SĂŠisme Duncan Macmillan
SĂŠisme Duncan Macmillan
NOTE DE LA MISE EN SCENE
Séisme nous raconte l’histoire d’un couple en évitant une structure linéaire dans sa narration. Allant d’un instant de la vie de cet homme et de cette femme à l’autre, l’histoire se déplace tant temporairement que physiquement dans des moments et des lieux que les deux personnages ont vécus ou visités au il de leur vie commune. Une visite chez Ikea est suivie par une scène vécue au sein de la maison familiale, à une soirée en club succède une visite au zoo, les ellipses sont nombreuses, parfois séparées d’un jour, parfois de plusieurs années, le tout donnant un rythme très soutenu à la pièce. Je souhaite exploiter cette structure narrative, a in de créer une alternance de transitions brutes et directes dans la narration de l’histoire et d’instants de jeu physique qui peindront davantage l’évolution de la relation entre F et M. Ce sont les transitions elle-même et le travail que nous effectuerons autours d’elles qui déterminera le rythme de la mise en scène. Au il d’une relation, certaines habitudes s’établissent qui dessinent une forme de « signature » au couple : une manière de s’embrasser, de se dire bonjour, de se disputer. J’aimerais trouver avec les comédiens cette physicalité, trouver avec eux cette « signature » et au travers de ces actions concrètes exprimer les automatismes et les ré lexes du couple, mais aussi souligner qu’une même action peut porter des intentions bien différentes selon le moment de vie où elle se déroule. Cette récurrence de gestes précis nous aidera à jouer sur les moments d’intimité du couple, leur répétition dans des contextes et avec des intentions différentes permettra de représenter l’évolution des rapports entre les deux personnages dans le temps. Au niveau de la scénographie, nous travaillerons à mettre en place une mobilité qui nous permettra de créer rapidement de nouvelles situations sur le plateau. En outre, le décor rappellera au spectateur les conséquences écologiques provoquées par notre surconsommation, sujet incontournable de Séisme. En effet, F et M vivent, comme beaucoup, avec une double moralité. D’un côté, ils sont profondément conscients des émissions excessives de CO dues à nos modes de vie, de l’autre ils sont pourtant en train de faire leur shopping chez Ikea. Ils critiquent l’exploitation des travailleurs dans les plantations de café tout en buvant un café chez Starbucks. Ce rapport à la conscience personnelle me tient particulièrement à cœur. Avec Séisme, je souhaiterais aussi parvenir à nous faire ré léchir à nos choix de consommateurs.
traduction française Séverine Magois titre original LUNGS
avec Larisa Faber et Pitt Simon mise en scène Linda Bonvini scénographie et costumes Peggy Wurth création lumières Pedro Moreira musique Emre Sevendik assistante à la mise en scène Frédérique Colling coproduction Théâtre du Centaure, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg et Kulturhaus Niederanven
photographie / mise en page Bohumil KOSTOHRYZ
Séisme Duncan Macmillan
Séisme retrace les étapes importantes de la vie d’un couple – F et M – à travers plusieurs étapes : la vie d’étudiants sans responsabilités, puis celle de jeunes professionnels se posant la question - avoir ou non des enfants et finalement leur vie de personnes âgées. Séisme est une pièce sur les prises de décisions. Comment les prendre, comment en débattre au sein du couple. Et surtout quels sont les conséquences directes et indirectes de nos actes ? Comme une danse- la vie, les décisions communes et les conséquences qui en découlent, permettront à F et M de se rapprocher mais aussi parfois les obligera à l’éloignement. Ils ont des attentes et des espoirs. Ils commettent des erreurs. Ils essayent. Ils vivent. Or, tous les deux comprennent qu’ils ne vivent pas dans une bulle, isolés du reste du monde. Ils savent que dans ce monde globalisé les conséquences de nos modes de vie ont une portée bien plus vaste et qui ne s’arrête pas à la porte de notre appartement. Ici il ne s’agit plus seulement des grandes étapes de la vie d’un couple, mais aussi des choix au quotidien : voiture ou transport en commun ; entreprise multinationale ou commerce local ; vie de luxe ou plus modeste ? Face à ces responsabilités qui sont beaucoup plus vastes, là encore : comment agir ? Avec Séisme, Duncan Macmillan a écrit une pièce qui dans son actualité touche à l’universel. Les personnages sont authentiques et permettent une identification immédiate. La pièce est aussi bouleversante que drôle. Son langage direct laisse le public s’émerveiller et s’interroger sur le sort de ce jeune couple et du futur de notre planète.
Je pourrais faire la navette Londres-New York en avion tous les jours pendant sept ans sans pour autant laisser une empreinte carbone aussi forte que si j’ai un enfant.
Les lumières montent.
F
Un bébé ?
H
Respire.
F
Un bébé ?
H
J’y pensais, comme ça.
F
À l’avenir.
H
Il faudrait changer notre mode de vie.
F
La planète, consommer moins de
H
non, c’est, en in oui, mais c’est pas
F
ok.
H
Je te fais lipper là.
F
Non / pas lipper.
H
Totalement. Tu pensais être la première.
F
Non.
H
La première à le dire, oui. À dire oui, oui ok, je suis prête, oui, faisons-le, oui.
F
C’est
H
à mettre la pression sur, oui, / à essayer de me convaincre de
F
la pression ? Mettre la pression sur, je suis pas une une une une
H
on a une conversation là. C’est tout ce qui se passe. Tout ce qui se passe c’est qu’on a une conversation.
F
Tu as une conversation.
H
On a une conversation.
F
Une conversation que tu amorces.
H
Une conversation que je, oui, que j’essaie d’amorcer.
F
Une conversation que tu décides d’amorcer là maintenant.
H
Oui.
F
Chez Ikea.
H
Ce n’était pas prémédité.
F
Non. Ok. Oui. Ok.
H
Tu veux un peu d’eau / ou
F
ce gamin, là, avec le panda, il nous ixe.
H
Tu hyperventiles.
F
N’exagère pas.
H
Si c’est trop
F
c’est pas / trop.
H
Si c’est trop on peut ranger le sujet dans sa boîte, poser un couvercle dessus, et le mettre sous clef, et plus tard quand tu te sentiras moins lippée / on pourra
F
Je suis pas lippée.
H
D’accord très bien ok.
F
Je suis pas lippée je suis juste surprise. Je suis surprise je suis putain sidérée en fait. Je suis
H F
lippée. Pas du tout.
H
Si si.
F
Je suis totalement lippée oui parce que pourquoi jamais tu ne, comment tu peux, pourquoi tu n’as pas, pourquoi tu refuserais de m’en parler / j’aimerais que tu me laisses ENTRER j’aimerais que tu me laisses ENTRER dans ta tête. Dans ta putain de tête impénétrable
H
je suis en train de te parler là. Je suis en train de te le dire là. On est en train de parler, on est en train de parler là, on est en train d’avoir une conversation. Quand est-ce que j’aurais dû
F
pas du tout. Du tout. Ça n’a rien d’une conversation.
H
Ok.
F
Carrément pas.
H
Ok.
F
Je ne sais pas ce que c’est putain mais je te garantis que ça n’a rien d’une
H
d’accord ok ok.
F
Est-ce qu’on peut au moins sortir de cette queue ? Tout le monde nous
H
bien sûr, excuse-moi, je voulais surtout pas,
F
oui. J’ai besoin d’une minute. On peut le ranger dans sa boîte ?
H
Y a pas urgence.
F
Que je puisse
H
y a pas le feu.
F
Reprendre mon souf le.
H
C’est une conversation.
F
Faire un tour ou je sais pas. Dix minutes. Je te retrouve à la voiture.
H
Ok.
F
Qu’est-ce qu’il y a ?
H
Tu as dit dix minutes.
F
J’avais besoin de ré léchir.
H
Il fait nuit. Tu pues la clope.
F
Il neige. Est-ce qu’il neige ?
H
T’as pas pris de manteau.
F
C’est du délire ce temps.
H
L’hiver le plus froid depuis longtemps ils viennent de le dire. L’été le plus chaud, l’hiver le plus froid.
F
Et tu as / t’as laissé tourner le moteur.
H
J’écoutais la radio.
F
Moi ça va.
H
Je sais c’est juste que je m’inquiétais.
F H
Pas la peine. Tant mieux. ,
F
On a au moins les trucs qu’on était venus acheter ?
H
J’y suis retourné mais ils avaient {déjà remis les articles dans les rayons}
F
merde.
H
Ouais. ,
F
Un bébé ? ,
H
J’y pensais comme ça. ,
F
Est-ce qu’on peut juste on en parlera mais
H
C’est ça.
F
pas maintenant. Je suis trop
H
ouais, moi aussi.
F
Je peux conduire ?
H
Sûr.
F
Tu peux mettre ta cassette. Me faire écouter tes nouvelles chansons.
H
Elles sont pas inies.
F
Bon, ok alors on reste assis là comme ça sans rien dire ok ? On se tait, et on évite d’affronter ça maintenant parce que
H
parfait.
F
Je n’ai pas la
H
c’est bon. Dès que t’auras envie d’en parler on / pourra
F
non ok bien sûr parfait mais pas maintenant j’ai rien à en dire là maintenant parce que c’est un tel choc, c’est tellement énorme, tu peux pas dire un truc pareil à quelqu’un tu peux pas me dire ça et t’attendre à ce que je reste zen et rationnelle et lucide / et pas
H
ce serait quand le bon moment pour / aborder
F
je sais pas j’ai pas les réponses je sais juste que ça n’était pas le bon moment. , Excuse-moi.
H F
J’aurais mieux fait de me taire. Non, non, t’as raison. T’as raison. C’est une chose dont on devrait
H
on devrait ?
F
Dont on devrait, oui, parler, parce que, putain, on n’est plus
H
Je sais.
F
Tout jeunes.
H
Non. , Donc là on en parle ou
F
non. , Si. , Vas-y.
H
Vas-y quoi ?
F
Ce que, tu disais, ce que, tu sais, quoi ? Qu’est-ce que tu disais ?
H
J’ai tout dit.
F
Alors redis-le parce que tout à l’heure je t’entendais pas parce que les gens nous ixaient et que je poussais un caddie et que j’avais une lampe sous le bras et que j’avais du mal à respirer.
H
Tu as capté l’essentiel.
F
Je crois, oui.
H
Sinon t’aurais pas lippé comme tu l’as fait.
F
Touché. , Touché. , Donc. On fait quoi maintenant ?
H
On devrait déjà essayer de quitter ce parking.
F
Du sarcasme ? Là maintenant ? Tu crois que ça va
H
j’aimerais entendre ton avis.
F
Oui.
H
Bien sûr.
F
Bien sûr oui.
H
C’est pas à sens –
F
Je sais.
H
C’est pas à sens unique et donc
F
mais
H
vas-y.
F
D’accord,
parce que voilà j’ai toujours {imaginé avoir des enfants en théorie, mais la réalité semble un peu plus dif icile à imaginer, pour ne pas dire terri iante} j’en sais rien. Je mon avis ? Je n’ai pas c’est comme si tu m’avais envoyé ton poing dans la igure et posé une question de mathématique / alors que je suis encore à {terre} H
comme si je t’avais envoyé mon poing dans la igure ?
F
Tu vois très bien ce que je veux dire.
H
Non.
F
Ok. Oui. Faisons-le. Faisons-le. Oui. Faisons-le. Oui.
H
Je ne
F
je suis en train de te dire oui.
H
Je ne pose aucune question.
F
Non ?
H
Non.
F
Tu amorces une conversation.
H
Je suis pas sûr de
F
eh bien elle est amorcée et là c’est en train d’arriver et je suis en train de dire oui.
H
D’accord.
