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Rencontre avec la sagesse
Chapitre un Rencontre avec la sagesse
Proverbes 1.1-7
Ce premier chapitre nous présente la sagesse des Proverbes. Dans une première partie, nous replacerons cette sagesse dans son contexte et commencerons à étudier le prologue du livre (Proverbes 1.1-7). La deuxième partie explore plus en profondeur le prologue et résume ce que nous pouvons apprendre sur la sagesse dès le départ. Les premiers vers des Proverbes nous invitent à découvrir les trésors et les énigmes de ce livre.
Rencontre avec la sagesse
Première partie
La sagesse : le contexte général
Tous les êtres humains ont besoin de sagesse. Aucun d’entre nous n’est le seul à essayer de comprendre comment gérer au mieux son quotidien : bien s’entendre avec ses voisins, bien gérer son argent, décider si l’on va se marier ou pas, et avec qui. En discutant avec un ami ce matin, j’ai eu besoin de sagesse pour savoir si je devais ou non relancer une conversation qui, à mon avis, ne s’était pas bien terminée entre nous. Je ne sais toujours pas si j’ai bien fait d’aborder le sujet à nouveau, mais je l’ai fait ! En tout cas, je suis certaine de ne pas être la seule à devoir lutter pour savoir quand je dois parler et quand je devrais plutôt me taire.
Le besoin de sagesse est universel. J’écris ces mots depuis Jakarta, en Indonésie. Cet après-midi, alors que j’attendais qu’on me serve un café dans un petit café-librairie local, j’ai jeté un coup d’œil à l’étagère des livres de poche proposés en anglais. Le premier qui a attiré mon attention était celui d’un écrivain japonais livrant le secret d’une vie longue et heureuse. J’ai vu aussi un livre sur l’art de vivre à la danoise, et un autre d’un auteur français expliquant comment vivre mieux et plus longtemps. Un petit livre-cadeau américain traitait du sujet du bonheur et de la façon de le savourer. J’avais là, sous la main, tout un monde d’auteurs de sagesse en herbe, au fond d’un petit café indonésien ! Partout dans le monde, les humains recherchent désespérément la sagesse.
Il y a des siècles, le peuple de Dieu vivant dans le royaume d’Israël connaissait également ce besoin universel de sagesse. En fait, dans le monde antique, beaucoup de nations voisines avaient une catégorie spéciale d’orateurs et d’auteurs de sagesse, qui servaient souvent de conseillers aux rois de l’époque. La Bible en donne quelques indices : le livre d’Esther, par exemple, parle des conseillers du roi de Perse comme étant des « sages astrologues » (Esther 1.13) – bien que ces sages aient été tout sauf sages ! La sagesse de Salomon, que nous trouvons dans les Proverbes, n’était pas seulement connue en
Israël : « La sagesse de Salomon dépassait celle de tous les nomades de l’est et toute la sagesse des Égyptiens. […] De tous les peuples on venait pour écouter la sagesse de Salomon, de la part de tous les rois de la terre qui en avaient entendu parler » (1 Rois 5.10, 14).
L’Égypte était réputée pour sa littérature de sagesse, dont il reste un bon nombre de textes anciens. De nombreux commentateurs notent des similitudes entre certains de ces textes et divers aspects du livre des Proverbes. Les Égyptiens utilisaient également la forme d’instructions père-fils observée dans les Proverbes. Des parallèles encore plus spécifiques peuvent être établis entre des sections des Proverbes 22 à 24 et les instructions égyptiennes d’Aménémopé1 . Mon expérience dans le café indonésien n’était pas exceptionnelle ! Déjà à l’époque de l’Ancien Testament, des voix s’élevaient de toutes parts (Égypte, Arabie, Babylone, Phénicie, …) pour offrir des conseils pratiques pour la vie de tous les jours.
La sagesse de Salomon : à la fois semblable et différente
Pourquoi la sagesse de Salomon s’est-elle distinguée des autres sources de sagesse ? Bien des nations environnantes n’auraient probablement pas su répondre à cette question. La plupart des habitants de ces pays n’ont pas reconnu le Dieu des Écritures, le Dieu créateur unique. Et pourtant c’est par sa grâce commune* qu’ils ont pu comprendre un peu du fonctionnement de son monde et de la manière d’y vivre au mieux. Salomon a eu le privilège de faire partie du peuple à qui Dieu s’est directement révélé. Au travers de ce peuple, cette révélation a été présentée au monde entier, de manière parfaite par le Seigneur Jésus lui-même. Les textes des Proverbes n’ont pas tous été écrits par Salomon ; certaines sections du livre sont attribuées à d’autres sages. Mais la grande majorité des proverbes lui sont attribués, et l’introduction du livre le désigne clairement en tant qu’auteur, comme nous allons le voir.
