Psaltopoulos + Apavou Architectes - 2012

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Sendyl APAVOU / Benjamin PSALTOPOULOS / PROJET DE FIN D’ETUDE / ECOLE NATIONALE SUPERIEURE ARCHITECTURE DE LYON / 20121


SOMMAIRE I - ANALYSE GÉOGRAPHIQUE I.I - Situation géographique et contexte ..................................................................................................................4

I.II - Djermouk .................................................................................................................................................................5

II - ANALYSE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

II.I - Thermalisme et populations ......................................................................................................................................7 II.II - Saisonnalité de l’économie ...............................................................................................................................8

III - IDENTITÉ CULTURELLE ET SAVOIR-FAIRE LOCAUX

III.I - Tradition culinaire ............................................................................................. ................................................10 III.II - Culture et utilisation des herbes médicinales ......................................................................................................10 III.II - Culture constructive .............................................................................................................................................11

IV - INTERPRÉTATION / ENJEUX / PROBLÉMATIQUE 15

IV.I - L’identité de la ville, ville thermale et ville agricole ............................................................................................12 IV.II - Territoire rural et mondialisation ...........................................................................................................................13 IV.III - La nécessité de préserver une agriculture locale .............................................................................................14 IV.iV - Economie locale et savoir-faire locaux ................................................................................................................ IV.V - Problématique ......................................................................................................................................................16

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V - KOURZAL, CENTRE DES SAVOIR-FAIRE LOCAUX DE DJERMOUK (CSLD) V.I - Programme des enseignements du CSLD ..........................................................................................................19

V.II - Procédés d’intervention et parti pris énergétique ........................................................................................... 23

V.II.I - Impact énergétique des phases de construction et de démolition ........................................................................................... 23 V.II.II - Fonctionnement énergétique du bâtiment à l’usage ...................................................................................................... 30

VI - IDENTITÉ THERMALE VI.I - Etat des lieux du patrimoine thermal architectural ........................................................................................ 37

VI.II - Pourquoi un moratoire ? .................................................................................................................................... 37 VI.III - Faire la ville sur la ville ...................................................................................................................................... 37 VI.IV - Favoriser l’interdépendance des activités à Djermouk ................................................................................ 38 VI.V - Un marché au coeur de la ville thermale ...................................................................................................... 38 VI.VI - Rôle moteur du CSLD ........................................................................................................................................ 38 VI.VII - La présence de l’eau dans la ville ................................................................................................................. 39 VI.VIII - Mise en scène du parcours de l’eau ........................................................................................................... 39

VII - IDENTITE AGRICOLE

VII.I - Particularités du modèle agricole ..................................................................................................................... 41 VII.II - Le rôle du CSLD ................................................................................................................................................. 42 VII.III - L’équilibre agro-sylvo-pastoral ...................................................................................................................... 43 VII.IV - De la haie à la trame urbaine ........................................................................................................................ 45 VII.V - Ressources énergétiques ................................................................................................................................. 51 VII.VI - Réhabiliter les logements ................................................................................................................................ 51 VI.VII - Aménager l’espace pour donner envie aux habitants de rester .............................................................. 51

BIBLIOGRAPHIE / FILMOGRAPHIE / RENCONTRES .................................................................. 52 ANNEXES ................................................................................................................................53

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I - ANALYSE GÉOGRAPHIQUE

I.I - Situation géographique et contexte

La République d’Arménie est un pays de 30 000 km² (l’équivalent de la région Rhône-Alpes) d’environ deux millions d’habitants. Située dans le Sud du Caucase, cette région très montagneuse (au-dessus de 1000 m d’altitude) possède un climat continental sec (été chaud et hiver rigoureux). Le pays n’a pas accès à l’océan et n’est parcouru par aucun cours d’eau majeur. Néanmois le lac Sevan joue un rôle de premier plan dans l’irrigation et la production d’énergie. On dénombre quatre pays frontaliers : l’Iran au Sud, la Géorgie au Nord, la Turquie à l’Ouest et l’Azerbaïdjan à l’Est. L’Arménie est actuellement en conflit avec l’Azerbaïdjan et entretien des relations difficiles avec son grand voisin ottoman. Djermouk est une ville thermale de 5000 habitants, située dans la région du Vayots Dzor, à 200 km de la capitale et à plus de 2000 mètres d’altitude.

Georgie

Azerbaidjan

EREVAN

Lac Sevan

DJERMOUK

Turquie Nakhitjevan Iran

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I.II - Djermouk

La structure de la ville de Djermouk est le résultat du passé soviétique de l’Arménie. Elle peut être décomposée en trois « morceaux » de ville : - la ville thermale au Nord - la ville ouvrière dans la plaine (à l’emplacement de l’ancien aéroport) - le village de Ketchut au Sud, bordant un grand lac artificiel (conçu pour alimenter le lac Sevan situé à 48 km). La rivière Arpa ayant au fil du temps creusé la roche, un canyon s’est formé et dessine trois plateaux distincts sur lesquels se sont développées les habitations ainsi que les équipements liés à l’activité thermale. Il en résulte une forte présence de la nature en ville, d’autant que -fait rare en Arménie- la superficie boisée est ici relativement importante. Les montagnes entourant la ville de part et d’autre ont jusqu’à présent orienté presque naturellement le développement urbain sur un axe Nord-Sud ; en outre, elles génèrent un micro-climat favorable à l’agriculture céréalière et maraichère malgré les quelques 2000 mètres d’altitude.

500m

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Paysages Ville thermale

Plaine agricole

RĂŠservoir de Ketchut

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II - ANALYSE ÉCONOMIQUE ET SOCIALE

II.I - Thermalisme et populations

La question du thermalisme à Djermouk est aujourd’hui envisagée sous l’angle du tourisme exclusivement. Seule la Galerie où jaillisent les sources d’eau chaude (aux vertus médicinales reconnues) s’adresse à la fois aux touristes et à la population locale. Pour le reste, la pratique des eaux se résume aux soins prodigués dans les sanatoriums, uniquement accessibles aux touristes des classes moyenne et supérieure arméniennes, principales cibles de ces établissements privés. Aucun équipement thermal n’est à ce jour public et donc accessible à la population locale matériellement pauvre. Cette impossibilité à jouir équitablement des vertus du thermalisme à Djermuk traduit le clivage social qui y règne entre population locale et touristes. Cette situation est particulièrement prégnante durant la période estivale où la saison touristique bat son plein. Cela se retrouve en outre dans les phénomènes de ségrégation spatiale : la ville thermale étant principalement dédiée à l’accueil des touristes, la population locale s’y rend surtout pour travailler. Plus au Sud, l’ancienne cité ouvrière est aujourd’hui encoredépourvue d’équipements ou d’activités susceptibles d’y attirer des visiteurs extérieurs. Ainsi en haute saison, la population est presque déposédée de la ville thermale.

