C O L L E C
T I O N
Nouveau Départ
J'ai failli mal tourner...
BLF Europe • Rue de Maubeuge 59164 Marpent • France
En collaboration avec FE
J’ai failli mal tourner… • Daniel Coronès © 2010 BLF Europe • Rue de Maubeuge • 59164 Marpent • France info@blfeurope.com • www.blfeurope.com Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés. Couverture, mise en page et impression : BLF Europe • Rue de Maubeuge • 59164 Marpent • France Sauf mention contraire, les citations bibliques sont tirées de la Bible du Semeur, © 2000, Société Biblique Internationale. Avec permission. ISBN 978-2-910246-40-2 Dépôt légal 2e trimestre 2010 Index Dewey (CDD) : 259.5 Mots clés : 1. Délinquance. Marginalité. 2. Évangile. Jésus-Christ.
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Remerciements et dédicaces À mon épouse Isabelle et à mes enfants Manon, Samuel Angelo et Marie Ève. Ce livre m’a remémoré des événements peu glorieux que j’avais presque oubliés, voire occultés. Sachant que ma mère allait me lire, j’ai longuement hésité à les raconter. Elle sait combien je l’aime et que, pour rien au monde, je ne voudrais lui faire de la peine. Elle est mon diamant. Je tiens à remercier Alain Stamp qui a su m’accompagner dans cette aventure. Avec un gars comme moi, il lui fallait du savoir-faire, et il en a eu ! Il a su m’encourager sans me brusquer, avec finesse, avec foi. Sans lui, j’aurais rapidement baissé les bras. Un grand merci aussi à toute l’équipe de BLF Europe. J’ai été impressionné par son professionnalisme. J’ai une pensée toute particulière pour Sammy Gibson, Jean-Pierre Audéoud et Yves Perrier qui me témoignent leur affection depuis tant d’années. Ils sont mes modèles. À tous mes amis d’enfance « du quartier » et d’ailleurs. À Cheriff, Yacine, Karim, Rachid, Michel qu’on surnommait « Travolta ». À Richard « Le viet », Nordine dit « Le tombeur » (sousentendu « de ces dames »). S’il était là, il me dirait : « Tu m’as reconnu ! » À Jean-Marc, dit « Boulette », à cause de… son kyste pilonidal (j’en ai eu un aussi, c’est une galère). À Saïd alias « Terminator », avec ses biceps naturels.
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À Robert le Corse, dit « Démarre au quart de tour » à cause de sa susceptibilité. À Victor le Portugais, dit « La dent creuse », et à Robert « Le taxi » du quartier Solidarité. À Chaïbou et à son frère Ismaël du quartier de Belsunce. Je n’oublierai jamais aussi mon ami Luc ou « Lucky », un « monte-en-l’air 1 » parti dans l’au-delà bien trop tôt. À Saddek et Hamid, les deux frangins d’origine kabyle que j’aime profondément. À Vincent, mon ami sans faille. À Grégoire, mon grand frère originaire du Bénin. Sans oublier mon « zincou 2 », mon frère Jean-Michel. On en a coupé et pesé des barrettes tous les deux. On en a plus fumées que vendues. Daniel, dit « Le blond », garde un bon souvenir de chacun de vous. Que ce livre, s’il tombe entre vos mains, vous fasse découvrir celui qui me passionne. Vous me connaissiez sous un autre aspect certes, mais certains d’entre vous ont été les témoins de grands changements dans ma vie. Quels que soient vos choix de vie ou vos croyances, vous savez déjà que je les respecte. Mon affection pour chacun de vous est immense.
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Cambrioleur particulièrement agile pour grimper jusqu’aux fenêtres ouvertes des immeubles. En verlan : cousin.
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Préface Vous aimez l’authenticité, la sensibilité et la sincérité ? Alors vous allez aimer le premier livre de Daniel Coronès qui parle à cœur ouvert, sans masque ni langue de bois. Et ce n’est pas là la moindre de ses qualités. Ce livre révèle aussi sa passion, son amour débordant pour les autres. Son regard, sa sensibilité si personnelle vont rejoindre vos questions, vos aspirations, votre vécu aussi peut-être. Vous allez découvrir que cet auteur est un peu l’ami que chacun rêve d’avoir. C’est aussi le mien. Alain Stamp, Président de BLF Europe et de FE
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Introduction Voyous ? Délinquants, truands, gangsters, brigands, loubards, criminels, etc., tous catalogués à la rubrique « Voyous ». Vous avez vécu dans une cité de Marseille, une banlieue de Paris, une favela de Rio de Janeiro ou de Bogotá ? Votre quartier, c’est celui de Mantes-la-Jolie à Paris, la Solidarité, le Panier ou la Castellane à Marseille, le Bronx, Harlem ou Brooklyn à New York ? On vous a stigmatisé à cause de votre lieu de vie, de votre arrière-plan socioculturel, à cause de votre couleur de peau, de votre façon de vous exprimer, de votre look ? Vous avez fait les « 400 coups » ? Prison ou non, votre expérience, c’est « la rue » ? Ce livre est pour vous ! Non parce qu’il fait référence à la jungle urbaine dans laquelle vous habitez ou avez habité. Mais parce que dans ces lieux souvent critiqués et montrés du doigt, vous savez qu’il s’y trouve, malgré tout, une âme, un certain savoir-vivre, parfois de la sensibilité, de l’entraide, du partage, de la générosité… et de la loyauté… à part pour les « balances ».
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C’est vrai, la violence et le « système D » font partie du décor, mais il y a aussi de belles leçons de vie. C’est pourquoi ces pages s’adressent à tous ! Certains vont peut-être dire : « Encore un livre religieux qui va nous faire la morale ! » Et bien non ! Si vous me connaissiez, vous sauriez que je suis allergique aux « bondieuseries ». Il se peut que vous ayez l’impression que j’essaye de vous convaincre de croire en celui en qui j’ai cru. Si vous êtes comme moi, je ne pense pas qu’un livre d’une centaine de pages y parvienne. Il va vous falloir beaucoup plus… peut-être une révélation du Grand Patron. J’espère qu’il vous l’accordera.
