitatives visant à faire lace à de nouveaux habitants. (Rapport de Mission, novembre 2009, p. 4)
Nous pouvons observer que, dans la description des composantes, le sujet favela n'apparaît pas; l’aire de projet à Rio Comprido est citée comme un autre quartier de la région centrale de Rio. Au premier regard, on peut penser que la problématique générale continue la même du premier accord de coopération, concernant les processus de dégradation et gentrification identifiés à São Cristovão et communs à d'autres quartiers historiques. Maintenant, nous voyons que l'ensemble de la zone centrale n'a pas exactement perdu ses habitants au profit des zones périphériques, comme montré avec l'enjeu stratégique cité antérieurement; il y a une partie du centre où la population continue à habiter, à côté des autres parties considérées officiellement « de valeur historique » qui perdent ses habitants et ses activités. Cette nouvelle réalité peut constituer un défi pour l'expérience parisienne en termes de renouvellement urbain des zones centrales, et au même temps, on voit une opportunité pour mettre en place un vrai échange de connaissances sur les solutions urbanistiques adaptées à chaque contexte particulier.
17
Les problématiques des quartiers centraux à Rio comme à Paris sont aussi accompagnées des questions sur le logement social, ce qui explique la composante trois. Cependant, la grande différence se trouve dans la production informelle de ces habitations sociales, trouvées très fortement à Rio, soit sous la forme des favelas, soit par l'invasion des bâtiments abandonnés du centre dit historique. Pour rendre possible l'ouverture du quartier à l'ensemble de la zone centrale, aussi bien que pour implanter des alternatives du logement social, le projet va jouer fortement sur le système de voiries et sur les transports en commun, ce qui passe aussi par la composante deux. Cette composante et la troisième doivent opérer dans une échelle plus large que celle du quartier, l'échelle de la zone centrale. Toutefois, nous allons rapporter les expériences d’intervention sur la zone centrale avec les enjeux sur la zone de projet à Rio Comprido, qui présente aussi la corrélation entre patrimoine culturel urbain et favela. 2. Rio Comprido: zone de projet et quartier central de Rio « Rio Comprido se présente à nos yeux comme un territoire multiple d'ores et déjà en mutation » (Rapport de mission, Avril 2010, p.8)
Notre zone de projet s’insère dans la Région Administrative Rio Comprido, intégrante de l’aire de planification la plus ancienne de la ville de Rio (Figure 2.1 : Photo aérienne détachant les quatre régions administratives du centre cariocas et le secteur d’étude; annexe 01). Cette Région, comme São Cristovão contient aussi quatre quartiers: Catumbi, Cidade Nova, Estácio e Rio Comprido (figure 2.2). En effet, la zone cible délimitée ne comprend qu'une partie du quartier Rio Comprido, elle comprend notamment les quartiers Catumbi et Estacio, et aussi le quartier Cidade Nova, où se trouve quelques équipements importants de la ville, entre eux, la Mairie de Rio et la Passerelle Professor Darcy Ribeiro, ou le Sambodrome – l'un des monuments les plus connus de Rio (et même du Brésil), d'où sont prises les images qui rendent célèbre le carnaval brésilien (figure 2.3). En ce qui concerne son histoire, l'urbanisation de Rio Comprido correspond à celle de la ville de Rio de Janeiro; son occupation s'est intensifiée au début du XXème siècle, soit de manière formelle, soit informelle à travers ses favelas. Avant cette période d'urbanisation croissante, pendant le XIXème siècle, la région était occupée par quelques fermes, propriétés d'une population aisée de la alors capitale brésilienne. Au milieu du siècle XX, avec le changement de la capitale brésilienne de Rio pour Brasília, la ville a connu quelques transformations urbaines afin de se moderniser aussi en tant qu’ancienne capitale. Conforme aux critères de l'urbanisme de l'époque, il faudrait rendre la ville adaptée aux progrès technologiques, dont l'automobile. La ville a reçu, alors, plusieurs viaducs et tunnels, comme ceux de l'avenue Freyssinet et de l'avenue 31 de Março. Les nouvelles avenues sur viaducs deviennent des vraies coupures urbaines de la région Rio Comprido, au lieu des anciennes rivières 18
Rio Comprido et Rio Catumbi. Le relief contribue pour l'enclavement de la zone, mais dû à la bonne localisation dans le centre de Rio, les morros (mornes, collines) de Rio Comprido seront densément occupés notamment à partir des années soixante jusqu'à aujourd'hui. « À partir de ce moment, les favelas ne sont plus contenues et contaminent le secteur ». Malheureusement, contamination est le terme utilisé pour l'occupation des favelas sur les zones d'habitation formelle, même au sein de la préfecture de Rio de Janeiro. « Préserver les quartiers formels de la contamination des favelas » apparaît comme l'un des enjeux principaux de la coopération, à côté de « proposer une évolution de la zone centrale aujourd'hui occupée par quatre favelas », entre autres (Rapport de mission, de novembre 2009, p.8 : toutes les citations de ce paragraphe).
Figure 2.3 : Quartiers de Rio Comprido
Figure 2.2 : Zone de projet et repères (annexe 03)
Source : élaboration { partir des données d’IPP
Source : élaboration propre sur photo aérienne google.maps
Dans le contexte de Rio de Janeiro, dont l'exemple est Rio Comprido, nous observons un phénomène paradoxal: dû à sa densité, les favelas descendent les morros de manière à atteindre les zones résidentielles anciennes, qui sont dévalorisées, considérées dangereuses, et donc abandonnées par ses habitants à la dégradation. Rio Comprido : un site fait de coupures. « Aujourd’hui, le nord et le sud de Rio Comprido fonctionnent comme deux entités totalement disjointes. Le relief joue pour beaucoup dans ce phénomène de coupure puisque les voies descendant depuis Santa Teresa, comme la rue Barão de Petropolis, finissent par heurter le relief de la favela São-Carlos, le contournement s’effectue alors par la rue Itaipiru. » (Rapport de Mission, Avril 2010, p.8)
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A Rio Comprido existent quatre favelas sur morros – São Carlos, Catumbi ou Mineira, Azevedo Lima et Santos Rodrigues ou Querosene – les plus vastes et denses étant São Carlos et Catumbi. La colline habitée la plus ancienne de Rio Comprido est le Morro de São Carlos, dont l'occupation remonte aux premières années du siècle XX. Aujourd'hui, cet ensemble de morros s’appelle Complexe São Carlos et comprend plusieurs occupations de favelas grandes et petites, qui se mélangent visuellement, dont la favela São Carlos fut la première occupation. Elle est aussi considérée l'une des plus anciennes favelas à Rio de Janeiro et, comme une grande partie des occupations informelles du centre, elle a été fréquentée par plusieurs artistes et bohèmes liés au samba tout au long du siècle passé, et aussi par des représentants religieux, étudiants et intellectuels qui étaient contre le régime de la dictature militaire, dans les années 1960 et 1970 (favelatemmemoria.com.br). De cette façon, la favela a reçu un fort appui des personnes qui la fréquentaient et l'ont aidé à s'organiser en tant que communauté urbaine. L'organisation a fait que la communauté puisse exiger du pouvoir public l'essentiel en infrastructure urbaine pour une qualité de vie acceptable; un droit qui a été nié à cette population notamment pendant l'époque de la dictature (1964-1984). Cependant, la structure des habitations a été améliorée par la propre population, dans un processus continu de renouveler et remplacer les matériaux fragiles par de la maçonnerie et du concret. Aujourd'hui, à Rio Comprido en général comme sur le site de projet, cohabite une grande diversité architecturale, selon l'époque de construction, surtout dés les années 1920. On peut observer que les bâtiments des favelas sont si solides que les autres du quartier, même avec une typologie simple, elles sont aussi présents dans le paysage et l'histoire de Rio que lesquels de la ville formelle (Figure 2.4: Morro da Coroa). La
région
abrite
une
grande
diversité
d'équipements comme la Mairie et le Sambodrome, cités auparavant, mais aussi un Centre de Congrès, des Hôpitaux, des Universités, etc. D'ailleurs,
Figure 2.4: Morro da Coroa Source : Rapport de Mission avril 2010
« La double échéance de la coupe du monde de football en 2014 et des jeux olympiques de 2016 va ponctuellement donner au site un rayonnement international. Lors de ces événements, le Brésil enverra au monde entier une image qui sera partiellement faite de ce que les journalistes verront de Rio Comprido » (Rapport de mission, avril 2010, p.8).
20
Cela dit, dû au fait de l'implantation du village des médias, pour loger les professionnels de la presse internationale pendant les JO, et du centre des médias, presse et télévision; prévus pour la zone portuaire, à côté de Rio Comprido (figure 2.5). Aussi bien, d'autres installations pour les Jeux sont prévues pour toute la zone centrale. Il faut noter encore l'arrivée de la première ligne TGV brésilienne, qui devra lier les villes de Campinas, São Paulo et Rio de Janeiro, dont la gare sera implantée à la Praça da Bandeira/Leopoldina, aussi au centre. Nous observons qu'il y a un vrai intérêt à s'investir dans la région, et profiter des grandes entreprises urbaines prévues, pour
attirer
des
nouveaux
habitants et donner de la qualité de vie aux habitants existants, Figure 2.5: extrait de la présentation du nouveau projet Porto Olimpico Source : Antoine Souligner – IPP
partie
est
dont
une
formée
grande par
la
population des favelas et par les
moins aisés. La solution trouvée par la Ville de Rio, concernant la zone centrale (dont Rio Comprido n’est qu’une partie) est « l’intensification de l’usage résidentielle pour la population de classe moyenne et, en suite, la population moins aisée, objectivant promouvoir une saine pluralité d’usages et une mixité sociale » (IPP, 2005). Entre les quatre régions administratives du centre, Rio Comprido est celle avec la plus importante population (annexe 01b). Il présentait en 2004 une densité populationnelle équivalente à 12.700hab/Km2 (habitants au kilomètre carré) ; le plus dense, suivi par São Cristovão avec 9.460hab/Km2, alors que l’ensemble de la zone centrale présentait en moyenne environ 7.800hab/Km2 (IPP, 2005). Cela peut être un reflet de la grande occupation par des favelas car, hors le Complexe São Carlos, la région présente un grand nombre de favelas. Selon la Ville de Rio, la zone centrale nécessite en général d’investissements en termes d’infrastructure urbaine (notamment drainage et assainissement) et de qualité urbanistique des espaces publics, étant aussi applicable au contexte des morros-favelas. La Ville de Rio affirme aussi que les questions urbaines du centre concernent fortement la rationalisation du service de transportes – les diverses liaisons multimodales et l’effort continu pour améliorer les conditions de circulation piétonne. Le transport à Rio, comme au Brésil, donne priorité à l’usage des voitures, pourtant le transport en commun s’est fait essentiellement par les bus et vans. Lors de la coopération, selon la composante deux, le sujet transport a été fortement travaillé en concernant toute la zone centrale, surtout la région portuaire. Dans un premier moment (première mission) le focus a été donné à l’étude pour l’implantation de la première ligne de tramway (VLT – véhicule léger sur rails 21
/trilhos), envisagée pour 2014, afin de desservir et de connecter la zone portuaire à l’ensemble du centre. Ainsi, plusieurs propositions ont été élaborées visant à la mise en place d’un réseau de transport en commun multimodal – à l’échelle du centre et à l’échelle de la région métropolitaine. Dans un deuxième temps (préparation pour la mission d’avril 2010), le sujet du transport s’est élargi, et on pense à traiter la zone centrale de manière plus globale. L’implantation d’un système de BRT (Bus Rapid Transit) est en cours, projeté dans l’échelle de la métropole, aussi bien qu’une restructuration du réseau de métro. La zone centrale reçoit des propositions pour prioriser la marche à pied ; même son avenue principale (l’Avenida Rio Branco) est étudiée pour devenir exclusivement piétonne. Les innovations en matière du transport en commun sont si bienvenues dans le contexte des favelas, que dans la revitalisation portuaire, avec l’objectif de changer l’image négative de ces deux contextes urbains cariocas. La qualité de vie dans les favelas concerne aussi son accessibilité et sa liaison avec la ville formelle, mais surtout par les questions de sécurité, soit en ce qui concerne la violence urbaine et le trafic de drogues, soit par rapport aux risques naturels, surtout les glissements de terre et les inondations. Dans ce contexte, quelques évènements importants se sont produits concernant la zone de projet, pendant la période de stage, entre eux; le meurtre du chef des trafiquants de São Carlos par la police; la démolition de la prison Frei Caneca, considérée la plus ancienne du Brésil; et une pluie ininterrompue pendant les journées des 5 et 6 Avril causant d'importantes inondations et glissement de terrains sur la ville de Rio. Ce dernier événement a eu des fortes conséquences sur le secteur d'études, ayant plusieurs victimes notamment sur les favelas. Ceci a suscité sur le pouvoir public un sentiment de négligence, pour avoir permis que ces populations occupent de manière informelle des terrains dangereux sur les morros. La municipalité et l'État de Rio de Janeiro se sont vus forcés à revoir leurs politiques d'intervention sur les zones de favelas et même à reconsidérer la pratique de bouleversement de favelas entières. Cependant, juste après les inondations, la décision était de démolir les maisons localisées sur les terrains susceptibles ou proches des glissements, et reloger ses habitants dans des logements sociaux produits par le gouvernement. La responsabilité du pouvoir public sur la question de l'habitat pour les plus démunis est à nouveau mise au point, notamment face aux risques naturels, mais aussi concernant la manque d'une politique forte en matière d'habitation sociale. La production du logement social par le gouvernement est une pratique qui s'accentue depuis ces dernières années et le profit de l'infrastructure de la zone centrale pour promouvoir son (ré) habitation social est un vrai sujet aussi pour cette coopération. Même dans la zone de projet, le terrain de l'ancienne prison a été destiné à la construction d'un ensemble de logements sociaux, malgré les préjugés sur le terrain.
22
3. Les interventions du pouvoir public sur les favelas: Rio de Janeiro et Rio Comprido Pour une petite mise en contexte, nous allons prendre quelques pratiques-clés du pouvoir public par rapport aux zones d'habitation spontanée, plus connus comme favelas. Dans le cas de Rio Comprido, on voit que la région porte quelques favelas entre les plus anciennes de la ville de Rio – et donc, depuis le début du phénomène des favelas – comme le Morro de São Carlos, qui a passé par les diverses phases des politiques d'intervention du pouvoir public sur ces zones d'informalité. L'apparition au début du XXème siècle des premières occupations informelles, reconnues comme favelas dans la ville de Rio de Janeiro, est en grande partie due à la réorganisation de l'espace urbain carioca, opérée par l’alors préfet de Rio, Francisco Pereira Passos, souvent appelé le Haussmann brésilien. La réorganisation s'est constituée de l'ouverture de grandes avenues et espaces publics dans la zone centrale, ce qui a impliqué la démolition d’îlots entiers, notamment lesquels où habitait la population la plus démunie, expulsée du centre pour aller habiter en périphérie (Rio de Janeiro, 2003). Loin des services, commerces, emplois, de la bourgeoisie, etc. cette population rentre au centre pour se rapprocher et va habiter dans ses morros. La favelisation s'est étendue sur tout le territoire de la ville dès les années 1920 et 1930, notamment sur les axes d'urbanisation et sur les zones d'industrialisation, où il y avait une perspective d'emploi (Sousa e Silva, 2009). Plusieurs occupations considérées favelas ont commencé ayant une base formelle, comme des lotissements populaires construits par le gouvernement, ou fondées sur une ouverture dans le marché immobilier – les propriétaires de grands terrains (antérieurement agricoles) faisaient des lotissements destinés à être achetés ou loués par la population la plus pauvre. Mais, en effet, le contrôle de la densification et la régularisation de ces lotissements auprès de l'organisme public n'a été jamais conclue de manière intégrale. La précarité, soit juridique soit urbanistique, de ces occupations a été la justification du manque d'investissements du pouvoir public en matière de services en commun et d'infrastructure. Du côté de la population, cela a rendu difficile la formulation des revendications, fondées sur l'accès aux droits fondamentaux (Soares Gonçalves, 2010). Les premières actions du pouvoir public ont eu lieu dans les années 1950, avec des interventions ponctuelles et limitées, de façon à maintenir la précarité et le caractère provisoire des favelas. A ce moment, les interventions étaient vues comme des faveurs à une population qui n'avait pas le droit social à la ville, et en général les politiciens (populistes) les exécutaient avec toujours l'intérêt à gagner les votes et l'appui politique de cette population « bénéficié ». Dés les premières années du phénomène, la législation concernant les favelas a été élaborée de façon à comporter la possibilité juridique de l'éradication des favelas (Soares Gonçalves, 2010). L'exemple le plus violent est celui de la politique d'élimination des favelas qui a expulsé plusieurs milliers de personnes dans la période de 1962 à 1977, pour aller occuper les périphéries les plus distantes et les parcs prolétaires si précaires. Ces actions n'ont pas obtenu le succès désiré, 23
notamment à cause de la chute du régime de dictature militaire, à la fin des années 1970 et début des 1980. L'exemple les plus connu est celui de la favela do Vidigal14, dont l'association des habitants a eu l'appui de l'église catholique et de certains importants juristes de l'époque, ce qui a marqué la fin de la politique de déménagement. Ces expériences ont occasionné d’énormes changements dans la politique urbaine du pays; en concernant les favelas, la plus forte cause de la réforme a été l'organisation communautaire, qui a passé à revendiquer son droit à la ville, avec l'ouverture à la démocratie dans les années 1980. En ce moment, le pouvoir public se trouve obligé à donner de la qualité urbaine – services et infrastructure – à ces populations de plus en plus importantes; il commence le processus d'urbanisation des favelas. Cette urbanisation devrait se passer de manière physique comme juridique, avec l'objectif d'intégrer la favela à la ville formelle. Pour les habitants, l'important n'était pas seulement d'avoir l'accès aux services d'eau et d'électricité, un bon traitement de voirie, etc. ; mais la propriété formelle de l'habitation, ce qui garantisse la sécurité foncière, la protection contre l'expulsion. Toute au long des années – depuis les années 1980 avec l'implémentation du concept des Zones Spéciales d'Intérêts Sociaux (ZEIS) 15 – plusieurs politiques ont été instituées avec l'intention de se formaliser la propriété des habitants des favelas. La sécurité foncière devrait alors être le premier pas pour l'amélioration physique, soit des habitations par les propres habitants, soit de l'infrastructure et l'implantation des services communautaires (institutions d'éducation et culture, santé, accompagnement social, etc.). D'ailleurs, la sécurité foncière a l’important rôle d'atténuer le processus de gentrification16. Cependant, encore aujourd'hui, les programmes d’urbanisation des favelas n'ont pas réussi à les intégrer complètement à la ville formelle. La question de la propriété contient d'autres problématiques plus complexes, par exemple: une grande partie de la population est locataire de ses maisons, lorsque le « propriétaire » est celui qui les a construit, mais il habite d'autres régions de la ville formelle. Néanmoins, comment donner le titre de propriété au locataire? Ou encore, quel est le droit du propriétaire? La « culture de la propriété » a été bien signalée par l'équipe de la coopération Paris-Rio. Toutefois, les données sur les favelas de Rio Comprido indiquent que 8,6% du total des habitants sont locataires de ses habitations (IPP, 2010). Le constat de la présence des locataires informels 14
La municipalité alléguait exister la nécessité de déménagement pour protéger la vie des habitantes de la favela, en vue du danger d'écroulement des maisons. En effet, la région passait par une soudaine valorisation immobilière, visée par les entreprises internationales des hôtels de luxe, attirées par la richesse du paysage naturel; l'encontre de la colline (où se localise la favela) avec la mer. (Soares Gonçalves, 2010) 15
Les ZEIS sont classifiées en deux groupes : ZEIS 1 concernent les aires publiques ou privées occupées par des agglomérations précaires (favelas, lotissements et ensembles résidentiels irréguliers, habités par des familles à bas revenu). ZEIS 2 concernent les aires vides/vacantes ou sous-utilisées, et bâtiments non-utilisés, adéquats { la production d’Habitation d’Intérêt Social. (Brasil, Ministère des Villes : site internet) 16
Entendue ici alors que l’expulsion de la population originelle d’une zone urbaine, pour donner lieu { une autre population, en résultat surtout de la valorisation foncière.
24
au sein des favelas a motivé la proposition pour l’implantation d’un parc de logements sociaux locatifs, lors de la coopération. Mais le pourcentage des locataires peut changer d'un jour à l'autre en vue de l'informalité, donc du manque de contrôle sur ces données, et de la rapidité des transformations dans l'environnement des favelas. Cette rapide transformation rend difficile un accompagnement de la croissance de la population des favelas. D’ailleurs, l'implantation ou la perspective d'un programme d'urbanisation et régularisation foncière normalement attire des nouveaux habitants dans l'espoir d'avoir aussi leur titre de propriété. Dans le contexte des années 1980, avec la croissance accélérée, l'infrastructure interne des favelas restait très précaire, aussi bien que la sécurité foncière des habitants. En 1994, la municipalité de Rio sous l'administration de César Maia a lancé le plus ample programme d’urbanisation des favelas, appelé Favela-Bairro, dont l'objectif était de donner l'infrastructure nécessaire aux favelas pour qu'elles puissent être transformées en vrais quartiers (bairros). Il a été implémenté avec d'autres programmes de la politique d'habitation, comme celui de réglementation foncière et titulaire, qui visaient surtout l'intégration juridique des favelas à la ville formelle. Cependant le Favela-Bairro a gagné beaucoup plus de visibilité et opérationnalité par rapport aux autres programmes, mais avec les interventions physiques, les habitants n'ont qu'une sécurité apparente (et encore informelle) sur la propriété foncière. Le risque de déménagement reste, surtout quand on observe une augmentation de la valeur foncière où le programme a opéré, et où est déjà observé une dynamique de gentrification – même si les zones de favelas restent associées à l’illégalité et à la violence urbaine. Ce programme concerne aussi notre zone de projet à Rio Comprido; la plus grande partie des communautés17 de la région a été touchée par le programme et a reçu des améliorations avec l'implantation ou la complémentation des divers réseaux des services publics, et des traitements urbains ponctuels. Parmis ces interventions ponctuelles, nous pouvons citer celles qui visent la contention des versants, mais aussi (et peut-être surtout) la contention de
Figure 2.6 : Mur de la Favela São Carlos Source : Rapport de Mission novembre 2009
l'expansion des favelas; elles consistaient dans la construction de murs et l’imperméabilisation des pentes, aussi observées dans le Morro de São Carlos (figure 2.6). Aujourd'hui, on observe que ces interventions ont formé des vraies cités murées, mais la pratique continue à être reprise sur de nombreux cas à Rio.