* Grâce commune : toutes les bonnes choses que Dieu donne indépendamment du fait que quelqu’un soit chrétien ou non (par exemple, la pluie, l’oxygène).
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L’Écriture elle-même souligne et explique la sagesse singulière de Salomon : « Dieu donna à Salomon de la sagesse, une très grande intelligence et des connaissances aussi nombreuses que le sable qui est au bord de la mer » (1 Rois 5.9). Dieu s’était adressé au roi Salomon dans un rêve et l’avait invité à lui faire une requête. Salomon a humblement demandé la sagesse, « un cœur apte à écouter pour juger ton peuple, pour distinguer le bien du mal ! » (1 Rois 3.9). Sa demande a été exaucée : « Je vais te donner un cœur si sage et si intelligent qu’il n’y a eu avant toi et qu’on ne verra jamais personne de pareil à toi » (1 Rois 3.12). La sagesse de Salomon était donc une connaissance semblable à celle des peuples environnants, mais elle en était aussi différente : c’était un discernement donné par Dieu afin de savoir comment vivre dans le monde de Dieu.
Nous reconnaissons aujourd’hui cette spécificité du livre des Proverbes : il fait pleinement partie de la révélation inspirée de Dieu transmise jusqu’à nous dans les Écritures, de l’Ancien et du Nouveau Testament. Les livres de sagesse de la Bible apportent un discernement inspiré au sujet du quotidien de la vie humaine dans un monde créé et dirigé par le Dieu des Écritures. Le monde a été créé parfait, mais a chuté par la rébellion de l’homme contre son créateur. Le Créateur ne s’est pas détourné de sa création pour la laisser dans ses ténèbres, séparée de lui. Non, le Créateur avait un plan éternel de rédemption : par l’intermédiaire du Seigneur Jésus-Christ qui viendrait dans ce monde, Dieu se rachèterait un peuple de toutes les nations de la terre. Quelle grâce !
Dans les Proverbes, nous entrons dans l’histoire de la rédemption révélée par Dieu dans sa parole. Le contexte biblique est clairement posé dans le prologue et nous sert d’introduction à la sagesse proposée dans ce livre. Le tout premier verset présente ce que nous devons savoir pour commencer.
Le contexte explicite des Proverbes
Parfois appelé le « titre », Proverbes 1.1* introduit non seulement le prologue mais aussi le livre tout entier : « Proverbes de Salomon, fils de David, roi d’Israël ». Ces mots indiquent la première chose importante à savoir : la sagesse des Proverbes s’inscrit dans le contexte de la parole de Dieu et du peuple de Dieu. Ces trois noms propres (Salomon, David et Israël) évoquent à eux seuls toute l’histoire de l’Ancien Testament au cours de laquelle Dieu s’est choisi un peuple qui lui appartiendrait. Salomon n’était pas seulement un roi sage qui a écrit beaucoup de ces proverbes. Salomon est issu de la lignée de David, de la tribu de Juda : une tribu du peuple d’Israël qui, à partir d’Abraham, est devenue une grande nation conformément aux promesses de l’Éternel. Ces noms donnent vie à l’histoire et situent le livre des Proverbes dans le contexte le plus important qui soit : au milieu des livres de l’Ancien Testament.
Il est certes difficile d’intégrer les livres de sagesse dans le modèle des Écritures de l’Ancien Testament. Nous parlons souvent du grand récit de la Bible, de sa grande histoire : l’histoire de la rédemption d’un peuple par Dieu au travers de son Fils. Et nous appréhendons les différents types de livres en fonction de cette histoire. Les livres historiques racontent l’histoire en grande partie sous forme de récits. Les livres prophétiques nous font entendre la voix de Dieu qui s’exprime dans l’histoire par l’intermédiaire des prophètes qu’il a appelés. La poésie des Psaumes nous fait entendre la voix de personnes vivant cette histoire et criant à Dieu de l’intérieur de celle-ci. Alors, comment la littérature de sagesse se rattache-t-elle à cette grande histoire ?
Selon le commentateur Derek Kidner, les livres de sagesse sont, dans l’Ancien Testament, « l’instant où le pèlerin est libre de s’arrêter et de regarder longuement autour de lui, d’observer et de poser des questions au sujet de tout ce qu’il voit2 ». En d’autres termes, les auteurs des écrits de sagesse agissent comme des commentateurs
* Tous les versets de Proverbes étudiés dans chaque chapitre sont indiqués en gras dans le texte.
