Mémoire | Master 1 | BONNET Gaël | ENSAG

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BONNEVAL-SUR-ARC

L’ÉVOLUTION DES TYPOLOGIES URBAINES ET ARCHITECTURALES PAR L’HABITER Mémoire de cycle master 1 Gaël BONNET Sous la direction de madame Barbara MARTINO

École Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble Thématique Architecture - Paysage - Montagne J.-F. Lyon-Caen, architecte enseignant coordinateur - Session mai 2019

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REMERCIEMENTS Je tiens en premier lieu à exprimer toute ma reconnaissance à Barbara Martino pour son suivi et ses précieux conseils. J’adresse également mes remerciements à l’équipe pédagogique du master Architecture Paysage Montagne à l’ENSAG, composée de Jean-François Lyon-Caen, Niels Martin, David Soarès, Serge Gros, Jacques Félix-Faure et Jean Presidy pour leurs confiances et accompagnements. Je remercie Mehdi Ziat de m’avoir accueilli au Musée Dauphinois de Grenoble pour consulter des ouvrages particuliers et l’Office de Tourisme de Bonneval-sur-Arc de m’avoir ouvert leur bibliothèque. Merci à mon ami Tony Guicheteau pour le travail effectué ensemble sur le recensement et l’analyse des techniques constructives des bâtis de Bonneval-sur-Arc. De même, plusieurs amis et ma famille ont pris le temps de relire le texte, entièrement ou en partie. Leurs encouragements ont été utile dans l’élaboration du mémoire. Enfin, je souhaite remercier les habitants de Bonneval-sur-Arc et le CAUE de Savoie avec qui j’ai pu m’entretenir pour mieux connaître leurs opinions, leurs visions du village et d’en apprendre plus sur la vie des habitants.

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AVANT-PROPOS L’environnement de montagne, par la particularité de son savoir-vivre, son approche sensible liant le site et le paysage, montre qu’il est pertinent de s’interroger sur le village qui le compose. Les stations-villages ont une forte présence dans le paysage montagnard et c’est intéressant de voir comment celles-ci ont évolué face aux stations « skis aux pieds » toutes récentes dans l’histoire. Je cherche à découvrir un territoire qui est nouveau pour moi, comme par exemple le village de Bonneval-sur-Arc qui est une photographie connue de villégiature dans les Alpes. Ce mémoire sera une occasion de m’intéresser à ce territoire, son passé, son actualité et se questionner sur le devenir de ce village. Au fil des pages qui suivent, je me construis un nouvel outil sur la manière d’interroger un site, comprendre son historicité et son évolution dans le temps. Le mémoire vient après une réflexion philosophique de qui nous sommes par le rapport d’étude. En effet, la beauté du métier d’architecte est de pas avoir de réponse juste à une question mais plusieurs réponses à une attente. Lors de concours, de présentation, chacun d’entre-nous développent sa manière de voir un lieu dans la prospective. Par notre culture, notre approche, nos références et notre manière de vivre le monde, nous avons un corpus idéologique large et pluriel. Mais avant de proposer un geste architectural, il est pertinent de comprendre un site par son environnement paysager et urbain existant dans sa mosaïque technique et géométrique. Habiter, vivre un lieu de manière permanente ou non, visiter un endroit précis, doit être vécu comme une expérience unique grâce à l’architecture et son environnement. Dans une conscience d’une société qui évolue et qui s’interroge sur son devenir, sur une civilisation perçue en déclin par des scientiques et des historiens, l’architecte a l’apportunité de changer les mentalités. Dans une approche minimaliste par la forme et les quantités de matière, je mets l’accent sur la qualité intérieure dégagée par la libération des espaces et un travail sur la matérialité qui donne un sens à un édifice. Ce mixte entre le modernisme et le savoir-faire passe par le localisme, par une architecture pensée sur un site précis tout en le servant. L’architecture est vecteur d’un type de développement souhaité. Penser le projet par des paramètres culturels, sociaux et techniques m’emmène vers une architecture régionaliste. Il ne s’agit pas de faire de l’architecture vernaculaire, imiter une typologie existante, mais de rebondir sur le potentiel d’un lieu pour créer une nouvelle architecture tournée vers les enjeux de demain avec des ressources locales. Ces dernières sont à la fois humaines et matérielles, car je crois à la proximité par l’artisanat et les qualités intrasèques qui caractérisent une matière. Cette philosophie provient sûrement d’une enfance attachée à la ruralité dans la Drôme provençale et par l’amour de la montagne depuis très jeune en y passant du temps en famille à contempler des chefs-d’oeuvre paysagers et architecturaux. Lorsque je constate des parcelles agricoles qui se réduisent, des «zoning» territoriaux, des services se fermer, une architecture de plus en plus réduite à un schéma type qui se duplique partout en France, j’ai compris que l’architecte à un rôle à jouer dans l’aménagement du territoire et de redonner une lettre de noblesse à l’architecture en prenant un compte les contraintes et les potentiels d’un lieu. Le contexte aujourd’hui nous amène à questionner le futur, les crises actuelles résultent d’un malaise sur l’aménagement du territoire, comment les villages de montagne ont évolué dans leurs aménagements et leurs architectures ?

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SOMMAIRE

INTRODUCTION

p. 6-7

1. DIAGNOSTIC DU SITE À L’ÉCHELLE DU GRAND TERRITOIRE

1.1 Histoire et migrations de la Haute-Maurienne

p. 8-12

1.2 Des richesses géologiques, pastorales et religieuses

p.13-18

1.3 Densification et étirement de Bonneval-sur-Arc par l’arrivée du ski

p.19-20

2. ÉVOLUTION DES TYPOLOGIES ARCHITECTURALES À BONNEVAL-SUR-ARC

2.1 Comment habitaient les habitants de Bonneval-sur-Arc d’hier et d’aujourd’hui ?

p.21-22

2.2 Des typologies architecturales variées

p.23-45

2.3 Le village qui s’oriente vers l’avenir par une nouvelle manière d’habiter

p.46-49

CONCLUSION ET RÉSULTATS

GLOSSAIRE

p.50-52

p.54

BIBLIOGRAPHIE

p.55-56

ANNEXES

p.57-66

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INTRODUCTION Aujourd’hui, la ruralité française vit une crise qui nous interroge sur son destin. Le métier d’architecte nous poussent à nous questionner sur la compréhension de ces villages en perte d’identité et de sens. Si nous suivons la définition purement littéraire, il s’agit d’une entité urbaine bâtie autour de l’agriculture et de la permanence des habitants. «Groupement d’habitations permanentes, dont la majeure partie de la population est engagée dans le secteur agricole.1» Bonneval-sur-Arc, dans les alpes savoyardes, répond à cette archétype de ce qui caractérise de manière primaire un village. Les Alpes, le plus grand et le plus haut massif en France, comportent dans ses vallées des habitants qui depuis des siècles ont fait vivre une économie tournant autour du pastoralisme et de l’agriculture. Ce massif qui réuni plusieurs peuples d’Europe, est un territoire riche en manière de vivre et d’habiter avec des architectures différentes selon les vallées et les localités. L’Italie, la Suisse, l’Autriche, l’Allemagne, le Liechtenstein et la France partagent en commun les Alpes, perçus comme une frontière mais aussi un lieu d’échange. En Savoie, on peut déjà constater des typologies qui varient selon les vallées. La vallée de la Tarentaise est déjà connue par ses colonnades en pierre, le Beaufortain avec des toitures en ancelle et nous allons voir qu’est-ce qui qualifie l’architecture dans la Haute-Maurienne, au village de Bonneval-sur-Arc. Les villages ruraux ont vécu pendant des années, notamment après la Seconde Guerre Mondiale, un exode qui les a fragilisé structurellement. La ville, vécue comme un accès à la modernité, aux services ruraux et aux infrastructures publiques a crée un exode rural. Le changement d’orientation économique par le développement du tertiaire et à l’accès à la concurrence, a mis le milieu agriculture dans l’incertitude. Suite à un milieu urbain qui s’étend par le développement pavillonnaire et d’infrastructures, les terres agricoles se réduisent pour finalement devenir un secteur économique de second plan. Cette période creuse a mis en doute la ruralité et l’architecture a vécu un moment délicat. Cependant, nous constatons depuis les années 70, après la crise pétrolière, une nouvelle façon de vivre la ruralité et notamment en haute montagne. Les villages se sont convertis aux sports d’hiver pour devenir des stations. En architecture et en cultures constructives, la philosophie change, avec des constructions sollicitant moins les ressources locales et l’augmentation des dimensions des bâtiments. L’or blanc est perçu comme un moteur de développement et «l’or vert» comme un complément social et économique. C’est dans une approche touristique que les villages sont devenus des stations. «Lieu de séjour temporaire permettant certaines activités ou certains traitements.2» Après des siècles de stabilité, les villages changent leur vision de l’avenir par un travail de l’aménagement urbain et paysager. Bonneval-sur-Arc est un de ces villages qui a pris ce chemin de développement territorial passant de l’agriculture, du pastoralisme, une manière d’habiter à l’année à un développement tourné sur le tourisme et vivre ce lieu de façon temporaire. Depuis quelques années, ces villages qui sont devenus des stations, sont confrontés à de nouveaux phénomènes, à la fois démographique et météorologique. En effet, la société d’aujourd’hui basée sur la rapidité, le profit, l’image, la connexion, à montrer ses limites humaines. Les villes qui engendrent ce genre de perception, poussent les habitants à s’en éloigner. La pollution croissante, la volonté de déconnexion, de se rapprocher de la nature et retrouver une intéraction sociale amènent les habitants à loger aux périphéries des villes jusqu’à la haute montagne. Le développement d’internet, des moyens de transport, une nouvelle façon de travailler et la volonté d’habiter un site de montagne sont les leitmotiv d’une nouvelle population prête à habiter là-haut. Les villages regardent ce phénomène comme une nouvelle opportunité de se développer et de conserver leurs patrimoines architecturaux.

1. LAROUSSE. Village. 2. LAROUSSE. Station. 6


En effet, les stations-villages ayant des revenus moindres que les grosses stations de ski, souffrent de faibles subventions et cherchent à placer leurs architectures sous forme de «monuments historiques». Bonneval-sur-Arc comme de nombreux villages en haute montagne, ayant tourné son économie sur le tourisme, a vu des évolutions à la fois sur le travail de rénovation et de conservation. En s’intéressant aux villages qui sont devenus des stations de ski, en prenant le sujet de Bonneval-sur-Arc, on remarque que la commune est à la croisée de son destin, voulant à la fois attirer du tourisme et des habitants à toutes les saisons dans une «ambiance» architecturale vernaculaire. Il est pertinent de comprendre le rôle des typologies urbaines et architecturales au coeur et en lien avec l’habiter. Il semble alors légitime de se demander, comment à évolué la typologie architecturale et urbaine de Bonneval-sur-Arc ? Ainsi, dans un premier temps, nous ferons un état des lieux à la fois historique, des influences et des ressources de la Haute-Maurienne et du village de Bonneval-sur-Arc sous forme de diagnostics historiques, typomorphologiques et architecturaux. Ensuite, nous verrons les différentes typologies qui composent le village de Bonneval-sur-Arc par l’habiter et par un exercice de relevés. Avant de conclure, nous parlerons de l’avenir du village dans une démarche d’ouverture dans un contexte nouveau et une nouvelle manière d’habiter la montagne.

Bonneval-sur-Arc.

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1. DIAGNOSTIC DU SITE À L’ÉCHELLE DU GRAND TERRITOIRE Pour introduire le développement concernant le village de Bonneval-sur-Arc, il est pertinent de s’intéresser sur son histoire riche en évènements qui a engendré des migrations dans la vallée à l’échelle du grand territoire, telle une étude anthropologique. Avant de devenir une station de ski dans les années 1960, Bonneval-sur-Arc a conservé son identité propre qui la rend aujourd’hui connue par les montagnards par son architecture vernaculaire et son patrimoine naturel. L’arrivée des loisirs par le ski notamment a changé l’aménagement du village avec une nouvelle manière d’habiter, une nouvelle approche architecturale et un dessin urbain qui résulte de l’orientation de la localité vers le sport d’hiver. Avant d’analyser les typologies du village, nous allons étudier l’histoire du site à l’échelle de la Haute-Maurienne, souvent liée à des migrations et des évènements naturels. Nous verrons après les différentes richesses qui composent le site pour finir par exposer le développement urbain du village par l’arrivée du ski. 1.1 Histoire et migrations de la Haute-Maurienne Bonneval-sur-Arc est aujourd’hui le village le plus important en terme de démographie et d’impact économique dans l’ensemble de la commune, orienté sur l’économie touristique en été et surtout en hiver. Le village est équipé par des infrastructures pour la pratique de loisirs hors des risques naturels. Mais l’histoire du site a été forgée par des transformations à l’échelle du grand paysage suite à des évènements de migrations et d’avalanches. En effet, l’origine humaine remonte à l’âge des métaux dans cette vallée par des inscriptions datées. « Cette partie de la vallée à l’époque était-elle déjà habitée ou seulement un lieu de passage? Déjà habitée, on peut le penser avec l’existence de peintures rupestres visibles sur le Rocher du Château, en patois : « la Rossa Dou Sasse’ll », situé à mi-chemin entre Bonneval et Bessans sur la rive droite de l’Arc. Cette composition représente huit cerfs ou rennes peints à l’ocre rouge. Selon les spécialistes, la datation est difficile, mais la proximité d’autres motifs bien connus par ailleurs autorise une attribution à l’âge des métaux (à partir de mille huit cents ans avec J.C.).3» Autrement appelé l’âge du fer, cette période de la préhistoire entre -800 avant JC et le premier siècle de notre ère, est un moment charnière dans l’apport de savoirs sur le territoire actuel de France. Dans le cadre de Bonneval-sur-Arc, ce sont les romains qui s’approprient le haut de la vallée de la Maurienne avec la maîtrise de l’écriture par le latin qui après influera sur la langue française. Le village de Bessans, voisin de Bonneval-sur-Arc, a été pendant des siècles un lac glaciaire et a connu son développement urbain plus tardivement. Plan des migrations.

