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Ces Belges d’ailleurs

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Nathalie Deboel

Nathalie Deboel

L’AUBERGE ESPAGNOLE

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Catherine Hunter et Daniel Beauvois

Ils ont fait le tour du monde avant de jeter l’ancre à Gaucin, l’un de ces fameux villages blancs qui constellent l’arrière-pays andalou. Pour y reprendre un ravissant petit hôtel de charme subtilement décoré, entre autres, par les œuvres en céramique hautes en couleur de la maîtresse des lieux.

MOTS : PHILIPPE BERKENBAUM

PHOTOS : FRUCTUOSA

Baptisée Las Aves (« les oiseaux ») en hommage à l’incroyable diversité aviaire qui enchante le ciel et la nature environnante, la chambre jouit d’une vue époustouflante. A l’avant-plan les toits rouge brique du village endormi. Puis les collines verdoyantes qui moutonnent gentiment jusqu’à la Méditerranée, dont on distingue le bleu profond à quelques dizaines de kilomètres à vol d’aigle – ceux-ci pullulent dans la région. Dans l’axe, un rocher aussi nu qu’isolé domine le littoral, celui de Gibraltar. Et au-delà, on aperçoit les côtes déchiquetées du Maroc, accessible de l’autre côté du détroit.

Pour Catherine Hunter et Daniel Beauvois, l’appel du large a toujours été le plus fort. Au propre comme au figuré. Le couple d’origine anversoise a passé une grande partie de son existence en quête d’un port d’attache où jeter l’ancre sinon une fois pour toutes, au moins pour une escale. Ils l’ont peut-être trouvé dans les montagnes de l’arrière-pays andalou, à Gaucin précisément. L’un de ces mythiques « pueblos blancos » où ils ont ouvert un petit hôtel de charme au doux nom de La Fructuosa – pas besoin de traduire, si ? A une heure de Malaga, assez loin des paradis artificiels de la Costa del Sol pour ne pas souffrir de son tourisme de masse… mais assez près pour en attirer la crème – ou au moins les voyageurs les plus curieux des innombrables richesses naturelles de la région.

Tour du monde à la voile

Longtemps, le couple et ses deux enfants ont sillonné l’Europe. Paris, Genève, Munich, Londres… Formée à Saint-Luc, Catherine était illustratrice et dessinait des

Leurs adresses secrètes

1. L’atelier de Paul et Dawn

Paul a acheté de vieux métiers à tisser la laine datant de la fin du 19e siècle au nord de l’Angleterre, les a démontés il y a 30 ans et expédiés en Andalousie pour les remonter au fond de la vallée du Genal. Là, sa femme et lui tissent de belles couvertures, des châles et des foulards alliant couleur et chaleur. www.lanasdelrio.com

2. Bar Allioli à Jimera de Libar

Un autre Paul, un autre Anglais également un peu déjanté mais tellement sympathique. Ce Paul-là a deux passions : les bières belges et le rock-and-roll. Que demander de plus que de boire des bières de chez nous en écoutant de la musique live ?

3. Gaugin

Ce troisième Paul est Belge et moins déjanté, mais possède une merveilleuse propriété dans la vallée du Genal. Il y cultive les agrumes et les herbes aromatiques avec lesquels il distille de merveilleuses variétés de gin. www.gintonicstore.be

livres pour la jeunesse. Daniel, lui, était un touche-àtout stakhanoviste passé de l’informatique à la vente des retransmissions d’événements sportifs, dont les plus grandes compétitions de foot. Il passait sa vie dans les avions, la gagnait royalement mais voyait peu les siens, admet-il. Jusqu’à ce jour de 2001 où, dégât collatéral de l’explosion de la bulle internet, son employeur a déposé le bilan. Et l’a laissé sur le carreau…

Catherine, pendant ce temps, s’était découvert une nouvelle passion en parfaite autodidacte : la céramique. Elle s’était inventé un style, un univers tout en rondeurs et couleurs émaillées, et avait notamment façonné des poules qui, très vite, ont connu un succès planétaire. « On s’était associé avec une faïencerie française pour les produire en série, on en vendait jusqu’à 2500 par mois », se souvient-elle. Mais Daniel a perdu son boulot, il lui fallait un nouveau challenge. Le business céramico-avicole pouvait tourner sans eux, ils allaient lever l’ancre… pour un tour du monde en bateau. « On voulait changer de vie, nous retrouver après ces années chaotiques », évoquent-ils ensemble.