F
Écoute, d’accord, écoute-moi, il faut que tu comprennes d’accord, je ré léchis tout haut là donc s’il te plaît tu me laisses parler tu me laisses ré léchir tout haut à la question s’il te plaît d’accord et ne me coupe pas si je dis quelque chose de travers ou d’idiot tu me laisses ré léchir ok parce que j’ai toujours voulu d’accord et là je parle dans l’abstrait j’ai toujours voulu j’ai toujours eu une intuition ou une idée de moi-même je me suis toujours dé inie ok comme quelqu’un qui voudrait {des enfants}, que mon objectif dans la vie que ma fonction sur cette planète serait de, même si je ne l’ai jamais formulé comme ça, c’est seulement maintenant, parce que tu demandes en in non pas demander mais parce que tu abordes, que tu amorces cette conversation et uniquement pour ça, que j’y pense là maintenant mais ça a toujours été plus ou moins un fait acquis pour moi une présomption depuis que toute petite je jouais à la poupée je veux dire bien bien bien avant que je te rencontre, ça n’a jamais été ce que, j’imagine, ça devrait être autrement dit un un un un un un une extension de une expression de tu sais, l’amour putain ou ce que tu voudras, la fusion de deux êtres ça a toujours été cette {image} d’accord et ça aura l’air bête et naïf mais ça a toujours été une image, j’imagine, que je me faisais de moi avec une grosse bosse, rayonnant dans cette maternité radieuse ou poussant une poussette ou un petit lit avec un mobile au-dessus ou chantant quelque chose au bébé lui lisant du Beatrix Potter ou du Dr Seuss, [lui lisant L’Âne Trotro ou Petit Ours brun, NB : avezvous pensé à d’autres références ?] ça m’est égal, ça m’a toujours été égal que ce soit un garçon ou une ille juste que ce soit petit, doux et adorable avec un
crâne qui sent le lait et les minuscules chaussettes et les petits gloussements et oui le vomi même tout ça en fait partie, s’en occuper, en prendre soin c’est je crois c’est cette pulsion et il y a toujours eu un père dans le tableau mais comme une espèce d’homme générique et lou à l’arrière-plan, je suis désolée, c’est juste cette image de ma vie que j’ai toujours eue en tête dès l’instant où j’ai été en mesure de penser et je ne l’ai jamais, mais jamais, remis en question. Jamais. Et j’ai tout refoulé et je me suis focalisée sur ma carrière, sur mes études, sur moi-même et maintenant que ça devient, pourrait devenir un peu réel, il va falloir que j’y ré léchisse une seconde s’il te plaît juste une une une une une une ou beaucoup plus en fait parce que eh bien parce que je ne suis pas une idiote, je suis quelqu’un de ré léchi, de très ré léchi, et je tiens à tout faire pour la raison juste ou au moins pour une bonne raison et je suis pour remettre en question et ne jamais accepter aveuglément ou et ça demandera beaucoup d’efforts de démêler ou de de de de de de déterrer non pas déterrer mais si déterrer toutes ces convictions et ces présomptions jusque-là bien ancrées parce que c’est important, sans doute la chose la plus importante que tu puisses faire, de mettre une autre personne au {monde} une oui une personne qui de fait vit respire pense parce que le bébé ne restera pas éternellement petit et je pense non je pense que des tas de gens se l’imaginent tout petit, carrément minuscule et doux et inconditionnel avec ses yeux et ses petits gloussements et ses minuscules petits doigts qui s’agrippent à ton pouce et moi aussi je le fais je le faisais je pense je pensais comme eux parce que c’est trop dur comme si on n’était pas tout à fait conçus pour être en mesure de comprendre pleinement la la la la H
l’énormité
F
ou ce que tu voudras autrement dit un peut-être que c’est un mécanisme de survie quelque chose d’inné peut-être parce que, putain, si tu y pensais si tu y pensais vraiment sérieusement avant de le faire pour de bon alors tu (ne) le ferais jamais, mais jamais, pour de bon parce que putain c’est trop putain c’est trop
H
énorme
F
c’est ça c’est ça c’est ça c’est énorme putain, énorme, le but même de la vie putain, le but, le sens, le nonsens, l’amour et l’horreur et l’espoir et la peur et tout l’intensité de tout ça élevée à la puissance 10 pour le restant de ta vie le restant de la vie de quelqu’un d’autre tu enchaînes quelqu’un à quelque chose pour toujours, tes ancêtres, les sept mille cinq cents générations de l’histoire de l’humanité moi qui ne sais pas grand-chose de mes propres grands-parents, sans parler de mes arrière-grands-parents ou ou ou ou et c’est leurs gènes, leur bazar génétique, vraiment, eux, tous ces morts, alors que tu crois faire des choix pour ce petit, ce minuscule, mais ce n’est pas tout,
H
respire.
F
C’est ça que je dis c’est ça que je dis parce qu’ils ne restent pas petits, ils grandissent et deviennent des gens, ils deviennent des grandes personnes comme tous les autres, ils deviennent des adultes à part entière et ils pensent par eux-mêmes et ils achètent leurs vêtements tout seuls et ils quittent la maison et ils te haïssent. D’accord, parce que là je ré léchis tout haut. Je ré léchis et je parle.
H
Je n’ai rien dit.
F
On a une conversation là.
H
Oui.
F
C’est tout ce qui se passe.
H
Écoute, on va rentrer à la maison, boire un verre de gin et faire comme si j’avais rien dit.
F
Et la planète.
H
Je ne veux pas de glaçons. Prends mes glaçons.
F
La planète. Parce que tu t’inquiètes des mêmes choses que moi, tu te préoccupes des mêmes
H
moi ?
F
Ne dit-on pas que si tu te préoccupes vraiment de la planète, si tu te préoccupes vraiment de l’avenir de l’humanité alors n’aie pas d’enfants.
H
On dit ça ?
F
Je veux dire, on dit même que si tu te préoccupes vraiment de la planète alors suicide-toi sauf que moi je veux dire, je ne ferai jamais ça. Donc, parce qu’il y a, quoi, il y a environ sept milliards de gens, il y a trop de gens et pas assez de ressources donc franchement la chose à faire, la chose responsable à faire c’est de ne pas ajouter sa pierre surtout des gens comme nous.
H
Des gens comme
F
ceux qui conduisent des voitures, utilisent des sacs en plastique, vaporisent des aérosols, importent des avocats, les Occidentaux,
H
mais on est des gens bien.
F
Exactement. On est on est on est des gens bien oui on est. Bien. T’es sûr ?
H
Tu ne peux pas penser à tous ces trucs-là.
F
Non, je sais. C’est pas à nous de le faire. Et de toute façon, il y a tellement de choses qu’on ne sait pas. Et si cet enfant, cet hypothétique et si elle, ou il, ce petit Edwin ou cette petite Hannah imaginaire,
H
Edwin ?
F
Si elle ou il était la personne capable de tout résoudre, de tout sauver, l’humanité, le monde, les ours polaires, le Bangladesh, tout, on n’en sait rien donc
H
non, mais
F
ou on pourrait planter une forêt. On pourrait réduire l’empreinte carbone des couches-culottes de plus en plus envahissantes dans les décharges et les sweats à capuche de chez Baby Gap importés par avion du Congo ou d’ailleurs et on pourrait planter des arbres, des forêts entières, bâtir quelque chose de pur et et et d’oxygénant, donc
H
mais comment tenir compte de tout ça ?
F
Exactement.
H
Le monde aura besoin de gens bien. Avec tout ce qui est en train de se passer. On ne peut pas comme ça l’abandonner aux mains de gens qui ne ré léchissent pas, de gens qui pondent un enfant après l’autre sans jamais vraiment s’interroger sur leur leur leur leur capacité à aimer.
Je veux dire, tous les problèmes viennent de là, non ? F
Oui. Je sais. Exactement. Attends, quoi ? T’es en train de dire que certains sont trop bêtes pour avoir des enfants ?
H
Non. Non bien sûr que non. Mais oui. Certains, des tas de gens, n’y ré léchissent pas vraiment, pas pleinement, et peut-être que les gens les plus intelligents, les plus responsables, les mieux informés n’ont pas d’enfants.
F
D’accord.
H
Donc ce sont leurs gènes qui ne se perpétuent pas. Donc les choses deviennent moins responsables, et moins bien informées et plus sauvages.
F
Donc, pour sauver la planète la solution ce serait, quoi, l’eugénisme ou
H
non, non.
F
Stériliser ? Exterminer ?
H
C’est pas ce que je suis en train de dire.
F
Des camps ? Des ghettos ?
H
non. Bien sûr que non je suis pas en train de {dire} je n’ai pas les réponses. Oui, certains disent que ça arrivera peut-être un jour, mais on sera morts depuis longtemps avant que ça je veux dire, tu en sais plus que moi sur tout ça. C’est toi qui prépares une thèse. Mais, oui, si on est honnêtes, vraiment, ces mères adolescentes en survêts la clope au bec qui gi lent leurs gosses au supermarché, qui se retrouvent grand-mères à trente ans, se multipliant comme des rats,
F
des rats ?
H
Et en attendant, les gens qui lisent des livres, les gens qui ré léchissent et essaient d’être utiles et je sais que là je suis un peu fasciste, là je ne fais que jouer l’avocat du diable, évidemment, mais il y a des gens ré léchis qui attendent les circonstances idéales or l’idéal ça n’existe pas donc le monde est surpeuplé et les gens se disent eh bien je ne veux pas que mon enfant voie le jour dans un monde bourré de dealers de crack, de maquereaux et de SDF, et je sais que ça a un côté réac mais ne soyons pas politiquement, tu sais, corrects là-dessus, pas une seconde, il y a des gens qui ne devraient carrément pas avoir d’enfants. Ils ne devraient carrément pas. Et est-ce que ce serait une si grosse perte si ces genslà, tu sais, ne pouvaient pas avoir d’enfants ? Ou je veux dire,
c’est pas ce que tu disais ? Je ne fais que rebondir sur ce que tu disais. F
Je crois que je vais vomir. Non pas vomir. En fait si je crois oui.
H
Je ne faisais que
F
c’est ce que je ressens, je sais, ce que je pense parfois mais quand tu l’exprimes tout haut on croirait entendre la pire, la plus cruelle, la plus malsaine, la plus haineuse des
H
tu veux que je fasse quoi ?
F
Un câlin et que tu la fermes trente secondes je crois que ce serait déjà pas mal.
H
Comme ça, ça te va ? ,
F
Alors il faudrait peut-être, sûrement, adopter, non ? , Pourquoi tu dis rien ?
H
Ouais, tu as raison, tu as absolument la meilleure chose à faire, absolument, avec le monde dans l’état où il est, ce serait de
F
tous ces gamins non désirés, privés d’amour
H
et c’est totalement irrationnel, je sais bien, mais je je n’ai pas envie de faire ça. Je sais que ça fait plus ou moins de moi un type odieux. Seulement je ne crois pas que je serais
F
et si c’était une chose que moi j’avais très envie de faire ?
H
Alors on peut en parler.
F
Mais pas le faire. ,
H
Ouais. ,
F
D’accord.
H
J’ai peur de faire partie de ces pères qui ne prêtent aucune attention à leurs gamins sauf s’ils remportent des trucs ou s’ils font des conneries.
F
Je ne veux pas faire partie de ces mères qui ne vivent qu’à travers leurs enfants. Je veux continuer à lire des livres et faire des choses. Avoir un enfant ne me servira pas de prétexte pour devenir complètement conne.
H
Tu n’es pas ta mère.
F
Tu n’es pas ton père.
H
Je veux pouvoir jouer avec mes gamins sans que ce soit forcément dans un but compétitif ou pédagogique.
F
Je veux continuer à faire l’amour. Que ça ne vienne pas détruire notre
H
les gens deviennent tellement ennuyeux or ce n’est pas une fatalité.
F
Je ne veux pas devoir organiser les plus beaux goûters d’anniversaire ou confectionner le plus beau costume de Chewbacca pour Halloween.
H
Ni pousser nos gamins à faire des trucs qu’ils n’ont aucune envie de faire.
F
Des cours de harpe ou
H
mais il faudra qu’il soit avide d’apprendre et capable de ré léchir par lui-même.
F
Mais pas ré léchi au point de devenir solitaire et déprimé.
H
Les bébés de l’automne sont les premiers à être sélectionnés pour les compétitions sportives.
F
Ni princesses ni soldats. Ni armes à feu ni diadèmes. Disney ne dictera pas ce que notre
H
et les écoles c’est la cata, il faudrait qu’on siège au conseil d’administration ou à des associations de parents d’élèves.
F
On est en train d’en parler là. Regarde-nous. ,
H
On n’est pas un peu jeunes pour penser à ça ? Pour nous inquiéter de tout ça ? Avant on faisait des trucs. On allait au zoo. On allait en boîte.
F
On le fait encore.
H
Quand ?
F
Et pourquoi pas ce soir ?
H
Pas ce soir.
F
Vendredi.
H
Ce sera blindé vendredi.
F
Mercredi. ,
H
Ok.
F
ÇA ME MANQUAIT !
H
QUOI ?
F
J’AI DIT ÇA ME MANQUAIT. SORTIR.
H
SORTIR, OUAIS.
F
ON EST DEVENUS TELLEMENT ENNUYEUX. À PANTOUFLER. DEVANT LA TÉLÉ.
H
LA TÉLÉ. QUOI ?
F
C’EST TRÈS BRUYANT ICI.
H
JE T’ENTENDS PAS.
F
C’EST SUPER. , TU VEUX PAS QU’ON RENTRE ?
H
Un peu d’air.
F
Mes pieds me font encore mal. J’adorais ces bottes avant.
H
Regarde un peu ces lamas.
F
Tout le monde ici a une poussette.
