Couverture : L’auteur, avec le personnel du commissariat de Laghouat en 1952.
Roger Le Doussal
Directeur de l’Inspection Générale de la Police Nationale en 1989, Roger Le Doussal a été de 1952 à 1962 commissaire des Renseignements Généraux en Algérie. Arrivant de métropole à Laghouat puis Bou-Saada, comment a-til découvert que la France républicaine menait dans ses départements d’Algérie une politique coloniale ? Comment, à partir de 1954, a-t-il vécu le terrorisme FLN et ses horreurs, puis la répression et ses excès ? Quelle impression a-t-il gardé des Aurès et de Benboulaid, le chef historique qu’il a interrogé à Tunis ? Comment, à Bône puis à Alger, a-t-il ressenti le chaotique passage de la souveraineté intransigeante exercée par la IVe République au retrait total mené par la Ve République ? Comment a-t-il réagi au terrorisme de l’OAS, qui a tué autant de commissaires que le FLN ? C’est à ces questions et à bien d’autres que Roger Le Doussal s’est efforcé de répondre en rassemblant ses souvenirs et en les étayant chaque fois que possible sur la lecture aux Archives Nationales de rapports qu’il a lui-même écrits il y a 50 ans. « Les grenouilles dans leur puits ne voient qu’un coin du ciel ». Ce livre n’est donc qu’un témoignage. Mais, comme aucune monographie historique sérieuse n’a encore été faite ni sur la police française en Algérie ni sur le terrorisme urbain (ailleurs qu’à Alger), il apporte aussi, sur ces deux sujets, des précisions nouvelles. Et il aide à comprendre qu’au sein de ce qui s’est progressivement imposé comme la guerre d’indépendance d’un État nouveau, il y a eu plusieurs guerres civiles entrelacées. Avec, en filigrane, le conflit de deux conceptions de l’organisation politique d’une société, celle où chaque individu s’intègre à un État démocratique laïc et celle où prédomine son allégeance communautaire et religieuse. Ce conflit, porteur de djihad, n’est-il pas toujours actuel ?
Commissaire de police en Algérie (1952-1962)
Commissaire de police en Algérie (1952-1962)
Roger Le Doussal
Commissaire de police en Algérie (1952-1962) Une grenouille dans son puits ne voit qu’un coin du ciel
Prix 30 € ISBN : 978-2-36013-043-6 Riveneuve éditions 75, rue Gergovie 75014 Paris www.riveneuve.com
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Dédicaces À Maurice Boyer, Camille Cayol, Mohamed Chenine, René Fredy, Roger Gavoury, Alexis Goldenberg, René Joubert, Marc Jorandon, Bernard Levet, Mohamed Mellouk, Mohamed Ouamri, Jean Sammarcelli et Maurice Vergnes, mes collègues commissaires de police, assassinés par des terroristes FLN ou OAS, et pour lesquels il n’est aujourd’hui plus politiquement correct de réclamer l’exercice du devoir de mémoire. À Samuel Azoulay, première victime du 1er novembre 1954 et victime-symbole des ignorés de l’Histoire. À S… Belkacem, militant messaliste qui crut à une Algérie indépendante mais démocratique et laïque et qui en est mort. À toutes les victimes, européennes et musulmanes, françaises et algériennes, d’une guerre qui n’aurait pas dû avoir lieu et qui fut inutilement longue et cruelle. À toutes les victimes, européennes et musulmanes, françaises et algériennes, d’une décolonisation ratée et d’une paix qui n’en fut pas vraiment une. À toutes les mémoires anonymes, françaises et algériennes, trop souvent enterrées au bulldozer par une Histoire manichéenne.
