Architecte.exe
ou la fin de l’architecte humain? PROUHEZE Benjamin Sous la direction de Romain LAJARGE
Mémoire de Master 1 Thématique AE&CC ENSA Grenoble Année Universitaire 2018-2019
Illustrations de couverture: Main robot : ARTISTE INCONNU, Date inconnue, Sans Titre, consulté le 03/04/2019, URL : https://www.youtube.com/watch?v=puYywAXVtDU
Croquis : AVA NASH, 2016, LEGO Architecture Big Ben Set 21013, consulté le 03/04/2019, URL : http://www.eleefeed.com/f/425422
Note: Les textes en anglais ont intégralement été traduis par l’auteur. Les autres textes en langue étrangère ont été traduits à l’aide de traducteurs en ligne.
Architecte.exe ou la fin de l’architecte humain ?
Architecte.exe ou la fin de l’architecte humain ? Benjamin PROUHEZE Sous la direction de Romain LAJARGE ENSAG 2018-2019 Master 1 AE&CC
Table des Matières 7 INTRODUCTION 13 PARTIE I ARCHITECT(UR)E, INTELLIGENCE ET « ARCHITECTE-ROBOT » 14
Architecture, Architecture et Architecte
16 Intelligence Humaine et Artificielle 18 I.A.rchitecte
21 PARTIE II « AUX ARCHITECTES DU XXIE SIÈCLE, S’IL EN RESTE… » 22
Démarche de l’enquête
24 Questionnaire « Étudiants » Résultats Le jeu des cinq familles Interprétation
30 Questionnaire « Enseignants » Résultats La sixième famille
36 Conclusion
39 PARTIE III L’I.A.RTISTE : UNE MACHINE SENSIBLE ? 42 Littérature 43 Cinéma 44 Musique 46 Peinture
49 CONCLUSION 55 BIBLIOGRAPHIE I ANNEXES ii
Annexes I - Réponses au questionnaire « Étudiants »
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Annexes II - Réponses au questionnaire « Enseignants » Réponses Architectes Réponses Autres Formations
REMERCIEMENTS Je tiens à remercier en premier lieu Romain Lajarge et Anne Coste, mes encadrants de mémoire qui ont su prendre le temps de m’aider et de m’accompagner à travers ce travail. Je remercie également toutes les personnes qui ont prit le temps de répondre à mon questionnaire, matériaux crucial à mon étude. Je tiens aussi à remercier mes camarades du master 1 AE&CC qui ont pu m’aider dans mes recherches, ils se reconnaitrons...
Je tiens finallement à remercier mes parents, qui ont sû me faire confiance jusqu’à présent et qui continuent encore aujourd’hui, et surtout à mon père, sans qui je ne serais pas à l’ENSAG, sans qui je ne pourrais pas vivre ma passion qu’est l’architecture. Merci papa.
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Introduction
Depuis quelques années maintenant, notre monde connait l’explosion du développement des Intelligences artificielles qui sont aujourd’hui partout : « Just above your smartphone keyboard lives an artificial intelligence. It was trained on lots of texts and emails, and tries to guess what you’ll type next »1. Ces intelligences artificielles ne cessent d’être améliorer, d’évoluer, mais l’enjeu qu’elles poursuivent remonte déjà à une vingtaine d’année… Le 11 Mai 1997, Garry Kasparov (un champion du monde d’échecs) affronte Deep Blue, un supercalculateur conçu par IBM avec en mémoire une base de données de plusieurs millions de parties. Après pas plus de deux minutes de jeu, l’un des plus grands joueurs d’échec de tous les temps abandonne face à l’Ordinateur. L’humanité assiste pour la première fois à la possibilité que l’ordinateur la surpasse (Depardieu G. et T. MARTIN, 2018). Pourtant, dans le milieu de l’architecture, dès les années 80, l’émergence de logiciels comme les CAO (conception assistée par ordinateur, qui voient le jour dans les années 60) vient déjà poser des questions sur le métier. En effet, certains logiciels sont déjà capables à partir de « critères » simples : un programme et certains souhaits des commanditaires (tel qu’une surface minimale pour une pièce ou un fort taux d’apport lumineux) de proposer des plans répondant à cette demande sans réel besoin de l’architecte. Le premier logiciel de ce type est Urban 5 édité entre 1966 et 1968. Il a été mis au point par l’architecte Nicholas Negroponte à l’IBM Cambridge Scientific Center : « Urban 5 a été imaginé comme un véritable automate au service des usagers. Un système interactif permet à l’utilisateur de « jouer » avec une machine capable de dialoguer avec lui dans une langue compréhensible ! Le concepteur positionne ses cubes sur un écran en ayant au préalable définit des contraintes, par exemple d’ensoleillement ou de proximité. Urban 5 interprète les actions du concepteur, signale les erreurs, les incompatibilités avec les objectifs entrés dans la machine au début de la séance de travail. Il aide l’urbaniste à trouver une solution, ou signale qu’à « son grand regret », il n’y en n’a pas ! Le système évolue et s’adapte aux progrès de l’utilisateur : Plus ce dernier est familier avec le système, plus celui-ci prend en compte ses habitudes, son temps de réponse, ses hésitations, etc. » (Morandi C., 2010) L’architecte possède donc déjà, avant même les années 70 un outil capable de concevoir une esquisse de projet sans lui. Si l’architecte sollicitait l’ordinateur, lui disant qu’il voulait faire une maison, Urban 5 lui répondait et proposait une trame pour le projet (ibid.). 1 Phrases d’introduction du court-métrage Sunspring (Sharp O. et Benjamin, 2016) Traduit de l’anglais : « Juste en dessous du clavier de votre téléphone vit une intelligence artificielle. Elle a été entrainée sur de nombreux messages et e-mails, et essaye de deviner ce que vous voulez écrire »
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Pour aller plus loin, il est pertinent de s’intéresser à Paul Quintrand, « professeur à l’École d’architecture de Marseille-Luminy de 1967 à 1994 (…) il y fonde le GAMSAU en 1969, laboratoire de recherche pionnier en matière d’utilisation des outils de conception assistée par ordinateur en architecture » (Ministère de la Culture - DRAC PACA, 2010). Ce dernier, en 1970, avec son équipe de chercheurs, développe le logiciel 3.55, qui ressemble fortement à Urban 5 dans son fonctionnement, mais qui va bien plus loin. Ce logiciel permet d’organiser l’espace de la maison à partir de modules carrés de 3,55m de côté. La maison doit potentiellement être évolutive. « Il s’agit d’un processus méthodologique rigoureux » (Morandi C., 2010). Le logiciel a besoin de données que seul le(s) futur(s) usager(s) est(sont) en mesure de définir. Pour cela, l’architecte doit consulter ces usagers, aller à leur rencontre et dialoguer avec eux afin de « préciser leurs besoins et leurs désirs. (…) Une fois ces données entrées dans un programme informatique écrit spécialement pour le 3.55, il est possible de « sortir » sur une imprimante alphanumérique des schémas d’organisations spatiales répondant aux choix initiaux des usagers » (Morandi C., 2010, p.159-160). En 1980, l’accent est mis sur l’utilisation de l’ordinateur, de la CAO en particulier, et la volonté est de lui donner un rôle plus important : « l’intelligence artificielle en architecture consiste désormais à concevoir un « système expert » ayant intégré une partie des connaissances métier et capable de seconder un architecte. » (ibid., p.164). Ce genre de logiciels CAO résulte en logiciels qui aident aux calculs des apports solaires, de l’orientation optimale des bâtiments en milieu urbain ou encore des simulations thermiques pour sa consommation optimale en énergie, etc… Toujours est-il que les connaissances en informatique de l’époque étaient bien moindres, on assistait aux débuts de la technologie, ses premiers pas en quelques sorte. Il apparait donc logique que ce ne soit qu’à partir des années 2000 qu’elles se soient réellement démocratisées et surtout, perfectionnées à l’instar d’un développement cellulaire qui se subdivise et ainsi se développe de manière exponentielle ! En 1956, Marvin Lee Minsky (chercheur au MIT) et John McCarthy (chercheur à Stanford) définissaient l’intelligence artificielle comme suit : « Tout programme informatique qui accomplit des tâches normalement réservées aux Hommes du fait de leurs capacités intellectuelles. Il s’agit d’un programme sensé être doté de facultés comme l’apprentissage ou l’adaptation, et même d’une forme de raisonnement ». La plupart des logiciels actuels et la quasi-totalité des logiciels post XXIe siècles ne semblent pas tout à fait correspondre à cette définition. En effet, ils ne sont tout-au-plus programmés que pour résoudre de manière « logique » (en son sens purement mathématique) pour répondre à tous les critères. Le 9
logiciel ne raisonne pas, il arrange, il ordonne simplement à partir de schémas types qu’on lui a procurés comme base de données. Il ne pourra donc pas prendre « d’initiative » : si une configuration ß entre deux éléments ne lui a jamais été donnée, il ne pourra en aucun cas proposer un résultat comportant la configuration ß. Cette prise d’initiatives, qui requalifierait ces logiciels en I.A. est la notion de curiosité : « In many real-world scenarios, rewards extrinsic to the [A.I.] are extremely sparse, or absent altogether. In such cases, curiosity can serve as an intrinsic reward signal to enable the agent to explore its environment and learn skills that might be useful later in its life »2 (Pathak D., P. Agrawal, et al., 2017). Cette notion exprime que pour pouvoir prendre des initiatives, il faut « l’obliger » à être curieuse et proposer des solutions qu’elle n’est initialement pas sensée proposer, quitte à proposer une solution erronée. L’idée de cette méthode est, suite à une quantité pharaonique d’erreurs, d’en arriver à ladite solution ß sans lui avoir préalablement appris la configuration ß. On en arrive à une démarche s’apparentant bien au schéma humain qui, depuis des générations apprend par le système essai-échec. En 2016, AlphaGo, un programme mis au point par Google bat le troisième joueur mondial du jeu de Go. Là où Deep Blue connaissais toutes les configurations possibles du jeu d’échec, la complexité du jeu de Go ne permettait pas à AlphaGo d’emmagasiner une telle quantité de données. Pour perfectionner le programme, Google a doté AlphaGo de facultés d’apprentissage. Plus la machine joue, plus elle s’améliore… Mais là où la démarche va encore plus loin, et démontre la force de l’I.A., c’est avec Libratus, un programme capable de jouer au poker, ou du moins pas tout à fait. En 2017, des chercheurs de la Carnegie Mellon University mettent au point Libratus. A la différence de ses cousins Deep Blue et AlphaGo, il n’avait pas été doté d’anciennes parties de jeu, non, il lui avait simplement été transmis les règles du poker. Pour le tester, Libratus a pris part à un concours de vingt jours à Pittsburg. En analysant chaque soir la totalité des parties jouées dans la journée, le programme a appris à jouer et même à bluffer. En vingt jours, Libratus était devenu le meilleur joueur de poker de tous les temps. On l’a vu, les capacités de l’intelligence artificielle sont extraordinaires. Pourtant il ne semble exister aucun de ces outils dans le milieu de l’architecture. Notre matériau de recherche s’appuie sur des écrits en rapport avec ce qu’on appelle la computation – qui consiste (vulgairement) à retranscrire l’intégralité du réel (et par là même, de l’intangible) en des données traitables infor2 Traduit de l’anglais : « Dans la plupart des cas dans la vraie vie, les récompences extrinsèques à l’I.A. sont très dispersées les unes des autres, voire absentes. Dans ces cas ci, la curiosité peut servir de signal de récompense intrinsèque poussant l’agent à explorer son environnement et apprendre des compétences qui pourraient lui être utiles plus tard dans sa vie. »
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matiquement. Pourtant, dans tous les écrits prônant l’avènement de telles machines qui nous ont été donnés de lire pour appuyer notre réflexion, presque tous cherchent à savoir de quelle manière l’I.A. pourrait centraliser les données diverses et variées auquel l’architecte se confronte chaque jour. Deux cas de figure s’esquissent à chaque fois : L’intelligence artificielle procurera à l’architecte un outil capable de l’aider à traiter un nombre toujours plus grand de données toujours plus complexes à prendre en compte. La relève de l’intelligence artificielle et l’automatisation totale est inévitable (Morel P., 2014). Dans le premier cas, et il est mis en avant en grande majorité, la réflexion s’arrête au simple outil manipulé par l’architecte. Dans le second, on s’accorde sur un point de vue purement progressiste sans s’intéresser à prouver que ce qui est dit soit atteignable : la limite de l’I.A. à pouvoir quantifier des choses de l’ordre du qualitatif et de l’immatériel n’est jamais stipulée. N’a donc jamais été évoqué la question de la faisabilité d’une machine capable de telles prouesses. Jusqu’à présent, il semble que personne n’ait exprimé s’il était possible à l’intelligence artificielle de s’appliquer à l’architecture en vue de la dimension qualitative qui la compose. Cette absence de réponses (ou de considération) nous pousse à nous demander quelles seraient les possibilités pour l’intelligence artificielle à remplacer l’architecte humain tout en proposant des projets d’une qualité égale, voir supérieure ? Si l’on se réfère à Michelin, il semblerait que « ce qui relève de la création échappe à toute approche méthodique » (Michelin N., 2003, p.52) en y imputant les valeurs de la « poétique » et du « symbolique » (Michelin N., 2003, p.50). De fait, il semblerait que ces valeurs, qui relève de la dimension sensible ne soit jamais considérées comme attribuables à la machine. L’expression du sensible étant fondamentale à la production d’art nous pousse ainsi à penser que l’intelligence artificielle ne pourrait tout simplement pas remplacer l’architecte humain par son incapacité à ressentir et à produire du sensible. Ce travail a nécessité beaucoup de recherches dans des domaines très variés tel que les nouvelles technologies et la philosophie. Aussi, il n’a été rencontré presque aucune documentation sur les sujets tels que celui que nous allons traiter. Ce mémoire a donc également pour but d’aider à la création de matériaux exploitables sur une thématique peu abordée dans le domaine de l’architecture : l’automatisation par l’intelligence artificielle. Pour commencer ce travail, nous nous commencerons par définir les notions qui nous accompagneront tout le reste de notre production. Ensuite, nous 11
étudierons la façon dont le corps enseignant (architectes et autres professions liées) ainsi que les étudiants en école d’architecture appréhendent la discipline mais aussi de quelle façon ils perçoivent les I.A.s. Nous terminerons en manifestant de ce qu’il en retourne aujourd’hui
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Partie I
Architect(ur)e, Intelligence et « Architecte-Robot » (Courtieux G., 1969, p.10)
Comme nous avons pu le voir dans l’introduction, ce thème met en relation des termes complexes. Afin de structurer notre propos, il semble important de les délimiter en leur apportant des définitions puisqu’elles nous suivront tout le long de cette réflexion. En effet, s’il est légitime de se demander si l’I.A. remplacera l’architecte humain, il l’est tout autant de savoir ce que sont l’architecture et l’intelligence artificielle dans le but de pouvoir décrire ce que serait finalement une I.A. architecte, en quoi elle consisterait, ce qui la caractériserait.