Quelques chiffres Quelque 63 277 personnes sont incarcérées en 2009 dans les prisons hexagonales pour 51 000 places. La surface de cellule dont dispose un détenu se situe entre 2,4 et 4 m2. La France est sur le point de battre un nouveau record. L’abandon de la possibilité d’accorder une grâce présidentielle collective depuis juillet 2008 aurait contribué à aggraver la situation 3. Et pas uniquement dans le domaine de l’incarcération. Le ministère de l’Intérieur publie chaque année depuis 1972 des statistiques énumérant les faits constatés par les services de police et de gendarmerie. C’est sur ces statistiques que se fonde depuis 2002 le « nouveau management de la sécurité » instauré par Nicolas Sarkozy. Or, à la rubrique « Crimes et délits contre les personnes », l’année 2006 indiquait au total 375 414 faits constatés et, l’année 2007, 386 603, soit une augmentation de 3 %. Au sein de cet ensemble, la sous-catégorie la plus importante numériquement est celle des « coups et blessures volontaires » : l’augmentation est de 7 %, de 164 541 (en 2006) à 3
Chaîne d’information LCI [article mis en ligne le 18 juillet 2008]. Page consultée le 18 février 2010. Adresse URL : http://lci.tf1.fr/france/ societe/2008-07/nouveau-record-nombre-detenus-france-4889724.html.
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176 053 (en 2007) 4. Le nombre des violences aux personnes, point noir de la délinquance depuis 1996 a, quant à lui, augmenté en 2009 de 2,8 % environ. Leur hausse est légèrement supérieure à celle enregistrée en 2008 par rapport à 2007 (2,40 %) 5. C’est beau les chiffres, mais représentent-ils la réalité ? Combien de femmes battues se rendent dans un commissariat pour déposer une plainte contre leur conjoint ? Dans certaines agglomérations, combien sont prêts à faire la queue quatre heures d’affilée devant un guichet de commissariat à cause du manque d’effectif ?
Exprime-toi minot « Je suis un pitbull ! » ou « C’est un pitbull sans laisse » est une carte de visite dont il faut se méfier. Le sous-entendu n’est pas difficile à décrypter : « Reste à ta place, ne me regarde pas dans les yeux et ne te la joue pas car mon seuil de tolérance est très bas et je deviens rapidement agressif. Tu risques de le regretter ». Mais cette façon de communiquer n’est pas réservée aux banlieusards. Le 4 septembre 2008 à Saint Paul aux États-Unis, Sarah Palin passe son grand oral lors de la Convention républicaine aux côtés du candidat John McCain. Dans son discours contre Barak Obama, elle se présente sous la forme d’une métaphore : – Connaissez-vous la différence entre un pitbull et une maman qui emmène ses enfants au hockey ? Un temps de silence… – C’est le rouge à lèvres, répond-elle à sa question devant un auditoire qui rit aux éclats. 4
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Mediapart [en ligne]. Page consultée le 2 septembre 2008. Adresse URL : le http://www.mediapart.fr/journal/france/020508/laurent-mucchielli-lesstatistiques-de-la-police-sont-un-outil-de-communicatio. Page actu de Voilà [article mis en ligne le 14 janvier 2010]. Page consultée le 15 janvier 2010. Adresse URL : http://actu.voila.fr/actualites/ politique/2010/01/14/delinquance-en-baisse-globale-en-2009-malgre-unehausse-des-violences-aux-personnes_476238.html.
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Le message est on ne peut plus clair : « Ne vous fiez pas aux apparences, je mords ». Elle a du caractère, la meuf ! De plus en plus de Français sont concernés par la violence et la criminalité. Cette triste réalité engage de nombreux débats politiques, mais alimente aussi grassement nos médias. Phénomène de banlieue ? Je me souviens de la sortie du film Scarface. Le personnage principal s’appelait Tony Montana. Il était incarné par Al Pacino. Il est devenu l’icône de toute une génération de jeunes de la cité. J’en faisais partie. On était des minots et on s’exprimait comme Tony : « Entra, entra, pana ». Pour nous, violence et délinquance représentaient un moyen de nous en sortir, d’échapper à un état de victime, de nous valoriser, de défier, de réagir contre l’exclusion, de nous venger d’une société qui nous ignorait quelles que soient nos origines. Cette violence n’était pas réservée aux immigrés comme certains essayent de le faire croire. Mes amis et moi, étions d’origines diverses : italiens, portugais, espagnols, sudafricains, vietnamiens, gitans et français de souche. « Alors, dites bonne nuit au mauvais garçon. Attention, place au mauvais garçon. Mauvais garçon… chaud devant ! »
Planète M.A.R.S. S’il y a bien une ville que j’aime, c’est Marseille. Normal, j’y suis né et j’y ai grandi. Mon quartier : Saint-Lazare, dans le 3e arrondissement. Ma rue : Félix Pyat, à quelques mètres d’une cité baptisée Le Parc Bellevue. À mon avis, la « belle vue », c’est une plaisanterie de mauvais goût des promoteurs immobiliers. 6 000 habitants entassés dans de grands immeubles qui peuvent compter jusqu’à dix-huit étages, la plupart sans ascenseur en état de marche ! En contrebas, un amas de carcasses de voitures calcinées. Il était fréquent qu’une machine à laver en panne atterrisse sur le trottoir… après une chute de douze étages.
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Lorsque nous taillions l’école 6, nous restions « bloqués » au quartier. On coinçait la bulle dans le triangle du « J’attends que ça passe ». Le triangle, c’était une torréfaction, un bar PMU et une cabine téléphonique. De temps à autre, on rentrait dans la torréfaction acheter un petit sachet de graines de courges et quelques têtes de nègres 7. Madame Jean, sympathique commerçante d’origine vietnamienne, nous offrait toujours quelques sucreries en plus. Elle pensait que ça lui éviterait qu’on lui en vole. Va surveiller dix gamins en même temps. On avait entre 9 et 11 ans. Les « grands 8 », quant à eux, s’attablaient à la terrasse d’un bar un peu plus haut, dans l’avenue Camille Pelletan : le bar du Sans souci. Ne ris pas, c’était vraiment son nom ! Il existe même un bar juste en face du centre pénitentiaire des Baumettes. Il s’appelle Ici, c’est mieux qu’en face ! « En face », quelques-uns y allaient aussi de temps en temps. C’était leur seconde maison. Lorsqu’IAM, le groupe de rap de la cité phocéenne intitule son album De la planète Mars, il y décrit cette ville hors du commun : Marseille, tu es une autre planète et pour te diriger il faut une autre manette […] On vient de M.A.R.S., ce n’est pas une farce. IAM Live de la planète Mars où le soleil devient un violent poison pour ceux qui nous enferment derrière une cloison. Une cité à part, plongée dans le noir. De la délinquance des rues quand vient le soir.