ISBN : 978-2-36013-043-6 © Riveneuve éditions, 2011 75, rue de Gergovie 75014 Paris
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Remerciements
Les opinions ça et là formulées dans ce livre de mémoire me sont évidemment personnelles. Elles ne sauraient engager les personnes citées ci-dessous, ni même préjuger de leurs propres opinions. Ce travail a nécessité 5 ans de recherches en archives, notamment aux ANOM d’Aix-en-Provence où M. André Brochier, conservateur en chef, m’a fait bénéficier des ses conseils éclairés et de son aide active. Je suis heureux d’être, au fil des ans, devenu son ami. Ma reconnaissance va également à tous ceux qui ont conforté mes souvenirs, en me fournissant leurs témoignages ou en me permettant d’accéder à une documentation qui éclaire leur contexte historique. Je pense notamment - au préfet Jean Vaujour (décédé en 2010), qui m’a ouvert son fonds privé et qui reste pour moi un modèle de déontologie républicaine ; - au commissaire Simon Allouche, avec qui j’ai tant et si longtemps partagé ; - à Madame Jeannine Verdès-Leroux, directeur de recherches au CNRS ; - au colonel Pierre Leclerc, ancien des GMS (décédé en 2010) ; - au professeur Jean-Pierre Peyroulou ; - et à M. Ronald Portemont, de la Direction du Personnel de la Police Nationale. J’ai été très sensible aux encouragements que m’ont adressés plusieurs éminents historiens. Bien sûr Madame Georgette Elgey, spécialiste de l’Histoire de la IVème République, mais aussi les professeurs Maurice Vaïsse et Guy Pervillé, spécialistes de l’Histoire de la guerre d’Algérie, et le professeur JeanMarc Berlière, spécialiste de l’Histoire de la Police. Que soient également remerciés les collègues, parents et amis qui – à Paris, Marseille, Château-Landon, Lausanne, Montréal et ailleurs – m’ont aidé de 5
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leurs avis et de leurs corrections. Et c’est à mon épouse, Viviane, que je dois d’avoir pu mener à bien ma tâche : sans son tendre et patient dévouement, je n’y serais sans doute pas parvenu. Grace à l’accueil plein de compréhension que m’a réservé M. Alain Jauson, directeur des éditions Riveneuve, ce travail est devenu un livre. Une de ses ambitions est d’aider à situer, à partir de faits et non de représentations, ce que fut le rôle de la police française en Algérie entre 1952 et 1962. Il se conclut par le souhait que, après 50 ans d’indifférence, le Ministère de l’Intérieur manifeste enfin sa reconnaissance aux policiers qui, en métropole et en Algérie, ont été tués en accomplissant le devoir que leur avaient alors fixé la Nation et la République. Mes remerciements vont donc à ceux qui, notamment à l’Association des Hauts Fonctionnaires de la Police Nationale et à la Société Française d’Histoire de la Police, se sont d’ores et déjà associés à ce vœu.
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Une lecture nécessaire
Entré en 1952 dans la police « par nécessité » et s’étant « par hasard retrouvé, dix années durant, en Algérie », Roger le Doussal, en 1989, à la fin de sa carrière, est directeur de l’Inspection générale de la police nationale. Né en Bretagne, petit-fils de grands-parents qui parlent breton, fils d’un ajusteur, son parcours est une parfaite illustration de la promotion républicaine dans ce qu’elle a de meilleur. Et voici que, parmi les milliers d’ouvrages sur la guerre d’Algérie 1, il nous donne, avec Commissaire de police en Algérie, 1952-1962, un livre passionnant qui n’entre dans aucune catégorie. Contrairement à ce qu’il affirme, ce n’est pas un simple témoignage. C’est aussi une étude historique fouillée, avec, sur bien des points, un dépouillement quasi-exhaustif des sources accessibles. C’est assurément un travail objectif, mais c’est aussi, souvent, une prise de position personnelle. Qu’on la partage ou non, on ne peut que reconnaître le talent d’écriture mis à son service. Témoin, historien, écrivain, Roger Le Doussal assume pleinement ces trois rôles. Et je ne saurais trop recommander à tous ceux que la guerre d’Algérie intéresse de se plonger dans Commissaire de police en Algérie, 1952-1962. Cette lecture met à mal bien des idées reçues.