Architecture, Architecture et Architecte « L’Architecture est tout-à-la-fois une science et un art : comme science, elle demande des connaissances ; comme art, elle exige des talents : le talent n’est autre chose que l’application juste et facile des connaissances, et cette justesse et cette facilité ne peuvent s’acquérir que par exercice soutenu, par des applications multipliées » (Durand J. N. L., 1809, p.1). Si cette définition date de plus de deux siècles et qu’elle semble toujours valable aujourd’hui (et on sait que l’architecture s’est vue attribuer de nombreuses définitions au fil des âges), c’est car Durand met en évidence de manière très juste les deux valeurs fondamentales intrinsèques à l’architecture. Il met en avant ce dont elle doit être faite, et non ce qu’elle doit produire. C’est là-dessus que se rattache Melvin Charney lorsqu’il nous dit que « l’architecture est une réalité imaginaire qui dit et quelquefois suggère le non-dit, dont les racines théoriques se retrouvent aussi bien dans les sciences sociales que dans les sciences économiques, mais qui demeure également un art » (Sosoe L. K., 1994, p.51). Ainsi, comme le disent Durand et Sosoe, elle est à sa base la plus irréductible une science et un art, mêlant connaissances et talents. Pour les décrire par type, l’architecture concentre des données à la fois qualitatives (art) mais également quantitatives (science). Si l’architecture est en partie définie comme étant en partie composée d’une science, elle est bien plus souvent décrite comme composée d’art. Or, pour ce qui est de l’art, Kant dit que « Les arts figuratifs ou les arts de l’expression des Idées dans l’intuition des sens (…) sont ou bien l’art de la vérité sensible ou bien l’art de l’apparence sensible » où il place l’architecture dans la « première 14
espèce des beaux-arts figuratifs » (Kant E., 1990, p.224). Cela signifie que l’art se définit comme une épreuve sensible où l’architecture en est une expression. S’il est possible de définir ce qui fait l’architecture, il est difficile de réellement définir ce qu’est l’architecture, « Parce que la langue de l’architecture n’étant pas celle des mots, on ne peut qu’éprouver l’architecture, qui existe par sa simple présence. »3. Néanmoins, il est possible de donner une définition de l’architecte et de ses responsabilités, de son éthique ou plutôt de sa politique : « L’éthique n’est pas l’affaire de l’architecte, du moins en tant qu’architecte. Elle est l’affaire de l’homme en tant qu’homme. En revanche, ce qu’on met à tort sous le nom d’éthique concerne tout à fait l’architecte et relève de ce qu’on pourrait appeler une politique de l’architecture » (Ghitti J.-M., 2000, p.209). Cet engagement passe entre autres par l’apport de solutions qualitatives : « le civisme architectural n’est pas seulement de participer à l’action politique, il est aussi dans l’expression politique. L’architecture peut refléter les modes de vie, l’évolution des mœurs, les aspirations des gens » (Ghitti J.-M., 2000, p.212). Et ce reflet des « modes de vie » et des « aspirations » des gens s’exprime, par la dimension qualitative à une réponse adéquate, dans une anticipation des modes de vie et cultures d’habiter de l’individu, à se demander qui va habiter le projet et se mettre à sa place pour mieux répondre à ses attentes, lui proposer une solution adaptée, simple, spécifique et juste. Bien que « [l’]architecte [ne soit] pas chargé du bonheur des gens » (Dufau P., 1989, p.184), il ne doit pas pour autant négliger leur bien-être (Michelin N., 2003, p.47). Pour cela, le travail de l’architecte ne se limite pas à l’artéfact architectural lui-même : « [Le projet] se nourrit de nombreuses analyses et observations qui sont extérieures au champ propre de l’architecture. (…) Il prendra ou non en compte des éléments qui ne sont pas explicitement précisés dans le cahier des charges mais sont en fait tout aussi importants » (Michelin N., 2003, p.45). De fait, pour parler des « œuvres architecturales », comme on les nommait à l’époque (Peyre A. F., 1818), tels sont les éléments a minima nécessaire à prendre en compte pour y prétendre parvenir : le Programme, le Site, l’Espace, la Lumière, la Structure, le Confort, le Durable, les Matériaux, les Réseaux, l’Enveloppe, la Construction, l’Orientation et la Forme. (Michelin N., 2003, p.44‑52). Par cette notion de Poétique que Michelin avance par la suite, il est possible au mieux de distinguer la technique (la science) et le sensible (l’art) dont nous parle Durand : « Un bâtiment peut satisfaire à l’ensemble des critères qui viennent d’être évoqués (…) et pourtant être ressenti comme ennuyeux. Non pas qu’il soit « raté » mais, en le parcourant, on ne ressent rien – ou plutôt on ressent comme un 3
Conférence de Vincen Cornu à la maison de l’architecture le 07/10/2009
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manque, une absence de magie. C’est ici qu’intervient le dernier critère, qui englobe tout : le poétique, le symbolique. Cela n’est pas quantifiable, et tient essentiellement à la volonté, à l’inspiration et au talent de l’architecte » (Michelin N., 2003, p.50). De cette manière, on peut dire que le travail de l’architecte ne relève pas du fait de construire mais de faire de l’architecture. Nous avons pu voir que l’architecture se définit autant en tant que science qu’en tant qu’art : elle est une mise en œuvre couplée de technique et de sensible (Durand J. N. L., 1809). Ce qu’il faut comprendre c’est que l’architecture est architecture en tant qu’œuvre d’art technique ; elle est intrinsèque à elle-même. Par là-même, l’architecte ne produit pas nécessairement de l’architecture. L’architecte ne produit de l’architecture que s’il met en œuvre ces deux critères simultanément. L’architecture ne se crée pas d’elle-même, c’est l’architecte qui en est à l’origine par la mise en œuvre sensible des matériaux qu’il confond avec leurs caractérisations physiques propres. L’architecture n’est que l’appréciation du respect de cette mise en œuvre par l’architecte.
Intelligence Humaine et Artificielle S’il apparait que les notions d’architecture et d’architecte sont anciennes et ont subi des évolutions (on rappelle que la plus ancienne trace du mot « architecte » date du Ve siècle avant J.-C.), la notion d’intelligence artificielle est bien plus jeune, elle remonte aux années cinquante. Mais pour autant, qu’est-ce qu’est réellement l’intelligence artificielle ? Nous sommes en droit de nous le demander. En effet, la notion est, aujourd’hui - et comme beaucoup d’autres notions – utilisée à outrance, si bien qu’il est difficile de savoir ce dont il en retourne réellement. Nous commencerons donc par clarifier tout cela… L’intelligence artificielle (ou I.A.) est, selon l’encyclopédie Larousse, « l›ensemble des théories et des techniques mises en œuvre en vue de réaliser des machines capables de simuler l›intelligence ». Plus que l’« intelligence » de manière générale, on parle ici de l’intelligence humaine. On l’a vu plus tôt, Marvin Lee Minsky (chercheur au MIT) et John McCarthy (chercheur à Stanford), en 1956, définissaient l’intelligence artificielle comme suit : « Tout programme informatique qui accomplit des tâches normalement réservées aux Hommes du fait de leurs capacités intellectuelles. Il s’agit d’un programme sensé être doté de facultés comme l’apprentissage ou l’adaptation, et même d’une forme de raisonnement ». Selon eux, l’intelligence artificielle 16
serait donc en somme une machine capable de répliquer les facultés intellectuelles humaines, voire de les dépasser : « Le créateur d’autrefois se trouvait en quelques sortes debout sur les épaules de ses prédécesseurs, nourrit des connaissances transmises par la tradition il pouvait dans une certaine mesure se soustraire à la responsabilité de prendre des décisions. Le créateur aujourd’hui est en face de problèmes qui atteignent un niveau de complexité hors de portée de son intuition et où les quantités d’information sont telles qu’il est impossible même à l’intelligence du plus doué de les traiter. » (Courtieux G., 1969, p.13). Ce qui est mis en évidence par Courtieux est l’incapacité de l’homme à pouvoir assimiler les quantités d’information innombrables auxquelles nous devons nous confronter aujourd’hui. Là où la machine peut traiter plus centaines de gigas de données, le cerveau humain n’est pas capable de les retenir et de fait est encore moins capable de les traiter. De tels programmes sont aujourd’hui nécessaire à l’accomplissement des tâches que nous entreprenons et l’I.A. plus que les softwares semblent être la prochaine étape de cette évolution technologique. En effet, il ne faut pas confondre l’I.A. avec les softwares, les logiciels (de dessins, pour les architectes, par exemple) que l’on trouve encore aujourd’hui partout. Bien que leurs capacités de traitement de l’information soit déjà supérieure à celle d’un cerveau humain (dans certains cas), « il faut distinguer le digital (la première révolution numérique avec l’émergence d’internet) du computationnel (le calcul) : « Cette deuxième révolution, que nous vivons, acte la banalisation d’internet. Pour schématiser, le digital correspond aux premières heures de la CAO [conception assistée par ordinateur, NDLR] tandis que le computationnel renvoie aux capacités des ordinateurs à calculer massivement et à agir, réagir, interagir de manière autonome. » (Degioanni (J.-F.), 2018). C’est donc sur le traitement autonome des données que se crée la distinction entre software et I.A.. L’autonomie d’une I.A. n’est pas celle d’un logiciel permettant le calcul de l’ensoleillement, de la surface de plancher ou autre que des logiciels d’architecture (comme ceux de géants tel qu’Autodesk ou Abvent) peuvent proposer, non. Il est possible de parler d’I.A. à la condition qu’il ne sera pas nécessaire de demander ces données au software ; elle s’occupera de déclencher le calcul à notre place. Une I.A. fournirait les données d’ensoleillement ou les surfaces de plancher par elle-même, sans que personne n’ait besoin de manipuler l’I.A. de manière à ce qu’elle fournisse ces informations. C’est sa condition « autonome » qui la différencie du software. Pour être plus clair, reprenons l’exemple de la surface de plancher : une personne lambda voulant connaitre la surface de son plancher va devoir, à chaque 17
fois qu’elle veut la connaitre devoir aller cliquer sur l’outil du logiciel qui la calcule pour lui. Dans le cas d’une I.A., la demande perpétuelle des surfaces de plancher va être enregistrée et, à partir d’un certain nombre de répétitions, l’I.A. va d’elle-même « cliquer » sur l’outil. L’utilisateur n’aura plus besoin de le faire, l’I.A. aura « compris ». Il ne s’agit ici que d’un exemple qui tente de vulgariser le fonctionnement d’une I.A.. Pour reprendre le cas de Deep Blue (software) et d’AlphaGo (I.A.) on a d’un côté le logiciel Deep Blue à qui on a appris préalablement les parties et les combinaisons d’une partie d’échecs, là où AlphaGo a appris à partir d’une certaine quantité de parties préenregistrées, mais aussi, il s’est amélioré à force de jouer : il a appris à jouer de mieux en mieux, jusqu’à battre un des champions du monde. N’étant pas expert en la matière, je ne m’avancerai pas à décrire le système algorithmique ou l’exactitude des manières d’opérer de tels systèmes. S’il est bien une chose qu’il faut retenir ici est, qu’à la différence d’un software, l’I.A. apprend. S’il lui est possible de faire une telle chose, c’est en partie grâce au RL ou Reinforcement Learning (Jaderberg M., V. MNIH, et al., 2016 ; Karpathy A., 2016 ; Andrychowicz M., F. Wolski, et al., 2017 ; Gudimella A., R. STORY, et al., 2017), qui donnent cette faculté d’apprentissage à la machine. Pour autant, les DNN rencontrent encore quelques problèmes, étants toujours en développement (Zhang C., S. Bengio, et al., 2016 ; Arpit D., S. Jastrzębski, et al., 2017 ; Shwartz-Ziv R. et N. Tishby, 2017). Aussi, tout ceci est rendu possible par un système de « curiosité » (Curiosity driven exploration) qui amène, qui pousse l’I.A. à explorer aléatoirement différentes pistes et les enregistrer, de manière à pouvoir les réutiliser par la suite si nécessaire (Karpathy A., 2016 ; Dubey R., P. AGRAWAL, et al., 2018). Pour résumer de manière simple et compréhensible, l’intelligence artificielle se définie comme une machine imitant la cognition humaine tout en surpassant de loin ses capacités, et étant capable d’évoluer, de s’adapter en se modifiant elle-même. Cette capacité d’évolution par adaptation en ferait plus qu’une machine à imiter. L’I.A. serait en réalité une machine dotée d’une cognition au moins égale, si ce n’est bien supérieure à celle de l’homme.