Bonneval-sur-Arc Migrations

0

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50km

3. ANSELMET, Roland. Bonneval-sur-Arc, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, Traditions et récits villageois. p.14 8


Les premières constructions étaient sur l’actuel hameau dénommé l’Écot, avec une immigration de bergers italiens. Il y a donc une influence culturelle italienne depuis longtemps dans la vallée de la Maurienne avec une activité agricole et pastorale qui prospère. «D’après les anciens, les premiers habitants permanents du territoire communal furent des bergers italiens qui, l’été, menaient paître leurs troupeaux de moutons et de chèvres dans les vastes pâturages.4» Le hameau de l’Écot benéficie d’une proximité avec les cols italiens, ce qui permet de passer d’un versant à un autre de manière assez aisée. - 800 avant JC Plan de situation.

L’Écot

Bonneval-sur-Arc

0

0.5

Au 11ème siècle, un deuxième hameau fût crée, celui du Faudan, situé un peu plus bas dans la vallée. Actuellement entre Bonneval-sur-Arc et l’Écot, ce hameau a été enseveli par un éboulement de roches d’après de vieux écrits. (Fig.1) Aujourd’hui, le site du Faudan est inconstructible à cause des éboulis qui aujourd’hui sont encore visibles. « Il était impossible de reconstruire le village sur ce lieu. Par la suite, un autre hameau se construisit, l’actuel chef-lieu : Bonneval. Certaines maisons, ou des fondations de maisons, datent du XVIe siècle ou peut-être même avant.5 » La destruction de Faudan a entrainé la population à s’installer dans un site plus accueillant et plus à l’écart des avalanches, celui de l’actuel village de Bonneval-sur-Arc. «Le schéma urbain viens d’un processus de migration des bergers et autres habitants de la vallée au fil de l’histoire et des incidents avec une architecture maintenant stable sur la localistion mais qui a suivi cette migration. « Leur emplacement et leur orientation sont dictés par la longue expérience des anciens, instruits des parcours multiloculaires des torrents de neige.6»

4. ANSELMET, Roland. Bonneval-sur-Arc, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, Traditions et récits villageois. p.14 5. ANSELMET, Roland. Bonneval-sur-Arc, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, Traditions et récits villageois. p.16 6. GOTTAR, Jean. Bonneval-sur-Arc, Les Seigneurs de l’Alpe. p.27 9


(Fig. 1) L’éboulement de Faudan.

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C’est au 16ème siècle que le hameau de Bonneval apparaît, appelé auparant Bona-Valle par les italiens. Ce nouveau hameau résulte d’une pression démographique sur le site et par la volonté de s’éloigner des couloirs d’avalanches et d’éboulements qui jusqu’à présent faisaient des victimes. Cela n’a pas empêché Bonneval de subir des catastrophes avec des avalanches destructrices venant des versants Ubac (nord) et Adret (sud) du village. Depuis le début de son expansion, on peut décrypter l’évolution de Bonneval-sur-Arc. Le dernier nom donné au village vient du fait qu’il est traversé par un ru appelé l’Arc. Le village s’est développé en suivant les courbes topographiques du site. Sa morphologie, c’est-à-dire son organisation viaire, est celle d’une voirie intérieure principale qui dessert des ruelles perpendiculaires. Le tissu urbain s’est agrégé le long de cet axe est-ouest avec des bâtis très proches et compacts, amenant à une densité forte et moins disparâte que le hameau de l’Écot. Cette conservation urbaine résulte d’une évolution relativement saine du site, avec des destructions localisées, ne changeant pas l’organisation générale. Bonneval-sur-Arc bénéficie d’une grande préservation architecturale avec l’absence de destruction lors de la Seconde Guerre Mondiale. «Il faut souligner le fait que, durant la dernière guerre mondiale, défendu par le maquis, ce qui fait l’objet d’un autre texte, les envahisseurs nazis n’ont pu l’incendier alors que les villages voisins ont été brûlés en partie.7»

XVIe siècle Plan de situation.

L’Écot

Bonneval-sur-Arc

0

0.5

7. ANSELMET, Roland. Bonneval-sur-Arc, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, Traditions et récits villageois. p.16 11


Effectivement, le reste de la vallée a subit quant à elle des destructions et des pillages lors du conflit mondial, notamment en 1944. «La seconde guerre mondiale ayant infligé à la Haute-Maurienne - en particulier à Bessans et Lanslebourg - de terribles destructions, Bonneval reste le seul village habité en permanence à conserver, du moins dans son aspect extérieur, la maison type dans laquelle se pratiquait, il n’y a pas si longtemps encore, la cohabitation entre hommes et bêtes.8» (Fig 2.) Les dégats de Bessans s’observent par des toitures brûlées, des mobiliers extérieurs et intérieurs pillés, laissant au final juste la maçonnerie debout avec les conduits de cheminée. Cependant, la maçonnerie par les incendies a été destabilisée ou fragilisée, ce qui entraîna le renforcement de certains bâtis ou encore l’édification de nouvelles constructions.

© Fonds Bessans Jadis et Aujourd’hui (Fig. 2) Destructions lors de la Seconde Guerre Mondiale à Bessans.

Influencée par des migrations venant d’Italie, la vallée a vu ses habitants migrer au fil des tragédies. L’histoire du site mouvementé a forgé un plan territorial laissant deux «hameaux», Bonneval-sur-Arc et l’Écot, qui ont chacun leurs propres schémas urbains que nous verrons plus loin. Aujourd’hui, le site de Bonneval-sur-Arc bénéficie donc d’une authenticité architecturale propre au village par la préservation du bâti pendant la Seconde Guerre Mondiale notamment, laissant un patrimoine riche et complet. Cet héritage architectural que nous montre le village découle d’une richesse géologique, pastorale et une place importante de la religion pour les habitants.

8. GOTTAR, Jean. Bonneval-sur-Arc, Les Seigneurs de l’Alpe. p.27 12


1.2 Des richesses géologiques, pastorales et religieuses En restant à l’échelle du grand territoire, nous constatons que le village s’est développé et a su être pérein à l’aide de trois fondamentaux qui caractérisent le site. Tout d’abord nous verrons que la Haute-Maurienne regorge d’une grande ressource géologique qui a permis les constructions minérales formant le village d’aujourd’hui. Malgrè une altitude élevée, le courage des hommes à habiter le site est dû au développement de l’économie pastorale et à la croyance d’une protection spirituelle dans un site exposé aux risques naturels. Géologie / Végétations La vallée de Bonneval-sur-Arc possède une variété de roches métamorphiques que les habitants ont réutilisé dans leurs constructions. Cette composition géologique a façonné le paysage avec des pentes raides, sombres et une érosion plutôt longue. «La Haute Maurienne se compose d’une grande variété de roches métamorphiques, allant du gneiss, schiste bleu, vert et micaschistes, en passant par la serpentinite, le quartzite ou encore les amphibolites et les calcschistes. On trouve également des roches magmatiques et plus particulièrement du porphyre, des gabbros et de la diorite affleurant du socle d’Ambin dans le massif du Mont-Cenis. Cette richesse minérale entraîne une grande diversité de reliefs, mais aussi de végétation qui se développent grâce aux différents types de sols que ces roches offrent. D’un versant à l’autre on peut donc trouver des espèces végétales totalement différentes du fait de la nature plus ou moins acide des sols. Ainsi, les habitations traditionnelles de cette région reflètent cette richesse, les murs et lauzes de toit étant constitués de quartzite et de gneiss, le bardage de mélèze et d’enduit pour les façades.9» La vallée de la Maurienne a subit depuis des milliers d’années des évolutions de sa géologie par une activité tectonique forte, laissant aujourd’hui un patrimoine naturel varié, puissant et complexe. Le site de Bonneval-sur-Arc est un territoire composé de roches magmatiques avec du porphyre, des gabbros et des diorites, notamment vers le Mont-Cenis. On relève aussi une présence forte de roches métamorphiques, avec du gneiss, du schiste, du quartzite, etc. Ces roches métamorphiques ont subit une transformation minéralogique et structurale par une augmentation de la température et de la pression. Cette richesse du sol influe sur la variété de la flore, qui n’est pas très importante en quantité mais très diverse avec des arbres à la fois feuillus et résineux, ainsi qu’une présence de mélèzes. Ainsi, c’est notamment avec des roches métamorphiques que le village de Bonneval-sur-Arc récupère cette richesse géologique pour construire les maisons traditionnelles, avec des murs en pierres, des toitures en lauzes qui sont constituées de gneiss et de quartzite. Le bois utilisé est celui du site, essentiellement du mélèze. Le localisme constructif vient d’un pragmatisme de construire vite sans faire beaucoup de distance. En effet, les roches comme la lauze pèsent généralement plusieurs kilogrammes. Pour déplacer ces pierres, les habitants faisaient glisser sur la neige les roches extraîtes dans des carrières de la vallée (cf. Annexe entretien 3). Ce qui explique une très forte construction du bâti en pierre vient aussi d’une rareté du bois à cette altitude, le village de Bonneval-sur-Arc se place à la limite des alpages avec une existence très réduite d’arbres. Le mélèze, peu présent sur la vallée par une altimétrie élevée donc, a des caractéristiques constructives permettant d’édifier des éléments structurels pour les bâtis. Sa grande qualité est la longévité face à l’humidité et aux attaques d’insectes et de champignons par sa quantité de résine très élevée. Au final, c’est une architecture minérale qui domine le village et qui forge son image encore aujourd’hui avec un pragmastisme de bâtir avec les ressources locales. 9. WIKIPEDIA. Maurienne. 13


Plan de localisation des gneiss.

0

0.5

Gneiss

A partir de relevés sur le site et de recencements par des géologues, on relatent la présence du gneiss, une des roches principales pour la construction en pierre sèche, dans le fond de vallée. Cette roche est ainsi accessible par les villageois pour bâtir leurs bergeries ou fermes. Il y a donc une corrélation forte entre la ressource locale géologique et la construction. Ce rapprochement entre la nature et l’homme montre le génie humain a utiliser ce qui existe sur le site pour permettre d’édifier des architectures vernaculaires dans un schéma urbain propre à une époque et une activité économique. Dans ce dernier point, nous voyons que la volonté des villageois à s’installer dans la Haute-Maurienne vient d’un paysage acceptant l’activité pastorale, un envrionnement contrasté qui a permis de développer une économie agricole.

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Pastorale Le dessin foncier est très segmenté dans le fond de la vallée, avec des parcelles plus ou moins grandes. Ces parcelles servent à partager le territoire avec une distinction entre le privé et le public. Ce foncier servait aux habitants à installer leurs habitations et aussi leurs productions, dans une logique de fonctionnement, de pragmastisme et d’adaptation à un site rude, avec une météorologie très contraignante. N’oublions pas que historiquement, ce site est d’abord orienté sur l’activité de l’agriculture et de l’élevage. Le village est tassé et encaissé en fond de vallée. Nous pouvons constater que le versant ubac n’a aucune parcelle, dû aux conditions d’ensoleillement faible avec des pentes très rudes. Le parcellaire nous renseigne sur l’implantation, la nature économique du sol où chaque ferme obtient sa propre parcelle. Les pentes au soleil sont cultivées ainsi que le plateau situé entre le village et le col de l’Iseran avec une topographie moins contraignante.

Plan des prairies permanentes et surfaces partorales.

0

0.5

Prairies permanentes et surfaces pastorales

La plupart des terrains sont en forme de lanières, en bandes, typique de l’activité agricole. Dans certains secteurs, les tailles et les formes ont des irrégularités avec des géométries diverses. Ces parcelles sont soit des espaces boisés, soit agricoles. Plus haut en altitude, sur les alpages, les parcelles deviennent très grandes dûe à une surface naturelle plus vaste et une nature des sols plus propice avec des pentes moins raides et herbeuses. Le site naturel de Bonneval-sur-Arc est favorable à l’activité agricole. Le maillage parcellaire reflète l’organisation foncière de l’espace et des activités humaines. Ce dessin parcellaire caractérise ainsi les types d’activités agricoles. Les alpages et les pentes rocheuses se retranscrivent sous forme de grandes parcelles alors que les habitations et les petites exploitations agricoles ont un maillage plus resserré, comme à Bonneval-sur-Arc en fond de vallée.

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Religion La vallée de la Maurienne, par l’immigration venue d’Italie généralement, baigne dans une influence catholique. Les bâtis appartiennent à l’art roman avec des exemples que nous allons voir. Le site regorge de plusieurs symboles religieux comme l’église romane Notre-Dame-de-l’Assomption de Bonneval-sur-Arc, des chapelles et des oratoires qui quadrillent le territoire. Nombreux sont les édifices qui comportent des représentations religieuses et protectrices pour les habitants sous forme de statuette à côté des portes d’entrée. L’architecture du village, avec ses propriétés techniques et formelles est dans une approche résiliente. Avec ces édifices ou symboles religieux, il y a un sens sociologique et d’appropriation cultuel pour se sentir en sécurité, être à l’abri des dangers ou encore protéger l’espace agricole qui est l’économie principale des producteurs et éleveurs. Dans le schéma territorial, on constate que les oratoires sont placés aux entrées des hameaux, assez retirés des bâtis, comme pour annoncer l’arrivé à la localité. L’église et les chapelles quant à elles, sont généralement intégrées à l’intérieur des hameaux, proches des bergeries et des habitations.

Représentation religieuse sur les façades des maisons dans une niche, Sainte Mathilde.

Plan des édifices religieux.

