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Simon Hantaï

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Thomas Houseago

Thomas Houseago

Partenariat

Fondation Gandur pour l’Art

Par où on ne sait pas

présenté au Musée des Beaux-Arts de Rouen du 17 janvier au 27 avril 2020

au travers du regard de Bertrand Dumas, conservateur, collection beaux-arts Fondation Gandur pour l’Art fig. 4 Simon Hantaï Peinture 1958

Huile sur toile, 215.5 x 133 cm FGA-BA-HANTA-0012 © Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Photographe : André Morin © Archives Simon Hantaï / Adagp, Paris, 2021

Pour la première collaboration entre la Fondation Gandur pour l’Art et le Musée des Beaux-Arts de Rouen qui s’est tenue en 2020, Sylvain Amic et Joanne Snrech ont choisi de présenter six tableaux de Simon Hantaï (1922-2008), peintre français d’origine hongroise. Leur sélection s’est portée sur des œuvres de 1951 à 1962 qui rendent compte des recherches incessantes conduites par l’artiste au cours de cette décennie fondatrice. Ensemble, elles dessinent une trajectoire artistique parmi les plus audacieuses de toute la peinture européenne de la seconde moitié du XXe siècle. Cette invitation au cœur de l’avant-garde picturale des années 1950 a été l’occasion de restaurer les œuvres prêtées par la Fondation dont la plupart sont exposées pour la première fois.

Tentations surréalistes

Budapest libérée par les troupes soviétiques le 13 février 1945, Simon Hantaï peut regagner les bancs de l’école des Beaux-Arts qu’il a intégrée quatre ans plus tôt. Son professeur d’histoire de l’art, François Gachot, un Français, lui enseigne la langue de Voltaire et lui obtient une bourse pour continuer ses études à Paris. L’angoisse succède rapidement à la joie quand la République populaire de Hongrie lui

fig. 1 Simon Hantaï Sans titre 1951

Huile sur papier marouflé sur toile 23.6 x 21,1 cm, FGA-BA-HANTA-0009 © Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Photographe : André Morin © Archives Simon Hantaï /Adagp, Paris, 2021 fig. 2 Simon Hantaï Peinture 1952-1953

Huile sur toile, 102.3 x 107,4 cm Inv. FGA-BA-HANTA-0011 © Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Photographe  André Morin © Archives Simon Hantaï /Adagp, Paris, 2021

retire les fonds qui lui ont été accordés par le précédent gouvernement. Sans bourse, et donc sans visa pour la France, Hantaï choisit l’exil pour réaliser son ambition de devenir artiste à Paris, où il arrive en septembre 1948, accompagné de sa jeune épouse.

Des débuts parisiens de Simon Hantaï, l’exposition montre deux tableaux inédits. Le premier, daté de 1951, est un petit format carré (fig. 1). Que voiton? Des herbes folles, à moins qu’il ne s’agisse d’algues vertes et blanches, refuge d’une faune marine en suspension. Pour tout dire, la composition échappe à toute description convaincante. C’est le trait commun des œuvres ayant adopté le langage informel de la peinture abstraite la plus avant-gardiste du moment, celle pratiquée par des artistes anticonformistes tels que Wols, Bryen ou Dubuffet.

Ici, le sujet ou le motif comptent peu. Simon Hantaï trouve son chemin dans la matière de la peinture elle-même qu’il façonne de multiples manières. Comme les surréalistes dont il s’inspire, le peintre hongrois expérimente alors toutes les techniques possibles, du collage au frottage, en passant par le grattage ou le raclage.

Hantaï s’attaque à la couche superficielle du tableau pour révéler les couleurs sous-jacentes. L’exploration souterraine de la matière à laquelle il se livre trouve un développement original dans le second tableau daté de 19521953 (fig. 2). L’artiste obtient ce dessin ondulatoire en raclant la surface à l’aide d’un cercle de métal qu’il a retiré d’un réveille-matin. Un tel paysage de dunes psychédéliques est de nature à intriguer André Breton qui rédige la préface du catalogue de sa première exposition personnelle ayant lieu au début de l’année 1953 à la galerie À l’Étoile Scellée, temple du surréalisme parisien.