I.A.rchitecte De cette même manière, une I.A.rchitecte serait une I.A. capable d’imiter l’architecte humain. En fait, elle ne se contenterai pas d’imiter, elle serait une I.A. architecte à part entière. Elle serait architecte au même titre que l’homme, voire peut-être supérieure à lui. Soyons clairs, cela n’existe tout simplement pas pour le moment. Il n’y a aucun « architecte-robot-qui-sait-tout » (Courtieux G., 1969, p.10) qui soit à ce jour. Et même s’il on pourrait venir à penser que cela est du au fait que « le milieu de l’architecture est bien sou18
vent le dernier à profiter de l’innovation » (comme on l’entend dans toutes les bouches), or il n’est pas tout à fait vrai. « Le contexte socio-culturel du début des années 60 est singulier: La cybernétique, cette méta-science basée sur la théorie du traitement des informations, imprègne la culture informatique et les esprits. Elle se retrouve ainsi dans des projets d’architecture » (Morandi C., 2010, p.147). Très tôt, des architectes comme notamment Paul Quintrand commencent à s’intéresser aux nouvelles technologies. Ce dernier, à partir d’une réflexion personnelle se figure qu’ « il devrait y avoir une possibilité pour l’architecte de formaliser et de renseigner les dessins au fur et à mesure de leur production » (Morandi C., 2010, p.148). Cette idée que l’architecte puisse transmettre ses réflexions à la machine est ce qui nous intéresse ici. Plus qu’un outil de l’architecte, le fait que l’I.A. puisse se doter d’une telle réflexion et d’une indépendance vis-à-vis de l’homme est ce qui nous intéresse plus particulièrement. Comme Morel le dit : « The theory holds that robots and machines are the Neo-Ruskinian gadgets of those types of architects who are incapable of accepting their own obsolescence, as convinced of their own infallibility as booksellers as they are of the need of a greater human touch than the algorithms of Google and Amazon. Of course, reality proves every minute that the opposite is true, and a mere glance at the situation in architecture finds itself and shows the extent of this misjudgment. Indeed, virtually all architecture can be described as a pastiche business, in which a few often basic outlines or elementary lines of scripts result in thousands of buildings, just as the sperm of a few prime bulls results in millions of other bulls intended for the food chain. »4 (Morel P., 2014, p.84) Mettons-nous d’accord sur le fait que l’I.A. en question n’est pas de l’ordre de la construction, nous nous concentrons sur la phase de projet, qu’on pourrait nommer de phase conceptuelle et qui s’arrête au moment où la réalisation commence. On ne s’intéresse aucunement à la faculté de l’I.A. à savoir empiler des briques jointées de mortier. Ce qui nous importe particulièrement est la phase de réflexion, qui relève de l’imagination du projet dans sa phase conceptuelle, comprise entre l’émergence d’une idée et la fin de la phase d’esquisse. 4 Traduit de l’anglais : « La théorie soutient que les robots et les machines sont les gadgets néo-Ruskiniens du genre d’architectes incapables d’accepter leur propre obsolescence, convaincus de leur infaillibilité de la même manière que pour libraires revendiquent la nécessité d’une touche humaine plutôt que du recours aux algorithmes de Google et d’Amazon. Bien-sûr, la réalité prouve chaque minute l’inverse, et un simple coup d’œil à la situation en architecture s’y retrouve également et montre l’étendue de cette erreur de jugement. En effet, virtuellement toute architecture peut être décrite comme un pastiche au sein duquel souvent, quelques grandes lignes basiques ou élémentaires de script résultent en des milliers d’édifices, de la même manière que le sperme de quelques taureaux pères résulte en des millions d’autres taureaux destinés à la consommation ». Le terme néo-Ruskinien vient de John Ruskin, qui dans son ouvrage The Seven Lamps of Architecture (Les Sept Lampes de l’Architecture), de 1849, s’oppose à Viollet-le-Duc sur la question de la restauration des bâtiments. Il défend la non-restauration pour laisser l’histoire s’opérer, jusqu’à ce que le bâtiment « meurt » et le fait qu’il faille accepter qu’il ait une fin (Wikipédia, 2019).
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En d’autres termes, l’I.A. dont il est question ici est une machine-concepteur, capable d’esquisser un projet et de le porter à maturité : une I.A.rchitecte. Bien qu’une telle machine n’existe pas, comme on l’a dit plus tôt, il s’agit tout de même de ce dont il est question dans ce mémoire : une I.A.rchitecte est une I.A. qui se doit d’être dotée d’une fibre artistique et/ou architecturale, celle là-même que celle d’un architecte humain. L’I.A.rchitecte serait ainsi une machine dotée d’une cognition au moins égale, si ce n’est bien supérieure à celle de l’homme lui permettant, une mise en œuvre couplée de technique et de sensible. Cette dernière dimension passe par la mise en œuvre sensible des matériaux qu’il confond avec leurs caractérisations physiques propres. A travers ces critères, l’I.A.rchitecte serait apte à produire de l’architecture. L’I.A. étant déjà capable de mobiliser les compétences scientifiques requises, l’I.A.rchitecte doit être à même de pouvoir créer ce qui fait que l’architecture est également un art : du sensible.
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Partie II
« Aux architectes du XXIe siècle, s’il en reste… » (Dufau P., 1989, p.7)
Avant de pouvoir affirmer ou infirmer de manière objective s’il est possible qu’apparaisse un jour une I.A.rchitecte, remplaçant l’architecte humain dans sa tâche, et plus précisément dans sa capacité à produire du sensible ; il semble intéressant de se rattacher aux avis – à la subjectivité – des étudiants et enseignants en école d’architecture sur le sujet. On s’intéresse à savoir ce qui fait l’architecture pour eux, et ce qui limiterai l’I.A. à en faire de même : pour quelles raisons l’I.A. ne pourrait-elle pas produire d’architecture ? Car avant tout, il s’agit de savoir pourquoi une I.A. ne serait-elle pas capable de produire de l’architecture ? Cette partie est dédiée à l’analyse des réponses soumises par plus de troiscent cinquante étudiants et quelques enseignants en école d’architecture en vue des questions qui leur ont été posées. Elle aura pour but de répondre à notre interrogation précédente.
Démarche de l’enquête L’enquête se présente sous la forme d’un petit questionnaire de deux réponses simples et fermées ainsi que d’une troisième, elle ouverte, facultative et qui vient prolonger la question précédente en fonction du choix de réponse. Les questions proposées étaient les suivantes : Considérez-vous l’architecture (et plus précisément la conception architecturale) comme de l’art ? Pensez-vous que l’I.A. (ou comme on se la représente plus communément: les machines, les robots) seront un jour capable de remplacer l’architecte humain ? En d’autres termes, les I.A. pourront-elles concevoir des projets d’architecture sans l’intervention, l’aide d’êtres humains ? Si la réponse est négative, pourquoi ? (Facultatif) Le support proposé pour ce formulaire est numérique et le formulaire a été réalisé avec Google Forms, un outil gratuit fourni par Google permettant de créer et partager facilement des questionnaires en ligne. Le questionnaire a été fait en deux exemplaires. L’un s’adressant aux étudiants en école d’architecture, le second aux enseignants en école d’architecture. 22
Le lien vers le questionnaire destiné aux étudiants a été partagé via Facebook sur le groupe Primo ARCHI qui ne recense pas moins de 26.000 membres partagés entre toutes les ENSA de France. « Cette page a pour but de créer des liens entre les différents étudiants des ENSA de France et de Navarre. Afin de favoriser: des échanges sur nos travaux, des déplacements qui pourrait s’effectuer d’une école à une autre... » (Primo ARCHI, 2013) Le lien vers le questionnaire destiné aux enseignants a été partagé depuis Zimbra, le mail électronique fourni par l’ENSA Grenoble et le lien a été partagé par l’auteur aux membres du corps enseignant dont l’adresse était disponible sur le site. Par la suite, le lien a été repartagé par certains vers d’autres ENSA. En raison du temps imparti et des difficultés à pouvoir acquérir les adresses e-mail de professeurs dans d’autres écoles que celle de l’auteur, le nombre de réponses est assez faible (25 individus). Dans le cas où l’étude serait amenée à être reproduite, il faudra prendre en compte ce paramètre et ne surtout pas le négliger. Néanmoins, du côté des étudiants, le réflexe à ce genre de requête étant plus développé, le nombre de réponses a atteint un niveau plutôt significatif car l’effectif atteint les 359 individus. Pour les raisons du caractère scientifique que poursuit ce mémoire, l’enquête a été réalisée en aveugle. Il n’était donc pas possible de connaitre le nom, le sexe, la raison sociale, la raison ethnique ou encore l’ENSA des participants afin de rester le plus neutre face aux résultats. Le questionnaire n’est plus accessible et n’a été accessible que durant quelques semaines. Les données ont ensuite été récupérées et non allons tenter ensemble de voir ce qu’il en ressort. Pour la dernière question, les réponses libres ont été analysées en amont puis classées en différentes catégories. Nous reviendrons plus tard sur ces réponses (disponibles en Annexes 1 et 2) et sur leur méthode de classification. Pour simplifier les termes, les questionnaires destinés aux étudiants en école d’architecture seront nommés « Étudiants ». Pour le corps enseignant en écoles d’architecture on utilisera « Enseignants »
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Questionnaire « Étudiants » Résultats
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N.B. : Les réponses au questionnaire sont disponibles en Annexe 1 où les réponses sont colorées pareillement aux colonnes des familles de la fig. 4 (ex : les parties entrant dans le champ de la famille « L’architecture est propre à l’homme, elle relève du sensible » sont identifiées par la couleur violette, voir ci-après – les parties laissées en noir indiquent que le propos ne répond pas à la question).