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de l’histoire. Ils n’ont pas écrit pour faire progresser l’histoire, ni pour parler comme des prophètes dans le contexte de cette histoire, ni pour crier du sein de l’histoire. Ils se sont mis à l’écart pendant quelques instants afin de faire quelques observations au sujet de la grande histoire.
Même si leur position de commentateurs de l’histoire sépare quelque peu les auteurs de sagesse du grand récit de la Bible, tout ce qu’ils disent s’y rapporte directement. Cette « sagesse » n’était pas un concept nouveau ou étranger pour les Israélites. En effet, la sagesse avait toujours été perçue en lien avec Dieu et avec sa parole révélée. Dans Deutéronome 4.6, par exemple, alors que Moïse ordonne l’obéissance à la loi que Dieu leur a donnée, il dit au peuple :
Vous les respecterez et vous les mettrez en pratique, car ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des autres peuples. Lorsqu’ils entendront parler de toutes ces prescriptions, ils diront : « Cette grande nation est un peuple vraiment sage et intelligent ! »
Moïse le savait bien : la sagesse doit être replacée dans le contexte de la parole de Dieu et de son peuple. La révélation de Dieu à son peuple est la pierre angulaire de la sagesse biblique. Aucune nation aujourd’hui n’est organisée sur cette base ; seul le peuple de Dieu, aujourd’hui l’Église, possède un tel fondement. Ce fondement, c’est ultimement le Christ lui-même, la sagesse de Dieu pleinement révélée et parfaitement vécue. Les livres de sagesse aident à poser ce fondement. Ils suivent la trajectoire de l’enseignement de l’Ancien Testament, ce qui rend la sagesse divine et la parole révélée de Dieu totalement indissociables pour le peuple de Dieu.
Depuis toujours, la parole de Dieu touche tous les aspects de la vie humaine. Si vous avez déjà lu l’Exode et le Lévitique, vous vous êtes probablement posé des questions au sujet de toutes les lois détaillées qui s’y trouvent. En effet, elles concernent non seulement les rituels du culte, mais aussi de nombreux autres sujets comme les nids d’oiseaux, les règles alimentaires, la construction des balcons sur les toits, les tissus pour les vêtements, et ainsi de suite. Pour
ceux qui, en Israël, connaissaient la loi révélée par Dieu et la sagesse de Dieu dans sa globalité, un livre comme les Proverbes n’était pas différent des autres. Il faisait partie intégrante du grand récit du salut qu’ils étaient en train de vivre au jour le jour.
Nous pouvons donc lire les Proverbes en toute confiance, en situant ce livre de sagesse dans le contexte global des Écritures. Nous les appréhenderons comme faisant partie de la révélation de l’œuvre rédemptrice accomplie par Dieu au travers de la nation d’Israël et dont le point culminant est le Seigneur Jésus-Christ. Il est celui qui a apporté la bénédiction à toutes les nations par sa mort et sa résurrection. Nous ne ferons pas l’impasse sur ces livres de sagesse, mais nous allons les parcourir et célébrer la lumière dont ils éclairent l’ensemble de l’histoire.
Si nous lisions l’autobiographie d’un riche propriétaire terrien, nous pourrions être tentés de sauter les chapitres décrivant en détail les contours de son domaine et son fonctionnement. Ces chapitres ne nous paraîtraient pas essentiels à l’histoire de cet homme. D’un autre côté, ces détails pourraient nous en apprendre davantage sur ce propriétaire et nous faire découvrir qui il est et comment il travaille. Et si, d’une manière ou d’une autre, nous devions vivre sur son domaine, ces détails pourraient s’avérer extrêmement précieux…
Une sagesse pleine de couleurs et de motifs
Au fur et à mesure que nous avançons dans les premiers versets, nous voyons comment les Proverbes nous amènent à réfléchir à la sagesse qu’ils proposent. En regardant Proverbes 1.1, nous avons déjà fait la première de cinq observations : la sagesse des Proverbes s’inscrit dans le contexte de la parole de Dieu et du peuple de Dieu. Dans la suite de ce chapitre, les cinq observations vont se décliner dans cet ordre :
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1. La sagesse des Proverbes s’inscrit dans le contexte de la parole de Dieu et du peuple de Dieu. 2. La sagesse des Proverbes a une signification pleine de couleurs et de motifs. 3. La sagesse des Proverbes se découvre au sein d’une relation avec l’Éternel. 4. La sagesse des Proverbes est l’alternative à la folie. 5. La sagesse des Proverbes est présente à travers toute la révélation de Dieu, mais elle est pleinement révélée en Christ.