17
Aujourd’hui le terme est souvent utilisé en substitution { favelas.
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Les interventions ponctuelles peuvent améliorer petit à petit les conditions urbaines des favelas, mais sans une continuité des actions, ces interventions peuvent être « perdues » dans un futur proche, dû au manque d'investissements pour le maintien et surtout à l’insuffisance des investissements. Cela est aggravé par la croissance continue des populations et la croissance horizontale des favelas. Dans le cas des communautés de Rio Comprido, les interventions du Favela-Bairro se sont passées de manière différente dans chacune, en général apportant une meilleure qualité urbaine, mais encore très loin d'être considérées un quartier formel, notamment par l'incomplétude des opérations prévues. L'accès aux informations précises sur les interventions do Programme n'est pas si évident d’avoir – l'APUR est toujours dans l'attente des données pour évaluer son intervention dans le secteur Rio Comprido. Les médias, dans ce cas, sont une grande source d'informations provenant notamment de la propre communauté, où les personnes intéressées et les journalistes vont chercher l'information in situ. Il vient d'être lancé, le dernier 28 Juillet, le programme successeur du Favela-Bairro, appelé Plan Municipal d'Intégration des Occupations Précaires Informelles, ou simplement Morar Carioca. Il promet d’urbaniser toutes les communautés informelles de Rio, dans une période de 10 ans, jusqu'à 2020. Il a été lancé pour intégrer le Plan du Légat Urbain/Social de la préfecture de Rio pour les Jeux Olympiques d'été 2016 (Ville de Rio : site internet). Entre les communautés touchées par la première phase du nouveau programme, nous trouvons le Morro de São Carlos et le Morro da Coroa, les deux dans le périmètre d'étude à Rio Comprido. L'innovation de ce Programme par rapport au Favela-Bairro s'agit de l'investissement sur la maintenance, soit des habitations, du maillage urbain existent, des interventions déjà réalisées, soit de l'aire occupée par la favela – contention de la croissance et amélioration de ce qu'il existe au début du programme. Cette contention sera accompagnée d’un contrôle de l’apparition et de la croissance irrégulière des favelas, rendu possible à travers la cartographie annuelle des occupations (aujourd’hui elle est faite tous les 4 ans). Nous ne voyons pas, pourtant, une préoccupation plus marquante avec la sécurité foncière des habitants, ce qui peut induire un processus de gentrification sur les (anciennes) zones de favelas, notamment à cause de la richesse du paysage vu à partir des morros. Aujourd'hui, un autre facteur qui peut démarrer un processus de gentrification, du à l’augmentation de la valeur de marché des terrains localisés sur les morros, sont les interventions publiques concernant la lutte contre la violence et le trafic de drogues, avec l'implantation des Unités de Police Pacificatrice (UPP). On observe une forte augmentation de la valeur foncière sur les favelas qui ont reçu ses UPP, dont la Dona Marta a été la pionnière; la valeur du terrain a été multipliée par 5 suite à l'implantation de l'UPP (Rapport de Mission, avril 2010). Nous voyons l'extrême nécessité de ces Unités pour la vie des communautés – dans les dernières interventions, l'implantation des UPPs précède tout travail social et de règlementation foncière auprès des habitants, et donc les interventions physiques qui viennent après. 26
En ce qui concerne la production d'habitations, le programme Minha casa, Minha vida est un programme transversal qui opère aussi18 par rapport aux zones de favelas, comme celles de Rio Comprido, mais de manière à doter ses alentours d'habitations sociales destinées aux populations retirées des terrains à risque. Ce programme présente des innovations concernant l’accès au crédit, car dans les conditions pour l’achat de l’immeuble, on nécessite une « confirmation de revenu (formel ou informel) juste pour cliché du programme » (CAIXA, 2009, p.9). Cela intègre une grande partie de la population des favelas, qui n’avaient pas l’accès au crédit (et au marché formel) dû à l’informalité du revenu. Sur le secteur de projet, par exemple, ce programme doit utiliser l'aire qui comportait l'ancienne prison pour construire un certain nombre de logements sociaux. Le programme est d'envergure nationale, bien comme le PAC – Plan d'Accélération de la Croissance – qui a aussi une forte présence dans les favelas de Rio de Janeiro. Les interventions urbaines en favelas les plus innovatrices de l'actualité à Rio, sont (curieusement) opérées par le gouvernement de l'État de Rio de Janeiro, et très peu par la municipalité; elles cherchent notamment mettre en rapport le système de transporte en commun avec la consolidation des habitations et de la morphologie existante. On peut citer comme exemple l'implantation d'un système d'ascenseurs qui doit relier la communauté du Morro do Cantagalo avec la ville formelle et le système de métros. La nouvelle alternative du transport en commun a été inaugurée le dernier 30 Juin, set mois après l'occupation de la favela par une Unité de Police Pacificatrice. On voit, donc, la tendance des interventions urbaines qui s'opèrent seulement après une intervention policière. Les alternatives du transport en commun sont trouvées de manière à démolir un minimum d’habitations et pourtant changer le minimum possible l'espace et les caractéristiques physiques de la favela – habitations et tracé déjà existantes et consolidées – toute en donnant l'accès au système de transport et connectant au réseau de voiries. Un autre enjeu qui apparaît dans le contexte des nouvelles interventions est le tourisme: avec la sécurité et la qualité de l'environnement urbain, la population et le pouvoir public sont motivés par l'idée d'avoir un flux de touristes dans les anciennes favelas, attirés par la vue du paysage urbain que le relief de colline donne sur la ville, mais aussi par la culture do morro et l'histoire d'une occupation urbaine si particulière; ayant même l'implantation de musées dans la communauté. À côté des processus de gentrification, cela présente une parallèle évident avec la notion de patrimoine (concernant le tourisme et la préservation d'une mémoire et une identité collective), de plus en plus développée et appliquée dans ce début de siècle, dans les opérations urbaines. De manière générale, les interventions cherchent à donner de la qualité urbaine et à mettre en 18
Il opère de manière globale, afin de favoriser l'accès à la propriété aux populations qui gagnent jusqu'à 10 salaires minimums.
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valeur ce qui peut caractériser un territoire ou une ville; ceci a un rapport avec l'idée du city marketing – une façon de vendre une image identitaire de la ville pour qu'elle puisse avoir une visibilité régionale, nationale ou internationale plus importante, notamment fondée sur ses différentiations et, alors sur son patrimoine. En ce qui concerne la ville de Rio, une image qui tend à être identitaire de la ville s'agit des favelas sur morros, à côté (bien sûr) des richesses naturelles, des monuments et de la culture carioca (souvent confondue avec la culture brésilienne en général). Cela peut-être la cause des investissements sur le patrimoine des favelas ; une forme d'affirmation de son histoire et de sa culture. Mais le patrimoine des favelas peut-il être aussi considéré (et vendu) comme patrimoine de la ville? Ou la propre favela, avec son spécificité culturelle, architecturale et urbanistique – peut-elle être reconnue un patrimoine carioca? 4. Les interventions du pouvoir public sur les centres historiques: Rio de Janeiro et Brésil De manière générale, quand on pense au patrimoine construit, il nous remet aux régions plus anciennes de la ville et à ses bâtiments; ces éléments qui sont témoins de l'histoire urbaine. En s'agissant des interventions sur les quartiers centraux historiques de Rio, l'enjeu de valoriser l'histoire et l'identité urbaines à travers le patrimoine construit, passe aussi par l'enjeu de présenter une bonne image de la ville, ce qu'on observe aujourd'hui concernant les opérations urbaines pour les événements sportifs de visibilité internationale de 2014 et 2016. Dans son histoire, la ville de Rio a connu les premiers
processus
de
renouvellement
urbain du centre avec la Réforme Pereira Passos, pendant les premières années du XXe siècle, représentant une adhésion au modèle haussmannien et, de manière générale au modèle culturel et urbanistique français (Vaz et Jacques, 2006). La réforme a Figure 2.7: Avenue Rio Branco, l'ancienne Avenue Central Source : retratoembrancoepreto2222.blogspot.com
consisté dans l'ouverture de l'Avenue Rio Branco (figure 2.7), nommée à l'époque
Avenue Centrale (comme les Champs-Elysées), la création de monuments dans l'esprit des Beaux Arts, dont le Théâtre Municipal (comme l'Opéra de Paris) constitue un bon exemple, à côté de la Bibliothèque nationale et l'École de Beaux Arts. Cette réforme urbaine a coûté surtout la démolition des grandes aires construites, comme on a dit auparavant. Une vingtaine d'années plus tard, les investisseurs privés ont crée au sud l’avenue Centrale, la Cinelândia; pour abriter les quelques nouveautés urbaines importées des États-Unis – les cinémas, les appartements (un nouveau habitat) et des snacks ou fast-foods – mais aussi de manière à engendrer un processus de verticalisation. Ce processus a dicté des interventions urbaines et 28
architecturaux au centre jusqu'à la fin des années 1970; c'était la période des politiques urbaines fondées sur la « destruction/reconstruction » (Vaz et Jacques, 2006). Les investissements continus à partir de l'avenue Rio Branco en direction au sud, bien comme une législation dépassée, encore fondée sur le zonage des fonctions urbaines – priorisant les activités industrielle et portuaire et limitant l’usage résidentiel – vont pousser l'abandon des quartiers les plus proches de la zone portuaire par sa population. Les quartiers du Port n’ont pas accompagné la modernisation de la ville et la verticalisation du centre d’affairs. Dans la mesure que les industries installées à São Cristovão vont occuper la périphérie, le Port perd son dynamisme et gagne des vides urbains en résultat d’une containérisation croissante (ce qui réduit l’aire utilisée pour les activités portuaires). Au même temps, on remarque la formation de nœuds secondaires qui décentralisent aussi les activités commerciales et les services (Santos, 2005), de manière à attirer la population à habiter proche des nouveaux centres et opportunités de travail. Dans le monde entier, la crise du centre-ville eut un rapport avec la crise pétrolière, l’épuisement du modèle économique fordiste et l’émergence du marché globalisé. A ce moment, le nouveau capitalisme néolibéral ne pourrait pas ignorer les discontinuités et les limites internes à la croissance et l’expansion de l’économique, à côté des atouts en termes du patrimoine encore existante, l’accessibilité et le symbolisme des aires centrales (Vicente del Rio, 2001). Au Brésil, le modèle de revitalisation se consolide avec l’implémentation du projet Couloir Culturel à Rio de Janeiro. La prise de conscience sur la nécessité de préservation de l'environnement construit du centre va mettre en place entre 1979 et 1993 le Projet Corredor Cultural – légalement institué en 1984 – en réponse aux interventions de rénovation fondées sur la destruction des bâtiments anciens et la modernisation de l'espace urbain. Le Corredor Culturel avait pour but d’attirer des petite entreprises qui jouaient sur la promotion de la culture populaire au centre – pour les bâtiments réhabilités ou pour l'usage culturel de l'espace public – et promouvoir la réappropriation de la zone centrale par la population à travers la culture et loisirs. D’autres politiques urbaines de la ville de Rio sont intervenues sur les régions plus anciennes de la ville (zones centrale et portuaire) sans, cependant, avoir un rapport direct avec le patrimoine urbain et les sites historiques. Dans ce sens, aujourd'hui et depuis une vingtaine d'années, les quartiers localisés dans la zone portuaire reçoivent une grande partie de l'attention et des investissements publics concernant la préservation du patrimoine culturel et le renouvellement urbain. La plus grande opération urbaine de l'actualité sur le centre historique de Rio est le projet Porto Maravilha; il vise à transformer cette partie de la zone centrale de Rio en pôle touristique, concernant aussi tous les quartiers qui touchent la région du Port, dont le Centro, la région de São Cristovão et la région de Rio Comprido sont des exemples. L'extension de ce projet est envisagée
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par les interventions dans l’optique des Jeux Olympiques d'été 2016, notamment avec l'implantation du Village des Médias dans la région portuaire. La première intervention dans la zone portuaire doit s'effectuer sur le Morro da Conceição, l'une des premières occupations urbaines du début de l'époque coloniale, siècle XVI (Projet Port Maravilha : site internet). Nous percevons que le paysage urbain de Rio a été construit historiquement avec comme base le relief de collines, un héritage du modèle portugais d'urbanisation. Le Morro da Conceição, comme toute Figure 2.8 : Localisation du Morro da Conceição Source : Rafael Soares
la zone portuaire, est passé par une période de manque d'investissements et aujourd'hui le Projet Porto Maravilha promet d’améliorer la vie des quatre milles habitants du Morro, tout en valorisant la mémoire collective à travers le patrimoine culturel (figures 2.8 et 2.9). Dû à son implantation sur le relief, le Morro doit passer par une restructuration similaire à celle des favelas, notamment en ce qui concerne la mitigation des risques
Figure 2.9: La Pedra do Sal (escalier sculpté par les esclaves) accès au Morro da Conceição Source : Claudio Lara
d'inondation et glissement de terrains, à travers la restauration du traitement (pavage) des voies. Le discours
est
aussi
similaire
par
rapport
à
la
préoccupation avec la préservation de la structure originale du quartier, cependant, l'enjeu sur la restauration et l'usage de l'architecture est beaucoup plus parlant. La zone portuaire abrite aussi un autre morro très connu à Rio; le Morro da Providência. Il abrite la première favela brésilienne depuis la fin du siècle XIX, comme on a déjà cité avant; cela démontre que même en ce qui concerne les occupations informelles, la zone portuaire de Rio a une forte participation dans l'histoire du Brésil. L'un des plus graves problèmes des quartiers centraux, à Rio comme au Brésil, est la perte de ses habitants – comme on a vu dans le cadre de la coopération décentralisée, concernant la région de São Cristovão – dans ce sens, on observe des politiques publiques pour attirer la population à habiter les zones centrales, et aussi des politiques de requalification des bâtiments anciens pour abriter du logement social. Sur ce dernier cas, on peut citer l'exemple du Programme Nouvelles Alternatives, lancé en 1997 avec l'objectif de promouvoir le revitalisation des APAC – Aires de Protection de l'Environnement Culturel – localisées dans les quartiers centraux dégradées de Rio, à travers notamment l'usage résidentielle; « optimiser l'usage des immeubles tout en répondant la forte demande en termes de logement dans les quartiers centraux, bien desservis d'infrastructure,
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et la valorisation du patrimoine culturel et architectural de la ville de Rio de Janeiro » (Secrétariat Municipal d'Habitation). Le Programme vise encore la restructuration du tissu urbain – qui présente un nombre considérable de vides urbains, dû notamment à la dégradation du patrimoine bâti, qui est en ruine – et la création d'un centre historique attractif, qui soit la base de l'insertion compétitive et durable de la ville dans l'économie touristique globale. Les immeubles doivent, en général comporter les fonctions résidentielles, commerciales et aussi de services. Pour la bonne gestion du patrimoine crée, on considère la possibilité d'implantation d'un système de logement locatif, malgré l'attachement culturel à la propriété du domicile, observé à Rio comme dans la totalité du Brésil. La problématique de la dégradation des sites historiques concerne aussi la totalité des métropoles brésiliennes (et s'étend aux autres grandes villes), cependant, seulement depuis l'an 2000 que le gouvernement fédéral cherche à introduire le sujet de la réhabilitation urbaine par des programmes fédéraux (Ministère des Villes). Les expériences antérieures, notamment celle de Rio – avec le Programme Nouvelles Alternatives – ont été prises en compte lors de l'élaboration du Programme de Réhabilitation de Sites Historiques – PRSH – par la Caisse Économique Fédérale (CAIXA), et le Programme « Monumenta » du Ministère de la Culture. Avant le siècle XXI, c'était avec la création de l'Institut du Patrimoine Historique et Artistique National – IPHAN – en 1937, qui ont eu début les premières actions dans le sens de la sauvegarde du patrimoine historique et artistique brésilien, seulement avec des opérations de restauration ponctuelles. Comme réponse aux transformations inconséquentes des villes avec l'urbanisation croissante, les États brésiliens passent à avoir ses propres organismes de préservation décentralisés, à la fin des années 1970. Mais les actions publiques étaient restreintes aux structures tombées surtout des sites urbains représentatifs de l'époque coloniale, en processus de stagnation économique (Brasil, Ministère des Villes). Les actions du PRSH et du Monumenta, ont été les premières expériences concrètes dont l'objectif était au-delà de la restauration et la préservation. Le programme Monumenta visait aussi la participation de la population, le financement pour les bâtiments privés, les actions de renforcement économique, institutionnel et capacitation des professionnels liés à la législation, à la restauration et au patrimoine des sites tombés par IPHAN. Le PRSH, à l'exemple du Nouvelles Alternatives, opérait dans les aires protégées du patrimoine culturel avec des financements et partenaires, de façon à réhabiliter des immeubles vides à la fonction résidentielle. Ce dernier programme a été l'objet de la signature d'un accord de coopération entre la CAIXA et l'Ambassade Française pour développer une série d'études sur la viabilité de réhabilitation d'immeubles pour l'usage résidentielle – l'objectif était de contribuer à l'évolution de politiques de revitalisation de centres historiques avec le focus sur la mise en place des résidences à vocation sociale.
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En effet, les deux programmes ont opéré sur des édifications isolées « au détriment de la maintenance de la vitalité des activités urbaines et du caractère symbolique des lieux, dans le sens de renforcer la mémoire et l'identité de la population de chaque localité » (Brasil, Ministère des Villes). Il est donc, avec cet objectif que le Programme de Réhabilitation d'Aires Urbaines Centrales a été mis en place en 2003 (avec la création du Ministère des Villes), fondé sur l'appui des divers gestionnaires des programmes antérieurs, et des expériences pertinentes de divers municipalités – qui cherchent à conjuguer la récupération urbanistique en cohérence avec la politique d'habitation et l'action sociale. Il est dans ce point qu'on peut mettre en rapport les interventions dans les deux types de zones centrales – celles avec une reconnue richesse patrimoniale, cependant dégradées, et celles d'habitation populaire spontanée – vu que les enjeux principaux qui percent les interventions sur sites historiques sont communs à ceux des interventions sur les favelas. Les questions du « caractère symbolique des lieux », de la mémoire et l'identité locale, étant aussi présentes dans les deux cas, on se demande: dans quel sens les interventions veulent changer l'image des centres dégradés aussi bien que des favelas? Dans quelle mesure les interventions veulent vraiment améliorer la qualité de vie urbaine? De quelle façon la notion de patrimoine diffère dans les deux cas? La deuxième partie de ce travail vise à discuter de ces questionnements entre autres, pour analyser les interventions urbaines de l'actualité à Rio en rapport avec les concepts de favelas et patrimoine.