Le jeu des cinq familles Avant de commencer à interpréter les résultats présents sur les quatre figures ci-avant, il est important de s’arrêter sur les familles de réponses identifiées dans la figure 4 et de préciser de quelle manière elles ont été déterminées. Il faut bien noter que sur les 249 réponses négatives à la question de la figure 2, seul 152 individus ont laissé un commentaire pour étayer leur réponse. Aussi, 26
dans chaque commentaire il est possible de retrouver plusieurs familles de réponses. La figure 4 présente donc la proportion de chaque famille (en pourcentage) présente sur les 152 réponses. Les résultats de chaque famille sont donc à considérer indépendamment les unes par rapport aux autres. Il en existe cinq (ainsi que des parties laissées en noir) que nous allons présenter ci-dessous et qui seront développées plus tard. Ce chiffre est non exhaustif, ne sont présent que cinq famille car seul cinq cas de figure sont représentés dans les commentaires émis : En violet : L’architecture est propre à l’homme, elle relève du sensible En bleu : L’I.A. serait capable d’une totale autonomie mais ses propositions seraient vides de sens En gris : Il y a un certain refus (par inutilité ou crainte) de l’usage et du développement des I.A.s En vert : L’I.A. nécessiterait d’être supervisée par l’Homme, elle n’est qu’un outil En orange : Il y a une limite (technologique) à la création d’une telle I.A. (ou impossible avant très longtemps) En noir : une partie du propos qui n’exprime aucun élément de réponse à la question (du fait de leur nature « hors sujets » ces éléments ne sont pas considérés comme famille de réponse dans cette enquête) Nous nous appuierons sur quelques réponses proposées par les étudiants pour mieux rendre compte du choix des différents types de familles et les légitimer « Ce qui est intéressant, et probablement le plus important, à mon sens dans un projet, est la réflexion que nous menons durant la conception de celui-ci. Notre démarche architecturale dépend de nos envies, notre caractère et nos préférences architecturales, (peut être notre style aussi qui s’affine au fur et à mesure des années d’études) et notre compréhension du sujet. Est-ce que les I.A seraient capable de reproduire une démarche aussi personnelle que celle que nous menons chaque jour ? Est-ce que les I.A ont une sensibilité comme la nôtre ? Les I.A peuvent être programmés pour répondre à une demande architecturale et je pense qu’avec l’avancée majeure dans ce domaine, il est tout à fait possible qu’ils soient en capacités de créer un projet architectural correspondant avec la demande mais ils ne pourront jamais avoir la personnalité d’un Homme, qui rend à mon sens l’humain aussi unique. Donc non pour moi l’architecte ne pourra jamais être remplacé par un I.A. Après vous comparez l’architecture à l’art, et je trouve ça très inté27
ressant car ce sont deux disciplines étroitement liées (selon moi). Aujourd’hui, dans le monde de l’art, des artistes utilisent des robots pour les aider dans leur processus de création. Mais l’artiste reste très présent, il est toujours maître de son œuvre. Peut-être que les architectes pourraient en faire autant. Je pense que ces nouvelles technologies pourraient nous aider dans notre quotidien. Et finalement n’ont-elles pas déjà commencé à entrer avec les lasercuts ou les imprimantes 3D ? De plus pour revenir à la question de l’architecte remplacé par un I.A, je pense que, que ça soit dans du public ou du privé, même si je pense que le privé correspond mieux à cet exemple, quand un maître d’ouvrage vient trouver un architecte, c’est un peu comme un tatoueur et son client, il va regarder le style, être sûr qu’il correspond à ses attentes. Et je ne pense pas que les I.A puissent correspondre à cette demande... peut-être devriez-vous ouvrir ce questionnaire à des promoteurs ou clients susceptibles de faire appel à un architecte pour connaître leur avis en tant que maître d’ouvrage ? » Notons d’abord que si la réponse contient plusieurs paragraphes différents attribués à une seule famille (comme dans le cas ci-dessus de la famille violette), cette famille n’est comptée que comme une occurrence. Chaque réponse ne peut comporter qu’une occurrence de chaque famille. On ne s’intéresse qu’à savoir quelle(s) famille(s) est(sont) convoquée(s) dans le propos des étudiants. Le premier cas choisi (Annexe 1, page x, n°79) exprime bien la diversité des familles qui peuvent être convoquées au sein d’une seule réponse… « Je pense qu’il faut une part de créativité humaine que les robots n’ont pas... De plus chaque architecte a sa vision de l’architecture, sa propre sensibilité, sa propre «patte» tandis que les machines ne seraient susceptibles que de proposer des projets qu’on leur aurait programmer ou très simples. Cependant, peut-être que cela serait possible, mais alors je pense qu’il faudrait que la machine acquière beaucoup d’expérience et fasse beaucoup de projets (très basique mais en améliorant quelques petites choses par ci par là) pour pouvoir proposer un projet plus «original». A voir avec l’évolution technologique... » Dans cette autre réponse (Annexe 1, page v, n°33), on voit entre autres apparaître la dernière famille identifiée par la couleur orange… La pluralité des réponses nous impose une catégorisation qualitative afin de pouvoir en tirer une analyse claire des types d’idées fortes qui en ressortent. 28
On rappelle ici qu’il ne s’agit que d’avis personnels et que les conclusions qui en seront tirées ne pourront nullement être utilisées comme vérité scientifique absolue pour répondre à notre question. Ceci ne veut pas dire que toutes ces réponses ne sont pas moins vraies pour ceux qui les ont écrites. L’étude permet simplement de nous éclairer sur la pensée commune au sein de la population des architectes en devenir. Les familles ont donc été découpées comme suit : Pour la famille « L’architecture est propre à l’homme, elle relève du sensible » (violet), les étudiants évoquent les champs lexicaux de la sensibilité et/ou de l’émotionnel comme propres à l’homme, l’I.A. y est décrite comme en étant dépourvue. Elle ne serait pas non plus capable de percevoir les aspects sensibles ou culturels des hommes ou encore ne pourrait faire preuve d’intuition. Pour la famille « L’I.A. nécessiterait d’être supervisée par l’Homme, elle n’est qu’un outil » (vert), est remise en cause la capacité de l’I.A. à pouvoir intégrer tous les paramètres, toutes les contraintes que l’on retrouve dans le projet, la machine nécessiterai une supervision humaine pour pouvoir fonctionner. Elle ne pourrait pas être une machine autonome, mais seulement un outil au service de l’architecte humain. Pour la famille « L’I.A. serait capable d’une totale autonomie mais ses propositions seraient vides de sens » (bleu), on remet en question la capacité de l’I.A. à produire de l’architecture. On envisage qu’elle soit capable de faire des bâtiments mais pas d’architecture au sens « art de construire » comme définit dans le Larousse et le Petit Robert. L’idée dégagée penche vers des constructions fonctionnelles sans « cette chose en plus qui fait qu’un bâtiment plaît et/ ou impressionne» (Annexe 1, page ii, n°1). L’I.A. ne créerait pas de nouveauté et s’enfermerait même dans une standardisation et une normalisation. Pour la famille « Il y a une limite (technologique) à la création d’une telle I.A. (ou impossible avant très longtemps) » (orange), est simplement remis en cause la faisabilité de l’I.A. architecte ; que ce soit par limite technologique, humaine (fin de l’homme avant une telle avancée technologique) ou de ressources. Enfin, pour la famille « Il y a un certain refus (par inutilité ou crainte) de l’usage et du développement des I.A.s » (gris), on voit une certaine remise en doute de la pertinence d’une telle I.A., par souhait que ça n’arrive pas (peutêtre par peur) ou encore par conviction affirmée qu’il est impossible de créer une I.A. architecte. On voit donc que le choix de ces cinq familles se construit sur des pistes de réflexion différentes et surtout sur diverses raisons émises pour invalider la faisabilité de l’I.A. architecte.
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Interprétation Aux vues des commentaires soumis ainsi que des familles dans lesquelles ils s’inscrivent, s’il est une typologie, et même deux qui ressortent du questionnaire, ce sont les suivantes : les étudiants en architecture considèrent bien la discipline architecturale comme une discipline artistique (à 84% du moins, cf. fig. 1) et ils pensent que l’I.A. ne serait pas capable de remplacer l’architecte humain. En d’autres termes, que les I.A. ne pourraient pas concevoir de projets d’architecture sans l’intervention, l’aide d’êtres humains (à près de 82%, cf. fig. 2) Néanmoins, on voit sur la figure 3 que parmi les étudiants considérant l’architecture comme discipline artistique, une proportion légèrement plus faible que celle générale (fig. 2) – mais toujours relativement conséquente avec presque trois-quarts des suffrages – considère que l’architecte humain n’est pas substituable par l’I.A.rchitecte Ce que permet d’observer la mise en commun des figures 3 et 4 est qu’au-delà d’avoir répondu oui à la première question, ils répondent à 59% négativement à la deuxième, tout en exprimant le fait que l’I.A. ne puisse produire de sensible, qu’elle soit dénuée de toute fibre artistique à la question trois. Si on reporte ces 59% à la figure 1, on s’aperçoit alors que la moitié des étudiants pensant qu’il ne puisse exister de robot architecte le tiennent directement du fait qu’ils considèrent l’architecture comme une discipline artistique. Bien sûr, il faut rester critique sur ces résultats. L’échantillon étant basé sur une population de 359 individus et les commentaires de la question trois ne concernant que 152 réponses sur un potentiel de 249 interrogés il faut savoir prendre du recul et ne pas revendiquer ces résultats comme une généralité applicable à l’entièreté des étudiants en école d’architecture en France. Néanmoins, l’échantillon étant tout de même un minimum conséquent il n’est pas inconcevable de penser qu’une plus large étude démontrerait des résultats assez proches de ceux obtenus ici.
Questionnaire « Enseignants » Pour le deuxième questionnaire, la taille de l’échantillon soulevé par l’enquête auprès du corps enseignant au sein des écoles d’architecture étant considérablement faible : 25 individus, il est inutile de préciser qu’il sera impossible d’en tirer des typologies. L’enquête en elle-même ne présente que peu d’intérêt à être partagée. Néanmoins, dans un souci de démarche scientifique, il est toujours intéressant d’en faire part. De plus, une donnée intéressante, que nous développerons ultérieurement mérite qu’on y prête un peu d’attention. 30
Résultats Bien que la démarche et les questions soient les mêmes que pour le questionnaire « étudiants », celui-ci aurait également tenté de mettre en évidence les différences (si tant est qu’il y en ait) entre les enseignants architectes et les enseignants originaires d’autres formations. Il aurait été ainsi intéressant de voir si une typologie forte comme celle que l’on vient de voir chez les étudiants en architecture se manifestait chez des architectes praticiens, mais aussi si elle était partagée ou non par les praticiens d’autres formations. S’il est une donnée qu’il aurait été intéressant de pouvoir analyser, et bien que ce soit malheureusement impossible en ce cas, il s’agit bien de celle-là.
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I. Considérez-vous l’architecture (et plus précisément la conception architecturale) comme de l’art ?
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II. Pensez-vous que l’I.A. (ou comme on se la représente plus communément: les machines, les robots) seront un jour capable de remplacer l’architecte humain ? En d’autres termes, les I.A. pourront-elles concevoir des projets d’architecture sans l’intervention, l’aide d’êtres humains ?
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III. Pensez-vous que l’I.A. (ou comme on se la représente plus communément: les machines, les robots) seront un jour capable de remplacer l’architecte humain ? En d’autres termes, les I.A. pourront-elles concevoir des projets d’architecture sans l’intervention, l’aide d’êtres humains ? Si la réponse est négative, pourquoi ?
N.B. : Les réponses au Questionnaire « Enseignants » sont disponibles en Annexe 2 où les réponses sont colorées de la même manière que pour le Questionnaire « Étudiants »
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La sixième famille Il est intéressant de noter – et les résultats du questionnaire « enseignants » sont en partie énumérés pour cette raison – qu’un commentaire mérite de retenir notre attention. Si bien, qu’il a suscité la création d’une sixième famille : « Le travail de l’architecte sera requalifié » (bordeaux) à lui seul. En effet, ce commentaire est le suivant : « Car si c’est le cas, les architectes mutent et sont présents alors en programmation / génération des outils d’I.A. » (Annexe 2, page xxiii, n°5). Ce cas est bel et bien particulier. Même si de premier abord on pourrait penser à le ranger dans la famille « L’I.A. nécessiterait d’être supervisée par l’Homme, elle n’est qu’un outil » (vert), il apparait en réalité que le propos est autre. La phrase ne remet aucunement en cause la possibilité d’une I.A.rchitecte. En fait, il ne remet en cause aucune des familles à proprement parler. Néanmoins, il est envisagé – si vient l’avènement des I.A.s architecte – non pas une fin du métier d’architecte humain, mais sa reconversion en un élément fondamental de l’I.A.. Cette dernière serait donc plus un symbiote architecte/I.A.rchitecte ; les architectes sont à l’origine des I.A.rchitectes et ne peuvent exister sans eux. Voilà donc pourquoi nous approprions à ce commentaire une famille autre que les cinq déjà existantes, qui lui est propre.