Georgette Elgey2
1. Au catalogue de la B.N.F., figurent 1 261 ouvrages imprimés ayant trait à la guerre d’Algérie. Et, dans son Dictionnaire des livres de la guerre d’Algérie, publié en 1996, Benjamin Stora recense 2 130 titres. 2. Madame Georgette Elgey est présidente du Conseil supérieur des Archives et auteur chez Fayard d’une Histoire de la IVème République dont les cinq tomes parus font autorité ; le sixième et dernier tome est prévu en octobre.
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1 Témoigner : Pourquoi ? Comment ? Pour qui ?
« Les grenouilles dans leur puits ne voient qu’un coin du ciel » (Esope)
Un besoin tardif J’ai quitté la police en 1989, comme directeur de l’Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN). J’y étais entré en 1952 comme commissaire, affecté dans ce qui était alors l’Algérie française et que les historiens appellent maintenant l’Algérie coloniale. Refusant d’être de ceux qui, comme le dit Druon, « piétinent dans leurs souvenirs en se donnant importance d’avoir pris part à des évènements qui n’en ont plus », je n’avais jamais eu l’intention d’écrire le récit de ces 37 ans de carrière lorsque, 15 ans après mon départ à la retraite, deux incidents m’ont amené à estimer, qu’en ce qui concerne les 10 ans que j’ai passés en Algérie, je devais le faire. Le premier a été la lecture en avril 2004 de l’article d’un historien1. À tort ou à raison, je l’ai ressenti comme déconsidérant tous ceux qui ont servi dans la police française en Algérie. Il leur prête un comportement « sans aucune déontologie » et, faisant abstraction de leur loyalisme républicain, il ramène leur activité à celle d’un engagement pour le « maintien de l’ordre colonial ». Il se trouve que j’ai été entre 1952 et 1962 un de ces policiers que la République envoyait en Algérie et que je n’ai pas reconnu mon vécu 1. Jean-Pierre Peyroulou : « Rétablir et maintenir l’ordre colonial: la police française et les Algériens en Algérie française de 1945 à 1962 » (33 pages) dans La guerre d’Algérie1954/2004 – la fin de l’amnésie, Robert Laffont 2004. Cet ouvrage a été réédité en 2005 et 2009 chez Hachette.
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quotidien dans son tableau effrayant d’une police raciste, politisée, partisane, affidée 2, ignorante de la loi, pratiquant systématiquement la torture et, de surcroît, inefficace. C’est une chose que d’étudier l’histoire de la politique menée en Algérie par les gouvernements successifs qu’élisaient les français et de juger rétrospectivement ses conséquences. C’en est une autre que de diaboliser – de « gestapiser » – tous les policiers qui ont eu la lourde tâche de faire face au cycle des violences ouvert le 1er novembre 1954 par le Front/Armée de Libération Nationale (FLN/ALN) et aggravé en 1961 par l’Organisation Armée Secrète (OAS). J’en ai connu beaucoup, qui – comme la majorité des policiers français d’aujourd’hui – avaient une haute conscience de leur métier. Ils ont sauvé de nombreuses vies. Plusieurs centaines furent tués3. La plupart de ceux qui ne le furent pas sont maintenant décédés. C’est vis à vis d’eux que je me suis senti un devoir de témoignage, avec l’espoir de contribuer à leur éviter d’être aujourd’hui collectivement tenus pour « historiquement coupables », comme d’autres furent jadis à Prague ou à Moscou déclarés « objectivement coupables », au mépris des réalités. Au motif de donner aux évènements « un sens global », les historiens ne sauraient ignorer ou dénaturer certains faits et ce n’est pas être historien que d‘être procureur. J’ai donc pris l’attache de l’auteur avec l’espoir que ma parole pourrait infléchir sa représentation de ce qu’était alors la police française en Algérie. Après une séance improvisée de deux heures « d’enregistrement de témoignage », j’ai compris que cette démarche n’était pas la bonne4. D’où ce recueil de souvenirs personnels qui, je crois, illustrent que la situation ne fut pas pour ses acteurs aussi manichéenne qu’on la présente trop souvent aujourd’hui, en France au miroir simplificateur d’un anti-colonialisme sans nuances et en Algérie à travers le prisme d’une histoire officielle idéalisée et instrumentalisée par un pouvoir politique qui y puise sa légitimité. Le second incident a été l’accueil gêné que j’ai rencontré au Ministère de l’Intérieur lorsqu’en juin 2004 j’ai demandé que soit apposée à l’Ecole Nationale Supérieure de Police (ENSP) de Saint-Cyr au Mont d’Or une plaque à la mémoire des commissaires de police victimes du terrorisme pendant la guerre d’Algérie. Personne ne connaissait leur nombre exact. 