VILLE THERMALE

JERMUK

CITE OUVRIERE

Occupation des espaces de la ville par les populations : Touristes (quartier thermal, banques, commerces)

KETCHUT

Population locale (travail, habitat, services publics, commerces) 500m

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II.II - Saisonnalité de l’économie

Le secteur touristique est dominant à Djermouk, principalement durant l’été. L’arrivée massive de visiteurs à cette période génère un nombre d’emplois important (55% du volume total), à tel point que les sanatoriums recrutent jusqu’à Erevan pour répondre au pic soudain de l’activité. Pour le reste, les travailleurs de la ville thermale sont issus principalement de la cité ouvrière et du village de Ketchout. Le zoning fonctionnel du territoire à l’époque soviétique génère un flux de migrations pendulaires des habitants dans un sens Sud>Nord. Le dynamisme du tourisme à Djermouk se répercute sur les autres secteurs d’activité (le commerce notamment), permettant l’organisation de manisfestations culturelles et sportives dans la ville. Ce rebond économique est toutefois limité dans le temps et dans l’espace ; l’hiver, le tourisme diminue et avec lui toute l’activité économique. Cela provoque un exode massif d’une population pauvre qui ne parvient pas à vivre toute une année avec les salaires accumulés pendant la saison haute (mai > octobre). Le seul secteur stable à l’année est l’industrie d’embouteillage de l’eau de Djermouk, une eau gazeuse vendue dans tout le pays et à l’étranger. Cela concerne 13% de l’emploi. L’agriculture est un cas à part à Djermouk. Elle est principalement localisée dans le village de Ketchut et dans l’ancienne cité ouvrière où 75% de la population pratique la culture et l’élevage pour subvenir à ses besoins. Seuls 20% en font commerce, même si l’agriculture constitue la ressource principale (alimentation) pour la population la plus pauvre de la ville. L’activité agricole pâtit également du froid de l’hiver, d’autant plus que la population dispose de peu de moyens et d’équipements (serres, engrais...)

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Saisonnalité de l’économie

VILLE THERMALE

VILLE THERMALE

CITE OUVRIERE

CITE OUVRIERE

KETCHUT

KETCHUT

IMPORTANCE DES SECTEURS D’ACTIViTES Tourisme Industrie Agriculture EMPLOI

500m

Attractivité du secteur touristique Attractivité du secteur industriel

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III - IDENTITE CULTURELLE ET SAVOIR-FAIRE LOCAUX Dans la perspective d’un développement économique porté par les habitants eux-mêmes, la valorisation des savoir-faire traditionnels (nationaux et locaux) constitue une voie de diversification de l’offre touristique, parallèlement au thermalisme. La richesse de la culture arménienne s’explique en partie par le développement de nombreux savoir-faire fortement ancrés au sein de population mais également menacés, hier sous l’effet de la domination soviétique, aujourd’hui par l’action de la globalisation culturelle.

III.I - Tradition culinaire

L’Arménie est riche d’une tradition culinaire bien vivante. Ainsi les produits régionaux tels que le pain lavach, préparé selon les techniques arméniennes ancestrales (cuisson au tonir), ou encore le vin de la région d’Aréni, pourraient par exemple être valorisés au sein de petites structures d’accueil tenues par les habitants euxmêmes (gîtes ruraux, maisons d’hôtes...), contribuant ainsi à maintenir les pratiques culturelles existantes (matériels et techniques déjà présents, main d’oeuvre qualifiée).

Fabrication traditionnelle du pain lavach

III.II - Culture et utilisation des herbes médicinales

L’herboristerie arménienne, à la fois savoir-faire ancestral (comme en témoignent les traités de médecine du XVIIème siècle) et pratique culturelle actuelle (en pharmacie et sur les marchés), semble avoir toute sa place dans un développement économique fondé sur le recours aux compétences des habitants. En effet, à Djermouk comme ailleurs en Arménie, on utilise communément la phytothérapie comme moyen de soigner efficacement et à moindre frais ; il s’agit d’un savoir-faire populaire que les familles cultivent et se transmettent oralement de génération en génération. Il suffit d’ailleurs de pratiquer les marchés locaux pour s’apercevoir de la diversité des plantes médicinales mises en vente.

Phytothérapie - Jour de marché à Djermouk

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Dans le cadre d’une association entre développement du thermalisme et compétences présentes sur place, il nous semble intéressant de réfléchir à la structuration d’une filière locale de phytothérapie, profitant à la fois aux établissements thermaux (diversification de l’offre), aux patients (soins), mais aussi aux producteurs qui bénéficieraient ainsi de débouchés plus larges qu’actuellement. III.III - Culture constructive La tradition constructive et architecturale arménienne repose sur l’utilisation de la pierre, dont la région du Caucase est riche. L’activité volcanique a doté le sol arménien d’une grande richesse en pierres d’origine éruptive (basalte, tuf, etc.) et sédimentaire (marbre, travertin, etc.) que l’on retrouve sur les façades des églises mais aussi des logements, des équipements... Notons qu’une connaissance pointue de ce matériaux a permis l’érection d’édifices religieux pluricentenaires qui ont su résister aux séismes, grâce notamment à un appareillage de pierre qui fait encore l’objet de recherches.

Sourp Astvatzin d’Areni Façades en tuf des logements Eglise « Sainte-Mère-de-Dieu », du centre-ville de Djermouk érigée par l’architecte Momik en 1321.

La construction en terre fait partie du patrimoine architectural arménien aujourd’hui disparu. Il nous semble opportun de faire renaître un tel savoir-faire sur un territoire où la population est matériellement pauvre et où le matériaux de base peut s’extraire facilement, partout et gratuitement. Enfin, l’architecture sans architectes constitue un élément marquant du paysage de Ketchout. Le village semble structuré par les gazoducs aériens (pour cause de forte sismicité de la région) qui longent les ruelles en terre. Les habitations, les étables, les greniers sont fait de matériaux récupérés, de tôles rouillées, de radiateurs réemployés dans les clôtures. Cette culture de la récupération participe de la qualité paysagère de ce village mais montre surtout le ressort d’une population confrontée à des conditions de vie difficiles.

Toitures « à mille poutres » : toiture en bois recouvert de terre mise en oeuvre dans l’habitat traditionnel arménien.

