Reconversion du CHU Hôtel-Dieu à Nantes
PRENDRE SOIN : DE L’AGRÉGAT URBAIN DENSE AU QUARTIER PERMÉABLE
BÉNÉDICTE CHEVALIER - LUCIE DAUM RAPPORT DE PFE, ENSA PARIS VAL-DE-SEINE, 2021/2022 DOMAINE D’ÉTUDE 6 : TRANSFORMATIONS DIRECTEURS D’ÉTUDE : XAVIER DOUSSON ET DONATO SEVERO CO-DIRECTRICES : LILA BONNEAU ET VESSELINA LETCHOVA
Page de couverture _ Localisation du
CHU Hôtel-Dieu à Nantes
Source : cadastre.data.gouv.fr
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REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier toutes les personnes qui nous auront suivis et encouragés dans l’accomplissement de ce Projet de Fin d’Études et sans qui l’aboutissement de ce travail aurait été vain. À commencer par nos directrices et directeurs d’étude Lila Bonneau, Xavier Dousson, Vesselina Letchova et Donato Severo pour nous avoir soutenus et guidés tout au long de l’année avec toute leur bienveillance et leur justesse. À l’ensemble des enseignants et étudiants des studios de projet « Trans/ former l’existant » et « Friches urbaines » pour leur accompagnement ainsi que pour les outils méthodiques transmis et partagés lors des séances d’encadrement. Au comité de la Chaire ARCHIDES « Architecture, Design, Santé » pour leur intérêt à l’égard de notre travail et pour leur soutien financier. À Jean-Claude Le Néel et Héloïse Nicolas pour nous avoir accordé de leur temps lors des entretiens. Leurs réponses auront permis d’éclairer et nourrir nos connaissances autant sur le CHU Hôtel-Dieu que sur la pratique des arts thérapeutiques. Leur intérêt pour ces sujets aura été une réelle source de motivation. À nos parents respectifs, Laurence et Bernard, Martine et Bertrand, qui de Beaupréau à Chelles ne cessent de nous porter et de croire en nous. À Elma, Fleur, Javier, Juliette, Margaux, Maxime, Thibaut et Tom pour leur aide précieuse. À Alix, Blanca, Delphine, Élisa, Florent, Marine et Mélanie pour leur présence. À Camille, Perrine et Yara pour leur hospitalité. Nous saluons enfin la fanfare des Encuivrés, pour l’amitié et les diversions mélodieuses.
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AVANT-PROPOS
C’EST LE PFE !
Le Projet de Fin d’Études est un projet singulier qui signe la fin des études d’architecture. Cet exercice offre une grande liberté dans le choix des sujets comme des programmes mis en place. Ainsi pour la première fois depuis notre entrée à l’ENSA de Paris Val-de-Seine, nous avons pu orienter notre travail vers des thèmes qui nous tenaient particulièrement à cœur. À partir d’une première discussion en avril 2021, nous avons commencé à tisser l’envie de travailler en binôme pour cette dernière étape à l’école. Si nous avions déjà suivi un même enseignement de projet en licence, le PFE constitue notre premier travail à quatre mains. LA LOIRE À VÉLO
En septembre 2021 au cours d’un voyage en vélo d’Orléans à SaintGildas-de-Rhuys, nous avons sillonné les paysages de la Loire. Nous avons ainsi suivi le fleuve jusqu’à Nantes avant de bifurquer, cap sur le Golfe du Morbihan. Cette expérience personnelle nous aura donné un aperçu du grand territoire sur lequel nous nous apprêtions à développer notre projet de fin d’études commun.
ENSA Paris Val-de-Seine
Orléans
St-Gildas-de-Rhuys Pontchâteau
Chambord
Angers St-Florent-le-vieil
Tours
CHU Hôtel-Dieu Nantes
Figure 1 _ Itinéraire en vélo d’Orléans à Saint-Gildas-de-Rhuys. Source : maps.stamen.com
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SOMMAIRE
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REMERCIEMENTS AVANT-PROPOS
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INTRODUCTION 12 12 14
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_ Le choix d’un site _ Le déménagement du CHU _ Méthode et sources 1 _ SITUER : UNE ENCLAVE EN FRONT DE LOIRE
19 23 26 31
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1.1. Évolution contextuelle 1.2. L’hospitalité à l’épreuve de la densification 1.3. Contexte territorial et urbain 1.4. Observations in situ 2 _ REDÉFINIR : UN MORCEAU DE VILLE IRRIGUÉ
37 41 46 51
55
2.1. Créer les conditions d’un nouveau quartier 2.2. Le sol : moteur de projet 2.3. Programmer à l’échelle du nouveau quartier 2.4. Le choix de deux interventions 3 _ INTERVENIR : HABITER L’AILE SUD DE L’HÔTEL-DIEU
57 59 62
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3.1. Un édifice qui fait bloc 3.2. Une composition régulière 3.3. Créer les conditions d’un habitat mixte 4 _ INTERVENIR : UN CENTRE DE CRÉATION THÉRAPEUTIQUE
71 73 77 79
4.1. Des urgences à « La Galette » 4.2. Structure capable 4.3. La Galette : Tout un programme ! 4.4. Une approche thérapeutique de l’architecture
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CONCLUSION
84 89
BIBLIOGRAPHIE ANNEXES
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« On parle de confrontations, de chocs, de juxtapositions, de chaos, pour évoquer certains espaces [...] qui ont du mal à faire paysage : paysages battus, défaits, décousus ou déchirés, difficiles à lire, à voir, à sentir, à parcourir, à vivre. Il leur manque des transitions : c’est-à-dire des espaces de relation qui établissent le dialogue entre les parties. Car ce sont les liens entre les parties qui rendent le tout intelligible. »2
2 _ FOLLÉA Bertrand, L’archipel des métamorphoses, la transition par le paysage, Marseille, Éditions Parenthèses, 2019, p.110.
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INTRODUCTION LE CHOIX D’UN SITE
Dans le cadre de son mémoire, soutenu en mars 2021, Bénédicte s’est interrogée sur les manières de mobiliser le sol pouvant induire une démarche de projet.3 La recherche s’appuyait sur trois situations construites de l’estuaire Nantes - Saint-Nazaire. L’une d’elles concernait le travail d’Alexandre Chemetoff et de son équipe sur l’île de Nantes. L’analyse et la représentation du sol existant dans toute sa complexité ont permis de faire émerger un projet extrêmement situé et relatif au lieu. Au cours de ses recherches, Bénédicte a pris connaissance du projet de déménagement du CHU ainsi que de la divergence d’Alexandre Chemetoff quant à l’implantation du futur hôpital. Dès 2009 il s’y opposait, décrivant le projet comme une « grosse machine » autonome sur l’île, sans réflexion précise sur ses relations à la ville.4 De son côté, Lucie manifestait l’envie de travailler sur la transformation d’un édifice existant, d’un déjà-là qui serait non pas à préserver, à muséifier, mais plutôt d’un patrimoine mineur à révéler. Au cours de son mémoire5, Lucie s’est intéressée à la reconversion des centres commerciaux péri-urbains en France. La reconsidération d’un patrimoine déprécié en tant que ressource architecturale et urbaine était au cœur des questionnements soulevés. Fortes de ces deux parcours, nous avons souhaité travailler sur la reconversion du CHU Hôtel-Dieu. Notre intérêt pour la ville, la situation de l’hôpital, les dimensions environnementales et politiques tout comme la centralité du soin dans le projet sont autant d’arguments qui nous ont décidés à développer ce sujet pendant un an. LE DÉMÉNAGEMENT DU CHU
Le CHU Hôtel-Dieu doit déménager dans un nouveau complexe hospitalier sur l’île de Nantes. Au-delà des fortes oppositions liées à la délocalisation de l’hôpital, son déménagement, initialement prévu pour
3_ CHEVALIER Bénédicte, Le sol ressource : la prise en compte du sol au travers de trois situations construites de l’estuaire Nantes - Saint-Nazaire, mémoire, sous la direction de TONFONI Bruno, ENSA Paris Val-de-Seine, 2021 4_ BOUSSION Xavier, « Chemetoff se rebiffe », Presse-Océan, 19 décembre 2009. 5_ DAUM Lucie, Du modèle commercial à la ressource architecturale, Mutations des centres commerciaux péri-urbains à travers l’exemple de Terre-Ciel à Chelles, sous la direction de DOUSSON Xavier, ENSA Paris Val-de-Seine, 2022
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2026, rencontre plusieurs difficultés. Durant l’été 2021, le contrat entre la maitrise d’ouvrage (le CHU) et le groupement de la maitrise d’œuvre (Arts & Builds et Pargade Architectes) a été rompu. L’équipe qui a dessiné le projet ne suivra pas les travaux. Un déménagement était nécessaire autant pour répondre aux besoins et aux progrès médicaux, que pour des raisons de sécurité. « L’actuel CHU est sous le coup d’un avis défavorable d’exploitation des pompiers depuis plus de 20 ans »6. L’ensemble du complexe hospitalier Nantais représente un foncier intéressant. Situé en centre-ville de l’agglomération et faisant front à la Loire, il est desservi pas de multiples transports en commun. Sa reconversion nous semble évidente mais se heurte pourtant aux volontés de la mairie. En effet, après avoir évoqué une reconversion de certains bâtiments en logement, la maire Johanna Roland opte pour un projet plus radical. Elle annonce « la création d’un grand parc nourricier avec vergers, jardins maraîchers et ferme urbaine.»7 Cette radicalité récemment exprimée s’oppose aux enjeux environnementaux auxquels nous sommes sensibles. Aujourd’hui le secteur du bâtiment est l’un des plus importants émetteurs de CO2 et consommateur d’énergie. Selon l’ICEB (Institut pour la Conception Eco-responsable du Bâti), le secteur du BTP est responsable de plus de 70% du volume de déchet produit chaque année en France.8 La gestion de ces déchets, l’épuisement des ressources et le besoin de foncier, toujours croissant, mis en perspective avec la vacance de l’hôpital, ne peut que stimuler nos imaginations. Notre proposition s’affirme en tant que contre-projet, prêt à révéler le potentiel des bâtiments existants. L’ensemble hospitalier constitue selon nous de nombreuses ressources autant matérielles qu’architecturales. Une analyse fine des bâtiments, de leur structure, de leur situation, de leur esthétique et de leur état sanitaire a été menée et a guidé nos intentions, notre démarche, notre plan de déconstruction ainsi que les interventions développées. Le projet urbain repose sur des interventions ciblées que nous avons jugé nécessaires à la manière de l’acupuncture en médecine. 6 _ TRÉMAN Caroline, GAUCHARD Yan, VAUTIER Emmanuel « Nouvel hôpital à Nantes : le patron du CHU défend ‘‘un projet exceptionnel’’ », Ouest-France, 11 janvier 2022. 7 _ ROCHE Pascal, « Nantes : Johanna Rolland annonce un grand parc à la place de l’actuel CHU », France Bleu Loire Océan, 05 février 2020. 8 _ MOOC Le réemploi : matière à bâtir, Teaser MOOC ICEB
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De son passé industrialo-portuaire, Nantes a su opérer une régénération de la ville par l’artisanat et la culture. Depuis plusieurs années la ville semble se tourner vers la santé avec comme ambition celle de créer un pôle dédié à l’innovation de la santé, « pôle national et européen d’excellence en santé. »9 Notre projet s’inscrit dans cette volonté, celle de soigner et de prendre soin à travers la création d’espaces généreux, perméables et inventifs. Sous le coup de sa densification, nous verrons que le CHU Hôtel-Dieu est devenu quasiment inhospitalier. Nous souhaitons renverser ce paradoxe, rendre le site au piéton, retrouver un sol perméable, revégétaliser et offrir des conditions urbaines plus saines. L’ambition du soin se retrouve également dans l’insertion d’un programme en partie dédiée à la création thérapeutique et à des manières d’habiter plus collectives et participatives.
MÉTHODE ET SOURCES VISITES IN SITU
Nous avons entrepris notre première visite de site au milieu du mois d’août 2021, plus tard au fil de l’année et suivant les besoins du projet, nous sommes retournées trois fois à Nantes, en novembre, décembre et avril.10 Sept journées au total qui auront nourri nos connaissances et qui nous auront le plus souvent inspiré de nouvelles pistes de projet. Un portfolio des visites de terrain a été réalisé et permettra au lecteur, nous l’espérons, de mieux se familiariser au site.11 Une grande partie des plans et ressources relatives aux bâtiments proviennent du service des archives de Nantes que nous avons consulté le 16 décembre 2021. Une partie des documents récupérés et ayant servi comme base au projet sont restitués en annexe.12 Un entretien a été mené avec Jean-Claude Le Néel, ancien chirurgien au CHU Hôtel-Dieu et président de l’Association d’Histoire des Hôpitaux et du Patrimoine Santé de Nantes (AHHPSN).13
9_ « La santé du futur s’ancre à Nantes », https://metropole.nantes.fr/territoire-institutions/projet/ambitions-territoire/sante-du-futur-nantes 10_ Se référer à l’annexe : « Itinéraires des visites », pp. 90-92 11_ Livret annexe au rapport de PFE 12_ Se référer aux permis de construire en annexe pp.116-121 13_ Se référer à l’entretien avec J-C. Le Néel, en annexe pp. 92 - 99
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Cet échange constitue une pièce majeure dans la compréhension du CHU. Au-delà des éléments historiques sur l’évolution du site, les réponses ont permis d’intégrer des connaissances plus empiriques et pratiques sur l’espace. DOCUMENTATION
Au fil de l’année, de nombreuses conférences, séminaires et expositions sont également venus enrichir nos acquis tout en nous sensibilisant davantage au thème de l’architecture thérapeutique. En plus de soutenir notre projet, la Chaire ARCHIDES « Architecture, Design, Santé » a su nourrir notre réflexion au travers de différents séminaires. Les expositions du pavillon de l’Arsenal « Soutenir. Ville, architecture et soin »14 et « Coup de vieux, et si l’habitat senior participatif anticipait le logement de demain »15 ainsi que l’exposition « Bien vieillir ensemble, le laboratoire du logement »16 présentée à la Cité de l’Architecture, nous auront encouragées à développer les notions de santé et de bien-être en ville de manière plus centrale dans le projet. COMPOSITION
Ce rapport de Projet de Fin d’Études s’organise en trois parties. Dans un premier temps, nous développerons l’histoire du CHU ainsi que son insertion dans le territoire. Nous poserons ensuite plusieurs éléments du diagnostic urbain qui nous ont permis d’établir les principes du projet ainsi que les intentions programmatiques. Enfin, la troisième partie présentera le choix et le développement des deux interventions architecturales. NOTE DES AUTRICES
Sauf mention contraire, l’ensemble des photographies et documents graphiques sont des productions des autrices.