0

0.5

Oratoire

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Chapelle

Église


0

10

30m

L’Église Notre-Dame-de-l’Assomption à Bonneval-sur-Arc est l’édifice religieux le plus grand du village. Dès 1446, c’était une chapelle qui existait dans le hameau de Bonneval-sur-Arc appartenant à la paroisse de Bessans. C’est en 1532 que Louis de Gorrevod, le cardinal, crée une église qui complète celle de Bessans. L’aggrandissement de l’édifice date de 1646 avec une construction du clocher en 1660, disposant d’un grand cadran solaire. Depuis cette date, l’église a vu de nombreuses évolutions, dûes aux avalanches qui en 1667 et 1772 ont fait de gros dégats sur l’édifice. Les avalanches se succèdent entraînant une fragilisation de la façade nord du bâti. Le corps de l’église en 1867 a été détruit et reconstruit par l’architecte Duverney. On constate que cette église suscite une volonté de l’homme à bâtir malgrès les évènements comme un attachement viscéral. Dans le détail architectural, l’ensemble appartient à l’art roman caractéristisé par des maçonneries épaisses, des voûtes élaborées, des pierres sculptées, un plan symétrique et leurs ouvertures en arc de cercle. On constate le changement de matérialité entre le clocher d’origine et l’ensemble de l’église qui a été rebâti au 19ème siècle. Seul le fronton de cette église est visiblement d’origine avec un calpinage de pierre et une conception romane authentique bien lisible. Sur le pignon, une croix d’inspiration celte trône alors que sur le sommet du clocher et les pyramidions, ce sont des croix latines qui apparaissent. Les baies sont composées de vitraux sous des arcs, ces derniers permettant de répartir les charges supérieures avec une certaine esthétique. D’inspiration italienne, nous retrouvons le principe de donner visuellement de l’importance à la hauteur avec une grande baie contenant la cloche et deux petites baies un peu plus bas en façade du clocher, qui est désaxé par rapport au reste de l’édifice religieux. 17


0

10

30m

La chapelle Notre-Dame des Grâces se situe à l’entrée sud du village de Bonneval-sur-Arc. Elle est à la fois visible par son emplacement tout en se noyant dans les bâtis avoisinant ayant la même volumétrie. La typologie de l’église est très simple, avec un toit à faitage composé de lauzes, murs en pierres locales, des baies en arc et un plan rectangulaire. Le voussoir central des arcs permet avec les pierres en clavaux de répartir les charges supérieures de la baie. En façade sud, avec la porte d’entrée, nous pouvons aussi noter un retirement pour probablement protéger l’accès des chutes de neige venant du toit, créant ainsi un jeu d’ombres et de lumières sur le mur. Au final, nous constatons que le village s’est forgé sur un passé paysan, religieux et riche en ressources par le paysage qui l’entoure. Les pentes, perçues comme un danger depuis des siècles, sont devenues une opportunité de développement pour le village par l’arrivée de pratique de sport d’hiver à partir de la seconde moitié du XXe siècle.

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1.3 Densification et étirement de Bonneval-sur-Arc par l’arrivée du ski Le village de Bonneval-sur-Arc depuis 1960, avec l’essor du ski alpin pour le grand public, a redessiné son plan urbain avec la création d’un nouveau hameau en prolongation du village. Nommé «Le Tralenta», cette entité urbaine est composée de plusieurs infrastructures permettant l’arrivée progressive d’une nouvelle économie, celle du tourisme d’hiver. «À partir des années 1950-1960, s’est construit progressivement un autre hameau « le Trolenta » avec des résidences personnelles, des gîtes, des hôtels, des commerces et le départ du télésiège du Vallonnet donnant accès aux pistes de skis. Autour du vieux village, de nouvelles constructions, logements et bâtiments agricoles s’érigent. Précisons que le hameau du « Tralenta » a été édifié à la suite de la spoliation d’un certain nombre de paysans propriétaires. Les terrains ayant été achetés à bas prix fixés par les Domaines et ne représentant pas la valeur usuelle des près et terres labourables.10» En effet, jusqu’au milieu du XXe siècle, le village situé à plus de 1850 mètres d’altitude, s’est exclusivement orienté sur le développement et la pérennité de l’économie agricole et pastorale par la qualité du site. Mais celle-ci rapporte aujourd’hui peu de moyens financiers à la commune car marginale par un environnement montagneux très fort et contraignant, ainsi qu’un rude climat. C’est une nouvelle relation qui commence entre le village et la pente, le ski alpin. C’est avec le développement du transport par câbles et d’infrastructures autour du ski que le village s’oriente durant la seconde moitié du XXe siècle.

1970 Plan de situation.

Tralenta

0

0.5

10. ANSELMET, Roland. Bonneval-sur-Arc, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, Traditions et récits villageois. p.43 19


1967 © IGN - 2019

Photographies montrant l’évolution de Bonneval-sur-Arc avec l’aménagement du hameau Le Tralenta.

1979 © IGN - 2019

Malgré une urbanisation en continuité du village, le plan urbain de Tralenta est organisé sur une morphologie différente. Si nous évaluons l’organisation, on constate que ce nouveau hameau, s’incrit différemment en se développant vers la pente pour être ensoleillé. De plus, l’organisation urbaine est plus disparâte que sur le bâti de Bonneval-sur-Arc, dûe à l’arrivée de l’automobile dans la prise en compte du plan viaire et l’arrivée de commerces tournés sur la pratique du ski alpin. De plus, l’évolution des typologies urbaines et architecturales vient d’une nouvelle manière d’habiter le site. A l’échelle du grand territoire, le site de la Haute-Maurienne est un mélange de potentiel économique avec un environnement à risques. Depuis des siècles, les habitants qui composent cette vallée ont su faire face avec un schéma urbain évolutif dû au changement de la société. Cette forme de résilience se retranscrit sur la manière d’habiter le site et ainsi sur la typologie architecturale. 20


2. ÉVOLUTION DES TYPOLOGIES ARCHITECTURALES À BONNEVAL-SUR-ARC Le village de Bonneval-sur-Arc est composé de plusieurs polarités urbaines avec l’Écot, Bonneval-sur-Arc, le quartier agricole et le Tralenta. Ces hameaux et quartiers qui structurent le village dans le fond de vallée adoptent chacun des caractéristiques et des dessins architecturaux propres à leur époque d’édification et de leur usage. En effet, dans cette partie, nous verrons qu’il y a un lien pertinent entre la manière de travailler, d’habiter, de vivre et sa retranscription en typologie architecturale, c’est à dire ses caractéristiques, ses volumes et ses spécificités qui nous permettent de la qualifier de manière objective et subjective. Ainsi, dans un premier temps, nous allons découvrir comment vivaient les Bonnevalains dans sa globalité et comment leurs manières d’habiter et de travailler a changé dans le temps. Ensuite, par un travail de relevés et de comparaisons typologiques, nous chercherons à voir comment l’architecture a évolué dans le temps pour ouvrir à la fin au sujet du devenir du village sous forme d’ouverture avec le projet du hameau du Vallonnet. 2.1 Comment habitaient les habitants de Bonneval-sur-Arc d’hier et d’aujourd’hui ? Le petit âge glaciaire n’a pas empéché les habitants de rester sur le site. Qu’est-ce qui a incité les locaux à rester aussi haut dans la montagne ? C’est par une recherche anthropologique avec des entretiens, un travail de relevés et des ressources bibliographiques que nous allons exposer cela. Dans cette partie, la rencontre avec un membre du CAUE de Savoie connaissant le village fût l’occasion de mieux cerner la façon d’habiter le site, en lien avec l’agriculture, le pastoralisme et de s’abriter des conditions météorologiques. Cette étude est l’occasion de soulever des anecdotes et des histoires qui ont forgé l’identité du site et de ses habitants au fil des siècles jusqu’à nos jours. Le plan urbain suit une histoire chargée et un développement qui s’est tourné petit-à-petit vers les loisirs du ski. Les anciennes constructions sont authentiques avec des caractéristiques architecturales permettant de lutter efficacement face aux conditions naturelles et météorologiques durant des siècles avant l’arrivée de techniques innovantes en terme d’isolation et de technique constructive. Urbainement très dense et compact, nous retrouvons cette forme de résilience par rapport aux caprices de la météorologie sur le site. L’Arc, le ru qui traverse le sud du village, est lui aussi perçu comme un danger naturel, c’est ainsi que le bourg et les agriculteurs s’en sont éloignés en s’installant au pied du versant adret. A plus de 1800 mètres d’altitude, le village a résisté aux temps et aux intempéries par la conscience des hommes à bâtir des murs épais, solides et en s’installant dans des espaces moins dangereux. Même encore aujourd’hui, l’identité même des Bonnevalains est de vivre même si la route est coupée pendant des jours par une avalanche, toujours en conservant le paysage tel qu’il existe, sans mettre de protection. (cf. Annexe entretien 3) Malgrès cela, nous avons pu voir précédemment que les habitants étaient rattachés à ce site depuis des siècles grâce à un milieu favorable avec un attachement cultuel, une ressource géologique complète et un milieu prospère pour l’élevage et l’agriculture. Cependant, avec un climat de haute montagne, la saison estivale pour la production agricole est courte et les hivers se finissent avec de la neige en vallée jusqu’en mai sur les versants abrités. Mais les habitants ont su s’implanter de la meilleure manière en cherchant au maximum l’ensoleillement et l’abri.«Les constructions sont généralement réunies par groupes plus ou moins grands, les façades exposées au midi afin de bénéficier au maximum de l’ensoleillement. L’architecture est conçue pour répondre aux rigueurs d’un climat très rude durant plus de six mois !11» Architecturalement, nous retrouvons ces caractéristiques avec des murs en pierre très épais afin de bénéficier d’une bonne inertie thermique à l’intérieur et des ouvertures au sud pour faire rentrer la lumière à l’intérieur des bâtis, pour mieux vivre en période hivernale. «Les maisons sont construites en pierre, avec des portes et des fenêtres aux dimensions réduites. La charpente du toit est assez puissante pour supporter d’énormes masses de neige, la couverture est réalisée en lauzes.12» 11. GOTTAR, Jean. Bonneval-sur-Arc, Les Seigneurs de l’Alpe. p.27 12. GOTTAR, Jean. Bonneval-sur-Arc, Les Seigneurs de l’Alpe. p.33 21


© Collection-jfm.fr Carte postale de l’intérieur du village en 1855.

Rappelons nous qu’avant l’arrivée du ski alpin dans le village pour devenir une station, les habitants vivaient du pastoralisme, de l’activité agricole et de l’élevage. L’élevage à Bonneval-sur-Arc s’est traduit par des exploitations de bovins, ovins et caprins. La majorité de la population vivaient de cette activité qui demandait beaucoup de temps et de force. Aujourd’hui, les habitants vivent essentiellement de l’activité touristique du site avec des commerces, des offres de restauration, des services hôteliers et la gestion du domaine skiable l’hiver. Cependant, l’activité agricole persiste au village dans un nouveau quartier dédié. (cf. 2.2) Cette étude anthropologique montre que les fermiers d’hier et d’aujourd’hui sont attachés à leur territoire, dans une approche résiliente face à la nature et aux risques. La majorité de la population était à l’époque des paysans avec de petites exploitations qui au fil des siècles se sont aggrandies dans des bâtis de plus en plus grands. Maintenant, même si cette activité est devenue marginale, beaucoup d’entre-eux jouent la double saison pour assurer leurs besoins financiers avec une activité paysanne hors-neige et une activité touristique et commerciale quand la neige est là. Mieux connaître les moeurs, les coutûmes et les façons d’habiter à Bonneval-sur-Arc, dans une approche résiliente, nous amènent à l’étude même des architectures qui composent la vallée et qui est le reflet des modes de vie. .

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2.2 Des typologies architecturales variées L’architecture est le reflet d’un mode de vie. Avec un passé tourné vers l’agriculture et le pastoralisme, le dessin d’ensemble est cohérent et accepté par la population paysanne de l’époque. La typologie générale est basée sur un plan rectangulaire avec des hauteurs au faîtage qui varient selon le nombre de bovins ou de la nécessité de stockage. Les ouvertures sont souvent les seuls liens entre le fonctionnement, l’agencement à l’intérieur et l’apparence extérieure en façade. Nous verrons dans le détail les évolutions sur le calpinage des pierres qui est une ressource locale, les types de baies, les aggrandissements, de fait il s‘agira d’exposer les aspects extérieurs des bâtis et leurs fonctionnements intérieurs. Nous allons surtout nous concentrer sur le secteur de Bonneval-sur-Arc et ses alentours pour le développement sous forme de relevés des évolutions des édifices. L’Écot. L’Écot, le plus ancien hameau sur le territoire est le plus riche en architecture d’antan. Ce lieudit, le plus éloigné du village en fond de vallée, a été moins influencé par les nouveaux investisseurs qui rénovent et changent donc la typologie du bâti. Le hameau est situé à 2030m d’altitude et il est classé depuis 1971. Il a été habité toute l’année jusqu’en 1960, depuis c’est devenu un lieu où les habitants viennent y vivre l’été. Cette coupure hivernale est la conséquence du domaine skiable qui bloque la seule route automobile qui relie ce hameau au reste de la vallée. Le dessin d’ensemble est encore avec une construction vernaculaire avec un empilement de pierres et une charpente classique. (Fig.3) En fait, les fondamentaux cités avant se retrouvent pleinement avec des constructions en pierre sèche, des toitures en lauze, des traces de l’activité agricole et un rapport à la religion toujours marqué par des oratoires et une chapelle.

(Fig. 3) Vue plongeante sur le hameau de l’Écot. 23


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Cette localité est accrochée à la pente, dominant la vallée, sur le versant adret, ce qui lui confère un bon ensoleillement. Son tissu urbain se caractérise en deux polarités, une à l’Est qui est plus petite, avec quelques maisons et étalée avec des parcelles plus grandes. Plus à l’Ouest, le bâti est plus traditionnel avec de la mitoyenneté, un ensemble plus dense, longeant une voie centrale comme Bonneval-sur-Arc avec un découpage parcellaire plus resserré. Selon l’emplacement, les lignes de faîtages varient. En réalité, les contextes paysagers et météorologiques influent pour permettre une meilleure adaptation à la pente, à la luminosité avec aussi un parti pris architectural. En général, dans l’Écot, les bâtis ont une exposition Nord/Est et Sud/Ouest. En parlant d’architecture, dans le noyau ancien de l’Écot, les constructions n’excèdent jamais deux étages. On observe sur les maisons, les bergeries et les étables de faibles débords, ne protégeant pas les façades, ce qui entraînent des ouvertures et des menuiseries en retrait avec une impression de profondeur. Les bâtis sont très proches avec les murs gouterrereaux qui sont orientés sur le tracé viaire. Parfois, les édifices sont mitoyens avec des toits qui se prolongent créant une continuité. La déambulation dans ce hameau amène à une sensation de village regroupé, refermé, axé et tourné à la fois sur l’espace public et le paysage environnant.

