Objectif
MANTES Objectif MANTES • Photographies de 1888 à 1945
Depuis que la photographie existe, nombreux furent ceux, amateurs ou professionnels, qui ont photographié la ville de Mantes-la-Jolie, ses monuments, son dédale de ruelles, ses boulevards, ses scènes pittoresques. C’est à Hippolyte Bayard qu’on doit la première photographie de la collégiale en 1851. D’autres comme Atget, Durand, Lefèvre-Pontalis, Martin-Sabon ou Normand ont également immortalisé le patrimoine mantais. L’ouverture de la ligne de chemin de fer en 1843 a favorisé celle de la ville au tourisme et a attiré maints amateurs photographes, comme Émile Zola, Fernand Baldet, Stéphane Passet, des membres de la Société française d’archéologie et du Touring Club de France. Et même si son existence a duré à peine dix ans, de 1899 à 1908, la présence d’une Société mantaise de photographie à la Belle Époque montre tout l’intérêt que portait la population locale à ce médium. Ce catalogue est une invitation à découvrir cette histoire de la photographie à Mantes-la-Jolie, en puisant notamment dans les collections photographiques nationales conservées à la Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MPP), au service Patrimoines et Inventaire de la Région Île-de-France, au musée départemental Albert-Kahn ou encore au sein des associations locales du Mantois et du fonds familial privé de Claude Bertin. Marcel Bovis, La Buvette O. Brisset, Médiathèque du patrimoine et de la photographie
978-2-900314-42-5 - 20 €
Objectif
MANTES
Photographies de 1888 à 1945
Objectif Mantes Photographies de 1888 à 1945
En mémoire de Michel Sevin (1934-2022), maire de Mantes (2002-2004) et président des Amis du Mantois. Cet ouvrage est publié à l’occasion de l’exposition Objectif Mantes, photographies de 1888 à 1945, par Atget, Bertin, Zola…, présentée du 13 décembre 2023 au 18 mars 2024 au musée de l’Hôtel-Dieu – Maximilien Luce. Sous le patronage de Raphaël Cognet, maire de Mantes-la-Jolie, et de Jamila El Bellaj, adjointe à la culture, au patrimoine, à la transition écologique et au cadre de vie. Commissariat scientifique Jeanne Paquet, cheffe de service patrimoine et tourisme, responsable du musée de l’Hôtel-Dieu de Mantesla-Jolie. Fatima De Castro, chargée d’études documentaires au département de la photographie de la Médiathèque du patrimoine et de la photographie.
Remerciements En premier lieu, à la Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MPP), partenaire de l’exposition, et à toute son équipe : Gilles Désiré dit Gosset, directeur, Florence Ertaud, régisseuse des œuvres, Mathilde Falguière-Léonard, conservatrice du patrimoine, responsable du département de la photographie, Matthieu Rivallin, inspecteur-conseiller de la création artistique, adjoint à la responsable du département, Christophe Frontera, photographe, Ronan Guinée, chargé d’études documentaires.
Aux entreprises : Graphisme : Agelia / Scénographie : Catherine Potier / Encadrement et tirage : Pauline Dumay et Picto / Médiation : La Dame d’Atours, Trivision 3D / Catalogue : Benoît Eliot, Octopus / Assurances : Axa Art.
Aux institutions ayant contribué à la recherche : le service des archives municipales de Mantes-la-Jolie, la Société française de photographie, le musée français de la Photographie, le Stéréo-Club français. Aux prêteurs : le service Patrimoines et Inventaire de la Région Île-de-France, le musée départemental Albert-Kahn, l’Association des amis du Mantois, le Comité d’entente du monde combattant du Mantois et Claude Bertin. Au directeur général adjoint Enfance Famille Vivien Deniaux et à Damien Cordier, directeur de la culture et du patrimoine, ainsi qu’à toute l’équipe du musée : Jean-Paul Alves, Fatna Bouhal, Joaquim Da Costa, Habiba Dovas, Hacina Ghrousi, Charlotte Kolasinski, Galadrielle Lesage, Jessica Nebout-Alves, Blandine Valleix et Aline Warie.
Seules les légendes des photographies des collections de la Médiathèque du patrimoine et de la photographie précisent les formats des documents originaux ; Les dimensions des autres photographies étant inconnues.
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Hippolyte Bayard, Église Notre-Dame, 1851, négatif verre à l’albumine, 19,4 x 25,2 cm, reproduit dans Souvenirs photographiques, planche ix, de Louis Désiré Blanquart-Evrard, paru en 1853, archives municipales de Mantes-la-Jolie (15Fi7/2) Objectif Mantes 3
Dès ses débuts, la photographie a entretenu avec le chemin de fer, qui venait également d’apparaître, des liens privilégiés. Alors que le second mettait à la portée de tous des voyages à longue distance, la première permettait d’immortaliser en images les villes et pays traversés. Certes, le matériel du photographe était lourd et encombrant, mais à la fin du XIXe siècle, l’apparition des premiers appareils compacts et des négatifs gélatino-argentiques, plus aisés à utiliser, développèrent considérablement la production. Le monde des amateurs s’empara de la photographie de villégiature. La Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MPP) a été créée en 1996 par le regroupement de plusieurs services préexistants. Service à compétence nationale du ministère de la Culture, elle conserve et valorise les fonds documentaires constitués initialement par l’administration des Monuments historiques, ainsi que le patrimoine photographique appartenant à l’État. Aujourd’hui riche de vingt millions de phototypes, tous supports confondus, le département de la photographie conserve nombre de fonds anciens d’amateurs dont beaucoup rassemblent des images prises au cours de vacances ou de villégiatures touristiques. Avec ses quelque cinquante mille plaques de verre, celui du Touring-Club de France, association créée en 1890 pour le développement touristique, est le plus connu d’entre eux. La visite de Mantes-la-Jolie au tournant des XIXe et XX siècles n’a pas échappé à l’intérêt des promeneurs. Proche de Paris sur la ligne ferroviaire du Havre, Mantes a attiré non seulement des photographes amateurs, mais également des professionnels en quête de patrimoine ou de belles images qui servirent à illustrer la presse et la publicité touristique. L’exposition Objectif Mantes offre l’occasion à la MPP de présenter au public la richesse de ses fonds et la diversité des regards portés sur la ville. Après l’exposition monographique consacrée à l’architecte Alphonse Durand en 2022, la MPP se réjouit de participer à ce nouveau projet initié par la mairie de Mantes-la-Jolie, aux e
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côtés d’institutions aux fonds prestigieux tels que le musée départemental Albert-Kahn, le service Patrimoines et Inventaire de la région francilienne, et d’organisations qui œuvrent localement à la valorisation du patrimoine, comme l’association des amis du Mantois ou le Comité d’entente du monde combattant du Mantois. Puisse cette belle collaboration rencontrer la faveur du public des Yvelines et au-delà. Gilles Désiré dit Gosset Conservateur général du patrimoine Directeur de la Médiathèque du patrimoine et de la photographie
La ville de Mantes-la-Jolie, nichée en bordure de Seine, a dès le début du XIXe siècle attiré d’illustres peintres, tels William Turner, Camille Corot ou plus tard Maximilien Luce. À l’avènement de la photographie, ce sont les photographes qui débarquent avec leurs lourds appareils et leurs plaques de verre par la toute nouvelle ligne de chemin de fer, créée en 1843. La plus ancienne photographie de Mantes connue est celle d’Hippolyte Bayard, prise dans le cadre de la Mission héliographique, en 1851. Elle représente la collégiale Notre-Dame en plein chantier de restauration, sans sa tour nord, et marque le début d’une longue tradition de photographie monumentale et patrimoniale. Amateurs, professionnels et surtout l’administration des Monuments historiques relèvent sous toutes leurs coutures les principaux sites mantais : la collégiale NotreDame, l’église Sainte-Anne de Gassicourt, la tour Saint-Maclou et la fontaine Renaissance. Cette large production dévoile la diversité des points de vue, tantôt artistiques comme les vues très publicitaires de Noël Le Boyer, tantôt documentaires avec le travail de Félix Martin-Sabon ou de Patrice Molinard.
Cette immersion en noir et blanc dans le Mantes d’autrefois est rendue possible grâce au partenariat avec la Médiathèque du patrimoine et de la photographie, riche d’une collection de près de 1 400 photographies de Mantes-la-Jolie. La sélection de soixante-dix œuvres provenant de son fonds mais aussi d’autres collections publiques et privées invite à observer d’étonnantes techniques, telles que la stéréoscopie ou les débuts de la photographie couleur, et surtout à voir Mantes-la-Jolie d’un autre œil. Que la Médiathèque du patrimoine et de la photographie, tous les prêteurs et notamment Claude Bertin soient chaleureusement remerciés pour leur participation savante et enthousiaste. Raphaël Cognet Maire de Mantes-la-Jolie
Outre ses monuments bien connus, c’est toute la ville de Mantes qui se révèle photogénique dans cette exposition. Les photographies prises à partir des années 1880 montrent un Mantes pittoresque à travers ses scènes de marchés, ses ruelles, ses boulevards commerçants et la foule qui les peuple. Les photographes ont aussi immortalisé les lavandières et les promeneurs en bord de Seine et les enfants riant dans les squares. Si les touristes et les opérateurs parisiens se sont amplement emparés de ces sujets, les photographes mantais, mieux que personne, ont capté l’atmosphère de leur cité par des points de vue inédits ou des images plus rares. Ils sont en effet nombreux au début du XXe siècle et ils ont joué eux aussi leur rôle dans l’histoire de la photographie, notamment les membres de la Société mantaise de photographie, créée en 1899, et la dynastie des Bertin, dont cinq générations de photographes ont laissé un important corpus.
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Figure 1. Anonyme, Mantes, l’ancien Hôtel-Dieu, entre 1899 et 1908, carte postale, archives départementales des Yvelines.
La Société mantaise de photographie Une aventure locale de la photographie au début du XXe siècle Jeanne Paquet La Société mantaise de photographie (1899-1908) Dans l’histoire de l’Hôtel-Dieu et de ses transformations, un pan chronologique demeurait jusqu’à présent mystérieux. Entre sa toute première vocation hospitalière et celle muséale1, le bâtiment, aujourd’hui classé monument historique, a eu de multiples vies : café-théâtre, salle de bal… Il a même abrité en 1913 le premier cinéma de Mantes. Avant cela, la porte de la chapelle arborait l’inscription « Société mantaise de photographie » sur quelques cartes postales des années 1900 (fig. 1). Aucune trace, document d’archives ou œuvre photographique, n’est conservée dans les collections municipales pour matérialiser cette page d’histoire. La Société mantaise de photographie (SMP) a pourtant bel et bien existé, à l’heure où les sociétés amateurs photographiques fleurissent en France, où les revues et les appareils photographiques se démocratisent et se commercialisent plus largement. La population de Mantes au tournant du siècle ne dépasse pas encore les dix mille habitants, mais déjà, la vie culturelle est riche et un petit groupe hétéroclite constitué de figures érudites, politiques et même professionnelles se forme autour d’une passion commune pour le médium photographique. C’est le 16 mars 1899 qu’une trentaine d’amateurs se réunissent à l’hôtel du Grand Cerf pour décider la fondation d’une association de photographie devant accompagner l’intérêt croissant des habitants pour ce médium. L’initiative est lancée par une commission provisoire qui constitue par la suite le bureau. Ses fondateurs sont Édouard Huber2, qui devient président, Dreux, futur vice-président, Cagneaux, qui est le trésorier, Louis Doin, qui devient archiviste, et André Bertran, futur secrétaire, accompagnés d’Amédée Beaumont et d’Auguste Souty, qui sont membres du conseil. Le nom de l’association et ses statuts, inspirés de ceux d’autres clubs régionaux, sont votés par l’assemblée
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1. Au XIVe siècle, sous le règne de Charles V, l’Hôtel-Dieu de Mantes trouve place au plus près de la collégiale, à son emplacement actuel. Il se construit un vaste ensemble comprenant l’hôpital, des cours, des jardins et la chapelle Saint-Jean, édifiée entre 1646 et 1675. L’hospice perd de son importance lorsque le nouvel hôpital général est autorisé par Louis XIV en 1687. Après la saisie des biens de l’Hôtel-Dieu à la Révolution, l’institution décroît et le bâtiment est désaffecté le 5 mars 1854. Roselyne Bussière, Le Patrimoine de Mantesla-Jolie. Un passé en éternel devenir, Lyon, Lieux Dits, 2019, 160 p.
le 1er mai et la création est par la suite officiellement validée par la préfecture de Seine-et-Oise. C’est le 1er juin que la SMP prend possession des locaux de l’Hôtel-Dieu et qu’elle y tient sa première réunion3. Très enthousiaste et dynamique dès ses débuts, la SMP a l’ambition d’animer un espace de réflexion et d’échange sur la pratique photographique afin d’enrichir la connaissance technique de ses membres. Pour cela, elle organise des excursions, à pied ou à vélo, dans les environs de Mantes (Gisors, Louviers, Les Andelys, La Roche-Guyon, Vétheuil, Bizy et Le Havre) pour s’exercer en plein air, elle programme des conférences en soirée, pendant lesquelles les sociétaires mantais ou les présidents des photo-clubs voisins de Dreux et de Meulan projettent leurs clichés et commentent leurs voyages (fig. 2 et 3). Ces soirées sont souvent accompagnées par les orchestres mantais dirigés par Caffot et Lucien Agamemnon. Surtout, la SMP propose des expositions annuelles dans l’Hôtel-Dieu afin de faire découvrir le travail des photographes au public et de susciter de nouvelles adhésions. 2. Édouard Huber est déjà actif dans les sociétés photographiques régionales puisqu’il fait partie depuis 1892 de la Société d’excursions des amateurs de photographie. Son frère Marcel est aussi adhérent à la SMP dès sa création. 3. La chronologie de l’existence de la SMP a pu être retracée grâce à la presse locale contemporaine, notamment les numéros du Journal de Mantes du 19 mars 1899 au 9 janvier 1907 et ceux du Petit mantais entre le 19 mars 1899 et le 25 novembre 1906. 4. Il a été possible d’identifier la SMP grâce au portrait d’Édouard Huber reproduit dans les numéros de l’Annuaire général et international de la photographie. Il s’agit, sur la figure 3, du personnage debout le plus à droite, avec les mains croisées dans le dos. Aucun membre de la famille Bertin, en tant que professionnel, n’a par ailleurs été inscrit à la SMP : les relations devaient être simplement amicales.