Pour introduire la deuxième observation, lisons le prologue dans son intégralité :
1 Proverbes de Salomon, fils de David, roi d’Israël, 2 pour connaître la sagesse et l’instruction, pour comprendre les paroles de l’intelligence, 3 pour recevoir des leçons de bon sens, de justice, d’équité et de droiture, 4 pour donner du discernement à ceux qui manquent d’expérience, de la connaissance et de la réflexion aux jeunes. 5 Que le sage écoute, et il augmentera son savoir !
Celui qui est intelligent gagnera en habileté 6 pour comprendre les proverbes et les paraboles, les paroles des sages et leurs énigmes. 7 La connaissance commence par la crainte de l’Éternel.
Il faut être fou pour mépriser la sagesse et l’instruction. Proverbes 1.1-7
La deuxième observation est la suivante : la sagesse des Proverbes a une signification pleine de couleurs et de motifs, comme l’intérieur d’un kaléidoscope ! Bien des auteurs ont essayé d’organiser et de classer tous les mots relatifs à la sagesse dans le prologue des Proverbes. Cette démarche peut être source de nombreuses frustrations ! Je les appelle les mots lourds de sagesse, et nous en avons ici une belle collection. Le mot « sagesse » apparaît en premier (v. 2) et se retrouve à plusieurs reprises dans le texte. Mais cette sagesse est associée à un ensemble de mots qui s’entrecroisent et
se rejoignent : « instruction », « compréhension », « intelligence », « bon sens », « justice », « équité », « droiture », « discernement », « connaissance », « réflexion », « savoir », « habileté ». Chaque mot suggère une perspective légèrement différente sur le processus d’acquisition de cette sagesse. Ensemble, les mots évoquent la complexité de ce processus.
On pourrait penser qu’au début d’un livre sur la sagesse, on en trouverait une définition claire et précise. Ce n’est pas le cas ici. Nous constatons dès le départ que ce livre échappe à toute forme de classement systématique et soigné. Je propose de prendre acte de cet état de fait et même de l’apprécier. Le prologue fournit un ensemble de termes que le livre s’attachera à développer par la suite. Mais ces mots ne se présentent pas sous la forme d’une liste bien ordonnée : ils s’enchaînent, parfois même se répètent, au rythme de la poésie des vers. Grâce à ces premiers versets, nous commençons à examiner les nombreuses facettes de la sagesse et à faire tourner ces mots dans notre esprit, comme nous ferions avec un kaléidoscope. De même qu’un kaléidoscope laisse voir des motifs changeant de formes et de couleurs, nous apercevons dans les Proverbes les multiples facettes de la sagesse vécue au quotidien. La sagesse touche toutes les facettes de la vie. Elle ne se réduit pas à des catégories soigneusement organisées, mais afflue dans la complexité toujours changeante de l’expérience humaine.
En nous demandant de réfléchir à la sagesse, le livre des Proverbes ne nous propose pas un ensemble de vérités à apprendre par cœur et à proclamer. Il nous présente plutôt une sagesse qui transforme toute la vie. C’est pourquoi nous trouverons la sagesse (ou la personnification de la sagesse, nous en reparlerons bientôt) dans ce livre, criant depuis les coins de rue et les marchés, s’invitant non seulement dans les cérémonies religieuses, mais aussi dans les cuisines et les chambres à coucher, les lieux d’affaires, les granges et les pâturages. Dans ce livre, la sagesse met son nez dans tous les petits détails de la vie. D’un côté, cela peut représenter pour nous un réel défi, mais d’un autre, c’est une source de grand réconfort. Quel que soit l’angle sous lequel nous regardons
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la vie, nous avons besoin de sagesse, et nous pouvons la trouver ! Kidner proclame brillamment cette vérité dans un commentaire qui est probablement le plus cité sur les Proverbes :
C’est un livre qui ne conduit que rarement à l’Église.
Comme le personnage de la sagesse, il interpelle celui qui passe dans la rue à propos de quelque affaire de la vie quotidienne, ou attire l’attention sur ce qui se passe à la maison. Sa fonction dans l’Écriture consiste à mettre la piété en bleus de travail3 .
