La bergère et le Ramoneur - Balivernes éditions

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Hans Christian Andersen

Charlotte Cottereau

Balivernes ĂŠditions



La bergère et le ramoneur

de H.C. Andersen et C. Cottereau

Traduction : Balivernes Éditions. ISBN : 978-2-35067-099-7 © 2014, Balivernes Éditions - 16, rue de la Doulline - 69340 Francheville - France Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Loi n°49.956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse. Dépôt légal : octobre 2014. Imprimé par Proost en Belgique.

Balivernes Éditions


Avez-vous déjà vu une très vieille armoire en bois,

noire de vieillesse et décorée de spirales et de feuillages ? Dans le salon se dressait une telle armoire, héritée de l’arrière-grand-mère et sculptée de roses et de tulipes du haut jusqu’en bas.

Entre les étranges arabesques sortaient de petites têtes de cerf

surmontées de leurs bois. Au centre de l’armoire avait été ciselé un homme en pied. Il était certainement risible à regarder et lui-même ricanait, car on ne pouvait voir un rire dans sa grimace. Il avait des jambes de chèvre, de petites cornes sur la tête et une longue barbe. Les enfants l’avaient toujours appelé :

Sergent-Général-Plus-Ou-Moins-Commandant-de-Guerre Jambe-de-Bouc, nom difficile à prononcer, mais titre que peu de gens reçoivent et qui avait donc de la valeur pour lui.

Ainsi, il était là et surveillait la table placée sous le miroir, sur laquelle

se trouvait une adorable petite bergère de porcelaine.

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Ses souliers dorés et sa robe, nouée au dos par une boucle de rose,

étaient de bon goût, comme son chapeau d’or et sa houlette. Elle était charmante.

Près d’elle se tenait un ramoneur, noir comme du charbon, et pourtant

de porcelaine comme elle. Il était aussi propre et soigné que vous et moi. Qu’il fut un ramoneur, c’était ce qu’il croyait, car son fabricant aurait pu tout autant faire de lui un prince, ce qu’il était véritablement.

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Il se tenait gracieusement avec son échelle, son visage blanc et

rouge comme celui d’une petite fille, défaut qu’un peu de noir aurait pu corriger.

Il touchait presque la bergère : ils avaient été placés là, et là,

ils s’étaient fiancés. Ils se convenaient, étaient jeunes, de la même porcelaine et aussi fragiles l’un que l’autre.

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Non loin d’eux se trouvait une autre figurine trois fois plus grande : c’était un vieux Chinois

qui savait hocher la tête. Lui aussi était en porcelaine et il disait être le grand-père de la petite bergère, ce qu’il n’aurait probablement pas pu prouver.

Il prétendait avoir toute autorité sur elle. C’est pourquoi il acquiesça d’un hochement de

tête quand le Sergent-Général-Plus-Ou-Moins-Commandant-de-Guerre Jambe-de-Bouc lui demanda sa main.

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— Quel mari tu auras là ! dit le vieux Chinois. Un homme qui, j’en suis persuadé, est fait d’acajou. Il fera de toi madame la Sergente-Générale-Plus-Ou-Moins-Commandantede-Guerre Jambe-de-Bouc. Son armoire est remplie d’argenterie, sans compter ce qui est caché dans les compartiments secrets. — Je n’irai pas dans cette sombre armoire, répondit la petite bergère. J’ai entendu dire qu’il a déjà onze épouses de porcelaine à l’intérieur. — Alors, tu seras la douzième, déclara-t-il. Cette nuit, dès que ce vieux meuble craquera, tu seras mariée, aussi vrai que je suis un Chinois.

Et là-dessus, il hocha la tête et s’endormit. Mais la bergère pleurait à chaudes larmes en regardant son bien-aimé, le ramoneur de porcelaine.

— Je t’en supplie, dit-elle, fuis avec moi dans le vaste monde, car nous ne pouvons plus rester ici !

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— Je ferai tout ce que tu veux, dit le ramoneur. Sauvons-nous tout de suite. Je saurai bien te nourrir grâce à mon métier. — Si seulement nous pouvions descendre de cet endroit. Je ne serai pas heureuse tant que nous ne serons pas loin d’ici.

Il la réconforta et lui montra où elle devait poser ses pas sur le rebord

sculpté et sur le feuillage doré qui décorait le pied de table. Il l’aida aussi avec son échelle et bientôt, ils atteignirent le plancher. Mais en se retournant vers la vieille armoire, ils virent le remue-ménage qui y régnait. Tous les cerfs ciselés allongeaient la tête, dressaient leurs bois et tournaient le cou. Soudain, le Sergent-Général-Plus-Ou-Moins-Commandant-de-Guerre Jambe-de-Bouc sauta en l’air et cria au vieux Chinois : — Ils se sauvent ! Ils se sauvent !

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Prenant peur, ils sautèrent dans le tiroir du marchepied placé sous la fenêtre. Là se trouvaient

trois ou quatre jeux de cartes dépareillés et incomplets, ainsi qu’un petit théâtre de marionnettes construit tant bien que mal. On y donnait une comédie. Toutes les dames, qu’elles soient de carreau, de pique, de cœur ou de trèfle, étaient assises dans la première rangée et s’éventaient avec des tulipes. Derrière elles se tenaient tous les valets, qui avaient à la fois une tête en l’air et une autre en bas, tels sont ces personnages de cartes.

La pièce jouée avait pour sujet deux jeunes gens qui ne pouvaient se marier alors qu’ils

s’aimaient. La bergère pleura, car cela ressemblait tant à sa propre histoire. — Je ne peux plus le supporter, dit-elle. Je dois sortir de ce tiroir.

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