Les expositions annuelles et régionales (1900-1906) Cinq expositions sont montées entre 1900 et 1906, et les deux dernières, en 1904 et 1906, sont régionales. Elles ont lieu tous les ans en fin d’année, entre décembre et les premiers jours de janvier. La première manifestation est lancée en grande pompe du 16 au 23 décembre 1900 et n’expose pas moins de 1 361 épreuves des membres de la SMP. L’exposition, gratuite, est un premier test couronné de succès pour l’association, qui décide de réitérer l’expérience avec un droit d’entrée. Le nombre d’exposants et d’épreuves présentées n’est pas toujours indiqué, mais il semble qu’ensuite, les organisateurs se sont montrés plus raisonnables dans le nombre de clichés accrochés. Le principe est toujours le même : les photographes exposants peuvent disposer plusieurs panneaux comportant plusieurs clichés de leur choix (faits dans l’année ou auparavant), montés comme bon leur semble. Certains font preuve d’une grande créativité en proposant des encadrements artistiques, tels des Maries-louises décorées à l’aquarelle, des cadres pyrogravés, des triptyques. Les comptes rendus du Journal de Mantes parus pendant chaque exposition s’attachent à décrire les travaux exposés par section et laissent entendre que les photographies étaient présentées comme telles : les agrandissements, les épreuves directes et la stéréoscopie, qui crée des files d’attente de curieux à chaque exposition. À partir de 1901, des appareils sont aussi exposés et, l’année
suivante, la SMP propose un panneau rassemblant l’ensemble des images prises en excursion par tous les sociétaires. Malheureusement, ni la municipalité ni la SMP n’ont acheté d’épreuves à ses membres et ont au contraire contribué à leur diffusion en clôturant les expositions par un tirage au sort. La quantité offerte aux visiteurs n’est pas négligeable : 325 épreuves sont à gagner en 1901. Sans collection conservée, il est donc difficile de connaître la qualité des œuvres exposées et les particularités des photographes de la SMP. Les commentaires très élogieux sur les expositions et les photographies faits par Sosthène et Amédée Beaumont, journalistes et fondateurs du Journal de Mantes, ne sont pas impartiaux étant donné leur appartenance à la SMP, mais ils éclairent sur la spécialité technique ou de genre de quelques photographes exposant régulièrement. Au fil des cinq expositions, on décèle ainsi la prédilection d’un certain Langlois pour le portrait et le portrait de groupe, de René Thomas pour la photographie animalière, le goût pour les marines et les scènes de canotage du docteur Godeau et Auguste Souty se démarque par ses scènes de genre, notamment celles intitulées La Laveuse et La Corvée. La stéréoscopie est également le fruit des mêmes photographes : Édouard Huber, Cagneaux, Bance et Félix Métais. La redondance de certains sujets (les mêmes destinations de voyage en Suisse, en Italie) chez plusieurs photographes est aussi due à leur pratique commune au fil des excursions et des sujets « d’exercice » qu’ils pratiquent ensemble. Plusieurs clichés de sous-bois exposés en 1901 indiquent ainsi une expérience menée par la SMP pendant ses sorties. Aucun photographe ne sort réellement du lot dans les descriptions, sans doute à cause de l’esprit de non-compétition et de fraternité voulue par la SMP, qui ne souhaite pas mettre en concours les amateurs mais plutôt les stimuler en les poussant à montrer leurs travaux. La vocation de ces amateurs ne dépasse pas non plus les frontières de Mantes et des sociétés partenaires de Dreux et de Meulan : on ne retrouve guère leurs noms dans les bulletins des expositions parisiennes ou des sociétés nationales.
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Figures 2 et 3. Attribuées à Félix Bertin, La Société mantaise de photographie en excursion, vers 1905, tirage papier de plaques de verre au gélatino-bromure, collection Claude Bertin4.
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Les frères Beaumont et André Bertran, entre amateurs et professionnels Quelques noms ont toutefois perduré dans l’histoire mantaise. En menant une étude cartophilique sur les fonds relatifs à Mantes-la-Jolie, quelques studios photographiques ou éditeurs émergent. Statistiquement, la moitié du corpus étudié provient de studios parisiens plus ou moins connus, comme celui, célèbre, des frères Neurdein (qui éditent les cartes sous le nom de ND Phot), ou celui de la Carte postale artistique (CPA), spécialisée dans les belles collections régionales, qui fait appel à Cottereau, photographe mantais qui lui fournit des images très pittoresques des rues de sa ville et des panoramas depuis les coteaux voisins. Parmi les photographes implantés à Mantes, deux membres de la SMP ont développé une production importante de cartes postales : les frères Beaumont, qui les vendent sous leur nom et non celui de leur journal, et André Bertran. Les frères Beaumont, Aristide, Amédée et Sosthène, sont tous les trois membres du conseil de la SMP et ont un studio au 29 rue Nationale qui semble fonctionner entre 1902 et 19145. Ils ont couvert Mantes sous tous ses aspects, en capturant bien sûr ses monuments, mais aussi ses ponts et les squares de l’île aux Dames et Brieussel-Bourgeois. Ils ont particulièrement photographié les bords de Seine et se sont spécialisés dans la photographie aérienne. On compte beaucoup de panoramas pris depuis les tours de la collégiale Notre-Dame ou la tour SaintMaclou et une impressionnante vue de la ville prise en ballon en 1906. La SMP compte alors parmi ses membres Paul Lebaudy (1858-1937), député de l’arrondissement de Mantes6, industriel et pionnier de l’aérostation, qui construit des dirigeables à partir de 1902 avec son frère Pierre. En 1905, lors du banquet de clôture de la première exposition régionale de la SMP, il propose de mettre à la disposition de tous les photographes son ballon et son yacht7. André Bertran joue lui aussi un rôle important dans la SMP puisqu’il en est le secrétaire. Comme les frères Beaumont, il laisse d’ailleurs un souvenir de l’Hôtel-Dieu au temps où il était le siège de la société. Ses envois au salon comme ses cartes postales montrent que Mantes est bien son sujet préféré. Plus que les frères Beaumont, il a photographié une grande diversité de rues et de bâtiments publics de moindre intérêt touristique comme la gare. Ses images sont aussi, chose plus rare, davantage peuplées. Il semble avoir fait poser avec plaisir les nourrices et les mères accompagnant les bambins dans le square Brieussel, les lavandières en bord de Seine, les marchés bondés, les écoliers dans les cours de récréation. Ses photographies
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Figure 4. André Bertran, Place de la République, le marché, entre 1902 et 1914, carte postale, collection de l’Association des amis du mantois.
de rue comportent presque toujours un personnage (enfant jouant, commerçant devant sa boutique) qui humanise ses images. Il laisse ainsi de précieux témoignages de la vie de l’époque, entre 1900 et 1916, notamment lorsqu’il documente dans sa totalité le musée Duhamel en prenant des vues de tous les salons ou lorsqu’il réalise un reportage de la grande crue de la Seine de 1910. Si le choix des clichés pris est forcément empreint d’une ambition commerciale, le regard porté par Bertran sur sa ville est tout de même original et sans cesse renouvelé. On trouve même une pointe d’humour sur certaines images et un joli clin d’œil à son activité dans cette carte postale de la place de la République où l’on reconnaît la devanture de son commerce à l’arrière-plan, « A. Bertran, produits photographiques » (fig. 4).
5. La chronologie du studio est ici retracée par l’étude des timbres postaux et des dates manuscrites sur les cartes. Elle est donc approximative. 6. La famille Lebaudy a fait fortune dans l’industrie du sucre. Le frère de Paul, Pierre Lebaudy (1865-1929), partage la même passion pour la photographie puisqu’il est membre du Photo-Club de Paris depuis 1894. 7. « La société de photographie », Journal de Mantes, 18 janvier 1905. 8. Union nationale des sociétés photographiques de France, Compte rendu de la Société photographique de Touraine de la session de Tours du 6 au 11 juin, Gauthiers-Villars, 1908. 9. Société française de photographie, Bulletin de la Société française de photographie, Paris, 1903, 1904, 1908.
10. Annuaire général et international de la photographie, Plon Nourrit, 1903-1908. 11. La SMP compte par ailleurs quatre femmes parmi ses membres : Yvonne Pigeon, Germaine Lainé, Mlle Chaplain, dont le père est aussi adhérent, et Mlle Doin, parente de Louis Doin. 12. La Société d’excursions des amateurs de photographie est fondée en 1887. Elle organise des excursions régulières en train ou en voiture pour chercher des points de vue en région. Chaque excursion donne ensuite lieu à un concours médaillant les amateurs lors de projections et d’expositions. Lors de la séance du 20 janvier 1900, la société fait un appel auprès de ses membres pour donner des informations sur la région comprise entre Mantes et
L’aventure s’achève L’année 1906 marque la dernière exposition et la presse locale ne donne plus de comptes rendus des autres activités de la SMP à partir de 1907. Il semble que la société soit toujours active en 1908 puisqu’elle fait encore partie de l’Union nationale des sociétés photographiques de France8 et de la Société française de photographie9, et qu’elle apparaît dans l’Annuaire général et international de la photographie10. Les raisons de la cessation de son activité restent inconnues, mais le nombre de sociétaires semble avoir pesé dès le début dans la longévité de la SMP. Le nombre de membres actifs fluctue autour de 61 et 65 inscrits, avec des départs et des nouvelles recrues jusqu’en 1905, mais chute par la suite11. En 1908, il ne reste que 51 adhérents. Étaitce suffisant pour le fonctionnement et l’équilibre financier de l’association ? Il est certain que cela impactait la dynamique de la société et le renouvellement de ses idées et actions puisque, dès la troisième exposition annuelle, en 1902, le manque de nouveaux exposants est critiqué : ce sont toujours les mêmes sociétaires qui exposent leurs travaux alors que la société compte soixantedix membres. À partir de cette date, la SMP accepte les envois des photographes meulanais et finit par s’entendre en 1904 avec le Photo-meulanais, le Photo-drouais et la société de Pacy-
sur-Eure pour organiser une exposition régionale dont le lieu alternerait chaque année. Bien que la SMP représente la moitié des exposants à cette première exposition régionale, la critique du décroît des membres persiste en 1906. La SMP a toutefois réussi ses missions premières de formation, d’émulation et de diffusion de la photographie auprès des amateurs et du public à Mantes, même si son rêve de créer un laboratoire à l’HôtelDieu n’a pas eu le temps d’aboutir. Bien que brève, l’existence de la SMP a toutefois permis de développer une imagerie locale et de faire connaître la ville auprès des sociétés extérieures. En tant que membre de la Société d’excursions des amateurs de photographie, Huber a sans doute contribué à faire venir ses homologues parisiens à Mantes pour la première fois en 190112. L’histoire de la photographie à Mantes se poursuit aussi avec les photographes touristes ou professionnels visitant la ville, notamment ceux du Touring Club français qu’accueille un des photographes locaux ayant pignon sur rue, R. Girard13. Celui-ci photographie et édite inlassablement Mantes et ses monuments en cartes postales et nous laisse un joli souvenir de ses téméraires confrères bravant la neige et la glace en 1893 (fig. 5).