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Chapitre 3 : analyse des similitudes et différences entre les interventions et les projets urbains Comme nous l’avons observé dans les chapitres précédents, la ville de Rio passe par plusieurs transformations urbaines, dont la région centrale est un vrai objet d'étude. La dichotomie existante entre le dégonflement et la décadence de quelques zones centrales historiques et la croissance continue des populations des favelas (aussi) au centre implique des questionnements sur les politiques urbaines, soit concernant l'habitat, soit par rapport à ce qu'on considère patrimoine, et ses respectives pratiques d'intervention dans chacun des cas. 1. Habitat En effet, le rapport immédiat que nous observons entre les interventions sur les quartiers historiques – surtout les régions centrales dégradées, dont le Port – et celles sur les favelas concerne la question de l'habitat. Elles traitent de deux types d’habitat urbain, mais alors que l’un est en décadence, l’autre est en ascension. Dans le cas de Rio, souvent ils sont physiquement proches et, en ce qui concerne le centre, ces deux environnements ont un rapport plus étroit entre eux. Dans ce point, il est intéressant de noter comment on peut appliquer le concept de slum, internationalement divulgué par UN-HABITAT, sans oublier qu’il s’agit d’un terme d’origine dans le pays développés, notamment européens. « Slums dans le sens traditionnel du terme sont les zones d'habitation qui étaient autrefois respectable - voire souhaitable - mais qui se sont détériorées après le déménagement de ses habitants d'origine vers de nouveaux et de meilleurs quartiers de la ville. L'état des logements anciens a diminué car ils ont été progressivement divisé et loué à des personnes à faible revenu. » (unhabitat.org)
Nous découvrons pourtant que la contamination des quartiers des alentours des favelas, s’agit en effet de sa favelisation, qui est l’antithèse de la gentrification telle que l’on observe sur les zones urbaines rénovées. Différemment du concept de favela (brésilienne), la dégradation des quartiers d’habitation formels est à l’origine du terme slum. On peut rapporter la définition de UN-HABITAT au cas du centre de Rio, car on y observe la présence des deux phénomènes : dégradation des zones d’habitat formel et croissance des zones d’habitat informel, qui est prise comme l’une des principales causes du dégonflement du centre, et donc du premier phénomène (IPP, 2005). L'habitat, surtout l’habitat social créé lors des interventions sur les zones historiques est vu comme une manière d'intégrer la population moins aisée dans le marché immobilier formel, au même temps en qu'on attire une nouvelle population et promeut la revitalisation des quartiers. Alors que l'urbanisation et la formalisation des favelas est une manière de reconnaître le manque d'une politique d'habitation plus démocratique et inclusive et, donc, de reconnaître les favelas 33
comme production spontanée, mais non moins légitime, de l'habitat social. Nous voyons ainsi, lors des interventions, que les deux environnements urbains sont vus comme des possibles solutions pour le déficit d'habitation à vocation sociale; cela est le réflet d'un pays en voie d'émergence qui doit résoudre d'abord ses sérieux problèmes d'exclusion sociale. Après une longue période marquée par l'opposition ville/favela, les politiques urbaines concernant chacun des cas (soit ville, soit favela) se croisent avec l'objectif de démocratiser l'accès au logement formel. La favela passe de problème à solution, selon Licia Valladares dans son livre La favela d'un siècle à l'autre (2006). Plusieurs auteurs se demandent aujourd'hui si la favela est un vrai problème urbain ou une solution pour des milliers d'habitants pauvres, comme c'est le cas de Silva et Barbosa, auteurs du livre Favela: alegria e dor na cidade (joie et chagrin dans la ville); l'opposition est exprimée déjà par le propre titre. Dans ce livre, l'expression de la joie est présentée à partir de l’idée de favela comme lieu-symbole de la culture nationale, avec la naissance de la samba carioca, qui a son origine dans les favelas et les morros plus anciens de la ville. Le fait que la samba est un patrimoine culturel carioca et brésilien est incontestable. Cependant, les préjugés autour de son environnement d’origine et de sa respective population (marginalisée) sont aussi présents. Ayant ou pas la culture comme base, de façon générale, les pratiques d'urbanisation des favelas ont l'objectif de rapprocher ville et favela (son environnement et sa population), ou de transformer favela en ville. Le deuxième cas s'agit de l'idée de formaliser la favela, soit dans le sens de la mise en forme urbaine, selon ce que l'on comprend par urbain (logique, rationnel), soit dans le sens de la réglementation foncière. Plusieurs interventions ont été faites au Brésil pour urbaniser les favelas, les transformer en ville. Le programme le plus connu de l'actualité est le Favela-Bairro qui a réussit à intégrer (au moins officiellement) plusieurs favelas à la ville formelle, en les transformant en quartiers. Le programme a aussi reçu de critiques e, entre elles, quelques auteurs affirment que dans le Favela-Bairro : « L’espace social des couches populaires est transformé en une agrégation de territoires atomisés. Ceci est vrai surtout pour les bidonvilles, dont la capacité à formuler des demandes est réduit et qui vit dans une réalité à part, sans connexion politique avec le reste de la ville » (Ribeiro, 2006. In : Rivière d’Arc et al. p.83)
On constate alors des préjugés par rapport aux programmes d'urbanisation de favelas, et même par rapport aux favelas en soit – on reprend le concept d'« une ville à part », selon Olavo Bilac en 1908. Cependant il est certain que des programmes comme celui-ci, malgré une participation sociale douteuse, sont capables d'apporter des bénéfices à une population notamment en ce qui concerne des les infrastructures et les services de base, l'essentiel de l'habitat urbain. L'application du concept de favela continue à avoir un fort rapport avec ces espaces « transformés en quartiers », en tant que morphologie urbaine, comme on verra après, et aussi en tant que pratique sociale. 34
On a l'exemple de la favela Mangueira qui, même avec la loi qui la officialise en tant que quartier (décret numéro 5.280 de 23 de Agosto de 1985), continue à être considérée comme une favela ou plutôt un quartier-favela (bairro-favela). Cela peut également être appliqué à la plus grande favela du Brésil; la Rocinha, qui est aujourd'hui considérée officiellement comme un quartier, cependant avec encore un niveau considérable d'informalité. Il est cette informalité qui caractérise officiellement ce qu'on peut définir comme favela, pourtant, la formalité face à la loi est de plus en plus présente dans l'espace des favelas. Il s'agit d'un espace hétérogène en ce qui concerne le formel et l'informel, comme dans d’autres aspects, comme nous avions dit avant. En ce qui concerne l'informalité, on trouve aussi certaines occupations informelles dans la région centrale et formelle de Rio. La nécessité d'habiter proche du lieu de travail amène une grande partie de la population plus pauvre à monter les collines, mais on observe aussi un autre phénomène dans les régions centrales et portuaires: l'occupation d'édifices abandonnés (spécialement) publics, par des familles qui cherchent une autre option d'habitation au centre. Cela a aussi un rapport avec la question de la favelisation des zones formelles de la ville, concernant quelques bâtiments en particulier, ce qu’on peut appeler squattérisation ou invasion. Il s'agit, notamment de personnes moins aisées qui travaillent au centre, mais dû au coût du transport en commun et le temps pris pour le déplacement centre-périphérie, cherchent une alternative d'habitation. A côté du déficit de logements au centre, il présente aujourd'hui plusieurs édifications abandonnées, publiques et privées, qui ont un fort potentiel de requalification (BRASIL, 2005). Les politiques publiques dans les dernières décennies – ayant en vue le besoin de revitalisation des zones centrales et portuaires – ont commencé à investir dans la restauration de quelques immeubles abandonnés pour abriter la fonction d'habitation. Cependant, les investissements publics opèrent de façon ponctuelle dans un contexte de dégradation générale. Nous observons que l'action ponctuelle n'est pas suffisante pour revenir le processus de dégradation, ni pour apporter une solution plus vaste en matière de logement, et moins encore pour de changer l'image négative des zones dégradées, dont le port. Les investissements limités en termes de logement dans la zone portuaire peuvent être justifiés par l'intérêt sur d'autres aspects de la réhabilitation de la région. Selon indique Vaz et Jacques (2006, p.69), le processus de réhabilitation passe par deux niveaux « l'un urbain, de revitalisation, l'autre architectural, prévoit un nouveau équipement culturel ». L'implantation des nouvelles alternatives de logement s'insère dans le niveau urbain, lorsque, le niveau architectural inclut notamment l'implantation d'un musée monumental sur le seul embarcadère du quai (Píer Mauá, Figure 3.1 : Píer Mauá et repères).
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En concernant la revitalisation urbaine, notre attention revient maintenant sur la question du logement. Sur les familles qui ont occupé informellement les bâtiments vides du centre, on observe que, à l'exemple des favelas, elles ont formé des associations d'habitantes de manière à faire face à l'informalité dans laquelle elles se trouvaient. Les associations d'habitants visent à exiger le droit d'habiter dans les zones centrales – Figure 3.1 : Píer Mauá et repères
infrastructurées et proches de l'emploi et des
Source : Porto Maravilha, Première Phase
divers services (publics ou privés) – abandonnées et
dévalorisées par la population plus riche. Normalement cette exigence est fondée sur la notion de fonction sociale de la propriété qui a son origine dans les inégalités sociales homologues de la croissante revendication de la société moderne pour égalité. « La Constitution Fédérale dans son article 5°, XXII, reconnaît le droit à la propriété, celle-ci devant, cependant, répondre à la fonction sociale. Dans son article 182, elle se positionne pour le bien collectif en déterminant de la responsabilité du pouvoir public Municipal, la promotion de la désappropriation du sol urbain, quand celui ne répond pas sa fonction sociale, étant non-édifié, sous-utilisé ou non-utilisé. » (Dias, 2010, p.2 : traduit du portugais)
La population qui va occuper la propriété non-utilisée du centre est d'une certaine façon protégée par la Constitution Fédérale. Il y a quelques exemples de bâtiments et de terrains publics dont les occupants ou les mouvements sociaux ont réussit à les officialiser lorsque logements sociaux ; nous pouvons citer le projet Gamboa (chiqdasilva.com : figure 3.2) sur un terrain de propriété publique fédérale. Le projet a été conçu avec l'appui du Programme
d'Habitation
Sociale
du
Ministère des Villes, qui a permis aux mouvements sociaux, associations ou groupes représentatifs de segments de la population,
l'accès
gouvernement
aux
fédéral
fonds
du
pour
la
construction de logements populaires Figure 3.2 : Localisation du projet Gamboa, Port de Rio de Janeiro Source : chiqdasilva.com
(Brasil, 2008-2011). Dans le cas du projet Gamboa, il a été la Centrale des
Mouvements Populaires et l'Union de Lutte pour le Logement, en partenaire avec la Fondation Bento Rubião19, les demandeurs du projet.
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Pour garantir les Droits de l'Homme surtout dans le contexte des occupations des plus pauvres et des favelas.
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Il est important de noter avec cet exemple, l'importance de la participation sociale pour le bon fonctionnement des politiques urbaines, surtout d’habitation. L'organisation communautaire est un outil et peut être le moteur pour des grandes transformations urbaines. Néanmoins, plusieurs auteurs, comme nous avons vu avec Ribeiro auparavant, observent qu'une plus forte présence de l'État et des Organisation Non-Gouvernementales – surtout sur le contexte de l'habitat informel des favelas – correspond avec la diminution des capacités de mobilisation des associations d'habitants20 (Freire-Medeiros, 2006. Pandolfi, 2002). En ce qui concerne l'habitat informel, la région portuaire contient encore un certain nombre de morros entre les plus anciens de la ville de Rio, et pas forcement associés à l’habitat informel. L'occupation de des morros au centre par les favelas est encore vue par quelques auteurs – dont la propre Ville de Rio (IPP, 2005) – comme l'un des aspects de la dégradation de la région, tandis que d'autres auteurs considèrent ces occupations, comme le Morro da Providência « l'une des plus grosses concentrations de population encore existante dans la région et qui pourrait constituer un point d'action crucial contre l'isolement de cette zone » (Vaz et Jacques, 2006, p.7475). Le Morro da Providência a intégré le projet de revitalisation de la zone portuaire entre 2006 et 2007, à travers le programme Favela-Bairro, ayant quelques différenciations par rapport aux autres favelas de la ville, pour intégrer un contexte urbain particulier dû son importance historique. Le FavelaBairro a investi une somme considérable pour l'implantation d'un réseau d'eau et d'assainissement, de places et équipements divers, mais aussi pour rendre viable un « parcours touristique » (figure 3.3), ce qui a institué la localité Figure 3.3: parcours touristique Morro da Providência Source : Ville de Rio
comme un patrimoine urbain (Freire-Medeiros, 2006) avec l’idée d’un musée à ciel ouvert ou un musée vif (Petersen, entretien 2004).
Mais l'intégration de la communauté à la ville formelle et la qualité de vie de la population touchent une autre problématique très parlante aujourd'hui, la violence et le trafic de drogues. Même avec l'institution du Musée à ciel ouvert, sur le Morro da Providência, la préservation de ce qu'on passe à considérer comme patrimoine, et l'enjeu d'attirer le tourisme pour la région sont menacés, surtout par la présence du crime organisé et les interventions policières. Dans ce contexte, on a intégré l'installation d'une Unité de Police Pacificatrice sur le Morro (26 avril 2010) comme un élément fondamental pour garantir des meilleures conditions de vie urbaine, mais aussi pour garantir la visite de la première favela du Brésil par le public extérieur.
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Pandolfi attribue la diminution de capacités des associations au fait que ses présidents sont devenus plus importantes que les propres associations. Cet aspect est fortement étudié aussi par Alba Zaluar, qui rapporte la « crise des associations d'habitantes » à la corruption de ses présidentes, et à la peur imposé aux habitantes par les organisations criminelles. (Freire-Medeiros & Chinelli, 2003)
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Nous observons que les questions concernant l'habitat social et le patrimoine se croisent dans le contexte de la zone portuaire de Rio; dû à la représentativité historique de la région pour la ville et à la présence d'une population pauvre qu'y habite, en passant d'informelle à formelle. La nécessite de ré-habiter la région du Port, dans un contexte de déficit d'habitation et de la création de nouvelles alternatives de logement social, nous amène une autre question: il est nécessaire aussi d’attirer une nouvelle population pour habiter au centre – notamment la population des classes moyennes, selon la Ville de Rio (IPP, 2005) – de manière à éviter la création de ghettos et l'aggravation de la ségrégation sociale. Dans d'autres mots, il faut promouvoir la mixité sociale et fonctionnelle de la région. Cela est l'un des intérêts de la coopération avec la ville de Paris. Il consiste un vrai défi du renouvellement des zones centrales de Rio, vu notamment l'héritage ségrégationniste présente dans la société brésilienne dés l'époque coloniale, aggravée par l'énorme distance qui existe encore entre les plus riches et les plus pauvres21. À Côté de cet abîme social, on trouve tous les préjugés qui récidivent sur la classe plus pauvre, associée à la marginalité et à la violence; un héritage de la stigmatisation des favelas et des favelados (ses habitants). Avec la croissance de la classe moyenne brésilienne, qui émerge des segments populaires, maintenant nous pouvons parler de gentrification par rapport aux favelas, mais aussi de mixité sociale. Nous avons vu le cas de la favela Dona Marta, où l'augmentation de la valeur foncière pourrait impliquer la sortie des habitants les plus pauvres pour donner lieu à une nouvelle population capable d'assumer les nouveaux coûts fonciers: cela s'il n'y avait pas un processus de régularisation foncière des habitants actuels et de (ré) affirmation de la favela comme Zone Spéciale d'Intérêt Social. Même dans ces cas il est intéressant de mettre en place une démarche de mixité sociale, surtout auprès des nouvelles classes moyennes, capable de mitiger la ségrégation et le zonage selon le statut social. Sur ce sujet, on note que la région portuaire présente les atouts nécessaires pour promouvoir la désirée mixité sociale au centre de la ville. À Côté du projet Porto Maravilha, on additionne les opérations urbaines pour la Coupe du Monde de Football 2014 et les Jeux Olympiques 2016. Effectivement, après la définition de la ville pour accueillir les JO 2016, quelques modifications ont été proposées dans le sens d'investir plus fortement sur la région du Port. Équipements prévus pour la Barra da Tijuca (« ghetto » de l'élite carioca) sont transférés pour le quartier Santo Cristo dans la région portuaire, du côté Nord du Rio Comprido. Entre ces équipements, le plus pertinent pour la question d’habitation s'agit du Village des Médias, qui doit laisser comme légat social une quantité considérable de logements. 21
Une distance plutôt sociale que physique, selon les théories de l'ordre hybride de la société brésilienne, mais qui devient de plus en plus physique sous l'impact des valeurs d'égalité et de compétition répandues dans la société et de « la diffusion d'une culture de droits civiques » attribués à la mondialisation. (Ribeiro, 2006)
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La production de logements sociaux est, en effet, plus cohérente avec la réalité et les enjeux de la région centrale; lorsque le quartier de Barra « est la partie de la ville qui exprime le mieux la forme la plus achevée d'auto-ségrégation des couches supérieures » (Ribeiro, 2006, p.81). La reprise du Port en tant que zone centrale en focus, aussi intégrée dans les projets rapportés aux Jeux, a son inspiration dans « la nouveauté d'un retour des événements au cœur de la ville » (Paris Projet, 2005, p.12); déjà expérimentée dans les éditions antérieures des projets urbains pour les JO – Barcelone, Londres, entre autres villes-candidates. Mais cette reprise est surtout fondée sur la priorité donnée aux zones urbaines avec une absence d'investissements. 2. Patrimoine La définition de patrimoine présentée dans l'introduction de ce travail est pertinente concernant plusieurs aspects des interventions urbaines ici analysées. Selon ce que nous avons vu, actuellement, les processus de revitalisation des zones urbaines centrales, avec une importance historique, passent souvent par la question de l'habitat. On observe que les zones d'habitat – spontanées ou planifiées – historiquement construits sont de plus en plus porteuses d'une référence à l'identité, à l'action, à la mémoire, notamment parce que l'habitat est la forme la plus légitime de s'approprier d'un territoire. « Ainsi Ruskin fut le premier à dire la valeur et à promouvoir la conservation d'un héritage modeste, celui des architectures domestique et vernaculaire qui constituent, en particulier, le tissu des villes anciennes. » (Choay, 2009, p.XXI). Ici, encore une fois, nous prenons en compte une référence européenne en ce qui concerne le concept de patrimoine, car que la notion de patrimoine et la nécessité de sa préservation ont commencé à être exploitées en Europe à partir du siècle XIX, avec la révolution industrielle. Cette notion, tout comme les pratiques sur le « patrimoine culturel » ou le « patrimoine historique » ont été importées par l'aristocratie du Brésil, notamment avec l'architecture Néoclassique et Éclectique en fins du XIX et début du XX (Filho, 1995). Dans le cas de Rio, les premières grandes interventions urbaines et architecturales au centre consistaient à doter la région d'une richesse culturelle, basée sur la culture et la civilisation que l'aristocratie de l'époque signifiait (ou voulait signifier). La ville de Rio de Janeiro, alors représentante de la civilisation brésilienne (car elle était le district fédéral) à partir de ses agents sociaux, avait pour objectif construire la plus parfaite et avancée représentation de la civilisation urbaine occidentale à travers l'architecture. Comme nous avons dit dans la première partie, il a été dans ce sens que le gouvernement Pereira Passos a promu la plus grande opération urbaine de la ville jusqu'alors. Dans ce début du XXe siècle, on observe déjà l'intention d'abriter de grands exemples de l'architecture « contemporaine » mondiale, reproduction des modèles européens à la perfection par les artistes brésiliens (Filho, 1995). La Reforme Pereira Passos (1903-1906) à fourni au centre de Rio aussi des Grandes Avenues, dont la plus monumentale s'agit de l'Avenue Centrale (Avenida 39
Central), en détriment du tissu urbain originel, à l'échelle piétonne, et des habitations populaires qui le composaient. Il est vrai que ces habitations étaient à l'origine de plusieurs problèmes de salubrité publique, à côté d'autres aspects de la vie et de la qualité urbaine de la ville. Avec cette opération, la plus grande intervention au Port a été le Nouveau Port (inauguré en 1910), avec ses liaisons avec le centre économique et commercial par les grandes Avenues ouvertes. Sur la zone centrale en général, un autre facteur considéré comme une menace à la salubrité urbaine était le Morro do Castelo, défendu par plusieurs comme la première agglomération urbaine de la ville. Le Morro do Castelo a été occupé par le portugais fondateur – Mem de Sá – de la ville de São Sebastião do Rio de Janeiro, après l’expulsion des français en 1567 (Santos et al, 2005). Il a été démoli pendant les années 1920, considéré préjudiciable à la santé des cariocas car il était une barrière pour la circulation des vents et pour le flux naturel des eaux. Les anciens morros habités de la région portuaire ont pourtant été très préservés, par rapport à ce qui s’est passée avec le Morro do Castelo et au restant de la zone centrale. La région conserve une grande partie de son tissu urbain et de son architecture originels, ayant eu seulement des interventions ponctuelles, mais aucune avec l’objectif de modernisation. Les morros22 « préservés » des interventions tout au long du siècle passé sont aujourd'hui éléments fondamentaux pour la revitalisation de la zone portuaire (Rio de Janeiro, 2003), surtout parce qu’ils concernent des zones d'habitat qui n'ont pas été abandonnées par ses populations. Nous observons donc que l’occupation des morros a toujours un rapport avec l'habitat de la ville de Rio, notamment l'habitat populaire. Le sens du patrimoine doit être appliqué aux morros anciens lors du projet actuel pour la région du Port – Porto Maravilha – selon l’idée du patrimoine à partir de la notion de monument historique, expliquée par F. Choay : la valorisation d’un objet qui représente une société, construit dans l’histoire. Les morros sont normalement pris de manière intégrale, ils sont l’objet en soit, mais présentent, toutefois, à son intérieur des éléments plus représentatifs en termes d’architecture, fonction, valeur esthétique et/ou culturele qui peuvent être traités comme des monuments dans le contexte du monument-morro. Les idées européennes sur le « patrimoine culturel représentatif » ont été autrefois importées par le Brésil. Alors, dans un premier moment, pour qu'on puisse préserver des éléments urbains de valeur esthétique et historique pour la société – les monuments – il faudrait d'abord les construire; voilà l'intuition de la Reforme Pereira Passos. La notion de monument historique est très présente dans les opérations au centre, notamment lors du choix entre telles ou telles édifications à être préservés et/ou restaurés, dont les critères sont toujours par rapport à sa représentativité dans l'histoire sociale. En ce qui concerne cette
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Morro da Conceição, Morro do Livramento, Morro da Saude, Morro da Gamboa et Morro do Pinto.