H
Et si je me laissais pousser la barbe ?
F
Oui ok oui c’est oui concevons une personne de plus. Je me suis donné une semaine pour bien peser la question et oui je pense qu’on devrait le faire. Je pense qu’on devrait essayer.
H
T’es sûre ?
F
Oui. Pas toi ? , T’es pas sûr sinon tu ne {me demanderais pas de con irmer / prendrais pas tout ce temps pour me répondre}
H
je suis sûr. Oui.
F
Ok.
H
Et toi aussi tu es sûre. ,
F
Oui.
H
Ok.
F
Allons au lit.
H
Ok.
F
On peut s’arrêter une seconde ?
H
Encore ?
F
Je crois que j’ai juste besoin de
H
ça fait des semaines.
F
Je suis désolée c’est juste que
H
pas encore.
F
Si on / doit le faire
H
y a pas de si y a pas de donc ne s’il te plaît ne / recommence pas.
F
Je recommence pas je suis juste je suis en train de parler, en train de dire que si je veux dire parce que, pas si, parce que, parce qu’on est en train de le faire
H
oui oui on le fait
F
il va falloir que tu
H
oui oui sûr
F
Laisse-moi inir, il va falloir que tu te détendes parce que ça devrait être beau et
H
moi ça va.
F
Toi ça va ok tant mieux tant mieux parce que c’est juste que, et peut-être que j’interprète tout de travers peut-être que je perçois quelque chose qui ne se passe pas vraiment mais j’ai l’impression que tu ressens pas mal de que ta façon d’être envers moi est un peu tu dégages beaucoup de haine.
H
Je ne te hais pas.
F
Non je sais je sais bien ça je sais ça je sais je sais bien que non.
H
Je ne te hais pas.
F
S’il te plaît ne le prends pas mal.
H
Je vais peut-être aller faire un tour.
F
Excuse-moi excuse-moi j’ai tout gâché je me suis crispée et c’est pas uniquement de ta faute
H
pas uniquement ? De ma faute ? Quoi de ma faute ?
F
Non, arrête, ok écoute tout ce que je {dis} ok. Donc. , On essaie là. On essaie et c’est c’est merveilleux, vraiment, et c’est terri iant c’est à la fois merveilleux et terri iant et pas uniquement pour moi parce que c’est à mon corps que ça arrivera, pas à mais dedans ou ce que tu voudras mais pour nous deux c’est terri iant non (?), et là on n’en parle pas et il y a cette atmosphère non (?) ou est-ce que c’est juste moi qui , alors peut-être que c’est juste moi.
H
J’étais là. J’étais prêt.
F
Oui. Oui. Oui je sais. Je sais et je suis désolée. Je sais. , Mais c’est d’accord. (On) Respire un grand coup. [NB : pas tranché… quoi qu’il en soit, elle se le dit à elle-même] Je veux que notre {enfant} il s’agit de concevoir une personne. Ce qu’on est en train de faire. Il s’agit de cet incroyable miracle, pas miracle non mais tu vois ce que je veux dire, miracle oui miracle il s’agit de ce miracle qui est en train de se produire et ça {devrait être important, plein de respect et d’amour} je veux que ça j’ai besoin que ça ait quelque chose de je ne sais pas de sacré ou non pas sacré mais oui. , Et tu as cette lueur porno dans le regard.
H
Je n’y peux rien au regard que j’ai.
F
Ce regard qu’ont les assassins et les hommes dans les ilms pornos.
H
C’est juste que j’essaie de me concentrer.
F
Ça me fait peur.
H
Vraiment ?
F
Non. Non bien sûr que non. Mais oui, un peu.
H
Putain l’angoisse.
F
Ne culpabilise pas je ne veux pas que tu
H
tu ressens ça souvent ? Quand on
F
non. Non. Non. Non.
H
Tu l’as déjà dit.
F
Des fois mais
H
tu en as parlé. C’est un de tes délires.
F
Des fois seulement ça délires ? un de mes délires ?
H
J’ai envie de toi. Des fois il me vient ce quand j’ai envie de toi il me vient ce c’est bestial putain terrible tu sais ce désir j’imagine, cette envie de putain tu sais. Puissante. Cette envie de oui, te faire mal peut-être. Un peu. Te faire hurler.
F
Je sais bébé et des fois c’est vraiment
H
toi aussi t’en as envie.
F
Des fois oui j’en ai envie oui des fois oui mais
H
des fois j’ai une envie folle de te pénétrer, de te déchirer, te démonter / comme si tu étais une
F
ok ok ok et c’est dans le bon contexte c’est parfait, c’est plus que parfait c’est mais là c’est différent, là c’est là je pense à pas toi ? tu ne penses pas à à ce que ça implique ? Ce qu’on fait là ? Au-delà de l’instant présent ?
H
Honnêtement ?
F
Oui honnêtement.
H
Honnêtement l’instant présent je ne pense qu’à ça.
F
Ok.
H
Et en cet instant je ne ré léchis pas je ne suis rien d’autre que ma queue et ma bouche et mes / mains et je regarde ton {cul}
F
oui d’accord d’accord d’accord ok, bon ok.
H
T’as toujours été un peu dégoûtée par tout ça.
F
Pas du tout c’est juste que juste envie d’un
je sais pas. Un échange. C’est ça que je veux dire ? Un genre c’est nous deux ensemble et pas un truc que tu me fais subir. Tu savais que sur les scanners c’est la même zone cérébrale qui est stimulée chez un homme quand il regarde une femme que quand il regarde une clef à mollette ? H
Ça veut dire quoi ?
F
Pardon. Pardon. Des fois ce regard que tu me lances est très sexe. Si si. Des fois j’en arrive à me dire ouououf. Et tes épaules et les gémissements que tu pousses et le poids que tu pèses et le danger, le
H
danger ?
F
ce besoin que tu as de moi, qu’à ce moment-là il n’existe pour toi rien d’autre sur toute la planète, des bombes pourraient exploser, un séisme ou ce que tu voudras et ça n’aurait pour toi aucune importance sur le moment et j’adore pouvoir te faire ressentir ça et je le fais, souvent, en général, les trois quarts du temps je suis là moi aussi, je suis absolument le monde n’existe plus il n’y a plus que nous deux et nous sommes l’univers entier. Et puis des fois et là je suis simplement honnête ok mais des fois on dirait que tu es à deux doigts de m’amputer des bras et des jambes. Tu sais ? Comme si tu allais me défoncer la mâchoire, me balancer dans des sacspoubelles et m’enterrer au fond d’un bois. Pas à chaque fois mais c’est comme ça que je le ressens des fois.
H
Putain l’angoisse.
F
Des fois seulement. Et jamais plus d’une seconde.
H
Putain.
F
J’aurais mieux fait de me taire.
H
Non.
F
J’aurais mieux fait de carrément
H
non c’est
F
merde. ’ Excuse-moi j’ai peur c’est tout et je suis pas ’ Je sais pas ce que je raconte. Jamais je me sens comme ça. Et si on , wouououh. L’angoisse putain. J’ai besoin de rire ou de pleurer un bon coup. ’ Tu connaîtrais pas des histoires drôles ?
, On ne va pas dormir là si ? Pas avant un moment. ’ On peut réessayer. Je suis contente qu’on en ait parlé. On peut réessayer. H
Ouais. On réessayera. N’empêche, pas tout de suite.
F
Non. Ok. , Je / t’aime.
H
Je vais aller lire un peu. Regarder la télé peut-être.
F
Tu veux que je vienne avec toi ?
H
Non. Essaie de dormir.
F
Ok. Chéri, c’est juste que, pardon mais ne va pas tu sais. Je sais que tu es {frustré} que tu n’as pas {éjaculé}
H
quoi ?
F
Non rien.
H
Je comptais pas me masturber si c’est / ça que tu demandes.
F
Tout ce que je dis c’est qu’on doit mettre toutes les chances de notre côté donc s’il te plaît ne
H
merde putain.
F
Je dis ça comme ça.
H
Ok. ,
F
Ok.
H
Bonjour.
F
Tu es bien joyeux.
H
Je crois que le printemps est arrivé.
F
Tu as préparé le petit-déjeuner.
H
On devrait déménager. S’installer en province. [en banlieue… ou ce qui sera le mieux adapté au Luxembourg] C’est pas ce que font les gens ? Pouvoir aller dehors. Au grand air. Avoir assez de place pour des poteaux de foot. Un trampoline. Une pataugeoire. Des arbres. On devrait planter des arbres. Injecter un peu plus d’oxygène dans le monde. Comme tu disais. Apporter notre pierre.
F
On devrait se marier.
H
Prenons le temps d’y ré léchir.
F
Tu ne veux pas ?
H
Une chose à la fois peut-être.
F
Je vais faire du café.
H
Tu devrais te trouver un travail.
F
Une fois que j’aurais soutenu ma thèse mes / perspectives seront
H
on ne peut pas être tous les deux
F
je sais que ce n’est pas très féministe de ma part mais en fait je pense chéri que tu devrais, si on est un tant soit peu sérieux, tu devrais trouver quelque chose qui ressemble un peu plus à un plein-temps et je sais que tu as droit à des disques gratuits et à du temps libre pour tes concerts mais on doit tous les deux faire des sacri ices et je ne pourrai pas travailler quand j’aurai commencé à grossir ni pendant une bonne partie de la première année et on aura besoin de
H
des tas de musiciens ont des enfants.
F
Des tas de musiciens à succès ont des enfants. Pardon. Je ne voulais pas dire ça. C’est juste que l’industrie du disque est en chute libre et plus personne n’achète de vinyles. Tu ne veux vraiment pas te marier ?
H
Tu veux dire quoi par arriver à ? Hier soir quand on parlait tu as dit que c’est à ton corps, que c’est à ton corps que ça arrive.
F
Eh bien, le fait est.
H
Tu en parles comme si c’était un
F
c’est mon corps qui quand ça arrivera, oui, c’est à moi que ça arrivera.
H
D’accord je sais oui évidemment mais tu en veux un peu ?
F
J’ai pas faim.
H
À t’écouter on croirait que c’est une je sais pas une déprédation, une agression un acte de terrorisme ou
F
eh bien,
H
tu le vois comme une
F
oui.
H
Menace.
F
Pas uniquement mais en fait si, j’en veux bien mais, oui, je suis terri iée putain. Pour être honnête.
H
Ça c’est c’est emmerdant.
F
C’est réaliste. J’essaie d’être je m’y prépare. Oui je suis excitée à l’idée de grossir et de passer des échographies et oui d’accoucher aussi bien sûr mais ce sera douloureux et inconfortable et mes émotions, mes pensées seront totalement en vrac. Et ça m’angoisse. Bien sûr que ça m’angoisse. Tu peux comprendre ça non ? ’ Je vais me distendre, me dilater, devenir une une une une une maison, mes seins vont gon ler, me faire mal, me faire un mal de chien puis se vider et se déformer pour toujours, mon {vagin} tu sais, mon {vagin} je veux dire, il changera forcément avec tout ce qu’il devra endurer. Tu as déjà assisté en vrai à une naissance ? C’est pas comme à la télé. C’est du sang, de la merde, de la pisse, c’est dégueulasse, je serai toute déchirée et toute cabossée comme si j’étais passée sous un camion. C’est ce que doit ressentir la chenille quand elle sort de son cocon.
H
Je suis désolé de ne pas pouvoir de ne pas pouvoir le faire.
F
Tu n’as pas d’utérus.
H
C’est bien ce que je dis.
F
Tu regrettes de ne pas être celui qui tombe
H
oui.
F
Enceint.e ?
H
Ne te moque pas de moi.
F
Tu regrettes de ne pas pouvoir porter le fœtus à son terme puis le mettre au monde par ton {pénis/vagin}
H
un peu oui je le regrette. Je sens déjà que d’une certaine façon on n’est pas égaux, que je ne pourrai jamais savoir au juste ce qu’on ressent et tu sauras que je ne peux pas et
F
là, tu te prends la tête. C’est délicieux, il en reste ?
H
Prends le mien.
F
Non.
H
J’ai ini.
F
Qu’est-ce qui ne va pas ?
H
Rien. ,
Tu devrais arrêter de fumer. , Si tu es un tant soit peu / sérieuse F
oui t’as raison.
H
Tu vas devenir un foyer, un écosystème et tu es en train de / polluer
F
j’ai dit oui tais-toi oui j’ai dit oui d’accord donc / s’il te plaît {tais-toi}
H
je ne trouve pas très logique que tu puisses vouloir être mère tout en continuant à fumer.
F
Tu ne comprends pas parce que tu n’as jamais été accro à rien.
H
Ces deux pulsions me semblent être totalement
F
t’as raison. Donc tais-toi. ,
F
Bonne chance.
H
Je le fais pour toi.