Véhémence du geste

Fin 1955, l’usage du cercle de métal devient systématique dans l’œuvre de Simon Hantaï. L’objet lui libère la main, comme l’a fait auparavant le « pinceau-bâton » de l’Américain Jackson Pollock, pionnier de la peinture gestuelle outre-Atlantique qui trouve à Paris son alter ego le plus actif en la personne de Georges Mathieu. Des deux artistes, alors au sommet de leur art, Hantaï va puiser la fougue et la verve créatrices qui le conduisent, entre 1956 et 1957, à peindre, lui aussi, de grandes toiles aux compositions débridées. Celle exposée au Musée des Beaux-Arts de Rouen (fig. 3) est sans doute l’un des exemples les plus aboutis de la courte période lyrique dans la peinture de Simon Hantaï. Cercle en main, il balafre le jus brun qui recouvre toute la surface de la toile. Les lacérations obtenues dévoilent des couleurs vives qui scintillent sous l’action de la lumière recouvrée. Celle-ci met au jour la véhémence du geste qui parvient à percer l’inquiétante toison épineuse cherchant à s’étendre au-delà des limites du tableau.

Petites touches-réveil

Pour tenter de renouveler sa peinture, Simon Hantaï sent qu’il doit suivre un tout autre chemin que celui de la peinture lyrique dans lequel il s’est engagé. Fini les gestes grandiloquents, place aux petites «touches-réveil» qu’il

fig. 5 Simon Hantaï Peinture 1959

Huile sur toile, 215.8 x 201,8 cm, Inv. FGA-BA-HANTA-0003 © Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Photographe Sandra Pointet © Archives Simon Hantaï /Adagp, Paris, 2021 fig. 6 Simon Hantaï Manteau de la Vierge 1962

Huile sur toile, 119 x 102,5 cm Inv. FGA-BA-HANTA-0005 © Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Photographe : André Morin © Archives Simon Hantaï /Adagp, Paris, 2021

met au point au cours de l’année 1958. Ce sont elles qui tapissent la surface du grand tableau vertical présenté dans l’exposition (fig. 4). Ici, le cercle du réveille-matin est toujours à l’œuvre. Mais au lieu de griffer violemment la peinture comme auparavant, il la caresse désormais par petites touches nerveuses, presque minutieuses. Cette nouvelle approche picturale, faisant appel à une certaine lenteur dans la pratique, correspond à un besoin d’accéder à un état plus intime et sincère de la peinture. Le résultat est d’une extrême nouveauté pour l’époque et marque un tournant décisif dans la carrière du peintre. En effet, pour la toute première fois, son art est authentiquement personnel, ne relevant d’aucun maître, ni d’aucune école antérieure. Cet accomplissement solitaire engendre un nombre restreint d’œuvres qui combinent les recherches précédentes, comme pour en tester les limites. C’est le cas du tableau de 1959 qui, à la veille d’une nouvelle phase, entraîne le jeu de l’occultation et du « découvrement » dans une danse calligraphique virtuose (fig. 5).

Pliages méthodiques

La capacité d’Hantaï à se renouveler est sans pareil. À peine a-t-il exploré les possibilités multiples des petites touches-réveil qu’il remet en question leur potentiel tout en interrogeant les fondements de la peinture elle-même. En 1960, sa fièvre créatrice culmine avec deux séries d’œuvres remarquables: les Mariales, regroupant 27 peintures, et les Manteaux de la Vierge dont le tableau datant de 1962 fait partie (fig. 6). Celuici illustre parfaitement le premier stade de cette méthode radicale qui consiste à froisser la toile avant de peindre les parties restées accessibles au pinceau. Les creux et les saillies colorés ainsi obtenus dressent une cartographie d’autant plus déroutante et poétique qu’elle n’indique aucune direction. Elle laisse l’œil du spectateur libre de parcourir la toile en tous sens, avant de se perdre dans les infinis méandres du relief tactile donné à la peinture.

En faisant du pliage sa méthode exclusive, Simon Hantaï parachève la construction de son espace pictural dans lequel l’imprévisibilité du geste et le hasard tiennent une place centrale. Se soumettre à leurs aléas respectifs implique une totale confiance dans son art. D’après lui, la meilleure manière d’y parvenir est de « se crever les yeux ». Ce défi lancé aux artistes désireux de marcher sur ses pas résonne dans la citation de saint Jean de la Croix qui est à l’origine du titre de l’exposition: « Pour venir à ce que tu ne sais pas, il te faut aller par où tu ne sais pas. » Une épreuve, en forme de voyage initiatique, vécue par toute une génération d’artistes qui, tout au long des années 1960 et 1970, va, à l’exemple d’Hantaï, interroger sans cesse les moyens matériels de la peinture. Parmi ces aventuriers de l’art contemporain, citons Michel Parmentier et Daniel Buren (deux des fondateurs du groupe BMPT), sans oublier certains artistes du mouvement Supports/Surfaces collectionné par la Fondation Gandur pour l’Art.

fig. 3 Simon Hantaï Peinture janvier 1957

Huile sur toile, 180.7 x 300,8 cm FGA-BA-HANTA-0008 © Fondation Gandur pour l’Art, Genève. Photographe : André Morin © Archives Simon Hantaï / Adagp, Paris, 2021

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