Effectivement, Marseille n’est pas en odeur de sainteté pour le reste de la France et les Marseillais se sont fait une réputation. De Belsunce à la Buisserine, de la Savine à la Solidarité, de la Castellane à la Rose, la violence issue de la délinquance a
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Lorsque nous faisions l’école buissonnière. Réglisse en forme de tête d’une personne de couleur. C’est-à-dire les « grands frères » : les aînés.
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creusé son sillon. « Marseille, c’est chaud ! vous dira-t-on, c’est la ville de la French Connection 9 ». Et si on dédramatisait tout ça ? Présentons les choses sous un angle moins médiatique. Dans un blog, un internaute originaire des quartiers nord de Marseille a publié ce texte : On ne va pas vous décourager. Mais si vous êtes en vacances à Marseille, attention aux mauvaises surprises. On ne fait pas référence à la délinquance qui vous attend au coin de la rue mais au danger qui, à Marseille, vient du ciel. Vous risquez, par exemple, de recevoir violemment une daurade sur la tête. Et ce n’est absolument pas une blague. Un jour, une jeune Marseillaise, qui passait sous un immeuble, a levé les yeux au ciel, rageuse, après avoir pris une tête de poisson sur le crâne. Elle a grimpé furibonde les marches de l’immeuble, quatre à quatre, pour trouver le goujat qui avait fait ça. Elle a frappé aux portes de toutes ses forces. Mais personne ne lui a ouvert. La peur bien sûr. L’odeur aussi. Et pourtant, après une petite enquête dans la rue, elle s’en est retournée toute confuse. Parce que la tête de poisson, c’est un gabian 10 qui l’avait lâchée au-dessus d’elle, incapable de l’avaler. Eh oui, à Marseille, le poisson ne vient pas de la mer mais du ciel 11.
Les Marseillais ne sont pas uniquement adeptes de la délinquance et de la violence, mais aussi du rire et de la joie de vivre, même si certains vivent dans un ghetto. Alors, rassurés ?
La French Connection ou parfois appelé Corsican Connection est une appellation d’ensemble pour désigner la totalité des acteurs qui prirent part à l’exportation d’héroïne de la France aux États-Unis. 10 Un gabian est une mouette. 11 Blog La Provence, « Touristes attention : Marseille est dangereuse ». Page consultée le 16 février 2010. Adresse URL : http://blogs.laprovence.com/ comptes/fiorito/index.php/post/05/08/2007/Touristes-voila-ce-qui-vousattend-a-Marseille. 9
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La réputation n’est pas toujours la réalité ! N’écoutez pas tout ce que l’on vous dit.
La cité de Dieu La Cité de Dieu est le titre d’un film tiré du roman écrit en 1997 par Paulo Lins, qui a passé son enfance dans une favela de Rio. C’est l’histoire de Fusée, un gamin noir de onze ans, issu d’une famille pauvre. Fusée est bien trop fragile pour devenir un hors-la-loi, mais il est assez malin pour ne pas se satisfaire d’un boulot mal payé. Cet enfant qui grandit dans un environnement très violent essaye de voir la réalité autrement. Fusée a un cœur d’artiste et rêve de devenir photographe professionnel. Cet enfant va être témoin de la vie dans une cité gangrenée par les trafics de drogue et les guerres de gangs. Un de ses copains qui s’appelle Petit Dé, a l’ambition de devenir le plus grand criminel de Rio. Il commence sa formation en rendant des petits services à la pègre locale. Petit Dé admire le gang de Tignasse qui va lui donner l’occasion à onze ans de commettre son premier meurtre, malheureusement le premier d’une longue série. Cette histoire décrit parfaitement une des causes de la criminalité. Ce n’est pas pour rien que ce film a reçu 4 nominations aux Oscars du cinéma 12 en 2003 : meilleur réalisateur, meilleure adaptation cinématographique, meilleur montage et meilleure photographie. S’il vous venait à l’idée de voir ce film, un conseil : mettez de côté votre sensibilité. Il est « brut de décoffrage ». À côté, les films de Quentin Tarantino sont des contes pour enfants… ou presque. La Cité de Dieu. Pourquoi ce titre ? Peut-être parce que la mégapole Rio de Janeiro, située à l’Est du Brésil est surplombée par la statue Cristo redentor (Christ rédempteur) au sommet du Corcovado. Cette statue, bras en croix, d’une hauteur de 38 mètres, domine la ville de Rio depuis 1931.
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http://fr.wikipedia.org/wiki/Oscar_du_cinema.
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Rio, avec Johannesbourg 13 et Bogotá 14, est l’une des villes les plus violentes du monde en temps de paix, avec un taux d’homicides 15 de 50 pour 100 000. Entre début janvier et miavril 2007 16, les autorités ont recensé un millier de morts violentes et plus de 1 000 braquages par jour. On est loin des belles Brésiliennes, dans des costumes de rêve, défilant au son d’une musique qui ferait bouger le pied virtuel d’un unijambiste. Une question me brûle les lèvres. Qu’est-ce que le Cristo redentor a changé dans la vie des habitants de Rio ? Je ne fais pas références aux diverses étiquettes religieuses qui foisonnent dans cette ville. Les étiquettes, on s’en fiche. Ce qui compte, c’est ce que ça change. Il y a une vingtaine d’années, ce n’est pas un poisson qui m’est tombé sur la tête, mais Jésus-Christ. Il a changé ma vie. Je sais que tout ça évoque en toi des tas de choses : religion, croyance, secte, illuminisme, mysticisme, fanatisme, etc. Mais souviens-toi : la réputation n’est pas toujours la réalité. De même, un immeuble HLM mal entretenu – avec ses boîtes aux lettres démontées, sa cage d’escalier négligée, l’odeur de renfermé qui y règne, sa peinture passée et taguée – peut ne pas représenter réellement ceux qui y vivent. Derrière tout ça, n’y a-t-il pas des êtres humains avec des cœurs, de l’amour, de la solidarité, des vraies familles, des vies authentiques ? C’est pareil pour Jésus-Christ ! Derrière toutes les étiquettes, le fanatisme, la religiosité, le sectarisme, la puanteur des bondieuseries hypocrites, il y a une personne exceptionnelle. Comme toujours, certains s’acharnent à la dénaturer, à la défigurer et à la trahir. Les médias agissent de même avec la banlieue ou la cité. Ils ne font que brosser un tableau négatif. Je n’ai jamais vu une émission sur l’hospitalité, Article Wikipedia. Adresse URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/ Johannesbourg. 14 Article Wikipedia. Adresse URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bogota. 15 Article Wikipedia. Adresse URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/Homicide. 16 Article Wikipedia. Adresse URL : http://fr.wikipedia.org/wiki/2007. 13
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l’entraide ou l’amitié dans la cité. C’est toujours violence, délinquance, chômage, etc. Pourquoi ?