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représentativité, elle doit être en accord avec les coutumes, les modes de vie et les valeurs de la société, vu que le monument historique appartient à une culture singulière. Dans le cas actuel du Port, de la même manière qu'on doit élire des monuments historiques parmi la vaste collection trouvée dans la région, on a aussi l’objectif de construire un nouveau monument – le Musée de Demain ou Museu do Amanhã – conçu pour être un espace de réflexion sur la démarche et les technologies pour la durabilité de la vie dans la planète. Au début il s'agissait de doter la région du port d'équipements culturels et de tourisme et cela se traduisait dans un musée de la marque Guggenheim23, projeté par l'architecte français Jean Nouvel, devant être implanté sur l'embarcadère de la Place Mauá. Selon Vaz et Jacques, « cette culturalisation est associée à une spectacularisation, où le tourisme joue un rôle fondamental, et qui a par conséquence directe la gentrification » (Vaz et Jacques, 2006, p.71). La pratique de la rénovation de l’image d’une ville à partir de la revitalisation et modernisation d’une zone, surtout avec l’implantation d’un équipement de grande importance est souvent critiquée par les spécialistes d’architecture et urbanisme. On s’aperçoit que l’idée de Pereira Passos, au début du siècle XX est toujours d’actualité, car il s’agit de la matérialisation d’une idéologie, icône d’une classe et de ses valeurs, dans la tentative d’homogénéisation culturelle, notamment parce qu’aujourd’hui il y a l’enjeu de doter la ville d’équipements/architectures conçus par des architectes universels. Aujourd'hui le projet du Guggenheim a été substitué par celui du Museu do Amanhã, de l'architecte espagnol Santiago Calatrava, et doit occuper le même embarcadère. Les discours sur l'implantation d'une œuvre d'un architecte de réputation mondiale passent du renouvellement de la région (local) à l'insertion de la ville dans le réseau urbain global, avec le clair objectif de transformer la ville dans un endroit stratégique pour l'industrie globale du divertissement (Sassen & Roost, 2001). Ici nous pourrions nous demander si la valorisation d'un patrimoine urbain ancien passe toujours par l'idée de la création d'un nouveau patrimoine, non plus représentatif de l'architecture et de la culture locale, mais de la culture cosmopolite mondiale. Est-il la seule manière de concourir à niveau mondial, d’attirer des ressources et des événements à partir de l’idée de ville-spectacle, vendue en tant que telle ? Nous remarquons que dès le début du siècle passé, les grandes interventions urbaines dans les quartiers centraux de Rio s'appuient sur l'idée de doter la région centrale d'équipements culturels, comme nous avons vu dans la partie précédant. Avec la Reforme Pereira Passos, il s'agissait de la création d'un patrimoine culturel – théatre, école de Beaux-arts, bibliothèque – et d'autres édifications de valeur esthétique qui abritaient des fonctions importantes, comme les banques, les hôtels, les grandes entreprises, et les fonctions administratives. La construction de grands édifices pour abriter d'importantes fonctions a continué dans le centre de Rio, de manière à adopter la nouvelle culture mondiale, l'américaine. La préoccupation avec le patrimoine carioca 23
De la Fondation Solomon R. Guggenheim de New York
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vient avec la menace de perte par la destruction/reconstruction qui continue jusqu'aux années 1970, ce qui suscite une préoccupation avec la sauvegarde du passé. Même le Morro do Castelo n’a pas résisté à la modernisation de la ville et à la lutte contre l’insalubrité, malgré les efforts de quelques défenseurs de ce premier patrimoine urbain construit à Rio. « Après beaucoup de temps passé et les sacrifices de la plus grande valeur, quand le suppliant espérait que leurs idées et leurs sacrifices seraient récompensés, voici, le gouvernement a déclaré l'ordre de démolir la colline, et dans ce sens, il effectue des fouilles [...]. Mais pour le faire il va détruire des œuvres d'art d'une valeur plus grande, en plus d’endommager le meilleur point de vue stratégique de la ville, la fondation primitive de S. Sebastião, aujourd'hui de Rio de Janeiro, d'où il pourrait, à peu de dépenses, reconstruire une puissante forteresse sur les fondations commencées par les jésuites, qui viennent depuis la base de cette colline. » 24
(Barreto, 1905 : traduit du portugais )
Le premier projet pour la revalorisation du patrimoine architectural et culturel urbain de la ville, concernant la région portuaire – avec ses trois quartiers: Saúde, Gamboa et Santo Cristo – était associé au projet Corredor Cultural, en 1984. La région a été choisie pour l'implémentation du projet Sagas, vu l'abandon en termes d'investissements sur son territoire pendant plusieurs décennies – ce qui a, d'une certaine façon, gardé les caractéristiques originelles des quartiers. Le projet Sagas visait à identifier et protéger le patrimoine culturel de ces trois quartiers, pour donner des bases à la revitalisation de la région, à travers une législation de protection (MOREIRA, 2004). Le projet a proposé une nouvelle législation pour la préservation de l'usage résidentielle et du patrimoine architectural et culturel de la région. Il diffère dans ce point du projet Corredor Cultural, qui aussi proposait la préservation de l'architecture considérée historique et de la morphologie dans laquelle elle s'insère, mais avec l'objectif de réintroduire des usages concernant la culture25, le tourisme, le commerce et les services. Selon Clarissa da Costa Moreira, qui a analysé les projets développés pour la région du Port, il existe deux types de politiques appliqués dans la région: une pour les aires considérées historiques, préservées aujourd'hui par la Loi du Sagas (référence au projet homonyme), et une autre pour des aires portuaires proprement dites. La première, objet de protection, la deuxième passible de rénovation. La législation pour l'aire portuaire induit à la verticalisation et ouvre des possibilités de renouvellement urbain; entre elles, l'installation de grandes œuvres tournées vers la culture, dont l'exemple du Museu do Amanhã, mais aussi d’autres équipements culturels doivent être construits dans la région du Port, comme le Musée d'Art de Rio (MAR) et l’AquaRio – projeté pour être le plus grand aquarium maritime de l’Amérique Latine. Ces nouvelles 24
« Depois de muito tempo gasto e de sacrifícios feitos do maior valor, quando esperava o suplicante que as suas idéias e seus sacrifícios seriam recompensados, eis que o governo manda demolir o dito morro, e neste sentido se está procedendo a escavações […]. Mas assim ir-se-á destruindo obras de arte de subido valor, além de ser inutilizado o melhor ponto estratégico da cidade, primitiva fundação de S. Sebastião, hoje do Rio de Janeiro, donde se poderia com pouca despesa reconstruir uma poderosa fortificação, sobre os alicerces da iniciada pelos jesuítas, que vem desde a base desse morro. » 25
Nous observons ici, que l'usage par la culture a un sens diffèrent de la culture lorsque patrimoine. Le Corredor Cultural objectivait préserver le patrimoine culturel, dans le cas, les édifications historiques, par l'usage culturel; des ateliers d'artistes, petites salles de concert et spectacle, conservatoires de musique, etc.
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constructions mettent en place une architecture contemporaine et doivent contraster (positivement) avec les bâtiments historiques et les édifications du Port, aussi avec les habitations populaires des morros de la région. En concernant les morros, la question du contraste est un élément qui incite sa valorisation, car sa morphologie se trouve entre les deux villes temporelles – la ville patrimoine et la ville moderne (du passé et du future) – de manière à enrichir la diversité urbaine de la ville de Rio. La notion de monument historique revient par rapport notamment au Morro da Conceição, protégé par l'Institut de Patrimoine Historique et Artistique National dans sa totalité. Il est considéré dans le projet Porto Maravilha, avec les autres morros plus anciens de la région, comme le symbole du mode de vie ancien typiquement carioca (Porto Maravilha, 2010). Si on peut considérer comme monument historique plus que des édifications, le Morro da Conceição en soit est déjà un monument. Les morros consolidés alors qu’habitat urbain, avant notre Révolution Industrielle, donc avant l'intervention de Pereira Passos, sont des formes urbaines qui obtiennent de plus en plus l’attention pendant ce nouveau projet de revitalisation, car ils sont plus que des lieux d'habitat populaire, mais de l'habitat carioca dans sa forme historique. La curiosité est le fait que cette façon de vivre sur les morros, autrefois « typiquement carioca » est similaire à la configuration des favelas – celle-ci comme une production actuelle d'habitation. La grande différence se trouve dans le caractère spontané et sans ressources qui a donné origine à la formation des favelas. Les édifications des morros historiques représentent une autre époque, que la population carioca, de manière générale, ne connaît plus ; alors que la réalité des favelas est actuelle – et encore actuellement combattue pas quelques segments de la société. Nous ne défendons pas ici un mode de vie basé sur la précarité et l'informalité, mais il est surtout la production de l'espace fondé sur la spontanéité et qui est maintenant concrétisé par les interventions publiques, ce qui représente le différentiel et même la richesse de ses occupations. Dans le contexte du Port, le Morro da Providência a réussit à intégrer les enjeux de revitalisation de façon à présenter au grand public la réalité social-spatiale du prototype « originel » des favelas cariocas, maintenant consolidée et pacifiée26. Finalement le « parcours touristique » pourra être visité dans ce qu'on appelle le Musée Ouvert Morro da Providência. On observe ici que la notion de musée vient avant celle de patrimoine; pour pouvoir donner de la valeur à un élément « porteur de référence à l'identité » d'un groupe social, il semble plus logique de le mettre dans l'environnement ou dans la condition de musée. La définition de musée la plus acceptée a été publié en 2007 par le Conseil International des Musées – ICOM:
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Selon le site du projet Porto Maravilha, l'instalation d'une UPP dans l'ancienne favela a été conclue en Juin 2010.
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« Le musée est une institution permanente sans but lucratif, au service de la société et de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve, étudie, expose et transmet le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité et de son environnement à des fins d'études, d'éducation et de délectation. » (Statuts de l'ICOM, adoptés par la 22e Assemblée générale Vienne, Autriche, 24 août 2007)
Cette définition est si large et, au contraire des définitions adoptées par les Assemblées Générales antérieures, ne présente pas des précisions complémentaires pour « limiter » l'usage du terme, selon la forme du musée. Selon plusieurs auteurs, ceci est dû notamment à l'influence du Mouvement International pour la Nouvelle Muséologie (MINOM), qui entendait un musée comme un endroit où les différents groupes sociaux ont expression et où les responsabilités éducatives prennent la forme la plus démocratique possible. Dans ce concept, l'architecte et urbaniste Lu Petersen a idéalisé le Musée sur le Morro da Providência, de manière à intégrer les opérations du Favela-Bairro et du Projet Cellule Urbaine27, ainsi comme partie de la revitalisation de la région portuaire. Sa représentativité historique se trouve dans une série de « monuments » qui ont été identifiés selon leur durée dans le temps et l'espace de la favela (monument-morro) et aussi selon le niveau de référence pour la population. La propre population sera responsable de la gestion du Musée, par contre elle n'a pas été à l'initiative de l'idée du musée, ni a participé à la conception du projet: il s'agit de ce qu'on appelle une intervention « du haut vers le bas » (Freire-Medeiros, 2006). Aujourd'hui, on observe à travers la presse que la communauté du Morro da Providência est toujours entre la notion de patrimoine – avec le statut de première favela, représentant premier d'un type d'occupation qui s'est popularisé au Brésil et identitaire de Rio – et la notion de favela, alors qu’un mode de vie précaire, associé aux risques naturels (par la manque d'infrastructures) et à la violence. À cette dichotomie s'ajoute le fait d'être inséré dans un contexte urbain qui est le foyer des investissements en urbanisme, et qui aspire à être le centre culturel et touristique de Rio d'ici 2016 – l'année des Jeux Olympiques d’été. Dans le combat contre la violence, on a vu l'installation d'une UPP sur le Morro; en concernant la diminution des risques sur l'habitat, plusieurs familles vont être transférées des zones de risque pour l'un des immeubles produits par le programme Minha casa, Minha vida, dans la région. Par rapport au patrimoine, la ville de Rio pense à considérer les favelas, à partir de cette ancienne favela, comme la forme caractéristique d'occupation désordonnée des pentes trouvées partout dans la ville. D'un point de vu moins urbanistique, il est cet apparent désordre qui lui confère la différence, la particularité des favelas par rapport à l'urbanisme traditionnel de l'asphalte28; c’est justement cette différence, ou cette authenticité, qui est capable d'attirer le tourisme.
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Projet aussi idéalisé par Lu Petersen, avec l'objectif de capaciter des ressources humaines dans la communauté, pour promouvoir la durabilité des œuvres d'urbanisation et des travaux sociaux du Favela-Bairro. 28
Terme utilisé fréquemment à Rio pour se rapporter à la ville formelle.
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Selon Lu Petersen, l'idée du musée sur le Morro est née pour être l'antithèse du musée sur l'embarcadère – premièrement le Guggenhein, aujourd'hui de Musée de Demain – de manière à accorder au Morro le caractère de la propre édification de musée, où le touriste va trouver des éléments de la « culture de favela », dont la propre morphologie et le paysage urbain (Menezes, 2008). En concernant la culture de la favela, on trouve la manifestation la plus connue du Brésil à l'extérieur – la samba – associée à cet environnement de plus en plus hétérogène aussi en termes de culture(s). Cette culture de la samba est aussi exploitée et mise en valeur lors du projet de revitalisation de la zone portuaire avec la création de la Cité de la Samba, où les plus grandes écoles de Samba produiront leurs costumes et les chars allégoriques pendant toute l'année. « la Cité de la Samba située géographiquement entre la Pedra do Sal et l'ancienne Place Onze, d'incontestables ''territoires de la Samba'' de Rio, peut être perçue comme un parc thématique de samba pour touristes, que les sambistes eux mêmes ne s'approprieront que très difficilement ». (Vaz et Jacques, 2006, p.70)
De cette façon, on observe que la revalorisation de la région du Port de Rio va plutôt vers la création d'une image culturelle de la Ville, qui doit être perçue par les habitants des diverses régions cariocas, mais aussi par les médias étrangers qui viendront à l'occasion des événements sportifs – et qui seront installés dans la région portuaire29. Il est sans doute une bonne façon d'attirer l'attention pour une région si riche qu’abandonnée pendant plusieurs années. Mais, en ce qui concerne le patrimoine matériel (de l'architecture diverse des édifications et des morros, etc.), bien comme immatériel (la samba, surtout), sa valorisation et son appropriation sont promues pour qui et par qui? Il s'agit de la création de scénarios pour l'usage du tourisme, ou pour l'appropriation de la population, de manière à affirmer une identité carioca? Est-il possible qu'il y ait un équilibre entre ces deux groupes d'acteurs (touristes et habitantes) pour l'usage de l'espace urbain de la région portuaire, inclus dans les zones de morros, spécialement d'habitations? Nous avons traité ici surtout de la région portuaire, qui a un rapport direct avec notre zone d'étude lors de la coopération Paris-Rio. Les favelas de Rio Comprido sont localisées devant l'espace réservé aux équipements pour les JO. Cependant, elles ne sont pas insérées au milieu d'une zone urbaine qui passe par profondes transformations, comme il est le cas de la région portuaire. Ses favelas, malgré leur ancienneté, ne sont par le « générique d'origine » comme il est le Morro da Providência, mais elles composent aussi le paysage urbain du centre de Rio, elles présentent aussi le même mystère de la différence (urbaine, architecturale, culturelle). Voilà pourquoi elles constituent un point crucial de la construction de l'image du centre et de la ville de Rio de Janeiro comme un ensemble. Lors des discussions au sein de l'APUR, les sujets patrimoine 29
Avec l'accord entre la Ville de Rio et la Commission Olympique Internationale, la région doit recevoir une partie du Village des Médias, du Village des Arbitres et quelques unités administratives (Centre de Technologie, Centre de Logistique, Centre de Média non-licenciée)
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et tourisme n'apparaissent pas comme enjeu, mais l'image de la qualité de vie fondée sur l'ouverture à la ville formelle (et dont à des nouveaux visiteurs), le respect à une morphologie particulière et la valorisation du paysage à partir du morro (ce qui induit la visite). On peut trouver encore la notion de patrimoine moins associée au tourisme (au moins le tourisme international), dans le cas de l'ouverture d'un musée dans l'ancienne favela da Maré, considérée comme la première à être reconnue intégrante formel d'une région administrative de la Ville, donc un quartier. Aujourd'hui, Complexe da Maré, le quartier abrite ce que les médias affirment le premier musée localisé dans une favela. Ce musée diffère de celui du Morro da Providência sur plusieurs aspects: le plus important peut être sa création à partir d'initiatives de la propre communauté, avec l'appui du Ministère de la Culture. Le musée est une structure indépendante (un bâtiment) dans le territoire du quartier, n'est pas un musée à ciel ouvert dans la conception de Lu Petersent pour le Morro da Providência. Le Complexe da Maré se localise aussi dans une ancienne région portuaire, sans toutefois occuper une colline, mais une région de mangliers et de plages; ce qui reflète dans la typologie de l'habitat construit par les habitants originels – et aujourd'hui exposée dans le musée – et aussi sur la morphologie urbaine produite de l'organisation spatiale, différente des autres favelas sur les collines de Rio (figure 3.4). L'objectif primordial du musée da Maré est d'exiger et de garantir le droit à la mémoire pour la population la plus pauvre, amplifier le concept de musée pour qu'il ne se restreigne pas aux groupes sociaux les plus intellectualisés et à des espaces culturels encore peu accessibles
à
la
population
en
général
(museudamare.org.br). D'ailleurs, il se propose alors qu’un endroit qui rend possible des rendez-vous entre Figure 3.4: Favela da Maré
les divers segments de la population carioca, pour
Source : wikipedia.org
faire connaître les diverses réalités de la Ville et pour affirmer sa diversité et donc sa richesse sociale et culturelle métropolitaine.
Nous voyons que les propositions sont très différentes en concernant le premier musée – tourné vers l'ouverture de l'ancienne favela au tourisme national et international – et l'autre – qui a plutôt un caractère d'équipement culturel de valorisation du patrimoine local ouvert à la ville. Cela peut être expliqué par l’insertion dans des environnements urbains distincts, notamment en ce qui concerne les plans et projets des politiques urbaines pour Rio de Janeiro. Pour vérifier cette possibilité, nous verrons un troisième exemple; celui du Museu de Favela, localisé dans les communautés de Pavão, Pavãozinho et Cantagalo. Selon son site internet (museudefavela.com.br) le Musée de Favela a été conçu à partir des idées et des initiatives des propres habitantes des trois communautés, avec l'objectif principal de 46
démystifier l'image des favelas en tant que ghettos, associée à la violence et à la misère. Dans ce sens, il considère une vision du futur l’enjeu de transformer le Morro en un Monument Touristique Carioca, à l'image de l'expérience du Morro da Providência – avec des parcours touristiques entre les communautés, mais aussi avec une édification de base pour le Musée – de manière à présenter l'histoire de la formation des favelas, fondée sur le mélange de cultures, surtout des amérindiens, les afrodescendants et, plus tard, les immigrants nordestinos (du Nord-est brésilien). Le projet a eu l'appui du Ministère de Culture à travers son programme Pontos de Mémoria (les points de mémoire) qui vise à reconstruire la mémoire sociale et collective des communautés urbaines à partir du citoyen, comme ce qui se passe avec le Museu da Maré. Le différentiel de l'initiative de Pavão, Pavãozinho et Cantagalo est la valorisation, pas seulement de la mémoire collective, mais surtout de la diversité culturelle qui existe dans son environnement, dû notamment à la présence d’acteurs venus de différents contextes culturels. La culture des favelas est exprimée (et vendue, selon Freire-Medeiros) dans ce cas, par des manifestations socialspatiales comme la samba, mais aussi la capoeira, le forró, le rap, le graffiti, etc. Et encore dans un ensemble d'édifications qui maintiennent la morphologie dans « l'esthétique typique de favela ». Une fois de plus, ce sont les particularités qui comptent. En ce qui concerne le tourisme, le projet a profité de sa localisation dans le territoire urbain de Rio pour attirer l'attention du touriste qui visite les plages d’Ipanema et Copacabana, vu que les favelas se localisent stratégiquement entre ces deux « cartes postales » cariocas. L'idée du Monument vise à intégrer les favelas du Complexe entre elles et surtout à les intégrer avec la zone touristique environnant, pour qu'elles puissent, elles aussi devenir une « carte postale ». On voit avec cet exemple la mise en avant de la culture locale à travers l'espace urbain de la favela, un mélange des deux expériences antérieures de musées sur favelas; et on s'aperçoit que l'enjeu de devenir un point touristique est associé à la localisation géographique, comme une manière de s'insérer dans un contexte plus vaste sans forcement avoir à changer sa configuration spatiale; se formaliser au niveau de la forme. La différence, les particularités ou l’authenticité dans les trois exemples est le point qui relie la favela à la notion de patrimoine, et est l'élément capable d'attirer le tourisme. Mais le patrimoine doit être plus que seulement pour le tourisme, comme montre le cas du Musée da Maré, fait pour que la mémoire d'une communauté ne soit pas perdue et pour qu'elle puisse enrichir une mémoire collective plus ample, celle de la ville. Les deux autres Musées – Providência et Pavão, Pavãozinho, Cantagalo – ont utilisé le propre espace urbain pour raconter une histoire, ce qui se passe aussi avec les centres-villes anciens, identitaires d'une culture. Le Musée da Providência a péché (peut-être) pour vouloir préserver une partie d'un contexte de précarité vécu dans une autre époque – il a « figé » quelques baraques faits en bois, des premières occupations (Petersen, entrevue 2004) – visant montrer au visiteur quelle était la réalité initiale de la première favela et donc, des autres favelas à son image. Le Musée da Maré, par contre a montré l’exemple de cette forme d’habitat initial avec une reproduction de l’original, une maquette physique en taille réelle. 47
Le fait de figer les baraques va contre l'envie d'évolution de l'espace de la favela, évolution dans le sens d'améliorer la qualité de vie de la population et d’effacer la précarité. Il va contre aussi la notion de préservation d'un patrimoine édifié – une baraque n'est pas un patrimoine, elle n’est même pas conçue pour perdurer dans l'espace et le temps. Selon Jacques (2007, p.23) « ce premier abri, extrêmement précaire est la base d'une future évolution », il est conçu pour s'améliorer progressivement. Cependant, la morphologie construite avec l'installation des premières baraques ne tend pas à changer de forme, devenir ordonnée, mais son évolution réside dans le fait de se concrétiser, comme les baraques, de se stabiliser. 3. Morphologie : espace de vie, culture, tourisme Aujourd'hui, avec la consolidation des maisons des favelas, non plus faites avec des matériaux éphémères, il y a aussi la consolidation de son tissu urbain, dans une forme qu'on appelle organique, pour ne pas suivre les tracés de l'urbanisme traditionnel, mais ayant encore sa logique particulière. Selon Paola Berenstein Jacques, quand on se balade dans la favela, on comprend comment les enfants qui sont nés dans cet espace commencent à danser la samba avant même de marcher droit, en effet, elle dit, il est très rare de marcher droit sur les morros. Cette même auteur observe que la question qu'on discute aujourd'hui n'est plus, heureusement, concernant l'élimination ou le relogement des habitants des favelas loin de sont environnement quotidienne. Le droit à l'urbanisation a été réussit incontestablement, alors, la question n'est plus simplement sociale et politique, mais doit passer par une dimension culturale et esthétique. Il est dans ce sens qu'elle écrit dans son livre Estética da ginga (ou Esthétique des favelas) le rapport qui existe entre la culture et le mode de vie de la population avec la configuration spatiale des favelas. « Sambar (danser la samba) est la meilleure représentation de l'expérience labyrinthique de se parcourir une favela, ce qui est même l'opposition de l'expérience urbaine moderne, surtout des voies des villes projetées rationnellement. (…) La plus marquante spécificité de l'espace urbain de la favela réside sur son tissu urbain labyrinthique plein de surprises, causant une perception spatiale qui est pratiquement impossible d'être prévue, c'est-à-dire, impossible d'être réussit à travers un projet urbanistique traditionnel, qui automatiquement élimine le propre mystère du parcours: particularité fondamentale d'un labyrinthe. » (Jacques, 2001: traduction du portugais).