Réfléchir pour agir
1. Quelles sources de sagesse entendez-vous autour de vous aujourd’hui ? Quels types de sagesse offrent-elles ? 2. Si quelqu’un vous demandait quelle est la place des
Proverbes dans la Bible, que répondriez-vous ? 3. En lisant le prologue (versets 1 à 7), quels mots ou phrases se détachent, et pourquoi ? Comment réagissez-vous dans un premier temps à l’appel qu’il contient ?
Deuxième partie
Regarder le kaléidoscope tourner
Après avoir constaté et même célébré la complexité des premiers vers du livre, nous devons reconnaître qu’ils sont néanmoins bien structurés. Les versets 2 à 4 fonctionnent comme un ensemble, avec une succession de verbes à l’infinitif (« pour connaître », « pour comprendre », « pour recevoir » et « pour donner »). Les enseignants considèrent souvent que ces versets résument l’objectif du livre, à savoir orienter le lecteur vers la sagesse sous ses différents aspects : intellectuel au verset 2 (connaître et comprendre), éthique au verset 3 (recevoir les leçons de bon sens, justice, équité et droiture) et pratique au verset 4 (discernement, connaissance, réflexion). Ces multiples catégories indiquent que, lorsque nous visons la sagesse, nous visons bien plus qu’un processus intellectuel. Il y a des « instructions » au verset 2 et au verset 3, tant pour la connaissance que pour l’action. Au fur et à mesure que ces vers s’enchaînent et que le kaléidoscope tourne, nous voyons que le type de connaissance présenté ici est une connaissance profonde : celle qui ne peut être séparée de la vie. La sagesse divine imprègne toute la personne, son caractère et sa vie.
Si les versets 2 à 4 résument l’objectif du livre en ce qui concerne la sagesse, les versets 5 et 6 renforcent cet objectif : il faut la rechercher et découvrir ses récompenses. La première partie de cet appel est cruciale : il s’agit d’écouter (v. 5). Les Proverbes ne cesseront d’insister sur le fait qu’entendre (c’est-à-dire écouter humblement les paroles de la sagesse) est le moyen incontournable pour rechercher et trouver la sagesse. Les récompenses sont multiples, incluant non seulement une augmentation du savoir mais aussi des conseils plus pratiques, pour celui qui écoute et comprend ces proverbes.
Le public auquel s’adresse cet appel à la sagesse s’élargit clairement et régulièrement au fil des vers. Au verset 4, les destinataires sont « ceux qui manquent d’expérience » et « les jeunes », confirmant
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l’idée selon laquelle ce livre était à l’origine destiné aux jeunes dirigeants israélites en formation. « Ceux qui manquent d’expérience » est traduit parfois aussi par « ignorants » ou « simples », comme le sont beaucoup de jeunes gens ; ces mots sont complémentaires. L’appel s’élargit cependant, peut-être pour interpeller ceux qui pourraient lire les premiers versets et estimer qu’ils sont déjà sages et n’ont pas besoin de cette sagesse.
Les destinataires de ces proverbes se révèlent aussi multicolores que la sagesse elle-même. Au verset 5, l’appel s’étend au « sage » et à « celui qui est intelligent », communiquant ainsi le besoin permanent de rechercher et d’appliquer la sagesse, et le besoin d’humilité afin de continuer à écouter. Ce livre n’est pas seulement destiné aux jeunes, cette sagesse est indispensable à tous, jeunes et vieux, hommes et femmes. Je fais partie, et vous aussi, de ceux qui ont besoin de s’arrêter et d’écouter.
Le verset 6 revient sur la compréhension introduite au verset 2 et réitérée au verset 5. La diversité des termes utilisés pourrait faire sourire mais elle semble souligner à quel point ce n’est pas chose facile d’interpréter correctement un « proverbe », une « parabole », des « paroles de sages » et des « énigmes ». Cela semble être une tâche ardue.
Même si nous essayons d’organiser et de catégoriser ces paroles empreintes de sagesse, nous sentons qu’elles constituent des « énigmes » – des mystères qui seront parfois difficiles à résoudre. De nombreux versets vont nous laisser perplexes ! Ils touchent à des connaissances étendues qui nous dépassent. Regarder dans un kaléidoscope peut nous couper le souffle. Nous pourrions penser à la sagesse et à la « très grande intelligence » de Salomon. Il a prononcé 3 000 proverbes et écrit 1 005 cantiques (1 Rois 5.12). Il a étudié les arbres, « depuis le cèdre du Liban jusqu’à l’hysope qui sort de la muraille », et les bêtes, les oiseaux, les reptiles et les poissons (1 Rois 5.13). Le monde de Dieu, tant dans la nature que dans la nature humaine, renferme des strates et des profondeurs que les plus sages d’entre nous trouveront impossibles à appréhender.