14_ Soutenir, Ville, architecture et soin, Pavillon de l’Arsenal, Paris, 6 avril au 28 aout 2022 15_ Coup de vieux, et si l’habitat sénior participatif anticipait le logement de demain ?, Pavillon de l’Arsenal, Paris, 27 avril au 29 mai 2022 16_ Le Laboratoire du logement, Bien vieillir ensemble, Cité de l’architecture & du patrimoine, Galerie d’architecture moderne et contemporaine, Paris, 17 décembre 2021au 13 mars 2022
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PARTIE 1_ SITUER
UNE ENCLAVE EN FRONT DE LOIRE
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Figure. 2 _ Plan de Fer, 1716
Figure 3 _ Plan Amouroux, 1849
Figure 4 _ Plan Pinson, 1869
Figure 5 _ Plan Jouanne et Veloppé, 1914
Figure 6 _ Plan municipal, 1975
Figure 7 _ Plan IGN, Géoportail, 2022
Figure 2 à 7 _ Évolution contextuelle du site de l’Hôtel-Dieu de 1716 à aujourd’hui
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1.1. ÉVOLUTION CONTEXTUELLE
« Les archipels sont des infrastructures ambivalentes, à la fois fragmentées et unifiées, qui s’accommodent de ces déséquilibres. Au gré des opportunités, des co-opérations ou des conflits, ces structures se forment, s’entrelacent, s’étendent, se rétractent ou se dissolvent pour accompagner les tentatives humaines de vivre dans l’instabilité du monde. »17 LA TRANSFORMATION D’UN ARCHIPEL
Au XVIIème siècle, l’Hôtel-Dieu est construit à l’extérieur de la ville, qui plus est sur une île afin d’être plus proche de la nature, d’y assurer une bonne qualité de l’air, mais aussi de placer à distance les maladies afin de limiter les transmissions. « Cette mise à l’écart de l’autre – le malade, le fragile, le fou, le difforme – est faite au nom de l’ ‘‘anormalité’’ qui menacerait l’intégrité de la cité. »18 Cet isolement des lieux de soins va avoir pour effet l’invisibilisation des malades au sein de la cité. En 1926, la mairie décide de combler certains bras de la Loire. Pour des raisons de fragilisation des quais liée au passage des trains, mais également par soucis d’hygiène et d’insalubrité, le bras de l’Hôpital, place du commerce, est comblé. Après une succession de transformations, l’archipel que constitue la ville de Nantes jusqu’au XIXème siècle finit par s’uniformiser en une seule et unique île centrale. L’hôpital Hôtel-Dieu, autrefois situé sur l’île Gloriette, est rattaché à la rive droite. Au XXème siècle, la croissance démographique augmente fortement et la ville s’étend, gagnant progressivement la rive gauche. L’HôtelDieu, historiquement excentré, se retrouve dès lors au cœur de la ville. À proximité du centre historique, et donnant sur les bords de Loire, il occupe une place privilégiée dans la ville.
17 _ TVK, La Terre est une architecture, Leipzig, Spector Books, 2021, p.160. 18 _ SCAU Architectes, Cynthia Fleury. « Soutenir, Ville, architecture et soin », exposition au Pavillon de l’Arsenal, du 06/04/2022 au 28/08/2022.
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Figure 8 _ Superposition des typologies des trois hôpitaux
1655 - 1863 _ 1er établissement _ Hôtel-Dieu de 596 places (situé sur l’île Prairie de la Madeleine) 1865 - 1943 _ 2ème établissement _ Hôtel-Dieu de 887 lits (situé sur l’île Gloriette) 1967 - 2021 _ établissement actuel _ CHU Nantes de 827 lits
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UN EMPLACEMENT HISTORIQUE
En 1656 est édifié le premier Hôtel-Dieu sur l’île Gloriette. Il succède alors à l’Hôtel-Dieu de l’Erdre situé plus au nord de Nantes et devenu insalubre. Ledit établissement est basé sur un plan en damier, le bâtiment forme une enceinte de 70 mètres de côté formant une grande cour centrale. Plusieurs hectares autour s’y rattachent, notamment une ferme, un élevage et un cimetière. En 1850, la décision est prise de construire un nouvel hôpital. Pendant une dizaine d’années, un hôpital pavillonnaire en peigne, suivant le modèle Lariboisière, est donc construit sur le même site. Lors de la Seconde Guerre mondiale, 60% des pavillons du second établissement sont détruits dans les bombardements américains de 1943, il est alors question d’évacuer l’hôpital. L’emplacement de sa reconstruction est débattu, la commune d’abord hostile à sa reconstruction in situ se décide finalement, en 1947, à conserver l’emplacement initial, maintenant une facilité d’accès aussi bien pour les habitants de la ville que pour le personnel hospitalier. La construction du CHU par l’architecte Michel Roux-Spitz débute en avril 1951, après plusieurs années de délibérations. Son décès le 14 juillet 1957 aura pour effet de retarder le chantier. Dix ans plus tard en 1967 ouvrent les premiers services. Au total ce sont 2400 pieux creusés à 27 m de profondeur sur lesquels s’élèvent 13 étages en structure métallique. Il s’agit de la première expérimentation de plan cruciforme pour un hôpital en France.19
19 _ Dir. RAYNAUD Michel, Michel Roux Spitz, Architecte : 1888-1957, Liège, Belgique, Pierre Mardaga, 1983, p. 75.
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Figure 9 _ Plan masse de l’Hôtel-Dieu par l’architecte Roux-Spitz, 1947-1963 1 _ Consultations 2 _ Odontologie 3 _ Bloc opératoire 4 _ Bloc opératoire 5 _ Bloc opératoire
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6 _ Laboratoire 7 _ Chapelle 8 _ Services généraux 9 _ Hospitalisation Sud 10 _ Hôpital de la Mère et de
100 m
Figure 10 _ Vue aérienne du chu Hôtel-Dieu, 2020 Source : Données cartographiques Google Earth
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l’Enfant 11 _ Services sociaux 12 _ Usine 23 _ Faculté de Médecine
1.2. L’HOSPITALITÉ À L’ÉPREUVE DE LA DENSIFICATION
Le projet initial, porté par Michel Roux-Spitz, proposait de larges espaces libres plantés. La figure du bloc central en forme de croix ainsi que le pavillon pédiatrique s’implantaient au cœur d’un grand parc, offrant des vues dégagées sur la Loire. Les espaces non bâtis se composaient d’espaces verts, de cheminements ou encore d’espaces récréatifs comme un terrain de tennis. Depuis sa livraison en 1967, le site n’a cessé de se densifier. D’abord avec l’édification de la faculté de médecine un an plus tard puis au cours des années 80 avec la construction du plateau d’urgence et de l’EFS. Les années 2000 sont marquées par la construction de la maternité et par l’ouverture de nouveaux services. Cette densification s’explique par la croissance de la population et donc de ses besoins, mais aussi par les découvertes médicales menant à toujours plus de technicité. Selon Jean-Claude Le Néel, « tout ce qui était libre a été construit. »20 Dans le plan initial de Michel Roux-Spitz, la proportion d’espace végétalisé était de 45,3% contre seulement 3,5% désormais. Le site s’est ainsi minéralisé et une grande partie des espaces verts ont finalement été recouverts d’asphalte. Les seuls espaces plantés se concentrent aujourd’hui sur le parvis ouest de la fac de médecine et celui de la chapelle. Paradoxalement, la parcelle de l’hôpital est devenue presque inhospitalière sous l’effet d’espaces gris, froids et artificialisés. Les nouvelles constructions se sont accumulées au fil des années. Tel un collage, elles constituent aujourd’hui un paysage hétérogène. La juxtaposition de bâtiments et la multiplication des passerelles reliant les nouvelles constructions aux anciennes rendent difficile la lecture du site. La maquette concept réalisée au cours du premier semestre pointait du doigt la dimension « patchwork » de la parcelle du CHU, avec ses multiples constructions, d’années et de styles très différents.
20_ Se référer à l’entretien avec J-C. Le Néel, en annexe pp. 92 - 99
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Figure 11 _ Maquette concept « patchwork » Échelle 1/1000, novembre 2021 Médiums : polycarbonate, papier de verre, cire de bougie, grillage et cansons
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25
1.3. CONTEXTE TERRITORIAL ET URBAIN
À l’échelle du territoire de la métropole Nantaise, le CHU Hôtel-Dieu se situe à la confluence des différents cours d’eau, tels que la Loire, la Sèvre Nantaise et l’Erdre.21 Il se situe au cœur de l’agglomération Nantaise, bordé par la Loire au sud, par le quartier de la Madeleine à l’est, par les immeubles Feydeau au nord et enfin par le campus Centre-Loire à l’ouest. Le CHU se compose de quatre interfaces distinctes et spécifiques avec ses environs. Proche du centre historique et face à l’île de Nantes, il est desservi par les réseaux de transports en commun. Deux lignes de tramway longent la parcelle à l’est qui permettent la desserte de l’hôpital par deux stations : Hôtel-Dieu et Aimé Delrue. La parcelle est également à la croisée de différents parcours à l’échelle de la ville, de l’estuaire et de la région. Le circuit du Voyage à Nantes passe notamment à proximité du CHU. La ligne verte tracée au sol induit la permanence d’une promenade urbaine singulière à la découverte du propre paysage de la ville de Nantes et des cinquante étapes artistiques, architecturales ou patrimoniales. Pour l’édition 2022, le tracé de la ligne verte est détourné à l’occasion de l’installation d’une nouvelle œuvre rue Bias.22 Une sculpture de Krijn de Koning prendra place en face de la chapelle de l’Hôtel-Dieu. Il est envisageable que dans quelques années, le parcours évolue encore et puisse traverser la parcelle du CHU. L’actuel Hôtel-Dieu est également longé au sud par l’itinéraire de la Loire à vélo. Le site est contourné par différents publics et bénéficie donc d’un emplacement stratégique pour changer les relations qu’il entretient avec son environnement proche et le grand paysage. L’implantation du futur CHU est prévue au sud de l’île de Nantes, sur les anciennes usines du MIN23. À l’ouest du nouvel hôpital, le groupement réuni autour de Jacqueline Osty (paysagiste mandataire) et Claire Schorter (architecte-urbaniste) est en charge d’un vaste projet urbain.24 La ZAC sud-ouest de 80 hectares, actuellement occupée par de larges 21_ Se référer à l’annexe : « Carte de Nantes : un territoire ligérien », p 106. 22_ BOUSSION Xavier, « Chemetoff se rebiffe », Presse-Océan, 19 décembre 2009. 23_ Marché d’Intérêt National 24_ Se référer à l’annexe : « Le projet ‘‘ Île de Nantes ‘‘, Osty et associés », pp. 122 - 123.
26
emprises industrielles et ferroviaires, doit être transformée en un quartier urbain mixte et structuré par des parcs à différentes échelles. C’est depuis le parc de la Loire, tourné vers le fleuve, que le réseau de navette fluviale s’accroche. À l’heure actuelle, deux navettes permettent de rejoindre les deux rives. Un premier navibus N1 relie la gare maritime (rive nord) au village de pêcheur de Trentemoult (rive sud). Et le deuxième navibus N2 connecte l’île de Nantes à Bas-Chantenay. Sur son plan urbain, Jacqueline Osty propose un nouvel arrêt de navette fluviale au parc des Chantiers.25 Nous émettons l’hypothèse que ce réseau puisse se développer jusqu’à desservir la parcelle du CHU, et ainsi mieux l’intégrer au réseau de transports de la ville. Son lien avec l’île de Nantes en serait renforcé. Nous imaginons équiper de différentes stations la place de la Petite Hollande, l’ENSA de Nantes, le sud-est du CHU (connexion avec le tram Aimé Delrue) ainsi que le canal Saint-Felix qui fera l’objet d’une transformation urbaine en « plage » et espace de loisirs. À l’image de la station Stenpiren à Göteborg (fig.32, p.44), l’équipement pourra faciliter un rapport étroit au fleuve et devenir un nouvel espace public doté de mobilier urbain et agrémenté de zones plantées. La place de la Petite Hollande ainsi que les berges de la rive nord font d’ailleurs parti d’un grand projet urbain organisé par Nantes Métropole et mené par différentes agences : l’Agence Ter, Une Fabrique de la Ville, LIST Architecture, etc.26 Le plan guide établi par la maîtrise d’œuvre propose de réactiver les berges par des promenades piétonnes et d’y insérer de nouveaux usages. Le quai André Morice serait alors piétonnisé, permettant un nouveau dialogue entre la rive nord et son fleuve. Pour ce qui est de l’Hôtel-Dieu, les collages du projet présentent un site en grande partie déconstruit et occupé par de nouvelles typologies de bâtiments sans lien avec l’existant.
25_ Se référer à l’annexe : « Le projet ‘‘ Île de Nantes ’’, Osty et associés », pp. 122 - 123. 26_ Se référer à l’annexe : « Le projet ‘‘ Nantes Petite Hollande - Bords de Loire ‘‘ », p. 124.