Autoconstruction : réemploi des matériaux à Ketchout

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IV - INTERPRÉTATION / ENJEUX / PROBLÉMATIQUE

IV.I - L’identité de la ville : ville thermale et ville agricole

Se mettant dans la position d’un visiteur novice, nous pourrions aborder la ville de Djermouk en trois étapes formant trois villes distinctes. D’une part la ville thermale, portant l’empreinte d’un aménagement à fort accent soviétique (monumentalisme, symétrie, régularité du tracé). D’autre part, en descendant vers le Sud, nous découvront les vestiges d’une cité ouvrière devenue une cité agricole. Enfin, plus au Sud encore, l’empreinte soviétique n’existe quasiment pas : Ketchut est un village agricole à lui tout seul, bâti principalement en auto-construction. La riche ville thermale, haut-lieu de villégiature de l’oligarchie russe cachant sa population ouvrière dans une cité au Sud, est devenue une ville thermale sinistrée, jointe à une ville agricole. En effet, les difficultés survenues au moment de l’effondrement de l’URSS ont amené les ouvriers du thermalisme à devenir des ouvriers de la terre, tout simplement pour se nourrir. Il s’agit d’une activité indispensable au maintien de la population à Djermouk. S’ils ne pratiquaient pas l’agriculture, les habitants restant seraient sans doute amenés à déménager pour la capitale, ainsi que 50% de la population locale depuis 1990. C’est en cela que ce résume aujourd’hui la double identité de Djermouk : ville thermale et ville agricole. Les terres cultivées représentent 260 hectares mais le territoire dispose potentiellement de 400 ha de terres cultivables, ce qui représente une surface à même d’assurer l’autonomie alimentaire à l’ensemble des habitants de Djermouk.

500m Terres cultivées à Djermouk

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IV.II - Territoire rural et mondialisation

Cette transformation de l’identité même de la ville, survenue au cours des vingt dernières années, expose les habitants à une certaine nostalgie de cette époque. Ignorer l’identité agricole, qui a émergé par nécessité, ne semble poser problème ni à la population, ni à ses dirigeants politiques. Si Djermouk redevenait la ville touristique qu’elle a été, alors tout redeviendrait comme avant : des équipements qui fonctionnent, des commerces, la possibilité de relier rapidement la capitale grâce à une piste d’aéroport... Après tout, l’arrivée de capitaux extérieurs dans une région pauvre ne peut sembler que bénéfique. Néanmoins de nombreuses régions françaises ont connu au cours des dernières décennies ce à quoi est aujourd’hui confrontée Djermouk. De nombreux villages de montagne étaient des lieux d’agriculture où les touristes venaient en petit nombre jouir des bienfaits d’une source d’eau miraculeuse, profiter de la qualité de l’air, parcourir les montagnes, avant que celles-ci ne se couvrent de stations de ski. Ces dernières ont totalement effacé l’Histoire des lieux au profit d’espaces de loisirs et de consommation. Ceux-là même furent dédiés à l’accueil de populations étrangères, servis par la population locale, elle-même descendante de générations d’éleveurs, de producteurs, d’agriculteurs, c’est-à-dire acteurs d’une économie véritablement locale. « Il faut s’interroger sur la compatibilité entre le développement du tourisme et les activités de productions locale : forêt, agriculture mais aussi industrie. […]Il faut s’interroger sur le seuil de tolérance d’une population ouvrière. Celle-ci est souvent attachée au pays par la possibilité de construire à coût relativement faible des maisons modestes. Le développement des résidences secondaires apparait comme un défi à la petite épargne. Le contact avec les urbains, (dont le niveau de dépense, aussi bien pour construire que pour consommer et se distraire, est plusieurs fois supérieur à celui de la population ouvrière locale) peut créer des réactions de rejet, en même temps que la suppression des avantages fonciers dont peut parfois bénéficier la population résidente. » Pays, Paysans, Paysages dans les Vosges du Sud, INRA, 1977. La situation de Djermouk est symptomatique de celle d’un territoire rural confronté à une mondialisation non-maîtrisée des échanges. Cette dernière s’incarne dans le tourisme de masse, entendu comme solution susceptible de sauver la ville de son marasme économique. En réalité celui-ci fait place nette, débarrasse les lieux de leur Histoire et de leurs pratiques culturelles, détourne les populations de leur savoirfaire ancestraux en créant une servitude volontaire à l’appareil consumériste, uniformise les cultures en détruisant les spécificités locales.

IV.IV - Economie locale et savoir-faire locaux

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IV.III - La nécessité de préserver une agriculture locale

L’agriculture et la question de l’autonomie alimentaire est un point primordial dans un pays comme l’Arménie, dont le territoire montagneux se situe au-dessus de 1000 mètres d’altitude. Le pays entretient également des relations délicates sinon conflictuelles avec ses grands voisins, ce qui complique les échanges avec certains d’entre-eux. Cependant l’Arménie s’ouvre à l’économie mondiale, tandis que la culture occidentale imprime toujours plus fortement sa marque à la société arménienne. De là apparait un nouveau modèle alimentaire, évidemment lié à un nouveau modèle agricole. Cette alimentation de l’abondance impose en Arménie des aliments en quantité et en qualité industrielle qui sont produits de manière intensive en Arménie ou importés. Cela modifie les habitudes alimentaires et influence les modes de consommation. Ainsi l’industrie agroalimentaire tend peu à peu à supplanter l’agriculture traditionnelle familiale enracinée, encore largement répandue il y a dix ans. Cela s’accompagne égaleent d’une rapide détérioration de la biologie des sols. L’Arménie est ainsi amenée à s’approvisionner de plus en plus à l’extérieur de ses frontières et de plus en plus loin. Or, dans un contexte de flambée des cours des produits agricoles à l’échelle mondiale, un pays émergent comme l’Arménie dispose d’une marge de manoeuvre relativement faible. On peut donc considérer que la préservation d’une agriculture saine et traditionnelle alliée à la recherche d’une autonomie alimentaire est une nécessité pour l’Arménie. D’où l’intérêt de développer l’agriculture à Djermouk. Il convient donc de proposer les aménagements qui permettront à la population de pérenniser son activité et de mener une vie agréable, afin de donner envie aux générations futures de perpétuer leur savoir-faire.

Evolution des prix alimentaires mondiaux d’après la Banque Mondiale

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C’est par la particularité de son identité territoriale que Djermouk doit susciter l’attrait. Si la population est actrice de la mise en valeur de cette identité, elle sera alors maîtresse et bénéficiaire du développement de la ville. De telles orientations sont d’ordre politique. Toutefois cela pose également la question du rôle de l’architecte face à ces enjeux. Comment le projet peut-il alors servir la cause de la revalorisation de l’économie locale ? « La soutenabilité du développement dépend de la façon dont un modèle socio-économique se révèle en mesure d’assurer la conservation et la croissance des lieux grâce à des actions capables de valoriser ou de préserver leur «typologie territoriale» et leur individualité. » Le Projet local, Alberto Magnaghi, ed. Mardaga 2003 Pour sortir de sa soumission à une ressource économique extérieur (tourisme), Djermouk doit redevenir actrice de son développement en relocalisant ses ressources. Son économie et donc le niveau de vie de ses habitants, doivent être le reflet de la créativité, du travail et de la capacité de production de la population pour subvenir à ses besoins et échanger avec les autres villes et régions. Pour cela les acteurs économiques issus de la population doivent être mesure de créer des filières locales à partir des nombreux savoir-faire et ressources de leur territoire : terres agraires, eaux chaudes thermales, eaux de source, traditions culinaires, phytothérapie, cultures constructives en pierre et en terre, autoconstruction et remploi des matériaux, etc.