F
Pour nous.
H
C’est ce que je veux dire.
F
Tu es superbe dans ton costume.
H
Je me sens pas bien.
F
Comment ça s’est passé ?
H
Réponse lundi.
F
Pense à bien consulter tes mails.
H
Et voilà.
F
Alors ?
H
Tu as devant toi le tout nouveau rouage dans la machine de l’entreprise.
F
Je suis tellement ière de toi.
H
Tu veux bien m’y conduire ?
F
Combien tu crois ?
H
Là, à gauche. Combien
F
d’arbres. Y a trois semaines tu parlais de planter des arbres. Tu le sais ? Moi oui. Combien d’arbres il faudrait qu’on plante pour ré-équilibrer le
H
encore à gauche.
F
J’ai fait des calculs. Combien de trajets en avion ? De Londres à New York ?
H
Je
F
deux mille cinq cent cinquante.
H
deux / mille
F
je pourrais faire la navette Londres-New York en avion tous les jours pendant sept ans sans pour autant laisser une empreinte carbone aussi forte que si j’ai un enfant.
H
Là tu es en train d’avoir des doutes.
F
Dix mille tonnes de CO2. C’est le poids de la Tour Eiffel. J’accoucherais de la Tour Eiffel.
H
Tu / n’accoucherais pas
F
et si on en a un deuxième ce ne sera pas seulement le double parce que les chances qu’il aurait de se reproduire et combien il risquerait d’en avoir et combien les enfants de ses enfants risqueraient d’en avoir et combien les enfants des enfants de ses enfants risqueraient d’en avoir c’est carrément exponentiel. Le recyclage ou les voitures électriques mon cul, les putains d’ampoules basse consommation mon cul, à moins que des gens ré léchis et éduqués comme nous cessent de faire des bébés le monde est complètement foutu putain.
H
Ça, on devrait en parler.
F
On est en train d’en parler, c’est délirant putain c’est terri iant putain c’est le tabou, l’ultime vrai tabou. / Rien dans l’immédiat ne t’incite à sauver des vies, rien ne t’incite à à à à à à guérir le SIDA ou ce que tu voudras, à maintenir les gens en vie, ce qu’il nous faut c’est que la planète nous purge putain, nous engloutisse putain, nous brûle, élimine en gros les deux tiers d’entre nous.
H
Il se passe quoi là ? Il se passe quoi au juste dans ta tête ? Qu’est-ce que tu as lu ? Parce que franchement c’est important de bien véri ier tes sources. Il circule un tas de discours alarmistes et je sais que tu sais ça, je sais que tu sais tout ça. Tu me reproches les trucs que je lis parce qu’ils sont trop trop trop je sais pas.
F
Des ouragans putain. Des inondations. Des volcans putain. Des séismes. Des tsunamis. Qu’on en prenne plein la gueule.
H
Là en haut à droite.
F
Et nous comme des cons on laisse faire. On est tellement accaparés par notre petite vie putain qu’on est en train de tuer tout le monde.
H
On n’est pas en train de tuer tout le monde. On n’est pas en train de tuer tout le monde. ,
F
J’ai mes règles.
H
Oh chérie.
F
Ça veut pas dire que j’ai un problème.
H
Je sais.
F
Je vais fumer une cigarette et pas la peine de me juger, d’accord ? Je vais fumer à en vomir.
H
Tu veux que je prenne ma journée ?
F
Oui. Non. Ton premier jour ? Ne sois pas idiot.
H
Je peux.
F
On est arrivés. Vas-y. Mais après tu rentres direct à la maison.
H
Ok.
F
Et rapporte un gâteau.
H
Tiens.
F
C’est quoi ?
H
Un gâteau.
F
Tu m’as manqué.
H
Pourquoi ? Je veux dire, merci, toi aussi, mais
F
depuis quelque temps c’est de plus en plus bizarre quand on n’est pas ensemble.
H
Pardon, je n’ai pas été très présent. Mon évaluation ne va pas tarder.
F
J’aimerais pouvoir aller au bureau avec toi.
H
Tu pourrais me retrouver à la pause-déjeuner. Ça pourrait devenir comme un rituel. Un rituel du mardi.
F
Ok.
H
C’est quoi ?
F
Des sandwiches. Un pique-nique.
H
Merde.
F
On est mardi.
H
J’ai oublié.
F
Je nous ai préparé un pique-nique. Tu as vu ce temps. On va s’asseoir dans l’herbe. Trouver un peu d’ombre.
H
Écoute, je ne peux pas.
F
Pas préparé. Acheté. Je t’ai aussi pris un beignet et un Smoothie.
H
J’ai oublié, je suis désolé.
F
Et une pomme pour ré-équilibrer le beignet. Comment ça, oublié ? On est mardi.
H
J’ai une réunion.
F
À l’heure du déjeuner ?
H
Réduction des émissions de CO2, le bla-bla écoresponsable.
F
N’y va pas.
H
C’est moi qui l’ai demandée.
F
Arrive en retard. C’est toi / qui l’as demandée ?
H
Compensation carbone, ce genre de truc oui c’est moi qui l’ai demandée. Je crois qu’on devrait planter des arbres. Je veux dire, l’entreprise. Des tas d’arbres. Des forêts entières. Essayer de compenser notre tu sais, notre empreinte, notre
F
oui.
H
Je viens de lire ton livre, là. Ça m’a tenu éveillé la moitié de la nuit. J’ai pris de l’avance sur toi je crois. J’en suis au passage qui explique comment depuis la Révolution Industrielle nous, les gens, tout le monde, on a rejeté 500 milliards de tonnes de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. 27 milliards de tonnes par an.
F
Moi, je n’ai pas pu le lire jusqu’au bout.
H
Apparemment, un éléphant pèse une tonne. Donc là-haut il y a l’équivalent carbone de 500 milliards d’éléphants. Et il nous faudra pas plus de quarante ans pour en émettre encore autant. Notre enfant aura déjà un certain âge, peut-être qu’il aura luimême des enfants. Voire des petits-enfants.
En fait, c’est assez intéressant une fois que tu es plongé dedans, une fois que F
l’amour on devrait faire l’amour. Trouver un endroit. Là, maintenant. On mange en marchant. On avale nos beignets et si on trouve un endroit un un un un je sais pas, un fourré isolé ou une zone boisée, ou des tu sais, des toilettes publiques,
H
pas des toilettes
F
on pourrait faire ça vite. Tu pourrais arriver à temps à ta réunion. ,
H
Quoi comme beignets ?
F
Glacés. ,
H
D’accord.
F
Bien. Bien bien bien.
H
Un moment qu’on n’avait pas fait ça.
F
On en avait besoin.
H
Tu poussais des cris.
F
Moi ? Je poussais des cris ?
H
D’où ça sortait ?
F
Ça veut dire quoi ?
H
Je vais devoir m’expliquer.
F
Il y aura d’autres réunions.
H
Ouais.
F
Fière de toi. C’est bien, c’est une bonne chose que tu essaies de faire.
H
J’ai loupé la réunion.
F
On est des gens bien ?
H
Oui.
F
En in, oui je sais mais réellement bien ?
H
Oui, réellement bien.
F
Comment ça ?
H
Comment ça quoi ?
F
En quoi on est des gens biens ?
H
On est des gens bien c’est tout.
F
Oui. Ok.
H
On sera des super parents.
F
Je trouve normal de poser la question.
H
Moi aussi.
F
Tant mieux.
H
C’est en partie pour ça qu’on est des gens bien.
F
Mais je ne on ne croit pas, si, à ce qui est bien ou pas bien. Moral ou amoral.
H
Non ?
F
On ne croit pas au mal.
H
Pas le mal, non, on ne condamne pas les autres, on essaie d’éprouver de l’empathie, de nous mettre / à leur place.
F
/ Dans leur peau, je sais bien oui mais est-ce que tout le monde ne s’imagine pas qu’il est bon ? Est-ce que chacun n’est pas convaincu qu’il est
H
certains ne se poseraient même pas la question, ne se remettraient pas en cause.
F
Hitler ou Vladimir Poutine ou [NB : nous avons même songé à Donald Trump… mais nous avons eu peur que le clin d’œil à l’actualité soit trop appuyé. Avez-vous pensé à quelqu’un d’autre ?]
H
tout le monde s’imagine qu’il fait la chose à faire. Plus ou moins.
F
Et nous, qu’est-ce qui fait qu’on en est sûrs ?
H
Tu t’inquiètes trop.
F
Oui.
H
Tu ré léchis trop.
F
Ok.
H
Ok ?
F
On doit être très sûrs de nous, arrogants même, pour vouloir créer une autre personne à partir de nos gènes et / l’éduquer et l’élever comme
H
on est on est on est sûrs de nous. On n’est pas des sales gens.
F
Ok. Tant mieux.
H
Je vais retourner bosser là.
F
Ok. Je t’aime.
H
Ça aura beaucoup de chance d’avoir des parents aussi ré léchis qui se préoccupent des choses et qui l’aimeront beaucoup.
F
Ça ?
H
Il ou elle.
F
On recycle.
H
C’est vrai.
F
On ne laisse pas couler le robinet quand on se brosse les dents.
H
Exact.
F
On regarde les infos. On vote. On manifeste. On recycle.
H
Oui.
F
On soutient les petits cafés de quartier contre les grandes chaînes.
H
Même quand le café a un goût de terre.
F
Vraiment ? Désolée.
H
On se retrouve ce soir. Je te ferai couler un bain et on pourra se poser et parler.
H
Là, ça te va ?
F
Plus chaud.
H
Ok. Pousse tes pieds je ne voudrais pas t’ébouillanter.
F
On regarde des documentaires. On lit des livres qui traitent de sujets importants. On lit les classiques. On regarde des ilms en VO.
H
On fait chacun du vélo. On achète équitable.
F
On donne aux organisations caritatives. , Quoi ?
H
J’ai rien dit.
F
C’est vrai. On donne aux organisations caritatives. Je cours pour le Téléthon. En tout cas, je l’ai fait une fois et je compte bien recommencer.
H
J’ai rien dit.
F
Tu as une carte de crédit RED pour soutenir Bono dans son combat contre le SIDA en Afrique.
H
J’ai / rien dit.
F
Tu as donné 500 euros pour répondre à l’appel d’urgence quand ce truc horrible est arrivé. Ok c’est trop chaud là.
H
Pardon.
F
On n’a pas à se sentir coupables de posséder des choses alors qu’en réalité comparé au reste du monde on n’est pas gâtés, on ne vit pas au-dessus du moins pas franchement au-dessus de nos moyens c’est pas piscines, voitures de sport et
H
je ne dis rien.
F
On vit assez simplement en fait, on dépense de l’agent pour la nourriture, les livres, la musique, le ciné et parfois les vacances et pour notre prêt immobilier et on ne le jette pas par les fenêtres et oui ce serait formidable de donner plus je sens bien qu’on devrait, j’aimerais pouvoir donner plus sauf que c’est pas {possible}, on n’a rien de plus à
H
hé, calme-toi d’accord, tu
F
je pète un câble là ?
H
Tu en prends le chemin.
F
Oh putain c’est peut-être que c’est les hormones peut-être que c’est mes hormones j’ai l’impression d’être folle j’ai l’impression que des, je sais pas, des produits chimiques, des produits chimiques étrangers sont
H
d’accord, n’empêche, t’es encore {un peu folle là}
F
pardon je vais arrêter je vais arrêter je vais me poser trente secondes je vais essayer de me calmer, barboter trente secondes tu crois que c’est ça ? Tu crois que la station-service est encore ouverte tu crois qu’ils {auront des tests de grossesse}, ils vendent des préservatifs, tout ça, non (?) mais un test de grossesse tu crois qu’ils en tu veux que j’aille voir ? Ne demande pas s’il te plaît ne demande pas ça pourquoi faut-il que tu me demandes est-ce que c’est pas évident, est-ce que c’est pas putain des fois tu me regardes comme si j’étais une grille de mots croisés. Faut-il que je le dise ? Oui, oui, oui va, véri ie, va véri ier là tout de suite pourquoi t’en iles pas tes chaussures pourquoi tu restes là à me ixer comme si j’étais c’est toujours les hormones tu crois ou t’es juste méchante là ?
H F
H
F
Excuse-moi oh putain je perds la tête là c’est hallucinant ça peut arriver ça ? C’est ça qui se passe là ou je fais juste une dépression ? Putain j’ai intérêt d’être enceinte parce que sinon c’est terri iant.
H
Ce serait pas plutôt des nausées ? Ce serait pas ça le premier signe ? Ou un retard de règles ?
F
J’ai bien calculé les quel jour on est ?
H
On est
F
le treize, le quatorze
H
quand est-ce que tu as
F
le ciné quand est-ce qu’on est allés voir ce ilm ?