La prière du matin – Tu es devenu un illuminé, m’a-t-on dit. À l’époque, je travaillais dans des discothèques. Les copains étaient « sur le cul » lorsque je leur ai raconté ma découverte. Faut dire que pour des hommes fichés au grand banditisme, évoquer une personne telle que Jésus-Christ, ça semblait un peu loufoque… surtout venant de moi. – Ça y est, Daniel a pété un plomb ! Faut qu’il arrête le TGV [Tequila Gin Vodka] ! Il doit se sentir coupable lorsqu’on va faire payer les dettes de nos clients avec une batte de base-ball et un crochet de boucher. Il ferait mieux d’aller « à confesse » et d’arrêter de nous pomper l’air avec son Jésus ! Le joint et la coco, ça ne lui réussit pas. À qui ça réussit ? À Tony Montana ? Pas sûr. Eh bien, que tu le croies ou non, j’ai entendu un de mes patrons dire : « Merci mon Dieu ! » Il était six heures du matin, nous fermions la porte derrière nous. Quelques rayons de soleil caressaient à peine l’enseigne éteinte au-dessus de la porte d’entrée, et nos yeux mi-clos se laissaient rafraîchir par une légère brise. Nos oreilles étaient presque bouchées après sept heures de musique non-stop. C’est un miracle si je ne suis pas devenu sourd. De l’autre côté de la rue, deux types en voiture nous ont alors pris pour cible avec un fusil de chasse. Ça réveille. Nous avons tous plongé derrière une petite camionnette garée à quelques mètres. Heureusement, personne n’a été blessé. Passé indemne au travers des plombs, mon patron a eu le réflexe de remercier Dieu. Nous l’avons tous regardé et un des barmans a rétorqué : « Et ben… manquait plus que ça ! » En fait, au fond de nous-mêmes, nous l’avons tous remercié. Les deux barmans, le videur, le patron et moi, nous avons fait notre prière du matin, et en plus, avec génuflexion et face contre terre !
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Si je dis que Jésus-Christ m’est tombé sur la tête, c’est que j’ai découvert qui était ce type. Ce qu’il a dit et surtout ce qu’il a fait. Je t’assure que cette expérience n’a rien de mystique, même si certains se plaisent à l’appeler ainsi. Ce serait plutôt une révolution, une transformation ! En tout cas, ça l’a été pour moi. Si tu es un peu du style rebelle, en colère contre l’injustice qui règne dans notre société, je suis sûr que tu trouveras pas mal de choses intéressantes dans les pages qui vont suivre.
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Le cercle infernal Une chose est claire. Tu sais que j’ai vécu mon enfance dans un quartier difficile de la cité phocéenne, bercé entre la « Bonne Mère », l’Olympique de Marseille… et les chichis-frégis 17 de l’Estaque. Certes, ce n’était pas une favela, mais en y regardant de plus près, il y a de nombreux points communs. Je passerai sur les pseudos donnés aux collègues du quartier comme « Zigzag » (sous-entendu « orange » pour les connaisseurs de papiers à rouler), ou « Trompette » qui est celui qui « se cague dessus » (qui a la trouille). Comme au Brésil, il y avait l’enthousiasme pour le football, le soleil, la plage… ou plutôt le « carénage », à la sortie du port. On y allait en vélo Solex sans moteur avec quelques baguettes de pain, quelques boîtes de thon à la tomate, deux ou trois bouteilles de Québec et une demi-barrette de shit. Il y avait aussi la religion, chacun la sienne, mais tous amoureux de l’élégante et célèbre « Bonne Mère ». On était marseillais avant d’être italiens, nord-africains ou gitans. 17
Les chichis-frégis sont des beignets longs qui se vendent dans des bungalows sur le port de l’Estaque à Marseille. Ils sont fris devant vous et existent en différents parfums (nature, chocolat, chantilly, pomme, etc.).
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Tout en ayant reçu une éducation religieuse, chacun dans sa branche familiale et culturelle, mes copains et moi n’avions aucun remords à voler, vendre de la drogue ou agresser les gens pour les alléger de leur argent. Nos prétendues « croyances » n’avaient que peu d’influence sur nos vies quotidiennes. Nous étions comme dans un labyrinthe dont il nous semblait impossible de sortir. C’était la loi de la jungle, la loi du plus fort, la loi du plus malin, du moins peureux (ou du moins, de celui qui savait cacher sa peur). Dans ce contexte, la prison était souvent le diplôme. Le décor s’y prêtait : rues taguées par la colère, immeubles insalubres, trottoirs jonchés d’ordures, façades sombres et délabrées, cages d’escalier rouillées, magasins poussiéreux avec de larges barreaux noircis. Il était fréquent qu’à la boulangerie du coin, une ou deux petites blattes fassent leur apparition entre la caisse et le comptoir. On y achetait quand même notre pain.
Pantoufles en affaire J’ai commencé ma préadolescence avec dans ma poche, quelques brisures de porcelaine. Vous savez, cette matière blanche qui entoure les bougies de voiture. Devant le garage du quartier, je ramassais des bougies usagées et je les jetais violemment sur le sol. Je rassemblais ensuite les petits morceaux blancs. Un petit bout de quelques millimètres lancé sur une vitre de voiture la faisait éclater en mille morceaux. Il ne restait plus qu’à passer le bras pour ouvrir la portière… se dépêcher d’extraire l’autoradio du tableau de bord, d’ouvrir la boîte à gants et de jeter un coup d’œil furtif sous les sièges. Je commençais à l’aube, à midi, j’avais assez d’argent pour le reste de la journée… en théorie. Mais ce n’était pas assez. Je me suis alors mis à faire quelques cambriolages. Nous travaillions à deux. Cela nous prenait du temps, surtout pour le repérage. Nous calculions les horaires de présence des locataires d’appartements. Nous glissions ponctuellement un petit morceau de papier pratiquement invisible entre la porte et
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son encadrement. Au bout d’une semaine, nous savions plus ou moins à quel moment nous pouvions agir sans risquer de tomber nez à nez avec les locataires. Tous les jours, dans des tranches horaires différentes, nous placions notre petit bout de papier. Lorsque ce dernier restait en place entre la porte et son encadrement, et ceci sur plusieurs jours à la même heure, on en déduisait que l’appartement pouvait être visité dans cette tranche horaire. En général, nous choisissions ceux dont les locataires roulaient en belle bagnole. Un jour, les locataires sont rentrés plus tôt que prévu. Sauter du deuxième étage était une folie. Mon collègue s’est cassé les deux pieds et il a quand même réussi à s’enfuir en rampant. Plus de trois mois en chaise roulante, ça calme. Quoique ça ne l’a pas empêché de descendre tous les jours en ville vendre quelques barrettes de shit. Il roulait sur la voie des bus. Tu vois le tableau ? Les magasins du quartier commençaient alors à nous tenter. Mais nous avions besoin d’un véhicule pour transporter la marchandise. Tu sais faire les fils 18 ? Une petite formation en électricité auto s’est imposée à nous. Elle nous a été donnée par un spécialiste. Un garagiste du quartier qui volait devant chez ses clients leurs belles BMW. Devinez comment il savait où ses clients habitaient ? Notre première voiture empruntée : une Renault 16 TX. À nous, les magasins de vêtements ! Nous nous sommes retrouvés un jour avec cinq cents paires de pantoufles sur les bras. Allez fourguer un tel stock de charentaises 19 ! Tout le quartier se moquait de nous.