Septeuil pour une future excursion. Huber, membre de 1892 à 1923 de la société, a pu renseigner son club, qui organise la première sortie à Mantes le 13 février 1901. L’expérience est renouvelée en 1902, 1913, 1924, 1927, 1928, 1930 et 1933. 13. R. Girard est un photographe mantais ayant un studio au 22 rue de Metz, entre 1894 et 1913, mais est au moins actif jusqu’en 1924. Il est référencé dans l’Annuaire du commerce et de l’industrie photographique et les bulletins du Touring Club français, qui indique à ses membres les adresses de photographes pouvant vendre du matériel ou éditer leurs images. Son corpus mantais est connu grâce aux cartes postales qu’il a éditées et qui sont conservées aux archives municipales de Mantes-la-Jolie et aux archives départementales des Yvelines.
Figure 5. R. Girard, Souvenir d’hiver, la Seine à Mantes, 1895, carte postale, collection de l’Association des amis du mantois.
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Mantes-la-Jolie et le tourisme : 1850-1945 La construction d’une image urbaine Fatima De Castro
La ligne Paris-Le Havre, outil de désenclavement local L’explosion des villégiatures à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, qu’elles fussent excursionnistes (moins de vingtquatre heures) ou touristiques (plus de vingt-quatre heures), n’est pas sans lien avec le développement technique des moyens de transport, qu’ils fussent de masse ou individuels au fur et à mesure que pointait le XXe siècle. Auparavant, voyager requérait une patience infinie : de longues heures en diligence ou en bateau étaient nécessaires au curieux – ou au curiste – pour atteindre la côte normande et ses stations balnéaires. L’accès à la banlieue éloignée de Paris exigeait tout autant d’abnégation. Ces conditions supposaient donc du temps et des moyens financiers suffisants, ce qui était loin de répondre à la réalité quotidienne de la majorité de la population. À partir de 1843, l’ouverture de la liaison ferroviaire Paris-Le Havre mit la capitale à cinq heures de la côte, transformant la physionomie du tourisme local. En ce milieu de XIXe siècle, la Normandie était la province la plus visitée, non pas que le train eût transformé les habitudes, mais il apporta cette facilité qui manquait aux déplacements, développant ainsi des lieux déjà courus. La mode des bains de mer normands aurait été lancée en 1824 par la duchesse du Berry, qui se plongeait dans la Manche à Dieppe pour guérir un mal indéterminé, lançant ainsi un mouvement proto-touristique dans la région1. La seconde moitié du siècle vit se multiplier les lieux à la mode où la société mondaine devait se montrer, généralement aux beaux jours : Le Tréport, Le Havre, Trouville, Cabourg, Granville, le Mont-Saint-Michel.
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Première cause de déplacement « de masse », le train fut suivi par deux autres modes de transport qui ouvrirent de nouvelles possibilités. Dans sa matérialité, en effet, le chemin de fer se cantonne au circuit dessiné par le rail. Le voyageur qui voulait voir autre chose que la halte ferroviaire devait s’inquiéter d’un transport local pour poursuivre sa route. Ces considérations matérielles le rendaient par conséquent dépendant d’une condition étrangère à sa volonté. Au pire pouvait-il parcourir à pied la distance le séparant de son but, moyen tout aussi efficace d’appréhender l’espace et de découvrir un lieu, à condition de ne pas être trop encombré de bagages. L’amélioration de la bicyclette à pédales à partir de 1860 puis de l’automobile à la fin du siècle fit entrer le tourisme dans l’ère de l’individualisme et de la liberté de mouvement. En 1901, quatre-vingt-quatorze automobiles étaient recensées dans le département de la Seine, la plupart enregistrées dans l’Ouest parisien2. Ces nouveaux moyens de déplacement ouvrirent la voie à une nouvelle appropriation du territoire3. Le but final pouvait être ponctué de petits arrêts permettant de visiter « ce qu’il y a à voir ». Un tourisme d’opportunité vit le jour, mettant en avant les villes secondaires présentes sur le trajet initial. Le désir de s’aérer de l’univers purement urbain de la capitale poussa de plus en plus de Parisiens vers les grandes banlieues éloignées, en quête de nature et de dépaysement, et plus particulièrement celles du Sud et de l’Ouest parisien4.
1. Michel Bonneau, « Tourisme et villégiature balnéaire en France et en Belgique vers 1850 », Hommes et terres
De la classe aisée aux masses populaires : l’élargissement du regard touristique « Il nous faut plus d’air et plus de liberté. Nous avons, à seize lieues de Paris, une contrée inconnue encore aux Parisiens, et nous y avons établi notre petite colonie. Notre désert est traversé par la Seine ; nous y vivons en canot ; nous avons pour retraites des îles désertes, noires d’ombrages5 », écrivait Émile Zola à Paul Cézanne en 1866. Ce passage illustre l’intérêt porté à la grande banlieue par les Parisiens à partir de la seconde moitié du XIXe siècle. L’écrivain fit de fréquentes villégiatures à Bennecourt entre 1866 et 1871, village que l’on atteignait par la nationale à partir de l’arrêt Mantes-la-Jolie du Paris-Le Havre.
du Nord, no 2, 1977, p. 13-22. 2. Éric Levet-Labry et Pierre-Olaf Schut, « La route des loisirs à l’est de Paris : itinéraires et destinations touristiques au tournant du XXe siècle », Cahiers de géographie du Québec, vol. 57, no 162, décembre 2013, p. 407-423. 3. Émile Flament, « Quelques remarques sur l’espace touristique », Norois, no 88, octobre-décembre 1975, p. 609-621. 4. Ibid., p. 412. 5. Rodolphe Walter, « Zola et ses amis à Bennecourt (1866) », Les Cahiers naturalistes, janvier 1961, p. 24.
6. Isabelle Rabault-Mazières, « Villégiature et formation des banlieues résidentielles : Paris au XIXe siècle », Histoire urbaine, no 41, mars 2014, p. 63-82. 7. Revue du Touring-Club de France, 1er janvier 1927. 8. Le Peuple, 10 septembre 1931. 9. E. Levet-Labry et P.O. Schut, « La route des loisirs à l’est de Paris… », op. cit., p. 418-420. 10. Goulven Guilcher, « Naissance et développement du guide de voyage imprimé : du guide unique à la série, une stratégie de conquête des lecteurs ? », dans Les Guides imprimés du XVIe au XXe siècle : villes, paysages, voyages, actes du colloque, université Paris VII-Diderot, 3 au 5 décembre 1998, p. 81-85. 11. Maurice Agulhon, « Le choix des « choses à voir » », ibid., p. 577-585.
Tout comme Zola, l’intérêt de l’excursionniste se portait vers ces lieux facilement accessibles et porteurs d’un imaginaire d’évasion. Quelles formes prirent ces échappées belles ? Comme nous l’avons vu, le premier groupe de voyageurs appartenait à une classe aisée et oisive, qui ne comptait ni son temps ni son argent. À la fin du XIXe siècle, une classe moyenne active, représentée par les notables, la bourgeoisie commerçante et des représentants du monde intellectuel et artistique, formait un groupe qui bougeait et commença à s’installer dans cet ailleurs6. La classe populaire ne dérogea pas à cette mode. L’avènement des congés payés en 1936 et l’assouplissement des conditions de travail permirent à cette tranche de la population de prendre à son tour la route, privilégiant les sorties dominicales en bord de Seine. Les promotions tarifaires mises en place par les chemins de fer favorisèrent le déplacement de cette catégorie moins aisée. L’information passait par des encarts journalistiques invitant à profiter de l’aubaine, comme cet exemple paru dans Paris-Soir du 14 juin 1934 : « Grands réseaux des chemins de fer français : pour vos excursions du dimanche – Vous pouvez faire de charmantes et peu coûteuses excursions grâce aux trains spéciaux à prix réduits mis en marche les dimanches pendant le mois de juin au départ de Paris pour les destinations suivantes. » S’ensuit une liste de lieux accessibles, dont « Mantes et excursion dans la région mantaise ». Ces informations se retrouvent dans plusieurs titres de la fin du XIXe siècle. Ainsi Le Figaro du 12 décembre 1882, dont l’article « Basse Seine » commence par : « Faisons maintenant une excursion en basse Seine jusqu’à Mantes. Excursion rapide, facilitée par la ligne de Rouen. » Le même principe se décline tout au long de la première moitié du XXe siècle sous diverses formes : excursion photographique à Mantes proposée par le Touring-Club de France à ses membres en 1927 7 ; excursion populaire en autocar, proposée en 1931 par le Comité local des loisirs de la région parisienne8. Ces deux dernières annonces témoignent d’un élan associatif typique de la fin du XIXe et de la première moitié du XXe siècle, très friandes de curiosités touristiques : la société excursionniste. À mi-chemin entre la société savante et le club de randonnée, ce type d’association rassemblait des membres amateurs et professionnels cultivés qui organisaient régulièrement des visites à la journée de sites ou de lieux historiques et naturels remarquables. Rendez-vous était donné dans une gare pour un départ matinal. La journée s’écoulait en visites commentées qu’entrecoupait un déjeuner, avant le retour du soir. Les bulletins propres à chaque société excursionniste rendaient ensuite compte de la sortie.
Au niveau national, de grandes associations à ramifications territoriales se mirent également en place avec pour but avéré le développement touristique, l’une des plus connues étant le Touring-Club de France (TCF). Créé en 1891, celui-ci s’attacha d’abord au tourisme à vélo avant d’étendre ses préconisations au train et à l’automobile. Le TCF peaufina sa stratégie jusqu’à éditer cartes, circuits, guides pratiques à destination de ses membres9. Sur le terrain, plusieurs comités thématiques s’évertuèrent à améliorer l’attrait touristique régional par l’ouverture ou la réhabilitation de routes. La valorisation de l’acte touristique passait par la publication de revues et l’organisation de conférences-projections, toutes deux illustrées par les clichés des voyageurs. Les structures étaient en place. Le tourisme de masse pouvait prendre son essor, déjà engagé côté britannique par l’agence de Thomas Cook.
L’élaboration iconique de l’image touristique : entre stéréotype et regard subjectif Que s’attendait à trouver le voyageur qui s’arrêtait à Mantes aux premiers temps de cette ère des loisirs ? Trois composantes forgent, à différents degrés, l’image d’un lieu : l’habitant local, la publicité touristique, le regard du visiteur. Avant le milieu du XIXe siècle, l’écho était rendu par le voyageur lui-même, à travers la publication d’un récit de voyage, de dessins, d’aquarelles. Quelques ancêtres du guide touristique existaient, préconisant routes à suivre, villes à voir, décrivant les « pays » et leurs coutumes. De 1708 à 1850, des « livres de postes » recensaient les relais de postes en France. Des Descriptions étaient proposées au voyageur, qui pouvait les glisser dans sa poche et en faire usage pendant son périple. Au milieu du XIXe siècle, les nouveaux modes de voyage entraînèrent l’apparition des guides tels que nous les connaissons10. Si le voyageur-explorateur antérieur au XIXe siècle pouvait, par ses écrits, brosser une image personnelle du lieu traversé, le guide uniformise ce qui doit être vu, répondant en cela à une curiosité globale et au temps imparti par la durée supposée du déplacement. Il préconise ce qu’il faut avoir vu, ce qu’il faut avoir fait, façonnant ainsi le portrait d’une ville. L’intérêt porté au patrimoine architectural et historique ainsi qu’au régionalisme au cours du XIXe siècle, qui donna naissance à la Commission des monuments historiques, se retrouve en effet dans l’analyse des lieux proposés par les guides, mais aussi par les édiles locaux cherchant à attirer le touriste. En cette fin du XIXe-début du XXe siècle, un site naturel n’était mentionné que s’il était représentatif du lieu ou réputé pour son intérêt11.