2. Affidé : qui se prête en agent sûr à tous les mauvais coups. 3. Malgré mes recherches, toujours en cours, je n’ai pu en préciser le chiffre et apparemment personne ne le connaît. Je ne suis même pas sûr que le Ministère de l’Intérieur en ait jamais fait le recensement. Je reviendrai sur ce point (cf. annexe 2). 4. Bien que J.P. Peyroulou se soit montré amical et ouvert, je ne pouvais – sur un sujet aussi controversé et portant sur une période aussi longue – espérer infléchir son point de vue à partir de quelques dénégations générales, sans détails et sans preuves. Je lui dis donc mon intention de rédiger un texte de mémoire et il a guidé mes premiers pas dans la recherche documentaire. Je lui en suis reconnaissant et l’en remercie.
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1 – Témoigner : Pourquoi ? Comment ? Pour qui ?
Admis à trier au Ministère de l’Intérieur quelque 5 500 fiches de carrière de commissaires et à y consulter de nombreux dossiers individuels, j’ai pu établir une liste de 13 tués : 7 par le FLN et 6 par l’OAS5. Tous ayant à l’époque été à titre posthume promus, décorés, cités à l’ordre de la Nation, etc., je ne pensais pas qu’il puisse y avoir de problème à ce qu’en France, dans un lieu professionnel, des autorités françaises honorent la mémoire de policiers français qui avaient été tués en accomplissant leur devoir, en exécution des politiques successivement menées en Algérie au nom du peuple français. En fait, et bien que le Directeur Général de la Police Nationale ait en juin 2004 relevé « le souci d’équilibre et de vérité historique ayant guidé mes travaux », ma demande a suscité au cabinet du Ministre un comportement dilatoire dont la raison ne m’a jamais été précisée mais qu’il m’a été facile d’imputer à une crainte de « froisser » des autorités algériennes avec lesquelles le Président Chirac, moyennant « repentance », recherchait alors la conclusion d’un traité d’amitié. Et elle n’aurait peut-être jamais été prise en compte si, en octobre 2004, je n’avais obtenu que l’influente Association des Hauts Fonctionnaires de la Police Nationale s’y associe, en soulignant son intérêt pour un hommage « de nature à confirmer tous les policiers dans la permanence et la grandeur de leur tâche » (dont la pierre de touche est l’obéissance au pouvoir politique et dont fait évidemment partie la lutte contre le terrorisme, ce fléau hélas toujours renaissant). En février 2005, M. de Villepin, Ministre de l’Intérieur a finalement accepté la pose d’une plaque, que son successeur M. Sarkozy a inaugurée le 21 juin 2005 (cf. photo en annexe 1). Mais, rejetant toute référence au terrorisme et à l’Algérie, on lui a fixé un libellé auquel – sous peine de ne rien obtenir – j’ai dû me résigner, bien qu’il puisse conduire à se demander s’il y a jamais eu un terrorisme FLN ! 6. 5. Deux l’ont été après le cessez le feu conclu à Evian le 19 mars 1962, deux ont été torturés et quatre ont entraîné dans la mort des parents ou amis. On trouvera en annexe 1 un résumé des circonstances de l’assassinat de chacun d’eux. Si l’arithmétique avait un sens, le chiffre de 13 commissaires tués en 8 ans correspondrait, en fonction des effectifs actuels de la Police Nationale, à 117 commissaires tués par attentats, soit 15 par an. 6. Lorsqu’un terrorisme est historiquement décrété « légitime » (souvent parce qu’il a été vainqueur), il est courant que ses anciens acteurs lui donnent un nom plus noble et nient ou excusent ses atrocités. Le pavillon couvre la marchandise. C’est compréhensible. Ce qui, à mes yeux, l’est moins c’est qu’en le débaptisant certains historiens contribuent soit à faire oublier qu’il a existé soit à minimiser ce que fut son rôle. Je sais bien que, comme l’a relevé Vassili Grossmann, « l’Histoire ne juge pas les vainqueurs », mais je pense que le fait d’estimer qu’une cause a été « juste » ne devrait pas entrainer l’occultation du caractère « injuste » de certains des moyens que ses défenseurs ont employé.