Au cinoche Pour sortir de ce cercle infernal, une seule solution : partir loin ! Faire les fils, c’est tout simplement démarrer une voiture sans les clés. En associant soigneusement plusieurs fils sous le tableau de bord, côté conducteur. 19 Célèbres pantoufles. 18
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Mais où ? Avec quoi ? Avec qui ? Comment ? Même si la question religieuse revenait de temps à autre dans nos discussions dans la cage d’escalier d’un immeuble, les réponses étaient déconcertantes. Et Dieu dans tout ça ? Il s’en fiche de nous ! C’est le chaos ! P… Daniel, tu peux crever la bouche ouverte, c’est chacun pour soi. Soit Dieu n’existe pas, soit il nous a oubliés ! Aussi bizarre que cela puisse paraître, très peu d’entre nous pensions que Dieu n’existait pas. Pour nous, il avait créé l’humanité ; il avait ensuite vu que ça ne tournait pas rond et nous avait abandonnés à notre triste sort. C’est vrai, pourquoi certains naissent sous une bonne étoile, avec des parents équilibrés financièrement, qui habitent une jolie maison et font de beaux voyages pendant leurs vacances… alors que nous, nous vivons dans un immeuble pourri ? Notre seul déplacement, nous le faisions sur le parking avec un 103 20 volé ou en allant au ciné voir « un bon film où ça cogne ». Pour 5 francs, tu pouvais voir jusqu’à deux films sans changer de salle. À l’affiche du cinéma Variété : Le Temple Shaolin ! Si tu avais vu comment Jue-Yan utilisait la technique de la cigogne ! Rien qu’avec le déplacement d’air de ses bras et de ses jambes, il t’aurait enrhumé. Tu ne serais pas choqué si je te disais qu’il m’est arrivé de m’imaginer Jésus en super héros ? Ponce Pilate se demandant comment arrêter un homme capable de botter le c… à toute une légion 21 romaine. Bruce Lee face à face avec Chuck Norris dans La fureur du Dragon. Impossible de l’arrêter car hyper organisé comme Robin des Bois dans la forêt de Sherwood. Jésus, grand défenseur des pauvres et des opprimés. N’hésitant pas à détrousser les riches pour redistribuer ensuite le butin aux pauvres. Mais les choses vont plutôt mal tourner.
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Cyclomoteur Peugeot 103. Une légion est composée de 10 cohortes numérotées de I à X (la 1re est la plus prestigieuse et la plus nombreuse) : cela représente environ 6 000 légionnaires.
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Au lieu de cela, Jésus va être recherché et balancé comme un voyou. Pour lui, pas d’avocat commis d’office. Procès à l’emporte-pièce. Verdict : il va être cloué sur un poteau en bois en forme de croix.
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En fait, il y avait trois croix ce jour-là. Une pour Jésus, et deux autres pour des voyous. J’aurais pu être l’un d’eux. Par contre, je n’aurais jamais pu être Jésus. Pourquoi ? Tout simplement parce que lui ne méritait pas ce qui lui arrivait. Jamais volé, jamais menti, jamais fait de mal, ni en acte, ni en parole, ni même en pensée. Jésus est le seul être au monde qui peut dire : « Qui d’entre vous peut m’accuser d’avoir commis une seule faute 22 ? » Une autre traduction de ce texte dit : « Qui d’entre vous me convainc de péché ? » Personne au monde, même pas le religieux le plus engagé, le plus haut placé dans la hiérarchie qu’il représente, ne peut faire une telle déclaration. Il serait un grand « mytho ». Autrement dit : « Qui d’entre nous peut dire qu’aucune situation, ni personne au monde ne peut nous pousser à commettre ce qui est mal ? » Devant la calomnie, nous sommes tous prêts à nous défendre. Devant l’injustice, nous sommes tous enclins à crier « Justice ! » Qui d’entre nous est prêt à être condamné pour avoir fait le bien ? Qui est capable de ne pas se révolter contre ses bourreaux alors qu’il en a les moyens ? Qui a la force de ne pas crier « Vengeance ! » face à ceux qui le torturent sans raison ? Tout notre être est en ébullition devant la vengeance finale de Jue-Yan. Il va enfin pouvoir utiliser ses dernières techniques pour affronter les méchants. Il va enfin les humilier et les écraser comme les cafards qu’ils sont. Le jour de la vengeance est enfin arrivé… et nous, on a les yeux tout écarquillés devant
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La Bible : Évangile selon Jean, chapitre 8 verset 46.
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l’écran de cinéma. On s’identifie, on prend parti, on se laisse gagner par nos émotions. Ces dernières années, j’ai beaucoup mieux géré les séances ciné que pendant mon adolescence. En revanche, à cette époque, si les films avaient été des pâtisseries, je crois que je serais diabétique.
Tupac Je repense au passé Je me souviens de mon adolescence Un jeune gangster Gagnant de la tune grâce aux accros à la drogue Dépensant l’argent que je gagnais Négro, ça sert à quoi de travailler dur ? Si tu ne joues jamais Je vends de la drogue Restant dehors jusqu’à l’aube Et revenant à la maison À 6 heures du matin La main sur mon flingue Les yeux sur ma tune Le doigt sur la détente quand un négro arrive Je tire sur ces saloperies Faisant passer les négros à travers la porte Je ramasse mon argent qui est par terre Dieu bénit les flingues […] Thug Life, écrit par 2Pac.