Objectif Mantes 13
Un autre vecteur d’image stéréotypée prit forme avec la carte postale touristique, qui connut un gros succès au début du XXe siècle, et son pendant, l’album relié, rassemblant un certain nombre de photographies souvent qualifiées de « vues pittoresques et artistiques ». Issus de clichés vendus sur site aux visiteurs, ils permettaient à ces derniers de témoigner de leur passage en adressant un salut à un proche, ou de conserver un souvenir du lieu à une époque où la photographie ne courait pas les rues. Cartes postales et albums se firent non seulement le miroir de l’imaginaire collectif sur un lieu donné, mais les premières transmirent cette image à de potentiels futurs visiteurs12. Le regard du voyageur en devenir était également nourri d’illustrations vues dans la presse dédiée, les dépliants touristiques, les affiches commandées par les différentes sociétés de chemin de fer ou les clichés servant à orner les wagons des trains. Pour Mantes, Noël Le Boyer ne se priva pas de fournir des clichés montrant la collégiale. Entre conscient et inconscient, l’afflux de ces images entretenait le stéréotype social de la chose à voir, tandis que l’attrait subjectif que peut ressentir le voyageur devenait secondaire et personnel. Cet aspect ne pouvait se retrouver que dans le rendu intime du visiteur, relégué au niveau du journal, du récit ou de la correspondance. Le plaisir du dessin, de l’aquarelle facilement transportable peut également donner à voir les aspects plus accessoires d’un lieu qui ont éveillé un intérêt parce que répondant à une préoccupation ou à un goût plus intime. L’avènement de la photographie, ou plutôt sa mise à disposition du plus grand nombre à partir du moment où la technique ne s’immisçait plus entre le sujet et l’opérateur, a permis à chacun de conserver l’image souvenir représentative à titre individuel du lieu visité. Nous l’avons vu, les sociétés excursionnistes utilisèrent ce médium dès la fin du XIXe siècle pour documenter leurs voyages, certaines organisant même des excursions à but uniquement photographique, comme la Société d’excursions des amateurs de photographie (1887). En effet, avec l’apparition de la plaque de verre gélatino-argentique sèche prête à l’emploi en 1880, et, plus encore, avec l’invention des appareils photographiques de poche et du film souple13, l’amateur-voyageur pouvait emporter avec lui le matériel nécessaire pour impressionner la pellicule avec les images qui le marquaient. Ces clichés témoignent d’un regard personnel, même lorsqu’il s’agissait de photographier un lieu commun : le visiteur se démarquait de son voisin par le choix du motif, son cadrage, sa mise en perspective. Ce qui est pris autant que ce qui ne l’est pas définit l’appropriation individuelle d’un lieu14. Ce choix permet à celui qui photographie non seulement de
14 Objectif Mantes
montrer le cadre mais également, par effet de réciprocité, de montrer qu’il s’y trouve. Par son regard, sans apparaître sur le cliché, le photographe se matérialise dans l’espace visité et la prise de vue restitue autant le lieu que la présence de l’opérateur.
La perception visuelle de Mantes-la-Jolie Située sur la ligne Paris-Le Havre autant que sur les routes nationales y conduisant, Mantes-la-Jolie n’échappa pas à l’attraction touristique « fin de siècle » ni aux déclinaisons promotionnelles qui en découlèrent. La ligne était courue et la Seine-et-Oise attractive, comme en témoigne ce passage d’un récit de voyage datant de 1861 : « Je suis d’autant plus porté à vous conduire dans ces beaux lieux, qu’aujourd’hui les chemins de fer rendent ces pérégrinations beaucoup plus aisées qu’autrefois […] à commencer par le département de Seine-etOise. […] Mais, je vous en prie, ne choisissons pas pour cela un dimanche, car ce jour-là, campagne et voiture, sont inondées d’une foule incommode15. » Les fameux guides touristiques de la seconde moitié du XIXe siècle abordent Mantes comme un site d’étape vers la Normandie ou d’excursion francilienne. Au développé historique de la ville depuis sa création fait suite le descriptif des choses à y voir, œuvrant ainsi dès les prémices à formater l’identité touristique mantaise. En 1855, Eugène Chapus publia un guideitinéraire ferroviaire vers Le Havre dans lequel onze pages détaillent la septième station : Mantes16. Nous y apprenons que la gare possédait un buffet, que la ville comptait 4 374 âmes et que des voitures assuraient la liaison vers Houdan, La Roche-Guyon, Magny et Septeuil. L’auteur détaille le patrimoine remarquable à ne pas manquer : l’incontournable collégiale Notre-Dame, emblème iconique de la ville, et la tour Saint-Maclou. En 1871, un guide des pèlerinages franciliens accessibles en train accorde cinq pages à Mantes, toutes dédiées à la collégiale17 : « De quelque côté qu’on regarde la ville, un monument attire les regards, c’est l’église Notre-Dame18. » Ce duo patrimonial compose la grosse part des photographies souvenirs, promotionnelles ou documentaires, la collégiale l’emportant toutefois quelle que soit la finalité du cliché. Dans les écrits, elle est la première citée. Elle identifie Mantes dans les revues touristiques, au point de penser que tout tourne autour de cet édifice prestigieux. De l’amateur photographe du dimanche au professionnel de l’architecture ou du tourisme, chacun y va de son cliché de la collégiale en gros plan, en panoramique, en détails architectoniques. Incontournable elle est dans
le paysage ; incontournable elle reste dans la transcription photographique de la ville. Mais le voyageur ne se plie pas toujours au seul « cliché » touristique mantais véhiculé par l’imagerie collective. Un œil jeté sur les cartes postales du début du XXe siècle montre une richesse visuelle tout autre. Mantes – Mantes-sur-Seine ou Mantes-la-Jolie – se décline aussi dans ses avenues, ses places, ses fontaines, élargissant ainsi la vision. Cette recherche d’une autre image mantaise se retrouve dans les clichés d’Eugène Atget, Marcel Bovis ou encore Marcel Épron. De son côté, Émile Zola alla plus loin, toujours prompt à regarder l’humain dans son cadre de vie. Nous lui devons quelques vues dites pittoresques, selon les critères de l’époque, quasi ethnologiques, avec la vie de marché, l’animation de rues commerçantes. Jules Tillet élargit encore le champ en prenant une sortie de messe à l’église SainteAnne de Gassicourt, en banlieue mantaise. D’autres plus audacieux portèrent leurs regards haut et adoptèrent le point de vue aérien qui embrasse toute la ville depuis les sommets de la collégiale ou de Saint-Maclou, comme Patrice Molinard, Jean Jablonski ou Fernand Baldet ; prise de vue plongeante qui trouva sa consécration dans l’aéronautique lorsque, après la Seconde Guerre mondiale, Roger Henrard survola les lieux, montrant Mantes et ses environs ancrés dans la phase d’urbanisation et d’industrialisation de l’après-guerre. Le point de vue change, mais la collégiale reste dans l’objectif, phare incontournable de l’identité mantaise.
12. Marie-Ève Bouillon, « Le marché de l’image touristique : le cas du Mont-Saint-Michel à la fin du XIXe siècle », Études photographiques, nº 30, 2012, p. 1-12. 13. La République des amateurs : les amateurs photographes autour de 1900 dans les collections de la Société française de photographie, catalogue de l’exposition, Paris, Jeu de Paume, 2011. 14. Olivier Loiseaux et Gilles Fumey, Les Premiers Voyageurs photographes : 1850-1914, Grenoble, Glénat, Paris, BnF éditions, 2018, p. 8-11. 15. Joséphine-Marie de Gaulle, Excursions dans le département de Seine-et-Oise, Paris, P. Lethielleux, Tournai, H. Casterman, 1861. 16. Eugène Chapus, De Paris au Havre, Paris, Librairie Hachette & Cie, 1855 (Guides-itinéraires), p. 30-40. 17. Abbé F. R. Salmon, Les Pèlerinages des environs de Paris, Paris, Victor Palmé, 1871 (Le tour du monde religieux), p. 243-247. 18. Onésime Reclus, Sites et monuments autour de Paris (Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Oise), Paris, Touring-Club de France, 1900-1906, p. 31.
Objectif Mantes 15
Destination Mantes
Studio Bertin, La Gare de Mantes embranchement, avant 1909, tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection de l’Association des amis du Mantois
16 Destination Mantes
Émile Zola, Zola et son fils Jacques au pied d’un panneau du Touring-Club de France, 1894-1902, tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 6,5 × 9 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (01K001907).
Destination Mantes 17
Georges-Louis Arlaud, La Collégiale Notre-Dame vue depuis la Seine, [vers 1925], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur support souple, 18 × 24 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (HF000426B).
18 Destination Mantes
Sam Lévin, Le Réalisateur ChristianJaque en bordure de la départementale 61, [non daté], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur support souple, 6 × 6 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (76L002897).
Destination Mantes 19
Louis-Albert Auguste-Dormeuil, Vue panoramique de la rive gauche de la Seine, [avant 1933], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 15 × 40 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (48L001072).
20 Destination Mantes
Touring-Club de France, Péniches sur la Seine, [début du XXe siècle], tirage moderne d’après un positif gélatino-argentique noir et blanc pour projection sur plaque de verre, 8,5 × 10 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (TCF10403).
Destination Mantes 21
Anonyme, Le Déjeuner en bateau, [non daté], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection CREDOP, Région Île-de-France
22 Destination Mantes
Anonyme, Les Bords de Seine, [non daté], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection CREDOP, Région Île-de-France
Anonyme, Les Bords de Seine, [non daté], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection CREDOP, Région Île-de-France
Destination Mantes 23
Studio Bertin, Les Lavandières, [non daté], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection Claude Bertin
24 Destination Mantes
Anonyme, Promenade en bord de Seine [non daté], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection CREDOP, Région Île-de-France
Studio Bertin, Les Lavandières au pont Corot, [non daté], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection de l’Association des amis du Mantois
Destination Mantes 25
Georges Chevalier, France, Mantes, les bords de Seine, 3 juillet 1920, tirage moderne d’après un positif autochrome sur plaque de verre, musée départemental Albert-Kahn, département des Hauts-de-Seine (A22472).
26 Destination Mantes
Noël Le Boyer, Chevet de la collégiale depuis la Seine, [non daté], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 13 × 18 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (43LE06066)
Destination Mantes 27
Autrefois à Mantes
Aubin Taluffe, Autoportrait à la pipe, après 1870, tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection Claude Bertin
28 Autrefois à Mantes
Aubin Taluffe, Portrait de Marthe Taluffe et Félix Bertin, 1906, tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection Claude Bertin
Studio Taluffe-Bertin, Portrait de Marthe Taluffe-Bertin, après 1903, tirage moderne d’après un positif autochrome sur plaque de verre, collection Claude Bertin
Studio Taluffe, Portrait de Félix Bertin, 1906, tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection Claude Bertin
Autrefois à Mantes 29
Félix Bertin, Aubin Taluffe, Marthe Taluffe-Bertin et Jean-Félix Bertin, vers 1908, tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection Claude Bertin
30 Autrefois à Mantes
Stéphane Passet, Île-de-France, Mantes, vieilles maisons, rue de la Mercerie, 28 mars 1930, tirage moderne d’après un positif autochrome sur plaque de verre, musée départemental Albert-Kahn, département des Hauts-de-Seine (A62801)
Autrefois à Mantes 31
Stéphane Passet, Île-de-France, Mantes, vieilles maisons, 28 mars 1930, tirage moderne d’après un positif autochrome sur plaque de verre, musée départemental Albert-Kahn, département des Hauts-de-Seine (A62797)
Stéphane Passet, Île-de-France, Mantes, vieilles maisons, place du Marché-au-Blé, 28 mars 1930, tirage moderne d’après un positif autochrome sur plaque de verre, musée départemental Albert-Kahn, département des Hauts-de-Seine (A62798)
32 Autrefois à Mantes
Lucien Cœur, Mantes, notre maison, 1926, gélatino-bromure d’argent sur plaque de verre, 8,5 × 10 cm, musée français de la Photographie, conseil départemental de l’Essonne (89.6985.1447)
Autrefois à Mantes 33
Studio Bertin, La Charrette à l’âne, [non daté], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection Claude Bertin
34 Autrefois à Mantes
Émile Zola, Place du Marché, 1894-1902, tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 6,5 × 9 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (01K000962)
Autrefois à Mantes 35
Émile Zola, Place du Marché, 1894-1902, tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 6,5 × 9 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (01K000963)
36 Autrefois à Mantes
Émile Zola, Montage des stands place du Marché, 1894-1902, tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 6,5 × 9 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (01K001253)
Autrefois à Mantes 37
Émile Zola, La rue Nationale un jour de marché, 1894-1902, tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 6,5 × 9 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (01K001252)
38 Autrefois à Mantes
Émile Zola, Perspective sur une rue commerçante, 1894-1902, tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 6,5 × 9 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (01K001260)
Autrefois à Mantes 39
Eugène Atget, Rue mantaise, 1907, tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 18 × 24 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MH0088254)
40 Autrefois à Mantes
Stéphane Passet, Île-de-France, Mantes, vieilles maisons, rue de la Boulangerie, 28 mars 1930, tirage moderne d’après un positif autochrome sur plaque de verre, musée départemental Albert-Kahn, département des Hauts-de-Seine (A62799)
Marcel Bovis, Jeunes enfants devant une maison, [non daté], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur pellicule, 6 × 6 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (73L00929)
Autrefois à Mantes 41
42 Autrefois à Mantes
Marcel Bovis, La Buvette O. Brisset, [non daté], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur pellicule, 6 × 6 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (73L00928)
Eugène Atget, La Porte de l’auditoire, 1907, tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 18 × 24 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MH0088253)
Docteur Legras, Fontaine devant le palais de justice, [avant 1924], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 9 × 12 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MH0075735)
Autrefois à Mantes 43
Marcel Épron, La porte aux Prêtres, dite aussi porte sous le Château, avril 1933, tirage moderne d’après un positif gélatino-argentique noir et blanc stéréoscopique sur plaque de verre viré sépia, 6 × 13 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (32K000168)