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Bonneval-sur-Arc. Le village de Bonneval-sur-Arc s’est dessiné en lien avec le paysage et comporte des édifices datant du XVIe siècle. Le site n’a pas échappé à de multiples rénovations sur certaines maisons depuis mais nous laisse ainsi voir l’évolution du bâti et des techniques constructives ancestrales. Le dessin d’ensemble est cohérent avec l’époque et les représentations d’antan. Il y a eu des transformations sur l’organisation à l’intérieur des bâtis qui découle du changement de la société et des modes de vie. L’habitat a changé de sens depuis que la commune a évolué - comme le reste de la ruralité montagnarde en France - en vie active et en lien fort avec le tourisme estival et hivernal. Ainsi, les élevages et les dortoirs en rez-de-chaussée se sont transformés en commerces ou en espace habité et par conséquent, aujourd’hui les espaces de vie s’invitent jusqu’aux combles avec comme modèle l’arrivée des fenêtres de toit. Il reste néanmoins des architectures vernaculaires de l’histoire agricole et pastorale du village avec des maisons composées de balcons qui sont parfois garnis de bois et grobons pour le chauffage hivernal. (Fig.4) Ces mêmes balcons sont agencés avec des planches en bois très mal taillées, ce qui invoque une idée de construction rapide, où le fonctionnel passait avant l’esthétique. Présent sur la grande majorité des édifices du noyau historique de Bonneval-sur-Arc, ces avancements étaient pour le stockage de bois pour le chauffage et non pour le bien-être des habitants, généralement des fermiers à l’origine. Des tas de grobons existent encore aujourd’hui, avec des garde-corps très minimalistes, avec une planche en bois clouée ou visée à des montants.

(Fig.4) Balcons dans le noyau ancien de Bonneval-sur-Arc, servant à l’origine de stockage du bois pour le chauffage. 26


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Sur le plan viaire, la principale entité urbaine de la commune s’est organisée sur un plan très serré, dû à un tracé parcellaire dense (cf. 1.2). L’implantation des architectures donnant sur la rue centrale créée une continuité urbaine, une homogénéité et une impression de densité. Ce dernier procure une sensation d’entremêlement avec des maisons ayant très peu d’espace de séparation. Les ruelles sont étroites, conjugués avec les débords de toit de plus en plus grands, cela crée une perception d’enchevêtrement. Les constructions du vieux village sont structurées par l’espace public. L’ensemble de ces bâtis très condensés, ayant de l’épaisseur, tient sur un axe central Est-Ouest avec des petites ruelles perpendiculaires, longeant la topographie, formant des îlots. Cette voie centrale permets le déplacement des vaches, des ovins et des commerçants d’aujourd’hui puisque les façades des maisons sont ouvertes sur cette ruelle. Les murs gouterreaux s’exposent généralement sur les ruelles perpendiculaires.

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Sur ces bâtiments, au centre de la localité, le plus souvent ceux-ci sont composés de un ou deux étages, avec quelques grandes habitations avec des avancés de toit pour stocker le bois de chauffage. Les façades sont un empilement de pierres, soit d’origine, soit rénovées. Les plus anciennes constructions ont des façades recouvertes avec de la chaux permettant de stabiliser la pierre sèche. Les édifices occupent la majorité du tracé parcellaire avec des fermes mitoyennes qui n’existent plus sur les nouvelles constructions autour du village. En effet, ces dernières se sont détachées du centre-bourg pour être des maisons individuelles comme le hameau du Tralenta que nous analyserons après. Les faîtages sont principalement mono-orientés, axés Nord/Sud, pour bénéficier d’un maximum d’ensoleillement. D’autres bâtis ont une logique d’orientation Nord-Nord-Est/Sud-Sud-Ouest afin de profiter d’une exposition acceptable et d’un horizon plus lointain, regardant vers l’aval de la vallée. De ce fait, les façades arrières sont borgnes dûes à la pente et vraisemblablement pour tourner le dos aux dangers. Les ouvertures sont traditionnellement avec un encadrement en bois, en simple vitrage pour les anciennes constructions et sans volet à cause de la neige, sauf sur certains rez-de-chaussées de nouvelles constructions ou de réhabilitations. Certaines baies sont parfois soulignées par un encadrement maçonné en peinture blanche mais dans la majeure partie des cas, il s’agit juste d’un encastrement dans la maçonnerie avec un linteau en bois ou en pierre. C’est dans cette diversité architecturale que nous allons étudier quelques études de cas qui reflètent des temporalités et des activités humaines différentes.

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La présence d’étables et de bergeries dans Bonneval-sur-Arc démontre le caractère agricole de ce village. Ces constructions sont aujourd’hui dans la plupart en cours de mutation par la réhabilitation et la rénovation puisqu’il y a un changement dans la manière d’y habiter. Cette étude de cas témoigne d’un temps où les étables étaient petites, très compactes, avec un plan architectural simple et fonctionnel. D’abord, l’implantation du bâti est intéressant par son éloignement au noyau historique. Située en hauteur, cette architecture donne accès directement aux pâturages. Au vu des dimensions, il s’agit sûrement d’une simple bergerie où les bêtes s’installèrent constamment. En effet, le bâtiment étudié ne mesure que 6,8 mètres de largeur, moins de 10 mètres en longueur et d’une faible hauteur. Les ouvertures sont quasiment inexistantes hormis des brèches entre l’empillement des grosses pierres en gneiss et une petite porte en bois montrant des traces de vieillissement. On peut néanmoins constater sur la façade ouest une ancienne baie qui a été rebouchée par des pierres. Quand à la toiture, il y a aussi un amas de lauzes qui se chevauchent posé de façon irrégulière sur la stucture simple de la charpente avec des poutres en bois, des chevrons et des voligeages. Le rez-de-chaussée de l’édifice était dédié à la vie entre les hommes et les animaux d’élevage. Le haut, accessible par un petite échelle, est dédié au stockage des aliments et des foins sur un plancher. Celui-ci est en bois mais dans un milieu sans arbre, certains planchers peuvent être en lauzes reposant sur des poteaux et poutres en bois. Le sol est en terre battue, montrant la volonté de bâtir rapidement et très simplement. L’épaisseur de la pierre, la finesse du toit, la pose des lauzes sur les voliges, le mur de soutènement, le fait que l’édifice repose sur un socle pierreux et un linteau en pierre pour l’entrée, crée une continuité visuelle avec une approche minérale très forte. En façade, on peut repérer de manière très subtile les poutres où nous voyons les extrémités des rondins qui ne dépassent pas de la maçonnerie composés de gros blocs de pierres sèches. De fait, il n’y a pas de porte-à-faux ou de débord, c’est une conception géométriquement très minimale. Cette construction a su résister face aux caprices de la météorologie, mais certains édifices de la même époque souffrent avec des murs qui penchent, des fissures qui apparaissent et même quelques constructions s’écroulent. Agé du XVIe siècle, le village montre des pathologies de fragilité avec le temps et la météorologie. En effet, le dérèglement climatique entraîne des phénomènes plus violents avec par exemple des cumuls de neige record ou des périodes de sécheresse plus longues. Cette évolution du climat peut fragiliser des architectures d’antan et peut provoquer des destructions qui amènent à la ruine. Historiquement, le village a toujours connu des incidents par des avalanches notamment. Les hommes ont sans cesse rebâtit, c’est dans la mentalité du Bonnevalain. Les exemples suivants exposent les réhabilitations faîtes sur une vieille bergerie ou étable et une vieille ferme.

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Dans la ruelle centrale du village, une maison retient notre attention par sa volumétrie et son architecture. Proche de l’étable vu juste avant en terme de dimensions, on peut tout de même voir l’évolution des moeurs qui se traduit par l’arrivée des volets avec des battants en bois qui clôt les baies du rez-de-chaussée s’ouvrant vers l’extérieur. En effet, les bâtis de l’époque n’ont pas ce dispositif vis-à-vis de la neige. Ces portes et fenêtres s’inscrivent dans des baies en forme d’arc. On constate une faible dimension de la travée entre la porte Est et la fenêtre. Les ouvertures de l’étage sont sous des linteaux en bois. L’édifice conserve une finesse maîtrisée au niveau de la toiture et les débords de toit restent très faibles par rapport à la maison voisine. Le plus surprenant est l’absence de cheminée architecturée et l’appareillage des pierres qui débordent sur les murs gouterreaux. Est-ce une volonté d’habitant de l’époque à pouvoir s’aggrandir sur ce flanc ? Est-ce que ça facilitait la montée sur le toit en formant un escalier à pas japonais ? Récemment réhabilité, cet édifice montre l’évolution des techniques avec un enduit bétonné de couleur grisâtre jusque dans la voûte des portes. L’enduit à la chaux reste le plus populaire dans ce village comme nous allons voir dans l’étude de cas suivant.

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Adjacent à la place où se situe l’église, une réhabilitation est visible par sa transformation en terme de volumétrie et de rapport à la matérialité. Il s’agit d’une ancienne ferme qui s’est transformée en une habitation jusqu’aux combles. Sous les contraintes législatives et environnementales, pour des questions de confort, les architectures vernaculaires se transforment avec des surélévations en toitures qui apportent plus d’épaisseur à l’ensemble. Cette intervention résulte de l’ajout d’isolation dans la charpente et sous les toitures en lauzes, comme un empillement de feuilles. Dans ce cas étudié, on peut relever le changement en façade sur l’appareillage des pierres, avec pour le grand bâti d’origine des gneiss recouvert d’enduit à la chaux pour stabiliser et isoler. Pour l’extension apparu au XXIe siècle, c’est une construction en parpaing avec un parement en pierre. Cette extension est aussi visible par la peinture et l’état du bois qui est différente de la rénovation du bâti principal. A la quête de lumière, le nombre d’ouvertures a augmenté sur cette façade ouest. On peut aussi découvrir que l’ajout de baies a pour conséquence l’enlèvement de l’enduit initial, changeant donc le traitement et créant un contraste. Le changement de mode de vie a amené à la suppression du balcon minimaliste avec une suspente en bois accrochée à la toiture, par un garde-corps en bois massif et très opaque. Cette grande bâtisse de l’époque est aujourd’hui un gabarit qui est devenu une norme dans les nouvelles constructions purement pour habiter, comme dans le prochain cas d’étude. 33


Le Tralenta. Le Tralenta adopte une architecture cherchant la modernité et une nouvelle façon de vivre à la montagne. La plupart des bâtiments construits dans ce quartier de Bonneval-sur-Arc est destiné pour le tourisme hivernal avec des appartements et des commerces autour de la pratique du ski. Le hameau du Trolenta s’inscrit dans la continuité de Bonneval-sur-Arc, comme une extension du village avec un espace libre entre ces deux entités urbaines pour le ski débutant. Le Tralenta s’inscrit dans la même logique du village avec une typomorphologie Est-Ouest suivant les courbes de niveaux. Il y a cependant la route permettant d’accéder au col de l’Iseran, achevée en 1939 et le torrent qui segmente le hameau. L’emplacement de ce dernier est dicté par la volonté de développer un transport par câble pour le ski alpin. Signe d’une volonté de proposer un cadre de vie acccueillant, cette entité urbaine s’oriente vers le sud en jouant avec la pente pour avoir un bon ensoleillement, comme ont cherché les anciens pour leurs élevages et leurs agricultures. Identiques au vieux village de Bonneval-sur-Arc, les orientations sont parfois Nord/Sud pour favoriser l’exposition au soleil et d’autres bâtis avec des faîtages axés vers le bas de la vallée. En architecture, l’organisation des maisons est généralement composée par un rez-de-chaussée avec des commerces et des magasins de location de ski puis les niveaux supérieurs par l’installation d’appartements. Ceux-ci sont en configuration «studio-cabine», grande tendance à l’époque de la quête de l’or blanc, bénéficient de grandes terrasses abritées. Les ouvertures sont grandes et les murs ont une apparence fines et élancées en utilisant du béton. Cet ensemble s’inscrit dans un langage architectural proche du modernisme par la géométrie et l’organisation spatiale. Ce dessin évolue rapidement les années suivantes vers une orientation politique et tendance par une architecture d’imitation du chalet, un mythe et un rêve de citadin à la quête de la montagne, mais qui finalement, partage peu d’éléments d’authencité des constructions originelles. En effet, les architectures vernaculaires du village inspirent les nouvelles constructions par leurs géométries et leurs symboliques sociales et culturelles. Ces édifices chargés d’histoire sont le fruit de savoir-faire artisanaux avec un plan organisé selon la façon d’habiter et de produire avant le ski.

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Quelques édifices dans le hameau du Tralenta, les plus anciens, s’inscrivent dans les courants architecturaux modernes. Cette identification est la corrélation entre la date d’édification de ces bâtis et l’apparence extérieure avec des «codes» propre aux modernistes. Dans une logique progressiste, cette architecture crée une rupture avec le reste du village, par des toits plats goudronnés, des terrasses abritées de grandes tailles, des baies vitrées couvrant la majorité de la façade sud et une géométrie générale rigoureuse. Avec l’évolution des techniques constructives et de la société, les constructions sont plus grandes, plus hautes, avec des baies comportant des volets roulants où le bois n’est plus présent à l’extérieur. Les résidences de tourisme sont sous forme de logement collectif, ce qui permet d’augmenter la capacité hôtelière du hameau le Tralenta. N’oublions pas que le schéma urbain et architectural de ce hameau est tourné vers l’activité du ski par le tourisme.