Il est important de rappeler que la culture de la samba carioca telle qu’on la connaît aujourd'hui, aussi bien que les processus d'occupation spontanée sur les collines, sont nés à Rio, plus précisément dans la région centrale. Pourtant, concernant le discours de Berenstein Jacques, on se réfère toujours à l'univers des favelas cariocas qui, dû à son nombre et à sa localisation sur le relief, marquent depuis longtemps le paysage de la ville. Aujourd'hui, on voit que l'urbanisation des favelas se passe de façon à doter l'espace de l'infrastructure nécessaire, de plus en plus en respectant la configuration spatiale construite par 48
les habitants, mais aussi en promouvant l'ouverture de l'espace physique des favelas pour la desserte des services publics. De toute façon, l'objectif de base est de donner des conditions d'habitabilité à la population résidente, sans avoir une réelle préoccupation avec la morphologie spécifique de favela; son esthétique, comme dirait Jacques. Cela peut être la grande différence entre les interventions urbaines sur les favelas et celles sur les centres de valeur historique; où l'un des enjeux principaux est de reconstituer le tissu urbain pour le préserver dans sa forme originelle. Les interventions urbanistiques dans l’espace des favelas, comme nous l’avons vu, cherchent de plus en plus à rendre possible sa visite touristique. Cependant, cette visite est une pratique présente à des nombreuses favelas à Rio, même sans avoir eu un aménagement avec cet enjeu. Selon Freire-Medeiros, dès les années 1940 les favelas de Rio reçoivent des personnages plus ou moins connus, afin d’expérimenter « le monde exotique » de la favela carioca, mais la pratique de l’industrie du tourisme dans les favelas a gagné de l’espace notamment après l’Eco-92 (FreireMedeiros, 2007). Il s’agissait plus qu’une expérience spatiale des méandres de la favela, mais une aventure réelle dans un univers nouveau, mystérieux, mais surtout authentique ; ce qu’on appelle aujourd’hui reality tours (ibid.). La promotion non-urbanistique de ce tourisme fondé sur l’expérience dans les favelas peut être vue comme l’antithèse de la promotion urbanistique, car elle n’a pas une préoccupation d’origine avec la qualité de vie de la population – l’image de favela est même vendue comme territoire de pauvreté et misère. Entre les favelas visitées, la plus connue est la Rocinha qui, selon ce même auteur, reçoit environ deux milles touristes par mois accompagnés par des agences de tourisme (Freire-Medeiros, 2006). La publicité est faite par les médias divers, surtout le cinéma, qui fait de la favela une marque de brésilité, négritude et carnaval. « La force de la marque favela est devenue capable de transcender la référence territorial » (Freire-Medeiros, 2007, p.64 : traduit du portugais). Et le territoire continue à être exotique et méconnu, la réelle diversité et les richesses culturelles ne sont pas exploitées. Même la mixité sociale trouvée dans la Rocinha par Licia Valladares (2006) est cachée à ceux qui cherchent dans la favela un contraste avec la ville formelle (Freire-Medeiros, 2007) ; un contraste plutôt social-économique que territorial. La morphologie des occupations est, donc mise de côté, alors que la précarité des habitations est l’aspecte exploité. Dans ce point, on comprend un peu mieux l’enjeu du Musée da Providência de surgeler certaines baraques, pour satisfaire à ceux qui cherchent à connaître de plus près la pauvreté. Ce type de tourisme est appelé par certains auteurs comme social tours ou encore dark tours (ibid.) ; toujours associé à l’expérience personnelle des sentiments et de la vie des autres. Le Musée da Providência a été la première intervention formelle – dans l’espace et la forme de la favela – avec cet objectif, toutefois, il a voulu montrer plus que la favela brute, mais une favela améliorée par un projet urbain (urbanisée).
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Le rapport du tourisme avec la morphologie et la culture des favelas peut être une solution pour la stigmatisation de l’image comme un lieu de pauvreté, de misère et de violence. La prise de conscience de la valeur d’un espace si particulier lors des interventions/projets urbains peut garantir l’attractivité pour une « expérience de l’authentique et de l’exotique, [sans avoir] du risque et du tragique dans le même espace » (ibid. p.63). Il se fait nécessaire de garantir l’évolution de l’espace des favelas, donc de ne pas préserver la précarité des habitations originelles, mais de consolider l’espace construit par les habitants au moment de son amélioration, sans interventions urbaines radicales. « Il est de la concrétude de sa morphologie qu’on détermine les références possibles pour ce qu’on comprend un habitat digne. » (Sousa e Silva, 2009, p.22 : traduit du portugais). La citation est fondée sur l’idée qu’il est possible d’établir un habitat digne sans le besoin qu’il suive les normes formelles du rationalisme traditionnel. L’idée que la samba carioca (entre autres manifestations culturelles) est née, symboliquement, de façon à accompagner le mouvement labyrinthique des voies, peut être aussi préservée et vécue avec la concrétisation/valorisation de la morphologie particulière des favelas. Il est important de rappeler ici que même cette morphologie sur laquelle on parle n’est pas un prototype. Il s’agit de dire que la favela, de manière générale, présente une morphologie qui est le résultat d’une dynamique d’occupation différente de l’architecture et de l’urbanisme formels. Mais chaque favela est construite de manière particulière, selon chaque contexte dans lequel elle s’insère ; la forme de chacune dépend de divers facteurs – sociaux, culturels, environnementaux, économiques, etc. Il y a encore des favelas qui présentent une diversité de formes urbaines, soit parce qu’elles étaient au début des lotissements illégaux, soit parce qu’elles ont reçu des projets ponctuels ou ont été en partie planifiées, soit par des contraintes du terrain, etc. (Sousa e Silva, 2009). En effet, la complexité de ces occupations les rend singulières et donc, authentiques. Le rapport avec la notion de patrimoine habite surtout dans cette authenticité attribuée aux favelas, la même authenticité qui attire la visite touristique et qui sert d’inspiration pour les divers artistes qui ont déjà visité (sinon habité) l’espace des favelas cariocas. Au niveau international, on peut citer Le Corbusier, qui a Figure 3.5 : Favela, dessin de Le Corbusier Source : vitruvius.com.br
enregistré ses impressions sur la Favella, sous la forme de petits croquis lors du voyage au Brésil en 1929.
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Actuellement, on a l’exposition Brazil Series de l’artiste Bob Dylan qui, entre autres paysages brésiliennes retraite aussi [bien sûr] la favela (smk.dk). Ces artistes seraient aussi responsables pour la dissémination, ou la « publicité », de l’image des favelas cariocas ; ce qui donne l’envie ou la curiosité sur l’expérimentation de cet espace particulier.
Figure 3.6 : Favela, peinture de Bob Dylan – Favela, Villa, Broncos Source : advivo.com.br
« On est témoin d’une inattendue dynamique entre le local et le global à partir de la géographie imaginaire de la favela et d’une culture que l’est particulière » (Freire-Medeiros, 2007, p.64 : traduit du portugais). Cependant, malgré la production d’œuvres qui rendent hommage à la favela (tableaux et chansons) dans le milieu artistique brésilien aussi, l’image de la favela n’est pas rendue plus accueillant, car la favela n’est pas exotique, au contraire, elle est extrêmement présente dans le contexte urbain, sans, cependant, être bien connue da la population générale. La pratique de la pacification à côté des interventions urbaines qui viennent concrétiser la morphologie (et contenir les nouvelles occupations précaires et informelles) sont, en effet plus importantes à l’échelle locale : viabilisent le tourisme alternatif et la préservation environnementale – un sujet peu débattu ici, mais qui concerne fortement les questions des favelas et même le patrimoine naturel de la ville de Rio. Les préoccupations environnementales sur l’occupation des collines ont toujours été en conflit avec les préoccupations sociales et le déficit urbain en termes d’habitation. Même en sachant que le paysage de Rio, avec tout ses richesses naturelles, peuvent intégrer la discussion alors que patrimoine naturel de la ville, on a décidé pourtant de problématiser le sujet du rapport entre favelas et le patrimoine plutôt du point de vue des théories et pratiques d’intervention/projet urbain, donc sur le patrimoine construit tout au long des années. 4. Interventions urbaines: exemples et références Nous passons à l'analyse des expériences urbaines qui sont des références aux interventions actuelles; directement rapportées aux dynamiques observées dans la région centrale de Rio, notamment le Porto et les favelas. 4.1. La restructuration des favelas En ce qui concerne d'abord les favelas de Rio Comprido, la question de la morphologie existante est bien prise en compte lors du projet de la coopération; quand des propositions en ligne droit sont considérées très radicales par rapport au contexte. Dans le cas, il y a également une préoccupation pour ne pas causer une rupture avec la forme urbaine l'existante et avec le relief, 51
donc la forme naturelle existante; cela se traduit par l'usage des voies de montagne, pour compléter le réseau et intégrer des divers favelas de la Région entre soit et avec la ville formelle de l'entour. Plusieurs exemples ont été trouvés à Rio. Pour rendre possible l'intégration du morro avec l'asphalte, en investissant dans l'accessibilité et la circulation de personnes, et sans trop intervenir dans la configuration actuelle, les principales références sont des modes de transport innovateurs et appropriés surtout au relief de collines. L'exemple le plus parlé de l'actualité s'agit du transport urbain par câbles, dont le métrocable de la ville de Medellín est le précurseur. Dû à son succès, ce mode de transport en commun pour les régions de difficile accès se propage par d'autres villes de l'Amérique du Sud, notamment Rio de Janeiro, vu l'intense occupation de ses collines par l'habitation populaire. L’intérêt de Rio d’affirmer le téléphérique alors que transport urbain entre morros, peut être aussi dû au fait de la représentativité du téléférique le plus emblématique de la ville (sinon du pays) ; celui connu comme le Bondinho do Pão de Açucar, qui relie les collines Pão de Açucar et le Morro da Urca, considéré l’un des plus importants points du tourisme carioca (figura 3.7). Le téléphérique urbain a été repris à Rio dans quelques
proposions
d'aménagement
et
d’intégration des favelas, comme l'exemple on a le propre Morro da Providência qui, pour intégrer la zone portuaire, est aujourd'hui l'objet de plusieurs interventions urbaines, comme on l’a vu avant. Le téléphérique sur la Providência est un enjeu pour urbaniser l'ensemble du morro de mode qu'il Figure 3.7: Bondinho do Pão de Açucar Source : br.olhares.com
puisse accueillir l'une des stations de ce nouveau transport en commun, qui doit relier toute la
région portuaire, avec ses nouveaux équipements socio-culturels. Sont prévues deux lignes du téléférique: l'une qui relie la Cité de la Samba à la Gare Central do Brasil; l'autre qui relie la Place Mauá (à côté du nouveau Musée de Demain) à la Gare Barão de Mauá (l’ancienne Gare Leopoldina), où doit arriver le TGV de São Paulo, en passant par les divers morros de la région. Le projet du téléphérique, en rapport avec le plan de revitalisation de la zone portuaire, fait aussi appel au tourisme, mais selon le secrétaire d'habitation Jorge Bittar, l'enjeu principal est de bénéficier la mobilité (habitation-commerce-travail-loisirs) entre les quartiers centraux de Rio, dont la région portuaire est le focus actuellement30. En concernant le Morro isolé, plusieurs habitations vont être démolies en vue de sa situation de précarité et/ou de risque, ainsi pour donner lieu aux améliorations prévues. Un funiculaire est en
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Audiovisuel sur le site : g1.globo.com/Noticias/Rio/0,,MUL1549967-5606,00.html
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projet pour faciliter l'accès au morro, il favorise surtout le déplacement de la population qu'y habite, sans pourtant avoir une vocation touristique. Un autre exemple dans le contexte de Rio s'agit du téléférique du complexe du Alemão; idéalisé par le projet d'urbanisation du PAC – Programme d'Accélération de la Croissance. Le projet a été le premier au Brésil à reprendre l'exemple de Medellín, il l'a repris d'une manière plus vaste, car il s'agite d'une intervention urbaine dans une grande zone de favelas (un complexe), pourtant plus similaire au cas de Medellín. Il s’agit de l'implantation d'un système de télécabines avec l’aménagement des aires autour des stations; ce qui l'architecte responsable pour le projet – Jorge Mario Jáuregui31 – a appelé des Stations Sociales. « Incluant au-delà des services de transport, équipements publics d'intérêt social comme des bibliothèques numériques (e-library), centre d'appui juridique, poste d'orientation urbanistique et social, centre de services et aires pour la génération d'emploi et de revenu. » (Jáuregui : traduit du portugais. Site internet : jauregui.arq.br/favelas_alemao.html)
Nous percevons que le PAC du Alemão utilise le concept de Projet Urbain Intégré, développé dans l'expérience d'urbanisme des zones d'habitation populaires de la Ville de Medellín. À Medellín, le travail d'intégration de ces zone avec la ville formelle se donne avec la création d'un nouveau mode de transport en commun, mais surtout par des nouvelles aires de sociabilité – des espaces ouverts (rues, places, terrains de jeux) – et par des nouveaux équipements concernant l'éducation et la culture, notamment les bibliothèques. La prise de conscience sur le besoin de se considérer un territoire dans l’ensemble de ses caractéristiques et de ses problématiques lors des projets urbains, est une pratique nouvelle pour la ville de Rio. Intégrer les divers réseaux – de services, de transport, etc. – avec les divers politiques urbaines, c’est l’un des enjeux de la coopération française pour Rio. Les bibliothèques à Medellín acquièrent une valeur similaire à celle des musées sur les favelas à Rio. La grande différence réside dans la notion de patrimoine ; car les communautés colombiennes reçoivent des équipements – les Parcs-Bibliothèques (Figure 3.8: Exemple d'un parc-bibliothèque) – fondés sur la création des nouveaux monuments pour « rendre dignes les
quartiers »
populaires
(urbanismosocialmedellin.universia.net.co) Figure 3.8: Exemple d'un parc-bibliothèque Source : urbanismosocialmedellin.universia.net.co
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.
L'idée c'est de donner une architecture de qualité pour l'usage des plus pauvres, pour
31
L'architecte responsable pour le projet a une grande expérience sur les interventions urbaine en favelas, actuellement il travaille sur deux grandes complexes de favelas; le Complexe du Alemão et le Complexe Manguinhos. 32
Trouvé de façon synthétique sur : http://www.socearq.org/index.php/actividades/debates/la-transformacion-de-medellinurbanismo-social-2004-2007.html
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qu'elle devint le symbole de l'évolution urbaine du quartier; une évolution fondé sur la culture dans le sens de civilisation. On peut observer ici la création de éléments construits qui peuvent devenir patrimoine cultural dans le temps, aujourd'hui sont de éléments de référence pour la communauté (et pourquoi pas, pour la ville), donc des monuments. Les cas des musées sur les favelas de Rio ont un rapport avec la valorisation de ce qui a été construit au long des années. La dignité est aspirée par la reconnaissance d'une production légitime de l'habitat, par son affirmation dans l'espace urbain. Dans ce contexte, la culture est comprise comme produit identitaire d'une société. Le rôle d'éducation attribué au musée concerne la divulgation d'une culture construite dans l'histoire urbaine, un patrimoine culturel. On revient à l'exemple du Complexe du Alemão. Différent des autres projets sur les favelas cariocas qui font appel à la valorisation du patrimoine, son œuvre emblématique est l'innovation sous la forme du téléférique, qui doit intégrer surtout la propre aire du complexe avec entre 2,9 et 3,5 Km (dépendant de la source) de câbles, dont 5 Stations Sociales, à l’intérieur du complexe, et une Station d'Intégration avec le système de transport en commun traditionnel de la Ville. L'architecte Jorge Mario Jáuregui présente des idées concernant les favelas selon son expérience du travail sur le sujet. À exemple du Complexe du Alemão, ses propos d'intervention sont fondés sur « le changement radical de la situation de favelas » (jauregui.arq.br), soit en concernant la structure physique, soit par rapport à l'imaginaire de la population de la ville. La question de l'image de favela concerne directement le concept, selon on a vu dans l'introduction de ce travail, et touche si bien la population favelada, que la précarité de son infrastructure physique. Selon Jáuregui, la formalisation spatiale est un moyen de dé-marginaliser le territoire (et en conséquence la population) des favelas; pour lui, projet intégré signifie le droit à la ville, à l'urbanité, à l'espace avec des équipements publics de qualité. Il est avec les théories (et pratiques) de Jáuregui que les exemples de Medellín et de Rio se croisent. Une autre expression caractéristique de la pratique de cet architecte est l'enjeu de re-symboliser l'endroit « en créant des marques visibles fortes de la nouvelle présence du pouvoir public » (jauregui.arq.br). Pour lui, toute intervention urbaine du pouvoir public dans une occupation populaire peut devenir un monument dans l'imaginaire de la communauté – symbole qui représente l'intervention du pouvoir public, ou le propre pouvoir public – même qu'il ne soit pas monumental au niveau de l'architecture. Ici on va contre la définition de monument lorsque l’élément constitutif de l'identité d'une communauté – société, nation, etc. – défendue par F. Choay. Mais l'intervention physique du pouvoir public (sous la forme d'une architecture) peut encore indiquer « l'ancrage des sociétés humaines dans l'espace naturel et culturel » (Choay, 2009, p.V), si elle a l'intention de rappeler la mémoire vivante, si elle a été conçue pour être un monument. Car « Le monument est entendu comme dispositif mémorial intentionnel » (ibid.).