Thug Life est le titre d’une chanson du rappeur Tupac Amaru Shakur plus connu sous le pseudo « 2Pac ». Fils de deux membres des Black Panthers 23, Tupac est né à New York. Ses 23
Le Black Panther Party (à l’origine le Black Panther Party for SelfDefense) était un mouvement révolutionnaire afro-américain formé aux États-Unis en 1966 par Bobby Seale et Huey P. Newton. Il a atteint une échelle nationale avant de s’effondrer à cause de tensions internes et des efforts de suppression par l’État, en particulier par le FBI.
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parents se séparent avant même sa naissance. Tupac se retrouve donc seul avec sa mère et sa sœur luttant contre la pauvreté et l’exclusion. Malgré tout, il réussit à être accepté à l’école prestigieuse Baltimore School of the Arts. Un miracle pour un homme noir de la banlieue ! Il n’est qu’un adolescent, mais très doué d’un point de vue artistique. À cette époque, il commence à composer quelques morceaux de rap et à jouer quelques pièces au théâtre. Sa famille doit partir pour la Californie et il ne parvient pas à recevoir son diplôme. Lorsque sa famille s’installe à Marin City, Tupac n’a que 17 ans. Au cours des années suivantes, il vit dans la rue et se fraie un chemin avec de petits délinquants. Il fait alors la connaissance d’un certain Shock-G, leader de Digital Underground, groupe de rap d’Oakland. Le groupe l’embauche comme danseur et technicien. Plus tard, son charisme lui donnera l’opportunité de se produire lui-même. Tupac a quelque chose de spécial. En tant qu’ancien disc-jockey 24, je me suis intéressé à la vie de ce chanteur aujourd’hui décédé. Le 7 septembre 1996, Tupac est mortellement touché dans une fusillade alors qu’il est dans une voiture au retour d’un match de boxe de Mike Tyson. Les balles viennent d’une Cadillac blanche dont on ne retrouvera plus jamais la trace. Il tombe dans un coma d’où il ne ressortira jamais, et décède le vendredi 13 septembre 1996. J’aime bien le style de son rap, mais aussi la personnalité ambivalente qui se dégageait de ce jeune homme. Alors qu’il n’est qu’un adolescent marqué par la discrimination raciale et la pauvreté, il découvre que sa mère se drogue. Garçon hyper doué, il multiplie les compositions et les labels des disquaires s’arrachent son talent. Tupac revendique souvent des idées justes, mais en même temps il multiplie les délits et les incarcérations. Quel gâchis ! Violence et douceur, brutalité et humanité sont en constante opposition chez ce jeune homme. On dirait qu’il lui est impossible de trouver une stabilité, un équilibre de vie. Capable du pire, mais aussi du meilleur, il n’hésitera pas à acheter 850 jouets pour les enfants de l’école Foster à Compton. 24
Animateur dans les discothèques et dancings.
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Lors d’une fête de Thanksgiving, Tupac aide un certain Death Row à nourrir les pauvres de Los Angeles en achetant pour 400 000 dollars de dindes. On raconte même que, lors d’une soirée musicale, il s’est mis à danser pendant quatre heures avec une vieille dame en chaise roulante dont personne ne se préoccupait. Joshua, un enfant condamné lui a écrit pour lui demander de le rencontrer avant de mourir. Avec un cœur aussi grand que son talent, Tupac décide d’accompagner l’enfant jusqu’à sa mort. Suite à cela, il crée une maison d’édition appelé « Joshua’s Dream » en hommage à ce petit garçon.
Mektoub Crois-moi, les choses ne sont pas si simples, même si aujourd’hui on m’appelle « pasteur ». Désolé de te décevoir, mais je suis loin d’avoir trouvé l’équilibre espéré. Je suis très loin d’être aussi bon que je le souhaiterais. Daniel a encore du chemin à faire. Mon passé a laissé des traces et il faudra des années pour qu’elles disparaissent complètement. Certaines s’effaceront lorsque je serai au paradis. Pour l’instant, comme les nouveaux titulaires du permis de conduire, j’ai un « A » collé dans le dos. Un dicton qui me paraît très juste est formulé ainsi : Sème une pensée et tu moissonneras une action, Sème une action et tu récolteras une habitude, Sème une habitude et tu récolteras un caractère, Sème un caractère et tu récolteras un destin.
Depuis que j’ai découvert Jésus, mon système de pensée a commencé à changer. De ce fait, mes actions sont devenues en grande partie, différentes. Ce qui en découle, ce sont de nouvelles habitudes, un caractère qui a progressé dans le bon sens. Résultat : mon destin a changé ! Avec Jésus, je fais le chemin inverse de celui que j’ai pris il y a bien longtemps. Les choses ne changent pas du jour au lendemain. Il faut du temps. Dieu a tout son temps ! Une chose est sûre, c’est qu’il a commencé à reconstruire ma vie voilà main-
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tenant plus d’une vingtaine d’années. D’une manière générale, je sais que j’avance avec Jésus. Avouons-le : nous sommes tous capables d’une chose… et de son contraire. Chaque être humain est capable du meilleur, comme du pire. C’est lié à notre nature profonde, mais aussi aux habitudes, bonnes et mauvaises, que nous avons prises. Qui que nous soyons, nous luttons avec nous-mêmes, quand bien même nous aurions grandi dans du coton, le « derrière bordé de nouilles ». Voici l’extrait d’un des poèmes les plus étonnants de Tupac. On y découvre un autre aspect de sa personnalité : Quand j’étais seul et que je n’avais rien, J’ai demandé un ami pour m’aider à supporter ma douleur. Personne ne vint sauf… Dieu. Quand j’avais besoin d’un souffle pour me lever de mon sommeil, Personne ne vint m’aider sauf… Dieu. Quand tout ce que je voyais était la tristesse et que j’avais besoin de réponses, Personne ne m’entendit sauf… Dieu. Donc lorsqu’on me demande à qui je donne mon amour inconditionnel, [Je réponds] Ne cherche aucun autre nom que… Dieu.
Aucun rapport avec sa chanson Thug Life où il dit « Dieu bénit les flingues ! » Tupac était, lui aussi, comme dans un labyrinthe sans issue, même si de temps en temps, une fenêtre lumineuse s’entrouvrait dans son esprit. Tupac a été abattu de sang-froid. Quelles étaient ses fréquentations ? Pourquoi n’avait-il pas pu se détacher de ce et ceux qui le tiraient vers le bas ? Qu’estce qui aurait pu lui éviter une fin si tragique ? Certains de mes amis du quartier diraient « Mektoub » : c’est le destin.