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CHU Hôtel-Dieu Futur CHU de Nantes Plateforme des terres Projet du parc métropolitain Figure 12 _ Carte territoriale Une situation centrale, au bord de la Loire
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1000 m
Itinéraire du Voyage à Nantes Itinéraire de la Loire à vélo
Stations fluviales crées Stations des navettes fluviales Trajet des navettes fluviales
Trajet du tramway 1 Trajet du tramway 2 Trajet du tramway 3
Stations du tramway 1 Stations du tramway 2 Stations du tramway 3 Stations communes
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Figure 13 _ Angle rentrant de
Figure 14 _ Impasse entre l’aile ouest de l’Hôtel-Dieu et la
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l’Hôtel-Dieu
faculté de médecine
Figure 15 _ Vitres réfléchissantes du bâtiment
Figure 16 _ Mur en pierre au rez-
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des urgences
Figure 17 _ Omniprésence de la
Figure 18 _ Omniprésence de la voiture sur le parvis
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voiture au pied et sur la rampe
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de-jardin
d’accès au service orthopédie du CHU
1.4. OBSERVATIONS IN SITU
Le déménagement du CHU sur l’Île de Nantes vient questionner le devenir des bâtiments et interroge les relations entre les bâtiments. De par son échelle et sa place centrale au sein du tissu urbain, nous pensons que le site gagnerait à s’ouvrir à la ville et devenir un véritable quartier. Dès lors, il s’agit de créer les conditions de ce nouveau quartier. Pour cela, nous avons commencé par arpenter le site, son observation nous a permis d’établir un premier diagnostic et de définir plusieurs problématiques à résoudre dans le projet urbain. UN OBSTACLE DANS LA VILLE
Le CHU de Nantes se compose d’espaces fragmentés et segmentés. Le bloc central de Michel Roux-Spitz, en forme de croix, génère quatre angles rentrants dans l’espace urbain. Les quatre ailes de l’édifice agissent comme des barrières qui empêchent tout franchissement. Leur connexion à d’autres bâtiments à chaque extrémité d’aile vient accentuer le manque de fluidité et allonger les parcours. OPACITÉ DES REZ-DE-JARDIN
La multiplication des différents édifices du complexe hospitalier génère très peu de perspectives lointaines, le regard est sans cesse confronté à la proximité des façades bâties. De plus, la majorité des rez-de-jardin sont peu ouverts sur l’extérieur. Stationnements en RDC, murs aveugles, sorties de secours, panneaux réfléchissants, vitres brouillées ou encore utilisation de stores sont autant de dispositifs qui renforcent l’impression de fermeture et d’hostilité des espaces extérieurs. Le manque de porosité des rez-de-jardin constitue selon nous un véritable enjeu de transformation si la parcelle veut s’ouvrir sur la ville et s’affirmer en tant que nouveau quartier. OMNIPRÉSENCE DE L’AUTOMOBILE
La présence de la voiture prédomine sur l’ensemble de la parcelle et s’explique actuellement par les besoins pratiques et fonctionnels du site. Comme l’affirmait Jean-Claude le Néel lors de notre entretien, « il y a énormément de voitures, l’hôpital passe son temps à transférer un
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Figure 19 _ Multiplication des
Figure 20 _ Discontinuité des circuits piétons sur la
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voies automobiles
rampe d’accès à l’Hôtel-Dieu
Figure 21 _ Accès à l’hôpital depuis le bd. Jean-Monnet Visite du 28/04/2022
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Figure 22 _ Pause sur bitume Visite du 12/08/2021
Figure 23 _ L’arrière cour dans Figure 24 _ Installations
l’entrée
techniques
Figure 25 _ Circuit d’aération
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Visite du 28/04/2022
et matériel entreposé
malade d’un bâtiment à l’autre. »27 Si ce mode d’accessibilité facilite le parcours des malades, il se fait au détriment des autres parcours. En effet, les places de stationnement, les voiries et les multiples rampes laissent peu de place aux circulations plus douces et rendent le site presque hostile au piéton. La rampe menant à l’entrée principale de l’Hôtel-Dieu illustre bien cette problématique, conçue avant tout pour l’accès et la desserte automobile. Instinctivement, nous avons attendu notre troisième visite avant de l’emprunter, lui préférant d’autres portes d’entrée.28 IMPERMÉABILITÉ DES SOLS
Loin des premières esquisses de Michel Roux Spitz, nous avons vu que la majorité de l’espace au sol, quand il n’est le support d’aucune construction, est recouvert d’asphalte. Au-delà des bienfaits avérés de la végétation sur la santé, cette situation engendre un manque de perméabilité des sols. L’absence de pleine terre empêche une bonne infiltration des eaux pluviales et génère des îlots de chaleur. Une grande partie de notre projet urbain consiste à « gratter » la couche supérieure pour retrouver la terre. ILLISIBILITÉ DES ESPACES EXTÉRIEURS
En plus des nombreuses voitures stationnées, l’interstice entre les bâtiments est mobilisé par des installations techniques, des zones grillagées, des circuits d’aérations, des bennes, etc. Tous ces éléments rendent difficiles tant la lisibilité que la fluidité de l’espace. Le site apparaît comme un ensemble brouillé et dense que l’on préfère contourner plutôt que traverser.
27_ Se référer à l’entretien avec J-C. Le Néel, en annexe pp. 92 - 99 28_ Se référer à l’annexe : « Itinéraires des visites » pp. 90 - 91.
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PARTIE 2_ REDÉFINIR
UN MORCEAU DE VILLE IRRIGUÉ
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4 pôles programmatiques
Parvis urbains
Jardin en cœur d’îlot
Places arborées
Les berges
Figure 26 _ Espaces publics majeurs
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2.1. CRÉER LES CONDITIONS D’UN NOUVEAU QUARTIER
Le complexe hospitalier change de paradigme. Suite au déménagement du CHU, nous proposons d’ouvrir les 9 hectares bâtis à la ville. L’intervention urbaine se concentre principalement sur l’irrigation du site, sa piétonnisation et la redéfinition des relations entre les interfaces du site avec ses alentours. Nous souhaitons rendre le site plus perméable, mettre en place de nouveaux parcours et traversées. Il est question de redéfinir et redessiner les espaces publics, de les spécifier en fonction de leur localisation et de favoriser leur accessibilité. 4 ESPACES PUBLICS MAJEURS
Quatre espaces publics majeurs sont ainsi créés : _ Les parvis urbains regroupent au nord de la parcelle le parvis de la faculté de médecine ainsi que l’entrée principale au bloc central. Tous deux communiquent avec les pelouses de l’île Feydeau et forment une nouvelle interface avec le centre-ville de Nantes. Ils représentent la porte d’entrée du nouveau quartier. _ Les places arborées mettent en relation le parvis de la chapelle et la place pavée de la rue Bias. Les places de stationnement sur la place de la chapelle sont délocalisées au profit d’un espace arboré. La zone technique grillagée au sud du parvis fait également l’objet d’une requalification paysagère qui bénéficierait notamment aux étudiants du campus voisin. _ La promenade sur berges forme un nouveau parcours qui s’inscrit dans la continuité des quais de la Fosse. Les quais André Morice doublent les voies parallèles Moncousu, Magellan et Tourville sur un tronçon d’environ 1,15 km. Ils permettent actuellement de désengorger ces voies pour favoriser la circulation des ambulances. Suivant le déménagement, cette voie rapide pourrait être repensée pour des mobilités plus douces, mais aussi rétablir un dialogue avec la Loire. _ Le jardin en cœur d’îlot prend place au cœur du fragment sud-est à l’emplacement de l’actuel Plateau-Technique-Médico-Chirurgical et offre une respiration à l’échelle de la parcelle.
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réduire réutiliser recycler inviter
requalifier
prendre soin
Figure 27 _ 4 nouveaux pôles programmatiques
P
Figure 28 _ De nouvelles perméabilités
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4 ENTITÉS PROGRAMMATIQUES
La forme en croix du bloc central génère quatre fragments distincts, présentant chacun des spécificités propres à leur situation. Nous tirons parti de cette géométrie pour définir quatre pôles programmatiques : _ Au nord-ouest de la parcelle, la principale fonction sera d’inviter le public sur le site. _ Au sud-ouest, la requalification topographique des espaces extérieurs en lien avec la rue Bias offrira une qualité paysagère plus forte. _ Au sud-est, la dimension du soin serait maintenue en s’inscrivant dans le prolongement historique de l’hôpital. _ Enfin, au nord-est, une dimension d’économie circulaire sera introduite. DE NOUVELLES PERMÉABILITÉS
La perméabilité englobe, dans un même et grand principe urbain, une transversalité qui se veut à la fois horizontale et verticale. Au sens figuré, elle désigne les porosités créées dans certains bâtiments afin de traverser le site. Au sens littéral, elle met en avant l’idée de renouer avec le sol que nous expliciterons dans la partie suivante. La disposition actuelle des bâtiments sur la parcelle, nous l’avons vu, ne permet pas son franchissement. Il nous paraît donc essentiel de créer des passages au sein du site. Les deux interventions décrites ci-dessous reposent sur une démarche locale et ponctuelle : _ L’aile ouest de l’Hôtel-Dieu et la faculté de médecine sont actuellement connectées par des passerelles aux R+1, R+2, R+3, et reliées par un couloir encloisonné au rez-de-jardin qui bouche actuellement toute traversée vers le parvis de la chapelle. Les passerelles sont conservées mais le couloir est supprimé et remplacé par une allée piétonne, facilitant l’accès à la Loire. _ Une traversée est-ouest qui relie le campus aux transports en commun est également créée et permet ainsi d’irriguer le cœur de la parcelle. L’intervention vise à percer l’aile sud du bloc central jusqu’au R+1 dans le prolongement du passage déjà existant qui longe la chapelle au sud.
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Figure 29 _ Relevé de sol Parvis de la Chapelle, visite du 28/042022
Figure 30 _ Relevé de sol Parvis du bâtiment orthopédique, visite du 28/042022
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2.2. LE SOL : MOTEUR DE PROJET
« Sans les respirations qu’offre l’espace non bâti, les villes et les villages se fondent dans une coalescence indistincte et anonyme, comme des corps siamois brouillent l’identité des deux individus fusionnés. »29 Cette citation de Bertrand Folléa tirée de son ouvrage L’archipel des métamorphoses, souligne l’importance de l’espace non bâti dans l’articulation et la lecture des espaces construits. Un collage que nous avons réalisé en novembre questionnait déjà ce sol (fig.30), la proposition consistait en la dédensification de la parcelle afin d’offrir des respirations et de tendre vers un équilibre entre surfaces bâties et non bâties qui nous semblait plus juste. L’ensemble des bâtiments déconstruits étaient placés en dessous et interrogeaient leur traitement tout en se réservant la possibilité d’un replacement sur la carte. Le « vide » laissé par nos découpages était alors superposé à une feuille à carreau, replaçant la question du sol au centre de notre projection. Le projet urbain que nous soutenons s’appuie sur une observation attentive du sol. Lors de notre dernière visite en avril, nous avons effectué un relevé très précis du sol des zones autour de nos interventions architecturales. En majeure partie asphalté, nous proposons un remaniement du sol pour le penser en frange et dans son épaisseur construite. Trop souvent considéré telle une surface, on oublie que le sol rend de nombreux services écosystémiques : stockage de carbone, infiltration naturelle des eaux pluviales, production de biomasse ou régulation du cycle des nutriments. Le projet propose de requalifier le sol notamment avec un pavé de petite dimension. Contrairement à des éléments de grande dimension ou à un revêtement coulé, il possède l’avantage d’être manipulable. Il peut facilement être démonté, puis reposé par la suite. Cette réversibilité du matériau permet d’envisager la mutation des espaces à moindre impact et moindre coût. Posé sur le sable, l’élément pavé est un module, une unité qui pourra être reposée ailleurs. Prendre en compte l’évolutivité du sol, c’est aussi assumer que la ville est en perpétuel changement.
29_ FOLLÉA Bertrand. L’archipel des métamorphoses, la transition par le paysage, Marseille, Éditions Parenthèses, 2019, p.108.
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Figure 31 _ Premières intentions, revégétaliser et dédensifier Vue aérienne issue de Google Earth et collage manuel, novembre 2021
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Figure 32 _ Sweco Architects Station Stenpiren, Göteborg, 2016 Source : https://landezine.com/
Figure 33 _ MVRDV Gwangju, 2017 Source : https://www.mvrdv.nl/
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Figure 34 _ Agence APS Jardin des migrations sur le fort saint-jean, Marseille, 2011-2013. Source : www.agenceaps.com
Figure 35 _ VIA Paysage Nanjing West Road, Shangai, 2019 Source : www.archiposition.com
Figure 36 _ Carles Enrich Studio Cal Metre’s Path, Gironella, 2015 - 2017 Source : Carles Enrich
Figure 37 et 38 _ Herrburg Landschaftsarchitekten BIGYARD Wohnanlage Zelterstraße, Berlin, 2010 Source : www.archdaily.com
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2.3. PROGRAMMER À L’ÉCHELLE DU NOUVEAU QUARTIER
Une partie de la faculté de médecine pourra accueillir le programme de l’établissement expérimental Nantes Université. En démontant les bungalows rouges, la rampe retrouvera sa qualité initiale d’espace paysager végétalisé. L’entrée principale sera visible depuis le bas de la rampe, le public sera mieux orienté. À l’ouest de la rampe, le sol sera en partie désimperméabilisé et une trame verte reliera les pelouses de Feydeau jusqu’aux arbres du parvis de la chapelle. L’une des principales actions concernera la déconstruction du PTMC pour y introduire un jardin. Le plateau-technique-médico-chirurgical est effectivement un bâtiment très technique avec plusieurs façades aveugles. Ce bâtiment a été conçu pour répondre aux besoins médicaux plus que pour répondre à une cohérence urbaine. Nous pressentions également un plus fort potentiel de modularité et de reconversion pour le bâtiment voisin, celui des urgences. Ainsi, après déconstruction, le sol sera déminéralisé afin d’offrir une respiration, un espace de promenade largement planté. Nous envisageons de dédier une partie de ce jardin à un potager thérapeutique pour les patients. Comme l’évoque Denis Delbaere, « Faire un jardin c’est travailler les effets sensoriels sans doute (sonores, visuels, tactiles, etc.), mais c’est plus subtilement générer des effets sensibles [...] et manifester de la sorte ‘‘l’esprit du lieu’’ »30 Ce jardin profitera à l’ensemble des bâtiments avoisinants, tous dédiés d’une façon ou d’une autre à la santé : la maternité, l’EFS, les futurs soins de suite, l’IRT, et le nouveau programme de la Galette. C’est au cours de notre discussion avec Jean-Claude Le Néel que nous avons appris que la maternité pouvait continuer de fonctionner de façon indépendante. Le bâtiment voisin de l’Établissement Français du Sang pourra lui aussi rester sur place. Quant à l’hôpital pédiatrique, nous imaginons le transformer en soins de suite, les chambres auront la vue sur la Loire au sud et sur le nouveau jardin au nord.
30 _ DELBAERE Denis. La fabrique de l’espace public, Ville, paysage et démocratie. Ellipses, 2010, p.125.
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Différentes recherches scientifiques démontrent l’importance et l’influence de la nature sur le rétablissement des patients. En 1984, Roger S. Ulrich publie une étude dans laquelle il examine la durée de convalescence post-opératoire des patients qu’il croise avec leurs conditions de séjour.31 Il remarque que les patients placés dans des chambres avec une vue donnant sur la nature se rétablissent plus rapidement avec une attention à leur douleur diminuée.Enfin, le plateau des urgences sera reconverti en bâtiment prônant l’art thérapie et la pratique sportive. La réhabilitation de la parcelle engendrera un nombre conséquent de déchets issus des déconstructions opérées. Ces matériaux auront l’occasion d’être traités sur place. En outre, l’institution de l’hôpital déménage, mais laisse derrière elle la plupart du mobilier et des équipements. Le nombre d’objets délaissés sera conséquent. C’est pourquoi il nous semble stratégique de dédier une partie du site à un espace de tri, de stockage et de reconditionnement. Ces ateliers de revalorisation permettraient également de trier et de stocker les matériaux et des déchets issus des déconstructions opérées. La cour est directement reliée au réseau viaire via le boulevard Jean Monnet, elle facilite donc l’acheminement ou le transfert du mobilier et des matériaux.
31_ ULRICH Roger S. , ZIMRING Craig, ZHU Xuemei, et al. «A review of the Research Literature on Evidence-Based Healthcare Design», Health Environments Research & Design Journal, Vol. 1, N°3, printemps 2008.