Conclusion La famille « Le travail de l’architecte sera requalifié » n’ayant été émise que par un individu, il apparait néanmoins que les 359 étudiants interrogés considèrent à plus de 80% l’architecture comme de l’art. Il est intéressant de remarquer dans l’échantillon des enseignants, et plus spécifiquement des architectes (fig. 5b) que les avis sont plus mitigés. Sur le faible échantillon des 18 interrogés seule la moitié (8 pour être précis) émet le même avis. Si on extrapole ces résultats mitigés chez les « enseignants », l’écart avec les réponses des étudiants pourrait s’expliquer par la confrontation des enseignants au monde réel et à l’inflexibilité des normes bridant en partie la créativité par son incompatibilité avec la réalité ; et freinant grandement toute innovation (Michelin N., 2003, p.45). Dans le cadre de la question 2, les réponses des étudiants penchent à 69% vers l’incompatibilité entre I.A. et architecture. Pour les enseignants, on est également sur un même ordre de grandeur : 21 personnes sur 25 en général et 15 architectes sur 18 s’accordent là-dessus. On peut donc voir que cette étude met en avant la typologie suivante : Les architectes en devenir (et le peu d’architectes en fonction interrogés) 36
considèrent l’I.A. comme incapable de remplacer l’architecte humain. Aussi, les étudiants voient l’architecture comme de l’art et ceci explique l’incompatibilité entre I.A. et architecture par ce qui fait l’essence même de l’art : la sensibilité. Cette prise de position mettant l’aspect sensible au cœur du problème s’illustre bien par le propos de Zumthor aux premières pages de son livre Penser l’architecture : « Quand je pense l’architecture, des images remontent en moi. Beaucoup de ces images sont en rapport avec ma formation et mon travail d’architecte. (…) D’autres évoquent mon enfance. (…) je me revois longer le couloir obscur et entrer dans la cuisine, l’unique pièce véritablement lumineuse de la maison. (…) Ce n’était pourtant qu’une cuisine comme n’importe quelle autre. Tout y était comme dans n’importe quelle autre cuisine ordinaire. Mais c’est peut-être justement parce qu’elle avait cette manière presque naturelle d’être simplement une cuisine qu’elle est restée si présente dans ma mémoire comme l’incarnation d’une cuisine. L’atmosphère de cette pièce restera toujours associée pour moi à l’idée d’une cuisine. (…) De tels souvenirs portent en eux les impression architecturales les plus profondément enracinées que je connaisse. C’est en eux que se fondent les atmosphères et les images que je tente de sonder dans mon travail d’architecte. Quand je travaille à un projet, je suis à nouveau plongé dans des souvenirs anciens et à demi-oubliés et je me demande : comment cette architecture se présentait-elle, que signifiait-elle pour moi alors, qu’est-ce qui pourrait m’aider à faire resurgir cette atmosphère qui paraît gorgée de l’évidente présence des choses, où tout a la place et la forme qui convient ? (…) aucune citation directe d’une ancienne architecture ne saurait percer le secret d’une atmosphère chargée de souvenirs » (Zumthor P., 2010, p.7-8). Ce que soulèvent les mots de Zumthor sont les atmosphères, perçues sensiblement dès le plus jeune âge et s’inscrivant en nous inconsciemment, qui nous sont signifiantes sans qu’on ne puisse exprimer pourquoi et que l’on ressent naturellement. Dans ce même ordre d’idée, la pensée commune des reproches faites à l’I.A. exprime le fait qu’elle soit dénuée de qualités sensibles. Pour autant, on voit qu’il est considéré que la partie technique que l’I.A. maitrise déjà et qui est également nécessaire à l’I.A.rchitecte est énumérée dans près de 20% des commentaires des « étudiants » (famille bleue). Pour rappel, les catégories de familles sont complémentaires. Pour être classé dans la famille bleue, il faut explicitement exprimer une remise en question la 37
capacité de l’I.A. à produire de l’architecture. On envisage qu’elle soit capable de faire des bâtiments mais pas d’architecture au sens « art de construire » comme définit dans le Larousse et le Petit Robert. L’idée dégagée penche vers des constructions fonctionnelles sans « cette chose en plus qui fait qu’un bâtiment plaît et/ou impressionne» (Annexe 1, page ii, n°1). Cependant, si un commentaire rentre dans la catégorie violette, sans qu’on puisse le raccrocher à la famille bleue ne veut pas dire que ce n’est pas pensé implicitement. Nous ne conclurons pas sur le fait que tous ceux appartenant à la famille violette appartiennent de manière implicite à la famille bleue. Néanmoins, l’interprétation des résultats le laisse entendre. Ce qui ressort finalement est que l’I.A.rchitecte, si elle est décrite comme capable d’assumer la partie des sciences dont elle a besoin pour produire de l’architecture, ne serait tout simplement pas en mesure de comprendre et de produire du sensible.
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Partie III
L’I.A.rtiste : une machine sensible ? S’il est bien une chose qui est reprochée à l’intelligence artificielle, autant par les étudiants rencontrés dans le questionnaire que par les auteurs scientifiques, c’est son incapacité à produire du sensible, et par là même, de l’art. Songer à la possibilité d’une I.A.rtiste – qui à l’instar de l’I.A.rchitecte produisant de l’architecture, produirait de l’art – ne serait qu’un fantasme : « The middle sciences, like the arts, can be called sciences only by analogy. True sciences are concerned with universal reality and require absolute proof. Perspective and mechanics, on the other hand, are concerned with particular situations, and with contingent things. If we take into account how perspective and mechanics were really practiced, and not just how they are presented in textbooks or in projects, we may see them as arts, deeply influenced and informed by science. But unlike the sciences or the emancipated techniques, the arts deal with direct experience and with the probable. They belong to the primary mode of embodiment – to the visible world, which is the ultimate criterion of their meaning, relevance, and success. Indirect or partial mathematization could not change these conditions. This also shows the clear limits of the mathematization and technicization of the traditional arts. »5 (Vesely D., 1994, p.39-40). En somme, il faut comprendre là-dedans qu’il est impossible, par une formule mathématique magique, de produire de l’architecture ; il ne faut pas s’attendre à l’apparition d’un tel algorithme (Di Battista N., 2014, p.XI). Cette séparation entre art et technologie (et pour notre cas l’I.A.) est très présente en philosophie, si ce n’est peut-être exclusive. Cette pensée, largement défendue et défendable s’appuie bel et bien sur la qualité sensible immatérielle de l’architecture et de l’art ; en effet, « tous ces éléments, si difficiles à identifier et impossibles à quantifier, revêtent effectivement une importance 5 Traduit de l’anglais : « Les sciences intermédiaires, comme les arts, ne peuvent être nommées de sciences que par analogie. Les sciences pures s’interrogent sur la réalité universelle et nécessitent des preuves absolues. La perspective et les mécaniques, d’un autre côté, se basent sur des situations particulières, et dépendent des choses. Si l’on considère la manière dont son réellement pratiqués les perspectives et les mécanismes, et pas seulement la manière dont ils sont présentés dans les livres ou dans les projets, on pourrait les voir comme des arts, fortement influencés et informés par la science. Mais, à l’inverse des sciences ou des techniques émancipées, les arts sont en lien direct avec les expériences et le probable. Ils appartiennent au mode primaire d’incarnation – au monde visible, critère ultime de leur signification, pertinence et succès. La mathématisation indirecte ou partielle ne pourrait changer ces conditions. Cela montre également la limite nette de la mathématisation et la technisation des arts traditionnels ».
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critique pour l’avènement d’une architecture capable de transcender le mutisme des procédés technologiques réducteurs » (Pérez-Gómez A., 1994, p.24). Plus qu’une incompatibilité de l’architecture avec l’intelligence artificielle on voit ici plus une incapacité de l’I.A. à « comprendre » l’architecture et à pouvoir en produire. Il semble que « L’architecture n’est pas un travail d’ordinateur, mais un processus compliqué. Dans ce processus, cette conviction, implicite ou explicite, forme une condition pour arriver à une architecture responsable et créer de l’art, mais elle n’en est pas la garantie » (Bekaert G., 1977, p.IX). Dans le cas de cette « barrière technologique » produite par la dimension sensible, immatérielle et sous-entendue de l’art on serait tenté de répondre à notre problématique par un simple « non ». Pourtant, si la philosophie s’accorde sur cette réponse, les scientifiques eux penchent vers l’affirmative : « [l’architecte] doit agir sur le monde pour le transformer. Les manières d’y parvenir sont diverses et l’IA en fait partie » (Degioanni J.-F., 2018). En vue de ces prévisions pour notre futur, il semble intéressant de savoir sur quoi les chercheurs basent leur raisonnement ; sur quels faits s’appuient-ils ? En effet, et nous avons occulté un fait dans l’introduction, lorsqu’AlphaGo bat le champion mondial du jeu de Go Lee Sedol, en mars 2016, il joue un coup jusqu’alors jamais tenté. Le commentateur reproduisant les coups d’AlphaGo croit même avoir mal vu à l’écran, pensant s’être trompé en positionnant le pion. Ce coup scellera l’issue de la partie : AlphaGo remporte la victoire. Ce coup étant une première ne relèverait-il pas de ce qu’on pourrait appeler de la créativité ? Peut-être bien, car depuis, cette stratégie nouvelle du jeu le plus ancien créé par l’homme (à notre connaissance) est maintenant étudiée par les joueurs du monde entier. Néanmoins les chercheurs ne se sont pas arrêtés là. L’équipe de Google a continué à travailler sur son I.A.. En est né AlphaZero, que l’on pourrait se figurer comme son petit frère. Ont par la suite été faits plusieurs matchs entre les deux I.A. et, à la stupeur générale, sur toutes les parties jouées AlphaZero les a toutes remportées en n’étudiant en moyenne seulement 10% du nombre de combinaisons qu’étudiait AlphaGo (Louapre D., 2019). Ainsi donc, AlphaZero a fait mieux, et plus vite que son grand frère et que n’importe quel homme. Bien que ce témoignage soit impressionnant, il ne suffit pas à dire que l’I.A. est capable de produire du sensible, de l’architecture ou même de l’art. Cependant, faire en sorte que la machine batte l’homme à ses propres jeux (littéralement) était un premier pas nécessaire pour envisager de « voir plus grand ». Nous essaierons donc dans cette partie de savoir si l’I.A. est en premier lieu capable – ou non – de produire de l’art. La méthode scientifique, afin d’établir au mieux si une chose est vrai ou 41
fausse, ne s’attarde pas sur des démonstrations qui montre qu’une chose est avérée, elle s’attache à prouver que tout le reste est faux et que donc, jusqu’à preuve du contraire, seul cette chose peut être comme vraie. Pour pouvoir dire que l’I.A. est incapable de produire de l’art, on s’intéresse donc à ne pas pouvoir prouver qu’elle le peut. On se réfèrera, pour diagnostiquer quant à la crédibilité d’une tangible I.A.rtiste, aux sept arts6 que sont les suivants : 1. Architecture 2. Sculpture 3. Arts Visuels 4. Musique 5. Littérature 6. Arts de la Scène 7. Cinéma On s’appuiera sur le test de Turing comme méthode de validation ou d’invalidation. Le test tient son nom d’Alan Turing, un mathématicien anglais qui durant la seconde guerre mondiale cassa le code d’« Enigma », le système de cryptage de communications allemand à l’aide d’une machine de calcul qu’il élabora pour les services secrets britanniques. Son invention a valu à Alan Turing d’être considéré comme le père de l’ordinateur. Le test de Turing quant à lui est, en quelques mots un test qui consiste originellement à savoir si, par une discussion par écran interposé, on s’adresse à une personne ou à une machine. S’il s’avère que l’on pensait s’adresser à un homme mais qu’il s’agissait en réalité de la machine, cette dernière a passé le test de Turing. On pourrait la décrire aujourd’hui comme une procédure visant à savoir si des œuvres produites par des I.A. pourraient tromper l’homme, celui-ci pensant qu’il a affaire à des productions artistiques humaines. Le choix de s’appuyer sur un tel test est induit par l’art, qui, défini par ses aspects sensible, abstrait et purement subjectif, ne peut être définit d’art que s’il est reconnu comme tel par l’homme. S’il ne peut pas faire la différence entre art humain et art généré par intelligence artificiel, l’I.A. peut donc être reconnu comme capable de produire de l’art.