Ainsi ont-ils acheté un catamaran, appris à naviguer et largué les amarres pour un périple de près de 3 ans, des Sables-d’Olonne à l’Australie en passant par… Gibraltar déjà, les îles de l’Atlantique, des Caraïbes, le Venezuela, le canal de Panama, les Galápagos, la Polynésie, les îles du Pacifique… « Nous restions souvent plusieurs semaines au même endroit pour visiter le pays. Ce fut une aventure extraordinaire qui nous a offert de magnifiques rencontres. » Dont il leur reste un journal de bord publié sous forme de livres illustrés, qu’on ne se lasse pas de feuilleter, des rêves plein les yeux.

Villages blancs en couleurs

Est-ce le mal du pays qui a mis fin à l’aventure ? Ou cette tempête violente aux Antipodes qui hante toujours les souvenirs de Catherine ? Toujours est-il que notre couple d’aventuriers, qui avait entretemps vendu sa villa brabançonne, a posé ses valises à Bruxelles pour se lancer dans un nouveau projet. « On est tombé sur une maison unique à l’angle de la rue du Chêne et de la Vieille Halle aux Blés. » Face au musée Jacques Brel, clin d’œil aux Marquises où les trois ont navigué à quelques décennies d’intervalle…

C’est l’un des rares bâtiments (re)construits juste après le bombardement de la ville par les Français en 1695. Délabré depuis des lustres après avoir abrité une galerie d’art liée au mouvement Cobra. Chambres d’hôtes à l’étage, boutique et atelier au rez, l’affaire tourne à merveille. Dix ans. Jusqu’à ce que surviennent deux catastrophes : le piétonnier et les attentats, qui chassent les visiteurs du centre-ville. La fréquentation baisse, le public change, l’heure d’un nouveau départ a sonné. Pas celle de la retraite : le couple renonce à se retirer dans l’adorable moulin qu’il a acquis au fond de la Provence.

Hôtel à vendre en Andalousie… C’est une petite annonce qui fixe le nouveau cap. Coup de foudre. Idéalement situé au cœur d’un ravissant village blanc, doté d’une vue à couper le souffle, d’une terrasse ombragée, le bâtiment a toujours abrité des auberges et dissimule un vieux pressoir à raisin dans la pièce voûtée qui lui sert de restaurant. Deux ans de travaux titanesques seront tout de même nécessaires pour lui donner son lustre actuel et permettre à Catherine de personnaliser le décor de chaque chambre. Ses céramiques ont trouvé un nouvel écrin et son atelier-boutique a pignon sur rue.

Gaucin a la particularité d’accueillir de nombreux artistes de toutes nationalités et organise chaque année un parcours artistique. Une base idéale pour sillonner la région des villages blancs et les mythiques cités voisines de Ronda, Grenade, Séville ou Cordoue. Ou pour pousser jusqu’à Tarifa, ce petit port espagnol aux accents mauresques posé face à Tanger, connu pour marquer la fusion entre les eaux atlantiques et méditerranéennes – et réputé pour ses vents assez puissants pour attirer les kite-surfeurs du monde entier. Qui se retrouvent le soir aux terrasses de la médina pour le refaire, le monde. Autour de grandes tablées de tapas copieusement arrosés.

www.lafructuosa.com

Des piscines sur mesure couplée à l’aménagement des abords. Le all-in, la formule gagnante !

Rue Grand’Rue 37 - 1341 Céroux 0475/56.19.54 - 0474/63.20.63 piscines@frereau.be

Olivier Dwek

de l’architecture… à l’art

Alors que sa première monographie internationale Olivier Dwek in the light of modernity, publiée aux éditions Rizzoli New York, vient de sortir, l’architecte bruxellois évoque son intérêt pour les lieux culturels, sa passion pour le mobilier design du cœur du XXe siècle, pour l’art contemporain…

MOTS : AGNÈS ZAMBONI

Page suivante : Superposition des façades du musée Horta, maison et atelier de l’architecte éponyme, inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2000 et de la façade de la Collection New Hope, dessinée par Olivier Dwek. © Philippe Garcia

Dans cet ouvrage, les réalisations sélectionnées sont éclairées par les écrits de Philip Jodidio, reconnu comme l’un des auteurs les plus importants dans le domaine de l’architecture. La première image, accompagnant son texte d’introduction, est celle de la façade de la boutique Louis Vuitton à Bruxelles, un bâtiment néo-classique du XIXe siècle, dont Olivier Dwek a entièrement redessiné l’intérieur. Alors jeune architecte de 28 ans, il se frotte déjà aux codes du luxe. Et aux côtés de maisons de rêve comme la Silver House, réinterprétant l’architecture vernaculaire hellénique, en blanc et bleu, 30 % de sa production architecturale correspond à des fondations d’art : ce n’est pas un hasard ! Enfin, passons aux questions… car la culture, c’est essentiel !