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MAISON DU PROJET l médiation du projet l espace d’exposition et de vente
LES ATELIERS URBAINS Plateforme de réemploi des matériaux l espaces de stockage l ateliers de reconditionnement l atelier de création
LA COUR DES MATÉRIAUX l zone de stockage et livraison
CHFR l Chaufferie
ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE l bureaux de recherche l amphithéâtres et bureaux de Nantes Université 2022 l salles de conférences l studios associatifs
CHP l Chapelle
LOGEMENTS MIXTES l studios étudiants l logements collectifs (colocations, séniors, familles) l logements pour accompagnants l commerces de proximité en RDJ
HLP l Héliport l vue panoramique sur la Loire l restaurant et bar Figure 39 _ Axonométrie programmatique
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EFS l Etablissement français du sang _fonctionnement indépendant MAT l Maternité _fonctionnement indépendant
SOIN DE SUITES l 200 lits disponibles l unité de consultation JARDIN EN COEUR D’ILOT l parc végétalisé l potager à visé thérapeuthique
Programmes maintenus Nouveaux programmes de soins
IRT l Institut de recherche
LA GALETTE Centre de création thérapeuthique l ateliers de créations plastiques l studios de musique, de danse, de photos et de théâtre l ateliers urbains (fablab) l salle de projection l auditorium l terrains multisport
Pôle universitaire Habiter Pôle création et réemploi Programmes publics Interventions architecturales
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Figure 40 _ Parvis de la faculté de médecine, façade ouest. Figure 41 _ Hall d’entrée de la Visite du 16/11/2021 faculté et sa mezzanine Visite du 16/11/2021
Figure 42 _ Vue lointaine depuis le haut de la rampe Visite du 16/12/2021
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2.4. LE CHOIX DE DEUX INTERVENTIONS Lors de nos différentes visites au sein du CHU Hôtel-Dieu à Nantes, nous avons pu entrer à l’intérieur de plusieurs édifices. Ces explorations spontanées nous ont permis de mieux comprendre la spatialité des lieux, mais aussi les relations et imbrications des édifices entre eux. Si chaque visite a amélioré notre lecture des bâtiments, nous avons été plus sensibles aux qualités spatiales et constructives de certains d’entre eux. Cela a notamment été le cas pour la faculté de médecine et plus précisément pour son socle : un espace d’entrée spacieux et lumineux. De part et d’autres du hall, deux escaliers mènent à une mezzanine qui permet à son tour la desserte de sept amphithéâtres et d’un grand auditorium. Un espace d’exposition temporaire est délimité par les deux noyaux de circulation. En discutant avec plusieurs étudiants de l’établissement, nous avons appris qu’elle est surnommée la « fac verte », la « fac moche» ou encore la « vieille fac ». Ce contraste entre l’appréciation de ses usagers et la valeur que nous lui donnons constitue un défi que nous aurions aimé relever dans un temps plus long. Nous avons également envisagé de travailler au niveau de la rampe menant à l’entrée principale de l’Hôtel-Dieu. Elle abrite trois étages de parking avec un système de mezzanine que lui impose sa volumétrie. Son aspect très brut, mais aussi la possibilité de redessiner sa toiture auraient été des thèmes que nous aurions souhaité traiter. Dans le projet urbain, la rampe d’accès à l’Hôtel-Dieu et la faculté de médecine dessinent les contours d’un nouveau parvis urbain. L’espace constitué, de par son rapport à la ville et sa fonction originelle, est pensé comme la porte d’entrée du nouveau projet urbain. Actuellement, les deux bâtiments sont très fermés, la rampe est en grande partie aveugle et l’entrée de la faculté de médecine se trouve de l’autre côté du bâtiment, façade ouest. La faculté fait donc dos à ce nouvel espace public en n’offrant que les sorties de secours des amphithéâtres.
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Notre choix s’est finalement porté sur l’étude et le développement architectural de l’aile sud de l’Hôtel-Dieu et du bâtiment des urgences : deux bâtiments en tension entre l’affirmation d’une verticalité pour l’aile sud et d’une horizontalité pour les urgences. L’Hôtel-Dieu représente la pièce centrale de l’hôpital. Il est la figure autour de laquelle s’est formé le CHU au fil du temps. Sa hauteur ainsi que le rythme de ses façades font de lui le principal repère du site. De son côté, le bâtiment des urgences est plus énigmatique, plus refermé sur lui. De par sa fonction, il a été plus délicat d’y entrer et de le parcourir lors de nos visites. Ces deux édifices se côtoient et se font face, séparés par une voie asphaltée de 18 mètres de large, principalement occupée par des places de stationnement. Ils constituent une séquence clé du projet urbain. En effet, l’ensemble des points de tension définis dans le diagnostic se concentrent sur ce fragment de parcelle de manière significative : une masse bâtie qui présente peu de porosités, des interstices difficiles à lire et un sol imperméabilisé. La création du passage Raymond Delamarre32, percée d’ouest en est qui longe la chapelle et traverse l’aile sud de l’Hôtel-Dieu, vient favoriser l’irrigation du cœur d’îlot. Ce dernier devient accessible depuis le campus universitaire et profite de l’arrêt de tram Aimé Delrue qui facilite sa desserte.
32 _ Sculpteur français auquel on doit les bas-reliefs de la façade de la chapelle.
Figure 43 _ Relation entre verticalité et horizontalité Coupe longitudinale
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Le sol est en partie déminéralisé au niveau des voies entre les ailes est /sud de l’Hôtel-Dieu et le bâtiment des urgences. Les nouvelles trames verte et brune conduisent les passants à un jardin d’environ 7000 m² qui en plus d’un potager thérapeutique offrent des cheminements pour se promener, du mobilier pour s’asseoir, des espaces pour lire ou déjeuner à l’ombre. Cet espace est pensé comme la continuité de la galette33, basé sur la même trame que le bâtiment des urgences. Cette grille a pour principal objectif de générer une structure paysagère sur laquelle seront implantés des modules interchangeables et évolutifs dans le temps au besoin de la ville et suivant les valeurs d’usage. L’aile sud étudiée par Bénédicte supportera en majeure partie un programme de logement. Pour sa part, le bâtiment des urgences sera reconverti en centre dédié à la création thérapeutique doublé d’un vaste espace public et sportif. Au rez-de-jardin des commerces de proximités dans les ailes est et sud de l’Hôtel-Dieu feront face aux ateliers de création de la Galette, tous donnant sur le mail requalifié. Dans les étages, les nouveaux logements de l’Hôtel-Dieu auront vu sur la toiture de la Galette, reconsidérée en tant que cinquième façade de l’édifice. Le jardin complétera ce panorama de sorte à offrir une vue qualitative, aussi bien arborée qu’animée.
33 _ Ce terme désigne le bâtiment des urgences.
0
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PARTIE 3_ INTERVENIR
HABITER L’AILE SUD DE L’HÔTEL-DIEU
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Figure 44 _ Façades éclatées de l’Hôtel-Dieu Dessin et collage, octobre 2021
Figure 45 _ Réanimer les façades par le vivant Impression et collage manuel, octobre 2021
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3.1. UN ÉDIFICE QUI FAIT BLOC Le bâtiment cruciforme de l’Hôtel-Dieu compose et structure le paysage urbain de manière très forte. Il représente la construction initiale de l’hôpital par Michel Roux-Spitz et fait partie d’une structure composite formée par la chapelle, l’ancien internat et la rampe d’accès. La lecture de cet ensemble bâti est devenue difficile après les différentes opérations de densification, mais il constitue l’essence du lieu. J’ai été particulièrement sensible à la rationalité de l’édifice, la présence des pavés de verre, la singularité des deux rampes intérieures, son implantation générée par la Loire et une certaine abstraction de ses façades tel un gigantesque moucharabieh. La composition et la forme du bloc central ont trouvé écho dans l’une des œuvres de Superstudio : The Continuous Monument: On the River (fig. 47, p. 58). L’orthogonalité des ailes par rapport au fleuve et la masse arborée qui compose les interstices renvoient aux principes du dessin initial de Michel Roux-Spitz (fig. 9, p. 22). Très tôt, l’intuition s’est portée sur une possible déconstruction des façades afin de révéler la structure et de scinder ce bâtiment qui semble faire bloc à l’échelle urbaine. La déconstruction se concentrait sur les extrémités des ailes pour profiter du panorama, et dans les angles pour atténuer l’effet barrière et irriguer le site. En plus du symbole qu’il représente, le bloc central peut difficilement faire l’objet d’une déconstruction. En effet, elle serait complexe de par les pieux enfoncés à 27 mètres dans le sol qui servent de fondations à tout l’édifice. D’autant plus que son état structurel est satisfaisant et que sa typologie me parait adaptée à accueillir des logements. Jean-Claude Le Néel affirme que « c’est une très bonne construction, il a ouvert en 65, ça fait donc 55 ans et il n’est pas délabré ».34
Le bloc central possède une structure métallique tramée tous les 7 mètres.35 Cette ossature métallique permet une grande flexibilité et adaptation des plateaux.
34 _ Se référer à l’entretien avec J-C. Le Néel, en annexe pp. 92 - 99 35 _ Se référer à l’annexe : « Photographies d’archives », pp. 108 - 109
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Figure 46 _ Vue du CHU Hôtel-Dieu depuis la rive gauche Visite du 12/08/2021
Figure 47 _ Superstudio The Continuous Monument: On the River, 1969 Source : https://www.moma.org/collection/works/934
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3.2. UNE COMPOSITION RÉGULIÈRE Le bloc central construit par l’architecte Michel Roux-Spitz se structure selon un plan cruciforme, où chacune des quatre ailes est programmée de façon distincte.36 L’aile nord servait pour les consultations, l’aile ouest accueillait les laboratoires, la médecine nucléaire et des bureaux, enfin, les ailes sud et est concentraient les chambres d’hospitalisation conventionnelle. Les quatre ailes s’articulent autour d’un noyau central de circulation. L’aile sud est équipée de cinq ascenseurs et d’un seul escalier. Tout comme l’aile ouest, l’aile sud possède une grande rampe intérieure qui dessert tous les niveaux. Nous émettons l’hypothèse qu’elle servait à tracter les brancards en cas d’incendie. D’une hauteur de 42 mètres, le bloc central est un bâtiment classé IGH de type U. Il se divise en douze niveaux comprenant trois niveaux de rez-de-chaussée : le rez-de-jardin, le rez-de-chaussée bas et le rez-dechaussée haut. L’entrée principale s’effectue au rez-de-chaussée haut, dans l’aile nord, depuis la rampe d’accès. Le neuvième étage est dédié à la cafétéria de l’hôpital et sa terrasse. L’aile sud fait 15,50 m de large sur 110 m de long. Du premier étage jusqu’au niveau cinq, la barre s’épaissit jusqu’à 17 mètres. Sur le plan de l’aile est (structurée quasiment de la même façon que l’aile sud), publié dans la revue n°283 de l’Architecture Française parue en 196637, l’étage courant s’épaissit probablement pour offrir de plus grandes chambres accueillant 3 lits chacune. Initialement, le projet prévoyait des chambres à six lits. Jean-Claude Le Néel raconte que « Les médecins ont exprimé leur désaccord sur ces salles communes, on a donc décidé de faire des chambres à trois. »38
36 _ Se référer à l’annexe : « Publications sur le chu de Nantes », p. 111. 37 _ « Centre hospitalier universitaire de Nantes », L’architecture Française, N°283, 1966, p.27-32. 38 _ Se référer à l’entretien avec J-C. Le Néel, en annexe pp. 92 - 99.
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Figure 48 _ Pavés de verre de l’aile ouest Visite du 12/08/2021
Figure 49 _ Fenêtres 1.20x1.80m Visite du 28/04/2022
Figure 51 _ Façade ouest de
l’aile sud
Visite du 16/11/2021
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Figure 50 _ Façade est de l’aile sud Visite du 28/04/2022
Figure 52 _ Bâtiment orthopédique et aile ouest Visite du 12/08/2021
Au fil des années, la barre a subi plusieurs restructurations pour diminuer le nombre de patients par chambres. Néanmoins, à l’heure actuelle, l’hôpital n’est composé d’uniquement 30% de chambres individuelles. L’aile sud est sur-cloisonnée pour accueillir des logements en l’état. Les cloisons vont être déposées afin de reconfigurer l’ensemble du plateau. Le principe de circulation centrale est conservé, mais ne s’étend pas sur la longueur de l’aile. Trois noyaux distincts permettent la création de logements traversants. De manière générale, le bâtiment est très imposant de par sa hauteur, son ampleur et la répétitivité de ses façades. L’aile sud possède deux façades distinctes. La façade ouest est tramée régulièrement par des ouvertures de 1,80 m de haut et 1,20 m de large. Néanmoins, la trame est interrompue pour marquer les circulations verticales : l’escalier au centre de la barre ainsi que la rampe au sud de l’aile. De l’autre côté, la façade est se compose de façon ultra régulière tel un damier avec l’enchaînement de fenêtres plus horizontales de 1,60 m de haut et 2,60 m de large. Les menuiseries en aluminium des différentes façades se différencient de par leur système d’ouverture et de par leur système d’occultation. À l’est les fenêtres sont à guillotine et à l’ouest les fenêtres sont basculantes. Quant au système d’occultation, la façade est se compose de volets roulants extérieurs tandis qu’à l’ouest, ce sont des stores intérieurs qui habillent les fenêtres.
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3.3. CRÉER LES CONDITIONS D’UN HABITAT MIXTE La ville de Nantes attire chaque année de plus en plus d’habitants et l’hôpital propose un foncier très intéressant au cœur de la ville. « La démolition-reconstruction montre aujourd’hui ses limites écologiques. Les opérations de transformation de l’existant vers le logement doivent se multiplier. »39 Ainsi, le projet s’inscrit dans une démarche économe en matière première et en énergie. UNE DIVERSITÉ DES TYPOLOGIES
« Diminution des surfaces, standardisation, mono-orientation, disparition de certaines pièces ... les logements construits dans la dernière décennie ne seraient plus conformes au confort minimal nécessaire pour ‘‘ habiter dignement ‘‘. »40 La reconversion d’une des ailes du bloc central en habitations propose des logements de grandes surfaces, qui bénéficieront d’une hauteur sous plafond supérieure à la moyenne actuelle. On observe une baisse de -27cm de hauteur sous plafond depuis 1945, tandis que la population n’a cessé de grandir.41 L’aile sud va ainsi permettre d’inverser la tendance et d’offrir aux habitants des volumes qualitatifs et plus lumineux. En effet, la hauteur sous retombée de poutre est en moyenne de 3,10 m. Le projet propose une diversité de typologies afin de favoriser une grande mixité par niveau. L’aile sud accueillera ainsi des familles, des colocations, mais également des seniors ou des étudiants. Les logements varient du T1 au T4 et une partie des plus petites unités sera dédiée aux personnes qui accompagnent un patient en soin de suite ou à la maternité. Le projet à l’échelle du site soutiendra une diversité des services proposés. Les rez-de-chaussée seront repensés en commerces de proximité, pharmacie, etc, et en espaces capables qui pourront accueillir différents équipements publics telles une crèche ou une école, au fur et à mesure que le quartier se transformera.