Le verset de conclusion du prologue indique la direction à suivre pour faire face à cette tâche ardue.
La sagesse au sein d’une relation avec l’Éternel
Nous avons dit que la sagesse des Proverbes ne s’apprend pas seulement intellectuellement, mais qu’elle se vit au quotidien. Elle n’est pas expérimentée de manière isolée. Nous sommes désormais prêts pour la troisième observation : la sagesse des Proverbes se découvre au sein d’une relation avec l’Éternel. Dans toute l’Écriture, la relation avec l’Éternel Dieu est centrale : nous ne devrions donc pas être surpris qu’il en soit de même dans les Proverbes. Il est important de le constater et de le dire pour éviter de tomber dans le piège de ne voir dans les Proverbes qu’une collection de dictons, plutôt qu’un livre au sujet de notre relation avec Dieu.
Plus nous lisons attentivement ce livre, plus nous voyons que la sagesse consiste à vivre dans une relation active avec Dieu : écouter, suivre, se repentir et, avant toute chose, craindre Dieu. Le verset culminant du prologue affirme : « La connaissance commence par la crainte de l’Éternel » (Proverbes 1.7a). Craindre Dieu (un appel que l’on retrouve tout au long de l’Ancien Testament) c’est autre chose que d’avoir simplement peur, comme nous aurions peur d’un orage ou d’un cambrioleur. Ces peurs sont conditionnées par des objets ou des événements qui nous font souffrir. Une juste crainte de Dieu est également conditionnée par son objet : le Dieu de l’univers, qui s’est révélé dans les Écritures. Craindre l’Éternel signifie le révérer pour ce qu’il est, conformément à sa parole. Le craindre c’est le commencement, le point de départ de toutes ces paroles de sagesse. C’est ce qui fait tourner le kaléidoscope.
Le texte ne parle pas de la « crainte de Dieu » mais de la « crainte de l’Éternel », Yahweh. Il s’agit du nom révélé de Dieu comme celui qui, dans un amour inébranlable, rachète un peuple pour luimême. Oui, l’Éternel est le Créateur souverain de toutes choses.
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Oui, l’Éternel est le Juge saint de tous les peuples. L’Éternel Dieu est un Dieu unique. Et pourtant, Yahweh est un nom particulier pour désigner Dieu. C’est le nom que Dieu lui-même a donné à Moïse afin d’expliquer au peuple d’Israël qui est celui qui l’a envoyé pour les sauver d’Égypte : « Voici ce que tu diras aux Israélites : “L’Éternel, le Dieu de vos ancêtres, le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob, m’envoie vers vous.” Tel est mon nom pour toujours, tel est le nom sous lequel on fera appel à moi de génération en génération » (Exode 3.15). L’Éternel est celui qui sauve un peuple pécheur, dans sa miséricorde, conformément à ses promesses.
Ce salut a été évoqué pour la première fois dans le jardin d’Éden, après la chute, lorsque Dieu a promis que la descendance de la femme écraserait la tête du serpent (Genèse 3.15). Dieu a fait venir le salut par Abraham et sa descendance, en promettant de les bénir, de faire d’eux une grande nation dans le pays qu’il avait promis de leur donner et, par leur intermédiaire, d’apporter la bénédiction à toutes les nations de la terre (Genèse 12.1-7). À l’époque du roi Salomon, la postérité d’Abraham que Yahweh avait sauvée d’Égypte était effectivement devenue une grande nation prospère, bénissant toutes les nations alentour grâce à la sagesse de son roi. Le peuple d’Israël recevait le fruit des promesses de Yahweh. Et pourtant, ce n’était pas le fruit ultime. Nous lisons aujourd’hui le livre des Proverbes en connaissant l’histoire du royaume d’Israël, qui a prospéré un temps puis qui est tombé, car le peuple de Dieu s’est détourné de l’Éternel.
Mais le nom de l’Éternel dure à jamais. Sa parole s’accomplit toujours. Nous savons également que, conformément à son alliance, l’Éternel a conduit la descendance promise dans ce monde. Elle est venue par la lignée de David, de Salomon et de leurs descendants, par la lignée de Juda, jusqu’à Jésus. Lorsque nous lisons le nom de « l’Éternel » aujourd’hui, nous ressentons la profondeur de ce nom tel qu’il a été révélé dans l’histoire, ainsi que la profondeur de l’amour avec lequel ce nom résonne. C’est le nom du Dieu miséricordieux qui rachète son peuple pour lui-même, ultimement au travers de son Fils.