Touring-Club de France, M. David, Ruelle à Mantes-la-Jolie (les Tanneries), [début du XXe siècle], tirage moderne d’après un positif gélatino-argentique noir et blanc pour projection sur plaque de verre, 8,5 × 10 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (TCF10406)
44 Autrefois à Mantes
Fernand Baldet, Autour de la fontaine de l’hôtel de ville, décembre 1937, tirage moderne d’après un positif couleur gélatino-argentique sur pellicule Agfacolor, 24 × 36 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (03K002250_01)
Alfred-Nicolas Normand, Fontaine de l’hôtel de ville, 1888, tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur pellicule, 18 × 24 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (NRM01485)
Autrefois à Mantes 45
Patrice Molinard, La porte aux Prêtres, dite aussi porte sous le Château, [avant 1948], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 13 × 18 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MH0185057)
46 Autrefois à Mantes
Félix Martin-Sabon, Vieux pont de Limay, [avant 1933], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 21 × 27 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MH0058235)
Jean-Eugène Durand, La Seine au vieux pont de Limay, avril 1891, tirage original noir et blanc sur papier mat, 29 × 39 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MMF038022)
Autrefois à Mantes 47
Gabriel Ruprich-Robert, Femme au puits, [avant 1953], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur pellicule, 3 × 3 cm, Médiathèque du patrimoine -et de la photographie (60L05889)
Anonyme, L’Île-aux-Dames, [non daté], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection CREDOP, Région Île-de-France
48 Autrefois à Mantes
Lucien Cœur, Mantes-la-Jolie, le square Brieussel, 1945, Autochrome sur plaque de verre, 9 × 12 cm, musée français de la Photographie, conseil départemental de l’Essonne (89.6985.514)
Lucien Cœur, Mantes-la-Jolie, le square Brieussel, 1945, Autochrome sur plaque de verre, 9 × 12 cm, musée français de la Photographie, conseil départemental de l’Essonne (89.6985.513)
Autrefois à Mantes 49
Henri Deneux, Entrée de messe à la collégiale, [début XXe siècle], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 9 × 12 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (DNX08830)
50 Autrefois à Mantes
Georges Chevalier, France, Mantes, l’église de Mantes, 3 juillet 1920, tirage moderne d’après un positif autochrome sur plaque de verre, musée départemental Albert-Kahn, département des Hauts-de-Seine (A22470)
Eugène Lefèvre-Pontalis, Promeneurs à l’entrée de la collégiale, [avant 1923], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 21 × 27 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (LP009425)
Autrefois à Mantes 51
Jules Tillet, Sortie de messe à SainteAnne de Gassicourt, [début XXe siècle], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 9 × 12 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (54L02859)
52 Autrefois à Mantes
Anonyme, Procession religieuse, place de l’hôtel de ville, [non daté], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection CREDOP, Région Île-de-France
Anonyme, Procession de communiantes, [non daté], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection CREDOP, Région Île-de-France
Anonyme, Procession de communiantes, [non daté], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection CREDOP, Région Île-de-France
Autrefois à Mantes 53
Fernand Baldet, La Tour Saint-Maclou, décembre 1937, tirage moderne d’après un positif couleur gélatino-argentique sur pellicule Agfacolor, 24 × 36 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (03K002250_02)
54 Autrefois à Mantes
Jean-Eugène Durand, La Tour Saint-Maclou, [vers 1891], tirage original noir et blanc sur papier albuminé, 28,5 × 27 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MMF022387)
Autrefois à Mantes 55
Mantes vue du ciel
Touring-Club de France, Jean Jablonski, Vue panoramique du quartier de SaintMaclou, prise depuis les tours de la collégiale, [avant 1930], tirage moderne d’après un positif gélatino-argentique noir et blanc pour projection sur plaque de verre, 8,5 × 10 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (TCF10420)
56 Mantes vue du ciel
Touring-Club de France, [auteur inconnu], Vue panoramique sur le quartier de la collégiale depuis la tour Saint-Maclou, [non daté], tirage moderne d’après un positif gélatino-argentique noir et blanc pour projection sur plaque de verre, 8,5 × 10 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (TCF10412)
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Anonyme, Ballon dirigeable à Mantes, vers 1906, tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, collection CREDOP, Région Île-de-France
58 Mantes vue du ciel
Patrice Molinard, Paysage mantais vu des arcs-boutants de la collégiale, [avant 1948], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 13 × 18 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MH0183803)
Mantes vue du ciel 59
Patrice Molinard, Collégiale Notre-Dame, façade sud : détail de la galerie, [avant 1948], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 13 × 18 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MH0183792)
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Patrice Molinard, Paysage mantais depuis la terrasse supérieure de la collégiale, [avant 1948], tirage moderne d’après un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 13 × 18 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MH0183827)
Mantes vue du ciel 61
Patrice Molinard, Paysage mantais depuis la terrasse supérieure de la collégiale (côté nord), [avant 1948], tirage moderne à partir d’un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 13 × 18 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MH0183826)
Fernand Baldet, La Seine vue depuis les arcs-boutants nord de la collégiale, avril 1935, tirage moderne d’après un positif gélatino-argentique noir et blanc stéréoscopique sur plaque de verre viré sépia, 4,5 × 10,7 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (03K004557)
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Touring-Club de France, Jean Jablonski, Paysage mantais depuis la colonnade des tours de la collégiale, [avant 1930], tirage moderne d’après un positif gélatino-argentique noir et blanc pour projection sur plaque de verre, 8,5 × 10 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (TCF10419)
Touring-Club de France, Jean Jablonski, Vue plongeante sur les bords de Seine depuis la terrasse supérieure de la collégiale, [avant 1930], tirage moderne d’après un positif gélatino-argentique noir et blanc pour projection sur plaque de verre, 8,5 × 10 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (TCF10418)
Mantes vue du ciel 63
Patrice Molinard, Contre-plongée sur l’intérieur de la tour Saint-Maclou, [avant 1948], tirage moderne à partir d’un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 13 × 18 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MH0185053)
64 Mantes vue du ciel
Patrice Molinard, Paysage mantais vu depuis le sommet de la tour Saint-Maclou, [avant 1948], tirage moderne à partir d’un négatif gélatino-argentique noir et blanc sur plaque de verre, 13 × 18 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MH0185056)
Mantes vue du ciel 65
Roger Henrard, Péniche sur la Seine à Mantes, [après 1945], tirage original noir et blanc, 18 × 24 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (78HN0203)
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Roger Henrard, L’Aérodrome de MantesGassicourt, [après 1945], tirage original noir et blanc, 18 × 24 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (78HN0179)
Mantes vue du ciel 67
Roger Henrard, Vue aérienne sur la collégiale Notre-Dame et la tour Saint-Maclou, [après 1945], tirage original noir et blanc, 18 × 24 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (78HN0180)
68 Mantes vue du ciel
Roger Henrard, Vue aérienne sur le quartier entre la collégiale et la tour Saint-Maclou, [après 1945], tirage original noir et blanc, 18 × 24 cm, Médiathèque du patrimoine et de la photographie (78HN0192)
Mantes vue du ciel 69
Biographies des photographes exposés ARLAUD, Georges-Louis (1869-1944), photographe professionnel Né dans une famille de céramistes suisses, Arlaud se lança dans la photographie lorsqu’il reprit l’entreprise afin de garder la mémoire des œuvres produites. En 1896, il s’associa avec Fernand Lacombe, propriétaire d’un atelier de portraits à Genève, avant d’ouvrir son propre atelier photographique à Lyon en 1911. Celui-ci se transforma peu à peu en salon mondain pour artistes et bourgeois locaux. À partir de 1925, le photographe se consacra à l’illustration éditoriale pour les éditions Horizons de France, qui lui confièrent la direction artistique de la collection Le Visage de la France. Le neuvième fascicule, paru en 1925 et intitulé L’Île-de-France et ses entours, présente les clichés qu’Arlaud prit de Mantes-la-Jolie. En 1928, il créa sa propre maison d’édition, qui publia les collections mensuelles Visions de la France (31 monographies régionales), Ciels et sourires de France et Lumière et beauté. Le 29 août 1944, Arlaud fut retrouvé assassiné dans les calanques de La Ciotat, où il s’était installé en 1942. ATGET, Eugène (1857-1927), photographe professionnel Atget entra en photographie en 1888 après une expérience comme garçon de cabine sur les paquebots vers l’Amérique du Sud (1875-1877), puis comédien dans une troupe ambulante. Il décida d’en faire son métier en 1890. Aux clichés paysagers destinés aux artistes suivirent ceux qui prirent Paris pour sujet, son histoire architecturale et sa vie sociale. Réalisés à des fins documentaires pour les institutions culturelles ou les amateurs, ils permirent à Atget de vivre de son art.
70 Objectif Mantes
À partir de 1901, le photographe pratiqua sa déambulation photographique hors de la capitale, d’abord dans les environs urbanisés puis, après 1902, en grande banlieue. L’ensemble fait partie de la série Environs. Les vues de Mantes conservées par la MPP, prises en 1907, peuvent être attribuées à cette période. Après 1920, Atget s’attela à une nouvelle série photographique plus patrimoniale, intitulée L’Art dans les environs : Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne. Les clichés de la Vierge à l’Enfant du XIIIe siècle pris à Gassicourt en 1921 peuvent y être rattachés. AUGUSTE-DORMEUIL, Louis-Albert (1868-1951), photographe amateur Fils d’un négociant en drap dont il prit la suite, Auguste-Dormeuil hérita également de l’intérêt paternel pour le patrimoine. Il vécut au milieu des collections d’objets que la passion de son père pour l’archéologie et les périodes des XVIe et XVIIe siècles avait rassemblées. Il fut lui-même membre de la Société française d’archéologie ainsi que de la Société française de photographie (1892). En 1900, il participa aux Jeux olympiques d’été, qui se déroulaient à Meulan, tout près de Mantes-la-Jolie. Réalisés dans l’optique d’une photographie amateur de tourisme, ses clichés mantais dénotent l’intérêt du touriste classique, avec des vues patrimoniales de la ville qui se concentrent sur la collégiale Notre-Dame. La particularité d’Auguste-Dormeuil vient de son emploi de la vue panoramique. BALDET, Fernand (1885-1964), photographe amateur Astronome réputé qui mena toute sa carrière professionnelle à l’observatoire de Meudon (Hauts-de-Seine), Baldet était un esprit curieux, ouvert aux techniques nouvelles. La photographie en particulier
l’attira dès la fin du XIXe siècle. En 1899, il créa son propre appareil, alors qu’il n’était qu’apprenti bijoutier. Plus tard, devenu docteur en sciences physiques, il inventa un révélateur qui porte son nom. À partir de 1903, sa passion de l’astronomie, éveillée à la lecture de Camille Flammarion, le conduisit à mener des études dans ce domaine jusqu’au doctorat, obtenu en 1926. Tout au long de sa carrière, Baldet utilisa la photographie dans la sphère scientifique. Son intérêt pour le médium le propulsa à la présidence de la Société française de photographie de 1946 à 1949. Baldet n’hésita pas non plus à en faire usage dans le domaine privé, à l’occasion des vacances familiales. Quinze de ses vues immortalisent Mantes en 1935 et 1937. Cette dernière année, son usage des films Agfacolor, apparus en 1936, marque son intérêt pour l’innovation. BERTIN Félix (1877-1938), photographe professionnel Félix Bertin vient d’une famille nantaise et débuta le métier de photographe à SaintNazaire. On ne connaît pas la date exacte de sa venue à Mantes mais il semblerait qu’un représentant de la société Kodak lui ait conseillé de s’y rendre. Il épousa Marthe Taluffe (1879-1974), fille d’Aubin Taluffe et Victoire Duviquet, le 16 juin 1906. De très beaux clichés de leur mariage subsiste dans les archives familiales et beaucoup d’affection et de joie de vivre se dégage aussi bien des photographies de leurs vacances à Dinard que des portraits en studio où Félix se plut à faire poser son beau-père Aubin, sa femme Marthe et leur fils Jean Félix, né en 1907. Félix utilisa très tôt la révolutionnaire technique de l’Autochrome, mise au point par les frères Lumière, pour photographier Marthe ou les jardins du château de Rosny. Il fut enrôlé pendant la Première Guerre mondiale comme photographe pour le
service sanitaire. Il revint malheureusement gazé et très affaibli mais reprit tout de même en main le studio familial, avec Marthe, au décès d’Aubin Taluffe en 1929. C’est auprès de Félix que son fils puis son petit-fils, Claude Bertin (1933-), se formèrent à la photographie. Jean Félix (1907-2005) fut champion de boxe mais mena aussi une carrière de photographe aérien pour l’armée avec des déplacements en Indochine et au Maghreb. À son retour à Mantes, vers 1932, il agrandit le studio familial. BOVIS, Marcel (1904-1997), photographe professionnel Photographe humaniste des années 1930 dans la lignée de Kertész et Brassaï, Bovis commença sa carrière professionnelle à Paris dans le domaine de la décoration après avoir suivi une formation à l’École nationale des arts décoratifs de Nice. Les réalisations de la photographie moderne attirèrent son attention. Bovis s’intéressa au médium en autodidacte et mena diverses expériences en s’appuyant sur les recherches de son époque (prises de vue en plongée, contreplongée, nocturnes, solarisations). En 1933, il s’installa comme photographe indépendant. Se définissant lui-même comme un « photographe illustrateur », Bovis gagna sa vie en travaillant pour la presse ou en répondant à des commandes. À partir de 1936 et jusque dans les années 1970, il collabora avec des maisons d’édition touristiques et culturelles. Ses vues de Mantes témoignent de ce travail d’illustration d’un lieu, de cet attachement au cliché anecdotique et des recherches esthétiques qu’il mena en historien théoricien de la photographie ; en 1946, il participa à la fondation du célèbre « Groupe des XV ».