39 _ « Habiter la France de demain », Ministère chargé du logement, jeudi 14 octobre 2021 40 _ TOURNAIRE Julia. « Avant de s’interroger sur le bon logement, faisons du logement une question », D’Architecture n°297, avril 2022, p.71 41 _ « Habiter la France de demain », Op, cit.
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À chaque étage de l’aile sud se trouve plusieurs espaces communs, accessibles à tous depuis les circulations verticales. Aménagé de tables et d’un plan de travail, il permet aux habitants de s’y retrouver pour s’entraider, échanger ou partager des moments ensemble. On peut imaginer que cet espace commun devienne le lieu d’échange et de partage des savoir-faire entre les différentes générations. Le rez-dechaussée haut est évidé et rendu disponible en tant que vaste plateau collectif. Ainsi, les interactions entre les habitants augmentent en entremêlant les espaces communs aux logements. CONFÉRER DES VALEURS D’USAGE
Les logements sont dessinés de façon à leur attribuer certaines valeurs d’usage. Chaque chambre bénéficie de placards intégrés et les entrées en sont pourvues également. Proposer de généreuses surfaces de rangement assure un emménagement plus aisé pour les usagers. Les logements traversants bénéficient de continuités visuelles depuis les pièces de vie jusqu’aux chambres. Les grands logements offrent également des vues diagonales entre les cuisines et les salons. En ce qui concerne les grands logements, tel le T4, ils concrétisent un concept énoncé par Lemérou Architecte : l’entre-pièces. Il s’agit d’offrir aux habitants une pièce en plus, éclairée naturellement et adjacente à deux pièces telles que la cuisine et la salle de bain. « Cet entre-pièces peut ainsi devenir à la fois une extension complémentaire aux usages des pièces adjacentes (cellier, buanderie…) ou s’autonomiser à loisir (coin bureau, pratique sportive, chambre bébé, atelier bricolage…).»42 Ce concept répond au besoin croissant de faire de son logement un espace de vie, mais également de travail. Elle laisse une certaine libre appropriation du logement et assure une possible évolutivité des usages. En effet, « La pandémie a certes accéléré le déploiement du télétravail mais elle a aussi révélé et renforcé, par l’expansion des plateformes internet et outils digitaux, d’autres formes de travail à domicile. »43 42 _ « L’entre-pièce, une proposition de Lemérou Architecte », exposition du 14 novembre au 14 décembre 2019, archiLib, 75010 Paris. 43 _ TOURNAIRE Julia. « Avant de s’interroger sur le bon logement, faisons du logement une question », D’Architecture n°297, avril 2022, p.72.
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2. 2. Éclairer et ventiler naturelleme Éclairer et ventiler naturelleme
N°1 5. Libérer les murs mitoyens g possibilité de fusionner les l
3. 3. Pouvoir cloisonner les cuisines Pouvoir cloisonner les cuisines
N°2
4. 4. Disposer d’un espace extérieur Disposer d’un extérieu desservant au espace minimum deux p desservant au minimum deux 4. Disposer d’un espace extéri desservant au minimum de
1. Pouvoir tourner autour du noyau, diversifier les parcours.
N°3 2. Éclairer et ventiler naturellement les SDB.
5. 5. Libérer les murs mitoyens grâc 1. Libérer les de murs mitoyens possibilité fusionner lesgrâc log Pouvoir tourner autour du noyau, possibilité de fusionner les log diversifier les parcours.
3. Pouvoir cloisonner les cuisi
3. Pouvoir cloisonner les cuisines.
4. Disposer d’un espace extérieur privatif,
desservant au minimum deux pièces. N°4
2. Éclairer et ventiler naturelle
2. Éclairer et ventiler naturellement les SDB.
5. Libérer les murs mitoyens grâce au système de noyau, possibilité 3 . de fusionner les logements.
Pouvoir cloisonner les cuisines.
1. Pouvoir tourner autour du n diversifier les parcours. 64
N°5 Figure 53 _ Règles concept
4. Disposer d’un espace extérieur privatif, desservant au minimum deux pièces.
Enfin, la plupart des logements respectent le concept de pouvoir circuler autour d’un noyau. Faire le tour de son appartement donne ainsi une impression de liberté, du moins cela réduit la sensation d’enfermement. L’objectif étant d’assurer une certaine liberté de parcours au sein de l’appartement. Cette idée rejoint les logements conçus par Charles-Henri Tachon sur le site de la caserne de Reuilly.44 Le respect de la trame existante ainsi que l’élaboration de certaines règles de conception ont guidé la création de logements aux typologies variées, respectant au mieux les valeurs exposées ci-dessus. Cinq principes, accompagnés d’un schéma spatial, sont énoncés : - N°1 : Éclairer et ventiler naturellement les salles de bains. - N°2 : Pouvoir cloisonner les cuisines. - N°3 : Disposer d’un espace extérieur privatif desservant au minimum deux pièces. - N°4 : Pouvoir tourner autour du noyau, diversifier les parcours au sein du logement. - N°5 : Libérer les murs mitoyens grâce au système de noyau, possibilité de fusionner les logements. Afin d’assurer une meilleure distribution et de respecter les normes d’incendie, deux nouveaux escaliers sont intégrés au projet. Ils sont placés en façade et permettent ainsi de l’animer. La façade est retrouve les principes de composition de la façade ouest, où les circulations verticales sont différenciées du reste de la façade. UN REMANIEMENT DES FAÇADES
Une partie de l’intervention architecturale se concentre effectivement sur la façade et notamment sur ses ouvertures. Aujourd’hui, les allèges existantes s’élèvent à 1,20 m du sol. Cette hauteur n’est pas réellement adaptée aux logements. Lorsque l’usager est assis, son regard est limité. Ainsi le projet prévoit d’abaisser ces allèges à 0,45 cm afin de favoriser l’entrée de lumière et d’assurer une meilleure relation avec l’extérieur. Cette hauteur permet de ne pas dénaturer totalement la logique en 44 _ Se référer aux figures 56 et 57 p. 66
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Figure 54 _ FAR Frohn & Rojas Wohnregal Apartments, Berlin, 2019 Source : https://www.archdaily.com/
Figure 56 et 57 _ Charles Henri TACHON Caserne de Reuilly, Paris, 2019 Source : https://www.chh-tachon.fr/
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Figure 55 _ BRUTHER & BAST L32 réhabilitation de la barre Cassan, Paris, concours, 2022 Source : https://bast0.com/
damier de la façade, mais offre également la possibilité de créer des assises, dans l’épaisseur de la façade. En plus de remanier les ouvertures, le projet transforme l’ensemble des trois niveaux de rez-de-chaussée. Les deux premiers niveaux sont traités de façon commune pour redéfinir une assise au bâtiment. De larges surfaces vitrées assurent la qualité lumineuse des halls et des commerces, la plupart du temps en double hauteur. Le rez-de-chaussée haut, quant à lui, est complètement ouvert. Il est rendu disponible aux habitants tel un vaste plateau collectif où il sera possible de jouer, faire du sport, jardiner, etc. Ce niveau entre en résonance avec la Galette et donne à voir sur le terrain sportif. Enfin, la rampe au sud de l’aile sera ouverte au public, son statut changera pour devenir le lieu d’une promenade verticale, à l’image de la Rundetårn de Copenhague. Ainsi, l’extrémité de l’aile sud s’ouvrira pour se transformer en une grande loggia sur la largeur du bâtiment. Orientée plein sud, elle offrira une vue qualitative sur la Loire, l’île de Nantes et le grand paysage. RÉVERSIBILITÉ ET MATÉRIAUX BIOSOURCÉS
L’intervention sur l’aile sud de l’Hôtel-Dieu se veut être la plus réversible possible. Ainsi, toutes les nouvelles cloisons ainsi que les façades sur loggia seront créées en structure bois. En tant que matériau biosourcé, le bois est entièrement recyclable et il permet également un éventuel démontage. Le but étant de ne pas multiplier les différentes entreprises qui assureront le chantier. Ainsi les cloisons intérieures seront conçues en panneaux de bois massif 3 plis, et les façades sur loggia en ossature bois avec un bardage extérieur en chêne issu des forêts bretonnes et une isolation en panneaux en fibres de chanvre.
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PARTIE 4_ INTERVENIR
UN CENTRE DE CRÉATION THÉRAPEUTIQUE
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Figure 58 _ Insertion de la végétation et de la pratique sportive Impression et collage manuel, octobre 2021
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4.1. DES URGENCES À « LA GALETTE » La Galette de l’hôpital désigne le bâtiment dans lequel est installé le service des urgences. L’édifice est construit en 1990 et doit initialement accueillir un plateau technique. Au fil des découvertes médicales, la nécessité de construire un bâtiment plus technique s’impose. Le plateau fait l’objet d’un réaménagement en 2003 afin d’accueillir le service des urgences. Si l’ensemble du programme doit être délocalisé dans le projet du futur hôpital nantais, le bâtiment conserve une activité liée au soin. Son pseudonyme actuel « La Galette », nomination utilisée par le corps soignant, deviendrait le nom de l’édifice transformé, accueillant un programme de soin par les pratiques artistiques et sportives. L’envie de travailler sur ce bâtiment est liée à nos premières intuitions in situ. En effet, dès notre première visite, la matérialité et l’aspect très brut de l’édifice nous ont évoqué le palais de Tokyo à Paris et le projet de transformation par Lacaton & Vassal (fig.75, p.81). Dès lors, nous avons envisagé la possibilité que ce bâtiment accueille un programme public avec un R+1 complètement évidé, dans le prolongement de la partie déjà extérieure au même niveau, qui mène actuellement à l’entrée principale du service. Une autre caractéristique de l’édifice à laquelle nous avons été sensibles est son ambivalence entre fermeture et ouverture. En effet, ses façades très fermées font de lui un objet qui semble replié sur lui-même, pourtant il s’agit d’un bâtiment pivot dans la composition du CHU. Par sa fonction actuelle, il doit permettre une redistribution aisée des patients dans les autres services de l’hôpital. Ainsi, six passerelles au total le relient aux bâtiments qui l’entourent : l’héliport du SAMU, l’Hôtel-Dieu et le Plateau Technique Médico-Chirurgical, lui même connecté aux blocs opératoires de l’immeuble Jean Monnet ainsi qu’à la pédiatrie en front de Loire. Ce rapport entre repli et connexion sera une thématique que nous développerons dans l’intervention projectuelle.
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Figure 59 _ Revêtement réfléchissant façade nord Visite du 12/08/2021
Figure 60 _ Stationnement bicyclettes Visite du 16/11/2021
Figure 61 _ Passerelle entre les
urgences et le PTMC
Visite du 12/08/2021
Figure 62 _ Passerelles entre les
Figure 63 _ Interstice entre la façade ouest et le
Visite du 12/08/2021
Visite du 16/11/2021
urgences et le bloc central
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bloc central
4.2. STRUCTURE CAPABLE Le bâtiment des urgences actuel regroupe des programmes de laboratoires aux niveaux rez-de-jardin et R+2 tandis que le R+1 est dédié aux urgences. Le R+1 est partiellement extérieur, occupé par deux rampes, des voiries, des aires de stationnement et un vide sur patio. Notre première intention volumétrique est de prolonger cet espace extérieur. Le R+1 est ainsi évidé pour accueillir un espace public extérieur à l’image de la bibliothèque Oodi en Finlande et de ses espaces récréatifs intérieurs, ouverts et accessibles à tous.45 L’édifice culmine à 15,5 m et se divise en trois niveaux avec des hauteurs spécifiques. 4,8 m pour le R+2, 6,7 m pour le R+1 et 4 m pour le rez-dejardin. La construction existante est basée sur un plan rectangulaire de 84 x 72 mètres. Son système constructif poteaux-poutres en béton suit une trame de 12 mètres dans les deux sens, lui conférant une grande capacité de réversibilité et un fort potentiel de reconversion. Les dalles sont portées par des poutres dans les deux sens et des poutrelles viennent subdiviser en 3 la trame de 12 selon l’axe nord-sud. Cette caractéristique est réinterprétée dans le nouveau projet afin de faciliter l’aménagement des 144 m² inter-poteaux. L’ensemble des éléments du nouveau programme est alors disposé selon une trame de 4 x 4 mètres. Les quatre façades sont composées de panneaux en béton préfabriqués, de vitres teintées réfléchissantes ainsi que de grilles d’aération métalliques. Ces éléments sont calpinés selon un quadrillage précis, défini par les dimensions des panneaux en béton de 0,90 x 3 m. L’aspect général apparaît très brut et opaque. Depuis les espaces extérieurs le bâtiment laisse peu à voir si ce n’est le reflet de celui qui l’observe (fig. 59).
45_ « Helsinki se munit d’une bibliothèque ultra moderne », France info culture, décembre 2018
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ESPACE DE REPRÉSENTATION
ARTS PLASTIQUES THÉRAPEUTIQUES
ART DU CIRQUE
ESPACE D’EXPOSITION
ATELIERS DE CRÉATION PLASTIQUE _ Zone d’exposition _ Zone de travail (plans de travail, evier, espaces de rangements) _ Espace de stockage
DRAMATHÉRAPIE
DANSE THÉRAPIE
MUSICOTHÉRAPIE
_ Salles de séance _ Stockage _ Vestiaires _ Sanitaires
_ Studios de pratique instrumentale _ Salle de représentations _ Espaces de stockage _ Cafétéria
CENTRE DE RESSOURCE
LIBRAIRIE STUDIOS DE PHOTOGRAPHIE ATELIERS URBAINS Fablab Location de matèriel
CENTRE DE CRÉATION THÉRAPEUTIQUE
+ ESPACE PUBLIC EXTÉRIEUR
PRATIQUE SPORTIVE
AIRE DE JEUX POUR ENFANTS
_ Terrain omnisport _ Vestiaires _ Terrains de badminton _ Tables de ping-pong _ Aire de sport
_ Jeux (tobbogans, murs d’escalade, etc.) _ Fontaines de rafraichissement _ Mobilier urbain _ Terrain de jeux
Figure 68 _ Un centre de création thérapeutique Diagramme programmatique
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AUDITORIUM Salle de projection Cinéma d’art et d’essaie
Accueil
ESPACES RÉCRÉATIFS _ Mobilier urbain _ Jardinières _ Cafétéria
4.3. LA GALETTE : TOUT UN PROGRAMME !
La galette a pour ambition de rassembler en un même lieu un centre de création thérapeutique et un programme public ouvert à tous promouvant l’activité sportive. L’enjeu est de créer des espaces inclusifs, bénéfiques aussi bien pour des personnes en thérapie qu’à d’autres publics. L’art-thérapie consiste à utiliser le processus créatif à des fins thérapeutiques. L’objectif est de fabriquer un lieu inédit lié au bien-être, un lieu de prévention, de médiation, mais aussi de soin mental. Le centre de création thérapeutique s’articule autour de quatre disciplines : la danse thérapie, la dramathérapie, la musicothérapie ou encore les arts plastiques thérapeutiques. Cependant, cette liste n’est pas exhaustive, d’autres formes de thérapies pourraient s’allier à la vocation de cette structure. Les arts du cirque ou la création audiovisuelle, sous réserve de l’existence de formes thérapeutiques, trouveraient alors leur place au sein de la Galette. Pour cela, le plan tel qu’établi dans le projet, propose des lieux modulables et programmables, des dispositifs spatiaux libres pour s’adapter à des usages futurs non prémédités. Il s’agit de placer l’usager dans des espaces évolutifs dans le temps et de tirer profit de la modularité des espaces créés. L’espace public, quant à lui, prend place au R+1 et accueille une structure sportive (terrain omnisport, espaces d’entraînement, des tables de pingpong), ainsi qu’une aire de jeux pour enfant. Le reste de la dalle prévois une promenade ponctuée de jardinières et de mobiliers urbain. La Galette entretient un dialogue fort avec le jardin qui lui fait face. À l’image du parvis du centre Pompidou à Paris (fig. 65) ou bien du MASP de Lina Bo Bardi à São Paulo (fig. 66 et 67), le jardin devient une partie inhérente à la Galette. Bien que planté, nous imaginons que des festivals de cinéma en plein air puissent être organisés l’été. Une grande toile serait alors étendue sur la façade est de l’édifice, sur laquelle seraient projetées les images. Tandis que les spectateurs prendraient place sur les pelouses du jardin.