Quelle architecture défendez-vous ?

Celle de l’intemporalité. L’architecture n’est pas un geste gratuit condamné à disparaître. Chaque coup de crayon, chaque acte a un sens. Le dialogue avec les éléments, la nature est très important. Lorsque je regarde les photos de la Silver House, je suis satisfait car aujourd’hui, après 15 ans, j’aurai fait la même chose. En cela, l’architecture se rapproche de la philosophie. Dans le terme de « luxe sobre », je me reconnais. Le mur impressionnant de 42 m2, en marbre vert italien, dans l’espace de la Collection New Hope, c’est du luxe pur, de la haute couture. Travaillé à livre ouvert, le joint de la pierre est invisible. Son dessin rappelle une cascade…

Et concernant les lieux dédiés à l’art ?

Ayant étudié l’histoire de l’art, toutes mes passions se rejoignent en dessinant des fondations. Mon modèle, c’est la Fondation Beyeler imaginée par Renzo Piano. Il a tout compris et en particulier que la meilleure lumière du monde pour éclairer une œuvre, c’est la lumière naturelle. Ce maître a su parfaitement la filtrer et la maîtriser. Tel un magicien, son travail magnifie les œuvres. Légères, elles flottent dans l’espace. L’architecture doit être au service de l’art et non l’inverse. Il faut bien sentir la distance, la hauteur, la profondeur de chaque œuvre, travailler les angles qui permettent de faire dialoguer entre elles les différentes pièces présentées.

Quelles autres particularités pour ce type d’espace ?

L’espace doit être aussi modulable pour accueillir différents types d’œuvres, du mobilier, des objets… On doit anticiper les potentialités d’un espace d’exposition pour lui assurer une longue vie. Je me démarque complètement de la démarche de Frank Gehry, de son trait très puissant. Pour la Fondation CAB, située dans un ancien bâtiment art déco des années 1930, j’ai créé un espace ouvert et polyvalent. Il faut y aller pour comprendre !

Et pour la Collection New Hope ?

J’ai conçu ce lieu en dialogue direct avec le musée Victor Horta pour qu’il garde une vue sur son parc, comme à l’époque de sa construction. Côté jardin, j’ai réinterprété et actualisé les gestes de l’architecte en jouant la même symphonie, avec les instruments de mon temps. Aux lignes souples Art nouveau de sa façade répondent les traits modernistes, lignes verticales, horizontales et obliques des années 2020. A l’intérieur, l’espace a été entièrement redessiné tout en conservant la volumétrie existante.

Architecte, architecte d’intérieur, curateur… pourquoi assurer toutes ces fonctions ?

Architecte d’intérieur ? C’est un drôle de nom. Tout doit être pensé en continuité avec le bâtiment pour effacer les frontières entre l’extérieur et l’intérieur. Le geste est le même, c’est juste une question d’échelle. Je conçois mon travail comme une maîtrise complète pour faire dialoguer tous les éléments. Mon intérêt se porte aussi spontanément sur les objets tridimensionnels, le mobilier et les objets. Au début du XXe siècle, alors que les métiers d’architectes d’intérieur et de designers n’existaient pas, les architectes dessinaient non seulement le bâtiment mais aussi les poignées de porte et jusqu’à la petite cuillère. Ils étaient des ensembliers.

« Il faut un certain recul pour réussir à sélectionner ce qui n’est pas que de la décoration. »

Collection New Hope © Philippe Garcia

Collection New Hope (Courtesy Collection Charles Riva) © Philippe Garcia Résidence privée Les Etangs d’Ixelles © Belén Imaz

Comment faire de bons choix?

Dans le domaine de l’art, ma connaissance s’allie à un certain flair pour choisir ce qui, je pense, va rester, ce qui relève de l’universel. C’est à la fois un jeu et une prophétie. Regardez l’artiste Richard Prince, avec son image de cowboy “volée” à Malboro, il y a moins de 20 ans, il a imaginé le monde d’Instagram et de Facebook. Côté design, je suis particulièrement attiré par le mobilier des années 1930 aux années 1970. Mon plaisir de la sélection s’attache aussi dans le choix de pièces de céramique, avec une prédilection pour les années 1950 et les artistes français comme Georges Jouve. Cet artiste e a commencé à créer des pièces figuratives pour aller ensuite après une période de transition vers l’abstraction.

« Les grandes œuvres d’art posent des questions mais ne donnent pas de réponses. »

www.olivierdwek.com

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