Christos
Julie Ricossé
Le
moulin à paroles
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Christos
Pour Stéphane, mon ami-muse de musique et de mots. Julie
À tous les amoureux des petits, des grands et des gros mots. Christos
Le
Julie Ricossé
moulin à paroles
« Le moulin à paroles » de Christos et Julie Ricossé. ISBN : 978-2-35067-155-0 © Balivernes éditions, 2018 – 16, Rue de la Doulline – 69340 Francheville – France Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n°2011-525 du 17 mai 2011. Dépôt légal : février 2018 - Imprimé en France par la SEPEC - 20163171201.
Balivernes
Le moulin à paroles avait été construit tout en haut de la colline. Le vent apportait jusqu’à lui les murmures et les conversations du village. Les mots venaient se blottir entre ses pales. Le moulin faisait alors valser les syllabes de ses grandes ailes colorées, les brassant avec gourmandise. En mélangeant le tout, il créait des phrases fraîches.
Chaque matin, le meunier en remplissait un grand sac et partait au village distribuer des mots de tous les jours dont chacun pouvait profiter : des mots à tiroir pour les marchands de meubles, des adjectifs bien moulus pour les épiciers, des phrases profondes pour les puits de savoir, des mots-valises qu‘il laissait dans les gares… Il semait un langage fleuri pour le fleuriste et des expressions amusantes pour les enfants, comme « Proutosaure à roulettes », « Teignàpaf » ou « Patatouille en l‘air ». Bien sûr, il les réservait pour les cours de récré. Dans les classes, il n‘apportait que des phrases irréprochables. Enfin, c‘est ce qu‘il disait…
Sa distribution terminée, le meunier se dépêchait de rentrer, car dès qu‘il avait le dos tourné, le moulin à paroles en profitait pour semer des mots à tous les vents. Les animaux se mettaient alors à parler, les pies à jacasser, les merles à se moquer et les promeneurs à employer des expressions dont ils ignoraient le sens, comme « Patouchminouche », « Totem m‘en cinq ! » ou « La tchouma matchoum ! ».
Grâce au meunier et à son moulin bavard, les amoureux avaient toujours un « Je t‘aime » à la bouche, les enfants des blagues dans les poches et les marchands de poissons des « Il est frais mon merlan ! » sous la langue. Les villageois, satisfaits d‘avoir le verbe léger et l‘adjectif pétillant, les remerciaient en leur apportant de quoi manger ou en rafistolant le moulin quand une aile était déchirée.
Mais un jour, le maire eut l‘idée de moderniser le village : il fit installer un distributeur de mots sur la Grand-Place.
Une machine fantastique : on y introduisait une pièce de deux euros, on choisissait dans une liste le terme qui nous plaisait et hop, on l‘obtenait. Époustouflés, les habitants voulurent l‘essayer et ouvrirent leur porte-monnaie...