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Figure 65 _ Le Parvis du centre Pompidou Illustration, Martin Holt, 2014
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Figure 66 _ Esquisse de Lina Bo Bardi Museu de Arte, São Paulo (MASP), Brésil. Source : https://arquitecturaviva.com/
Figure 67 _ Manifestation culturelle Museu de Arte, São Paulo (MASP), Brésil. Source : www.phaidon.com
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m
15,3 m
Figure 68 _ Éclairer et mener
Figure 69 _ Créer des perméabilités
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4.4. UNE APPROCHE THÉRAPEUTIQUE DE L’ARCHITECTURE La création d’un centre qui accueille un programme thérapeutique engendre un certain nombre d’enjeux architecturaux. Comment créer les conditions pour accueillir et accompagner un public vulnérable ? L’édifice existant, de par son épaisseur, interroge la circulation de la lumière dans le bâtiment et l’éclairage naturel de ses espaces. Afin de répondre à cette exigence, une trémie de 60 x 48 mètres est créée dans toute l’épaisseur du deuxième étage. Seule la trame du pourtour de 12 mètres est conservée. Cette modification majeure dans la volumétrie, au-delà de laisser entrer la lumière dans l’édifice, permet deux points essentiels. D’une part elle donne une profondeur à la « cinquième façade », il ne s’agit plus d’une étendue de béton comme auparavant, mais d’un espace désormais en relief et animé par les activités publiques, visible depuis l’ensemble des immeubles alentour. D’autre part, cette géométrie fait écho à l’ambivalence entre repli et ouverture du bâtiment originel et répond à la nécessité de créer un lieu qui accueille et protège dans un même temps. Une recherche autour des circulations est également menée. En effet, l’espace public situé au premier étage pose la question de son accessibilité. Afin de s’inscrire dans la continuité du jardin, il est nécessaire de garantir son accessibilité rapide. Pour cela, nous souhaitons multiplier les circulations verticales, reprenant le langage des escaliers existants, à savoir des structures légèrement détachées de la trame. L’ensemble des circulations, existantes et nouvelles, est scénographié et se formalise par une réflexion relative à la polychromie, à l’image du projet de Bernard Tschumi au centre national des arts contemporains à Tourcoing. Enfin, la matérialité du nouveau projet se veut sobre, la structure en béton reste apparente. Les nouveaux cloisonnements sont projetés en bois comme dans les ailes de l’Hôtel-Dieu. Pour leur part, les façades s’ouvrent sur l’extérieur afin de permettre une diffusion optimale de la lumière naturelle dans les espaces intérieurs.
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Figure 70, 71 et 72 _ Studio MUOTO Campus universitaire Paris-Saclay, Saclay, 2011-2016 Source : http://www.studiomuoto.com/
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Figure 74 _ 51N4E ZIN, Bruxelles, 2020 Source : https://www.51n4e.com/
Figure 75 _ Lacaton & Vassal Palais de Tokyo, Paris, 2012-2014 Source : https://www.archdaily.com/
Figure 76 _ Greta Papetti & Francesco Caminati The city as museum Malaysia, Studio Sergison 2022 Source : https://www.instagram.com/studio_sergison/
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CONCLUSION Le CHU Hôtel-Dieu concentre une vingtaine de bâtiments sur une superficie de 9 hectares. Suite à son déménagement, une grande partie des services seront relocalisés. Que faire alors de ce patrimoine ? Le projet que nous soutenons s’oppose à celui de la municipalité qui consiste à faire table rase de l’existant au profit d’un grand parc urbain. Bien sûr, cette ambition répond à un manque cruel d’espaces végétalisés, propre à de nombreuses villes. Cependant, elle ne répond ni aux enjeux environnementaux ni aux besoins d’une ville qui ne cesse de se densifier. Nous souhaitons au contraire construire la ville sur la ville par la reconversion de l’héritage bâti. Nous visons à faire de la parcelle de l’hôpital, enclavée et hostile, un nouveau quartier, ouvert et perméable, dans lequel s’impose une mixité des usages et des publics. La perméabilité du sol ainsi que l’irrigation du site par la création de percées viennent résonner avec son caractère insulaire d’antan. Notre démarche n’a pas pour objectif de tout résoudre, de tout remplir, mais plutôt de définir les conditions préalables au développement de ce nouveau fragment de ville. Cette intention s’appuie en premier lieu sur une requalification de l’espace non bâti à savoir sa déminéralisation et sa revégétalisation. Les hypothèses de déconstruction que nous avançons s’appuient sur une analyse précise située, mais aussi sur des connaissances empiriques relatives au lieu, nourries par nos visites in situ et par nos échanges avec certains de ses usagers : ancien chirurgien, étudiants en médecine ou habitants de Nantes. Les références, les lectures, les conférences et l’ensemble de la documentation mobilisée au fil de l’année nous auront apporté des connaissances plus précises sur l’histoire de l’architecture hospitalière tout en nous amenant à réinterroger la place de la santé dans la ville. Sensibilisées aux conséquences pathogènes de l’urbanisation et au stress qu’il en émane, notamment par l’animosité des transports, la carence en espaces végétalisés, ou due à un anonymat généralisé, il nous tenait à cœur d’imaginer un environnement où l’on se sente bien. La prise en compte de la santé et plus particulièrement des souffrances psychiques occupent une dimension sociétale dans le projet.
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En effet, si l’hôpital déménage, le soin demeure. À travers un programme de prévention et d’accompagnement, le nouveau quartier s’affirme en tant que lieu de médiation. Il vise à lever les stigmates liés aux maladies mentales pour mieux accompagner et les patients. L’étude de ce site nous aura également permis de prendre connaissance des grands projets d’aménagement paysager et urbain à l’échelle du territoire comme celui porté par Alexandre Chemetoff ou encore par Jacqueline Osty. Au-delà de nourrir notre travail et notre compréhension de la ville, ils constituent des références singulières aussi bien en politique d’urbanisme qu’en termes de méthodologie de fabrique de la ville. Enfin, travailler en binôme nous aura permis de mieux saisir la complexité du site, de confronter nos points de vue tout au long de l’année pour affiner nos réponses urbaines et architecturales. Quelle que soit son échelle, la conception selon nous prend forme dans la confrontation et le partage des idées. Bertrand Folléa l’évoque très justement : « L’approche paysagère, concrète et terre à terre, s’opère par la maîtrise d’œuvre, qui ancre l’expression de la relation des hommes au monde dans sa réalité la plus triviale et la plus noble à la fois : positionner le banc, planter l’arbre, placer le caniveau, faire passer le chemin de façon juste et économe ; mais aussi écouter le maire, discuter avec les habitants, convaincre les services techniques. »46 Ces mots entrent en résonance avec l’approche du projet que nous suivons depuis un an et dans laquelle chaque détail a su retenir notre attention et nourrir nos réflexions. Le parcours des usagers, la largeur d’un trottoir, l’épaisseur des jardinières, jusqu’à la mise en œuvre des matériaux sont autant d’éléments que nous avons considérés dans l’analyse de l’existant puis réinterprétés dans le projet.
46 _ FOLLÉA Bertrand. L’archipel des métamorphoses, la transition par le paysage, Marseille, Éditions Parenthèses, 2019, p.88.
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EXPOSITIONS Le Laboratoire du logement, Bien vieillir ensemble, Cité de l’architecture & du patrimoine, Galerie d’architecture moderne et contemporaine, Paris, 17 décembre 2021 -13 mars 2022 Soutenir, Ville, architecture et soin, Pavillon de l’Arsenal, Paris, 6 avril - 28 aout 2022 Coup de vieux, et si l’habitat sénior participatif anticipait le logement de demain ?, Pavillon de l’Arsenal, Paris, 27 avril - 29 mai 2022 VIDÉOGRAPHIE « La construction du nouvel hôpital démarre sur l’île de Nantes », Ville de Nantes, janvier 2022 https://www.youtube.com/watch?v=5Te3xlSHOe8
« Le chantier de CHU se retrouve sans maître d’œuvre », TÉLÉNANTES, 6 octobre 2021 https://telenantes.ouest-france.fr/lactu/article/nantes-le-chantier-du-chu-se-retrouve-sans-maitre-doeuvre
SITOGRAPHIE Site internet du CHU de Nantes : https://www.chu-nantes.fr/
Agence Pargade :
https://www.pargade.com/fr/projet/nouveau-chu-nantes/
Agence SCAU :
http://www.scau.com/fr/
Nante métropole et ville :
https://metropole.nantes.fr/territoire-institutions/projet/grands-projets
Atelier Jacqueline Osty et Associés :
https://www.osty.fr/contact/projets/view/1/parc-martin-luther-king
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ANNEXES
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ITINÉRAIRES DES VISITES Cartes des parcours in situ CHU Hôtel-Dieu, Nantes
12 août 2021, 12h00 - 18h00 Première visite in situ. Découverte des espaces extérieurs du CHU et de son environnement proche. Entrée dans la chapelle et dans les ailes ouest et sud de l’Hôtel-Dieu. Remarques : Difficultés à se repérer, omni-présence de la voiture, mauvaise lisibilité de l’espace et manque de végétation.
16 novembre 2021, 14h30 - 18h00 Deuxième visite, jour 1. Entrée et relevé de la faculté de médecine, de la rampe d’accès et exploration de la partie extérieure du bâtiment des urgences au R+1.
17 novembre 2021, 11h00 - 13h30 Deuxième visite, jour 2. Relevé photographique de la façade Sud depuis les berges rive gauche puis exploration des espaces le long du boulevard Jean-Monnet. Entrée dans le hall extérieur du pavillon de la mère et de l’enfant et relevé du patio de la faculté d’ontologie.
90
16 - 18 décembre 2021 Troisième visite à Nantes. 16 décembre : Consultation au service des archives de Nantes 17 décembre : Entretien avec JeanClaude le Néel. Entrée pour la première fois
dans
l’Hôtel-Dieu
depuis
la
rampe d’accès. Circuit à l’intérieur de l’immeuble Jean-Monnet et du PTMC. 18 décembre : visite de l’ancien village de pêcheurs Trentemoult.
28 avril 2022, 14h00 - 19h00 Quatrième visite, jour 1. Dernier relevé photographique du site dans l’optique de finaliser notre inventaire
des
bâtiments.
Relevé
du sol du parvis de la chapelle et de l’orthopédie.
29 avril 2022, 10h00 - 12h30 puis 16h30 - 19h00 Quatrième visite, jour 2. Dernières explorations, concentration autour de l’aile sud de l’Hôtel-Dieu, du bâtiment des urgences et du PTMC. Relevé des espaces extérieurs du fragment Sud-Est.
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ENTRETIEN AVEC JEAN-CLAUDE LE NÉEL Ancien Chef du service viscéral de l’Hôtel-Dieu et président de l’Association Histoire des Hôpitaux et Patrimoine de la Santé à Nantes (AHHPSN) Le 17 décembre 2021, 75 minutes, faculté de médecine du CHU Hôtel-Dieu
Pouvez-vous vous présenter brièvement ? J’étais chef de service ici, au service de chirurgie viscéral à l’Hôtel-Dieu jusqu’à y a quinze ans lorsque j’ai pris ma retraite. En quelle année avez-vous commencé à pratiquer ? J’ai commencé médecine en 58, j’ai été interne en 64, agrégé en 74 et j’ai cessé mon activité en 2006 à 67 ans. Je suis toujours resté dans le même service, je n’ai pas bougé. Quand l’hôpital nord a ouvert, je suis resté m’occuper des urgences et de la chirurgie infantile. Pendant un certain temps j’ai fait deux services à la fois donc je connais bien l’Hôtel-Dieu. J’y ai beaucoup travaillé, j’ai fait partie de la commission médicale et du Conseil d’administration, donc je connaissais bien les arcanes et j’avais d’assez bons rapports avec les administrateurs et directeurs d’une manière générale. J’imagine que vous n’avez pas exercé dans les mêmes bâtiments au cours de votre carrière, les salles de blocs ont-elles évolué ?