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IV.V - Problématique

Comment, en tant qu’architectes, intervenir à Djermouk pour créer durablement les conditions d’un retour à une situation économique stable et ainsi, mettre fin au départ des populations ? Notre choix est celui de partir de ce qui fait le patrimoine économique et social de Djermouk, c’est-à-dire sa vie thermale, sa vie industrielle et sa vie agricole. C’est par le programme urbain et architectural que cela se traduira. Notre proposition consiste à assurer la transmission/redécouverte des compétences locales par la création du Centre des Savoir-Faire Locaux de Djermouk. A partir de ces enseignements à la fois théoriques et pratiques, c’est la population elle-même qui créera les filières locales lui permettant de pérenniser les activités de culture et d’élevage, de créer des entreprises de construction et plus largement des filières productives et enracinées. Cela créera des emplois et partcipera progressivement à l’amélioration des conditions de vie à Djermouk. D’autre part le projet portera sur l’aménagement du centre-ville thermal, avec pour objectif de redynamiser la ville par la création d’un équipement public (sources d’eaux chaudes, réaménagements ponctuels de l’espace public). Le développement parallèle d’une activité touristique maîtrisée (mise en place d’un moratoire sur la construction de places d’accueil supplémentaires en hôtels) et de filières locales -notamment agricoles- est cohérent et complémentaire. En effet, la partie thermale est le principal débouché de la production agricole non consommée par les habitants. Les filières locales constitueront, à terme, les particularités culturelles de Djermouk qui lui donneront de fait un attrait touristique. A plus long terme, c’est grâce à l’essor économique de ses filières locales que la ville sera en mesure de réhabiliter ses édifices, utiliser les ressources naturelles pour subvenir aux besoins énergétiques de la population (énergie hydroélectrique au fil de l’eau, géothermie...)

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V - KOURZAL : CENTRE DES SAVOIRS-FAIRE LOCAUX DE DJERMOUK

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Face au rouleau-compresseur culturel véhiculé par l’idéologie mondialiste, la transmission du savoir d’une génération à l’autre disparait dès lors qu’elle n’est pas sciemment organisée pour durer. Toute société doit donc apprendre à protéger son savoir pour créer des échanges équilibrés avec l’extérieur. Dans un tel contexte, le Centre des Savoirs-faire Locaux de Djermouk (CSLD) tient un rôle central dans la formation des citoyens et la création d'entreprises en mesure de promouvoir produits et techniques locaux utilisant les ressources de manière raisonnée. Le CSLD a pour but de former prioritairement les habitants de la ville à des techniques et des procédés leur permettant de répondre à leurs besoins en développant des filières locales productives. Il s’agit d’enseigner les pratiques traditionnelles enracinées ou des techniques plus récentes relevant d’une utilisation raisonnée des ressources du lieu. Les thèmes de l’enseignement du CSLD concernent le thermalisme et l’agriculture, qui sont les deux identités fortes de Djermouk, mais aussi d’autres savoir-faire ancrés dans la culture arménienne et dont la transmission pourrait être menacée. Ces thèmes sont : - la construction en terre - la construction en bois - la construction en pierre - le réemploi des matériaux - le tissage - la cuisine traditionnelle arménienne (hors les murs) - les danses traditionnelles (hors les murs) - l’agrologie - l’herboristerie - la microbiologie des sols - la culture d’herbes médicinales

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V.I - Programme des enseignements du CSLD

Le réemploi des matériaux

L’autoconstruction est très présente dans la ville, en particulier à Ketchout où de nombreux habitats sont construits en tôles recyclées, ou avec des pierres de bâtiments en ruine. Du fait de leur précarité financière, les habitants de Ketchout ont profité de la ruine des bâtiments de la ville thermale pour construire leurs habitats, leurs étables, leurs enclos... C’est un savoir-faire qui peut être généralisé à toute la ville car il permet de réaliser des constructions durables à très faible coût en matière première.

La construction en terre

Il s’agit d’une pratique constructive qui a pratiquement disparu en Arménie mais qui était très utilisée dans la région de Djermouk. Cela amène à penser que Djermouk a des sols suffisamment argileux pour permettre de construire en terre. Il s’agit d’un matériau abondant et peu coûteux également. Il apporte une réponse thermique sans doute plus intéressante que le béton, dans une région au climat rude. Il s’agit d’un savoir-faire qui avait pratiquement disparu en France et qu’un organisme comme le CRATerre parvient à faire renaître par l’enseignement à l’ENSAG et par la pratique dans les Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau. Le CSLD a vocation à faire renaître ce procédé à Djermouk, par l’enseignement à la fois pratique et théorique. La construction en bois Le bois est un matériau abondant à Djermouk mais peu abondant en Arménie. Il est donc interdit de l’exploiter. Il s’agit pourtant d’un matériau jadis très présent dans l’architecture arménienne et notamment dans les maisons, dont les toiture dite « à mille poutres » étaient en bois. On peut considérer que par le réemploi, le bois sera amené à être utilisé à Djermouk. Il est donc nécessaire d’enseigner son utilisation en tant que matériau de construction.

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Agriculture et l’agronomie

L’enseignement des techniques agricoles et des espèces locales et des sols se fait grâce à la serre et aux espaces de culture devant le Kourzal. La serre a vocation à conserver des espèces locales rares, adaptées au climat et aux sols. De ces espèces mis en culture dans le support de culture (ancienne piscine reconvertie), on extrait les graines à la fin de l’été (1). Celles-ci sont nettoyées et stockées dans les greniers en toiture, créés pour l’occasion (2). Au printemps, les semences sont mises à germer dans l’espace d’incubation (tunnel grillagé au-dessus de la piscine) (3). Les plantules sont ensuite distribuées ou échangées avec les agriculteurs , notamment les jeunes, potentiellement enclins à mettre en culture de nouvelles espèces ou à retrouver les espèces anciennes oubliées. En été, une partie de ces plantules est mise en culture en pleine terre devant le Kourzal (4). Ces expérimentations donnent lieu à des formations à des techniques agricoles, comme le «semis direct sous couvert» ou le paillage qui sont des méthodes particulièrement efficaces pour protéger les cultures des mauvaises herbes sans avoir recours aux pesticides. Un agronome est, par ailleurs, en charge de l’anciennement de ces méthodes et du suivi des exploitations des agriculteurs de la ville. Un laboratoire d’analyse micro-biologique des sols (dans la lignée du LAMS, en France) est prévu au 1er étage de la serre. On cultive notamment des plantes médicinales qui servent aux sanatoriums de la ville. Ces herbes sont mises à sécher dans les greniers (vidées des graines) en été (5).