Littérature Nous commencerons donc avec le cinquième art : la littérature. En réalité, l’exemple que nous allons fournir par la suite ne relève pas véritablement de l’art littéraire. Néanmoins, il relève d’un travail d’écriture, celui de la presse : « Examples include the automated drafting of press articles from Reuters and Associated Press wires, articles which could not be distinguished from pieces 6
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Selon la classification populaire des arts communément admise au XXe siècle
written by humans »7 (Morel P., 2014, p.85). En effet, un article ne presse n’est pas une œuvre littéraire majeure telle que Les Misérables de Victor Hugo. Pour autant, il est intéressant de constater que sur un exercice qu’on pourrait qualifier de simple, l’I.A. en question a tout de même réussit le test de Turing.
Cinéma Pour ce qui est du cinéma une I.A. auto-nommée Benjamin est l’auteur de deux films, deux courts-métrages en l’occurrence. Il s’agit de films de science-fiction. Benjamin a été préalablement nourri à partir d’une base de données comprenant tous les films de science-fiction qui puissent exister. Le premier film : Sunspring (Sharp O. et Benjamin, 2016) met en scène un futur dystopique où le monde connait un taux de chômage colossal. Pour pallier à ce problème, les jeunes sont contraints de vendre leur sang. Certes, pour tout fan de science-fiction, la description mystérieuse de ce court-métrage peut sembler alléchante. Malheureusement, Benjamin n’ayant que pour exemple une multitude de films sans aucune indication sur la manière d’en réaliser un, seul l’idée d’un film produit par une I.A. est attrayante. Les dialogues n’ont aucun sens, les situations non-plus. Les liens entre les personnages sont incompréhensibles et leurs péripéties tout autant. Une chose est sûre, ce premier film ne prouve rien. En comparaison objective, les pièces de théâtre inventées en une après-midi par de jeunes enfants ont plus de cohérence et une histoire qui suit au minimum un fil directeur. Pourtant, l’année suivante voit le retour de Benjamin et d’un deuxième film : It’s No Game (Sharp O. et Benjamin, 2017). La différence cette fois, c’est qu’il a également été entrainé avec des scénaristes Hollywoodiens et ce léger détail provoque une grande différence. En une année d’intervalle, l’évolution est remarquable : Benjamin se met en scène comme deus ex machina face à deux scénaristes à qui l’on explique la raison pour laquelle ils vont être licenciés. A base d’exemples des capacités de la machine on leur explique la situation. Ils posent alors la question de quel genre de personnes va bien vouloir regarder ça, sachant que la plupart des dialogues sont toujours incompréhensible. Arrive alors la deuxième partie du deus ex machina : les humains se verront tous implanter une puce (sorte de boite noire) qui analysera tous les faits et gestes des hommes afin de divertir les machines. Le film suit un fil directeur plutôt clair parsemé de scènes et de situations quelque peu incongrues ou incompréhensibles. Néanmoins, l’histoire reste cohérente du début à la fin bien que le récit reste étrange. On pourrait presque penser à un film de genre qui bouscule les codes classiques par saccade du rythme. 7 Traduit de l’anglais : « Des exemples incluent l’élaboration automatisée d’articles de presse de Reuters Associated Press wires, des articles qu’il était incapable de distinguer de ceux écrits par l’homme »
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It’s No Game ne permet pourtant pas de convaincre le spectateur que ce qu’il est en train de visionner a été réalisé par un humain et ce, même malgré les efforts du réalisateur Oscar Sharp dans sa manière de mettre en scène et de filmer les personnages et les aventures écrites par l’I.A.. On sent toujours une certaine distance entre des films d’origine humaine et celui de Benjamin. Ainsi donc, ce dernier recalé au test de Turing. Pour autant, aux vues des progrès effectués en une année seulement, il n’est pas impossible de voir une évolution progressive de Benjamin dans les prochaines années jusqu’à, peut-être, des courts-métrages relativement semblables à ceux que peuvent produire les humains.
Musique Toujours est-il que si cette I.A. du 7e art ne soit encore qu’à son stade embryonnaire, pour ce qui est de la musique, Aiva (de son acronyme Artificial Intelligence Virtual Artist ou Artiste Virtuel à Intelligence Artificielle en français) ne laisse pas indifférent. Lorsqu’on se rend sur le site officiel d’AIVA Technologies (les créateurs d’Aiva), dans la section A propos d’AIVA, on peut lire ceci: « Aiva is an Artificial Intelligence (A.I.) capable of composing emotional soundtracks for films, video games, commercials and any type of entertainment content. She has been learning the art of music composition by reading through a large collection of music partitions, written by the greatest Composers (Mozart, Beethoven, Bach, ...) to create a mathematical model representation of what music is. This model is then used by Aiva to write completely unique music. Recently, Aiva became the first virtual artist to have her creations registered with an author’s rights society (SACEM). This achievement does not mean that Aiva will replace musicians; we will continue to encourage collaborations between man and machine. We think that AI-generated music will enable new use cases of music, and empower the next generation of composers and content creators. »8 En effet, les compositions d’Aiva – dont une en particulier (Aiva, 2017) – sont disponibles en accès libre sur la plateforme vidéo YouTube. Dès la première écoute on ne peut être qu’impressionné par une qualité digne d’un opéra avec plus d’une heure de composition musicale classique de grande qualité. 8 Traduit de l’anglais : « Aiva est une intelligence artificielle capable de composer des morceaux émotionnels pour des films, des jeux-vidéos, des messages publicitaires et tout autre type de contenu divertissant. Elle a appris l’art de la composition musicale à travers une large collection de partitions de musique, écrits par les plus grand compositeurs (Mozart, Beethoven, Bach, …) afin de créer une représentation, une mo-
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En effet, si une oreille peu aiguisée d’amateur est déjà bernée par la qualité musicale proposé, sans aucune fausse note, il ne peut y avoir plus grand accomplissement qu’il en soit de même avec des experts. Et ici, il ne s’agit pas de fabulation, mais d’un fait. En passant devant un jury d’experts en musique classique, une I.A. du même registre qu’Aiva passa le test de Turing avec succès. L’I.A. en question, plutôt que de jouer sa musique crée des partitions. Ces dernières sont ensuite jouées par des professionnels. Une étude réalisée sur la musique de l’I.A. et celle de Bach ont réuni 85 participants à déterminer s’il s’agissait de l’I.A. ou non à chaque fois. Ils écoutaient des extraits vidéo puis dire de qui ils pensaient que la musique était. En général, les participants donnaient deux à trois bonnes réponses sur cinq. De la même manière, de tels résultats seraient obtenus si les participants répondaient au hasard le plus total. Il semblerait même que l’enquêteur se soit lui-même trompé lorsqu’il ne prêtait pas la plus grande attention aux extraits (Rajon, 2018).
fig. 8 : Résultats du test de l’étude du Taiwan AI Labs9
Ainsi donc, en ce qui concerne le domaine de la musique, il apparaitrait que l’I.A. soit capable de produire le quatrième art. Cela étant dit, nous ne nous arrêterons pas là, car la simple réinterprétation, la modification d’une œuvre afin d’en recréer une similaire ne peut servir d’argument fort en la faveur délisation mathématique de ce qu’est la musique. Cette modélisation est ensuite utilisée par Aiva dans le but de composer des titres originaux. Récemment, Aiva est devenue le premier artiste virtuel dont les œuvres sont protégées par droits d’auteur (à la SACEM). Cette avancée ne signifie pas qu’Aiva va remplacer les musiciens ; nous continuerons d’encourager les collaboration homme-machine. Nous pensons que les musiques générées par I.A. engendreront de nouveaux domaines de recours à la musique ainsi qu’une inspiration pour les futures générations de compositeurs et créateurs de contenu » (AIVA Technologies, 2016). 9 Illustration issue de (Rajon, 2018). Premier tableau : première ligne exprimant le nombre de
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d’une I.A. capable de produire de l’art.
Peinture Non, pour cela nous étudierons un dernier cas qui concerne le troisième art : les arts visuels, et plus précisément la peinture. Dans ce domaine, une équipe de chercheurs réunissant le laboratoire de l’art et de l’intelligence artificielle de la Rutgers University, le département de la science computationnelle de la même université, le groupe de recherche en intelligence artificielle de Facebook ainsi que le département d’histoire de l’art du College of Charleston : « The team (…) modified a type of algorithm known as a generative adversarial network (GAN), in which two neural nets play off against each other to get better and better results. One creates a solution, the other judges it – and the algorithm loops back and forth until the desired result is reached. (…) The clever twist is that the generator is primed to produce an image that the discriminator recognizes as art, but which does not fall into any of the existing styles. (…) To the researchers’ surprise, images produced by their AI scored slightly higher in many cases than those by humans. » (Baraniuk C., 2017)10 Le processus décrit dans cet extrait relate de la modification d’un algorithme GAN : Réseau adverse génératif) en CAN : Réseau adverse créatif. En résultent des résultats généralement supérieurs que ceux des artistes humains. Nous voilà donc sur un sujet complexe. Si l’on se réfère à la méthode scientifique, une unique preuve en la défaveur d’une hypothèse suffirait à l’invalider. Nous serions donc tentés de dire « l’Intelligence Artificielle est capable de produire de l’art », d’autant plus que CAN est à l’origine de son propre mouvement artistique. fig. 9 : Exemple d’images générées par CAN. Images classées comme « très ressemblantes à de l’art » réponses corrects (sur une quantité de cinq). Deuxième ligne exprimant le nombre de participants. Deuxième tableau : première colonne exprimant l’identifiant de la piste jouée. Deuxième colonne donnant l’identité du compositeur. Troisième colonne donnant le nombre de réponses justes (sur quatre-vingt-cinq personnes) pour chaque piste. Troisième colonne, le pourcentage de bonne réponse pour chaque piste. 10 Traduit de l’anglais : « L’équipe a modifié un type d’algorithme connu sous le nom de Réseau Adverse Génératif (GAN), dans lequel deux types de réseaux neuronaux jouent l’un contre l’autre pour obtenir des résultats toujours meilleurs. L’un crée une solution, l’autre la juge – et l’algorithme tourne sur lui-même jusqu’à atteindre le résultat voulu. L’idée ingénieuse c’est que le générateur est sommé de produire une image que le discriminateur reconnait comme art, mais qu’il ne s’identifie à aucun des styles existants. A la plus grande surprise des chercheurs, les images produites par leur I.A. ont souvent obtenu de meilleurs résultats que les peintures produites par des humains. ». D’après CAN: Creative Adversarial Networks, Generating “Art” by Learning About Styles and Deviating from Style Norms (Elgammal A., B. Liu, et al., 2017).