Oui ça a beaucoup bougé, il y a un riche historique. J’exerçais déjà lors du déménagement de Saint-Jacques à ici, j’étais un des premiers internes à venir dans le nouvel Hôtel-Dieu et à voir sa transformation. Pouvez-vous nous parler de l’évolution de la parcelle depuis 1967 ? Nous avons amené des documents, ce plan concerne les premières intentions de Michel Roux-Spitz. L’un de ses premiers plans c’est celui-là, en effet, avec le bâtiment central. Il y avait au départ un grand parking avec un héliport au milieu. Et puis on a construit, alors je vous ai fait l’historique, avec la galette et tout ce qui a été construit.1 L’héliport est maintenant au-dessus, avec la construction du SAMU qui est sur la Loire. L’héliport est maintenant au dernier étage, enfin sur la terrasse. Tout ce qui était libre a été construit, ici il y a eu le centre de transfusion, ici l’hôpital mère-enfant. Le pavillon mère-enfant a ouvert en 1965, c’était le premier a ouvrir. En 1966 on a emménagé dans le grand bâtiment. Et parallèlement la faculté s’est étendue puisqu’on a fait l’amphi neuf. Donc pratiquement tout est construit, il reste les transitions. Comment avez-vous vécu cette densification ? Nous on ne l’a pas mal vécu, en ce sens que ça a été une amélioration. Le seul problème c’est qu’on ne voyait plus que des bâtiments partout. Il n’y a pas autant d’espaces verts qu’à l’hôpital Nord2, le deuxième hôpital de Nantes qui finalement va plus ou moins fermer. Làbas il y a de grands espaces, je crois que l’hôpital s’étend sur 17 hectares, quelque-chose comme ça. Il y a des jardins, les patients dans leur chambre n’en profitent pas beaucoup mais enfin il y a au moins un peu de verdure. Ici il n’y a plus rien. On est en pleine ville, c’est construit partout, c’est bouché partout. Par contre il y a eu des améliorations indiscutables dans le fonctionnement. Pour les malades qui sont en bonne forme c’est bien de pouvoir aller se promener, de voir des roses mais celui qui travaille à l’hôpital, il préfère avoir tout à sa 1_ Se référer à la note chronologique p.xx 2_ Il s’agit de l’Hôpital Guillaume et René Laennec, construit sur le site de Saint-Herblain
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place. Ici c’était quand même assez confortable. Quand on a construit les nouveaux blocs opératoires Jean-Monnet c’était bien. [...] C’est un hôpital qui a été conçu sur le modèle des hôpitaux suédois au moment de la reconstruction, c’est un hôpital vertical un peu comme Beaujon à Paris alors que le second hôpital3 construit sur le même site avait été conçu sur le modèle Lariboisière. Vous ne voulez pas que je vous fasse un petit récapitulatif vite fait, je crois que ça expliquera mieux ? Oui bien sûr. L’île Feydeau était autonomne à ce moment-là, la Loire passait ici. En 1936 la Loire a été comblée. Le premier Hôtel-Dieu a été construit sur cette île, il a été construit au XVIIème siècle et mesurait 70 mètres de côté. Autour il y avait des hectares, une ferme, un cimetière, un élevage et tout ce qu’il faut. Voilà l’allure que ça avait. Et puis au XVIIIème siècle, on a construit le deuxième Hôtel-Dieu de l’île Gloriette, sur le même site, on l’a déplacé un tout petit peu. Il a été construit à peu près en dix ans, sur les plans de Lariboisière. Voilà l’Hôtel-Dieu à ce moment-là, avec ses pavillons, le pavillon central avec la chapelle au milieu, très important bien sûr la chapelle, les bâtiments administratifs et l’école de médecine ici. Les pavillons d’hospitalisation, la communauté religieuse et la pharmacie étaient au fond. L’ensemble était à cheval sur la Loire, et derrière il y a à nouveau le pont de la Loire. En quelle année les bras de la Loire ont été comblés ? En 1936 environ, peu après la guerre. Voilà une vue d’architecte qui montrait la situation avec le jardin devant. Alors au départ c’était assez rigolo parce qu’il y avait des bateaux sur la Loire, des bateaux-lavoir sur lesquels ils lavaient le linge de l’hôpital. C’était assez bien fait. En 1943 l’hôpital a été bombardé par les américains, les toits étaient pourtant couverts de croix rouges. Il y a eu trois vagues de bombardements, celle du 16 septembre a été la plus importante, tous les bâtiments ont été détruits. À partir de ce moment-là, il a fallu reconstruire. La reconstruction c’est Roux-Spitz, elle a débuté à partir de 1950, le temps d’obtenir les autorisations. Le nouvel hôpital s’est construit sur des pieux, enfoncés à 27 mètres de profondeur car ce ne sont que des îles. Auparavant il y avait des boires, des passages d’eau ensablés, la roche est environ à 25-30 mètres, donc il a fallu creuser. Les bâtiments anciens sur l’île de Nantes, ont été construits à la façon des hollandais, sur des pieux de chêne, qui étaient enfoncés dans le sable, dans l’eau, dans la boue et dans la vase. Tant que les chênes sont dans la vase, ils ne se décomposent pas. Après avoir comblé les bras de la Loire, il n’y avait plus l’humidité suffisante, les pieux ont commencé à pourrir, et c’est pour cela que les bâtiments sont inclinés. Le bâtiment où j’habitais lui avait été fait juste après la guerre. Il avait été construit sur un radeau de béton au dessus de la vase. Quand il y avait des crues, l’eau montait dans les caves éventuellement mais le bâtiment de neuf étages ne bougeait pas. On ne ferait pas cinquante étages bien sûr. Pour l’Hôtel-Dieu on a décidé de faire des pieux, comme pour le futur hôpital qu’ils veulent faire. Autrement c’est impossible, ce n’est que du sable, de la flotte sans compter que c’est pollué. La construction de Roux-Spitz était donc en croix. Vous avez ici le côté ville, voilà la chapelle, voilà ici ce qui était l’internat et l’administration, et puis ici il y avait les ailes d’hospitalisation pour les malades : l’aile sud et l’aile est. L’aile ouest c’était pour les laboratoires, l’enseignement et la recherche. L’aile nord c’était pour les consultations, l’administration, etc. Au départ, il restait encore les vieux bâtiments, moi j’ai travaillé dans ces vieux bâtiments-là qui n’avaient pas encore été démolis. Ça c’est le pavillon de la mère et de l’enfant qui a ouvert en 1965, il se compose de cinq étages, la maternité était comprise 3_ Le second établissement a été construit en 1865 et a fermé suite à son bombardement en 1943. Il ne reste plus aucune partie de l’edifice aujourd’hui.
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Jean-Claude le Néel nous montre les pancartes servant de supports aux expositions de l’association. Faculté de médecine, 17 décembre 2021
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dedans. […] Il y avait pas mal d’espaces verts et puis progressivement tout a été construit. En 1984, on a construit une nouvelle maternité beaucoup plus importante, ici une école dentaire, puis le pavillon Jean Monnet et ensuite le SAMU. Et puis récemment ils ont construits de nouveaux blocs opératoires, le PTMC, qui est vraiment très important. Cela fait une grosse différence, il n’y a que la façade d’entrée qui n’a pas beaucoup bougé si ce n’est que l’on a construit un autre bâtiment ici. Comment s’articulaient les différents services dans le bâtiment en croix de Michel RouxSpitz après sa construction ? Il y a treize étages, ou onze étages plutôt. Huit étages d’activité médicale et le dernier étage était destiné à la communauté religieuse. À l’époque c’était les religieuses qui étaient en titre dans tous les services, et puis il y avait les cuisines. En dessous, il y avait les services techniques, les laboratoires, la radiologie, l’entretien et les parkings. Sur les plans d’évacuation, on a remarqué qu’il manquait toujours le quatrième étage de l’aile ouest. Ah oui, il y a un décalage, mais pourquoi ? Il me semble que des amphis ont été intercalés. Les plans du projet initial ont été modifié, au départ quand Roux-Spitz a posé le projet, c’était des chambres de six lits. Les médecins ont exprimé leur désaccord sur ces salles communes, on a donc décidé de faire des chambres à trois. L’hôpital a donc été fait avec 80% de chambres à trois, avec un lavabo mais sans toilettes ni douches. Il y avait quelques chambres à deux et de rares chambres à un. Quand il y avait une chambre à un, il y avait un lavabo et une toilette mais autrement il n’y en avait pas. Il y avait des douches communes pour les malades. Pouvez-vous nous décrire les usages auquel répondait le bâtiment des urgences construit en 1990 ? La galette c’était la recherche au rez-de-chaussée bas et après on descendait. Le premier étage c’était les urgences, avec une rampe pour y accéder. Il y avait toutes les urgences, médicales, chirurgicales, psychiatriques et pédiatriques. Au-dessus, c’était les laboratoires d’activité, c’est-à-dire de biologie, etc. Sauf le laboratoire d’anatomie pathologique qui est resté vers la fac. Donc les laboratoires étaient là. En bas c’était la recherche, avec quelques unités de recherche. Comment étaient nommés les bâtiments par le corps soignant ? Vous avez évoqué la « galette » pour le bâtiment des urgences, le bâtiment central désigne la croix de Roux-Spitz ? Oui, bloc central. Par opposition au bloc mère-enfant. C’était « pavillon mère enfant » et puis quand ils l’ont agrandi et qu’ils l’ont amélioré en faisant cette construction en « V » inversé, dans la pointe est, on l’a appelé l’hôpital mère-enfant parce que c’était effectivement une structure indépendante. Je ne sais toujours pas s’il va partir, théoriquement il devrait partir sur le nouveau site mais ce n’est pas sûr du tout. Le nouveau site devait aussi accueillir l’institut de cancérologie, mais il n’ira pas parce qu’ils ont le cyclotron qu’ils ne peuvent pas déplacer. On ne peut pas mettre un cyclotron dans la vase, et puis ils ne veulent pas venir. De toute façon ils sont beaucoup mieux installé à l’hôpital nord.4
4_ Le projet du nouvel hôpital prévoit de fusionner l’Hôpital Nord, Guillaume et René Laennec, et le CHU Hôtel-Dieu sur l’Île de Nantes.
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Par rapport au déménagement justement, quels sont les bâtiments qui partent et quels sont ceux qui resteraient sur le site historique ? Alors ici, l’Hôtel-Dieu doit déménager théoriquement en 2026/2027, ça sera plutôt 2030, si ça se fait parce que, tel que c’est parti c’est mal barré. Tout ce qui est du bloc central partira, tout ce qui est des urgences aussi. L’hôpital mère-enfant je ne sais pas. Je n’ai pas très bien suivi, théoriquement c’était prévu mais c’est un gros ensemble. Le projet c’est de faire un hôpital de cinq étages, si j’ai bien compris, avec 200 lits de moins que ce qu’il y a actuellement, vu la pénurie ça va être un peu difficile et puis des services de recherches qu’on ne sait pas très bien où ils seront placés. De ce qui est à l’hôpital nord actuellement, il doit y avoir 450 lits actifs qui doivent déménager, les services de neurochirurgie, les services d’endocrinologie, les services de neurologie et de cardio-pneumo. L’hôpital mère-enfant pourrait fonctionner indépendamment de toutes les autres entités ? Il peut fonctionner indépendamment sur le plan médical, sur le plan logistique il ne peut pas fonctionner. La centrale de chaleur qui est ici, fonctionne pour tous les bâtiments. Donc je ne sais pas comment ça fonctionnerait. Tous les bâtiments du campus universitaire restent sur le site ? Non, la fac où l’on se trouve va être déconstruite. Il y a huit étages, et déjà nous n’avons plus le droit d’aller au-dessus du cinquième, c’est interdit. C’est un immeuble de grand hauteur qui ne répond plus aux normes, etc. Les trois derniers étages ne sont plus habilités, c’est pourquoi ils essaient de retrouver des locaux un peu partout mais on n’y arrive pas. Une partie des amphis sont à Berliet, ils sont en train de construire une nouvelle faculté. Ce que vous voyez là, les grandes vitrines, c’est la bibliothèque universitaire de santé. Ils construisent un immeuble de quatre étages derrière, un peu moins important, qui sera essentiellement destiné à l’administration. Ils devaient y faire d’autres amphis, finalement non. Il y a de moins en moins d’amphis, parce qu’il y a beaucoup plus de travail en petit groupe, de visio-conférences, il reste un amphi de 1000 places à Berliet et quelques amphis de 100 et 200 places. Dans la nouvelle faculté il y a un amphi de 200 places c’est le plus grand, ici il y a un amphi de 500, l’amphi 9, celui qui est en bout, en arrondi. Et l’immeuble Deurbroucq ? L’immeuble Deurbroucq est un ancien hôtel particulier du XVIIème ou XVIIIème. Il a été refait entièrement et il abrite l’administration des hôpitaux. À côté, il y avait le garage Peugeot, qui a servi ensuite de garage pour l’hôpital, d’où l’arrondi, parce que c’est une rampe. Toute la partie derrière appartient aux hôpitaux. C’est l’administration hospitalière, ce n’est pas la faculté. Et le parking est encore utilisé aujourd’hui ? Oui, mais il y a énormément de voitures, l’hôpital passe son temps à transférer un malade d’un bâtiment à l’autre. Quand j’ai commencé, on va me dire que c’était l’ancien temps, il y avait un directeur général, un directeur général adjoint, et un directeur par établissement. Donc il y avait cinq directeurs en tout, maintenant ils sont vingt-cinq. École de l’administration oblige, faut bien les caser quelque part. Alors on a fait des pôles, après on a fait des regroupements, des sous-groupes, des machins. L’administration est devenue monstrueuse dans les hôpitaux. Avant il y avait un chef de service avec un surveillant ou une surveillante, en général c’était une bonne-sœur à l’époque parce qu’elles étaient sur place. Quand on avait un souci, on appelait la bonne-sœur du service, elles logeaient au huitième étage, elles venaient régler le problème. Pour une bonne-sœur qui fait 24h/24 de présence, il faut trois personnes. Ça change tout. 96