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Regrets Trois heures du matin, sur le chemin du retour pour Marseille. Robert est au volant de sa Renault 5 Turbo grise. Attention : volant Momo ! Le lecteur cassettes Alpina envoie les watts dans la caisse : Kool & The Gang à fond. On chante tous en cœur : « Guette-ta-monnaie 25 ». Nous sommes quatre : Cheriff, Hamid, Robert et moi. Nous revenons d’Aix-en-Provence où nous venons de braquer un pauvre type dans sa bagnole avec un colt 45 automatique… à grenailles. Une patrouille de policiers en civil nous arrête juste en arrivant au quartier. « Et m… ! », c’est ce qu’on se dit dans ce genre de situation. Un des flics du commissariat du Parc Bellevue est présent. On le connaît bien car il ressemble à Serpico 26. Barbe, cheveux longs, trois-quarts en cuir noir, bonnet noir en laine et 357 Magnum à la main. Waouh ! La caricature.
NDE : francisation phonétique de la chanson Get down on it [Mets-toi au boulot]. 26 Frank Serpico, policier à New York qui a entrepris de dénoncer la corruption générale qui régnait au sein de son service de police. Son histoire a fait l’objet d’une réalisation cinématographique et d’un feuilleton télévisé. 25
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Ses collègues nous font signe de descendre du véhicule, mains bien en vue. La R5 est un coupé trois portes et je descends le premier avec Robert car nous sommes à l’avant. Cheriff et Hamid à l’arrière suivent lorsqu’un des policiers fait basculer le siège baquet côté conducteur. C’est le moment de la fouille du véhicule, et bien entendu, le 45 est tout de suite repéré par un des policiers. Il se trouve près du siège arrière, du côté de Cheriff. Pas de pot. Cheriff s’écrie : – Qu’est-ce que c’est que ça ? C’est pas à moi chef ! Et hop ! Une petite claque de Serpico avec la grosse chevalière bling-bling des années quatre-vingt : – On t’a rien demandé, tu parleras lorsqu’on te le demandera ! Résultat : une dent cassée. Robert se fait alors secouer comme un prunier car il est le propriétaire du véhicule : – Ça sent mauvais tout ça, s’écrie Serpico. Je suis sûr que cette nuit, ce flingue a braqué ! On est mal. On commence à regretter d’être sortis en vadrouille ce soir-là. Finalement, on ne sait pas par quel miracle, mais la patrouille nous laisse partir. Robert est convoqué le lendemain au commissariat. Aucune preuve de ce qu’ils ont avancé. Ils voulaient voir nos réactions. « Robert ! Rooobeeert ! Tu vas fermer ta gueule demain ! T’a pas intérêt à balancer, fais gaffe ! » Robert n’a rien dit et tout s’est bien terminé, à part le « grenaille » que les flics ont gardé. Heureusement que nous n’avions pas encore trafiqué ce maudit flingue. On n’aime pas beaucoup les balances, pourtant on en trouve partout. Surtout là où on ne s’y attend pas. On savait que notre ami Robert n’en était pas une et on avait tous entièrement confiance en lui.
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Le baiser du traître Je vais maintenant te présenter la plus grande « balance » que le monde ait connue : L’aube s’était levée. L’ensemble des chefs des prêtres et des responsables du peuple tinrent conseil contre Jésus pour le faire condamner à mort. Ils le firent lier et le conduisirent chez Pilate, le gouverneur, pour le remettre entre ses mains. En voyant que Jésus était condamné, Judas, qui l’avait trahi, fut pris de remords : il alla rapporter aux chefs des prêtres et aux responsables du peuple les trente pièces d’argent et leur dit : J’ai péché en livrant un innocent à la mort ! Mais ils lui répliquèrent : Que nous importe-t-il ? Cela te regarde ! Judas jeta les pièces d’argent dans le Temple, partit, et alla se pendre 27.
Judas était l’un des douze amis de Jésus. Son job dans la bande ? Trésorier ! Je sais… mauvais choix. Il était chargé de gérer l’argent du groupe. Jésus savait que Judas allait le trahir pour trente malheureux deniers. Ce dernier allait indiquer aux gardes romains qui était Jésus. Il l’a fait d’une manière très symbolique, c’est-à-dire en l’embrassant. D’où l’expression « le baiser de Judas » : le baiser du traître. Ce baiser qui me rappelle étrangement le baiser de Lino Ventura à Charles Bronson dans Cosa Nostra ou dans L’affaire Joe Valachi 28. Certes, c’est Don Vito Genovese, le balancé, qui dans cette histoire vraie, embrasse Joe Valachi la balance. Et en plus sur la bouche… Beurk ! Dans ce texte tiré de la Bible, nous voyons Judas, pris de remords, aller se pendre à un arbre. Bon débarras. 27 28
La Bible : Évangile selon Matthieu, chapitre 27 versets 1 à 5. À la suite d’une affaire de drogue, Joseph Valachi est emprisonné pour quinze ans. Croyant que la mafia veut se débarrasser de lui, il tue un prisonnier qui avait pour mission de l’assassiner. Pour ce crime, il sera condamné à vie. Au procès, il décide de tout raconter au sujet de Vito Genovese, le chef de la mafia. Ceci est une histoire vraie.