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En réclamant cette plaque, ma démarche avait été purement professionnelle. Inspirée par le désir d’un traitement équitable pour toutes les victimes, quelles qu’elles soient, elle n’était animée par aucun esprit de parti, encore moins de revanche. En obtenant cette plaque, dans un climat de contorsions politiques que je n’avais pas prévu et qui ne m’a paru conforme ni à l’entière exactitude des faits7 ni à la dignité nationale8, j’ai découvert quelle avait été l’évolution de l’opinion française sur la guerre d’Algérie durant ces 40 années où, personnellement, préférant l’avenir au passé, je l’avais rangée au placard des années mortes. J’avais quitté une Histoire où, malgré sa politique coloniale, ses erreurs politiques et ses excès répressifs, la France se regardait sans honte et je retrouvais une Histoire où – selon la formule de l’historien Charles Prost – « l’univers des représentations disqualifie celui des faits » et où les français s’auto-flagellent avec démesure, non sans tenter de rejeter leur responsabilité collective, avant-hier sur le dos des « colons », hier sur celui de l’Armée et aujourd’hui sur celui de la Police. Constat qui m’a évidemment renforcé dans l’idée de mon devoir de témoignage. Ma décision étant prise d’écrire ce témoignage, j’ai choisi de ne pas l’autocensurer, ni par déformations ni par silences. On y trouvera forcément quelques inexactitudes ou quelques lacunes. Ce n’est jamais volontaire. J’ai conscience de situations où je n’ai pas été à mon avantage et que j’aurais pu taire. Je sais aussi qu’en plusieurs circonstances je fournis des matériaux ou arguments qui serviront peut-être à des fins partisanes ou polémiques. Tout ce que j’espère est que la majorité de ceux qui me liront - si je suis jamais lu sauront et voudront faire équitablement « la part des choses » et admettre que, dans cette page d’histoire comme dans tant d’autres, les bons ne furent pas tous d’un côté et les méchants de l’autre.
7. Cf. en annexe 1 un relevé des omissions et déformations factuelles entraînées par le libellé retenu. 8. Je pense que les algériens ont parfaitement le droit d’honorer leurs « martyrs de la guerre d’indépendance » sans se soucier de ce qu’en pensent les français et, en sacralisant toutes les actions de leurs moudjahidine (combattants de la Foi), ils ne s’en privent pas. Mais pourquoi les français se privent-ils du même droit ? Et pourquoi l’éventuel désaveu des politiques menées hier devrait-il entraîner le gouvernement sur la voie de l’ingratitude nationale vis à vis de ceux qui sont morts pour la France, aux ordres de ses prédécesseurs, de gauche et de droite. Jadis donnés en exemples (des promotions de l’ENSP portent le nom de 3 d’entre eux), ces 13 commissaires sont maintenant cachés, presque reniés. Seront-ils un jour, en tant qu’ « agents du colonialisme », condamnés à l’indignité nationale ? J’envie les nations qui peuvent reconnaître leurs erreurs passées sans faire de leurs vétérans les boucs émissaires de leur politique.