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Aujourd’hui, la majorité des nouvelles constructions se basent sur une image de la vision de la montagne avec des chalets, faisant une architecture de ressemblance. Cette approche architecturale cherche à renouer avec l’authentique village existant avec une continuité et une conformité par l’extérieur. Cette assimilation par le traitement en façade, les proportions, rend l’ensemble invisible vis-à-vis des anciennes bâtisses au premier coup d’oeil. Mais en analysant de plus près, nous constatons que ces constructions sont à la fois plus grandes, avec des parements, une colorimétrie et des techniques bien différentes. La technique constructive est similaire à des maisons conventionnelles avec des murs en parpaings et recouvert par un parement qui expose un imaginaire de construction en pierre authentique. Cette tendance qui a été appliquée à Courchevel avec la rénovation des chalets de l’architecte urbaniste Laurent Chappis ou encore l’apparition typologique de grands chalets à l’arrière de la grenouillère de Superdévoluy montre qu’il ne s’agit pas d’un cas isolé mais d’une orientation générale dans les Alpes françaises notamment.

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Les maisons construitent durant le XXe siècle, en comparaison avec les édifices d’origine, sont plus grandes et jouent sur la décoration. Les ouvertures en arc se sont transformées en baie avec un linteau horizontal, les fenêtres se sont multipliées et il y a l’apparition du garage suite à la démocratisation de l’automobile. Les nouvelles constructions comme celle étudiées sont le plus souvent au bord de la voirie, avec une implantation en milieu de parcelle. Les rondins des poutres sont épais et les garde-corps sont devenus des éléments d’identification du bâti, plus qu’une simple protection ou retention de bétail et bois. On constate l’apparition des poteaux en bois qui n’étaient pas présents dans les bâtis du village. Pour trouver des colonnes en pierre, c’est un dessin architectural qui se retrouve plutôt dans la vallée de la Tarentaise. La double cheminée, qui est d’ailleurs devenue un élement décoratif identifiable, laisse penser qu’à l’intérieur se trouve deux points de chauffage, signe de modernité. 38


Quartier agricole. L’activité agricole et pastorale est sous la pression foncière, ce qui amène les communes à parfois les urbaniser pour l’habitat ou le tourisme. Les décisions politiques jouent un rôle important pour maintenir une activité agricole et des emplois au sein d’une commune pour ainsi éviter la désertification.«Le développement du tourisme à également impacté ce village pendant des décennies. Manne de revenus pour les agriculteurs qui en montagne cumulent souvent plusieurs emplois, le tourisme à également nourri une spéculation immobilière privant les nouvelles générations de lieux de travail lors des différents héritages.13» La conception du projet des neufs bâtiments d’élevage intègre les critères environnementaux et sanitaires avec un éloignement des habitations pour éviter les nuisances. Les risques naturels comme les avalanches et les éboulements sont pris en compte dans la conception avec aussi la possibilité que des éleveurs partent du site. Ce quartier apparaît en 2013. Les agriculteurs, locataires de ces lieux, ont vu avec ce projet leurs exploitations s’aggrandirent. L’implantation du projet est le fruit d’un travail social, environnemental et viaire permettant de créer un nouveau quartier agricole. Historiquement, comme vu précèdemment, les élevages se mêlent aux habitations. Aujourd’hui, pour conserver cette activité économique, les communes s’alignent sur des réglementations d’hygiène et sanitaire très poussées. Le projet proposé par l’agence «Fabriques» avec Pierre Janin et Rémi Janin s’organise autour d’une circulation centrale qui dessert les bâtiments agricoles. Les édifices s’agencent en deux niveaux. Le premier niveau est composé d’étables, de bergeries, de laiteries, de fumières et de bureaux. Les espaces de stockage et de gestion sont situés au second niveau. Il y a un rappel aux agencements des bergeries du village avec des dimensions et des techniques bien différentes. «Le projet s’inscrit dans une parcelle en bord de rivière tout en se connectant à une trame aviaire agricole préexistante. Le programme prévoyait à l’origine de grandes surfaces pour chaque fonction (élevage, granges, compostage), la réponse des architectes et paysagistes a été de s’appuyer sur les ouvrages techniques dessinant le grand paysage et de regrouper les fonctions verticalement afin de dégager de l’espace et proposer aux animaux des surfaces de déambulation plus importantes.14» A l’échelle urbaine, l’emplacement du projet est lié à la contrainte de Bonneval-sur-Arc d’être dans un fond de vallée avec un environnement montagneux fort et à risques. «En montagne, la topographie d’un site est certainement une des données principales agissant directement comme forte contrainte sur le plan.15» Ainsi, dans l’organisation spatiale intérieure, nous retrouvons les fondamentaux d’antan, avec un rez-de-chaussée dédié à la relation homme et animal, et dans la verticalité une pensée de rangement, de stockage et du traitement des effluents. Le dessin architectural du projet est simple, avec une rue centrale permettant d’accéder aux élevages. Les architectes ont cherché un équilibre entre respect du patrimoine des lieux et une certaine forme de modernité. À la fois composé de béton pour les soubassements et les parties exposées aux avalanches, le reste de l’édifice est en structure bois lamellé-collé avec une enveloppe en bardage. Le toit est végétalisé pour créer une continuité du sol et ainsi permettre les pâturages.

13. OBRAS, COLLECTIF AJAP14. Nouvelles richesses. p.113 14. OBRAS, COLLECTIF AJAP14. Nouvelles richesses. p.119 15. REMACLE, Claudine. Vallée d’Aoste une vallée, des paysages. p.96 39


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Dans l’allée centrale, nous témoignons la même perspective qu’au centre du village, en regardant vers le massif de la Vanoise, à la différence près que ces édifices n’ont pas le même élancement et n’ont pas d’enchevêtrement des toits. 41


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Les neufs bâtiments d’élevage n’ont pas tous les mêmes dimensions et même plan. L’élevage étudié, le plus méridional, a une emprise de plus de 550m2, mesuré à 26 mètres de long et 21 mètres de large. L’édifice garde les caractéristiques esthétiques et techniques des autres bâtiments avec une maçonnerie en béton banché, une enveloppe en bardage bois et une structure en bois avec des poutres en lamellé-collé. Des poteaux droits et en biais reportent les charges du toit vers le sol. Celui-ci est végétalisé avec un garde-corps métallique pour respecter des normes de sécurité du fait que ce toit est accessible. Constatons que les arêtes des faîtages suivent la même orientation que celles vu dans le hameau de l’Écot, avec ici des toits à double pente ou mono-pente. Ce qu’on peut retenir de ce projet c’est qu’il s’insère dans une continuité d’aggrandissement des bâtis et des élevages. (Cf. Annexe entretien 1) L’agricultrice travaillant dans cette structure a accru le nombre de bovins et la taille de sa ferme. Il y a donc une évolution de la technique constructive, de l’emplacement des projets et une absence de pierres dans ces élevages.

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E

F

A. Assemblage de pierres sèches locales par empilement, vers le XVIIe siècle. B. Assemblage de pierres locales par empilement avec du mortier peu visible. C. Mur en pierre recouvert d’enduit à la chaux, XVIIIe siècle. D. Parement en pierre sur des murs en parpaings dans des constructions à la fin du XXe siècle. E. Parement en pierre avec des teintes ocres sur des murs en parpaings dans des constructions plus contemporaines. F. Mur avec de l’enduit bétonné entre les pierres, rénovation contemporaine.

Dans les trois hameaux d’habitations, qui sont l’Écot, Bonneval-sur-Arc et Le Tralenta, les évolutions techniques et architecturales se voient directement sur le calpinage de la pierre qui explique la manière de bâtir selon les époques. Les enduits à la chaux recouvraient des façades pour stabiliser la pierre et apporter une isolation supplémentaire, notamment dans les parties habitées des maisons. Aujourd’hui, les parements en pierre dominent les nouvelles constructions avec des colorimétries, des formes et des dimensions bien différentes. Cette transformation du prisme de la pierre est la conséquence de nouvelle réglementation et d’une évolution sociétale.

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Après avoir redessiner les façades, les volumétries générales, on peut retenir dans cette enquête plusieurs conclusions. Dans un premier temps, on remarque un aggrandissement général du bâti, des bâtiments d’élevage ou même des bâtiments d’habitation. En fait, les édifices vernaculaires du XVIIe et du XVIIIe siècle qui étaient séparés en deux espaces, un pour les hommes et pour les bêtes, un pour le stockage, ont évolué en un aggrandissement intérieur des espaces dédiés à l’habitat jusqu’aux combles. Les activités agricoles se sont regroupées dans un nouveau quartier avec un matériel plus évolué et avec un nombre de bovins et ovins plus important pour des raisons économiques. Les rénovations d’habitations se retranscrivent souvent sous forme d’extension à l’extérieur, visible, par une matérialité et une technique constructive souvent différentes de la construction originelle. Les toutes nouvelles constructions sont plus grandes car elles fonctionnent sous forme de résidence de tourisme ou de gîte pour une capacité d’accueil confortable et avec des appartements mitoyens. Le lien entre la qualité de vie et le rapport à l’extérieur passe par les baies. En effet, celles-ci sont devenues de plus en plus grandes pour chercher la lumière. Cela est dûe à une amélioration des qualités thermiques et acoustiques des vitrages. Par l’emplacement géographique et l’exposition du village, les bâtis ont une orientation qui fait face au soleil, vers le sud. Avec l’évolution des réglementations et des attentes thermiques des édifices, toutes les rénovations ont vu leurs épaisseurs de toitures s’épaissirent avec de l’isolation. En façade, cela se traduit par des avant-toits qui sont plus épais. On notera toutefois une certaine forme de traditionalisme des valeurs de protection spirituelle avec la conservation de niche par une représentation religieuse soit sur les balcons soit à côté des portes. Les toitures quant à elles, généralement, hormis quelques exceptions constatées, ont conservé la lauze. Cependant, l’aspect le plus marquant c’est la continuité en apparence extérieure en pierre qui a évolué dans sa technique constructive en une technique «décorative» avec des parements en pierre aujourd’hui vu sur les nouvelles constructions. Le calpinage des pierres a aussi vu des évolutions avec l’apparition de l’enduit entre l’appareillage de celles-ci et l’apparition des parements en pierre sur les murs porteurs. N’oublions pas qu’à l’origine, l’enduit à la chaux était utilisé pour retenir les pierres et apporter une isolation dans certaines parties de l’habitation ou de la ferme. En coupe, les façades deviennent de plus en plus lisses avec ces parements accolés aux parpaings. Ces produits ne proviennent plus du site mais d’autres lieux d’exploitation. On constate donc un simulacre de la pierre, avec une apparence cherchant la continuité avec les édifices existants par des changements de proportions, de colorimetries et de techniques constructives. Nous allons voir comment le village par l’architecture et la manière d’habiter, sous forme interrogative et prospective, peut évoluer à l’avenir avec le Hameau du Vallonnet comme étude de cas.

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2.3 Le village qui s’oriente vers l’avenir par une nouvelle manière d’habiter La commune de Bonneval-sur-Arc cherche à s’intégrer dans un changement sociétal sur la manière d’habiter la montagne. Par l’urbanisation ou la restructuration urbaine, ces localités s’étirent ou se densifient. «Les stations-villages de fond de vallée s’engagent dans des programmes de restructuration urbaine, imposés par le besoin d’attirer une clientèle en toute saison.16» La montagne devient un territoire attirant, qui s’éloigne des problèmes du quotidien et qui rapproche de la nature. S’écarter des pollutions urbaines et retrouver dans ce territoire ce qui a fait son succès, la qualité de l’air, la qualité de vie et environnementale puis le rapport social. Ainsi, le territoire de montagne doit savoir gérer les nouveaux flux, les nouveaux habitants, afin de répondre aux enjeux d’aujourd’hui sur des questions économiques, sociales, territoriales et architecturales. «On nous annonce des hausses de population dans l’ensemble de nos départements, ces hausses sont diversifiées. Les grandes villes perdent des habitants, alors que les campagnes ou les zones excentrées en gagnent. Ce qui nous demande des adaptations en termes de création d’infrastructures et d’augmentation de niveau des services pour répondre aux exigences des nouvelles populations.17» Dans une démarche d’ouverture, après avoir décortiqué l’historicité du site, ses ressources, son plan urbain composé d’architectures variées dictées par la façon d’habiter et les évolutions techniques, nous allons exposer la situation démographique et l’état des logements de la commune pour mieux cerner le contexte. Cette exposition nous permettra de montrer la nouvelle manière d’habiter par l’architecture en prenant l’exemple du Hameau du Vallonnet, le décrypter par de l’analyse typomorphologique. Contexte paysager et démographique Localisé dans une région montagneuse contraignante au niveau de la législation par l’implantation du Parc National de la Vanoise, les démarches d’aménagement sont très réglementées. Enrichi d’une faune et d’une flore préservées, le site de Bonneval-sur-Arc est connu pour son environnement. La commune souhaite conserver un dynamisme déjà enclenché depuis des années qui est l’augmentation de sa démographie. D’après l’INSEE, confirmant cette dynamique, la commune gagne 0,45% de population depuis 2014, avec aujourd’hui 258 habitants. Cette dynamique n’épargne pas l’ensemble de l’EPCI et les Alpes françaises. Il est important de retenir que la commune séduit comme plusieurs villages devenus des stations avec une attractivité démographique qui pousse les communes à répondre à cet enjeu. Logement Bonneval-sur-Arc, comme le village de Bessans dans la Maurienne et la station de Val-d’Isère dans la Haute-Tarentaise, a un nombre important de résidences secondaires par rapport aux nombre de résidences principales, respectivement 449 et 118 d’après l’INSEE. Cela représente plus de 77% de résidences secondaires sur l’ensemble des logements. Il n’y a que 3% de résidences vacantes. Plus de 48% des lits touritiques sont des «lits non marchands» composés de résidences secondaires. A contrario, le reste de la vallée de la Maurienne à un taux de «lits non marchands» tournant plutôt vers 41%. On peut donc faire le constat qu’il y a un nombre très élevé d’habitat où des personnes y passent un temps éphèmère, une manière d’habiter de façon ponctuée.