2

5

1 : Support de mise en culture sous serre (toute l’année) 2 : Grenier (hiver) 3 : « Incubateur» (printemps) 4 : Culture en pleine terre (été) 5 : Espace de séchage des herbes médicinales (été)

3 1

4

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Croquis de l’espace de culture en pleine terre - Présentation de trois espèces céréalières adaptées au climat de Djermouk

Blé

Orge

Triticale

Clôture en plessis

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Le tissage

Le tissage est enseigné dans une salle de cours dédiée où les métiers à tisser sont installés (en complément de la pratique en atelier). Les tentures sont ensuite exposées en toiture l’été. Tendues sur les câbles, elles peuvent également servir à ombrager les étals des productions artisanales du CSLD, mais aussi semences, plants, herbes médicinales. Les tentures peuvent également être installées dans le bâtiment, le but étant que les habitants s’approprient le lieu et que le bâtiment reflète les enseignements et les travaux d’étude des étudiants. (ci-contre).

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V.II - Procédés d’intervention et parti-pris énergétique

V.II.I - Impact énergétique de la phase de PROCÉDÉ D’INTERVENTION POUR LA construction et de démolition BIBLIOTHÈQUE :

Intervention mesurée et réinterprétation des espaces : La transformation du Kourzal, centre culturel et sportif, en Kourzal, centre des savoir-faire locaux de Djermouk, s’appuie sur une destruction minimale du gros-œuvre. La seule partie détruit e est la salle de spectacle de 500 places en rez-de-chaussée, mal conservée, inadaptée au programme et trop grande même pour son propre usage compte tenu de la diminution de moitié de la population de la ville en 20 ans et de la perte de visiteurs. Le programme s’adapte à la structure existante : la piscine surélevée est transformée en support de culture pour la serre ; les gradins de la piscine sont réutilisés en espace de culture en escaliers, les gradins en béton du balcon de la salle de spectacle supporte la salle de conférence ; la piscine en toiture est transformée en ouverture zénithale pour la serre ; la cage de scène nichée audessus de la salle de spectacle devient une bibliothèque. Adaptation à l’existant : La structure originelle du Kourzal et les structures rapportées issues du projet sont dissociées. Ces dernières sont ainsi conçues comme des structures « légères », démontables (métal, bois) en appui sur le squelette de béton existant. L’intervention architecturale n’est donc pas figée et se démonte facilement : la salle de conférence est faite d’une structure métallique reposant sur la structure béton des gradins en encorbellement (ancienne salle de spectacle). Les salles de cours sont conçues comme des cloisons légères sur dalle béton existante.

EXISTANT : Cage de scène.Passerelles métalliques suspendues au dessus de la scène.

ETAPE 1: Dépose du niveau inaccessible et du lanternaux. Mise en place du plancher

ETAPE 2 : Encloisonnement des charpentes par des panneaux de béton - lumière diffuse 23


La bibliothèque

5m

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PROCÉDÉ DE TRANSFORMATION DE LA PISCINE EN SERRE

EXISTANT :

ETAPE 1 :

ETAPE 2 :

- Piscine surélevée au R+1

- Dépose de la dalle du R+1

- Installation de « l’incubateur »

- Piscine en toiture encastrée dans une trame de la charpente

- Dépose des façades

- Mise en place des ouvertures en toiture dans la trémie de l’ancienne piscine

-Dépose des murs de la piscine en toiture - Conservation de la trémie

ETAPE 3 : Mise en place de la façade

- Remise à niveau du sol en terre

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D’autre part le bâtiment est volontairement laissé « en état de non achèvement » : une fois réglés les défis techniques et d’usages du bâtiment, il nous paraît important de ne pas livrer un objet architectural en «état parfait d’achèvement». Le Kourzal est maintenu volontairement dans un état brut, où la matérialité du béton, de la pierre, du tissu, du bois, du métal ou du verre s’exprime pleinement et par contact direct. De plus, les marques d’usure et d’érosion présentes seront conservées, en cela qu’elles sont un témoin visible de l’Histoire du bâtiment au cours des vingt dernières années. En effet, il ne s’agit pas de redonner son lustre d’antan au Kourzal (ce qui reviendrait à effacer une partie de son Histoire), mais bien plutôt de rajouter une strate correspondant aux enjeux et au contexte que nous avons aujourd’hui à traiter. Enfin, l’objectif d’une telle démarche est de laisser une marge de manœuvre dans l’appropriation des lieux par les usagers. Etat des lieux en octobre 2011

Hall d’entrée du Kourzal en fonctionnement (jusqu’en 1990)

Schéma de principe d’intervention sur l’existant

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Matériaux locaux et réemploi

Les matériaux utilisés dans le Kourzal sont la pierre, le béton, la tôle rouillée et le bois issus du réemploi, du métal, des gravas des ruines du bâtiment et enfin le verre. Les pierres basaltiques (tuf, basalte, travertin) et sédimentaires (marbre) sont abondantes en Arménie. Le soubassement du bâtiment en bon état général est simplement rénové. Les pierres manquantes ou détériorées sont de provenance locales. Tous les nouveaux espaces construits dans le bâtiment sont en structure métallique recouvert d’écailles de tôles rouillées très répandues dans le village de Ketchout. Il s’agit soit de plaques de métal récupérés sur des bâtiments en ruine de la ville, soit de chutes d’usinage. Ces écailles ne seront utilisées que dans les espaces intérieurs du Kourzal pour les tenir hors d’eau, ralentir l’oxydation du fer et ainsi allonger la durée de vie des matériaux. Pour les besoins de l’enseignement des techniques agricoles en pleine terre, une partie du parc à l’avant du Kourzal devient un espace cultivé. Le bois issu du déboisement est réutilisé en façade, en remplacement des actuelles nervures de béton armé en mauvaise état de conservation. Ainsi le bois mis en oeuvre est aussi local que possible. Les gravats des ruines en toiture sont réutilisés pour réaliser les parois ajourées des greniers. Ainsi les semences stockées sont exposées au froid de l’hiver (réfrégiration) et aux vents sec de l’été (séchage).

Matériaux réemployés dans le village de Ketchut

Salle de conférence construite sur les gradins existants (ancienne salle de spectacle).

Schémas de réemploi des écailles de tôle et des treillis

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Ces greniers sur le toit sont couverts par une fine structure métallique recouverte de tôle (sans isolation) et de pierre (gravats recompactés) sur les faces latérales exposées au vent. L’hiver, le stockage des semences nécessite un espace froid et très ventilé pour empêcher la formation d’humidité. L’été, le séchages des herbes médicinale nécessite une chaleur supérieur à 36°C. Mais l’espace doit être suffisamment ventilé pour permettre un séchage moins violent que par un ensoleillement direct. Là encore le programme, le mode de construction et l’installation de la construction s’imbriquent pour créer un espace efficace et adapté à son usage, dont le coût énergétique est très faible, tant à la construction (provenance locale des matériaux et réemploi, simplicité constructive), qu’à l’usage (espace non chauffé) qu’à la démolition (structure métallique facilement démontable).