H
Tu veux dire le
F
cette daube que tu as aimée et devant laquelle je me suis endormie ?
H
C’était
F
il y a quoi trois, quatre semaines déjà ?
H
T’as pas aimé ce ilm ?
F
Cinq. Je crois que c’est ça putain je crois oui c’était putain putain putain c’était j’aurais déjà dû les avoir va. Va. Va. Pourquoi t’es encore là ? Je vais venir avec toi. Passe-moi une serviette. Embrasse-moi.
H
Combien de temps ils disent ?
F
Une minute. Deux minutes.
H
D’accord.
F
On va le laisser trois pour être bien sûrs.
H
On véri ie après chaque minute mais on véri ie jusqu’au bout.
F
Bien bien oui bien. Je viendrai te chercher.
H
D’accord ok. Quoi ?
F
Je peux pas faire quand t’es à côté.
H
T’as déjà fait pipi / devant moi, t’as
F
je sais mais j’ai déjà assez le trac comme ça et
H
de l’eau je pourrais t’apporter un peu {d’eau}
F
oui s’il te plaît mais est-ce que ça va marcher si ça rentre par un bout / et ressort directement par l’autre
H
ou est-ce que ça doit comme qui dirait infuser ouais je vois ce que tu veux dire.
F
C’est pas précisé dans le mode d’emploi.
H
Je dois vraiment sortir ?
F
C’est pas crucial. Pisser sur un bâtonnet en plastique c’est pas un rituel sacré
H
non. Mais j’y tiens, je tiens à suivre tout le processus je crois que tout est {important}
F
parfait ok ok ok fais couler le robinet ou
H
là, ça te va ?
F
Chutttt.
H
Un jet ou juste un ilet ?
F
S’il te plaît.
H
Pardon.
On devrait pas le laisser couler comme ça. F
Est-ce qu’on peut éviter deux secondes de penser à la planète ?
H
Pardon.
F
Ok c’est je crois oui, , bon. Maintenant on attend. , Ça fait combien de temps là ?
H
Trente secondes.
F
Vraiment ? Wouah.
H
Une minute.
F
Et là ?
H
Deux minutes.
F
Bon.
H
Trois.
F
Ok, c’est parti.
H
Où est mon téléphone ?
F
Tu détestes tes parents.
H
C’est faux.
F
Ok, je déteste tes parents mais je veux dire ils ne sont pas comme les miens, les miens sont
H
tu aurais déjà pu les appeler.
F
Je vais composer leur numéro. Tu veux leur parler ?
H
Non.
F
Après, je veux dire, ils auront envie de te parler.
H
Pourquoi ?
F
Je sais pas, ils pourraient, ils pourraient avoir envie de dire, tu sais
H
Je pourrais appeler les miens en même temps.
F
Tu pourrais bien sûr que tu pourrais, mais laisse-moi faire, je, qu’on en inisse d’abord avec ce premier coup de il et ensuite, tu sais, ensuite ça se sait, ça se répand et
H
tu veux qu’ils soient les premiers à savoir.
F
Ça te va ?
H
Avant les miens.
F
C’est juste que oui.
H
Ok.
F
J’ai des fourmis partout. C’est quoi là que je ressens ? Genre, comme une gamine, qui trépigne, genre
H
tu n’as pas à te sentir comme une gamine.
F
Comme si j’étais presque gênée, comme si je
H
c’est un secret c’est pour ça.
F
C’est ça c’est ça c’est notre secret. C’est notre secret. Putain l’angoisse un énorme frisson putain arrgghhh vient de me remonter le long de la colonne.
H
Tu es toute blanche.
F
Chair de poule putain je tremble regarde je viens d’avoir et ça va te paraître hyper tordu mais je viens d’avoir cette pensée comme quoi ce n’est plus seulement toi et moi, dans cette pièce, c’est toi et moi et puis il y a maintenant cette autre chose qui est à moitié toi et à moitié moi et à moitié autre chose de totalement neuf. C’est en train d’arriver. C’est en train d’arriver. C’est en train d’arriver.
H
Oui.
F
Tu es dans ton état normal ou c’est juste moi qui n’y vois pas clair ?
H
Non, je me sens je suis heureux. Follement heureux.
F
Tant mieux. Tant mieux.
H
Je réalise pas encore je crois pas.
F
Non. Je sais. Je sais. Comment ça tu réalises pas encore ?
H
Rien, c’est ça fait un moment que je m’y prépare, que je me tiens prêt et là
F
le choc.
H
Exactement.
F
Mais tu {ressens quelque chose / de la joie} bien sûr que tu ressens quelque chose, t’es pas juste {indifférent}
H
Je {ressens quelque chose} oui je {ressens quelque chose} c’est l’œil du cyclone peut-être ou
F
non, je sais je sais.
H
Je te regarde. Tu es
F
vibrante.
H
Il faut qu’on appelle tes parents ?
F
Ok.
H
Non, je veux dire, on est vraiment obligés ?
F
Parce que
H
on dit bien ne jamais pas tout de suite parce que c’est très prématuré et bien des choses peuvent encore
F
pourquoi tu dis ça ?
H
Simplement, on ne le dit pas par hasard parce que, tu sais, on dit qu’une grossesse sur quatre init en
F
peut-on ne serait-ce qu’une seconde se sentir invincibles et insouciants avant de se mettre à prononcer des mots comme fausse couche ?
H
Je ré léchis simplement à
F
est-ce qu’on est obligés de ré léchir là tout de suite ? Est-ce qu’on ne peut pas simplement vivre un instant dans cette parfaite petite bulle de bonheur ? Tu es tellement distant. ’
H
Ouais, c’est tout ça c’est un peu je suis juste un peu
F
oublie ce que j’ai dit, c’était tu n’es pas obligé de ressentir quoi que ce soit ou d’avoir une réaction particulière ou t’as raison, t’as raison, absolument. C’est juste que je suis vraiment Et en plus j’ai arrêté de fumer donc forcément à cran. Comme un premier jour d’école. Le monde vient de grandir et je nous vois depuis l’espace et on n’est rien qu’une toute petite tache. Je vais appeler maman.
H F
Tu détestes vraiment mes parents ? Oui. ,
H
Parce que pourquoi ?
F
L’idée que notre progéniture partage leur code génétique. Que je puisse regarder mon ils dans les yeux et y voir ton père ça me rend non. C’est l’émotion. Oublie ce que j’ai dit. Ils sont très bien. Au fond je les aime bien. Évidemment.
H
On ne reste jamais. Jamais longtemps.
F
C’est parce que tu ne ressens pas ça qu’à leur façon ils sont charmants, ils sont une fois que tu t’habitues à leur {façon d’être} tu sais, mais si je reste un peu trop longtemps avec eux ça me fait peur de savoir que je pourrais carrément leur planter une paire de ciseaux dans le cou.
H
D’accord.
F
Tu ne ressens jamais ça toi ?
H
Quoi, vis-à-vis de tes parents ?
F
Non, vis-à-vis de pourquoi tu ressentirais ça vis-à-vis de mes parents ?
H
Je le ressens pas.
F
Pourquoi tu dirais ça ? Mes parents n’ont toujours / été que
H
mais oui je sais. Je suis pas en train de {dire le contraire}
F
tu devrais faire gaffe.
H
Pardon.
F
Et notre enfant héritera aussi de leurs gènes alors fais gaffe.
H
Est-ce qu’on peut juste
laisse tomber. F
Quoi ?
H
Laisse tomber.
F
Quoi ?
H
Est-ce qu’on peut j’ai besoin de mettre ça sur pause, de mettre ce débat / sur pause et de dire je t’aime.
F
C’est pas un débat c’est une / conversation.
H
Si on doit s’écharper ce serait bien qu’on prenne une seconde ne serait-ce que pour
F
peux-tu éviter de faire ça ?
H
on est des parents maintenant. ,
F
Oui. Ok.
H
Donc tu veux qu’on se fasse un câlin ou peut-être
F
non gardons ça pour plus {tard}
H
non, ok.
F
Je n’ai pas envie de ça là tout de suite.
H
Très bien. , Appelons tes parents. ,
F
Plus tard peut-être.
H
Ouais.
F
Ok.
H
Donc qu’est-ce qu’elle a dit ?
F
Oh, tu sais. Elle est heureuse. Évidemment.
H
Sauf que
F
rien. Elle est ravie, elle est heureuse.
H
Ils n’ont pas voulu me parler ?
F
Non.
H
Me féliciter ?
F
Elle pleurait.
H
Pleurait de joie ?
F
Elle pleurait sur, je ne sais pas. Je ne crois pas qu’elle pense ce qu’elle a dit.
H
Qu’est-ce qu’elle a dit ?
F
Elle sait bien que je t’aime.
H
Qu’est-ce qu’elle a dit ?
F
Elle est inquiète pour moi c’est tout.
H
Elle aimerait mieux que tu portes le bébé d’un autre.
F
Je n’ai pas dit ça.
H
Sauf que pas de bol, c’est le mien que tu portes donc qu’elle aille se faire foutre.
F
S’il te plaît ne / parle pas de
H
salope salope salope.
F
Non.
H
Elle me trouve ennuyeux c’est ce que tu as dit.
F
Non.
H
Parce que je lui ai raconté que je lisais un livre sur
les radiations. F
Non.
H
Parce que j’ai essayé de lui parler de la pénurie alimentaire et des incitations économiques pour limiter les émissions de CO2.
F
Là, oui, j’avoue, tu es ennuyeux.
H
C’étaient tes livres.
F
Elle n’a rien dit.
H
Passe-moi le téléphone.
F
Ok.
H
Je vais l’appeler.
F
Très bien.
H
Je vais le faire.
F
Vas-y. ,
H F
Je vais lui prouver qu’elle a tort. Je n’en doute pas. , Je n’en doute pas. Viens par là.
F
Qu’est-ce qu’il y a ?
H
J’arrive pas à dormir.
F
Essaie.
H
Ça fait des heures que j’essaie.
F
Débranche ton cerveau.
H
C’est rien que des scénarios catastrophe qui dé ilent dans ma tête.
F
Oh bébé.
H
Je commence à m’endormir mais soudain c’est des explosions et des hélicoptères et des pans entiers de terrain qui s’écroulent dans la mer.
F
Des rêves d’angoisse.
H
Tu parles.
F
Tu as vu trop de ilms merdiques.
H
On devrait au moins / envisager
F
je sais bien mais
H
quand alors, quand ? Il faut qu’on soit armés s’ils
F
je ne saurai pas tant qu’ils n’auront rien dit. Je ne peux pas anticiper ce que je ressentirai sur le moment s’ils disent que notre enfant est
H
ok mais
F
qu’il a quelque chose qui cloche
H
on aurait dû y penser plus tôt. En parler.
F
Ok d’accord parlons-en. Je le veux quoi qu’il arrive. S’il est {handicapé, etc.} je sais pas l’idée de m’en débarrasser et de tout recommencer en attendant d’en avoir un qui soit parfait, ça me met mal à l’aise.
H
Je dis pas ça mais soyons / réalistes vis-à-vis de
F
et moi je te dis que je sais ce que je veux. Ça m’est égal que le bébé naisse sans os ou sans bras,
sans jambes ou sans visage que ce soit rien qu’un un un un un un amas de peau informe et une bouche qui ne fasse que hurler et hurler ça m’est égal qu’il ressemble à ce machin dans Eraserhead c’est le mien, le nôtre et il fait partie de nous et on l’aimera, c’est sûr, on l’aimera et peu importe si peu importe. , H
Non. Je sais.