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selon les sujets humains.11
Cependant, l’étude ne démontre pas d’unanimité en ce qui concerne les toiles produites par l’algorithme CAN – même s’il n’y a pas d’unanimité sur les œuvres d’artistes humains. En effet, ce n’est pas l’intégralité des toiles de CAN qui est reconnue comme de l’art, bien qu’il en soit ainsi pour la majorité. Nous ne pouvons donc pas affirmer ce qui a été dit plus tôt comme nous ne pouvons pas dire que ce soit impossible ; et l’amertume de ces résultats rend bien compte de la complexité des questions qui nous animent. Néanmoins, Thierry de Duve, dans son livre Au nom de l’art met en avant ceci : « L’art, c’est tout ce que je nomme art »12 (de Duve T., 2014, p.44). Si on s’en réfère à cette définition de « qu’est-ce qui est art ? », on peut tout à fait affirmer que dans le cas où certaines peintures délivrées par CAN sont reconnues par des hommes comme art, alors CAN est une I.A.rtiste Nous avons donc vu tout au long de ce mémoire que si l’on considère l’art 11 Titre original: « Figure 5: Example of images generated by CAN. Top: Images ranked high in “likeness” according to human subjects. », (Elgammal A., B. Liu, et al., 2017, p.14). 12 Texte original Russe : « это все то, что я называю искусством »
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Conclusion
comme inhérent à l’architecture, où l’art lui-même s’exprime par ses qualités sensibles – comme l’ont soulevé les étudiants en école d’architecture par le biais de notre questionnaire en deuxième partie ainsi qu’Emmanuel Kant dans la première partie – on ne peut premièrement ni affirmer ni infirmer la capacité de l’intelligence artificielle à remplacer l’architecte humain, tout en étant capable de proposer des projets aussi qualitatifs et sensibles qu’un homme. Aussi, dans le cas où l’on accepterait la problématique soulevée par CAN dans notre troisième partie, qui remet en question les capacités de l’I.A. à produire de la peinture (dont on y reconnait des qualités), elle-même reconnue comme un art, vient s’ajouter un autre facteur. L’encyclopédie Larousse nous dit aussi que « Classée parmi les arts, l’architecture se distingue des autres disciplines, car l’artiste prend en compte dans sa démarche la fonction et la destination de sa création, en plus de sa forme, de l’espace dans lequel il l’inscrit, des matériaux et des techniques qu’implique leur mise en œuvre ». L’architecture ne serait ici non plus un art comme les six autres, il en serait un en particulier et il ne serait donc pas possible de procéder à l’analogie expéditive qui a suivi notre raisonnement sur l’I.A.rtiste. Pour autant, rien ne nous empêche de nous projeter dans une éventualité où l’I.A.rchitecte remplacera inévitablement l’architecte humain, étant capable de proposer des projets aussi qualitatifs et sensibles qu’un homme : « The revolution that did not occur in the ‘70s, did in fact happen in the first decade of the new millennium. The circulation of new technologies has changed everything. Nothing is the same any more. But at the same time the necessities of our way of living are more or less the same, with one or two extra requirements and maybe one or two fewer economies. (…) it would be necessary to express a clear, innovative, open and non-sectarian view of our way of inhabiting places, of what we lack, of what we would like to receive from architects. »13 (Di Battista N., 2014, p.XII). Dans ce texte, Di Battista nous explique que bien que notre monde ait changé, nos manières d’habiter, quant à elles, ne se sont pas ou peu altérées. Ce qu’il faudrait, c’est exprimer clairement nos manières d’habiter, ce dont nous manquons et ce que nous aimerions recevoir des architectes. Exprimer clairement, tel est le besoin de la machine pour interpréter ce qu’on 13 Traduit de l’anglais : « La révolution qui ne s’est pas opérée dans les années 70 s’est en fait déroulée lors du la première décennie du nouveu millénaire. L’arrivée des nouvelles technologies a tout changé. Plus rien n’est pareil. Mais, en même temps, les nécessités de nos modes de vie sont plus ou moins identiques, avec un ou deux besoins supplémentaires ou peut-être une ou deux économies de moins. (…) il serait nécessaire d’exprimer nos modes d’habiter les lieux de manière claire, innovante, ouverte et avec une vision non-sectaire. Il nous faut exprimer ce dont nous manquons, et ce que nous aimerions que les architectes nous apportent. »
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lui demande de faire comme le dit Philippe Morel : « Although, when returning to the source of cybernetics, robotics appears as a control problem and, when adding an additional level of abstraction, as a logical-mathematical problem, in both cases they require their own epistemology and historical understanding. Yet, more often than not, this is quite simply missing in architecture. »14 (Morel P., 2014, p.83) En effet, comme le dit Di Battista, « At this point therefore we must adjust our disciplines, arts and crafts to the new world, starting once again from humanity and the search for a new humanism suited to our times, our dreams, needs and hopes. »15 (Di Battista N., 2014, p.XII). Même s’il ne croit pas en l’avènement des algorithmes, et donc par extension de l’intelligence artificielle, il met en avant la nécessité d’adapter nos méthodes à ce monde nouveau dans lequel nous vivons, rendant par là-même caduque son argumentaire anti-technologique. Cette nécessité d’adaptation ne pourrait-elle, ne devrait-elle pas passer par l’I.A. ? Bien sûr, on ne peut que spéculer sur la réponse et aucune des deux parties n’a plus de chance de l’emporter sur l’autre que le futur. Il est tout simplement trop tôt pour pouvoir affirmer ou infirmer les deux théories avancées là. Non, le but ici n’est finalement plus de savoir ce dont il adviendra mais plutôt de se poser les bonnes questions dans le cas où l’I.A. s’imposerait vainqueur de ces débats entre amoureux de l’homme aux capacités cognitives extraordinaires du sensible et de l’in-quantifiable face aux optimistes de la technologie qui - s’ils arrivent à la doter desdites qualités de la cognition humaine – pourrait traiter une quantité phénoménale d’informations, et mieux que l’homme : « The robot takeover will be epic! »16 (Morel P., 2014, p.83). Dans le cas de ce « robot takeover », qu’adviendrait-il de l’architecte ? Disparaitrait-il ou deviendrait-il propriétaire d’une I.A. ? Le cas échéant qui de la machine ou de l’homme serait considéré comme à l’origine des plans et quelle(s) valeur(s) aurai(en)t-ils alors ? Si l’on se projette même plus loin, ne pourrait-il pas arriver un stade de l’évolution technologique où la machine soit dotée de conscience, à l’instar de nombre de films de science-fiction ? Nous faisons ici notamment référence à I, Robot (Proyas A., 2004) où l’un des personnages principaux : Sonny (qui n’est autre qu’une I.A.) dit avoir fait un rêve. Si l’on s’en réfère à Freud, le rêve en appelle au moi, au sur-moi et 14 Traduit de l’anglais : « Aussi, quand on retourne aux sources de la cybernétique, la robotique apparait comme un problème de contrôle et, lorsqu’on y ajoute un niveau additionnel d’abstraction comme un problème mathématico-logique, dans les deux cas ils nécessitent leur propre épistémologie ansi que leur compréhension historique. Pourtant, plus que jamais, ceci est tout simplement manquant dans le domaine de l’architecture. » 15 Traduit de l’anglais : « Au point où nous en sommes, nous devons ajuster nos disciplines, arts et artisanats, au nouveau monde, encore une fois insufflé par l’humanité et sa quête d’un nouvel humanisme adapté à notre temps, nos rêves, besoins et espoirs. » 16 Traduit de l’anglais : « la relève des robots sera épique ! »
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au ça, qui se rattachent à la conscience : le conscient, le préconscient et l’inconscient si l’on vulgarise ses termes (Pestre E., 2010). Ce dernier fait pose la question de la reconnaissance du travail fourni par les I.A.rchitectes. Thierry de Duve, dans son livre Au nom de l’art met en avant ceci : « L’art, c’est tout ce que je nomme art » (de Duve T., 2014, p.44). De la même manière, on peut faire l’analogie « l’architecture, c’est ce que je nomme architecture ». On peut voir cette phrase comme une limite à l’I.A.rchitecte qui, si bien que sa production soit en tous points d’une qualité au moins égale à celle de l’architecte humain pourrait se voir rejetée, jugé comme non-architecture du simple fait qu’elle soit une production non-humaine. Ce phénomène pourrait s’expliquer par le sentiment d’appartenance fort de l’architecte à sa production. Il se verrait comme une des parties de son projet. Le rejet des réalisations des I.A.rchitectes traduirait une fierté de l’homme vis-à-vis de son intellect par un refus de considération pour toute autre entité jouant des qualités jusqu’alors définie comme propres à l’homme mis en œuvre par un géniteur n’étant pas humain. Cette remarque ne nie pas la possibilité que vienne l’ère des I.A.rchitectes, au contraire ; elle permet de prendre en compte le fait que l’I.A.rchitecte soit amené à remplacer l’architecte humain par sa capacité à l’égaler ou même certainement le dépasser. Pour autant, l’architecte humain – ou même l’homme de manière générale – reconnaitra-t-il ce que l’I.A.rchitecte a produit comme de l’architecture ?
Aiva, 2017, Aiva - 1hour music collection. 52
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Annexes
Annexes I - Réponses au questionnaire « Étudiants » Questionnaire « Étudiants » : Architecture, Art et I.A. (152 réponses sur 249 réponses possibles. Effectif total du questionnaire: 359) 3. Pensez-vous que l’I.A. (ou comme on se la représente plus communément: les machines, les robots) seront un jour capable de remplacer l’architecte humain ? En d’autres termes, les I.A. pourront-elles concevoir des projets d’architecture sans l’intervention, l’aide d’êtres humains ? Si la réponse s’apparente à un «non», pourquoi ? (Facultatif) 1. Je pense qu’un robot est capable de créer un espace et d’en tirer au mieux les potentiels au niveau structurel mais le robot n’a pas toute la réflexion du projet, l’implantation au site, cette chose en plus qui fait qu’un bâtiment plaît et/ou impressionne. 2. La dimension sociale ne sera donc pas prise en compte 3. Tant que la machine n’est pas consciente elle ne pourra répondre efficacement aux problèmes sociétaux 4. Trop de contraintes à réfléchir 5. Le processus de conception demande une certaine sensibilité et je ne pense pas que les ordinateurs puissent l’acquérir. 6. Un architecte en plus de sa faculté à répondre à des contraintes (ce qu’un robot pourrait faire sans problème) a une capacité à faire naître des émotions, des sensations, des souvenirs, qui sont autres que des qualités purement techniques. Je pense que la sensibilité humaine ne pourra jamais être rivalise par une I.A. 7. Rien ne peut remplacer le cerveau humain et la capacité de création du cerveau humain. 8. Je l’espère ce serait dramatique sinon 9. Car à moins de savoir créer une machine capable de ressentir l’espace, être capable de ressentir la chaleur, la fatigue liée à l’éclairage, la capacité de ressortir des valeurs liées à l’environnement proche et lointain du projet ou même les valeurs du bâtiment déjà existant sur place (et éviter le table ii
rase) il est impossible à un robot de construire un bâtiment de qualité, sinon ça s’appelle un promoteur immobilier. 10. La prise en charge des facteurs sensibles, liés notamment à la relation avec le client afin de comprendre les enjeux du projet, me semble impossible à mettre en place en IA. 11. L’IA pourrait sans aucun doute faire un bâtiment, mais l’architecture est plus complexe que le simple bâtiment fonctionnel. La qualité architecturale relève du ressenti, de l’expérience, des sensations. Seul l’humain à mon sens peut retranscrire ses éléments. 12. La machine ne pourra pas traduire la sensibilité, les émotions que l’être humain utilise pour concevoir des espaces 13. Car l’intelligence artificielle n’aura jamais une sensibilité humaine ni un passé individuel (ce qui forge chaque architecte individuel) 14. Cela doit rester propre à l’homme 15. Les artistes architectes ressentent des choses, cherchent intuitivement leurs formes, les messages qu’ils veulent transmettre à travers l’architecture, ses formes, ses matières. De l’ordre de l’intuition, des choses impalpables que l’on peut percevoir, une forme qui nous parle, qui en fait se détache de de la «norme», du «mental», du rationnel. Pour moi cela est propre à l’humain, qui lui a une âme, et non à une machine qui n’a pas cette sensibilité, ce sens-là. (Je ne sais pas si je m’exprime bien, mais voilà ! :) 16. Car certains paramètres lors de la conception architecturale s’apparentent à des sensation ou sentiment qui, à mon avis ne pourrons pas être pleinement pris en compte par une A.I 17. Je pense que l’intelligente artificiel sera capable de proposer des projets types d’architecture (comme une aide) mais elle ne pourra remplacer l’architecte humain, sa sensibilité, sa perception et sa compréhension d’un contexte particulier (lieu, besoins, dimensions immatérielles...). 18. Parce qu’une machine ne dispose pas d’émotions, ni de la sensibilité propre à la conception artistique du projet. De plus dans un projet d’architecture, l’environnement et ses facteurs sensoriels sont à mon sens, imperceptible par des machines
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19. Car les I.A.s. n’ont pas de dimension culturelle. Peut-être qu’un jour elles remplaceront des architectes mais pour autant elles n’auront pas la même sensibilité qui peut faire un bon projet 20. Fibre créative selon moi peu probable à retrouver chez un robot. Basée sur les émotions qu’on ressent quand on arrive dans un lieu, qui ne peut pas être programmée sur un robot car propre à chacun et à chaque lieu. 21. L’IA est un programme, il aide mais il ne pourra pas donner de la sensibilité au projet. Seuls les hommes peuvent construire pour les hommes (je parle de la partie conception et non de l’exécution). 22. Un ordinateur peut retranscrire des données mathématiques, statistiques, calculs de charges, choix de l’orientation pour optimiser les apports énergétiques, même peut être calculé d’autres flux ( déplacement ) ... Mais si l’on considère l’architecture comme une œuvre d’art , l’art ne peut pas se calculé ça se ressent , l’aspect esthétique ne se calcule pas . L’homme ressent d’abord avec la vue et l’ouïe , permettant ainsi de sentir de sensations d’espace, d’étouffement , de convivialité (couleur...) Ce qui selon moi ne peut pas être perçu à travers des lignes de 0 et de 1 , même si les robots sont de plus en plus avancé et maintenant doté de curiosité. Mais c’est un cerveau qui créer la machine et pas l’inverse. 23. Je pense que l’architecture est avant tout de la création qui pour moi ce qui différencie l’homme de l’I.A. En effet, la machine est programmée et n’a pas d’espace de création. De plus, une machine a toujours besoin d’un être humain pour la contrôler et pour voir si tout va bien. 24. Question de sensibilité, d’émotions, choses que les robots ne peuvent pas ressentir. Chaque client est différent et a une sensibilité qui lui est propre, à mon avis il serait difficile de prendre en compte le domaine émotionnel dans un robot, une IA 25. L’imagination et la créativité ne me semblent pas remplaçables 26. Les machines n’ont pas et pourront difficilement avoir un jour la sensibilité et la vision humaine ! 27. Si on considère l’architecture comme un art et que l’art nécessite une certaine sensibilité une réflexion, je ne sais pas si les machines seront en mesures de l’apporter. Elles seront probablement capables d’optimiser les espaces et les matériaux mieux qu’un être humain, mais je pense qu’elles resteront des outils et ne remplaceront pas complètement l’architecte. iv
28. A cause de toute la dimension sensible de l’architecture qui selon moi n’est pas faisable par un robot 29. L’intelligence artificielle permettra de répondre certes aux critères techniques, structurel... Mais n’oublions pas que ce qui fait l’essence même de l’architecture c’est les émotions qu’elle est capable de nous faire ressentir et donc il n’est plus question d’intelligence artificielle mais de vécu humain, de ressenti... Néanmoins cela peut être une assistance à la conception. 30. Âme humaine pas présente, mauvaise architecture 31. Les qualités spatiales et autres critères seront définis par les architectes puis traduits en programmes/algorithmes par des informaticiens.Il y aura toujours un spécialiste pour‘former’la machine.Le métier de l’architecte va évoluer cela ne fait aucun doute pour s’adapter à ce nouvel outil mais il ne disparaitra pas. Si l’IA devient en revanche suffisamment intelligente et autonome un jour (ce qui n’est pas prêt d’arriver...) alors en théorie elle pourrait remplacer n’importe quel métier... 32. Le ressenti humain, propre à chaque individu ne peut pas être remplacé par l’IA 33. Je pense qu’il faut une part de créativité humaine que les robots n’ont pas... De plus chaque architecte a sa vision de l’architecture, sa propre sensibilité, sa propre «patte» tandis que les machines ne seraient susceptibles que de proposer des projets qu’on leur aurait programmer ou très simples. Cependant, peut-être que cela serait possible, mais alors je pense qu’il faudrait que la machine acquière beaucoup d’expérience et fasse beaucoup de projets (très basique mais en améliorant quelques petites choses par ci par là) pour pouvoir proposer un projet plus «original». A voir avec l’évolution technologique... 34. Pour des maisons individuelles les robots pourront être programmés pour veiller à toutes les réglementations mais nous sommes des médecins de la construction pas eux ^^ 35. Parce que l’architecture dépende de ses usagers. L’architecte a la sensibilité pour s’adapter à toutes les situations, alors qu’une IA applique uniquement un code et n’a pas la dimension sensible nécessaire à la pratique de l’architecture.