Réemploi des gravas recompactés en mur de pierre ajouré

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Participation de la population Une partie des matériaux utilisés dans le Kourzal est mise en oeuvre de manière à ce que la population puisse y participer. Hormis le béton du gros oeuvre mis à nu, les matériaux présents à l’intérieur du bâtiment reposent sur une structure métallique, recouverte d’écailles de métal oxydé récupérées ( dans la salle de conférence, les salle de cours, les locaux technique de la serre), ou de pierre ajourée (greniers en toiture). Les murets en pierres sèches à l’extérieur et les clôtures extérieures en plessis peuvent être construits par des habitants a priori non formés aux métiers de la construction. D’une part, il nous apparaît très important d’initier un intérêt dans la population pour les formations que propose le CSLD, faire en sorte que le bâtiment ne soit pas un institut hors d’atteinte mais plutôt une maison commune de la formation. Faire participer les habitants à la construction du bâtiment participe de son appropriation. La mise à nu de la structure existante est une invitation à ce que les étudiants habillent eux-mêmes le bâtiment de leurs créations. La volonté de mettre en oeuvre des ouvertures mécaniques manuelles en façade et en toiture est également un moyen de ne pas distancier le bâtiment de ses usagers. En proposant moins d’assistanat dans l’usage du bâtiment on implique davantage l’usager. Escaliers du hall d’entrée recouvert des tapis crées au sein du CSLD

Ouverture manuelle des baies vitrées de la serre

Notre projet sur le Kourzal ne nécessite pas une intervention lourde. Les matériaux utilisés sont pensés pour favoriser le réemploi (qui est un des savoir-faire enseignés dans le centre) ou bien en raison de leur provenance locale. La réinterprétation des espaces et l’adaptation à l’existant permettent d’éviter les destructions superflues. Cela réduit considérablement l’impact énergétique de la phase de construction mais également de démolition. 29


V.II.II - Fonctionnement énergétique du bâtiment à l’usage

Source d’énergie

Les sources chaudes de Djermouk offrent la possibilité de mettre en place un dispositif de chauffage géothermique. Compte tenu du coup d’une telle installation et des besoins de la population, il est plus pertinent d’envisager la construction d’une centrale géothermique capable d’alimenter au moins le centre-ville. La proximité des eaux chaudes souterraines laisse à penser que des forages profonds ne seraient pas nécessaires. Le coût d’une centrale géothermique qui alimenterait tout le centre-ville serait donc amoindri.

Chauffage des différents espaces

Les différents espaces du bâtiment sont dans des conditions de température et d’humidité différentes. En particulier le climat de la serre doit rester confiné à ce seul espace. Le maintien de la température de la serre été comme hiver est permis par l’installation d’une pompe à chaleur thermique couplée à la chaleur géothermique. L’atelier est un espace de formation pratique communiquant avec la plateforme extérieure de chargement. Ce n’est donc pas un espace chauffé. En revanche, les salle de cours, la salle de conférence et la bibliothèque sont chauffés. On peut d’ailleurs envisager de capter la chaleur issue de la serre l’hiver et de la redistribuer dans les salles de cours par exemple.

Comportement thermique des différents espaces

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Isolation L’intervention sur le Kourzal impose de mettre en place une isolation par l’intérieur. Ainsi les ponts thermique sont inévitables. Néanmoins, l’important est d’améliorer les conditions d’isolation du bâtiment par rapport à l’existant et d’offrir des conditions de rétention de la chaleur suffisantes au regard des intentions architecturales et d’usage. Compte tenu du programme en parti tourné vers l’agriculture et le réemploi, il semble cohérent de recourir à la paille comme isolant. Cette ressource est abondante de par les terres agricoles disponibles. La filière commence à peine à se professionaliser ; cela dit, la facilité de mise en oeuvre des panneaux de paille correspond bien à notre souhait d’impliquer les habitants dans l’acte de bâtir.

Isolation à la paille

Isolation par l’intérieur du bâtiment

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Intervention sur la façade

Compte tenu des problèmes d’étanchéité causés par l’accumulation de neige sur la façade inclinée et de l’état des nervures en béton armée, il parait inéluctable de déposer la façade du bâtiment. Notre intention était de conserver la volumétrie et le rythme qu’impriment les nervures à la façade. Nous songions également à intervenir sur l’inclinaison du vitrage qui cause l’accumulation de neige en hiver et donc l’alourdissement de la façade, puis la dégradation de l’étanchéité. D’autre part, il nous paraissait important que notre intervention exprime les savoir-faire enseignés à l’intérieur même du Kourzal. Nous avons donc pris le parti de réemployer en façade le bois coupé à l’avant du bâtiment.

Façade de l’entrée du Kourzal

Réemploi en façade du bois coupé dans le parc

Dégradations

Isolation en paille

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Pour porter les sections de bois en façade nous avons opteépour une solution qui s’appuie sur la structure en portique du bâtiment : les sections de bois sont tenues par des câbles de part et d’autre du bâtiment, symétriquement. Les effort sont reportés en toiture sur des poteaux métalliques repris par des longrines, en compression sur les charpentes existantes, puis sur les poteaux en béton du bâtiment. Des gerberettes fixées au niveau des nez de dalles contreventent chaque nervures.

Principe structurel de la façade : les sont reprises et réparties sur les portiques

50 cm Double-peau existante et mise-en-oeuvre

charges existant.

Détail de l’accroche de la façade et des nervures en bois

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Mise-en-oeuvre de la façade

EXISTANT

ETAPE 1 :

ETAPE 2 :

ETAPE 3 :

- Double-peau inclinée reprise entre les nervures fixées aux dalles

- Dépose de la façade

- Mise en place de la structure métallique supportant les nervures et le vitrage

- Mise en place du vitrage de la double-peau

- Arrasement des nez de dalles en retrait de 30 cm par rapport aux poteaux (ventilation dans la doublepeau)

- Mise en place des câbles

- Mise en place des nervures en bois

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FAÇADE PRINCIPALE DU KOURZAL

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VI - IDENTITE THERMALE

VI.I - Etat des lieux du patrimoine thermal architec-

Dans la perspective d’une redynamisation de l’activité, notre projet s’appuie sur le parc immobilier existant qui présente un taux d’occupation très largement inférieur à ses capacités. Il nous semble donc que la rénovation des sanatoriums aujourd’hui vétustes constitue un objectif prioritaire sur la construction de nouveaux établissements.

VI.II - Pourquoi un moratoire ?

En ce sens et dans la perspective d’une diversification des revenus de la ville, il nous parait important dans un premier temps de limiter la construction de nouveaux hôtels et sanatoriums par la mise en place d’un moratoire. La ville thermale possède un réseau d’infrastructures développées par les autorités soviétiques jusqu’en 1990 qu’il nous semble important de valoriser avant de penser le développement par l’étalement urbain.