F
On l’aimera, non ? ,
H
Oui. , Essayons de dormir. , Tu dors ? , J’arrive pas à dormir. J’essaie. , J’ai toujours pensé je suis pas mal, je suis quelqu’un de pas mal. Quelqu’un d’assez normal. De, tu sais, foncièrement bon. , Je regrette de ne pas avoir lu davantage quand j’étais plus jeune. Ou peut-être de pas avoir couché avec plus de illes. Ou voyagé. Ce sera plus dif icile de voyager maintenant tu sais, avec , rien ne s’achève. C’est le début de quelque chose. Je suis jeune. On est jeunes. C’est excitant. Je peux pas dire si mes yeux sont ouverts. Je t’empêche de dormir là ? C’est juste que je peux pas m’arrêter de penser. À tout. La vie. L’univers. La mort. J’essaie d’imaginer à quoi je ressemblerai. Mort. Arrêté. Rien qu’un objet de plus dans la chambre. Qui me verra comme ça. La tête que je ferai. Quand le visage commence à se relâcher il prend un petit air sarcastique je trouve. Mon visage mort. Si ça doit arriver, la solution à tout ça, la survie de l’espèce humaine, ça arrivera de notre vivant. Il le faut. Et on sera en vie pour en témoigner. Quand on parle je peux pas te quitter des yeux. Tu es tellement honnête avec moi et des fois ça fait mal mais je me répète que si tu dis ces choses-là c’est uniquement parce que tu me fais con iance. Que je suis, je sais pas, un point d’ancrage, que je suis un noyau pour ton proton, c’est bien ça ? Des fois je pense que tu penses qu’on a une conversation et que j’écoute et que je réagis mais en fait si je me tais c’est
uniquement parce que je ne sais absolument pas quoi dire. Tu es comme un animal, un animal sauvage, affamé, et tu me tournes autour et tu grondes férocement et tu es belle et excitante et tu me fais con iance parce que je ne bouge pas alors qu’en fait je suis carrément cloué sur place, en fait je ne sais carrément pas quoi faire d’autre et j’ai peur que des fois tu prennes ça pour de la force alors que c’en est pas, c’en est pas, c’est juste j’ai rêvé que le bébé était né mais c’était rien qu’un nuage. Un petit nuage d’orage. Ou une petite créature qui se tortille avec des crocs et des griffes et des yeux qui lancent des éclairs. Je prendrai un livre sur l’étagère, un livre au hasard, et tu auras corné certaines pages et souligné des choses. Griffonné des étoiles dans les marges. Et je regarde ixement la phrase que tu as soulignée. Je relirai le paragraphe. Je me dirai qu’a-t-elle donc vu que je ne vois pas ? C’est quoi que je ne comprends pas ? F
Dors donc.
H Il est quelle heure ? F
Tu ron lais.
H
Qu’est-ce que tu fais ?
F
Je vomis. Je me sens empoisonnée. Je me suis fait éclater un vaisseau dans l’œil, regarde.
H
Ah. Ouais.
F
Regarde, mon ventre. Je suis absolument
H
non, c’est sûr je vois ça.
F
Je suis
H
monumentale.
F
Oh. Je ne pensais pas à
H
non je veux dire,
F
monumentale ? Vraiment ?
H
Non, juste, imposante, tu es
F
je voulais simplement dire
H
je veux dire ça se voit, c’est sûr, tu es absolument
F
ça se voit, absolument ça se
H
ça fait une bosse.
F
Une bosse. J’ai une bosse. , D’après Internet, mon utérus est de la taille d’un pamplemousse. Pourquoi ils ont recours à la nourriture pour tout expliquer ? Et pourquoi ils appellent le bébé “bébé”. Pas “votre bébé” ? “Bébé est de la taille d’une lentille.” “Bébé est de la taille d’un haricot rouge.” “Une cacahuète.” “Une olive.”
H
Tu as faim ?
F
Je suis affamée.
H
Je vais te préparer un petit-déjeuner.
F
Je veux du bacon et de la lessive en poudre.
H
Je peux te servir du bacon.
F
Ferme les yeux.
H
Qu’est-ce que tu as fait ?
F
On a une chambre d’enfant.
H
Verte ?
F
On ne veut ni de rose ni de bleu et le jaune c’est tellement
H
tu t’en es mis partout.
F
J’ai peint des petits arbres.
H
Je t’ai apporté du chocolat à la pointe de piment.
F
Tu es mon héros.
H
C’était de la folie d’aller me renseigner sur les écoles du quartier ?
F
Tu veux savoir ? Garçon ou ille ? Ou est-ce qu’on / doit
H
ça doit forcément être une surprise le jour J ?
F
Le jour J sera déjà bien assez spécial comme ça.
H
Je suis trop curieux pour attendre.
F
Moi aussi. , Je me disais. C’est idiot. Et si je ne et si je suis incapable de l’aimer ? Et si je le regarde dans les yeux et que je le laisse agripper mon petit doigt et que je le prends dans mes bras et que je ne ressens rien ? Ça arrive non ?
H
Pas à nous.
F
Je suis terrorisée. Je n’ai aucune idée de comment je serai.
H
Tu seras une mère formidable.
F
Ça t’en sais rien.
H
Si je sais. ,
F
Merci d’être tout à moi. De me supporter quand je suis {angoissée, agressive, etc.} , on devrait se marier. Je sais que c’est vieux jeu ou ce que tu voudras. Je sais que tu es opposé à l’idée. Je t’aime. Je ne le dis pas assez.
H
Tu es superbe.
F
Pas trop grosse ?
H
Grosse et superbe. ,
F
Je vais encore grossir.
H
J’espère bien.
F
Beaucoup grossir.
H
Oui.
F
Je serai une planète.
Donc tu sais. Prépare-toi. , H
Ok.
F
Aïe.
H
Qu’est-ce qu’il y a ?
F
Oh. Oh non.
H
Du sang.
F
Pas ça. Pas nous.
H
L’hôpital. Tout de suite.
F
Ça, je supporterai pas.
H
J’attendrai dehors.
F
Non. J’ai besoin de toi.
H
Ok. ,
F
Au moins je peux me remettre à fumer.
H
Oh ma chérie. Merde.
F
Tu avais raison. On n’aurait pas dû s’emballer.
H
Ne sois pas bête.
F
On aurait dû le dire à personne. On savait que ça pouvait arriver. Tu as de la monnaie pour la machine à café ?
H
Passe-moi les clefs.
F
Je suis pas une in irme.
H
Tu veux que je fasse quoi ? ’
F
C’est sans doute mieux comme ça, non ? Ça aurait totalement pris le pas sur nos vies. Tout ce temps et tout cet argent, toutes les choses qui pourraient mal tourner. Finir insomniaques à force de se faire du souci ou la tête dans le sable. Le monde. Qui voudrait avoir un enfant aujourd’hui ? On devrait se réjouir. C’est un soulagement si si c’en est un on devrait respirer un grand coup et pousser un énorme soupir de oh putain merci parce qu’on ne va rien ajouter, on ne va pas ajouter une personne perdue de plus à ce petit monde encombré donc tant mieux pour nous. Sablons le champagne. Envolonsnous quelque part. Dépensons notre argent pour nous avant que l’économie mondiale implose totalement. Quand les émeutes éclateront rejoignons-les. Fracassons quelque chose. Foutons le feu. Si on voit une voiture électrique avec un autocollant “bébé à bord” virons-la de la chaussée, ces putains d’hypocrites. Avec les dégâts qu’ils font. ’ Je suis vraiment désolée. Je sais pas ce que j’ai fait de travers / de mal. [NB : Le Prisme a retenu « de mal », mais j’ai l’impression que « de travers » est plus
juste… je vous laisse choisir] H F
On va rentrer. Dis-moi que non. ’ Dis-moi que ce n’est pas un soulagement. ’ Tu peux mentir si tu veux. ’
H Essaie de dormir. ’ Je suis là. Je t’ai entendue te lever, je peux m’asseoir avec toi ? Tu t’es endormie. Je t’ai portée jusqu’ici. Bonsoir. Bonjour. Bonsoir. J’ai fait du thé. Je te retrouve après le travail. Tu es restée assise là toute la journée ? Il commence à faire nuit. Il commence à faire jour. Viens te coucher. Tu t’es endormie. Je me suis réveillé et tu n’étais plus là. Ça fait des jours que tu m’adresses plus la parole. , Bébé. , Il faut qu’on passe à autre chose. F
S’il te plaît tais-toi.
H
On dirait que tu me punis.
F
Je cherche pas à te punir.
H
Tu es en colère contre moi.
F
Non. Non pas du tout je suis oui. D’accord je dois être en colère j’imagine. Je suis en colère contre cette. Cette {situation} contre tout. Ça me dégoûte.
H
On peut réessayer.
F
Non. Je supporterai pas. Pardon. Voilà, c’est dit. , Tu crois qu’on devrait rester ensemble ? Ou on devrait Je sais pas. Se quitter. ,
H
Je
F
je ne dis pas ça parce que je veux rompre. Je sais pas ce que je veux.
Simplement je me dis que ce serait je me dis que c’est pour nous une bonne occasion de tu sais, parler. Avoir une conversation. Nous poser de sérieuses tu sais, de dif iciles H
une occasion ?
F
Tu sais très bien ce que je dis là s’il te plaît aide-moi putain.
H
Non. Moi je sais ce que je veux.
F
On devrait, non (?), on devrait se donner un peu de temps et vraiment ré léchir à tout ça parce que là tout de suite je n’ai aucune envie de te regarder. Tout ce dont j’ai besoin c’est que putain tu me prennes dans tes bras mais tu le fais pas et ne le fais surtout pas, s’il te plaît, pas maintenant, pas parce que je te le demande, je ne veux pas de ça, pas quand {je te dis de le faire}
H
pardon.
F
Et t’es là putain à t’excuser mais tu sais même pas de quoi tu t’excuses, donc j’ai besoin de prendre un peu juste un peu de recul.
H
Du recul ?
F
Du recul. Du recul putain. Oui. L’ultime frontière putain pourquoi tu / répètes tout ce que je dis ?
H
Pardon je c’est juste que j’essaie de me faire à l’idée c’est tout. J’essaie juste de raccrocher un peu les wagons, j’essaie putain de
F
te faire à l’idée.
H
Oui. Et ça me demande un peu de temps donc excuse-moi. Je t’aime. J’essaie vraiment de {comprendre ce que je devrais ressentir} je sais pas ce dont tu as besoin ou ce que tu pour moi aussi c’est dif icile
F
Oh va te faire foutre / je dis pas le contraire, je prétends pas que c’est facile pour toi je sais que c’est ne me colle pas tout sur le dos écoute on est tous les deux dans la même {galère} on a tous les deux
H
j’ai besoin d’aide c’est tout j’ai besoin d’aide putain d’un peu de {de conseils, de consignes, d’aide etc.} j’ai besoin que tu m’éclaires un peu là sur ce dont tu as besoin parce que sincèrement j’ai l’impression que tu te tiens derrière une paroi en verre c’est ça une plaque de verre et je ne peux pas t’atteindre.
F
Pleure pas bordel parce que écoute, merde à la in.
, Ça va, c’est bon. Putain. Je t’assure. Il y a des gens dans le monde qui ont de vrais problèmes. Nous c’est juste des gens, partout, en passent par là. Tout le temps. Depuis la nuit des temps. On va on pourrait réessayer. Si c’est ça qu’on veut. H F
C’est ça. Je sais pas. , C’est comme si on m’avait écorchée vive.
H
J’ai embrassé une autre ille. Au bureau. La nouvelle. L’intérimaire. Je lui ai pas parlé de toi et je sais pas pourquoi, j’ai pas dit que j’avais une , elle était gentille avec moi. Elle était gentille avec moi. On a parlé musique. Et elle m’a embrassé je n’ai rien fait pour l’arrêter. Et si tu te sens blessée, écorchée et en colère sache que c’est aussi ce que je ressens et que je t’aime plus que tout. Je me couperais les deux bras pour toi. Je m’arracherais les yeux. Et je m’excuse. Et je sais que si j’y retourne lundi et qu’elle est là je risque de recommencer. Je le voyais notre avenir ensemble, cette image de ce que serait notre vie, et c’est comme si on m’avait cambriolé et je suis condamné à vivre dans cette version absurde et rageuse du monde où la personne que j’adore, ma meilleure amie au monde, ne peut même pas me regarder et où je ne peux pas me regarder dans les yeux. Tu me manques. J’ai envie de m’asseoir en face de toi dans un restaurant, de partager une bouteille de vin. J’ai envie d’aller au cinéma et te tenir la main. De courir dans le parc. On peut réessayer. Adopter peut-être. , Pourquoi tu souris ?
F
Pour la première fois depuis une éternité j’y vois un peu clair. Je suis triste. Ça fait un moment que je suis vraiment triste et je ne sais pas si ça me quittera un jour totalement. Je suis désolée de ne pas avoir su te dire ce dont j’avais besoin. Je ne sais pas ce dont j’avais besoin. Si je sais. J’avais besoin que tu sois patient avec moi. Que tu attendes le temps qu’il faudrait. J’avais besoin que tu sois plus courageux que moi et que tu fasses passer tes émotions au second plan, et que tu comprennes, même quand tu ne comprenais pas. Que tu fasses preuve d’initiative pour une fois sans avoir besoin
de mes consignes. Que tu essaies d’imaginer ce que c’est que de faire une fausse couche. Que tu te rendes compte qu’il y a certaines émotions auxquelles j’essaie de faire face et dont je te protège et j’y travaille dur. Et je n’avais surtout pas besoin que tu embrasses une autre ille. , Donc là, je suis raisonnable pour deux. C’est tout. Une chance qu’on n’ait pas d’enfants. , F
Tu es donc venu.
H
Tu as bonne mine.
F
Non, du tout, tais-toi. Merci.