CHEVALIER Georges (1882-1967), photographe professionnel Originaire de Gironde, Chevalier fut formé à la photographie par le tout premier opérateur recruté par Albert Kahn, Auguste Léon (1857-1942). Exempté de service militaire, il se consacra professionnellement à la photographie à partir de 1903 et suivit dix ans plus tard son maître à Paris pour œuvrer aux Archives de la Planète. Il accompagna activement le directeur scientifique des Archives de la Planète, Jean Brunhes (1869-1930), et l’assista sur les projections en Allemagne, en Suisse et en Espagne. Ne pouvant combattre pendant la Première Guerre mondiale, il fut toutefois réquisitionné comme photographe et réalisa des missions en Alsace-Lorraine. C’est en 1920, pendant sa mission en Normandie, qu’il photographia Mantes. Il ne saisit que les bords de Seine et la collégiale NotreDame. Après cette mission, il partit pour le sud de la France puis en Angleterre en 1924, au Maroc, au Liban et en Crète entre 1926 et 1927. Il devint le premier conservateur de la collection Albert Kahn, en 1936, œuvrant au développement des Autochromes et à leur valorisation. CŒUR Lucien (s. d), photographe amateur Mécanicien de profession et photographe amateur, il a immortalisé sa maison à Mantes en 1926. Peut-être travailla-t-il dans le garage adjacent. L’année suivante, le 16 février 1927, il s’inscrivit au Photo-Club de Levallois-Perret. Il fit également partie de l’amicale Citroën Photo-amateur. Le musée français de la Photographie conserve deux Autochromes, réalisés en 1945, dans le square Brieussel-Bourgeois à Mantes. On y voit l’ancien musée Duhamel, bâti en 1909, et la roseraie créée par l’architecte Raymond Marabout. Ce sont surtout les massifs fleuris qui ont retenu l’attention de
Lucien Cœur et qui démontrent sa maîtrise de la couleur et de la technique autochrome, qu’il pratiqua entre 1933 et 1960. Outre ces vues mantaises, Nathalie Boulouch a répertorié dans les fonds du musée français de la Photographie plusieurs images des Expositions universelles et de la Libération de Paris. Georges Chevalier et Stéphane Passet firent partie de la dizaine d’opérateurs embauchés par Albert Kahn (1860-1940) pour constituer ses « Archives de la Planète ». En 1909, Albert Kahn, riche banquier et philanthrope, projeta de faire un inventaire photographique du globe contemporain. Pour réaliser cette collecte documentaire, menée jusqu’en 1931, ce sont les techniques du cinématographe et de l’Autochrome qui furent privilégiées. DENEUX, Henri (1874-1969), photographe de l’administration Issu d’une famille originaire de l’Aisne qui s’installa à Reims (Marne), Deneux y fit ses études à l’École des arts industriels avant d’entrer au service de l’architecte diocésain Édouard Thiérot. Il fit la connaissance de l’architecte en chef des Monuments historiques (ACMH) Denis Darcy, qui travaillait sur la cathédrale, pour qui il réalisa aquarelles et relevés du bâtiment. En 1898, Darcy le recommanda à Sainte-Anne Louzier, autre ACMH attaché à la cathédrale de Toulouse (Haute-Garonne). Lancé dans le monde de l’architecture patrimoniale, Deneux réussit brillamment le concours d’ACMH en 1905. Il fut chargé dans un premier temps du Nord, de la Somme, de l’arrondissement de Saint-Quentin (Aisne) et de l’église Saint-Martin-des-Champs à Paris. Après la Première Guerre mondiale, il se consacra exclusivement à la restauration de la cathédrale de Reims, documentant photographiquement les différentes phases de travaux.
Objectif Mantes 71
En 1930, il publia un ouvrage dédié à la métrophotographie, méthode utilisant les photographies pour mesurer un édifice. Ses clichés sur Mantes témoignent d’un intérêt purement architectural. La collégiale est à l’honneur sous toutes ses formes, ainsi que la statuaire de Gassicourt. DURAND, Jean-Eugène (1845-1926), photographe de l’administration Cadre au service des Monuments historiques, Durand endossa également le rôle de photographe pour cette administration à partir de 1876. Ses premières vues s’attachèrent à illustrer le patrimoine de l’ancienne Seine-et-Oise avant de couvrir la France entière. Il s’agissait alors de documenter les archives de la Commission des monuments historiques, créée en 1837 et chargée d’inventorier et de protéger le patrimoine français. Mantes-la-Jolie, dépendant autrefois du département de Seine-et-Oise, n’échappa pas à l’intérêt de Durand. Outre la collégiale, il élargit les perspectives patrimoniales de Mantes en s’intéressant également à la tour Saint-Maclou, à la fontaine Renaissance, à l’église Sainte-Anne de Gassicourt et au vieux pont de Limay. ÉPRON, Marcel (1890-1949), photographe amateur Épron est l’illustration parfaite du touriste photographe du début du XXe siècle. Employé parisien des chemins de fer, il mit à profit congés et, sans doute, facilités de transport dues à sa profession pour parcourir la France et les pays limitrophes, majoritairement aux mois d’avril et d’août. Il partait en famille, avec sa femme et sa fille que l’on retrouve parfois sur les prises de vue, mais rarement. Le fonds se compose de plaques de verre pour projection. Certains clichés humoristiques, où il met en scène des
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marionnettes jouant les ouvreurs, laissent penser que ces images étaient ensuite projetées en famille ou entre amis. À Mantes comme ailleurs, Épron prit surtout des photographies anecdotiques ou d’ambiance, le monument emblématique étant rarement visible. Au « grand » patrimoine, il préférait le petit, celui qui fait l’âme, l’intimité d’un lieu. Il y photographia les passages de tanneries, les façades anciennes recluses, la discrétion de l’île aux Dames. JABLONSKI, Jean (fin XIXe-début XXe siècle), photographe amateur, membre du TCF Appartenant à l’association des amateurs photographes du Touring-Club de France, Jablonski en fut un membre actif. Dans ce cadre, il organisa des excursions photographiques bimensuelles au départ de Paris vers la banlieue francilienne, les villes de la proche province ou encore les côtes normandes. Sa curiosité de voyageur le porta également à documenter toute la France via des positifs pour projection qui lui permettaient ensuite de proposer des conférences présentant les lieux traversés. Entre 1925 et 1930, ce photographe fit don de ses clichés au TCF. Les vues de Mantes montrent une certaine originalité de regard chez cet amateur éclairé. L’excursionniste ne se contente pas d’impressionner sa plaque avec le patrimoine croisé. Il cherche de nouvelles perspectives, comme ces vues plongeantes prises du haut des bâtiments, promptes à offrir une vue paysagère sur la ville. Son intérêt se porte également sur les lieux plus intimistes, hors des sentiers battus des grands édifices touristiques. HENRARD, Roger (1900-1975), photographe professionnel Spécialiste de la photographie aérienne, Henrard entama un tour de France
dans les airs entre 1945 et 1975 à partir de l’aérodrome de Toussus-le-Noble (Yvelines), où se trouvait son avion. Ce survol documentaire du territoire ne fut pas le premier. Durant la Seconde Guerre mondiale, Henrard s’illustra en effet par des missions d’espionnage aérien au-dessus de l’Allemagne et de l’Italie au profit des alliés. Après la guerre, les clichés de Henrard couvrirent les destructions mais également les reconstructions qui réurbanisèrent le pays. Le photographe dirigea l’entreprise Jules Richard (inventeur du Vérascope, visionneuse pour vues stéréoscopiques), dont il hérita par son père. Le survol de Mantes-la-Jolie concentre surtout son attention sur le quartier de la collégiale. Quelques vues plus larges montrent la navigation sur la Seine et les zones plus industrielles. Mantes sort de son quartier historique pour entrer dans l’ère des zones péri-urbaines. LE BOYER, Léon Armand Alphonse, dit Noël (1883-1967), photographe professionnel Photographe reporter et illustrateur, Le Boyer commença sa carrière chez un imprimeur avant de s’installer comme créateur de cartes postales fantaisie. Au cours de la Première Guerre mondiale, il se mit à la photographie pour réaliser des reportages militaires. Il poursuivit cette activité après-guerre, en parallèle avec la confection de cartes postales, documentant diverses professions un peu partout en France. À cette période, il entama une collaboration avec les chemins de fer, dont il illustra dépliants et revues mais aussi rapports annuels. Il est également l’auteur des photographies touristiques qui accompagnèrent les voyageurs à l’intérieur de wagons pour faire la publicité des lieux à visiter. Il prit le pseudonyme de Noël Le Boyer au cours des années 1930.
Les clichés de Mantes répondent à cette démarche publicitaire touristique. Le monument emblématique qu’est la collégiale est montré dans un cadre paysager élargi, mettant en valeur l’ensemble depuis les berges de la Seine. LEFÈVRE-PONTALIS, Eugène (1862-1923), photographe amateur Archiviste paléographe, professeur d’archéologie médiévale à l’École des chartes, Lefèvre-Pontalis fut nommé à la bibliothèque des Sociétés savantes, où il entreprit de publier des monographies d’églises. Par la suite, l’historien de l’architecture assura la direction de plusieurs sociétés, dont la Société française d’archéologie à partir de 1900. Son intérêt pour la matière le fit siéger au Comité des travaux historiques et scientifiques (1898), puis à la Commission des monuments historiques (1911). Dans le cadre de ses activités scientifiques, Lefèvre-Pontalis utilisa dès 1894 la photographie en complément des dessins pour illustrer ses cours, conférences et articles. Cette photographie mise au service de l’architecture, prise à l’occasion d’excursions ou de voyages, donne à voir et à comprendre chaque élément architectonique d’un édifice. C’est par exemple le cas, sur Mantes, pour la collégiale Notre-Dame, que LefèvrePontalis photographia dans ses moindres détails architecturaux internes et externes. LEGRAS [docteur] (fin XIXe-début XXe siècle), photographe amateur Longtemps attribués au psychiatre Gaëtan de Clérambault, féru de photographie, près de cinq cents clichés patrimoniaux enregistrés dans le fonds Monuments historiques de la MPP ont pu être rendus à leur véritable auteur : le docteur Legras. La confusion vient de ce que le fonds fut
donné en 1924 au bureau des Monuments historiques par Clérambault. Ce dernier entama une collection photographique à partir de 1915 lors d’un séjour fait au Maroc. Il s’intéressa à la thématique des femmes voilées, mais également aux vues urbaines et patrimoniales de France. Clérambault aurait-il récupéré pour sa collection l’œuvre d’un collègue, d’un ami, d’un familier ? Dans tous les cas, les clichés mantais du docteur Legras s’attachent au patrimoine historique avec la collégiale, et tout de même quelques clichés d’édifices moins représentés tels que le palais de justice ou la porte aux Prêtres. Nous pouvons imaginer que ces prises de vue antérieures à 1924 ont dû être réalisées dans le cadre d’excursions de groupe ou de villégiature privée. LÉVIN, Sam (1904-1992), photographe professionnel Originaire de Kharkiv, en Ukraine, Lévin émigra avec ses parents dans le nord de la France. Après une formation de chimiste, il s’installa à Paris comme photographe dans les années 1930. Associé à Lucienne Chevert (1908-1983), il partagea son activité entre le portrait de célébrités du spectacle et la photographie de plateau. Fiché comme Juif étranger, il rejoignit la zone sud pendant la Seconde Guerre mondiale. Après-guerre, toujours associé à Lucienne Chevert, il réalisa les portraits de nombreux acteurs et chanteurs populaires, notamment pour Unifrance. Le cliché mentionnant Mantes-la-Jolie dans le fonds Lévin témoigne parfaitement de l’activité de son auteur. Il ne s’agit pas ici de consacrer une prise de vue à la ville mais de faire le portrait du réalisateur ChristianJaque, pseudonyme de Christian Maudet (1904-1994). Ce dernier pose accoudé à deux bornes kilométriques, l’une mentionnant Mantes, l’autre Rambouillet.