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La création d'une nouvelle image pour les favelas ne doit pas forcement être attachée à la création d'une nouvelle forme, ou d'une nouvelle identité. On observe avec cet exemple d'urbanisation du Complexe du Alemão, l'imposition de la forme urbaine contemporaine, une contamination33 par la formalité de façon à chercher son intégration pleine avec son entour traditionnellement formel. Il est important d'observer d'autres aspects comparatifs des différentes interventions en favelas: le besoin d'ouvrir l'espace de la favela à la ville formelle; et la valeur du patrimoine lié au tourisme. Dans tous les cas il existe le besoin d'intégrer la favela à la ville; cela se donne, de manière générale, à travers l'ouverture du territoire urbain occupé par la favela à l'interaction socialspatiale avec les autres quartiers. D'abord, le point en commun entre les pratiques d'intervention dans les favelas de Rio est la pacification, vu que la ségrégation passe fortement par la peur de la violence rapportée aux occupations informelles ; « c’est la peur qui grandit, accentuant la vision duale de l’habitat urbain entre ceux qui habitent les morros et les autres » (Valladares, 2006, p.13). Cette pacification devient le point d'entrée pour d'autres politiques urbaines, mais aussi pour la visite sans peur des communautés. Ici on peut citer l'exemple de la favela Dona Marta, visitée lors de la mission d'Avril par l’équipe parisienne. La présence de la sécurité publique a rendu possible l'entrée au morro, aussi bien que l'usage des espaces publics à son intérieur, soit par la population locale, soit par les visiteurs. Cependant, on sent encore comme si on entrait dans un territoire fermé ou privé, dû au manque de visibilité et de lisibilité de ce territoire pour ceux qui sont dehors; il s'agit d'un territoire méconnu. Pour résoudre ce problème de méconnaissance se sont mises en marche des interventions urbaines (ou urbanistiques), qui jouent sur les sujets de la visibilité et de la lisibilité des territoires. Avec les premiers exemples d’intervention et projets urbains concernant le patrimoine des favelas, la stratégie pour promouvoir l'ouverture est l'attraction du tourisme au territoire de la favela. Elle s'appuie sur les caractéristiques physiques et la culture de la communauté (connue que par ses habitants) pour attirer les visiteurs et les faire connaître, les faire lire la réalité à l’intérieur de la favela. C'est à partir de la connaissance que la représentation des favelas va changer dans l'imaginaire de la société en général. On comprend que ces interventions ont toujours une préoccupation avec la qualité de vie des habitants et, par conséquence, l'apparence de l’espace urbain change à petite échelle, sur les aspects de précarité, et pas en concernant l'échelle plus vaste de la l’organisation spatiale et la morphologie de manière générale. Dans les autres cas, comme montré par celui du Complexe du Alemão, l'ouverture s'est faite par l'approximation des caractéristiques physiques du territoire des favelas à celles de la ville 33
Pour utiliser le même terme adopté pour l'expansion des favelas
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formelle, sans forcement avoir le besoin d'une pénétration, ou d’une lecture plus attentive du territoire (par le visiteur) pour le comprendre. L'imaginaire change par l'image en soit, physique, et non par la connaissance. Il faut clarifier encore que le « changement radical » ne se passe pas partout le territoire (normalement très vaste) des favelas, il ne s'agit par d'un renouvellement à 100%, mais de faciliter/proportionner la lecture globale du lieu en utilisant des codes formels, intelligibles par la population générique (annexe 03). Dans ces deux types de projets, on considère encore l'aspect concernant la valeur du patrimoine. Qu'est-ce qui détermine qu'une favela a un patrimoine à être valorisé et exploité en termes de tourisme, lorsqu'une autre n'en a pas? On a observé que les favelas localisées dans une zone à vocation touristique ou à coté les centres touristiques de la Ville ont une plus grande chance d'être visitées, donc d'attirer le tourisme. Dans ces cas il y a une certaine préoccupation pour maintenir la configuration originelle, l'organisation spatiale des premières édifications, pour affirmer une identité, pour pouvoir raconter une histoire et pour la faire connaître. Mais, on a aussi l'exemple du Complexe da Maré, qui conte son histoire à travers son musée – une structure qui met ensemble des éléments capables de remémorer l'histoire de la communauté – sans cependant être dans la route des parcours touristiques. Le patrimoine existe, est mis en valeur, sans être un objet de l'industrie touristique. Donc, il incombe à la propre communauté ou société de rôle de défendre son patrimoine culturel, mais il est aussi du rôle des urbanistes et architectes, d'identifier des atouts d'un territoire et de les savoir valoriser à partir des projets physiques. On a vu encore les favelas qui reçoivent un contingent touristique, sans cependant avoir été l’objet de politiques d’urbanisation. Ces cas sont surtout associés à la divulgation de « l’image » des favelas au niveau mondial, comme la Rocinha est « la plus grande favela de l’Amérique Latine », ou comme les favelas présentées par les cinémas nationale et internationalement. En concernant les pratiques d’urbanisation, on peut dire qu'il s'agit de deux types d'intervention: la restructuration urbaine (où on veut préserver au maximum l'existant) et le renouvellement urbain (où il faut changer l'image générael en préservant certaines particularités, équilibrer les espaces de rénovation et de préservation). Les deux types sont aussi applicables aux divers régions urbaines formelles, notamment les zones centrales de la ville, où on trouve la plus grande partie de ce qu'on considère patrimoine historique culturel. Les aspects qui approchent les interventions urbanistiques en favelas et les autres interventions urbaines peuvent signifier une vraie envie d'intégrer les favelas à la ville, une envie de promouvoir au sein de la communauté favelada, le sentiment d'appartenance à la ville, inclus à son patrimoine. 4.2. Le renouvellement urbain Par rapport aux opérations urbaines dans la zone centrale de Rio, surtout sur la région du Port, nous observons plutôt une démarche de renouvellement urbain, avec l'envie de le transformer dans une région moderne de la ville, mais aussi avec l'attention de préserver l'identité du patrimoine local, pour que la région soit au même temps moderne et authentique. 56
Sur le site official du projet en cours Porto Maravilha, on trouve des références surtout aux projets réalisés sur le Village Olympique de Barcelona (Espanha), sur le Puerto Madero de Buenos Aires (Argentina), et sur le Port de San Francisco (Califórnia), considérés comme exemples et inspiration pour le projet de revitalisation de la Région Portuaire de Rio de Janeiro (Projeto Porto Maravilha, 2010 : site internet). Le projet du Port Madero est né d'une coopération entre les villes de Buenos Aires et Barcelone (puertomadero.com), donc le principe et les influences dans les deux cas sont à la base les mêmes. Entre les objectifs, il y a celui de mettre la ville dans le réseau des villes globales ; attirer des investissements des entreprises diverses et en termes du tourisme (ibid. ; Garrido & Fidel, 2004). Dans le deux cas aussi, le projet urbain s’agit de relier la ville au front d’eau – la mer à Barcelone et le fleuve (Rio de la Plata) à Buenos Aires – à travers la région du Port (ibid. ; ibid.). L’enjeu est aussi applicable au cas de Rio de Janeiro, qui a développé tout au long des années du siècle XX sa côte maritime, en oubliant la Baia de Guanabara. La ville de Barcelone présentait l’intention de renouveler la région portuaire dès quelques décennies avant le projet pour le Jeux Olympiques 1992. Elle a donc profité de sa candidature aux JO pour mettre en place le projet d’un quartier, qui deviendrait le Village Olympique, dans un secteur de la ville doté d’équipements industriels et portuaires désaffectés et une structure urbaine dégradée. Avec ce projet, on objectivait délivrer un secteur urbain historiquement important, le moderniser au même temps qu’on satisfaisait les exigences du programme pour les jeux olympiques (Garrido & Fidel, 2004). Le secteur en question était localisé à côté de voies ferrées en superficie, qui séparaient le terrain de la côte maritime et du centre ville. Une autre raison du choix pour ce site est due à la possibilité d’établir un nouveau rapport de la ville avec la mer. « Il s’agissait d’un fragment proche de la ville consolidée et, cependant adéquat à la réhabilitation ; était un espace en crise d’usage et prédisposé aux transformations radicales » (Garrido & Fidel, 2004 : traduit de l’espagnol). Ce même auteur dit qu’aujourd’hui Barcelona s’est transformée en capitale des croisières en Méditerranée, la ville qui a inventé le concept de tourisme culturel urbain ; « une ville qui montre son art gothique, romantique, mais aussi un quartier postmoderne, laissé par les jeux olympiques » (ibid.). On trouve alors plusieurs aspects en commun avec le cas du port de Rio de Janeiro, notamment après sa candidature pour les Jeux Olympiques 2016, mais celui-ci a intégré le projet pour les JO seulement après la confirmation de la ville de Rio comme siège des jeux, comme on a vu auparavant. Dans le cas de Buenos Aires, son Puerto Madero a aussi vécu une grande période d’abandon par les investisseurs publics et privés. Sa transformation urbaine avait donc l’intention de renouveler radicalement ce secteur très important pour la ville de Buenos Aires ; en valorisant l’image des infrastructures portuaires – les digues de mer, les docks – de manière à les adapter à des nouvelles usages dès de bureaux, centres gastronomiques, universités, etc. (puertomadero.com) 57
D’une grande zone urbaine abandonnée, Puerto Madero est aujourd’hui une plateforme du secteur tertiaire avancé, entre les quartiers de La Boca et Retiro. Alors que Puerto Madero a investi sur les caractéristiques de port, en préservant et requalifiant ses édifications (docks), Barcelone a renouvelé radicalement son ancien port, en effet une ancienne région industrielle, cause de la séparation entre la ville et la mer. En ce qui concerne le restant du patrimoine édifié de Puerto Madero, « si bien existent trois édifications qui ont été préservées avec ses façades historiques, tout le reste s’agite de constructions contemporaines qui ont doté le secteur d’un profil nettement modéré » (puertomadero.com : traduit de l’espagnol). Là aujourd’hui on observe la forte présence de bâtiments en tours, soit pour l’usage résidentielle, soit pour les bureaux. Au début, le projet prévoyait la séparation fonctionnelle de la zone du port pour ces deux usages – habitation et bureaux – cependant le marché tend à exiger le modèle de la mixité fonctionnelle (ibid.). Dans ce contexte, on ne trouve pas l’appel plus fort à usage d’habitation, comme on trouve à Rio, notamment en concernant le logement social. Non plus un appel à la mixité sociale, vu que les habitations son considérées de haut niveau. A Barcelone, on dit que tous les bâtiments de la zone acceptent les divers usages ; résidentiel, habitation, commerce, récréation, bureaux, culture, etc. avec l’intention de doter le quartier d’un caractère plurifonctionnel, présentant la complexité d’un centre urbain. Cependant, sur les terrains à côté de la mer doit prédominer l’usage de services hôteliers et de commerce et, en général, le rez-de-chaussée des bâtiments doivent être destinés à l’usage commerciale. La préoccupation avec la mixité sociale apparaît déjà dans ce cas avec la priorité donnée à l’usage résidentiel (Garrido & Fidel, 2004). Nous constatons avec ces deux cas, que les enjeux pour le port de Rio, se rapprochent de ceux de Barcelone, malgré la proximité culturelle et géographique avec Buenos Aires. Il est intéressant de noter que les problématiques sur le sujet de l’habitation à Rio fortifient les enjeux afin de rendre la région portuaire une zone attractive pour l’habitat avant tout, mais sans laisser tomber les enjeux de city marketing, fortement accrochés à l’aspect culturel et au tourisme. Un autre élément qui rapproche le projet de Rio à celui de Barcelona est la présente d’un téléphérique au Port, visant surtout à profiter de la vue du front d’eau et attirer une visitation touristique (fig. 3.9). Les deux villes présentent aussi des exemples du travail
de
Santiago
Calatrava :
la
tour
de
télécommunication de Montjuïc (aussi connue Tour Calatrava) à Barcelona, et la Puente de la Mujer en Puerto madero, aujourd’hui le seule exemple de Figure 3.9: téléférique au Port de Barcelone Source : sobol-viajes.com.ar
l’architecture de Calatrava en Amérique Latine.
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Toutefois, les deus éléments n’ont pas une participation plus significative dans le changement d’image de la zone portuaire, c’est-à-dire, ils n’ont pas le rôle d’attribuer un nouveau caractère fonctionnel à la zone, comme il est le cas d’un nouveau équipement culturel, emblématique pour le contexte du Port, et pour tout le centre de Rio. L’implantation d’un équipement symbolique social et culturellement est, dans le contexte de Rio, un enjeu présent dans les divers opérations de revitalisation et restructuration urbaine ; une pratique connue des quartiers centraux riches en matière de patrimoine et aujourd’hui appliquée aux favelas. Le projet d’un monument architectural intégré dans l’enjeu de revitalisation d’une région portuaire, comme on trouve dans le contexte carioca, a d’autres exemples internationaux, qui n’ont pas été cités par le projet Porto Maravilha. Entre ces exemples ; le centre gouvernemental de la ville de Boston, aux États-Unis, a été projeté par I. M. Pei pour être le moteur du processus de renouvellement de la zone centrale et portuaire ; à côté du développement d’un « plan de récupération du waterfront, qui proposait la préservation de bâtiments historiques et l’intégration de la ville avec l’océan » mené par Kevin Lynch et John Myers (Del Rio, 2001 : traduit du portugais). Il serait une référence cohérente avec les enjeux pour le centre de Rio, plus précisément pour le quartier de Cidade Nova à Rio Comprido – entre la zone portuaire et São Cristovão – où se localise la Mairie de Rio de Janeiro, un gros bâtiment de la Poste brésilienne (Correios), entre autres structures importantes pour la ville. Déjà, en concernant les exemples aux États-Unis, la référence prise par la ville de Rio de Janeiro est la ville de San Francisco, car elle s’agite aussi d’une ville localisée entre l’océan et la baie – San Francisco Bay. L’inspiration sur San Francisco a un fort rapport avec le fait qu’il est devenu une grande attraction touristique, en profitant des structures de portuaires. « Plusieurs d’entre les principales attractions touristiques se localisent au port, inclus Hyde Street Pier, Fisherman’s Wharf, Pier 39 et l’accès pour *l’ile+ Alcatraz. Ces attractions mènent plus que 15 million visiteurs au front d’eau Nord de San Francisco »34 (sfgov.org : traduit de l’anglais). La ville de San Francisco est aussi reconnue par son grand nombre d’équipements culturels et pour le profit des installations portuaires et ferroviaires anciennes pour l’implantation des équipements capables d’attirer des visiteurs, comme il est le cas du Ferry Building, localisé devant la baie, sur l’embarcadère – The Embarcadero – qui a été recyclé
et
est
devenu
un
grand
centre
gastronomique. Le propre Embarcadero est d’une forte référence pour le projet du port de Rio, car il Figure 3.10 : Ferry Building – The Embarcadero Source : planetware.com
était aussi couvert par une voie élevée sur tout son
34
“Many of the city's leading tourist attractions are located at the port, including Hyde Street Pier, Fisherman's Wharf, PIER 39 and access to Alcatraz. These attractions draw more than 15 million visitors annually to San Francisco's northern waterfront.”
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périmètre. La démolition de ce freeway sur viaduc a été l’opportunité de réunir la Ville avec la baie à travers le Port (sfgov.org). À Rio il s’agit de l’Elevé de la Périmètrale – o Elevado da Perimetral – qui empêche la vue et donc la communication de la Ville avec la Baia de Guanabara. Le projet Porto Maravilha est fortement fondé sur l’inexistence du viaduc ; le propre Santiago Calatrava – auteur du projet-ancre pour la rénovation du port ; le Musée de Demain – défend l’idée de l’ouverture de la baie et l’intégration de la Place Mauá avec le Port à partir de la démolition de la Périmètrale.
Figure 3.12 : Place Maua et Viaduc, Actuel Souce : patrimoniais.fotopages.com
Figure 3.11: Port de Rio, Place Mauá et embarcadère, Projet Source : globo.com
De manière générale, le projet de revitalisation a plusieurs références dans le monde entier, dont la démarche adoptée, qui s’agit de la reconnaissance des édifications de valeur historique pour rendre possible son recyclage, et le profit des espaces dégagés dû à la containérisation35 des activités du port, le rencontre de la ville avec le front d’eau, etc. Cependant, la question du logement au Brésil est beaucoup plus parlante, alors que le cas de Rio est unique dû à la présence des favelas dans le paysage et le besoin de logements (très) sociaux. Les exemples utilisés montrent que la pratique de l’urbanisme devient de plus en plus internationale, et comme conséquence, le patrimoine architectural s’internationalise aussi. Par contre, il y a toujours l’idée de promouvoir la différence, le spécifique. Il s’agit d’un paradoxe : globaliser en promouvant le local. Aujourd’hui la conscience patrimoniale ne permet plus la pratique radicale de démolition/reconstruction ; il faut d’abord doter l’espace en question de structures nouvelles (architecture, sculpture, ingénierie) toute en préservant le maximum l’existante.
35
“Com o uso de contêineres no transporte marítimo, a partir de 1960, os velhos cais em linhas, com ou sem píeres, ficaram obsoletos e desocupados, passando a ser requisito técnico do transporte marítimo moderno uma ampla área de retroporto com profundidade suficiente para armazenar filas de contêineres e uma ligação direta { rodovia ou { ferrovia” (Barbuda & Escobar, 2002)
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Bien que la coopération entre Paris et Rio de Janeiro ne traite pas que des questions exclusives à la zone portuaire, elle s'agit de l'appui à la requalification urbaine de la zone centrale de Rio de Janeiro, dont le port en est une partie. Comme on a vu dans la première partie de ce travail, la coopération a commencé ayant par objet d'étude la région de São Cristovão. Avec l'arrivée des Jeux Olympiques en 2016, on peut considérer que la région du Port (qui est l’actuel centre des attentions) s'est étendue jusqu'à São Cristovão, en passant par la région de Rio Comprido, c'est-àdire, toute la région centrale est concernée, surtout la partie qui relie le Port à le Stade Maracanã.
Figure 3.13: Un projet pour la zone centrale – l’axe Est-Ouest Source : Rapport de Mission APUR/IPP, 2008-2009.
Cette liaison a été le principal objet d'étude pendant la première phase de la coopération 20092010, et a exigé un savoir-faire en termes de Renouvellement Urbain, en particulier pour la restructuration de la zone qui touche l'axe principal de la liaison – l’Avenue Pres. Vargas jusqu’à l’Avenue Pres. Castelo Branco, qui touche la région du Stade Maracanã (Figure 3.13: Un projet pour la zone centrale – l’axe Est-Ouest). Nous avons vu que la zone centrale présente des coupures autres que celles causées par le relief, notamment dû à la présence de viaducs, voies élevées, mais aussi de voies ferrées, comme la Gare Barão de Mauá et la Gare Central do Brasil. Le traitement des coupures urbaines à partir du réaménagement des espaces publics a été bien fondé
sur
l’expérience
parisienne.
Le
renouvellement de cette partie oubliée du centreville carioca a pris en compte le besoin de reprocher et intégrer le complexe sportif du Maracanã à l’ensemble des quartiers centraux, à partir de la liaison avec la zone portuaire. L’axe structurant Est-Ouest a été proposé à l’exemple des l’axes structurants qui relient le Stade de France, au-delà du boulevard périphérique, au Figure 3.14 : la Plaine-Saint-Denis et le Nord-est de Paris Source : Paris Projet n°36/37
centre de Paris, lors de sa candidature aux Jeux Olympiques d’été 2012. 61
Le projet de Paris a considéré les Jeux comme un accélérateur pour le développement d’une région métropolitaine, envisagé dès les années 1980. La Ville (à travers l’APUR) à proposer donc « un projet pour réunir les territoires », associant les communes de Saint-Denis, d’Aubervilliers et de Paris dans la restructuration du secteur Paris Nord-est (APUR, 2005). La proposition d’intégration a pris comme base la mise en valeur des axes urbains, des espaces verts et ouverts, avec pour objectif donner de la cohérence territoriale et la continuité des flux, soit piéton, soit automobile, mais toujours en parallèle avec des améliorations sur la desserte du transport en commun. La notion d’intégration, cohérence et continuité territoriale est bien développée par Paris, et est extrêmement important pour le contexte de Rio de Janeiro aussi. Même en ayant des aspects social-territoriales très particuliers à Rio, les fondements urbanistiques de Paris ont pu être bien appliqués au contexte carioca, surtout en concernant la prise de conscience des enjeux territoriaux dans son ensemble, par rapport aux divers politiques urbaines – espaces publics, habitation, diversité fonctionnelle et sociale, transport, flux, patrimoine, etc. Dans ce sens, on va continuer avec le chapitre 4, pour mieux expliciter les démarches de projet urbain pour la coopération décentralisée, au sein de l’agence d’urbanisme parisienne.
62
Chapitre 4: Considérations finales : l’expérience de la coopération Dans ce chapitre nous allons intégrer les autres réflexions concernant les sujets de la coopération décentralisée, traités pendant la période du stage, sur les possibles opérations urbaines à développer sur Rio Comprido et d’autres expériences. 1. Les références trouvés au Brésil et en l’Amérique Latine Le choix pour une problématique particulière au contexte de Rio de Janeiro devant être discuté et solutionnée avec les experts de Paris a constitué un une expérience nouvelle pour ces derniers, ainsi qu'une opportunité de connaître d'autres situations et questions urbaines. La participation parisienne a le rôle d'apporter un regard extérieur, déjà que Rio, ou même le Brésil sont si directement rapportés et enfermés dans une situation ou un problème, qu'il reste difficile de trouver des solutions innovatrices. A Partir de la coopération française, on peut encore utiliser de son expérience avec d'autres accords de coopération, et donc avec d'autres réalités, car la pratique de la coopération est beaucoup plus développée en France qu’au Brésil. Dans ce sens, nous avons vu, par exemple, la prise en compte du modèle d'intervention urbaine dans des zones difficiles de Medellín, lors d'une mission du responsable de la coopération internationale de l'APUR à Colombie; il l'a considéré parfaitement adaptable au cas de Rio Comprido. Cela a coïncidé avec le point de vue du gouverneur de l'État de Rio de Janeiro qui, lui aussi a visité la ville de Medellín et a décidé d'adapter la solution au Complexe du Alemão à Rio, notamment le nouveau mode de transport urbain par télécabines. De toute façon, Medellín reste le grand référentiel, dans les deux cas. Nous pouvons voir, en ce qui concerne les interventions urbaines en favelas, que la ville de Rio présente un grand nombre d'exemples, fondés sur divers objectifs: implantation d'infrastructures, réglementation foncière, urbanisation, relogement, mitigation des risques naturels, contrôle de l'expansion de la favela, etc. Ici, nous parlons beaucoup des interventions physiques dans le territoire des occupations spontanées, mais aujourd'hui, on considère de plus en plus la conservation et la consolidation de la configuration spatiale existante – si cela ne se constitue pas un risque à la population – étant donc nécessaire la recherche pour d'autres possibilités d'accès des services de base, et l'accès en général, moins agressifs. La recherche de l'APUR pour les modes alternatifs de transit et de transport adaptés à la morphologie et à la topographie local a trouvé souvent dans la propre ville de Rio des exemples existantes ou en exécution, comme il est le cas du téléphérique du Complexe du Alemão, qui peut être repris lors des interventions en Rio Comprido. Un autre transport de montagne, pris en compte pour le territoire étudié s'agit du funiculaire ou plan incliné, déjà utilisé dans le contexte de quelques favelas de Rio; dont Dona Marta (figure 4.1) a été la première à en avoir et le Morro da Providência doit l'avoir bientôt. 63
Ainsi, un exemple qui fait partie du contexte actuel des interventions pour l'accessibilité des favelas, s'agit du système d'ascenseurs construites pour connecter les quartiers Ipanema et Copacabana aux communautés de Pavão, Pavãozinho et Cantagalo, dans le contexte des interventions du PAC – urbanisation de favelas (fig. 4.2). Figure 4.1: funiculaire Morro Dona Marta Source : imprensa.rj.gov.br
Le projet des ascenseurs a investi dans la qualité architecturale et vise à profiter de sa localisation pour promouvoir une fréquentation plus ample de la population des quartiers voisins, aussi bien que des touristes; il constitue une porte d'entrée stratégique Figure 4.2 : Système d’ascenseur { Cantagalo
pour les favelas, où sont développés des projets de
Source : ultimosegundo.ig.com.br
valorisation du patrimoine local36.
On rencontre des références historiques sur ces types de transport urbain verticaux, aussi dans le contexte du Brésil, surtout à Salvador, notre première capitale nationale. Le plan incliné Pilar à été institué comme transport en commun à Salvador en 1889 ; arrêté en 1984, il a repris sa fonction et sa forme originelle en 2006, alors considéré comme un patrimoine historique et culturel de la Ville (Ministère de la Culture : cultura.gov.br). À Salvador on trouve aussi l'ascenseur urbain plus connu au Brésil; l’Elevador Lacerda a été construit avec le matériel importé de l'Angleterre et inauguré en 1873, étant, alors la principale liaison entre la ville haute et la ville basse de Salvador. L'un des principaux points touristiques de l'actualité, l'ascenseur a été enregistré à l'Institut du Patrimoine Historique et Artistique National – IPHAN – en 2006. Nous observons que les moyens d'accès aux occupations sur morros cariocas, peuvent ou pas se constituer des éléments pour attirer la visite et le tourisme; sont des éléments extérieurs au morro qui contribuent au changement de l'image négative attribuée à ces occupations. Alors, cette attractivité à partir de l'extérieur s'opère proportionnellement à la visibilité de l'élément; c'est pourquoi les plans inclinés implémentés sur les favelas sont moins considérés comme attractifs du point de vue touristique et plus comme des moyens de transport pour la propre population. L'enjeu d'implanter un système de téléphériques dans la région portuaire peut signifier plutôt l'intérêt de doter la région d'une image de modernité – à côté des nouveaux équipements culturels – et d’attirer d'autres investissements, soit immobiliers, soit touristiques, soit l'implantation d'entreprises, et d'autres acteurs/habitants; avec l'objectif de créer une identité fondé sur la diversité de fonctions, usagers et paysages urbains. 36
Audiovisuel disponible sur: http://www.cidades.gov.br/cidades-na-tv/PavaoPavaozinhoCantagalo.wmv/view
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L'implantation d'une ligne de métrocable dans le contexte central, en passant par Rio Comprido présente des objectifs divers, dont le premier constitue un « objectif de désenclavement en assurant la desserte de secteurs très enclavés aujourd'hui (Morro de São Carlos, Santa Teresa) et en les connectant aux réseaux de métro et de train, ainsi que le bonde de Santa Teresa » (Rapport de Mission, Avril 2010, p.24). L’équipe de l'APUR a noté aussi, lors de sa visite au Morro Dona Marta (Favela Santa Marta), le potentiel touristique des morros « évident par leur morphologie (dédale des ruelle), leur situation, et les nombreux points de vue qu'ils offrent » (ibid.). On s'aperçoit que ce type d'observation est plus facilement fait pour ceux qui ne sont pas insérés dans le contexte de Rio, qui tendent à attribuer le caractère labyrinthique des favelas au développement des points pour le trafic de drogues et lieux de refuge de criminels. La mise en valeur de la morphologie des morros peut être la grande innovation à opérer avec les interventions urbaines dans les favelas de Rio, qui a déjà une bonne expérience sur ce sujet. Par rapport à l'expérience brésilienne sur le sujet de l'habitation informelle, on commence à développer la coopération Sud-Sud: « Toute au long des années, l'expérience brésilienne sur le secteur de l'habitation, aussi bien sur d'autres secteurs, a été détachée dans le contexte international, se constituant une référence concernant quelques thèmes, comme lequel de l'urbanisation des occupations précaires. Dans ce sens, divers points de la coopération internationale ont été implémentés, entre eux on peut détacher la coopération sud-sud avec des pays de l'Afrique, notamment Cap-Vert et Mozambique. Encore dans le champ de la coopération sud-sud, le Ministère des Villes a coordonnée les réunions du Groupe de Travail sur Agglomérations Humaines du Forum de Dialogue Inde, Brésil et Afrique du Sud (IBAS). » (Politique Nationale d'Habitation, Ministère des Villes, 2010 : traduit du portugais)
Il faudrait considérer aussi la coopération entre les pays/villes de l'Amérique Latine, vu la proximité géographique et culturelle, et l'identification de problématiques similaires – l’exemple ici étant le cas de Medellín. La participation de l'APUR dans la coopération a aussi le rôle d'intermédiaire, pour avoir coopéré avec d'autres pays de l'Amérique Latine, donc ayant des questions urbaines similaires, concernant notamment le développement urbain des zones centrales – Santiago du Chili, Buenos Aires, Guatemala City, Mexico City. D'ailleurs, pendant la période de stage on a pu déjà passer par l’expérience d'avoir en parallèle deux coopérations parisiennes avec des villes de pays du Sud – Rio de Janeiro au Brésil et Rabat au Maroc. Dû à la similarité des problématiques, surtout concernant l'habitat spontané, les solutions se croisent plusieurs fois.