Le point de départ de la sagesse dans les Proverbes, c’est le point de départ pour le peuple de Dieu de tous les temps : nous devons craindre l’Éternel. Nous devons le révérer pour qui il est selon sa parole. Cette relation avec l’Éternel conditionne tout dans nos vies. Les Proverbes sont remplis de relations humaines, tout comme nos vies : entre parents et enfants, maris et femmes, hommes et femmes qui ne sont pas mariés, dirigeants et citoyens, entre voisins, etc. Mais cette relation avec l’Éternel que nous sommes appelés à craindre est le seul fondement valable. Quelle grâce qu’il se soit révélé à nous ! Quelle grâce qu’il nous ait lui-même rachetés afin de nous rendre capables de le craindre comme son peuple racheté bien-aimé.
La crainte de l’Éternel sera présentée à maintes reprises, à des moments cruciaux du livre. Elle est l’unique point de départ pour une vie de sagesse et sera indispensable tout au long du chemin de la sagesse.
La sagesse ou la folie
Proverbes 1.7 présente cependant une deuxième idée. Ce n’est pas avec une simple déclaration positive concernant la crainte de l’Éternel que le prologue atteint son point culminant, mais avec deux vers poétiques parallèles qui établissent un contraste. Ceci nous conduit à la quatrième observation : la sagesse des Proverbes est l’alternative à la folie.
La connaissance commence par la crainte de l’Éternel.
Il faut être fou pour mépriser la sagesse et l’instruction.
Résumons le contenu du prologue jusqu’ici : une succession de mots lourds de sagesse, un appel irrésistible et kaléidoscopique à la sagesse, la mention du nom même de l’Éternel et l’appel à le craindre. Après tout cela, le deuxième vers du verset 7 fait l’effet d’une douche froide !
Ici, au tout début du livre des Proverbes, nous sommes évidemment censés ressentir le contraste dramatique et mortel qui existe
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entre la sagesse et la folie. Ces deux chemins sont présents à travers toute la littérature de sagesse, décrivant deux façons de vivre et deux destinations bien différentes. Ce verset est clair : il existe une voie de la sagesse, qui commence par la crainte de l’Éternel, mais il existe aussi une voie de la folie, dans laquelle la sagesse est méprisée et rejetée.
Ce n’est pas que les fous ne trouvent pas ou ne choisissent pas la sagesse, mais plutôt qu’ils la méprisent. Ils la détestent ! Ces deux vers établissent un intéressant parallélisme antithétique. Nous entrerons dans les détails de la poésie plus tard, mais pour l’instant, nous remarquons deux vers associés qui disent des choses tout à fait à l’opposé l’une de l’autre ; c’est ce que j’appelle le « parallélisme antithétique ». On pourrait s’attendre à ce que le « fou » du deuxième vers contraste directement avec un « sage » dans la première partie du verset. Mais ce n’est pas le cas : il n’y a pas de « sage » mentionné dans le premier vers. Il n’y a que la crainte de l’Éternel. C’est à l’Éternel lui-même, et à la crainte qu’il inspire, que ces insensés s’opposent. Les fous rejettent cette relation et en fin de compte, c’est l’Éternel lui-même qu’ils méprisent.
C’est une vérité importante à retenir : les personnes qui choisissent le chemin de la folie n’ont pas seulement besoin d’une argumentation raisonnée, elles ont besoin de rencontrer une personne. Les Proverbes invitent à cette rencontre.
Après avoir énuméré tous les avantages de la sagesse, le prologue ne révèle pas les conséquences de la folie. Les Proverbes aborderont cette question au fur et à mesure des différentes instructions. Nous serons alors confrontés de manière saisissante aux fins diamétralement opposées de la sagesse et de la folie. C’est une question de vie ou de mort ! Le prologue est un appel à la sagesse et à la vie. Il ne nous amène pas sur l’autre chemin ; le contraste dramatique suggère simplement le pire avec une remarque finale sinistre qui vient conclure l’appel extrêmement positif du prologue. La tension créée par le dernier vers nous pousse à aller de l’avant pour saisir la force des mots qui suivent au verset 8 : « Mon fils, écoute l’instruction de ton père ». Les fous
méprisent cette instruction (v. 7), celle-là même que les Proverbes nous appellent avec insistance à suivre (v. 2-3).