MARTIN-SABON, Félix (1846-1933), photographe professionnel Membre de plusieurs sociétés savantes, dont la Commission départementale des antiquités et des arts de Seineet-Oise, Martin-Sabon quitta en 1885 son poste de directeur d’usine pour se consacrer totalement à la photographie de monuments, et ce jusqu’à la fin de sa vie. Décrit comme un baroudeur parcourant la campagne avec son sac à dos lesté de son matériel photographique, il documenta toute l’Île-de-France avant de se lancer dans les autres régions. En 1897, il devint correspondant de la Commission des monuments historiques. L’Exposition universelle de 1900 distingua son travail photographique par une médaille d’or. La centaine de clichés pris par Martin-Sabon à Mantes à la fin du XIXe siècle rend compte de la recherche du détail architectural qui caractérise le photographe. Le monument le plus emblématique de la ville, la collégiale, est disséqué sous toutes les coutures (miséricordes, culots, piédroits, voussures). Les autres édifices mantais n’échappèrent pas à sa curiosité. MOLINARD, Patrice (1922-2002), photographe professionnel Molinard exerça son œil au cours d’études d’ingénieur des Arts et Métiers qui lui laissèrent le goût du graphisme. Après qu’il fut reçu premier à un concours amateur lancé par le ministère de l’Information, la photographie devint son gagne-pain officiel. Molinard axa son travail sur une photographie patrimoniale qu’il mit au service des Musées nationaux, puis des Monuments historiques et enfin du Commissariat général au tourisme avant de ne se consacrer qu’à la publicité à partir de 1954. Pris avant 1948, plus de quatre cents clichés ont été réalisés à Mantes, documentant dans les moindres détails
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architecturaux et décoratifs la collégiale et, dans une moindre mesure, l’église SainteAnne de Gassicourt ainsi que la tour SaintMaclou. NORMAND, Alfred-Nicolas (1822-1909), photographe de l’administration Architecte formé aux Beaux-Arts de Paris, prix de Rome en 1846, il rencontra en Italie Maxime Du Camp (1822-1894) de retour d’Orient, pour qui il effectua plusieurs tirages. À son tour, Normand réalisa des calotypes illustrant son périple en Italie, en Grèce et en Turquie. La technique photographique entra dans sa pratique d’architecte en 1851 lorsque, pensionnaire à la Villa Médicis, il travailla sur des projets de restauration. De retour à Paris, Normand délaissa le médium à partir de 1853 pour se consacrer à son travail en tant qu’inspecteur des travaux de la capitale et maître d’œuvre de projets architecturaux. En 1887, les évolutions techniques, qui facilitaient la prise de vue avec la mise sur le marché d’un matériel plus simple d’utilisation, le ramenèrent à la photographie. Normand documenta alors le patrimoine tout au long de ses déplacements en France, en adéquation avec son centre d’intérêt professionnel. Les quelques clichés mantais conservés à la MPP montrent en effet l’église SainteAnne de Gassicourt et, pour Mantes même, l’ancien palais de justice et la fontaine Renaissance. RUPRICH-ROBERT, Gabriel (1859-1953), photographe de l’administration Après des études à l’École des beaux-arts de Paris, Ruprich-Robert intégra le service des Monuments historiques (MH) en 1884 en tant qu’inspecteur des travaux. Sa carrière se déroula au sein de cette administration, comme architecte de la Commission des
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MH à partir de 1887 (dont il devint viceprésident en 1925), puis architecte en chef des MH en 1898. Dans ce cadre, Ruprich-Robert travailla sur certains édifices situés dans l’ancienne Seine-et-Oise. Outre son activité administrative, il mena des projets privés comme la restauration du château d’Amboise (Indreet-Loire), la construction de maisons de rapport ou celle de monuments funéraires. En dehors des villégiatures familiales, les photographies prises par l’architecte s’axent sur ses activités professionnelles. Elles documentent ses projets, son intérêt pour le patrimoine monumental. Les clichés de Mantes témoignent de cette double utilisation, montrant des maquettes de projets de réhabilitation urbaine et des vues de villégiature. PASSET Stéphane (1875-1941), photographe professionnel La formation artistique et photographique de Passet n’est pas connue. Il devint opérateur des Archives de la Planète en 1912 et fut d’abord envoyé en Asie (Chine, Mongolie, Japon), dans les Balkans et aux Indes. Sa mobilisation pendant la Grande Guerre ne l’empêcha pas de continuer sa collecte photographique mais il fut contraint de travailler dans les départements français et à Paris. Il cessa son activité auprès d’Albert Kahn, après la guerre, mais refit une campagne photographique en Îlede-France à son service entre 1929 et 1930. C’est à ce moment-là qu’il réalisa les quatre Autochromes pris à Mantes-la-Jolie représentant la rue de la Mercerie, la place du Marché-au-Blé et la rue de la Boulangerie. Ces mêmes lieux qui avaient aussi retenu l’attention d’Eugène Atget, en 1907. Ces clichés témoignent de l’atmosphère de Mantes avant les bombardements où les devantures des commerces et affiches colorées habillaient les rues. Ils répondent
bien à l’ambition du commanditaire Albert Kahn qui voulait « fixer, une fois pour toutes, des aspects, des pratiques et des modes de l’activité humaine dont la disparition fatale n’est plus qu’une question de temps ». TALUFFE Aubin (1852-1929), photographe professionnel Il fut l’ancêtre pionnier de la dynastie des photographes Bertin à Mantes-la-Jolie. Issu d’une famille de serruriers établie en Dordogne, il suivit d’abord une vocation de forgeron avant de se lancer finalement dans la photographie, après la mort de ses parents. Il créa un laboratoire dans une roulotte et circula de ville en ville. C’est ainsi que, devant se rendre à Vernon en 1872 pour photographier les châtelains de Bizy, son train en panne le laissa à Mantes. L’histoire familiale raconte qu’il se serait rendu dans l’estaminet de Jacques Duviquet et que la rencontre avec sa fille Victoire aurait bouleversé ses plans. Taluffe posa ses bagages et ouvrit un studio photographique rue l’Evesque, vers 1875. Quelque temps plus tard, le 9 janvier 1879, il épousa Victoire, qui donna naissance la même année à leur fille Marthe, elle-même photographe à l’âge adulte. Quelques portraits de Taluffe sont conservés, notamment un audacieux photomontage autoportrait où il apparaît avec son appareil sur le dos, s’allumant une pipe. Taluffe ouvrit la voie à quatre générations de photographes qui comme lui eurent le goût du portrait et des innovations techniques. TILLET, Jules (1870-1950), photographe de l’administration Ancien élève de l’École des beaux-arts de Paris, Tillet fit toute sa carrière au service des Monuments historiques, dont il fut architecte en chef de 1906 à 1937 puis inspecteur général à partir de 1936. Retraité en 1937, il se consacra alors à la protection
des vitraux et à la recherche de matériaux pour la création du musée des Monuments français, à laquelle il contribua. Les clichés de Tillet sont purement architecturaux, propres à un architecte du début du XXe siècle. Sur Mantes, un seul dénote dans l’ensemble, montrant une sortie de messe à Sainte-Anne de Gassicourt. Touring-Club de France (TCF, 1890-1983), photographie amateur Créée en 1890 par un groupe de « vélocipédistes », l’association du TCF se dédia, jusqu’à sa disparition en 1983, au développement du tourisme. D’abord axée sur le tourisme cycliste, la définition s’élargit au fur et à mesure que de nouveaux moyens d’évasion apparaissaient. Cette promotion du tourisme naissant s’est faite par l’intermédiaire d’investissements locaux en infrastructures, camps de vacances, aménagements paysagers et autres. Le TCF diffusa également guides de voyage, cartes routières, revues, conférences avec projection, le tout illustré par le don de photographies que le TCF récupéra auprès de ses membres ou de sociétés photographiques. De qualité inégale en raison du nombre important de contributeurs, les clichés s’attachent à immortaliser les sites emblématiques des villes et villages traversés ainsi que les paysages pittoresques. Actuellement, vingt-cinq clichés en ligne sur la base Mémoire illustrent le Mantes des excursionnistes de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.
Son penchant pour la différence se marqua par une recherche esthétique hors des codifications de son temps : décentrages audacieux, scènes simultanées, surplombs panoramiques vertigineux ou encore gros plans très rapprochés. L’esprit naturaliste curieux du monde et des gens se retrouve dans les clichés zoliens, qui préfèrent impressionner la vie plutôt que l’inertie d’une pose en atelier. Sujets intimes et artistiques commencèrent à alimenter des albums. L’ensemble consacré à Mantes-la-Jolie témoigne de cet intérêt quasi ethnologique. Plus que sur les édifices emblématiques, Zola braqua son objectif sur les scènes de marché, la vie des rues commerçantes, offrant un regard plus vivant de la ville que la plupart des clichés patrimoniaux, qui oubliaient souvent les habitants.
ZOLA, Émile (1840-1902), photographe amateur À côté du Zola nouvelliste et romancier connu de tous, il y eut un Zola photographe, qui s’initia à cette technique au cours de l’été 1888 avant de la mettre réellement en pratique de 1894 à sa disparition.
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Focus techniques GÉLATINO-ARGENTIQUE ou gélatino-bromure d’argent Après l’utilisation de l’albumine (1847) puis du collodion (1850), le procédé dit gélatinoargentique ou gélatino-bromure d’argent (1880) remplaça progressivement les techniques antérieures. Dans ce procédé, les sels d’argent, sensibles à la lumière, sont mêlés à la gélatine, qui sert de liant et aussi d’adhérent. Plaques et papiers pouvaient être désormais préparés à l’avance en usine. Comme ils étaient vendus prêts à l’emploi, le photographe n’avait plus besoin de transporter avec lui le matériel nécessaire à la sensibilisation des supports vierges sur place au moment de la prise de vue. Et comme les prérequis techniques étaient moindres, la photographie put se développer en se démocratisant. Un autre avantage du procédé gélatinoargentique vient de sa pérennité. Le support ainsi émulsionné pouvait être stocké longtemps avant utilisation, ce qui n’était pas le cas des techniques précédentes, et être conservé bien après impression de l’image. La plaque restait pérenne des mois après sa fabrication mais, de plus, l’image captée lors de la prise de vue se conservait avant son développement chimique. Le photographe n’avait plus à se précipiter pour traiter ses images au risque de les voir s’effacer ; il pouvait désormais attendre son retour de voyage. Cette facilité de conservation permettait, à partir d’un négatif, d’effectuer plusieurs tirages, mais aussi de jouer sur la taille de ceux-ci par agrandissement. NÉGATIF En 1816, Nicéphore Niépce impressionna une feuille de papier recouverte de sels d’argent qu’il exposa plusieurs heures à la lumière depuis sa fenêtre. Le résultat donna une
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vue inversée de la réalité, obtenant ainsi un négatif : ce qui était clair apparaissait sombre et vice versa. Malheureusement, ces premiers essais n’offraient pas la stabilité de l’image prise. En 1840, l’invention du calotype par William Henry Fox Talbot permit d’obtenir sur papier un phototype négatif, puis positif par contact des deux supports. L’intérêt du négatif intermédiaire était de permettre l’obtention d’une image reproductible à loisir à partir d’une matrice, donc d’envisager des multiples, contrairement à la plaque positive directe. Plusieurs supports se succédèrent au fil du temps pour obtenir des négatifs moins fragiles, réutilisables sans trop d’usure du support et facilement transportables. Après le négatif sur plaque de verre albuminée (1847, Niépce de Saint-Victor) vint celui sur plaque de verre au collodion (1851, Frederick Scott Archer) puis au gélatino-argentique (1871, Richard Leach Maddox). À la plaque de verre, encombrante, fragile et lourde, firent suite des supports dits souples (pellicules, films), dont les premières recherches tournaient autour de l’utilisation de la cellulose (1886, George Eastman). PHOTOGRAPHIE Le terme « photographie » (du grec photos, « lumière », et graphein, « écrire ») fut utilisé pour la première fois en 1839 par le physicien britannique Charles Whettone dans un échange épistolaire avec Fox Talbot. La technique suppose l’inscription d’une image négative ou positive sur un support préalablement sensibilisé, et sa fixation. Déjà connues sous Aristote, les bases de la technique remontent à la camera obscura qu’utilisaient les artistes de la Renaissance. Ce système permettait de délimiter, à l’aide d’une chambre noire, un motif à reproduire. L’image, inversée, se formait au fond de l’appareil. Il était alors possible d’en recopier les contours. Au fil du temps,
nombreux furent ceux qui tentèrent, à l’aide de la chimie, d’enregistrer l’image donnée, les propriétés de modification de composés chimiques par la lumière étant également connus. Au tout début du XIXe siècle, les Britanniques Thomas Wedgwood et Humphrey David jetèrent les bases d’un support (du cuir) sensibilisé au nitrate d’argent pour tenter de reproduire des tableaux à l’aide de la camera obscura. Cette première expérimentation fut couronnée de succès, mais finit par échouer faute de pouvoir stopper le processus et de stabiliser l’image ainsi obtenue, qui, sous l’effet de la lumière, continuait à noircir. En 1813, Nicéphore Niépce se lança dans cette recherche, envisageant d’utiliser le principe de la lithographie par l’usage de gravures translucides et l’emploi de chlorure d’argent et de bitume de Judée. Là encore, son approche péchait par le manque de stabilité de l’image obtenue, mais les bases de la technique photographique étaient posées : impression d’une image formée sur un support rendu chimiquement sensible. Dès lors, les expérimentations se succédèrent tout au long des XIXe et XXe siècles pour améliorer les principes et les matériels, et assurer la stabilité des images obtenues : héliographie (1825, Niépce), daguerréotype (1839, Daguerre), calotype (1840, Fox Talbot), émulsion à l’albumine (1847, Niépce de Saint-Victor), émulsion au collodion (1850, Le Gray), émulsion au gélatino-bromure d’argent (1880, Maddox). Cette dernière permit à la photographie de passer de l’ère expérimentale puis artisanale à l’ère industrielle, pratiquée désormais massivement par les amateurs. PHOTOGRAPHIE AÉRIENNE Née en 1858, la photographie aérienne a été réalisée par Félix Nadar, photographe de renom dont l’atelier portraiturait les célébrités de son temps, mais aussi grand amoureux de vol en ballon, qui pensa à allier
les deux techniques. Il allia ses deux passions en cherchant le moyen de photographier des vues depuis le ciel, difficiles avec les matériels de son époque. Au début du XXe siècle et en particulier avec la Première Guerre mondiale, la technique se développa pour reconnaître les terrains et surveiller l’adversaire, premiers pas qui furent perfectionnés au cours du second conflit mondial. Ce mode particulier de prise de vue sert dans le domaine de l’information militaire, mais également pour documenter un lieu dans son ensemble, cartographier ou, usage récent plus spécifique, repérer les anciens sites archéologiques mis en évidence par les changements de couleurs d’un terrain. PHOTOGRAPHIE COULEURS L’invention photographique en couleurs suivit une trajectoire similaire à celle de la photographie noir et blanc. Les précurseurs en expérimentèrent et en posèrent les principes dès les décennies 1850-1870. Il fallut attendre 1907 et les frères Lumière pour qu’enfin un procédé aisé à employer par les amateurs fût industrialisé : l’Autochrome. Sur la plaque, l’émulsion gélatino-argentique recouvrait une couche de fécule de pomme de terre pigmentée en violet, rougeorangé et vert qui interagissait avec le spectre lumineux. La combinaison des tons restitue la couleur. L’ajout du filtre couleur épaississait la couche sensible, imposant à l’Autochrome un temps de pose plus long que la normale. Les plaques Autochromes sont uniques, fragiles et ne permettaient pas de tirage. L’Agfacolor (1932) et le Kodachrome (1935) ouvrirent l’ère de la photographie couleur moderne, sur support souple, tirable sur film puis rapidement sur papier. TIRAGE PHOTOGRAPHIQUE Le tirage consiste à reporter l’image négative sur un autre support afin d’en
obtenir le positif réel. Dans les premiers temps, ce tirage était réalisé par contact direct, les papiers peu sensibles nécessitant de longues minutes d’exposition au soleil. Ce système ne permettait évidemment pas de jouer sur la taille du tirage, ce dernier étant forcément à la dimension du négatif. Il fallut pour cela attendre la fin du XIXe siècle et la mise au point de papiers beaucoup plus sensibles et de matériels tels que l’agrandisseur. Le calotype fut la première technique à permettre le passage d’un négatif vers un positif en contact direct. Les négatifs sur support verre furent également passés en positif selon la même méthode, plaque de verre contre plaque de verre. Différents types de papiers furent utilisés fin XIXe-début XXe siècle pour obtenir un tirage, les plus courants étant le papier salé (1839-1860) et le papier albuminé (18501914). Ce dernier, obtenu en plongeant la feuille dans un bain de blanc d’œuf, offre un rendu satiné au regard et doux au toucher.