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2. Rabat et ses favelas: les douars Pendant le premier semestre de 2010, l'Atelier développait le Plan Local d'Urbanisme (PLU) de la capitale du Maroc, Rabat. Dans le contexte de la ville de Rabat, comme toute métropole d'un pays en voie de développement, nous avons travaillé aussi avec la problématique des occupations irrégulières au sein de la ville-centre. Le problème de la sécurité contre les risques naturels, qui apparaît aussi à Rio, est fortement présente dans le cas des douars de Rabat. Au bord du fleuve qui sépare les deux plus grandes villes de la métropole, le BouRegreg, une région de topographie accidentée est densément occupée par des logements avec deux ou plus étages (figure 4.3).
Figure 4.3 : Photo du douar Takadoum – un ancien bidonville à Rabat Source : collection propre de l’auteur
La question de l'APUR était de comment élaborer une proposition d'intervention qui garantisse la sécurité des habitants, sans forcement désoccuper tous les terrains sur pentes supérieures à 30% d'inclinaison. La solution a été trouvée avec l'élargissement des voies existantes, ce qui a rendu nécessaire la démolition d'un certain nombre de maisons et donc le relogement des familles sur le terrain dans la partie basse de la montée, de manière à constituer une structure tenant de la pente (annexe 09). Deux propositions de relogement ont été étudiées, lors du stage, pour une partie des zones de favelas à Rabat. L'une avec des blocs hétérogènes : ayant comme base la diversité typologique des habitations présentes dans la zone, on a pu partir de la culture de l'urbanisme régulier du Maroc et, en même temps proportionner le maximum d'intégration avec l'architecture et le paysage existantes (figure 4.4).
Figure 4.4 : avec les blocs hétérogènes
Figure 4.5 : avec les blocs linéaires
Source : élaboration propre au sein de l’APUR
Source : élaboration propre au sein de l’APUR
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L'autre avec des blocs linéaires : on a pris le parti du relief et du tracé des voies d'accès, visant à rompre la référence avec la disposition des maisons existantes, mais préservant la caractéristique des édifications jumelées et valorisant l'idée de mur habité. Cette proposition s'est inspirée de l'ensemble résidentiel Marquês de São Vicente, appelé Minhocão à Rio de Janeiro, cependant, elle vise le respect au gabarit de trois et quatre étages, convenant au relief et la configuration locale (figure 4.5). Il est intéressant de noter que l'organisation spatiale non-planifiée a un rapport clair avec la culture locale. En travaillant avec les deux cas – de Rabat et de Rio – on observe que, malgré la similarité des conditions environnementales, surtout topographiques, et économiques, les deux populations ont occupé ses territoires de manière à donner origine à des morphologies différentes, notamment en ce qui concerne les accès et le réseau de voirie. Même en étant des aires urbaines extrêmement densifiées, on trouve une plus claire lisibilité dans les cas de Rabat, avec des voies parallèles et reliées à la structure de la ville formelle. La population reproduit, d’une certaine façon la configuration spatiale de la médina, le centre historique, avec les dimensions de ses rues plus étroites par rapport la ville planifiée, indépendamment du relief (dans la mesure du possible). Dans ce point il est possible d'établir un rapport entre les centres urbains historiques et la configuration de ses habitats populaires spontanés, vu qu’à Rio aussi les favelas prennent, en général, l'exemple des anciens morros, les premiers noyaux d'habitation de la ville, cependant avec une occupation apparemment plus chaotique du territoire. Ceci est un sujet très intéressant à étudier pour comprendre la formation culturelle d'une ville, donc la formation d'une identité urbaine et la possibilité de garder cette identité même avec l'influence de l'urbanisme conventionnel mondialisé. La comparaison entre les douars et les favelas brésiliennes (image généralisée à partir de Rio) a été faite lors des missions de l'équipe de Paris à Rabat, à cause des similitudes apparentes entre les deux environnements, surtout, car le douar en question s’agit d’un ancien bidonville qui a été consolidé dans le territoire. Cependant, l’équipe marocaine a attribuée une image de proximité et d'intégration avec la nature aux favelas brésiliennes, en disant qu’il n’est pas le cas de l’exemple marocain. On associe souvent le paysage du Brésil (de Rio de Janeiro) à la nature des collines d'un côté et des plages de l'autre, la présence de favelas est donc aussi associée à l'insertion dans ce paysage quand, en effet les favelas consolidées sont très minérales, malgré leur proximité avec la végétation des collines. Un dernier aspect observé par rapport aux différences entre les deux coopérations parisiennes concerne l'intégration des équipes parisiennes et étrangères et sa relation avec la maîtrise du territoire et des acteurs dans chaque contexte. On voit une forte prise de responsabilité de la part de Paris par rapport à Rabat et, en retour, une forte confiance de Rabat par rapport à Paris. Cela 67
peut être dû au fait que les experts français ont une bonne connaissance et un engagement avec le contexte marocain, ainsi qu’un un bon dialogue (et mise au courant) entre les deux villes de la coopération franco-marocaine. D'ailleurs, il faut considérer qu'un PLU exige beaucoup plus cet engagement et cette connaissance des deux parties. Dans le cas de la coopération Paris-Rio, le fait d'être géographiquement distant de l'aire et de la réalité du projet, rend difficile l'intégration entre le porteur (Ville de Rio), les bénéficiaires (population, investisseurs) et les professionnels étrangers de l'APUR. La distance exige une identification préalable des personnes et organismes clés par les responsables du projet à Paris; pour rendre possible une continuité et un accompagnement de tout ce qui se passe dans la zone d'étude et de projet. En ce qui concerne les enjeux urbains à Rio de Janeiro et son centre, le manque de connaissance et de dialogue sur les interventions, programmes et autres projets qui sont aussi en marche dans la région est un obstacle pour la bonne conception et la réalisation des projets de coopération. Il est nécessaire d’avoir une bonne connaissance de l'aire de projet – dans ce cas, une partie de Rio Comprido avec un ensemble de favelas –, de ses habitants et des actions du pouvoir public qui la concernent, aussi bien que toute la région centrale. Il y a encore le fait de l'impossibilité de faire des entretiens sur le terrain des favelas, surtout par l'équipe parisienne, dû à l'inexistence d'une pacification et, donc à la forte présence du crime organisé sur les morros, en profitant de son informalité. Cela constitue une entrave pour le projet de coopération sur cette région; différemment de ce qui s'est passé avec le quartier de São Cristovão, un quartier formel et donc ouvert à toute population. La violence et de la criminalité ne constituent pas une problématique forte dans le cas des occupations spontanées à Rabat, et cela facilite énormément le travail de terrain. 3. Connaissance et valorisation Le travail de mise en valeur d'un territoire passe par une profonde recherche sur le terrain. Dû à l'impossibilité de faire ce travail de recherche sur l'ensemble du Complexe São Carlos, l’équipe parisienne a cherché, lors de la dernière mission à Rio, une favela pacifiée, où l’on peut identifier les atouts et les points négatifs de sa configuration spatiale. Santa Marta a été la favela choisie, selon on a déjà parlé. Cependant, la relation de São Carlos avec ses environs est très diffèrent de celle de Santa Marta à commencer par l'échelle de l'occupation (figures 4.6 et 4.7). São Carlos ne s'agit pas d’une seule favela, donc de l'occupation (concentrée) d'une partie de la colline, comme à Santa Marta, mais de la colline en sa totalité, plus au moins densifiée par rapport au territoire de chaque favela (comme il est le cas de complexes). Néanmoins, cette petite favela a été l’objet éclairant pour comprendre l'espace habité des favelas et les possibilités d'intervention urbaine. Cela se traduit par le changement d'image de favela de manière générale, et des idées par rapport au projet initial, en retour de la mission d'Avril 2010. 68
Figure 4.6: Favela Santa Marta
Figure 4.7 : Complexe de favelas São Carlos
Source : élaboration propre sur photo aérienne google.maps
Source : élaboration propre sur photo aérienne google.maps
Dès les premières propositions d'intervention sur le Complexe de São Carlos, l'idée était d'ouvrir l’espace des favelas pour permettre des vrais circulations publiques et donc l’accès aux services de ramassage, pompiers, transport en commun (bus) etc. ; en promouvant une urbanisation traditionnelle, à partir notamment de l'ouverture d'une avenue en ligne droite sur le morro (annexe 05). Il s’agissait d’une proposition tout à fait réalisable, selon les calculs des pentes, par la construction de voies élevées qui permissent la montée et par un remaniement ponctuel du relief par où devrait passer la voie principale. Elle devrait être présentée lors de la mission d’avril 2010 à Rio. Sur l’image en perspective (figure 4.8), on a la situation actuelle avec simplement la nouvelle avenue qui traverse la colline sur la région nonhabitée actuellement (par où passent les câbles d’électricité d’haute tension) ; étant l’une des propositions
présentées pour
accéder
aux
morros et relier les parties Nord et Sud de Rio Comprido. On voit les favelas en magenta – dedans et dehors le périmètre de projet – et on détache aussi en orange les points de repère ; comme la mairie, la poste et d’autres grands Figure 4.8: Maquette 3D de la Zone de Projet Source : élaboration propre au sein de l’APUR
bâtiments au Nord ; le Sambodrome au Nord-est et le cimentière à l’Est. Ils se constituent des
points immutables, alors que le terrain de l’ancienne Prison et le terrain de la sous-station électrique de la Light37 (en vert-gris) sont considérés mutables et fondamentaux pour la bonne articulation de la zone urbaine. Cela tourne autour d’une proposition logique et en même temps ambitieuse et innovatrice dans le contexte des interventions urbaines en favelas, notamment à cause de l’ouverture marquante 37
Entreprise de l’électricité de la Ville de Rio de Janeiro, présente aussi dans 31 municipalités de l’Etat de Rio de Janeiro (light.com.br).
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du territoire au-dessus du morro qu’elle proportionne. Mais, aux yeux des cariocas, il s'agissait d'une proposition plutôt radicale, car ils connaissent mieux l’environnement avec lequel le morro doit se relier et les problèmes concernant la coupure du relief local. La proposition pourrait occasionner des problèmes soit d'ordre paysager, soit par rapport à tout se qui se produisait en termes de glissement de terrains et d'inondations dans les périodes de forte pluie, donc surtout concernant l’acceptabilité de la proposition par les habitants locaux. En effet, la mission d'avril s'est passée après une semaine de précipitations qui ont cumulé 290mm d'eau en 24h, soit la moyenne correspondante à l'ensemble du mois d'avril. Cette pluie à causé des glissements de terrain sur les zones d'habitation informelle de Rio Comprido et des inondations sur la partie basse, très fragile en termes de drainage. Après les précipitations, le pouvoir public a repris d'idée de déménagement de populations entières des zones de risque des favelas. Entre les divers cas de risque, le Morro dos Prazeres – favela localisée au sud du secteur d'étude dans la région administrative de Rio Comprido – a été l'un des cas dont l'élimination intégrale avec le relogement des habitants serait la seule solution, selon le maire de Rio, Eduardo Paes (Estadão, 7 avril 2010). Le débat sur le déménagement des favelas a été complété par des experts sociaux et techniques, ce qui démontre que la question de l'enlèvement comme moyen d'intervention est toujours d'actualité, aussi bien que le manque de sécurité pas seulement physique mais juridique des habitantes de favelas. D'ailleurs, on observe sur le Morro de São Carlos les produits des opérations d'urbanisation antérieures visant la contention des pentes; elles laissent claire l'intention de contenir l'expansion des occupations de manière très radicale. Avec l’APUR on a pu discuter l'idée de la contention des occupations informelles par son ouverture et non par sa fermeture, sous la forme d'une ville murée, car cela rend encore plus difficile son urbanisation, la perméabilité et la lisibilité depuis l'extérieur. En effet il accentue la dichotomie intérieur-extérieur, ou ville formelle versus ville informelle, morro versus asphalte; la ségrégation et les préjugés par rapport à la population générale des favelas, ce qui a un reflet sur la propre définition des favelas. La mission d'avril a permis une étude de terrain plus apurée surtout des alentours du Morro en identifiant des centralités existantes et les possibles liaisons internes au quartier et externes (à la continuité des projets de São Cristovão-Maracanã et de la région portuaire). Par contre, la compréhension du site dans sa totalité est aussi compliquée par le climat de tension à cause des annonces sur l'implantation d’une UPP dans le secteur. Mais avec la connaissance de la morphologie des favelas sur collines, avec l'expérience à Dona Marta, les urbanistes parisiens, eux mêmes ont changé leurs idées sur l’image des favelas.
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Les expériences et toute une gamme de nouvelles informations prises pendant la dernière mission, ont contribué à la formation d'une nouvelle proposition d'intervention urbaine. L’équipe de l'APUR a fondé le nouveau projet sur le respect à la « nature » locale. Le principal changement fut par rapport à l'ouverture de voies, plus précisément l'avenue principale (celle qui monte et redescend le morro, dans le sens Nord-Sud): son nouveau dessin est rapporté aux routes de montagne, de manière à respecter au maximum le relief, mais encore les cheminements ouverts « naturellement » par les habitants.
Figure 4.9 : Maquette 3D de la nouvelle proposition de projet urbain pour la Zone d’études Source : élaboration propre au sein de l’APUR ; { partir des données de l’IPP (agence d’urbanisme de Rio)
L’image en perspective (figure 4.9) montre les îlots-favelas en blanc, coupés par le nouveau réseau de voirie « interne » au morro. Ce réseau présente une hiérarchisation des voies et se connecte avec des nouvelles centralités et des centralités mises en valeur par le projet (annexe 06a). Nous notons qu’une région montagneuse, qui était isolée dans son milieu, peut se connecter au réseau urbain existant en utilisant des formes moins rigides, plus souples, de manière à s’accorder avec les formes originelles du terrain – courbes de niveaux, morphologie urbaine organique. La voie principale continue en ayant le rôle de relier les parties Nord et Sud du secteur, cependant elle le fait de manière à respecter et profiter au mieux de l’existant en termes de configuration spatiale, tout comme les autres. « Sur São-Carlos le projet de desserte actuellement proposé respecte au mieux l’habitat actuel et doit se comprendre comme une optimisation des voiries existantes et une mise en valeur du bâti existant. Le projet ne s’appuie pas sur une politique d’expropriations, qui seront de toute façon très mal reçues par les habitants et qui sont donc limitées au strict nécessaire. Les récentes inondations font de la question de la démolition de l’habitat la question la plus sensible. L’acceptabilité d’un projet urbain partagé par tous, et en particulier par les associations d’habitants, doit reposer sur un respect de l’habitat existant. » (Rapport de Mission, Avril 2010, p.12)
Les dessins urbains proposés ont eu comme base surtout des données numériques, c'est-à-dire, les courbes de niveaux, les photos aériennes et les plans numériques emportés du Brésil. Grâce à ces sources digitales, on a pu reconstruire le relief existant et élaborer un dessin cohérent avec les divers niveaux de pentes (annexe 06b). 71
La question des centralités a été mieux abordée/travaillée
lors
de
la
nouvelle
proposition de projet urbain. Cela se voit fondé sur des références prises en compte pour cette proposition, dont Medellin et le Complexe de l’Alemão. Ces projets ont développé l’idée des lieux de culture et sociabilité associés à l’implantation des télécabines (figure 4.10). Pour Rio Comprido, par contre, le projet de la coopération cherche aussi à travailler avec les centralités
Figure 4.10: station de téléphérique au Complexe de l’Alemão Source : jauregui.arq.br/favelas_alemao.html
existantes, identifiées sur la photo aérienne, mais qui doivent être encore observées in situ. L’idée du téléphérique a été reprise aussi dans le contexte de Rio Comprido. Son implantation peut donner une continuité au réseau qui commence à être développé dans la Zone portuaire (passant par le Morro da Providência), car les deux utilisent la Gare Barão de Mauá (l’ancienne Leopoldina, à l’Avenue Francisco Bicalho) comme point de liaison multimodal (figure 4.11). Dans cet aspect, le projet pour Rio Comprido prend en compte l’importance de l’attractivité au tourisme, réussie par le nouveau moyen de transport, pour promouvoir l’ouverture au morro,
Figure 4.11 : La jonction des deux projets de téléfériques pour la région centrale Source : élaboration sur la base des informations de la Ville de Rio et collage avec la proposition de l’APUR
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surtout à partir de l’utilisation des télécabines pendant les Jeux. L’aménagement de voies panoramiques et la préservation de la configuration spatiale authentique, viennent renforcer cette attractivité. D’ailleurs, il est fondamental d’avoir une vision globale de la problématique et les enjeux d’intégration et de la démarche de revitalisation dans l’ensemble de la zone centrale. Il est important de savoir quels sont les projets déjà mis en marche – par la municipalité, par l’Etat, l’Union et les opérateurs privés – concernant la zone de projet de la coopération Paris-Rio ; soit sur l’urbanisation de favelas, soit concernant le renouvellement urbain du quartier Cidade Nova (notamment au long de l’Avenue Presidente Vargas), entre autres. Donc, savoir que les propositions de projet s’insèrent dans le contexte général des interventions pour la zone centrale, qu’elles ont une articulation avec l’ensemble des quartiers centraux (réglementaire et urbanistique), avec le projet Porto Maravilha et les projets pour les Jeux Olympiques 2016 – Village des médias et Complexe Sportif du Maracanã. 4. La participation de l'État de Rio de Janeiro dans la ville En ce qui concerne la connaissance divers sur les programmes et opérations urbaines qui touchent la région de Rio Comprido, on peut citer la démolition de l'ancienne prison, localisée dans le périmètre d'étude pour donner lieu à des logements sociaux du Programme Minha Casa, Minha Vida. Les logements doivent prioriser les habitants des favelas les plus touchées par les glissements de terrain en avril. Encore sur le logement social, la proposition d'implanter un parc de logements sociaux locatifs sous les modes de la RIVP (Régie Immobilière de la Ville de Paris) sur la zone centrale carioca a connu son équivalent à Rio: la CEHAB-RJ (Companhia Estadual de Habitação – Rio de Janeiro). La CEHAB de l'Etat de Rio gère actuellement un parc de 100 000 logements en leasing. Elle pratique, donc une « gestion proche des règles d'une gestion locative sociale en facturant des emprunts tous les mois et en se penchant sur les difficultés sociales des occupants » (Rapport de Mission, avril 2010, p. 28). La méconnaissance des opérations urbaines dans le contexte de Rio se doit en partie par les différents acteurs politiques qu'y opèrent. Nous constatons que le gouvernement de l'État de Rio de Janeiro est le niveau administratif le plus présent en ce qui concerne l'urbanisation des favelas cariocas, avec des propositions de plus en plus innovatrices, comme il est le cas de la favela Dona Marta malgré la simplicité de l'opération. On peut citer encore les opérations du PAC dans le Complexe du Alemão et en Pavão, Pavãozinho et Cantagalo, avec ses nouvelles solutions en termes de transport en commun et d’urbanisation en général. L'État de Rio, cependant, n'établit pas un échange continu avec la municipalité de sa capitale, et comme la coopération est faite entre les deux municipalités, le contact et les connaissances des actions de l'Etat dans la portée de l'urbanisme restent peu accessibles. 73
5. L’évolution du patrimoine Une question qui doit être transversale à toute démarche d’intervention urbaine est : comment la (les) zone(s) affectée(s) vont poursuivre l’évolution urbaine ? Dans les cas des favelas, on a déjà parlé sur la contamination par l’urbanisation, qui pourrait être l’un des aspects de l’évolution physique des favelas. Il est important noter aussi le différent rapport qui existe entre public et privé dans l’espace des communautés – où l’espace public de l’intérieur est privé par rapport à l’espace extérieur (ville formelle) et l’espace privé de l’intérieur est souvent semi-public pour les personnes de la communauté, dû l’organisation spatiale (jauregui.arq.br). Cela n’a pas pu être observé in situ dans le cas du Morro de São Carlos et les autres favelas de Rio Comprido, mais seulement à partir du vécu et des descriptions d’autres professionnels et des usagers de ces zones. L’expérience vécue par les professionnels de l’APUR sur le Morro Dona Marta a été très importante pour le contexte de la coopération décentralisée et pour l’expérience de stage. C’est notamment à partir de ce rapport que nous avons pu avancer dans la discussion sur le patrimoine des favelas – entités morphologiquement spécifiques – dans ce mémoire de fin d’études. Ils ont fait le rôle des « premiers touristes » à expérimenter l’espace des favelas tel qu’il est – sans descriptions préalables, ni guides touristiques – notamment parce qu’il ne s’agit pas d’une favela « urbanisée » avec l’objectif d’attirer le tourisme. La vie de quartier observée par les urbanistes de l’APUR à Dona Marta, pourrait avoir été comparée avec d’autres localités de Rio – comme les morros historiques – s’il y avait un temps de mission plus généreux et/ou plus dédié à la connaissance de la réalité urbaine carioca. A Rio de Janeiro la prise de connaissance de son territoire exige un temps plus vaste notamment à cause de la diversité urbaine, paysagère, sociale, culturelle, etc. et aussi dû à des contraintes liées à la sécurité, entre autres. En effet, on ressent qu’il y a le besoin d’une connaissance « d’ordre générale » pour une proposition d’intervention urbaine dans quel que soit le contexte. Curieusement, la question du patrimoine a été peu discutée dans la portée du projet de coopération concernant Rio Comprido. Elle est aussi très peu discutée à Rio par rapport à la morphologie des favelas et encore moins sur son caractère évolutif. Cependant, on observe une préoccupation émergente sur la redéfinition du concept de favelas, dans le contexte de Rio – avec la participation de plusieurs agents du pouvoir public dans le livre O que é favela afinal? (Qu’est ce qu’est favela, enfin?) – et aussi au niveau national, avec l’IBGE. Il est vrai que la préoccupation principale et même originelle sur ce qui touche les favelas (ou l’urbanisation de favelas) est la transformation d’un environnement précaire dans un habitat digne ; et le fait de contenir son expansion est attelé à la construction de cette dignité spatiale. Cela dit car, de la même manière que les zones de logement des alentours du Morro de São Carlos 74
ont éprouvé un processus de dévalorisation, résultant des installations précaires des favelas, la propre favela (désormais aussi formalisée) pourra continuer avec le stigmate des favelas associé à la précarité. Il est pour cela que la qualité de vie de ces populations passe aussi par la maîtrise de l’informalité/précarité. Par contre, son évolution concerne la continuité des améliorations. Ce qu’on appelle la contamination par l’urbanisation peut être traduit dans un investissement continu de la part du pouvoir public, mais aussi des mêmes habitants qui rendent meilleures ses habitations, surtout à partir d’un processus de régularisation foncière. Ces habitants peuvent aussi devenir eux-mêmes des investisseurs dans l’endroit : propriétaires de points commerciaux ou de services (touristiques ou non) ; promoteurs d’événements/programmes sociaux ; agentes communautaires, etc. Il faudrait surtout penser à viabiliser sa permanence dans le territoire urbanisé et sécurisé. L’évolution des favelas peut se traduire aussi dans son ouverture continue à la ville formalisée, de manière à garantir les flux entre les divers espaces urbains et son accessibilité. En effet, l’accès commence à se produire à travers le monde digital. Outre les sites de la presse traditionnelle, une grande partie de la mise à jour pendant la coopération a été fait par les sites spécifiques sur le sujet favela. D’ailleurs, on peut détacher ici l’importance de l’identification d’un territoire, qui est l’objet du travail du site wikimapa.org.br – un site qui vise à cartographier le territoire des favelas cariocas, et rendre possible l’accès, l’ouverture et la connaissance du territoire pour ceux qui ne vivent pas là, à travers l’internet. Dans ce point on peut croiser la question des favelas avec l’arrivée de la notion de patrimoine ; selon Françoise Choay, « l’absence de cadastres et de documents cartographiques fiables » rendait difficile la reconnaissance de l’organisation spatiale de la ville comme un patrimoine construit capable de l’identifier (Choay, 1992, p. 138). On peut dire qu’on identifie la ville de Rio par les paysages de plages et des collines, mais aussi par le paysage de ses morros habités, cependant pour identifier la morphologie des favelas comme patrimoine urbain carioca il se fait nécessaire d’avoir un outil capable de le rendre public. Plus fort que le tourisme, cela peut être réussit par la cartographie précise de ces occupations, en identifiant des point de repères, etc. Cela ferait, dans la pratique de la vie urbaine, que les favelas devinssent des vrais quartiers cariocas, avec une réglementation spécifique – ZEIS – comme il est le cas aussi des centres historiques, mais avec une identification et une participation reconnue dans la vie de la ville. Pendant la période de stage, on a travaillé sur une base cartographique qui indiquait des zones de favelas avec un polygone simple (annexe 07), présentant seulement des voies d’accès les plus larges, différemment de ce qui s’est passé dans le cas de Rabat, quand on avait le plan avec toutes les édifications (annexe 09). Bien sûr qu’en s’agissant des favelas, on voit qu’à chaque semaine elle peut avoir des nouvelles édifications ou des baraques. Mais l’organisation générale de la favela ne change pas si facilement. Il est possible à travers un état des lieux, de comprendre déjà 75
la logique d’occupation, les voies consolidées, les espaces plus ouverts qui indiquent des possibles lieux de sociabilité, ou d’autres éléments d’une morphologie particulière, indispensables dans l’élaboration d’un projet urbain. Le manque d’information cartographique, et d’information de manière générale (de la part de Rio) a été une carence au début de la coopération entre Rio de Janeiro et Paris. Pour résoudre cette situation, l’APUR a envoyé un stagiaire à Rio – à partir du mois d’avril, jusqu’à septembre – afin de rendre accessibles toutes les informations qui touchent l’objet de la coopération directement ou indirectement. Nous nous apercevons que la ville de Rio présente une dynamique de transformations urbaines très rapides, notamment après la désignation de la ville comme ville-hôte des Jeux Olympiques d’été 2016, ce qui a impliqués des délais pour les démarches de projets en jeu. Les transformations, les projets urbains et les diverses résolutions de l’actualité peuvent être suivis par l’APUR maintenant à travers son stagiaire, qui nous envoie une notice hebdomadaire sur les principaux sujets de la semaine en matière d’urbanisme. Entre ces informations, nous détachons un plan récent avec des propositions d'aménagement du Morros de São Carlos. Ce plan (annexe 08) démontre deux choses : il existe une cartographie officielle concernant les favelas ; il y a des possibles procédures d’aménagement en marche sur la zone de projet (celle-ci, entre autres). On voit, pourtant, que le projet issu de la coopération représente un plan d’aménagement territorial à une échelle plus vaste, sans avoir le niveau de détail des interventions ponctuelles, plus précises comme celle ci (figure 4.12).