Plan d’intervention : à réhabiliter (en noir), à rénover (en gris foncé), à préserver en l’état (gris clair)

VI.III - Faire la ville sur la ville

Ainsi nous nous positionnons en contradiction avec le projet Tigerdev retenu par les autorités politiques arméniennes, dans la mesure où celui-ci représente une fracture culturelle (absence de référence à la culture et aux savoir-faire locaux), sociale (exacerbation des clivages économiques par le développement d’un tourisme de masse) et en dernier lieu spatiale (ségrégation fonctionnelle : pôle loisirs VS quartiers de résidences VS ville thermale).

Projet de l’équipe suisse Tigerdev SA (en blanc) : lotissements pour résidences secondaires, pôle de loisirs. coupure vis-a-vis de l’existant. 37


VI.IV - Favoriser l’interdépendance des activités à

Notre projet pour la ville thermale est à reconsidérer dans la perspective plus globale d’une relation privilégiée entres les secteurs thermal et agricole. Ainsi les sanatoriums, hôtels, restaurant, petits commerces et autres maisons d’hôtes pourraient constituer différents débouchés pour l’agriculture, l’herboristerie et la phytothérapie, qui présentent des passerelles évidentes avec la pratique thermale.

VI.V - Un marché au coeur de la ville thermale

Afin de rendre visible et compréhensible les liens établis entre les différents secteurs de la vie économique à Djermouk, nous proposons de consolider l’espace de vente existant à proximité du Kourzal pour en faire un véritable marché couvert. L’occasion est ainsi donée de toucher directement les touristes en communiquant sur l’existance d’une filière locale portée par les producteurs euxmêmes.

Renforcer le rôle du marché existant au coeur de la ville thermale

VI.VI - rôle moteur du centre des savoir-faire locaux de djermouk (csld)

C’est dans ce cadre que peut se comprendre la nature du programme projeté dans le Kourzal, pensé comme un centre de formation à destination des acteurs locaux. Ainsi les agriculteurs pourraient bénéficier d’un laboratoire d’analyse microbiologique des sols à même d’offrir un retour théorique sur l’activité de la plaine agricole. De même, les sanatoriums y trouveraient une expertise en matière de phytothérapie, dans le cadre d’un partenariat avec le laboratoire d’Erevan. En bref, notre projet consiste à envisager le devenir de la ville thermale d’une manière plus globale à la problématique du thermalisme stricto sensu.

Marché couvert

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VI.VII - La présence de l’eau dans la ville

Néanmois, notre projet ne fait pas l’impasse sur la pratique des eaux thermales qui constitue un point clef de l’identité de la ville de Djermouk. Ainsi la mobilisation de fond publics en partenariat avec le Ministère de la Santé permettra la création de thermes (gratuits pour la population locale) ayant à la fois pour vocation d’enrichir le patrimoine architectural thermal arménien, renforcer le secteur thermal et l’attractivité des sanatoriums en offrant aux touristes une raison de faire le déplacement jusqu’à Djermouk. Mise en scène de la présence de l’eau dans la ville

VI.VIII - Mise en scène du parcours de l’eau

Les thermes marquent ainsi le point de départ d’un parcours de l’eau dans la ville. Celui-ci est matérialisé par un canal formant successivement bassins, jets d’eau, lavoir, avant de retrouver le cours naturel de la rivière Arpa. L’objectif est d’une part de renforcer la présence (sonore, visuelle) de l’eau comme symbole de l’Histoire des lieux. D’autre part, le chemin d’eau l’occasion d’intervenir sur l’espace public, à travers des requalifications ponctuelles aux endroits qui nous ont paru tenir un rôle stratégie (articulations entre des tissus urbains de nature différente ; coeur d’ilôts ; artère principale). Les thermes créés à l’emplacement des sources d’eau chaude

Les thermes : réinterprétation du système constructif traditionnel arménien de la charpente « à mille poutres ».

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Le rôle de l’eau dans la mise en forme de l’espace public : bassins et canaux sur la place de l’école

Apporter de la fraîcheur à un espace relativement minéral Redéfinir le gabarit de la rue principale du centre-ville

Usages en coeur d’îlot : lavoir à tapis et jeux d’eau en cascade

Soin apporté au dessin du canal : séparation et conduite des eaux de ruissellement parallèlement au canal

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VII - IDENTITÉ AGRICOLE

VII.I - Particularités du modèle agricole :

La plaine agricole présente un développement particulier : les cultures sont plantées aux pieds des habitats, qu’il s’agisse des immeubles de la cité ouvrière ou des maisons individuelles auto-construites de Ketchut. De petites étables abritent les animaux entre les habitats et les cultures. Cette proximité entre habitat, zone d’élevage et zone de culture se retrouve dans d’autres régions du monde. Hassan Fathy l’explique par l’importance que prend la préservation des cultures et des animaux dans une région ou la survie de la population dépend des produits qu’elle tire de la terre qu’elle cultive et des animaux qu’elle soigne. Cette proximité établit un équilibre entre les trois entités : les animaux labourent la terre, leurs excréments la nourrissent et les constructions abritent les champs des vents. Notre intervention sur la plaine agricole consiste à pérenniser l’activité agricole tout en préservant l’équilibre créé jusqu’à présent. La démarche consiste à poser les jalons du futur développement de cette partie de la ville.

Voiries existantes

Détournement de la voie par l’ancienne piste d’aéroport

CITÉ OUVRIÈRE R+6 ( EXISTANT )

HABITAT GROUPÉ R+2 ( A CRÉER )

TERRE AGRICOLES

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VII.II - Le rôle du CSLD :

Le CSLD a pour but tout d’abord de former la population à des méthodes de culture raisonnée et pérenne, grâce à un enseignement pratique et théorique : rotation des cultures, méthodes de semis sous couvert, paillage, utilisation du bois raméal fragmenté, équilibre agro-sylvo-pastoral, etc. Pour cela des espaces de cultures en pleine terre ont été aménagés à l’avant du bâtiment dans le parc. L’établissement dispose également d’une serre et d’espace d’enseignement. Deuxièmement la serre a pour but de fournir aux jeunes agriculteurs Les premières semences d’espèces susceptibles de bien s’implanter dans l’écosystème locale. Des graines sont récoltées à la fin de l’été à partir des espèces cultivées dans la serre, l’hiver les semences sont stockées puis semées au printemps. Les plantules sont échangées ou distribuées au début de l’été suivant. Enfin grâce au laboratoire de microbiologie des sols mise en place dans la CSLD les agriculteurs dispose en permanence d’un suivi de leur terre et de sa santé. Cela leur permet d’adapter leur culture à l’état de la terre pour en obtenir naturellement des aliments de bonne qualité et quantités suffisante. Un tel service nécessite la présence d’un agrologue spécialisé en microbiologie des sols. Il s’agit d’un suivi auquel avaient droit des agriculteurs de chaque région de France avant que l’agriculture industrielle ne prenne place.