H
Non, c’est
F
merci d’avoir accepté de me voir.
H
Oh, c’est non, bien sûr. Ça m’a surpris que tu proposes qu’on
F
d’accord.
H
Starbucks.
F
Oh. Ouais. En in. Tu sais.
H
Ça ne te ressemblait pas.
F
Une barbe.
H
Eh oui.
F
Pas mal.
H
Oh. Ouais.
F
Je ne voyais pas qui prévenir d’autre.
H
Non, je suis content que tu l’aies fait.
F
Maman t’aimait beaucoup.
H
Je croyais qu’elle me détestait.
F
Ouais. ,
H
Comment s’est passé l’enterrement ?
F
C’est demain.
H
Ah.
F
Viens avec moi. Tu viendras avec moi ? En in, si / tu veux bien.
H
Vraiment ? Parce que
F
c’est tordu ? Trop tordu, oublie. Pardon.
H
Évidemment, je viendrai, ouais, si tu y tiens.
F
J’y tiens ouais ce serait bien. Pas la peine de consulter
H
consulter quoi ? Quoi ?
F
Rien. ,
H
Mon père est mort. Y a quelques mois.
F
Tu n’as rien dit.
H
Non, je sais je ne savais pas si
F
oh, non, c’est ’
on arrive à l’âge où c’est dans l’ordre des choses. Effrayant. Bientôt il ne restera plus que nous. , Putain. Regarde-toi. H F
Toi aussi. J’aimerais juste prendre deux petites secondes. Arrêt sur image. Clic.
H
Ça va, tout va bien.
F
Non, je sais. Je sais.
H
Oh, s’il te plaît arrête pas la peine de oh.
F
Excuse-moi, je m’étais promis de ne pas
H
pas grave. C’est pas grave.
F
Une épave. Déjà. Génial. Bravo ma grande.
H
Mais non, ça va ça va aller. ,
F
Comment ça va à part ça ? Comment va la vie ? Comment va le travail ? Bien ? Tout va bien ?
H
Ouais / c’est
F
comment va l’intérimaire ?
H
Ah. Ouais. Non, on n’est plus
F
non ?
H
Non on est, on , / je veux dire on
F
c’est vraiment je suis vraiment je suis navrée.
H
Non non non, je veux dire après qu’on, toi et moi une fois qu’on c’est juste que je n’étais pas je n’avais pas l’énergie pour une autre {relation} pas tout de suite, pas
F
donc tu n’as pas je veux dire avec l’intérimaire ça n’a pas tu n’as pas
H
en fait si, mais je veux dire, c’était juste merde à la in. Ça n’avait
F
d’accord.
H
Rien à voir.
F
D’accord. Ouais.
H
Et toi ?
F
On a vraiment envie de parler de ça ? Je veux dire, je n’ai aucune envie de parler de ça. Je sais qu’on n’est pas que toi et moi on n’est plus ça n’empêche que je n’ai aucune envie d’entendre parler de ta ta ta vie sexuelle ou
H
non ok.
F
Donc là vous n’êtes plus ensemble ?
H
Non. Putain. Non. Non. Non. Non.
F
D’accord. Ok.
H
Là je suis avec
F
ah ok.
H
Ouais.
F
Tu n’es pas obligé de
H
ça ne me gêne pas.
F
Je n’ai aucune envie d’entendre ça. , Donc ok. C’est horrible. Je ne sais pas ce que j’espérais. Je crois que je ferais mieux d’y aller avant qu’on se mette à parler du temps qu’il fait.
H
Il est foutu / Le temps est foutu.
F
C’est vrai. C’est pénible. Je dégouline de sueur comme si
H
tout est fermé. La ville n’arrive plus à faire face.
F
J’arrête pas de m’évanouir.
H
Quoi ?
F
Déshydratation ou j’ai toujours une bouteille avec moi mais je la vide aussi sec comme
H
ouais.
F
Donc j’en prends deux mais alors je me trimballe toute cette eau et c’est
H
je sais je suis pareil c’est
F
on n’était pas faits pour être ensemble, si ? On était des gens bien, non (?), mais il était écrit que non.
H
Tu ne crois pas à un gramme de cette histoire de destinée, de prédétermination.
F
Maintenant si.
H
Ah, pardon. Vraiment ?
F
Oui. Non. Je crois quand je vois dans quel état est le monde, je crois que si je n’étais pas convaincue que quelqu’un allait tout réparer, qu’un génie surhumain allait trouver le moyen de tout réparer alors
je crois que je perdrais complètement la tête. Je ne sais pas. J’ai changé. On a tous les deux changé. J’ai arrêté de fumer. H
Vraiment ?
F
C’est de la merde. Je me sens in iniment mieux.
H
Je m’y suis mis.
F
Tu te fous de moi.
H
J’ai l’air cool.
F
Non. Non.
H
Et ta thèse ?
F
Oh. Ouais. Finie. Terminée.
H
Te voilà docteur.
F
Théoriquement. ,
H
J’ai recommencé à jouer. Deux ou trois concerts dans le groupe d’un copain. Un petit truc.
F
Ouais ?
H
Un truc vaguement électro, une nouvelle direction.
F
D’accord.
H
Je crois que je suis devenu plus con. Depuis qu’on s’est {séparés} , je ne sais pas quels livres lire, en fait je ne lis plus rien. Je n’ai aucune idée de ce qui se passe dans le monde.
F
Il est foutu / Le monde est foutu.
H
Je ne sais plus comment penser. Et en fait, tu sais, ça fait un bien fou. Ne plus avoir à m’inquiéter de trucs sur lesquels je n’ai aucune prise. Avant je me mettais tellement en colère contre les gens qui ne lisaient pas ou ne ré léchissaient pas ou ne se préoccupaient de rien mais maintenant je les comprends parfaitement. , Des fois je suis au volant et. Non, c’est idiot. , Des fois il m’arrive ce truc, un peu comme si je {dormais au volant} genre je me réveille. Alors que je suis au volant. En in non, pas exactement, parce que je suis pas fatigué, je passe mon temps à dormir. C’est pas ça. C’est juste qui c’est qui conduisait ? Aucun souvenir des vingt dernières minutes. Tu sais. Comme si j’avais été en pilote automatique. Un zombie ou et je passe des journées comme ça. Des journées entières. ,
Et là je suis avec toi et , F
ouais. ,
H F
Ouais. Bien. Bien bien bien. Putain.
H
Ouais.
F
Bien.
H
Ouais.
F
Bien bien bien.
H
C’était
F
Oui. Oui, carrément.
H
Je ne culpabilise pas.
F
Tu, quoi ? Tu ne
H
pas du tout. ,
F
Ah.
H
Quoi ?
F
Rien.
H
Quoi ?
F
Non, rien je suis c’était {idiot de ma part} j’ai cru que.
H F
Quoi ? C’est juste que je me suis laissée un peu emporter. Je l’ai oubliée une seconde. L’autre.
H
Ah. Non, je disais pas ça pour
F
c’est pas grave.
H
Je non je je ne ré léchissais pas, je ne faisais que
F
non bien sûr.
H
Que parler que
F
c’est juste que c’était super. Non ? Je veux dire pour moi en tout cas.
H
Ouais, non, bien sûr, c’était oui. Super. , Super. Mais
F
on peut éviter les mais ? Je pense qu’on le sait tous les deux. Est-ce qu’on peut juste
pendant une minute nous allonger là comme ça et prétendre qu’on est des années en arrière et qu’il n’est rien arrivé. Qu’on ira acheter les journaux du dimanche et peut-être qu’on ira bruncher quelque part. Qu’on ira faire un tour aux puces. Qu’on se chamaillera au sujet d’un livre que j’aurai lu et que j’expliquerai mal et que j’aurai l’air de préconiser je ne sais pas, l’euthanasie obligatoire des personnes âgées ou tu sais, tes chaussettes, tout ça, j’en ai gardé tout un tiroir. On étouffe ici. Pardon. J’ai du mal à respirer. J’ouvrirais bien la fenêtre mais dehors, c’est encore pire. Je n’ai couché avec personne depuis toi. Tu n’as pas à savoir ça. Ça n’a aucune importance. Ça n’a aucune importance que tu aies couché avec deux autres illes. , Quoi, plus ? H F
On était séparés depuis non je sais. Je sais. Ça n’a aucune importance. Combien ? Ça n’a aucune importance.
H
Tu veux savoir ?
F
Oui. Non. Je n’ai jamais ne serait-ce qu’embrassé un autre homme. Et voilà, je repleure. Merde. J’ai essayé. Je suis allée boire un verre avec un type. Mais il était horrible. , Ne me dis pas son nom. Ta copine. ,
H
Fiancée. ,
F
Ah.
H
Ouais. ,
F
On ne va plus jamais se revoir. Ok ? ,
F
Tu as l’air très surpris.
H
Tu as dit qu’on ne devrait plus se voir.
F
Et pourtant je suis là. On se demande bien pourquoi.
H
Il pleut.
F
Tu me trouves changée ?
H
Tu n’as pas pris de manteau. Changée ?
F
Je me disais que tu pourrais, oui me trouver changée. Radieuse peut-être. ,
H
Tu veux dire
F
ouaip. , Donc, ok, je me suis pas projetée plus loin. J’ai fait l’effort de te le dire après quoi j’espérais que peut-être tu te jetterais à l’eau et que tu sauverais la situation, que tu serais un homme un vrai et que tu saurais quoi faire ensuite parce que c’est je veux dire, allez Superman. Plonge. Sauve la situation. Fais quelque chose. , Rien. Je t’ai brisé. Tu t’es renfermé. C’est trop. Je peux entrer au moins ? Je suis trempée. , Le temps que tu dises quelque chose le bébé sera déjà né. Il tombera de moi, loc, comme ça, et il sera tout gluant, se tortillant dans le placenta je peux au moins entrer ou
H
écoute,
F
il parle.
H
Ok, écoute, je suis désolé mais est-ce que je peux on peut se parler plus tard ? Je passerai chez toi, je
F
elle est là c’est ça ? Évidemment qu’elle est là. Non mais quelle conne. C’est horrible. Je vais y aller.
H
Non, attends
F
je peux pas faire ça.
H
S’il te plaît.
F
Arrête.
H
Je savais que je te trouverais ici.
F
Comment ça ?
H
J’ai cherché partout ailleurs.
F
Tu me connais par cœur.
H
Tu devrais pas traîner par ici en pleine nuit.
F
On a fait l’amour dans ces toilettes tu te souviens ?
H
Je suis désolé je ne pouvais vraiment pas te parler tout à l’heure.
F
Je t’avais fait louper ta réunion.
H
Évidemment je ferai ce qu’il faut.
F
Ce qu’il faut. Bien.
H
Je t’épaulerai.
F
M’épauler. Super.
H
Est-ce que tu veux bien s’il te plaît, excuse-moi, mais tais-toi parce que c’est tu m’empêches de ré léchir et j’ai vraiment besoin de ré léchir.
F
Non. Je ne me tairai pas. Tu ne devrais pas avoir besoin de ré léchir. Tu ne devrais pas. Tu devrais simplement putain savoir quoi faire. Dis ce que tu veux. Dis ce que tu ressens. Ne me raconte pas ce que j’ai besoin d’entendre.
H
Je ne sais pas ce que tu as besoin d’entendre.
F
Alors où est le problème ?
H
Ce que je pense là, ce que je ressens là c’est qu’il n’y pas d’issue idéale à cette situation. Il faut que je le dise à ma iancée.
F
Oui, que tu lui dises.
H
Et je s’il te plaît, tais-toi deux secondes. Excuse-moi, mais laisse-moi au moins une chance. , Merci. , D’accord. Donc ok, marions-nous.
F
Non.
H
Pourquoi ?
F
Ok, un, parce que tu es déjà iancé à une autre. Deux, parce que c’est la demande en mariage la moins romantique qui soit de toute la triste histoire pardon l’histoire vieille de deux cent mille ans du genre humain et trois, parce que je ne veux pas. Et t’emballe pas putain, je sais même pas si je vais le garder donc on ne va pas se précipiter.
H
Tu ne / vas pas
F
je n’ai pas encore décidé et ne me donne pas ton avis parce que ce serait totalement déplacé putain. C’est quoi ton avis ?
H
Tout ce que je dis c’est que
F
tu penses que je devrais avorter.
H
Attends une seconde.
F
Me débarrasser du problème. Car c’est un problème. Ce petit être pas encore né est un un un un un
H
mais peut-être on devrait peut-être
F
le tuer.
H
Parler. Bien peser la question.
F
C’est ça (que tu veux). Tu le veux mort.
H
Je t’épaulerai quel que soit / ton choix.
F
J’aimerais que tu sois mort. J’aimerais être morte. J’ai besoin d’un séisme. Un tsunami.