Figure 4.12: détaille de l'organisation spatiale de la favela da Mineira (Catumbi) – Complexo São Carlos Source : Secrétariat Municipal d’Urbanisme – Ville de Rio de Janeiro
Avec ce petit extrait du plan général d’aménagement du Morro de São Carlos, on peut voir que la représentation cartographique des favelas est possible et que son organisation spatiale est bien consolidée dans le territoire du morro. Les voies sont déjà nommées, hiérarchisées, et forment une vraie maille urbaine, avec des espaces plus ouverts (largos). On observe que la logique 76
d’occupation est complètement différente des occupations formelles et planifiées, et cette différence est aggravée par la largeur des voies et surtout par le relief de collines, des fois très pointues (figure 4.13). Ce niveau de détail a été utilisé lors des propositions pour les douars de Rabat (annexe 09) et, même sans avoir un vécu territorial, il est possible d’identifier plus précisément les atouts et les contraintes de l’organisation spatiale, mais aussi d’envisager des solutions plus adaptées. Des espaces de la nature des favelas sont des exemples de la capacité humaine de construction de l’espace urbain, cependant sans faire l’usage des formes et des logiques de l’urbanisme traditionnel. La formation d’espaces comme ceuxci, quand ils ne representent pas un risque pour la population, peuvent se constituer des symboles de la diversité urbaine, un élément qui amène une identité (positive) à la ville. Les favelas dont la configuration
spatiale
est
stabilisée
avec
Figure 4.13: Favela Santa Marta; des voies piétonnes Source : Rapport de mission, avril 2010
l’infrastructure necessaire aux conditions de vie et dévéloppement de la population, sont aussi une réponse à la normatisation urbanistique rigide et universelle, et une épreuve qu’il est encore possible de créer de nouveaux environnements urbains authentiques.
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Conclusion Nous pouvons conclure ce travail en observant que la valorisation d’un patrimoine culturel urbain peut dépendre d’un regard extérieur pour être valorisé, et que, la pratique de l’urbanisme pour la mise en valeur de ce patrimoine, passe souvent par les processus de renouvellement urbain. Le renouvellement urbain est appliqué de plus en plus dans le contexte des favelas, aussi bien que la restructuration urbaine. Ces deux pratiques correspondent à l’enjeu de changement d’image d’une région urbaine, ce qui peut avoir des effets sur une grande partie de la ville, notamment sur l’image de la ville en général, comme il est souvent les cas des renouvellements des centres-villes plus anciens, tournés vers le tourisme. Dans le cas de Rio, nous avons vu que les quartiers centraux sont passés par un processus de dégradation socioéconomique et urbaine-environnemental, aussi observée dans le contexte des diverses métropoles – brésiliennes, latino-américaines, entre autres. Ceci a été aggravé par l’affirmation du centre économique carioca, avec la restriction à l’usage résidentiel dans la zone centrale. Un autre phénomène qui rend plus grave l’abandon du centre est ce qui Ribeiro appelle « autoségrégation des couches supérieures. (…) un processus qui se déroule dans le climat d’insécurité et de peur à Rio de Janeiro. » (2006, p. 81). Les classes moyennes ont la tendance à se protéger de la violence urbaine soit en se distanciant du centre-populaire, soit en se renferment dans des espaces sécurisés, soit les deux. Nous avons évoqué le cas de Barra da Tijuca, cependant il existe plusieurs exemples à Rio, comme sur d’autres régions métropolitaines brésiliennes, toujours suffisamment loin du centre, mais encore dépendants de celui. Cet aspect a été observé par l’équipe de l’APUR, lors d’une visite à Barra : « un endroit sans une vraie vie urbaine ». L’idée de redonner de la vie urbaine au centre de Rio, surtout aux secteurs les plus proches de la région portuaire et les quartiers plus abandonnés – comme s’est passé pendant le premier accord de coopération, travaillant sur São Cristovão – tourne autour de l’équilibre entre fonctions, avec l’emphase sur la fonction résidentielle, pour que la population puisse vraiment s’approprier de l’espace urbain. Ainsi, l’expertise parisienne nous a montré l’importance de l’approche du développement urbain intégré, en prenant compte de l’ensemble des politiques urbaines qui opèrent sur un territoire, aussi bien que l’ensemble du territoire, de façon à promouvoir la cohérence et la continuité territoriales. Le savoir-faire français en termes de l’urbanisme intégratif a été mis en place pour traiter des coupures urbaines et de la discontinuité territoriale à Rio. Cette discontinuité, dans le contexte carioca, est renforcée par la ségrégation sociale-spatiale, surtout concernant les favelas et la dichotomie ville-favela, qui rend les favelas des endroits isolés et périphériques même en étant en plain centre-ville. Les coupures urbaines, comme les viaducs, les voies ferrées et le relief,
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font que la région centrale carioca soit un ensemble de centres déconnectés, dont les favelas sont aussi des centres, mais à la marge des centres formels. La prise en compte des favelas lors de propositions de développement urbain intégré pose plusieurs questions sur comment opérer sur ces territoires étrangers et fermés de la ville, et aussi, sur quelle peut être son attractivité. Sur ce point, nous voyons que les investisseurs du tourisme considèrent déjà la favela comme un endroit attractif. La pratique du tourisme développée dans l’espace des favelas consolidées, même sans intervention urbanistique avec cet objectif, a attiré l’attention du pouvoir publique, qui commence à se rendre compte que les favelas peuvent avoir aussi des atouts. A cela, s’ajoute la prise en considération de l’histoire sociale des favelas dans le contexte de la ville, un sujet qui motive l’implantation de musées dans l’espace des favelas et son urbanisation, ayant en vue la mise en valeur de la configuration existante – les parcours touristiques sont proposés pour montrer l’authenticité de cet type de formation urbaine. D’ailleurs, l’image de favela, souvent associée à la misère, est aussi associée à la propre image de la ville et encore au pays. De ce fait, la restructuration de l’espace de la favela doit être fondée sur l’idée du renouvellement de son image – la mise en valeur des points positifs et l’achèvement des points négatifs – mais pas forcement de sa configuration morphologique originale. A partir de l’assimilation de caractéristiques singulières au contexte des occupations informelles (dans le sens de la forme), on peut les considérer comme des vrais éléments identitaires d’une communauté et passibles de mise en valeur. Les favelas cariocas, pour être en grande partie des occupations consolidées, sont des exemples particuliers du phénomène bidonville/slum, ainsi par rapport aux favelas dans le contexte du Brésil, alors, avec des éléments identitaires plus facilement observés, et des caractéristiques plus marquantes. La notion de favela, à l’échelle internationale, oscille d’un extrême à l’autre : du « pire des mondes possibles »38 à la marque de « favela chic »39, plus rapportée aux bidonvilles brésilienscariocas. Ces deux images sont à l’origine de l’attractivité des favelas cariocas, considérées désormais exotiques et authentiques ; partie intégrante de la riche culture brésilienne – donc son patrimoine – pour exportation. Le manque d’intervention/participation du pouvoir public, pour résoudre le problème de la précarité dans l’habitat des plus pauvres et la question de la violence, a été l’aspect le plus exploité, dénoncé par les médias globalisées – même Michael Jackson a fait sa partie – ce qui a motivé la visite de ces endroits, notamment à partir des années 1990, comme nous l’avons vu. Cependant, la réalité des favelas nécessite une connaissance de plus proche. Il a été à partir d’une première prise de conscience des particularités sociales-spatiales d’une favela carioca – lors de la 38 39
Pour reprendre le livre de Mike Davis sur les questions des bidonvilles du monde entier. Pour reprendre le nom de la marque des clubs stylisés avec des éléments qui remettent la favela « brésilienne ».
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visite à Dona Marta – que nous avons pu penser à comment mieux intervenir sur cet espace, et à comment équilibrer le renouvellement urbain de la zone centrale (fondé sur le savoir-faire français) et la restructuration des favelas insérées dans le contexte. La diversité urbaine de la zone centrale de Rio, est un des sujets de la mise en cohérence et de la mise en valeur des atouts du territoire. Entre ces atouts, nous pouvons considérer les favelas, à partir du moment où elles s’ouvrent sur la ville et s’affirment comme partie intégrante de son patrimoine. Il est important de rappeler ici la rapidité des transformations urbaines observées à Rio. Avec un stagiaire de l’APUR sur la ville de Rio, nous avons pu accompagner les plusieurs démarches de projet et planification urbaine qui se développent, concernant spécialement le renouvellement des centres, l’urbanisation de favelas, mais aussi d’autres sujets de l’urbanisme et l’évolution urbaine de la ville (le transport urbain, le marché immobilier, les opérations sur la zone portuaire et les autres aires centrales, les opérations pour les Jeux Olympiques et la Coupe du Monde, etc.) L’expérience de stage avec la coopération décentralisée Paris-Rio de Janeiro nous a rendu possible une prise de conscience sur la diversité du patrimoine brésilien, à travers les questionnements sur la teneur du patrimoine urbain de Rio. Nous constatons que même la ville du présent – sans forcément être historique – peut être conçue de manière particulière dans un contexte de globalisation croissante. Nous observons encore la possibilité d’évolution du patrimoine culturel urbain, ayant comme base la démystification des productions urbaines spontanées et méconnues. Le manque d’une référence extérieure peut révéler une construction/organisation de l’espace innovatrice, fortement fondée sur la culture et le mode de vie d’une communauté, aussi bien que sur les contraintes trouvés. Voici le carrefour entre la notion de favela et de patrimoine culturel. Avec tous les questionnements présentés tout au long de ce travail, surtout ceux concernant les théories et les pratiques urbaines, nous nous rendons compte de la possibilité de faire évoluer les études sur les formes urbaines contemporaines et ses transformations – par exemple, le rapport entre la culture et/ou le niveau économique avec la production spatiale ; le rapport entre le tourisme et le développement urbain ; les diverses formes d’appropriation de l’espace dans le contexte d’une métropole ; le rôle des opérations urbaines pour d’événements sportifs internationaux dans l’amélioration de l’environnement urbain ; entre autres questions qui apparaissent pendant le déroulement d’un travail comme celui-ci. Grâce à la formation en « Urbanisme, Habitat et Coopération Internationale », nous avons eu l’opportunité de mieux réfléchir aux différentes problématiques et aux différences en général qui enrichissent le contexte mondial des villes. Et grâce à l’expérience de stage, nous avons pu observer dans la pratique, comment nous pouvons appliquer nos connaissances en tant qu’urbanistes, tout en respectant les diverses caractéristiques d’un contexte singulier.
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Nous exprimons finalement, l’envie de pouvoir donner suite au travail de recherche, en établissant des nouvelles problématiques qui peuvent se dérouler à partir de ce mémoire, notamment en ce qui concerne la « recherche appliquée » et impliquée sur un territoire en question.
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Table de Figures
Figure 1.1 : Tableau de la croissance populationnelle des favelas entre 1991-2000 ..................... 11 Figure 2.1 : Photo aérienne détachant les quatre régions administratives du centre cariocas et le secteur d’étude ................................................................................................................................ 16 Figure 2.2 : Zone de projet et repères (annexe 03) ......................................................................... 19 Figure 2.3 : Quartiers de Rio Comprido............................................................................................ 19 Figure 2.4: Morro da Coroa .............................................................................................................. 20 Figure 2.5: extrait de la présentation du nouveau projet Porto Olimpico ....................................... 21 Figure 2.6 : Mur de la Favela São Carlos .......................................................................................... 25 Figure 2.7: Avenue Rio Branco, l'ancienne Avenue Central ............................................................. 28 Figure 2.8 : Localisation du Morro da Conceição ............................................................................. 30 Figure 2.9: La Pedra do Sal (escalier sculpté par les esclaves) accès au Morro da Conceição ......... 30 Figure 3.1 : Píer Mauá et repères ..................................................................................................... 36 Figure 3.2 : Localisation du projet Gamboa, Port de Rio de Janeiro ................................................ 36 Figure 3.3: parcours touristique Morro da Providência Source : Ville de Rio .................................. 37 Figure 3.4: Favela da Maré ............................................................................................................... 46 Figure 3.5 : Favela, dessin de Le Corbusier ...................................................................................... 50 Figure 3.6 : Favela, peinture de Bob Dylan ..................................................................................... 51 Figure 3.7: Bondinho do Pão de Açucar ........................................................................................... 52 Figure 3.8: Exemple d'un parc-bibliothèque .................................................................................... 53 Figure 3.9: téléférique au Port de Barcelone ................................................................................... 58 Figure 3.10 : Ferry Building – The Embarcadero .............................................................................. 59 Figure 3.11: Port de Rio, Place Mauá et embarcadère, Projet ......................................................... 60 Figure 3.12 : Place Maua et Viaduc, Actuel ...................................................................................... 60 Figure 3.13: Un projet pour la zone centrale – l’axe Est-Ouest ....................................................... 61 Figure 3.14 : la Plaine-Saint-Denis et le Nord-est de Paris Source : Paris Projet n°36/37 ............... 61 Figure 4.1: funiculaire Morro Dona Marta ....................................................................................... 64 Figure 4.2 : Système d’ascenseur à Cantagalo ................................................................................. 64 Figure 4.3 : Photo du douar Takadoum – un ancien bidonville à Rabat .......................................... 66
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Figure 4.4 : avec les blocs hétérogènes ........................................................................................... 66 Figure 4.5 : avec les blocs linéaires .................................................................................................. 66 Figure 4.6: Favela Santa Marta......................................................................................................... 69 Figure 4.7 : Complexe de favelas São Carlos .................................................................................... 69 Figure 4.8: Maquette 3D de la Zone de Projet ................................................................................. 69 Figure 4.9 : Maquette 3D de la nouvelle proposition de projet urbain pour la Zone d’études ....... 71 Figure 4.10: station de téléphérique au Complexe de l’Alemão ...................................................... 72 Figure 4.11 : La jonction des deux projets de téléfériques pour la région centrale ........................ 72 Figure 4.12: détaille de l'organisation spatiale de la favela da Mineira (Catumbi) – Complexo São Carlos ................................................................................................................................................ 76 Figure 4.13: Favela Santa Marta; des voies piétonnes..................................................................... 77
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Annexes
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ANNEXE 01 (a) Localisation de la ville de Rio de Janeiro sur une carte de l’Etat, et de l’Etat sur une carte du Brésil. Source : wikipedia
(b) Schéma des quatre régions administratives qui intègrent le centre de Rio de Janeiro (aire de planification 1) et sa localisation dans la métropole. Source : Municipalité de Rio de Janeiro.
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(c) Population du centre de Rio (area de planejamento 1), par rĂŠgion administrative. Source : MunicipalitĂŠ de Rio de Janeiro.
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ANNEXE 02 Carte de la Ville de Rio de Janeiro avec la division par quartier. Source : MunicipalitĂŠ de Rio de Janeiro.
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ANNEXE 03 Vue aérienne avec la Zone de Projet et les points de repères.
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ANNEXE 04 Projet d’urbanisation du Complexe du Alemão. Source: http://www.jauregui.arq.br/favelas_alemao.html
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ANNEXE 05 Première proposition de pour la zone de projet présentée par l’APUR. Source : APUR
Perspective de la situation actuelle. Vue à partir du Sud. Elaboration propre.
Perspective de la zone de projet avec les propositions d’intervention – l’avenue centrale sur le morro et les voies dans l’espace des favelas. Elaboration propre. 93
ANNEXE 06 (a) Deuxième proposition d’un nouveau réseau de voirie de pour la zone de projet présentée par l’APUR. Source : élaboration au sein de l’APUR, à partir de la carte de la situation actuelle avec les données de l’IPP.
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(b) Déclivité du nouveau réseau de voirie pour la zone de projet – Morro São-Carlos. Source : élaboration au sein de l’APUR, à partir de la carte de la situation actuelle avec les données de l’IPP.
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ANNEXE 07 Plan de la zone de projet utilisĂŠ lors des propositions de dessin : favelas en polygones. Source : IPP.
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ANNEXE 08 (a) Proposition d’aménagement du Secrétariat Municipal d’Habitation pour le Morro São Carlos. Source : SMH.
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(b) Proposition d’aménagement du Secrétariat Municipal d’Habitation pour le Morro da Coroa. Source : SMH.
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ANNEXE 09 (a) Plan d’intervention urbaine sur les deux douars (Takadoum) à Rabat. Source : Ville de Rabat
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(b) Schéma du principe d’intervention urbaine sur les deux douars (Takadoum) à Rabat. Source : élaboration propre à partir de la carte de la Ville de Rabat.
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