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Sommaire Remerciements. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Une lecture nécessaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 1 - Témoigner: pourquoi ? Comment ? Pour qui ?. . . . . . . . . . . . . 9 2 - Pourquoi la police et pourquoi l’Algérie ?. . . . . . . . . . . . . . . . 23 3 - PE Laghouat (février 1952 à mars 1953) . . . . . . . . . . . . . . . . 29 4 - PE Bou-Saada (mars à décembre 1953). . . . . . . . . . . . . . . . . 81 5 - PRG Bône (janvier à octobre 1954) . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99 6 - PRG Bône (1er novembre 1954) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 149 7 - PRG Batna (novembre 1954 à janvier 1955). . . . . . . . . . . . . 173 8 - PRG Batna (février 1955) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217 9 - PRG Batna 1955 (mars à juillet) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237 10 - PRG Bône 1955 (juillet à décembre). . . . . . . . . . . . . . . . 269 11 - PRG Bône 1956/1 (janvier à juillet). . . . . . . . . . . . . . . . . 341 12 - PRG Bône 1956/2 (juillet 1956 à janvier 1957). . . . . . . . . . . 405 13 - PRG Bône 1957 (février à décembre). . . . . . . . . . . . . . . . 461
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14 - PRG Bône 1958. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 517 15 - PRG Bône 1959 (janvier 1959 à février 1960) . . . . . . . . . . . 581 16 - DSN Alger 1960/1 (février à octobre). . . . . . . . . . . . . . . . 657 17 - DSN Alger 1960/2 (novembre 1960 à février 1961) . . . . . . . . 713 18 - DSN Alger 1961/1 (février à août). . . . . . . . . . . . . . . . . 759 19 - DSN Alger 1961/2 (août 1961 à janvier 1962) . . . . . . . . . . . 809 20 - SDRG Toulouse (janvier à mai 1962). . . . . . . . . . . . . . . . 899 Annexe 1 - « 13 commissaires victimes du terrorisme ». . . . . . . . . . 915 Annexe 2 - Combien de policiers tués ou disparus en Algérie ?. . . . . . 933 Liste des sigles cités. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 939
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Directeur de l’Inspection Générale de la Police Nationale en 1989, Roger Le Doussal a été de 1952 à 1962 commissaire des Renseignements Généraux en Algérie. Arrivant de métropole à Laghouat puis Bou-Saada, comment a-til découvert que la France républicaine menait dans ses départements d’Algérie une politique coloniale ? Comment, à partir de 1954, a-t-il vécu le terrorisme FLN et ses horreurs, puis la répression et ses excès ? Quelle impression a-t-il gardé des Aurès et de Benboulaid, le chef historique qu’il a interrogé à Tunis ? Comment, à Bône puis à Alger, a-t-il ressenti le chaotique passage de la souveraineté intransigeante exercée par la IVe République au retrait total mené par la Ve République ? Comment a-t-il réagi au terrorisme de l’OAS, qui a tué autant de commissaires que le FLN ? C’est à ces questions et à bien d’autres que Roger Le Doussal s’est efforcé de répondre en rassemblant ses souvenirs et en les étayant chaque fois que possible sur la lecture aux Archives Nationales de rapports qu’il a lui-même écrits il y a 50 ans. « Les grenouilles dans leur puits ne voient qu’un coin du ciel ». Ce livre n’est donc qu’un témoignage. Mais, comme aucune monographie historique sérieuse n’a encore été faite ni sur la police française en Algérie ni sur le terrorisme urbain (ailleurs qu’à Alger), il apporte aussi, sur ces deux sujets, des précisions nouvelles. Et il aide à comprendre qu’au sein de ce qui s’est progressivement imposé comme la guerre d’indépendance d’un État nouveau, il y a eu plusieurs guerres civiles entrelacées. Avec, en filigrane, le conflit de deux conceptions de l’organisation politique d’une société, celle où chaque individu s’intègre à un État démocratique laïc et celle où prédomine son allégeance communautaire et religieuse. Ce conflit, porteur de djihad, n’est-il pas toujours actuel ?
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