parallèles, chacun captant une photographie légèrement décalée d’une même scène. Les images négatives doivent être doublement inversées lors du tirage : positivée et inversée droite/gauche pour ne pas fausser le relief. La vision en relief est rendue par l’emploi de visionneuses stéréoscopiques, également bi-oculaires.
VIRAGE Procédé chimique optionnel modifiant la teinte du rendu, mis en œuvre au moment du développement d’une plaque positive ou d’un tirage, par choix esthétique ou amélioration de la stabilité dans le temps. L’objet-support noir et blanc est plongé dans un bain chimique plus ou moins longtemps pour obtenir l’effet désiré. Très prisé dans la première moitié du XXe siècle, le virage sépia permettait de donner un ton ocré aux vues. VUE STÉRÉOSCOPIQUE Ancêtre de la 3D, la photographie stéréoscopique permet à la fois la captation du relief et, dans un second temps, sa perception. Le principe repose sur la vision humaine : deux oculi décalés de quelques centimètres sur un plan horizontal. Proches de notre regard, les appareils stéréoscopiques possèdent deux objectifs
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INDEX
BIOGRAPHIES DES AUTEURS
BIBLIOGRAPHIE
Photographes Anonyme : p. 6, 22, 23, 24, 48, 52, 53, 56, 58 Georges-Louis Arlaud : p. 18, 70 Eugène Atget : p. 40, 43, 70 Louis-Albert Auguste-Dormeuil : p. 20, 70 Fernand Baldet : p. 45, 54, 62, 70 Hippolyte Bayard : p. 3 Félix Bertin : p. 8, 9, 30, 70 André Bertran : p. 10 Marcel Bovis : p. 41, 42, 71 Georges Chevalier : p. 26, 50, 71 Lucien Cœur : p. 33, 49, 71 Henri Deneux : p. 50, 71 Jean-Eugène Durand : p. 47, 55, 72 Marcel Épron : p. 44, 72 Roger Henrard : p. 66, 67, 68, 69, 72 R. Girard : p. 11 Jean Jablonski : p. 54, 61, 72 Noël Le Boyer : p. 27, 72 Eugène Lefèvre-Pontalis : p. 51, 73 Docteur Legras : p. 43, 73 Sam Lévin : p. 19, 73 Félix Martin-Sabon : p. 47, 73 Patrice Molinard : p. 46, 59, 60, 61 62, 64, 65, 73 Alfred-Nicolas Normand : p. 45, 74 Gabriel Ruprich-Robert : p. 48, 74 Stéphane Passet : p. 31, 32, 40, 74 Studio Bertin : p. 16, 24, 25, 34 Studio Taluffe : p. 29 Studio Taluffe-Bertin : p. 29 Aubin Taluffe : p. 28, 74 Jules Tillet : p. 52, 75 Touring-Club de France : p. 21, 44, 54, 56, 57, 63, 75 Émile Zola : p. 17, 35, 36, 37, 38, 39, 75
Gilles Désiré dit Gosset, archiviste paléographe et conservateur général du patrimoine. Il a dirigé les archives départementales de la Manche de 2000 à 2013 et a été directeur du patrimoine de la Manche en 2006. Il fut ensuite nommé aux Archives de France comme sous-directeur avant de rejoindre la MPP en 2015.
Archives
Fatima De Castro, chargée d’études documentaires à la Médiathèque du patrimoine et de la photographie, département de la photographie (fort de Saint-Cyr).
Chapus Eugène, De Paris au Havre, Paris, Librairie Hachette & Cie, 1855 (Guides-itinéraires), p. 30-40.
Jeanne Paquet, attachée de conservation du patrimoine et responsable du musée de l’Hôtel-Dieu de Mantes-la-Jolie depuis 2018, après des études à l’École du Louvre. Jeanne Paquet a participé et coécrit plusieurs ouvrages et catalogues d’exposition, notamment sur les collections du musée et le patrimoine mantais.
Annuaire général et international de la photographie : France, Belgique, Suisse, Paris, 1892. Annuaire général et international de la photographie, Plon Nourrit, 1903-1908.
De Gaulle Joséphine-Marie, Excursions dans le département de Seine-et-Oise, Paris, P. Lethielleux, Tournai, H. Casterman, 1861. Reclus Onésime, Sites et monuments autour de Paris (Seine-et-Oise, Seine-et-Marne, Oise), Paris, Touring-Club de France, 1900-1906, p. 31. Société d’excursions des amateurs de photographie, Bulletin de la Société d’excursions des amateurs de photographie, Paris, 1892, 1897, 1900, 1901, 1902, 1913, 1924, 1927. Société française de photographie, Bulletin de la Société française de photographie, Paris, 1903, 1904, 1908. Touring-Club de France, Revue mensuelle du Touring-Club de France, Neuilly-surSeine, 1891-1919. Union nationale des sociétés photographies de France, Compte rendu par M. S. Pector de la session du Havre du 11 au 14 juillet 1903, Gauthiers-Villars, 1903.
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Union nationale des sociétés photographiques de France, Compte rendu de la Société Lorraine de photographie de la session de Nancy, 1905.
De Mondenard Anne, La Mission héliographique. Cinq photographes parcourent la France en 1851, Paris, Centre des monuments nationaux, Éditions du Patrimoine, 2002, 319 p.
Union nationale des sociétés photographiques de France, Compte rendu de la Société photographique de Touraine de la session de Tours du 6 au 11 juin, Gauthiers-Villars, 1908.
Flament Émile, « Quelques remarques sur l’espace touristique », Norois, no 88, octobre-décembre 1975, p. 609-621.
Sources contemporaines Abbé F. R. Salmon, Les Pèlerinages des environs de Paris, Paris, Victor Palmé, 1871 (Le tour du monde religieux), p. 243-247. Bonneau Michel, « Tourisme et villégiature balnéaire en France et en Belgique vers 1850 », Hommes et terres du Nord, no 2, 1977, p. 13-22. Bouillon Marie-Ève, « Le marché de l’image touristique : le cas du Mont-Saint-Michel à la fin du XIXe siècle », Études photographiques, no 30, 2012, p. 1-12. Boulouch Nathalie, Une autre histoire de la photographie. Les collections du musée français de la Photographie, Bièvres, musée français de la Photographie, Paris, Flammarion, 2015, 240 p. Bussière Roselyne, Le Patrimoine de Mantes-la-Jolie, un passé en éternel devenir, Lyon, Lieux Dits, 2019, 160 p. Challine Éléonore, Une histoire contrariée. Le musée de la Photographie en France (1839-1945), Macula, Paris, 2017, 536 p.
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La République des amateurs : les amateurs photographes autour de 1900 dans les collections de la Société française de photographie, catalogue de l’exposition, Paris, Jeu de Paume, 2011.
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Éditions Octopus Oissel-sur-Seine ISBN 978-2-900314-42-5 Achevé d’imprimer sous les presses de PB Tisk en novembre 2023 Conception graphique et éditoriale : Benoît Eliot/Octopus © Région Île-de-France – Inventaire général du patrimoine culturel © CREDOP © Ministère de la Culture (France), MPP, diff. RMN-GP © Donation Marcel Bovis, Ministère de la Culture (France), MPP, diff. RMN-GP © Donation Sam Lévin, Ministère de la Culture (France), MPP, diff. RMN-GP © Donation Baldet-Lagarde, Ministère de la Culture (France), MPP, diff. RMN-GP © Archives départementales des Yvelines © Ville de Mantes-la-Jolie © Laurent Kruszyk, Région Île-de-France — Inventaire général du patrimoine culturel © Claude Bertin © Musée français de la Photographie, Conseil départemental de l’Essonne, Benoît Chain Avec le concours du Département des Hauts-de-Seine – musée départemental Albert-Kahn
Objectif
MANTES Objectif MANTES • Photographies de 1888 à 1945
Depuis que la photographie existe, nombreux furent ceux, amateurs ou professionnels, qui ont photographié la ville de Mantes-la-Jolie, ses monuments, son dédale de ruelles, ses boulevards, ses scènes pittoresques. C’est à Hippolyte Bayard qu’on doit la première photographie de la collégiale en 1851. D’autres comme Atget, Durand, Lefèvre-Pontalis, Martin-Sabon ou Normand ont également immortalisé le patrimoine mantais. L’ouverture de la ligne de chemin de fer en 1843 a favorisé celle de la ville au tourisme et a attiré maints amateurs photographes, comme Émile Zola, Fernand Baldet, Stéphane Passet, des membres de la Société française d’archéologie et du Touring Club de France. Et même si son existence a duré à peine dix ans, de 1899 à 1908, la présence d’une Société mantaise de photographie à la Belle Époque montre tout l’intérêt que portait la population locale à ce médium. Ce catalogue est une invitation à découvrir cette histoire de la photographie à Mantes-la-Jolie, en puisant notamment dans les collections photographiques nationales conservées à la Médiathèque du patrimoine et de la photographie (MPP), au service Patrimoines et Inventaire de la Région Île-de-France, au musée départemental Albert-Kahn ou encore au sein des associations locales du Mantois et du fonds familial privé de Claude Bertin. Marcel Bovis, La Buvette O. Brisset, Médiathèque du patrimoine et de la photographie
978-2-900314-42-5 - 20 €
Objectif
MANTES
Photographies de 1888 à 1945