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Bien mal acquis Ce jour-là dans le jardin, Judas suit certainement des yeux les événements. Il se tient à l’écart, peut-être de peur de se ramasser une « claquasse » des grosses paluches de Pierre. Judas reste donc planté là, à l’endroit même où il a donné à Jésus son baiser de traître. Il suit des yeux la troupe des sbires qui entraînent violemment le meilleur homme que la terre ait vu naître. Judas ne mesure pas encore l’ampleur de son geste. Les torches incandescentes illuminent le chemin au milieu des oliviers centenaires. Ça sent la suie et la balance. Au milieu des épées et des lances dressées, le cortège avance silencieusement, à pas cadencés, comme une bande de voleurs dans la nuit. Un des serviteurs du grand prêtre appelé Malchus vient d’avoir une oreille coupée par l’épée de Pierre. Pierre n’est pas du genre à plaisanter lorsqu’on touche à un de ses amis. Malchus se remémore ce qui vient de lui arriver. Il se souvient du sang chaud qui dégoulinait dans son cou avant que Jésus ramasse l’organe auditif tombé sur le sol humide et le lui recolle comme on le ferait avec une figurine en plastique pour enfant. Malchus jette en arrière un regard sur Judas tout en caressant de sa main son oreille guérie… au cas où elle serait retombée. Son regard croise celui de Pierre, puis une nouvelle fois celui de Jésus. Celui de Jésus le marquera à jamais. La troupe armée s’enfonce dans la campagne et disparaît. Le visage de Judas est tourné du côté de la ville. Il reste un instant sur place et ne parvient pas à savourer ce qui vient d’arriver. Il essaye pourtant… Il s’enveloppe de sa veste en s’appuyant sur un tronc d’olivier bicentenaire. C’est une nuit de pleine lune. D’un pas décidé, Judas se dirige vers la cité et à quelques mètres des remparts, un vieil homme à la barbe blanche s’approche de lui. C’est la rencontre des deux trésoriers. Celui de Jésus et celui du Temple de Jérusalem. Le vieil homme tend une bourse à Judas avec un sourire cynique. Tenant dans sa main le gain de sa trahison, Judas s’éloigne, le cœur presque léger. Près d’un arbre, il s’arrête, jette un coup d’œil furtif autour de lui et tire sur la lanière de cuir qui entoure la bourse. Son re-
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gard s’illumine devant toutes ces pièces qui scintillent. Il vide le contenu dans sa main, puis remet délicatement une à une ces belles pièces marquées de l’effigie impériale dans le sac. Il se souvient alors des paroles de Jésus à un groupe de religieux : « Rendez donc à César ce qui revient à César, et à Dieu ce qui revient à Dieu 29 ». Sagesse déconcertante. Pris dans ses pensées, Judas sursaute au cri d’un hibou. Pour les Romains, ce cri présage une mort prochaine. Une angoisse le saisit à la gorge. Ses jambes semblent ne plus le porter. Il y a tellement longtemps qu’il n’avait pas eu ce genre de sensations : Qu’est ce qui m’arrive ? se dit-il. Enfouissant la bourse dans la ceinture de sa robe, il se dirige alors vers Jérusalem. Finalement, ces pièces ne lui font pas l’effet espéré. La joie n’y est pas ! J’ai possédé beaucoup d’argent, sans jamais le garder. Il venait si facilement qu’il me semblait inutile d’en garder pour le lendemain. Rares sont ceux qui jouissent et parviennent à prévoir l’avenir avec de l’argent gagné de façon malhonnête. Le proverbe semble juste : « Bien mal acquis ne profite jamais ».
Témoignages Vincent, 52 ans, ancien braqueur de station-service : Le jour où mon cousin s’est fait braquer et que j’ai vu dans quel état il était pendant plusieurs mois, j’ai décidé d’arrêter. J’ai compris le mal que je faisais ! J’ai compris ce qu’une personne agressée pouvait ressentir.
Le témoignage de Vincent le jour de son baptême a bouleversé l’auditoire. Vincent est aujourd’hui peintre en bâtiment et travaille de ses mains. J’ai aussi rencontré Marty, à Belfast, en Irlande du Nord. Ancien membre de l’IRA (Armée Républicaine Irlandaise), il 29
La Bible : Évangile selon Matthieu, chapitre 22 verset 21.
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avait été inculpé et emprisonné pour terrorisme, puis libéré au bout de quelques années suite à un processus de paix amorcé dans les années quatre-vingt-dix. Marty a découvert JésusChrist il y a environ cinq ans. Tellement heureux de sa découverte et de son changement de vie, il s’est fait tatouer le psaume 23 sur la cuisse : Grâce à lui, je me repose dans des prairies verdoyantes, et c’est lui qui me conduit au bord des eaux calmes. Il me rend des forces neuves, et, pour l’honneur de son nom, il me mène pas à pas sur le droit chemin 30.
Marty, comme on dit, c’est quelqu’un. Il avait bien besoin de trouver le droit chemin. Les responsables de son église n’osent plus lui demander de mettre autre chose qu’un marcel31 pour venir à l’office du dimanche. Avec beaucoup d’égard et de prévenance, ils ont incité Marty à s’acheter une veste de costume. Marty est arrivé à l’office avec une veste vert fluorescent. Vous auriez vu la tête du pasteur ! Chez Marty, comme une mayonnaise avec trop d’huile, le conformisme ne prend pas. C’est souvent le cas des personnes qui viennent « de loin ». Les communautés religieuses ne jouent pas toujours la carte de l’accueil sans jugement devant des personnages un peu différents, hors normes et marginaux. Jésus est tombé sur la tête de Marty et il passe aussi parfois de longues heures d’angoisse quand il repense à son passé. Même si Marty est sur la voie de la guérison, il ne peut pas effacer ses souvenirs. La prise de conscience de toutes ses mauvaises actions et la souffrance engendrée lui font dire : « Heureusement que Jésus-Christ est entré dans ma vie ! Sinon, je me serais flingué tellement mon remord est immense ».
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La Bible : Livre des Psaumes, chapitre 23 versets 2 et 3. Le marcel est un débardeur souvent blanc, décolleté et très près du corps.
Grandir dans les quartiers chauds d’une grande ville, se sentir exclu, marginalisé, ne pas avoir toutes ses chances… Il n’en faut pas plus pour finir mal. Daniel Coronès • Daniel est Marseillais. À l’adolescence, avec une bande de copains, il s’enfonce dans la délinquance. La plupart de ses amis d’enfance sont aujourd’hui soit en prison soit décédés. Vers 30 ans, il commence à s’interroger sur le sens de sa vie. Violence, trafics, argent facile et drogue ne remplissent pas son existence et il vit un échec total. Daniel fait la connaissance d’un pasteur irlandais qui devient un véritable ami. Celui-ci lui parle de Jésus, de l’amour de Dieu pour les hommes, quel que soit leur parcours. L’existence de Daniel ne sera plus jamais la même ! Devenu aide-soignant dans des hôpitaux et maisons pour personnes handicapées, il est bouleversé par la souffrance et le désespoir qu’il côtoie. C’est donc avec détermination que Daniel s’engage à annoncer le message de l’Évangile. Aujourd’hui, marié et père de 3 enfants, il est prédicateur et enseignant itinérant.
À moins qu’une rencontre ne vienne tout chambouler et redonner sa chance à l’espoir. Une histoire authentique, sincère, truffée d’anecdotes colorées… Suivez l’itinéraire mouvementé de l’auteur. Suivez-le aussi dans les rencontres qu’il vous propose, des personnages de l’Évangile et en particulier celui qui lui a offert un « nouveau départ ».
Alain Stamp
9 782910 246402
ISBN 978-2-910246-40-2
En collaboration avec FE France Évangélisation