16. LYON-CAEN, Jean-François, Montagnes Territoires d’Inventions. p.71 17. FONDATION FACIM. Vivre en montagne en 2050, trois démarches prospectives. p.12 46


Hameau du Vallonnet

0

0.5

Pointe d’Andagne 3217m

Bonneval-sur-Arc Pointe de Méan Martin 3330m

UBAC

ADRET

Projet

47


0 48

100

200m


Projet du hameau du Vallonnet

Pour répondre aux incertitudes du village exposés précédemment, la commune expose le projet du Hameau du Vallonnet qui est une nouvelle entité urbaine composée à la fois de résidences de tourisme et de résidences permanentes. L’emplacement du hameau est décidé en lien avec la vocation de créer une nouvelle entité qui n’entoure pas le village existant pour le garder intact, avec une volonté de l’éloignement. Sur le plan urbain, nous retrouvons un tissu très dense qui s’organise autour d’un espace public piéton au centre du projet. Les arêtes des faîtages sont dans cette étude de cas moins orchestrées que sur les autres hameaux d’habitations. En effet, les orientations sont diverses et les pignons sont orientés selon les bâtis vers différentes expositions, amenant a une impression d’enchevêtrement des débords de toit déjà aperçu à Bonneval-sur-Arc. Sur le plan architectural, il est intéressant de décrypter une évolution de la typologie des bâtis avec des dimensions de plus en plus grandes en emprise au sol et en hauteur. De ce fait, les maisons du projet ont une emprise de 15 mètres par 15 mètres avec une élévation de 4 étages. Ces dimensions proviennent d’un changement de l’habitat traditionnel du village, avec ici des appartements au lieu de maisons individuelles ou fermes mitoyennes. Seuls quelques bâtis dans le village de Bonneval-sur-Arc s’élèvent autant. Bonneval-sur-Arc bénéficie d’un ancrage historique qui fait qu’avant d’être une station de ski, c’est avant tout un village. Aujourd’hui, il y a une renaissance de ces villages qui s’opère avec une volonté de conservation et de mutation. «Le modèle de la station-village semble par exemple une bonne réponse pour occuper les skieurs lorsque la neige manque (les galeries commerciales couvertes des stations intégrées paraissent alors peu adaptées). Le ski devient une offre, il n’est plus une « nécessité sociale.18» Avec ce projet, nous constatons qu’il y a une nouvelle manière d’habiter, en se rapprochant de la forêt, des cours d’eau et en s’éloignant des entités urbaines déjà existantes, le tout tourné sur l’activité commerciale. Par l’architecture, cela se retranscrit par des appartements dans de grandes maisons avec un dessin à la fois de continuité avec les techniques actuelles de parements en pierre et des avant-toits très importants avec une recherche d’identification du hameau par un travail sur le mimétisme autour de l’eau. 18. WOZNIAK, Marie. L’architecture dans l’aventure des sports d’hiver. p.137 49


CONCLUSION ET RÉSULTATS C’est l’un des plus hauts villages de France, labellisé par son esthétisme et son authenticité. Cette enquête nous pousse a mieux comprendre l’évolution du bâti avec les mutations sociétales et historiques. Ce travail de relevés, d’analyses urbaines, architecturales et de rencontres, nous permet de mieux voir la façon des Bonnevalains de construire leurs habitats et leurs bergeries. Mêler historicité et architecture nous amène à écrire une narration sur Bonneval-sur-Arc, mettre des mots à ce village par une analyse anthropologique et typologique. Cela nous sert à se faire une opinion qui au final servira de base de réflexion sur ce que nous sommes, des bâtisseurs de demain. Par le diagnostic à l’échelle du grand territoire, la vallée de la Maurienne s’est peuplée depuis des siècles par une immigration italienne qui a influencé le culturel et le cultuel du site. Ce peuple composé de bergers, se sont installés au hameau de l’Écot avant de s’approprier le haut de la vallée jusqu’à Bonneval-sur-Arc. La richesse première du site est le développement du pastoralisme avec un découpage foncier très segmenté résultant d’un potentiel du site à produire avec l’implantation de petites exploitations fermières depuis des siècles. Le site s’est forgé une identité chrétienne avec la construction d’oratoires et d’églises qui participent à la composition urbaine du site. Ces bâtis ont une symbolique forte aux yeux des Bonnevalains, dans une approche résiliente avec son environnement. En se rapprochant du bâti, on constate que la richesse géologique du site a été une ressource importante pour la construction. La commune s’est au fil du temps de son développement démographique, social et économique, dispersée en plusieurs hameaux et un nouveau quartier agricole récent. Ces différents quartiers sont les témoins des évolutions des manières d’habiter et de vivre à Bonneval-sur-Arc. C’est par l’architecture, leurs typologies au sens large que nous constatons qu’il y a une corrélation entre les évolutions techniques, économiques et des manières d’habiter. Les bâtis deviennent plus grands, les espaces intérieurs repensés et un plan urbain éclaté avec le temps. Le passage aux tendances modernistes des années 1970 au hameau le Tralenta a amené une rupture architecturale par des toits plats, de grandes terrasses et des lignes géométriques qui ne suivent pas les «codes» de l’architecture vernaculaire d’antan. Les typomorphologies de l’Écot et de Bonneval-sur-Arc sont l’aboutissement de construction et de reconstruction en se servant de la montagne et s’adaptant à elle. Aujourd’hui, Bonneval-sur-Arc s’interroge sur son devenir comme de nombreux villages qui sont devenus des stations. Ces dernières voient les stations «ski-aux-pieds» se développer plus rapidement qu’elles. Pourtant, les villages qui sont devenus des stations sont maintenant regardés comme des futurs lieux de vie, d’habiter, de développement, avec un regard sur l’existant. Celui-ci est à la fois économique, culturel, social, architectural et paysager. «L’équipement ne prend en compte que la rentabilité immédiate des investissements et ne recherche que le profit. L’aménagement prend en considération la dimension sociale et culturelle, les problèmes écologiques, ceux de l’intégration dans le site, de participation des autochtones, de maintien des exploitations ancestrales.19» En effet, les sites de montagne ont un potentiel démographique. Ce qui est aujourd’hui recherché c’est la quête d’identité, une manière de percevoir un site unique par ses propres caractérisques architecturales, climatiques et géologiques.«Bien que la loi Montagne s’inscrive dans la continuité de la directive de 1977, elle marque un tournant important puisqu’elle annonce la prise en considération de « l’identité et des spécificités » de la montagne, de soutenir l’agriculture et de maîtriser le développement touristique mais de proposer une démarche d’auto-développement fondée sur la reconnaissance des potentialités locales.20» Avec des projets d’aménagement, légalement, le village peut s’aggrandir et créer une nouvelle entité urbaine. Le Hameau du Vallonnet en est l’exemple, reprennant des schémas urbains qui se retrouvent aux autres hameaux, comme la transversalité Est-Ouest ou encore l’enchevêtrement des toits. Il y a cependant une architecture qui évolue, cherchant à avoir sa propre identité par un travail sur le mimétisme de l’eau et des dimensions plus grandes que les bâtis d’origines de la commune.

19. REVIL, Philippe. L’Anarchitecte. p.183 20. WOZNIAK, Marie. L’architecture dans l’aventure des sports d’hiver. p.114 50


Ainsi, il est peut être intéressant de voir que l’architecture, la typologie, la manière d’habiter, est depuis toujours orientée par l’innovation, l’expérimentation et l’évolution de la société. Cependant on peut constater qu’il y a une perte d’innovation, il y a juste des évolutions. Bonneval-sur-Arc a une image de village qui peux rebondir aux problèmes climatiques pour s’orienter vers un tourisme et une économie locale rayonnante, exemplaire, comme un modèle dans les Alpes françaises. En effet, de manière assez subjective, le «cadre de vie» de Bonneval-sur-Arc est la représentation même de ce que représente la montagne pour des enfants avec à la fois de grandes pentes herbeuses et montagneuses, des constructions vernaculaires et du ski en pleine nature. Mais l’architecte ne doit pas se contenter de répondre à des images et des enjeux économiques immédiats mais avoir une vision à plus long terme, dans une démarche de projections et de propositions. L’architecture fait parti du paysage naturel et urbain, il participe à la mutation de la société. Avec un regard au départ magnifié, d’authenticité et que les nouvelles bâtisses étaient dans l’imitation de l’existant, j’ai pu retenir qu’au final, après des analyses et des relevés, que le village à vu de profondes transformations dans son tissu urbain et architectural avec un impact visuel fort dû à un changement de la manière d’habiter le site. Laissant un patrimoine riche, le village de Bonneval-sur-Arc est le fruit de la volonté humaine à s’approprier un territoire naturel, tourné vers l’agriculture avec une architecture traditionnelle puisant de ressources locales comme la pierre et avec une adaptation au site. Après cette analyse, l’architecture doit avoir un regard toujours tourné vers le futur, sans oublier son passé et ses erreurs. Reprennant ma manière de penser, il n’est pas question de faire une architecture qui se détache de son contexte mais bénéficier des ressources et des potentiels d’un site pour réinterroger une forme, un dessin architectural par une nouvelle culture constructive basée sur l’innovation, la performance énergétique et proposer des espaces de qualité. «L’intérêt est d’interroger le développement sous un angle nouveau, celui de la qualité de vie. Cette notion est fondamentale pour l’analyse des migrations d’agrément. En effet, celles-ci sont motivées par la recherche d’un cadre de vie attractif, d’un environnement agréable, ce qui constitue un changement dans le comportement des individus concernant leur choix de localisation.21» C’est dans une orientation minimaliste par la quantité de matière, de localisme dans la philosophie et grandiose par l’expérience que la montagne peut être une alternative à d’autres lieux, vers une architecture en palimpseste quand il s’agit de rénovation en utilisant les traces anciennes pour mieux bâtir demain, en créant un récit constructif et d’échanges avec le savoir-faire artisanal dans le but de mieux habiter. Peut-on se réapproprier l’idée de construction en pierre pour l’architecture contemporaine ou est-ce une technique obsolète ?

21. LOUBET, France in MARTIN, Niels. BOURDEAU, Philippe. DALLER, Jean-François. Les Migrations d’agrément : du tourisme à l’habiter. p.230 51


Évolution des typologies architecturales et la manière d’habiter.

Plan

Gabarit

Aujourd’hui

Avant

Ancienne étable XVIIe s. Bonneval-sur-Arc

0

52

20

40m

Étable réhabilitée XXe s. Bonneval-sur-Arc

Élevage

Ferme réhabilitée XXIe s. Bonneval-sur-Arc

Stockage

Habitation XXe s. Tralenta

Habitat

9 bâtiments d’élevage 2013 Quartier Agricole


Les croquis sont dessinés par mes soins, soit à partir de photographies personnelles, soit à partir de relevés directement sur le site ou de ressources informatiques. Les plans et les graphiques sont réalisés par mes soins, à l’aide de ressources informatiques. Les enquêtes auprès des habitants de Bonneval-sur-Arc ont été faites sur un échantillon de 2 personnes, le 6 avril 2019. Un entretien a été fait le 23 avril 2019 au CAUE de Savoie. (cf. Annexes) La citation en 4ème de couverture provient d’écrit personnel de Laurent Chappis, tirée de l’ouvrage L’Anarchitecte de Philippe RÉVIL aux pages 58 et 59. 53


GLOSSAIRE ADRET Versant le plus ensoleillé, souvent exposé au sud. Anthropologie Étude de l’homme et des groupes humains.

MORPHOLOGIE Étude de la forme et des structures externes et du viaire. Mur de soutennement Mur de soutien.

ARC Élément de maçonnerie en forme de courbe afin de décharger et répartir le poids vers le bas à l’extérieur.

MUR GOUTTEREAU Mur longitudinale qui porte une gouttière.

Avant-toit Avancée d’un édifice qui apporte une protection.

Ossature Structure charpentée qui soutient latéralement le bâti d’une construction.

BAIE Vide dans une paroi pour créer une porte ou une fenêtre.

PAREMENT Surface de finition d’un mur sur la maçonnerie.

BERGERIE Édifice ou en partie accueillant des moutons.

PastoraLISME Mode d’élevage extensif pratiqué par des peuples nomades et fondé sur l’exploitation de la végétation naturelle.

CALPINAGE Disposition des pierres visible en façade. CHAUX La chaux est une matière poudreuse obtenue par décomposition du calcaire. Elle est utilisée depuis l’Antiquité dans la construction. CLEF DE VOÛTE Voussoir occupant la partie centrale et au sommet d’une voûte en berceau. CONTREFORT Renfort extérieur maçonné pour maîtriser la poussée vers l’extérieur. CROIX LATINE Utilisé dans les églises, il s’agit d’un plan où la partie longitudinale de l’édifice est plus long que les bras latéraux formés par le transept. Culture constructive Dimension sociale et technique dans la construction, ce qui caractérise une architecture.

PIGNON Partie terminale d’un bâtiment, généralement en forme de pointe triangulaire. Rondin Pièce de bois dans sa forme naturelle, ni fendue, ni taillée. RU Une petite rivière avec une faible profondeur. Simulacre Ce qui n’a que l’apparence de ce qu’il prétend être. TRAVÉE Espace entre les voûtes. TRUMEAU Partie du mur entre deux baies. Typologie Système de classification d’un ensemble de données empiriques.

ÉTABLE Édifice ou en partie accueillant des vaches et des boeufs.

UBAC Versant le moins ensoleillé, souvent exposé au nord.

FAÇADE Parties extérieures d’un bâtiment.

VerNaculaire Architecture locale bâti par les habitants par des traditions et des ressources proches.