Christ, notre sagesse
Nous l’avons déjà dit à plusieurs reprises, mais réaffirmons-le comme notre cinquième et dernière observation : la sagesse des Proverbes est présente à travers toute la révélation de Dieu, mais elle est pleinement révélée en Christ. Nous observerons des allusions et des répercussions de cette vérité tout au long du livre. Le prologue lui-même évoque implicitement cette vérité.
La forme du prologue nous oriente dans deux directions : vers l’extérieur puis vers les hauteurs. Dans son introduction, il est question de l’histoire du royaume d’Israël et, à la fin du prologue, de la crainte de Yahweh, l’Éternel, qui a conclu avec Israël une alliance qui se projette loin dans l’avenir. Dès le début, nous découvrons le peuple à travers lequel Dieu a déclaré vouloir manifester sa sagesse, comme nous l’avons vu en Deutéronome 4.6. C’est ce peuple qui, tout au long de la grande histoire de l’Écriture, a reçu maintes fois le commandement de craindre l’Éternel : « C’est l’Éternel, ton Dieu, que tu craindras » (Deutéronome 6.13).
Si nous suivons les traces de ce peuple tout au long de l’histoire, nous constatons qu’il a beaucoup de mal à craindre l’Éternel et à suivre ses lois. Les Israélites n’ont pas fait preuve de sagesse aux yeux du monde comme ils étaient appelés à le faire. Les promesses de Dieu à leur égard se sont néanmoins accomplies au travers du libérateur qui est venu dans leur descendance. C’est dans le Seigneur Jésus que sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la connaissance (Colossiens 2.3), c’est lui que l’apôtre Paul appelle « la sagesse de Dieu » (1 Corinthiens 1.24).
S’il est vrai que notre relation avec l’Éternel est au cœur des Proverbes, alors les lecteurs de la Bible n’auront aucun mal à faire le lien entre les Proverbes et Jésus-Christ, le Messie promis ! En effet, en venant à nous, Jésus a rendu possible une telle relation, au travers de sa mort à notre place et de sa résurrection. Nous ne
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pourrons probablement pas faire abstraction de ce que Paul dit des saintes Écritures : elles « peuvent te rendre sage en vue du salut par la foi en Jésus-Christ » (2 Timothée 3.15).
En parcourant les Proverbes, nous souhaitons garder cette vérité à l’esprit de manière claire mais prudente. Nous voulons, dans un premier temps, nous pencher sur le texte inspiré qui nous est présenté en l’écoutant avec des oreilles ouvertes, comme l’auraient fait les premiers lecteurs. Avec prudence et humilité, nous serons alors prêts à comprendre comment ces paroles témoignent de notre Sauveur, comme il a lui-même dit au sujet des Écritures (Jean 5.39).
Jésus est venu pour nous enseigner et nous montrer la sagesse dans toute sa plénitude. Au plus fort moment du sermon sur la montagne en Matthieu 7, nous ne sommes pas surpris d’entendre Jésus raconter l’histoire d’un homme sage et d’un homme insensé ! Et que nous apprend cette histoire ? Jésus explique : « C’est pourquoi, toute personne qui entend ces paroles que je dis et les met en pratique, je la comparerai à un homme prudent qui a construit sa maison sur le rocher » (Matthieu 7.24). Les Proverbes nous appellent à entendre et à suivre les paroles de la sagesse : « Que le sage écoute » (Proverbes 1.5). Mettons-nous à l’écoute de la sagesse des Proverbes, dont nous avons tous si désespérément besoin, et puisse cette sagesse nous conduire à Jésus !
Jésus est le cadre définitif et parfait de la sagesse des Proverbes. En Jésus se trouve la révélation la plus éblouissante et la plus kaléidoscopique de la sagesse en action. Jésus est le chemin vers une relation avec Dieu. Jésus révèle la folie mortelle de l’autre chemin. La sagesse des Proverbes se déploie entièrement et s’illumine en la personne de Jésus.
Réfléchir pour agir
1. Les Proverbes interpellent de multiples publics. Lesquels vous semblent particulièrement importants ? 2. « Les personnes qui choisissent le chemin de la folie n’ont pas seulement besoin d’une argumentation raisonnée, elles ont besoin de rencontrer une personne. » De quelles manières les Proverbes démontrent-ils cette vérité, et comment en avez-vous été témoin vous-même ? 3. Lisez 1 Corinthiens 1.18-25, et commentez ce que vous découvrez sur la sagesse en relation avec Jésus-Christ.