H
Je ferai le nécessaire. Je ferai tout ce que tu veux, tout ce dont tu as besoin.
F
J’ai besoin que tu appelles ta iancée.
H
Je ne vais pas lui annoncer au téléphone.
F
Parce que tu ne veux pas lui faire de peine.
H
Parce qu’elle mérite mieux que ça.
F
Mieux que son futur mari engrossant son ex ?
H
Que de l’apprendre au téléphone.
F
Comme c’est touchant. Tu dois beaucoup l’aimer.
H
Oui. En fait oui. Ça t’étonne, c’est ma iancée putain. On allait se marier dans trois mois.
F
Il faudra que j’achète un chapeau.
H
Allait. On allait. On ne peut manifestement plus.
F
Et tu l’aimais même pendant que tu me baisais sur mon canapé ?
H
Oui.
F
Tu l’aimais pendant que tu me pénétrais ?
H
Oui.
F
Et c’est pour ça que tu étais avec elle tandis que ton sperme fécondait mon œuf. Alors que je sanglotais toute seule. Sanglotais si fort que j’ai fait éclater tous les capillaires sous mes yeux. Que je vomissais. Que je prenais une boucle d’oreille et m’enfonçais la pointe métallique dans le bras, jusqu’au sang, beaucoup de sang, là regarde, ça s’est infecté.
H
Ce qui s’est passé entre toi et moi n’avait rien à voir avec elle.
F
Toi et moi, tu as décidément arrêté de lire.
H
Je l’aimais encore, oui, sur le moment. Je ne voulais pas lui faire de mal.
F
Tu ne pensais à rien, c’est tout.
H
Je ne pensais pas qu’elle le saurait un jour.
F
Wouah. Ok. Alors (dans ce cas) tout va très bien. Manifestement tu l’aimais beaucoup, si ce n’est qu’à cet instant précis, éjaculer était pour toi un petit peu plus important que sa santé mentale et son bien-être et maintenant c’est en train d’arriver, une suite d’événements qui culminera dans le miracle de l’accouchement et le bébé grandira et se comportera comme toi et laissera derrière lui des régiments entiers de femmes éplorées se perforant toutes seules dans leur chambre. Passe-moi ton téléphone je veux lui parler.
H
Non.
F
Je veux lui présenter mes excuses. Quand on a refait l’amour je me suis dit comme tu avais l’air triste, esseulé et désespéré et combien je te manquais, combien tu me manquais, et combien ta iancée idiote et super icielle devait être odieuse mais je parie qu’en fait elle est charmante. Je parie qu’elle est même extrêmement gentille. Passe-moi ton téléphone.
H
Non.
F
Ce jour ce jour ce putain de jour du mariage qu’elle a plani ié depuis qu’elle a posé un napperon sur la tête d’une Barbie et voilà que je débarque avec mon putain de ventre, qui en le à vue d’œil, la preuve (irréfutable) que tout son univers c’est de la merde en barre. Sans doute qu’elle se foutra en l’air, fera partie de ces gens qui se jettent sous un train, une de ces annonces qu’on entend dans les gares, je le ferais, je le ferais putain, je m’ouvrirais toutes les veines et j’écrirais sur le mur en grandes lettres rouges “ce n’est pas un appel au secours”. Passe-moi ton téléphone.
H
Non.
F
Comment je suis devenue cette personne ? Avant
j’étais une belle personne et maintenant je suis mauvaise. Je suis réellement mauvaise. Passe-moi ce téléphone, je suis sérieuse, je veux lui parler. H
Ça n’arrangera rien.
F
Passe-moi ce téléphone.
H
Non. ,
F H
Non tu as sûrement raison. Je crois que je m’y prendrais assez mal. Je vais aller lui parler. Tout de suite. Face à face. Ok ? J’y vais. , Je peux venir chez toi une fois que je l’aurai vue ?
F H
Pourquoi ? Parce que j’en ai envie. Et que j’aurai nulle part où aller.
F
Ok.
H
Ok.
F
Tu saignes.
H
Elle était chavirée.
F
Et il y a eu
H
des coups de pied. Des cris. Des coups de poing.
F
Elle t’a fait mal ?
H
Des coups de griffe. Elle m’a chopé sur, sous l’oreille, sa bague
F
tant mieux.
H
Ouais, j’imagine.
F
Non elle méritait de. Elle méritait vraiment putain de
H
ouais.
F
Te mutiler.
H
Non, t’as raison.
F
Pour ce que tu as fait.
H
Ouais, mais
F
elle aurait dû te trancher la queue putain.
H
Ok.
F
Je dois être malade. C’est évident qu’on peut pas te faire con iance.
H
Je
F
c’est évident que tu es incapable de dominer ta bite.
H
Je ne suis pas entièrement responsable de
F
si en fait si putain si t’es responsable putain, si.
H
On était deux à
F
Je suis pas iancée avec elle.
H
Je le suis plus non plus.
F
Touché. , Touché. ,
H
Et maintenant on fait quoi ? On quoi ? On reprend tout normalement ?
F
Normalement ? Quoi normalement ? Quoi ?
H
Non, mais
F
on n’est pas un couple.
H
Ah.
F
On ne sera on ne sera plus jamais comme
H
non, d’accord.
F
Comme avant. Il faut qu’on reparte / repartir à zéro. Si tant est qu’on reparte.
H
C’est juste que je pardon, je pensais
F
je ne te reconnais plus. Tu es devenu un putain d’étranger. Un putain de sale petit étranger mauvais, immature et fourbe.
H
Je croyais, c’est tout.
F
Eh bien abstiens-toi. Tout va à 150 à l’heure et j’ai besoin de respirer deux secondes.
H
Non. Si on y ré léchit trop on le fera jamais.
F
Faire quoi ?
H
Ça. Là. Nous deux. D’accord les circonstances ne sont pas idéales, mais allons-y à bras ouverts. Je t’aime. Ok ? Je t’ai toujours aimée. Quand je suis loin de toi je ne trouve plus de plaisir à rien et quand je suis avec toi je me sens à ma place. On n’a jamais réussi à être ensemble sans que l’autre se sente un peu mal et je veux trouver un moyen d’éviter ça. Il faut que tu arrêtes de me torturer et moi il faut que je grandisse et que je me comporte comme un véritable être humain. Tu avais besoin que je sache de quoi tu as besoin sans avoir à demander. Tu avais besoin que je prenne conscience de ce que je ressens et que je te laisse entrer dans ma tête. Là tout de suite je sais précisément ce que tu as besoin d’entendre et je ressens exactement la même chose. On ne vas pas se prendre la tête. On le fait. On va aller acheter les livres et suivre des cours et apprendre à être des parents. Et on vieillira ensemble et on se retournera sur tout ça et on en rira parce que ça aura l’air d’être arrivé dans une autre vie. Et on aura une conversation et on essaiera simplement de faire ce qu’il faut. Parce qu’on est des gens bien. D’accord ? Et on plantera des forêts. Je suis sérieux. On ira partout en vélo. On fera pousser notre nourriture nousmêmes s’il le faut. On ne prendra plus jamais l’avion. On ne bougera plus jamais d’ici. Et on plantera des forêts. Toi et moi. Toi, moi et la petite tache. Les dix mille tonnes de CO2 qui attendent d’être lâchées sur la planète. Nous trois.
F
Merci. J’avais besoin d’entendre ça. , J’y ré léchirai. ,
H
Respire.
F
Ok.
H
Inspire.
F
Elles sont de plus en plus rapprochées.
H
Toutes les deux ou trois minutes.
F
Va chercher les clefs.
H
On est arrivés.
F
Ne me laisse pas.
H
Je suis là, juste là.
F
J’ai peur.
H
Tu es tellement courageuse.
F
J’ai mal.
H
J’ai oublié l’appareil photo.
F
Ça y est, il arrive.
H
Il est tellement beau.
F
Laisse-moi le prendre.
H
Bien sûr.
F
On est une famille.
H
Je suis épuisé.
F
À ton tour.
H
Je le prends au lit avec nous ?
F
Il faut le sevrer.
H
Je sais.
F
Tous les livres le disent.
H
Bonnes notes dans toutes les matières.
F
Je suis tellement ière de lui.
H
J’ai oublié mon appareil photo.
F
Le voilà qui s’en va.
H
Pleure pas.
F
Il n’a jamais dormi loin de la maison.
H
On tiendra le coup.
F
Tu ne devrais pas le laisser voir ça.
H
Je lui parlerai.
F
Il faut qu’il l’entende de la bouche de son père.
H
On ira là-bas / chez lui ce week-end ?
F
Je veux juste le voir avant son départ parce que, avec le monde dans l’état où il est
H
je sais.
F
Tu as pris ton appareil photo ?
H
Marions-nous.
F
Pour le meilleur et pour le pire.
H
Il faut nous préparer au pire.
F
Ce ne sera pas aussi terrible qu’ils le disent.
H
Il n’a pas appelé.
F
Ils ont suspendu tous les vols.
H
Il fait tellement chaud.
F
La planète est foutue.
H
Il a tellement changé.
F
Il veut nous aider.
H
On va très bien.
F
C’est ce que je lui ai dit.
H
C’est une opération tout à fait banale.
F
Je sais.
H
Ça arrive avec l’âge.
F
C’est lui qui te conduira.
H
Je m’en sortirai.
F
J’ai peur.
H
Mais non, ça ira.
F
Il m’a trouvé une maison de retraite. Il y a des cours là-bas, tout ça. Arts plastiques, tout ça. C’est plus près de chez lui donc assez loin d’ici. Il se met en pétard contre moi des fois. Tu sais comment il est. Je pense que beaucoup de gens sont en colère contre moi. Contre nous. Ceux d’entre nous qui sont encore là. J’oublie de plus en plus les choses. Je ne sais pas ce qui les énerve autant. Ça me manque de te parler. Voilà que je parle toute seule. Tes forêts ont disparu. Je ne regarde plus les infos, mais tout va de plus en plus mal. Tout est couvert de cendre. Il me dit d’arrêter de faire la poussière. Me gronde. Je suis fatiguée. J’en ai assez. Mais ça va. Écoute-moi geindre. La journée est belle et douce aujourd’hui, comme on en connaissait autrefois. Une bouffée d’air frais. Pas de sirènes. Pas de bruit. Rien. C’est bien. , Bref, je me suis dit comme ça que je m’arrêterais en passant. Que je changerais les leurs. Je ne sais pas si j’aurai souvent l’occasion de revenir ici donc bref. , Je t’aime.
Les lumières s’éteignent.
Séisme Duncan Macmillan
Séisme retrace les étapes importantes de la vie d’un couple – F et M – à travers plusieurs étapes : la vie d’étudiants sans responsabilités, puis celle de jeunes professionnels se posant la question - avoir ou non des enfants et finalement leur vie de personnes âgées. Séisme est une pièce sur les prises de décisions. Comment les prendre, comment en débattre au sein du couple. Et surtout quels sont les conséquences directes et indirectes de nos actes ? Comme une danse- la vie, les décisions communes et les conséquences qui en découlent, permettront à F et M de se rapprocher mais aussi parfois les obligera à l’éloignement. Ils ont des attentes et des espoirs. Ils commettent des erreurs. Ils essayent. Ils vivent. Or, tous les deux comprennent qu’ils ne vivent pas dans une bulle, isolés du reste du monde. Ils savent que dans ce monde globalisé les conséquences de nos modes de vie ont une portée bien plus vaste et qui ne s’arrête pas à la porte de notre appartement. Ici il ne s’agit plus seulement des grandes étapes de la vie d’un couple, mais aussi des choix au quotidien : voiture ou transport en commun ; entreprise multinationale ou commerce local ; vie de luxe ou plus modeste ? Face à ces responsabilités qui sont beaucoup plus vastes, là encore : comment agir ? Avec Séisme, Duncan Macmillan a écrit une pièce qui dans son actualité touche à l’universel. Les personnages sont authentiques et permettent une identification immédiate. La pièce est aussi bouleversante que drôle. Son langage direct laisse le public s’émerveiller et s’interroger sur le sort de ce jeune couple et du futur de notre planète.
Je pourrais faire la navette Londres-New York en avion tous les jours pendant sept ans sans pour autant laisser une empreinte carbone aussi forte que si j’ai un enfant.
traduction française Séverine Magois titre original LUNGS avec Larisa Faber et Pitt Simon mise en scène Linda Bonvini scénographie et costumes Peggy Wurth création lumières Pedro Moreira musique Emre Sevendik assistante à la mise en scène Frédérique Colling coproduction Théâtre du Centaure, Les Théâtres de la Ville de Luxembourg et Kulturhaus Niederanven avec le soutien de la Fondation Indépendance
photographie / mise en page Bohumil KOSTOHRYZ