Faîtage Arête supérieure d’un toit. FENÊTRE Baie de dimensions et formes variables destinée à laisser passer la lumière ou l’air. FERME Structure en bois de forme triangulaire pour supporter les charges du toit. FERME Édifice agricole avec les hommes et les bêtes. Fronton Partie triangulaire au sommet d’une façade. GROBON Souche d’arbre pour le chauffage. HABITER Appropriation d’un lieu en exerçant une activité. Lauze Dalle de couverture pour les toits. LINTEAU Pièce horizontale soutennant la maçonnerie sur la partie supérieure d’une baie Maçonnerie Ouvrage composé de matériaux unis par un liant.

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VOLIGES Lattes sur lesquelles sont posées les lauzes. VOÛTE EN BERCEAU Voûte de forme semi-cylindrique.


BIBLIOGRAPHIE ANSELMET, Roland. Bonneval-sur-Arc, Souvenirs d’enfance et de jeunesse, Traditions et récits villageois. Édition ThoT. 320 pages. 2004. Association des musées de Cogne. Architecture Rurale en Vallée d’Aoste - La maison de Cogne. 118 pages. 1997. COMMUNE DE TORGNON, BIBIOTHÈQUE MUNICIPALE. Le musée ethnographique petit-monde. 79 pages. CONTI, Flavio, GOZZOLI, Maria Cristina. Reconnaître l’art. Édition France Loisirs. 256 pages. 1983. FACES. GranTicino. Édition Infolio. 68 pages. 2018. FONDATION FACIM. Vivre en montagne en 2050, trois démarches prospectives. 112 pages. 2012. GOTTAR, Jean. Bonneval-sur-Arc, Les Seigneurs de l’Alpe. Édition Fontaines de Siloé. 219 pages. 2005. HERMANN, Marie-Thérèse. Architecture et vie traditionnelle en Savoie, 2ème édition. Édition Fontaines de Siloé. 2002. HÉRODOTE. La France demain. Édition La Découverte. 256 pages. 2018. LYON-CAEN, Jean-François. Montagnes Territoires d’Inventions. Édition ENSAG. 288 pages. 2003. MARCO, Danilo, REMACLE, Claudine. Architecture de bois au Val-d’Aoste, XIVe-XXe siècle. Édition Tipografia Duc. 415 pages. 2014. MARCO, Danilo, REMACLE, Claudine, ZUCCA PAUL, Mauro. Walserhous, L’architecture historique dans la haute vallée du Lys. 173 pages. 2006. MARTIN, Niels. BOURDEAU, Philippe. DALLER, Jean-François. Les Migrations d’agrément : du tourisme à l’habiter. Édition L’Harmattan. 412 pages. 2012. MASSERANN, Jean-Philippe. Les Princes de Bonneval et le Citadin. Édition ThoT. 86 pages. 2006. MUSÉE DAUPHINOIS. Habiter. 136 pages. 2009. OBRAS, COLLECTIF AJAP14. Nouvelles richesses. Édition Fourre-tout. 416 pages. 2016. PAILLARD, Philippe. Histoire des communes savoyardes. 550 pages. 1983. PILON, Céline. Cultivateurs, bêtes et bâtiments en montagne. Mémoire. ENSAG. 65 pages. 2011. REMACLE, Claudine. Vallée d’Aoste une vallée, des paysages. Édition Umberto Allemandi & C. 147 pages. 2002. REMACLE, Claudine. L’habitat rural Valdôtain. Édition Umberto Allemandi & C. 277 pages. 1995. RÉVIL, Philippe. L’Anarchitecte. Édition Michel Guérin. 228 pages. 2002. REVUE URBANISME n°411. Réinventer les stations de montagne. 86 pages. 2018. SEVESSAND, Guillaume. Projet d’un habitat de montagne en limite d’un hameau préservé. PFE. ENSAG. 205 pages. 2006. SOARDO, Gian Pietro. Architettura rurale in Valle d’Aosta. Éditeur Priuli & Verlucca. 1999. 88 pages. WOZNIAK, Marie. L’architecture dans l’aventure des sports d’hiver. 236 pages. 2006.

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ANNEXES Lors d’une seconde visite de site, le travail de relevés plus précis et détaillés sert à constater des évolutions en terme de cultures constructives sur le site de Bonneval-sur-Arc. Après avoir déambulé dans le village, carnet et stylo en main, pour esquisser, mesurer afin de mieux comprendre le village, son charme, identifier son passé et son évolution, ces deux petits entretiens amènent des nouveaux résultats concernant le village. Nous allons voir ainsi deux personnes, vivant d’activité économique locale différente, qui nous a accordé quelques minutes de leurs temps pour parler de Bonneval-sur-Arc et des différents projets. Ensuite, nous entendrons la parole d’une personne du CAUE de Savoie qui m’a apporté des informations et des compléments concernant le village. Le petit échantillonnage d’entretiens d’habitants résulte d’un temps court sur le site, d’une météo instable et d’une présence forte de tourisme. Les résultats obtenus ne peuvent pas généraliser l’avis de l’ensemble de la population sur le village en lui-même mais montre une certaine contradiction au sujet du projet du Hameau du Vallonnet. Parmi les trois entretiens, on constate un regard magnifié du site, du village, de son caractère. La fin du mémoire est un assemblage de plusieurs photographies réalisées par mes soins sur le site de Bonneval-sur-Arc, pour garder une trace mémorable de ce village et de son paysage.

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Entretien 1. Agricultrice, habitante de la Haute-Maurienne. Bonjour, je suis étudiant à l’École d’Architecture de Grenoble et je cherche à comprendre l’évolution des typologies urbaines et architecturales du village suivant la manière d’habiter et de produire, par l’agriculture et l’élevage notamment. Architecturalement, vous pensez-quoi du village ? De son évolution dans le temps, entre les anciennes constructions et aujourd’hui ? Il y a eu peu d’évolution, l’évolution a eu lieu dans l’habitat avec des constructions plus solides qu’avant, dû au relief notamment. On ne peut pas se permettre d’expandre l’habitation, avec les zones d’avalanches il y a beaucoup de contraintes. Au niveau de l’évolution, il n’y en a pas trop eux. C’est donc plus sur l’agencement intérieur que l’évolution s’est opérée ? Oui c’est ça. Ce que j’ai pu comprendre c’est qu’à l’époque, les agriculteurs vivaient avec les bêtes, notamment en rez-de-chaussée et que le bétail était plutôt en haut des édifices. Maintenant le centre du village est plus sur un modèle d’habitation et de commerce. Oui exact, nous sommes dans une zone touristique fréquentée. Ainsi, vous savez comment les habitants vivaient avant, c’était que des agriculteurs ? Essentiellement c’était que des agriculteurs, en autonomie. L’hiver était très long, 50 ans en arrière ça a beaucoup évolué. Moi je ne suis pas originaire de Bonneval-sur-Arc, c’est mon mari qui est originaire d’ici. Des propos d’arrières grands-parents, ils étaient tous agriculteurs, tous avec 3 vaches, 3 moutons, etc. Un peu comme des fermes ? C’était des petites bergeries ? Oui voilà, c’était des petites fermes. L’idée générale du projet des bâtiments aux neufs élevages de l’agence FABRIQUES est de regrouper les élevages ? Vraiment, les études qui ont été faites par ces architectes, je m’en suis pas du tout occupé. Concrètement, on ne pouvait pas continuer l’agriculture de cette manière là. Il y a des normes européennes et nous étions pas dans les normes. Tout ce qui était sanitaire, le lisier, on le sortait tout soit à la main, soit par les égouts et ça allait à l’Arc, la rivière. Du coup, au niveau de la réglementation on se devait de faire sortir l’agriculture du village, sinon ce n’était pas possible. Vous étiez ailleurs avant d’être ici ? Avant les vaches étaient dans la maison de mes beaux-parents, elles étaient dans le garage. Vous les avaient donc ramené dans ce projet ? Exactement, on les a ramené ici.

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Avec ce projet, vous avez gagné en superficie pour l’exploitation ? Carrément ! On a gagné en superficie. On a gagné aussi niveau contrainte, avant c’était très manuel, maintenant c’est beaucoup plus mécanisé. C’est un cercle vicieux du coup, on n’a pas gagné en pâturage par exemple. Ça veut dire qu’avant on avait 20 vaches, maintenant pour pouvoir subvenir à nos besoins avec un bâtiment comme ça, on est passé à 50 vaches. C’est à dire, niveau pénibilité, je pense qu’on y a gagné, mais au niveau travail, comme il faut payer un gros bâtiment, il a fallu avoir plus de vaches, pour rentabiliser. Vous êtes au courant du projet du hameau du Vallonnet ? Oui. Qu’est-ce que vous en pensez ? Je pense que pour les habitants de Bonneval c’est une bonne chose. Concrètement, Bonneval a de gros frais au niveau des remontées mécaniques. Si on continue dans cette optique là, il n’y aura plus de station, plus de touristes. Les habitants seront ainsi obligés de partir du village pour vivre. C’est déjà le cas aujourd’hui, beaucoup de jeunes aujourd’hui sont obligés de sortir de Bonneval pour vivre et pour travailler, car il n’y a pas assez de monde pour faire vivre les habitants. J’ai un plan du projet, vous pensez que c’est une architecture innovante ou qui prolonge celle de Bonneval-sur-Arc ? Oui c’est innovant ! Ça va forcément changer l’image de Bonneval. Ça va forcément moderniser. Il y aura toujours des inconvénients. Dans le village il y a des ruines, reconstruire de nouveaux édifices dans le village, est-ce une solution ? Totalement. Après je suis convaincue (concernant le projet du Hameau du Vallonnet), que ça va nous apporter une nouvelle clientèle. On a actuellement une clientèle privilégiée, puisque nous n’avons pas beaucoup d’offres. Elles sont réduites et on cible une catégorie de personnes. Il n’y a pas d’aire de camping-car et il y a des risques d’avalanches et d’éboulement, il y a qu’un seul hôtel... C’est sûr que d’offrir plus de logements, on va avoir plus de touristes et ça va changer la clientèle. Et changer l’image du village ? Et changer l’image du village. Fait le samedi 6 avril 2019, à Bonneval-sur-Arc.

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Entretien 2. Fromagère, habitante de Bonneval-sur-Arc. Bonjour, je suis étudiant à l’École d’Architecture de Grenoble et je cherche à comprendre l’évolution des typologies urbaines et architecturales du village suivant la manière d’habiter et de produire, par l’agriculture et l’élevage notamment. Architecturalement, vous pensez-quoi du village ? De son évolution dans le temps, entre les anciennes constructions et aujourd’hui ? C’est déjà très joli ! Je ne suis pas forcément du village, je suis normande. Ça fait 7 ans que je suis là, c’est un joli village. Après niveau architecture, je m’y connais pas trop. Le village ici c’est le plus ancien, puis dans les années 70 ils ont construit le Tralenta. La pierre participe au charme du village, en plus c’est un village classé. Le projet des fermes aux neufs élevages, qu’en pensez-vous ? C’est tellement mieux pour les chèvres et ceux qui y travaillent. Au début ça nous a fait bizarre puis ça passe. Vous êtes au courant du projet du hameau du Vallonnet ? Il s’agit d’un bon projet ? Non. Il y a pas suffisamment de restaurants dans le village et ça va dégrader le charme de Bonneval-sur-Arc, son côté typique avec un emplacement étonnant. Ça va dénaturer Bonneval. Ça va faire comme les autres villages, le fait de refaire des nouveaux bâtiments. En fait, faudrait qu’il en arrête là. Après je ne sais pas comment ça va être, va y avoir des commerces et des restaurants c’est bien mais… Dans le centre du village ? Oui exact. Fait le samedi 6 avril 2019, à Bonneval-sur-Arc.

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Entretien 3. CAUE Savoie. Qu’est-ce qui caractérise le site de Bonneval-sur-Arc par rapport aux autres localités alpines ? Il y a plusieurs choses, d’abord il y a un site historique qui a toujours été habité. La deuxième chose, les constructions traditionnelles ont quasiment toutes été transformées de façon plus ou moins respectueuse du patrimoine, qui donne cet aspect carte postale. On croit que c’est du patrimoine alors qu’il n’y a plus grande chose de réellement patrimonial dedans, on peut les voir sur les murs. La troisième chose, qui est à mon avis très importante, c’est un village qui peut être coupé du monde en période hivernale. Les phénomènes d’avalanches, ils maîtrisent très bien. Il y a des touristes qui peuvent se faire piéger mais les habitants s’y sont fait. Par rapport à d’autres endroits, les habitants ne demandent pas de protection pour empêcher des avalanches jusqu’à la route, c’est assez étonnant cette philosophie de se dire qu’on peut être coupé du monde. Après souvent les avalanches sont déclenchées de manière préventive et sécurisée. L’hiver dernier, ça été bloqué pendant quelques temps, mais c’était déclenché. Par contre, si ils tapissent la vallée de paravalanches, ça va défigurer le paysage et ça va pas empêcher une plus grosse avalanche de se produire et faire des dégâts. Je pense que ça a forgé un caractère des gens localement, ils comptent sur eux, de vivrent avec les risques, faire leurs architectures comme ils veulent. Mais ça ne fait pas de patrimoine. Comment habitaient les gens avant ? C’était tous des agriculteurs et des éleveurs ? La majorité de la population vivait de l’activité agricole et parfois survivait. Par rapport à maintenant où il y a eu une exploitation de neuf élevages, les bâtiments ont été fait en fonction des procédés actuels de l’agriculture avec une volonté de faire des gros bâtiments dissimulés. Ça été pensé, il y en a qui auraient fait que des gros hangars métalliques. Ce bâtiment sert pour stocker du foin et autres, ça été réfléchi. L’agriculture avant c’était de toutes petites exploitations, des métiers très durs, avec des prises de risques considérables mais tout le monde avait ce même mode de vie. Maintenant il n’y a que quelques éleveurs à Bonneval-sur-Arc. Du coup, la population ne connait pas les prises de risques qu’ils ont. Avant, tout le monde avait trois vaches, on savait quand une vache mourrait. Maintenant ils en ont bien plus, les gens ne se rendent pas compte. Les gens ont d’autres activités, ils n’ont pas cette solidarité réelle car avant tout le monde avait le même type de vie. Les gens connaissent bien moins le métier d’agriculteur avec les risques qu’ils prennent pour arriver à vivre décemment. En parlant des ressources, quelles étaient les techniques qu’utilisaient les habitants pour acheminer les pierres et lauzes pour construire rapidement ? Je ne sais pas si c’est spécifique à Bonneval-sur-Arc, je sais que les lauzes souvent ils les faisaient glisser sur la neige, ils ne cherchaient même pas à charger une bête avec une charrette les pierres parce que c’était vraiment lourd. Les lauzes, ils les extrayaient dans des carrières en faisant des trous pour localiser les bonnes lauzes pour faire les toits. Après, ils les faisaient sécher parce que en perdant leur humidité, certaines lauzes se fendaient, du coup c’était pas exploitable pour cela. Pour les toits c’était les lauzes qui résistent au séchage qu’ils avaient sélectionné et empilé. Pour les monter sur les toits après le séchage, les moyens étaient rudimentaires, les bras et une corde. Pour les pierres des murs, je pense qu’ils prenaient le plus près possible. Les lauzes ont des caractéristiques assez fines et relativement grandes, mais pour les murs ils prenaient le plus près possible.