Plaine agricole - entrée de ville 42


VII.III - L’équilibre agro-sylvo-pastoral pour le développement d’une agriculture saine :

Le choix d’une agriculture saine se base forcément sur le rétablissemnt de l’équilibre agro-sylvo-pastoral, c’est-à-dire sur une proximité entre la forêt, les terres cultivées et l’élevage. Pour mécaniser les récoltes la tendance a longtemps été aux campagnes de remembrement pour créer de vastes plaines sur lesquelles on procède à de l’épandage massif et à du labour profond avant les récoltes au tracteur. On s’est rendu compte, notamment grâce au travaux de Claude et Lydia Bourguignon, en France, que les terres cultivées avaient besoin de la protection, de la capacité de drainage et aussi du bois et de l’humus des arbres pour se développer. Les terres cultivées ont également besoin d’être travailler en superficie par les piétinement des animaux et nourris de leurs excréments. C’est l’équilibre agro-sylvo-pastoral. Dans la cité ouvrière et à ketchut l’élevage n’est pas séparé des zones de culture. En revanche, la plaines et très peu boisée et très exposée au vent ce qui nuit considérablement au développement des zones de culture. Notre intervention repose donc sur la mise en place d’une trame pour y installer les haies, condition sinequanone du développement agricole.

HAIES

ÉLEVAGE

CULTURES

Equilibre agro-sylvo-pastoral 43


Le rôle des haies dans l’écosystème agricole

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VII.IV - De la haie à la trame urbaine

A partir des sentiers et des chemins existants, les haies sont installées en bordure de chemins. Elle délimite des parcelles sur lesquelles on élève et on cultive. En 10 ans un système de haies porte ses fruits et permet d’obtenir des rendements agricoles intéressants pour chaque agriculteur. A Djermouk les 400 ha de terres cultivables pour assurer l’autonomie alimentaire des 5000 habitants peuvent être atteint. Ces haies dessinent également la trame dans laquelle peuvent s’inscrire les futurs équipements (étables, fumières, semencier, unités de chauffage au fumier, etc.) et les futurs logements à proximité des cultures et des animaux selon le même équilibre qu’actuellement. Une zone prioritaire de construction est prévu reliant Ketchut au Nord de la plaine agricole en passant par l’ancienne piste d’aéroport. En effet cette piste constitue une surface non négligeable de terres non cultivables. Il parait donc évident de privilégier l’installation de nouvelles constructions sur cette plateforme plutôt que sur des terre agraires.

Point de départ de la trame des haies - les sentiers existants 45


Chronologie de la mise en place des haies

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Densification des haies (5 Ă 10 ans)

Mise en place des haies

Mise en place des parcelles agricoles


ELEVAGE ET CULTURES SUR LES PARCELLES

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Cultures céréalières

Vergers

Pâturages


A plus long terme : Installation sur la piste d’aéroport des activités liées au développement de filières locales + habitats

Première étape : Installation des constructions en lien avec l’activité agricole

De Ketchut à la ville thermale, en passant par la piste d’aéroport de la plaine agricole

Surfaces autorisées à la construction

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3 - TRAME URBAINE

2 - DÉVELOPPEMENT DU BOCAGE

1 - CONSOLIDATION DES SENTIERS PLANTATION DES HAIES


Projection de la plaine agricole Ă 10 ans

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VII.V - Ressources énergétiques

L’activité agricole génère des ressources énergétiques pour la population. En effet des petites unités de chauffage au fumier peuvent être installées : elles fonctionnent très efficacement et à moindre coût grâce à la méthanisation issue de la fermentation du fumier. D’autre part le bois des haies produits du bois de chauffe récupérable à l’automne . On noté également l’utilisation des étables comme source de chaleur au rez-de-chaussée des logements à Ketchut. La paille du grenier en toiture fait office d’isolant. Il s’agit d’un type d’aménagement efficace assez répandue dans le monde agricole.

VII.VI - Réhabiliter les logements

Étables au rez-de-chaussée des habitats à Ketchout

La réhabilitation des logements est une priorité à Djermouk et en particulier dans la partie agricole. Pour que cela profite totalement aux habitants, il faut que la réhabilitation se fasse par la population locale et selon les savoir-faire locaux (pierre ou terre). Cela poserait la première pierre du développement d’une filière locale de construction grâce à des habitants formés au CSLD, acteurs de la reconstruction de leur ville. Le chauffage est un manque important qui cause les départs des habitants en hiver. La partie agricole dispose d’une ressource gratuite très efficace, le fumier. La population formée à cette technique au CSLD construirait des fumières et des petites unités de chauffage collectif au fumier, ce qui apporterait un chauffage gratuit à toute la population de cette partie de la ville.

VII.VII - Aménager l’espace pour donner envie aux habitants de rester

Créer des lieux de vie, marché aux bêtes, places qui maintiennent un lien social entre les habitants, tissent un lien social entre les habitants, amènent les échanges avec les villes voisines à se développer et conduisent des gens à s’installer dans la partie agricole de la ville. Néanmoins le bon fonctionnement de ces lieux de vie est conditionné par pérennisation dans le temps de l’activité économique grâce aux filières locales issues du CSLD. Créer des lieux de vie ne peut donc pas être une prérogative mais bien la conséquence d’une activité retrouvée qui justifie les aménagements à créer.

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Bibliographie

Rencontres :

MAGNAGHI Alberto, 2003, Le projet local, éd. Mardaga, coll. Architecture + Recherches

BOURGUIGNON Emmanuel : agronome du Laboratoire d’Analyse en Microbiologie des Sols, Dijon

STIEGLER Bernard, « Ressocialiser la technique », in Architecture d’Aujourd’hui, n°389, mai - juin 2012

GUILLET Dominique : agronome et président de Kokopelli, association d’échange de graines naturelles

FATHY Hassan, 1969, Construire avec le peuple, Acte Sud

MOREL Philippe : chercheur en agronomie à l’INRA (Angers)

SORAL Alain, 2011, Comprendre l’Empire, ed. Blanche

BOURNIGAULT Renan : cueilleur d’herbes médicinales en Lozère pour l’industrie pharmaceutique

SOLTNER Dominique, 1973, L’Arbre et la Haies Pays, Paysans, Paysages dans les Vosges du Sud, INRA

MATTHIEU Caroline : agronome conseil auprès des agriculteurs en région PACA

Claude et Lydia Bourguignon, Le Sol, la Terre et les Champs, 2008, ed. Sang de la Terre

Filmographie Solutions locales pour un désordre global, Coline Serreau Le Monde selon Monsanto, Marie Monique Robin L’Adieu au steack Voyage entre Sol et Terre, avec Claude et Lydia Bourguignon, France 3 La création de la coopérative FAGOR

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Annexes RDC 1:500

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Annexes R+1 1:500

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Annexes R+2 1:500

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Annexes Toiture 1:500

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