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Regards croisés, contenus en scène

Le premier enjeu d’une exposition est de rendre accessible à chaque visiteur les savoirs qu’elle présente et d’en faire des outils de lecture du monde contemporain. Il s’agit donc de s’appuyer sur des imaginaires qui vont mêler création artistique et rigueur scientifique. Des sujets tels que la recherche, la santé ou le développement durable s’étoffent ainsi grâce aux arts visuels dans lesquels les créateurs puisent une esthétique et des scénariis. Constat le plus immédiat : les technologies numériques enrichissent les possibilités de l’exposition en misant sur l’interactivité qu’elle offre déjà en substance. Panneaux et modules accueillent des contenus multimédias au potentiel infini. Ancien étudiant à l’école des beaux-arts de Bordeaux, Frédéric Barreau est régisseur et scénographe des expositions de Cap Sciences. Impliqué sur les orientations numériques, il incarne la transition de ces

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nouveaux enjeux. “Une information dense ne rime plus forcément avec de grands panneaux. Grâce aux progrès des techniques d’impression [numérique], il existe une continuité forte dans les salles et sur les écrans, avec une grande fluidité de navigation. La technologie tend d’ailleurs à s’effacer au profit du visiteur. Cela nous incite à imaginer des mises en scène de plus en plus esthétiques.” La portabilité de ces architectures est particulièrement étudiée, grâce à des logiciels, et permet à certaines expositions d’être montrées à l’étranger, comme Sur les traces de l’homme en Aquitaine, présentée à Istanbul et Athènes. C’est un paramètre désormais pris en compte dans le cahier des charges de Cap Sciences afin de proposer les expositions à des structures qui les adapteront à leur capacité d’accueil. Fondateur de l’agence Kubik, Benjamin Ribeau conçoit avec ses collaborateurs le design graphique des expositions temporaires de la Galerie Industrie & Recherche de Cap Sciences.

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“Nous élaborons les différentes étapes du parcours en trouvant les codes appropriés, une écriture visuelle qui traduise un message attractif et rapidement intelligible, marquant les esprits.” Du mobilier à la typographie, en passant par l’élaboration de vidéos interactives, l’espace est scénarisé en une immersion ludique et attrayante. Parmi les nouvelles générations de graphistes et web designer, nombreux sont ceux familiers de la pratique du jeu vidéo et convaincus de sa pertinence en tant que média. Benoît Santa Maria, fondateur d’Objectif Prod, y fait largement référence dans les animations qu’il réalise, notamment pour les expositions de Cap Sciences. “Il faut se mettre à la place du visiteur, envisager pour lui la façon la plus rapide de s’approprier le programme et d’y naviguer. Dans le jeu vidéo, il y a aussi des échos du cinéma, de la fiction, car ce sont aujourd’hui des modes d’expression qui s’influencent mutuellement.” Ainsi, la création d’un personnage-guide facilite l’accès à un contenu pédagogique pour le spectateur-visiteur qui s’identifie à son “double” virtuel. Lui aussi imprégné de cette culture des gamers, le graphiste Thomas Saint-Upéry précise que “jouer, c’est être acteur de ses choix, comme dans les jeux de rôle, ou maîtriser son accès à l’information ainsi que les reportages multimédias nous y invitent de plus en plus.”

Galerie Industrie & Recherche Scénographie en 3D © Cap Sciences

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L’INTERACTIVITÉ, C’EST UN MÉTIER Après des études en sciences puis en cinéma à Bordeaux, Benoît Santa Maria crée Objectif Prod en 2002, en plein essor de l’audiovisuel numérique. Réalisateur de films de sensibilisation pour l’Ecole de l’asthme ou le Centre d’études nucléaires de Bordeaux-Gradignan, il a piloté plusieurs expositions virtuelles pour Cap Sciences dont Clim’Way qui a connu un vif succès. Inspirée des “serious game”, cette exposition-jeu interactive permet de gérer l’évolution d’une ville en y intégrant les problématiques du développement durable. Se définissant comme un “touche-à-tout”, Benoît Santa Maria coordonne autant la direction artistique que la production d’un projet, et s’entoure de multiples collaborateurs : musicien pour les atmosphères, auteur de BD pour les story-boards, spécialiste des animations Flash…