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L’aggrandissement général des maisons est dû à notre nouvelle façon d’habiter ? Tous les modes de vie ont changé, avant les toilettes étaient par exemple dans le fond du jardin, maintenant c’est hors de question, c’est à l’intérieur de la maison et on en met souvent plusieurs. La cuisine ça sert pour cuisiner et pas beaucoup pour autre chose, alors qu’avant on faisait tout au même endroit. C’était l’endroit où il y avait un peu de lumière, un peu de chaleur, on allait pas lire dans la chambre, c’était pas possible. Les modes de vie ont donc complètement changé, le confort aussi, du coup l’habitat se transforme. J’en reviens à cette histoire de patrimoine, si on veut le conserver ça ne veut pas dire de vivre comme avant, ça veut dire d’adapter les choses pour qu’en transformant le moins possible le gros oeuvre, on arrive à augmenter le confort du bâtiment, y vivre comme on vit actuellement, sans forcément tout casser, tout refaire, tout modifier, il y a des choses qu’on peut conserver. Dire qu’une poutre elle n’est pas droite, elle me plaît pas, elle est trop basse, je vais rehausser la maison de 50cm, là on commence à toucher au sens du patrimoine. On se retrouve avec des poutres en lamellé-collé dans des bâtiments anciens, parce que aucun charpentier ne vous mettra un tronc d’arbre dans une maison, mais ce n’est plus du patrimoine. Pourquoi il y a eu une évolution de la technique constructive ? La réglementation y participe sûrement, la perte de savoir-faire aussi. C’est pas qu’à Bonneval-sur-Arc mais les populations ont toujours bougé, faut pas croire que les gens sont restés tout le temps au même endroit. Même certains de Bonneval-sur-Arc se sont baladés dans le monde et ça a fait évoluer les choses, avec parfois des échecs. Des choses qui pouvaient être valables à un endroit, quand c’était ramené à un autre endroit ça ne fonctionnaient pas, ça ne tenaient pas, ce n’étaient pas adaptés. Les gens ont quand même un oeil ouvert à l’extérieur pour amener des améliorations. Quand le béton est arrivé ça a fait «tilt» dans la tête des gens, en se disant que c’est plus simple et ça a l’air plus solide, ça à l’air… Les techniques ont changé parce que les gens ont envie de nouveautés qui fonctionnent, qui améliorent, le poêle à bois a disparu quand l’électricité est arrivée. C’était encombrant, pas facile à gérer. Niveau réglementaire oui, il y a sûrement des choses qui ont fait changer les techniques constructives. Le double vitrage aussi, mais c’est de partout. Il y a des endroits qui sont particulièrement en avance sur d’autres, comme Voralberg en Autriche, le double vitrage ils le connaissent depuis longtemps. On avait fait une exposition à Chambéry sur Voralberg et un monsieur un peu âgé nous avait félicité d’avoir organisé ça. Il avait vu le village de Voralberg à la fin de la guerre, avec son char d’assaut et sa petite troupe, ils avaient réquisitionné une maison, une maison de paysans. Dans cette maison il y avait du double vitrage, du chauffage R+C, de l’eau courante, un WC, et on était en 1945, donc bien en avance. Ils ont toujours eu 50 ans d’avance. Quand on va au Voralberg, on visite des bâtiments en bois local, il n’est pas traité. Tout le monde se pose la question, pourquoi il ne traite pas le bois ? Ça résiste, si c’est coupé à la bonne saison et que vous l’installez comme il faut, il va durer. Si l’aspect du bois ne vous plaît pas, vous pouvez le peindre mais pas le traiter. On peut même prévoir de démonter le bois en cas de fin de vie pour partir à la chaufferie communale pour chauffer le village. Le bois traité à Bonneval-sur-Arc on le voit, avec du bardage orange, ce n’est pas du patrimoine. Qu’est-ce que ça vous évoque ? Il y a la perte de savoir-faire qui faudrait essayer d’endiguer, garder un savoir-faire même si on ne le pratique plus. Le papyrus, toute cette énergie pour réapprendre à faire du papyrus, c’est «ballot» qu’ils aient arrêté. Le jour où on ne saura plus écrire à la main mais qu’on sera dicté par un ordinateur, le cerveau va se développer différemment. Le jour où on construira qu’en béton, on va se dire que la construction en pierre c’est magique mais le cerveau aura perdu de sa capacité à régler des problèmes. Construire un mur en pierre, même si c’est plus cher, savoir le faire et le proposer, expliquer les avantages et inconvénients par rapport à des procédés plus contemporains, si on prend que le côté financier, le mur en béton il faut des grues, des camions, des usines et on s’aperçoit que lorsque le terrain bouge, le mur par avec. Alors que le mur en pierres se déforme puis à un moment donné il s’effondre. Il faut connaître tous les procédés qui peuvent être intéressants, dont les procédés anciens, même si on sait que c’est plus cher, plus compliqué mais au moins garder ce savoir-faire. 62


Aujourd’hui, avec les murs en parement de pierres, ce sont des roches qui viennent sûrement de très loin. Pour créer une façade composée de plusieurs colorimétries, il y a sûrement une carrière en Chine, une dans le sud de la France, une ailleurs, pour mélanger tout ça et créer un patchwork. J’espère que ce n’est pas ça, que ce sont des bêtises. Pour revenir aux lauzes, ce sont bien des pierres locales, avec des carrières qui ont été abandonnées. Juste le fait de ne plus savoir exactement où sont les bonnes pierres pour mettre sur les toits c’est une perte. Ça aurait permis de conserver pour de nouvelle toiture des lauzes locales alors qu’en fait aujourd’hui elles viennent d’Italie par exemple. A l’époque, jamais les habitants de Bonneval-sur-Arc auraient cherché de la lauze en Italie, c’était pas possible, il y a du pragmatisme, on va pas prendre 40 tonnes de pierres là-bas. Si on utilise des nouvelles techniques et de nouveaux matériaux pourquoi pas, mais si on se dit que l’ancienne technique et les anciens matériaux on les oublient, on va se retrouver dans une impasse à un moment donné. On va se dire qu’on se sait plus faire. Dans les alpages, la panne du toit c’est deux poutres de deux tronc d’arbres l’un sur l’autre, parce qu’ils ont pris deux petits tronc d’arbres. Il y avait des plus gros, mais fallait les monter sur les alpages. Pour que ça soit solide, on va assembler deux petits tronc d’arbres, avec un poteau au milieu. C’est l’expérience et la logique pour y arriver. Maintenant avec un hélicoptère c’est différent. Un jour on va se dire comment ils faisaient avant. Un peu comme les menhirs, comment ils faisaient pour soulever ça ? Pourtant ils y arrivaient. Comment les romains faisaient pour faire des lignes droites presque parfaites ? Ils réfléchissaient, ils avaient des ingénieurs, ils étaient aussi intelligents que nous. Le génie humain génère la réflexion. Le projet des neufs élevages et du hameau du Vallonnet n’ont pas les mêmes objectifs, pouvez-vous me les décrire ? Je pense que le village s’est orienté vers une activité touristique. L’activité touristique c’est très ponctuelle à cette échelle là. Si on transforme ça en Disneyland on peut faire une croix dessus, on peut en mettre de partout pour que ça fonctionne. L’Écot est encore dans son jus complet, je dirai qu’il faut surveiller et encourager les gens à l’Écot pour faire les choses de manière excellente, qu’ils gagnent en confort, qu’ils ne dénaturent pas l’architecture, pour ne pas retrouver des erreurs qu’on peut voir à Bonneval-sur-Arc. Faire comprendre aux gens que le patrimoine, quand on y touche, faut le faire de manière sensible et dès qu’on y touche violemment c’est définitif, on ne peut pas revenir en arrière. Les gens veulent bien faire et font souvent bien les choses, mais parfois ils sont mal conseillés. Ceux qui font des bêtises ne comprennent pas que c’est définitif. Si quelqu’un corrige, c’est dans deux ou trois générations. Viser l’excellence ce n’est pas facile, faut que les gens le comprennent et l’acceptent, tout le monde fait des compromis, c’est compliqué. On dit pas qu’il faut mettre l’Écot dans une cloche en verre et qu’on y touche plus. Le fait de mettre une cloche en verre montre que ce n’est pas naturel. Dire à une personne d’ouvrir une fenêtre sur une façade, vous allez changer l’aspect de la maison. En revenant à la question, le village c’est du tourisme avec une perte de l’identité. On va arriver à un Mont-St-Michel ou un Disneyland, où les gens qui viennent pour le tourisme seront content d’être là, les habitants peut être contents d’en vivre, mais on risque de casser quelque chose qui avait un intérêt. Si on dit qu’on va reconstruire un Écot à 2km, avec des techniques traditionnelles, qui coûterait certes assez chères, on ne le fera jamais. Il y avait quelque chose de base qui été bon. Il n’y a pas que le fait de faire de l’argent et d’avoir des cars de touristes. Mais au départ, n’oublions pas que les gens de Bonneval-sur-Arc peuvent être coupés du monde et ce n’est pas une catastrophe. Ils arrivent à vivre en autonomie, mais si quelqu’un dit, je veux faire de l’argent, il peut l’ouvrir partout ailleurs. Les agriculteurs c’est complétement différent. Il faut décrypter leurs arguments car ils vivent de leur métier, pour y vivre c’est plus compliqué. Il y a une prise de risque colossale niveau financier qu’ils font tout les jours. Leurs activités, même si ça construit de tant en tant de gros bâtiments, leurs activités entretiennent le paysage de façon remarquable. Les alpages, si ils ne sont pas utilisés par les vaches, des plantes s’installent, des arbustes.

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Quand il neige, la couche poudreuse se pose sur ces arbustes, laissant une couche d’air dans la plante. Quand le poids de la neige est trop important ou que le vent appuie trop à un endroit, ça enfonce la neige sur le matelas d’air et peut créer une avalanche des centaines de mètres plus loin. L’activité agricole peut empêcher ce genre de risque. A Bonneval-sur-Arc, il y a cependant un contexte avec des pentes rudes et des endroits avec beaucoup de neige, mais à d’autres lieux, il y aurait du danger si l’agriculture et l’élevage partaient. Du coup, les agriculteurs ont leurs propres arguments, jusqu’à la lutte contre le loup. Ils vivent la chose, en connaissant le territoire, les saisons, ils touchent toute la montagne. Demain, comment les habitants vivraient la montagne dans ces localités excentrées ? On travaille avec la Facim, les écoles d’architectures et les différents CAUE en lien avec la montagne pour imaginer la vie en montagne en 2050. Chacun a fait ses recherches et ses colloques. En Savoie on avait une démarche où on s’est dit, en 2050 on sera encore vivant ? En se posant cette question là, on est pas les mieux placés pour dire comment la montagne sera habitée en 2050, tournons nous vers la jeunesse. Eux, en 2050, ils vivront au milieu de leurs carrières professionnelles, avoir un regard le plus novateur. Nous on va sortir de vieilles recettes. On avait travaillé sur le village d’Arvillard pour comprendre de quoi vivaient les habitants, faire des plans etc. Il est sorti trois hypothèses. Avec le prix de l’essence, les gens n’ont plus envie de se déplacer pour travailler, où se déplacent très peu, ça décline le village. La seconde hypothèse avec Arvillard qui «vivote» s’en se donner les moyens d’accepter des changements radicaux, et la troisième hypothèse c’est le changement radical et Arvillard ne dépérit pas et s’agrandit. Les gens veulent dans ce cas venir vivre, habiter, il y a des commerces, une pharmacie, des médecins… Les gens peuvent travailler, vivre leurs vies, dépenser leur argent. C’était une vision du futur que la jeunesse doit traiter. Il y a des solutions, parfois assez inattendues, d’autres qui paraissent maintenant anecdotiques mais qui seront demain pertinentes dans la conscience des gens. Mais parfois c’est l’inverse, où on se dit que c’est pour demain alors qu’on s’aperçoit que ça ne fonctionnera pas. Mais c’est vraiment aux jeunes de proposer des choses. Il faut tout le temps viser l’excellence. Fait le mardi 23 avril 2019, à Chambéry.

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Novembre 2018

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Avril 2019

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« Et d’autres sensations que vous ne connaîtrez jamais, si vous ne partez pas à l’aventure, en solitaire, sachant par avance que vous ne les découvrirez que parce que vous venez les chercher. Et je viens les chercher parce que je dois remplir une mission : parcourir une montagne pour y déceler toutes ses potentialités.» Laurent Chappis


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