Est-ce que l’IRS, le centre de recherche, est destiné à rester sur le site ? Qu’est-ce qu’il va devenir ? Je n’en sais rien. Personne ne sait, mon fils est dans la recherche, il est pharmacien ici à la faculté. Il y a des labos un peu ici, un peu là-bas, un peu sur l’île de Nantes, pas très loin du nouvel hôpital, des trucs où il n’y a pas de places pour stationner. Enfin c’est un bordel sans nom. Concernant le projet du nouvel hôpital, nous avons vu que les architectes se sont retiré du projet... Alors oui, je ne sais pas ce qui s’est passé, l’équipe qui va construire n’est pas celle qui a fait les plans. Cela va forcément faire des histoires. D’abord les coûts ont augmenté, c’est passé de 850 millions à 1,3 milliard. Actuellement ils sont en train d’enlever les bombes qui sont tombées sur l’île de Nantes. Pour l’instant ils ont enlevé 4,50 m d’épaisseur de sable pollué à l’endroit où l’on doit édifier le nouvel hôpital et ils ont déjà trouvé des bombes. Ici aussi on en avait trouvé au moment de construire la faculté. Quand ils ont fait le deuxième bâtiment ils en ont trouvé encore, puisqu’il en est tombé des quantités. Donc il faut qu’ils s’assurent qu’il n’y ait pas de bombes, qu’ils n’enfoncent pas des pieux sur une bombe et que ça fasse tout péter. Savez-vous où vont les quantités de sable pollué ? Non, et je ne sais pas s’ils vont les dépolluer. Auparavant il y avait énormément d’usines sur l’île de Nantes. Il y avait les chantiers de construction de Nantes, chantier de Bretagne, chantier de la Loire et chantier Dubigeon. C’était extrêmement pollué, il y avait énormément d’huile, de mazout, d’usines chimiques, d’usines de conserverie, des phosphates. Les bateaux arrivaient et les boires servaient à décharger. Les crasses on les foutait dedans, on comblait plus ou moins comme ça donc c’est sûrement assez pollué. Quelle est votre opinion concernant le déménagement de l’hôpital ? Ce n’est pas illogique de concevoir un hôpital plus moderne. Le principe de faire un hôpital dans le centre, ce n’est pas illogique non plus. On se rend compte que les hôpitaux en périphérie sont difficiles d’accès. C’est facile pour certains, difficile pour d’autres. Donc le principe est bien, mais faire un hôpital sur une île si on n’a pas prévu les accès et les arrivées, ça va être difficile. Il n’y a pas de tram, il y a que des bus, mais ils sont coincés dans la circulation. Et si les gens ne peuvent pas stationner... Alors quitte à payer des ambulances pour faire la navette, mais ça va coûter très cher à la sécurité sociale... L’espace est restreint, il y a moins de lits et ils ont basé la discussion sur le fait que maintenant on garde les gens beaucoup moins longtemps. C'est vrai ! Autrefois quand on opérait une vésicule biliaire, on gardait les gens 8 ou 10 jours. Maintenant au bout de 48h ils sont sortis. Certaines chirurgies qui étaient longues ne se font plus, moi je faisais beaucoup de cancers de l’œsophage pour lequel on opère pratiquement plus, on les traite différemment donc des gens qui restaient 15 jours à 3 semaines ne restent plus, ils viennent en externe. Il n'y a pas que ça, le gars qui se casse une patte à 80 piges comme moi, s'il ne veut pas rentrer chez lui il faut qu'il reste à l'hôpital, il ne va pas rester nécessairement à l'Hôtel-Dieu mais il va falloir lui trouver une place. Il faut donc avoir un minimum de lits sans compter d'autres pathologies qui arrivent. Le cyclotron ne pourra pas venir donc le CRC5 ne voudra pas venir non plus. Ça me parait un peu difficile, quant à regrouper tout sur l’île de Nantes en si peu de place, c’est impensable. Il me semble que la maire de Nantes veut faire des jardins, c’est gentil mais les pieux de 27 mètres il va falloir les enlever, on ne peut pas faire des jardins sur des pieux, ça ne fera pas un joli parc, ce n’est pas possible. [...] 5_ Centre de Recherche Clinique
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Le plus solide c’est le bâtiment central, c’est une structure métallique et puis du béton pardessus donc ça ira relativement vite s’ils veulent déconstruire, mais enfin il y a tous les soussols et ça fait des masses de béton considérables. Quand ils ont fait les travaux sur le site du nouvel hôpital, les 4,5 mètres d’épaisseur représentait une masse un volume de gravats, de terre et de sable considérable. Dans l’insuffisance de lits et d’espaces dans le projet du nouvel hôpital, peut-on imaginer un scénario dans lequel certains soins de suite resteraient sur le site historique de l’HôtelDieu ? Ce serait une possibilité. Je ne sais pas exactement ce qui va se passer. La population vieillit et mis à part certaines résidences luxueuses relativement bien situés à Nantes, les maisons de retraite comme à l’hôpital Saint-Jacques sont très isolées. Ce qui pourrait être utile ce serait de garder une partie par exemple du pavillon de la mère et de l'enfant6, face à la Loire et aménageable pour en faire des soins de suite ou de convalescence. Ils resteraient en plein centre-ville ce qui serait quand même bien. Par contre le bloc central de l’hôpital ne peut pas être gardé tel quel, il n’est pas adapté pour faire de la convalescence ou de la rééducation. Les circulations sont bonnes, les couloirs sont très larges, il est possible de croiser des lits mais les chambres ne sont pas adaptées, maintenant les gens veulent être dans une chambre seule. [...] Ce serait bien de garder des possibilités d'accueil de rééducation de soins. Aujourd’hui le principe est de faire les soins en un minimum de temps en hôpital actif puis de renvoyer les patients chez eux. Mais si on vit seul, si on n'a pas de famille pour nous accueillir ce n’est pas possible. Moi si je me casse une patte je ne peux pas rester chez moi, je suis dans une maison, je n'ai pas de chambre au rez-de-chaussée, je suis coincé et obligé d'aller en convalescence quelque part. Pour toutes les personnes dans cette situation il faut envisager des possibilités. Concernant le bloc central, ne pourrait-on pas imaginer une reconfiguration des cloisonnements ? Je pense que c'est très compliqué, notamment au niveau des gaines techniques. Bien sûr c'est une très bonne construction, il a ouvert en 65, ça fait donc 55 ans et il n’est pas délabré mais il n’est pas conçu pour faire ça. Alors que le pavillon de la mère et de l'enfant, qui est à peu près de la même époque, est beaucoup plus adaptable. Il est en bordure de Loire, il est bien exposé, il est au soleil alors bon ça fait cuire ... si c'est pour les faire mûrir les vieux ça va être dur mais on peut l’aménager. Quant à l'hôpital mère-enfant, il n’est pas mal conçu non plus mais je ne sais pas ce qu'ils vont en faire. Il est en plein centre, il est relativement bien dimensionné pour la population. C’est la première maternité de Nantes et elle fait 2500 accouchements par an, elle fonctionne très bien. De toute façon ce n’est pas possible de dissocier la réanimation pédiatrique de la maternité et de la pédiatrie. Les urgences pédiatriques aujourd'hui sont situés dans le bâtiment des urgences ? Non, elles sont à côté de la galette, c'est une petite structure accessible par des passerelles. Quand on arrive aux urgences il y a un accueil qui distribue les patients dans différents services. Il y a un petit pôle d’urgences psychiatriques à gauche, les urgences générales qui se dispatchent en deux à savoir les urgences traumatiques et non-traumatiques puis il y a les urgences infantiles qui partent là à droite vers la maternité, la pédiatrie.
6_ Il s’agit ici de l’hopital pédiatrique situé en front de Loire entre l’IRS et la maternité
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Nous avons lu qu’il existait un souterrain reliant le pavillon de la mère et de l’enfant au bloc central. Existe-t-il toujours ? Oui bien-sûr, au rez-de-chaussée en bas ! Quand j’étais en charge de la chirurgie infantile, elle était ici et on n’avait pas la possibilité d’opérer la nuit donc je les opérais aux urgences puis on emmenait nos moutards dans la galerie, comme ça dans le berceau avec l’anesthésiste et puis on ramenait l’enfant après l’opération en chirurgie par les sous-sols. Il y a 500 mètres à faire le long de cette aile, au-dessous il y avait les laboratoires de transfusion sanguine avant qu’il se construise ici et puis il y avait les ateliers, les réserves etc. Au sujet des berges, est-ce que la voie André Morice sert à désengorger les quais Moncousu où passent et arrivent les ambulances ? Oui bien sûr. Puis le stationnement. La double voie commence ici et finit un bon kilomètre plus loin, près du stade de Malakoff, près du palais des congrès. Donc c’est vraiment pour désengorger, éviter que les ambulances passent là. Pouvez-vous nous présenter l’association AHHPSN que vous présidez ? L’association d’histoire des hôpitaux et du patrimoine santé de Nantes. C’est une association qui a été créée par des médecins, du personnel infirmier, du personnel administratif, des directeurs d’hôpitaux. Le but est de raconter un peu l’histoire des hôpitaux. On a regroupé le patrimoine scientifique et technique de l’université et on essaie de récupérer tout ce qui concerne la médecine, la pharmacie, la dentisterie, l’obstétrique, éventuellement les vétérinaires. On récupère tout ce qu’on peut : des vieux bouquins, des vieux appareillages, etc. Mais on n’a pas de place pour stocker alors on a des objets à l’IUT, à l’ancienne ENSM qui dépérissent. C’est beaucoup trop volumineux, on n’arrive plus à les loger. On garde aussi des choses à Saint-Jacques dans de mauvaises conditions de conservation. [...] Nous arrivons à la fin de nos questions, c’était très intéressant merci beaucoup. Est-ce que cela vous embête si nous prenons quelques photos de l’univers de cet espace ? Oui allez-y, c’est la pagaille puisqu’on nous a dit qu’on allait nous mettre dans deux pièces. Je vais vous montrer ce qu’il y a ici. Alors je récupère tous les vieux trucs de pharmacie, les vieux instruments, les vieux médicaments pour faire nos expositions. On m’a interdit de garder du papier, parce que c’est marqué “poison” et s’il y a le feu ça va incommoder tout le monde [...]
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Produits de pharmacie, médicaments et instruments de médecine récupérés par l’AHHPSN Faculté de médecine, 17 décembre 2021
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CHRONOLOGIES DES HÔPITAUX DE NANTES Notes de Jean-Claude le Néel Document annexe à l’entretien du 17 décembre 2021
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CHRONOLOGIE PLAN MASSE DE CONSTRUCTIVE L’HÔTEL-DIEU PAR ROUX-SPITZ _ 1947-1963 Une densification sempiternelle CHU Hôtel-Dieu, Nantes
CHRONOLOGIE CONSTRUCTIVE _ Une densification
1965 - 1968 Michel Roux-Spitz
1 _ Consultations Bénédicte Chevalier, Lucie Daum ENSA Paris Val-de-Seine _ 2021/2022 2 _ Odontologie 3 _ Bloc opératoire 4 _ Bloc opératoire 5 _ Bloc opératoire
2008 SEXTANT Architecture
Bénédicte Chevalier, Lucie Daum ENSA Paris Val-de-Seine _ 2021/2022
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1990 Jean-Pierre Hermant
6 _ Laboratoire 7 _ Chapelle 8 _ Services généraux 9 _ Hospitalisation Sud 10 _ Hôpital de la Mère et de l’Enfant
2010
11 _ Services sociaux 12 _ Usine 23 _ Faculté de Médecine
1995
Trans/former l’existant Donato Severo, Xavier Dousson
2013 AIA
Trans/former l’existant Donato Severo, Xavier Dousson
1995
2004 Rémi Butler
Trans/former l’existant Donato Severo, Xavier Dousson
2013 AIA
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2022
Trans/former l’existant Donato Severo, Xavier Dousson
3 | 12
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CARTE DE NANTES : UN TERRITOIRE LIGÉRIEN Le CHU Hôtel-Dieu à la confluence des cours d’eau
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Limite communale de Nantes, courbes topographiques tous les 2 mètres
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CARTE REPÈRE DU CHU HÔTEL-DIEU Référencement des bâtiments par sigles Livret annexe au rapport de PFE
F_ODT_2 CSD F_ODT _1
BGL RMP
PT HD _N
HD_O
RAD
HD_E
CHFR
F_ MED
IJM
CHP
ORT HD _S
URG
LVR
EFS
MAT
PTMC IRT
PDT
HLP
HD | Hôtel-Dieu
EFS | Établissement français du sang
ORT | Orthopédie
IJM | Immeuble Jean Monnet
CHP | Chapelle Hôtel-Dieu
RAD | Radiologie
RMP | Rampe d’accès
MAT | Maternité
CSD | Centre de santé dentaire
HLP | Héliport
F_ODT_1 | Fac d’odontologie
BGL | Bungalows
F_MED | Fac de médecine
IRT | Institut de recherche
CHFR | Chaufferie
F_ODT_2 | Fac d’odontologie
LVR | Livraison
PT | Poste de transformation
PDT | Pédiatrie
PTMC | Plateau technique médico-chirurgical
URG | Urgences
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PHOTOGRAPHIES D’ARCHIVES Construction du CHU l’Hôtel-Dieu, 1952-1965
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PUBLICATIONS SUR LE CHU DE NANTES Photos, plans et axonométrie programmatique Source : «Centre hospitalier universitaire de Nantes», L’architecture Française, N°283, 1966, p.27-32.
Bloc central de Michel Roux-Spitz, vue de l’aile nord et l’aile ouest Photographie prise avant la construction de la faculté de médecine.
Plan de l’aile est Étage courant du niveau 1 au niveau 5
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Axonométrie éclatée Répartition des différents services
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ÉVOLUTION DU CHU DE NANTES Photographies aériennes Source : https://remonterletemps.ign.fr/
Photographie aérienne, 1923 Hôtel-Dieu (1865 - 1943), situé sur l’île Gloriette
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Photographie aérienne, 1981 Hôtel-Dieu conçu par Michel Roux-Spitz
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COMPILATION DES PLANS DES DIFFÉRENTS BÂTIMENTS DU CHU Permis de construire et plans d’évacuation Sources : Service des archives de Nantes et visites des étudiantes
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PERMIS DE CONSTRUIRE DE L’HÔTEL-DIEU _ JUILLET 2005 Réhabilitation du système de sécurité incendie et des installations électriques. PC n°44109 05 1378 P0 Archives de Nantes, 1 rue d’Enfer 44000 Nantes
Plan de principe_ Rez-de-jardin BAT/DF 02
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Plan de principe_ R+1 BAT/DF 06
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Plan de principe_ R+7 BAT/DF 12
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Façade ouest _ Aile nord/sud BAT/DF 18
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PERMIS DE CONSTRUIRE DE L’HÔTEL-DIEU _ FÉVRIER 2005 Restructuration des consultations Ailes nord/ouest par AIA Atelier de la Rize PC n°44109 05 1047 P0 Archives de Nantes, 1 rue d’Enfer 44000 Nantes
Coupe longitudinale _ Aile nord Dossier 1839 _ 28
Coupe longitudinale _ Aile ouest Dossier 1839 _ 29
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PERMIS DE CONSTRUIRE DES URGENCES _ OCTOBRE 1998 Réaménagement des urgences par l’agence SCAU. PC n°44109 99 4478 Archives de Nantes, 1 rue d’Enfer 44000 Nantes
Plan du Rez-de-chaussez bas et étage technique N°05
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Façade sud N°16
Façade est N°15
Coupe BB N°11
Coupe CC N°12
Façade hall d’accueil N°17
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LE PROJET « ÎLE DE NANTES » Osty et associés Source : https://www.osty.fr/contact/projets/view/23/ile-de-nantes
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Plan masse du projet
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LE PROJET « NANTES PETITE HOLLANDE - BORDS DE LOIRE » Une fabrique de la ville, Agence TER, List Architecture Source : https://www.instagram.com/agence_ter/
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Plan masse du projet La parcelle de l’hôpital est totalement déconstruite.
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Extraits de la fresque de projet
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LE PROJET « LOIRE AU CŒUR » Henri Bava paysagiste, Agence TER Source : https://metropole.nantes.fr/territoire-institutions/projet/grands-projets/loire-petite-hollande
Schéma du projet « Loire au cœur » Un parcours piéton est projeté sur les quais et ponctué par des activités récréatives jusqu’au canal Saint-Félix
La place de la Petite-Hollande favorise la marche et le vélo La voiture est reléguée au second plan et les berges sont dédiées aux piétons et aux cyclistes.
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Prairie avec vue sur Loire Dans le cadre du projet « Loire au cœur », Nantes Métropole ambitionne de redessiner, à terme, 4 km de berges de la gare jusqu’au Bas-Chantenay.
Une cale en gradins pour profiter de la Loire Place de la Petite-Hollande
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LES AUTRES POSSIBLES Magazine carto-graphique local et indépendant à Nantes
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