Serious game Clim’Way © Cap Sciences - Objectif Prod

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HÉROS DES SCIENCES Infographiste free lance, Thomas Saint-Upéry a fait ses armes dans la création d’outils multimédias à vocation pédagogique et culturelle, notamment avec l’Université Michel de Montaigne Bordeaux 3. Diplômé d’histoire de l’art, amateur de cinéma et de mangas, il pratique aussi la photographie. Pour l’exposition Mission Archéo (Cap Sciences), il invente une scénographie simulant les palissades d’un chantier de fouilles. L’emploi des codes de la bande dessinée (personnages, dialogues) vulgarise la compréhension scientifique et la découverte du métier d’archéologue. Dans l’exposition virtuelle Question paysage (Cap Sciences et le Conseil général de la Gironde), l’internaute se glisse dans la peau d’un journaliste et mène l’enquête sur les enjeux que recouvre cette thématique.

Mission Archéo © Cap Sciences - TSU Design

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Le virtuel, un supplément d’âme au réel

Plus généralement employées dans la recherche médicale ou les applications industrielles, les interactions 3D peuvent être développées pour des solutions tournées vers le grand public. Même si l’on en est encore aux balbutiements, des initiatives mettent en pratique ces innovations. InSTinCT est un projet qui réunit l’INRIA* Bordeaux et Lille, Cap Sciences et la société Immersion autour des surfaces tactiles, simples d’utilisation mais limitées en terme de navigation. Accessible aux visiteurs de Cap Sciences, le prototype Cubtile, réalisé par la société Immersion, est doté de faces multi-points pour déplacer l’infrastructure du pont Bacalan-Bastide dans des perspectives de Bordeaux restituées sur un écran. Un test s’effectue ainsi auprès d’un large panel d’utilisateurs et permet aux chercheurs d’en améliorer le fonctionnement, toutes les manipulations étant enregistrées dans la mémoire interne de l’appareil.

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“C’est aussi une manière de promouvoir les avancées de la recherche auprès du grand public dans des domaines où il y a tout à inventer”, commente Martin Hachet, chercheur en informatique. “Grâce aux interfaces tactiles, on pourra naviguer en 3D de façon plus intuitive, en supprimant les interfaces classiques”, souligne Pascal Guitton, directeur de recherche de l’INRIA. Programmé sur trois ans, InSTinCT a reçu un financement de l’ANR**, tout comme d’autres projets qui intègrent la réalité virtuelle au domaine scientifique et culturel. SeARCH rassemble des informaticiens du laboratoire IPARLA, des archéologues d’Ausonius (Université Michel de Montaigne Bordeaux 3) et d’Alexandrie autour de la numérisation des fragments du célèbre Phare, dans l’hypothèse de les reconstruire virtuellement dans leur environnement d’origine.

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Le programme ANR CARE associe quant à lui Immersion et le Museum d’histoire naturelle de Toulouse pour numériser les pièces de ses collections et les rendre accessibles au public sous forme d’hologrammes. Autre projet, une application recréant le Bordeaux d’autrefois au gré de la déambulation du promeneur est actuellement développée par la société Axyz, spécialiste des technologies 3D, et Véronique Lespinet-Najib, enseignante-chercheur à l’ENSC (École nationale supérieure de cognitique). Grâce à la caméra d’une tablette tactile, l’utilisateur pourra voir sur son écran, en temps réel, des reconstitutions virtuelles des anciens quartiers et monuments de la ville, guidé par les personnalités ayant marqué son histoire. Le challenge est d’imaginer le fonctionnement sur le terrain dans des situations extrêmement variées et ce pour un public de 7 à 77 ans. Jean-Luc Rumeau, fondateur et dirigeant d’Axyz, est à l’initiative de ce projet inédit : “Le parcours s’élabore à partir d’un véritable scénario, combinant à la fois des indices, des énigmes, ainsi que les données réunies par les meilleurs historiens. Grâce à l’ajout du son et du mouvement, le visiteur explorera le passé pour s’approprier l’histoire de façon dynamique. La collaboration avec l’École de cognitique est capitale en terme de préconisations d’usages et de tests. Le succès d’une telle application reposant sur sa simplicité.”

* INRIA Institut National de Recherche en Informatique et Automatique **Agence Nationale de la Recherche

Le prototype Cubtile

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