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36. Aujourd’hui,il est déjà difficile pour les «robots» d’apprendre par eux-mêmes, il semble donc compliqué d’imaginer qu’ils puissent un jour faire preuve de créativité 37. L’architecture rassemble de nombreux champ donc le côté sensible et compréhension des usagers qu’une IA ne pourra pas intégrer. 38. Une IA, aussi évoluée soit-elle, n’est jamais qu’un programme, disposant d’une certaine capacité d’apprentissage qui la rend plus ou moins autonome. Mais contrairement à un humain, les actions d’une IA sont un enchainement de commandes logiques, rationnelles. Si on demande à une IA de concevoir un projet, elle va être capable, en fonction des données dont elle dispose de produire quelque chose. Mais pourra-t-on vraiment parler d’architecture ? Je pense que non. L’architecture est une discipline qui est tout sauf rationnelle, c’est un domaine basé d’une part sur notre propre capacité à éprouver l’espace, la lumière, les sons, etc. avec notre corps et d’autre part elle dépend grandement de nos propres connaissances, de notre propre culture. C’est en parti ces éléments qui nous permettent d’imaginer et de concevoir des espaces uniques disposant d’une certaine sensibilité. D’une certaine manière la question sur la capacité de l’IA à concevoir, est un peu la même vis-à-vis des constructeurs et des ingénieurs... 39. En tout cas je n’espère pas 40. L’architecture englobe des processus de pensée qui vont au-delà de la résolution formelle du bâti. D’un côté, si on voit les thèses des gens comme Bachelard ou Zumthor, l’acte de conception parfois viens de sensations viscérales, du vécu, de la propre connaissance de son passé, des espaces aimés... tout cela requiert d’avoir un corps, sentant, 5 sens, et d’autres capacités phénoménologiques, peut-être même un inconscient, etc... D’autre part, la réalisation de projets, si l’on ne veut pas la réduire à une simple exécution technique froide et «rationaliste», doit intégrer les interactions humaines. Lorsqu’on fait un projet il y a toujours une part de savoir convaincre, dialoguer, persuader, écouter les attentes des autres, et savoir interpréter même ce qu’il y a d’implicite dans celles-ci, négocier, savoir motiver une équipe, tout cela est subtile, et au moins ce qu’on entend comme IA aujourd’hui reste courte. Finalement, l’architecture comme discipline requiert d’une constante discussion intellectuelle sur débats contemporains sur ce qu’il faut faire comme archi. On a besoin de théoriciens, de chercheurs, de gens qui remettent en question constamment ce qu’est la définition de l’arvi
chitecture à une époque. Il faut ensuite que ces différentes théories soient débattues, contrariées, réinterprétées, etc.… cela requiert principalement de l’ambiguïté, l’imperfection, et la diversité humaine. Serons-nous capables de fabriques des robots avec tout cela ? 41. Une intelligence artificielle n’a pas d’émotions, de sensation. 42. Une IA peut aisément concevoir un truc «viable» à partir d’une base de données (comme un être humain conçoit influencé par sa mémoire) et peut être même mieux répondre aux attentes d’un client. Mais une puissance de calcul qui ne fait que tester un million de possibilité n’aboutira certainement jamais à une forme d’intuition propre à l’être humain qui est capable de générer des projets de génie en s’affranchissant de toutes règles établies. J’ai une autre question à mon tour : une I.A. peut-elle s’affranchir des règles d’urbanisme qu’on lui «impose» juridiquement ? Parce que clairement un archi humain passe son temps à faire ça, même inconsciemment. 43. Tout dépend du niveau de l’IA mais le paramètre sensible me paraît dur à reproduire chez une machine, les expériences et les souvenirs... 44. Peu de connaissance en I.A mais je crois savoir qu’il n’y a pas encore d’émotions réelles en i.a or l’architecture est faite d’émotions du corps et de l’esprit 45. D’après moi un I.A ne peux pas comprendre et penser à l’aspect sensible (lumière, matériaux, volume). Une architecture transmet des émotions, ce phénomène peut être seulement créé par l’architecture, l’humain 46. La société capitaliste en charge de ces machines est vouée à disparaître avant que l’architecte soit remplacé, où, si elle s’effondre après le remplacement du métier d’architecte, ça va pas être marrant pour les générations futures 47. Les machines suivent un «programme» défini. Or chaque architecture est différente. Elle dépend du lieu, du budget, mais principalement du client. Et pour moi le client, qui est un être humain, ne peut pas être satisfait par un programme. De plus chaque architecture est différente, il faudrait donc un programme pour chaque architecture... 48. Je pense très difficile d’attribuer à une machine la capacité d’avoir une sensibilité et des sentiments qui lui sont propres. Indispensable à une conception artistique et architecturale.
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49. Nécessité de l’âme de l’homme /architecte/ artiste dans une œuvre architecturale pour qu’elle soit belle solide et utile. 50. La sensibilité architecturale ne peut être réalisée par des machines, les sensations, émotions ne sont pas des standards qui peuvent être reproduits ou appris ou programmés 51. Si on veut de l’originalité dans les projets je ne pense car, si éventuellement on entrait tel ou tel critère, je pense (avec l’aide d’un programme) qu’une I.A. serait capable de créer un projet mais si deux critères sont similaires je pense que les projets également. Je pense que l’homme est nécessaire à la conception d’une chose pour l’homme. La machine ne peut pas se rendre compte ou prévoir l’utilisation d’un espace par l’homme. 52. Les goûts et les couleurs peuvent-ils être rationalisés, encodés ? 53. En architecture, souvent il faut douter de soi-même et revenir sur ses choix précédents, on se pose toujours des questions sur ce qu’on fait, est-ce que ce ne serait pas mieux de cette façon ? Je ne pense pas qu’une intelligence artificielle peut avoir ce recul sur ellemême, quand une décision est prise, elle est prise et il n’y a plus de question à se poser. 54. L’architecture est un acte de création, la machine ne peut pas remplacer l’imagination d’un projet 55. J’ai du mal à croire que des robots puissent tenir compte de tous les facteurs émotionnels aussi bien que les humains 56. Cet exemple a déjà été testé, l’erreur peut devenir la source qui rend un projet unique (ce qu’une IA ne pourra pas intégrer comme tel). Un projet d’architecture ce n’est pas seulement une œuvre artistique c’est aussi une œuvre technique qui se doit d’être réfléchie en fonction de son contexte et des éléments naturels qui l’entourent (bioclimatisme). Un bâtiment ce n’est pas une sculpture. Celui-ci doit être confortable et agréable pour les individus qui vont le vivre chaque jour. Prendre en compte les notions de conforts et les émotions (qui peuvent être propres à chaque individu n’est pas à la portée de l’IA et il vaut mieux que cela reste ainsi). Le low-tech est beaucoup plus viable et durable que le high-tech. Il faut arrêter de chercher des solutions qui ne résolvent pas les problèmes qui se posent déjà et qui vont créer des problèmes supplémentaires. Pas besoin de l’IA il vaudrait mieux s’en débarrasser. viii
57. L’architecture nécessite une certaine sensibilité et n’est pas qu’une science de l’ingénieur 58. Parce que si l’architecture n’est plus faite avec de l’émotion elle deviendra seulement des cubes sans intérêt, des espaces sans aucunes qualités réduits à des dimensions et des données purement mathématiques 59. Le processus créatif manque aux IA ? Je connais mal le sujet mais j’imagine qu’elles feront toujours des choses pragmatiques et ne feront pas de compromis pour de l’esthétique (puisque basée sur des critères non objectifs) 60. La créativité 61. Dans chaque projet on met une partie de nous, de notre culture, de notre vécu et nos souvenirs, de nos émotions, pour réussir à en faire ressentir aux autres ou du moins leur permettre de se sentir bien. Il faut une forme de sensibilité et je ne pense pas qu’une IA soit en mesure de développer cet aspect et puisse concevoir un projet seule. 62. Un robot n’a pas de sentiment ou de sensibilité, il pourra concevoir des espaces rationnels et fonctionnel mais il ne sera pas en mesure de provoquer une émotion 63. Parce que l’intelligence artificielle est conçue par l’homme pour répondre à un tas de schémas et données. Mais pour l’instant elle n’est pas capable d’une série de tâtonnement, d’échecs et de réussites qui sont essentiels pour le métier d’architecte. Il n’y a pas une réponse, il y en a plusieurs et elles sont sensible à beaucoup d’évènements extérieurs qui ne sont à mon avis pas encore compatible avec une intelligence artificielle. 64. Comment remplacer les émotions, les sentiments, le ressenti lors de la création ? Les choses qui font que le projet à une âme... 65. Il faut des émotions 66. J’ai envie de dire non, car cela nous conduirait à une architecture encore plus banalisée et identique qu’aujourd’hui, un peu comme une chaîne de production... On perdrait toute la sensibilité et la diversité apportée par l’homme. 67. Les robots/machines n’ont pas de sensibilité. ix
68. L’intuition humaine des architectes, permet de les guider vers une créativité irrationnelle qui devient ensuite rationnelle. Si l’I.A. se développe, elle devrait sans doute penser logiquement à tout instant. 69. Pour concevoir un projet il faut une certaine sensibilité que l’intelligence artificiel n’aura jamais plus qu’un Homme. 70. L’I.A ne peut pas avoir toute la créativité d’un humain. Si l’architecte Humain disparaît, je pense que l’architecture produite sera pauvre. 71. L’art nécessite une conscience 72. Une machine suit un code et donc ne peut pas « créer » quelque chose, elle ne peut que suivre ce qu’on lui a dicté or la création architecturale a besoin de libre arbitre 73. Le travail de l´architecte ne se réduit pas à dimension mathématique ; il a besoin d’expériences vécues, de sensibilités liées au site, de perceptions. Si l’IA parvient à percevoir, il n’y a pas que l’architecture qui est en danger. 74. Nécessite une sensibilité, de l’affect 75. Je pense que les IA seront capables de créer des plans, des espaces en fonction de critères définis à partir de références mais que leur absence de perception sensible est un frein pour une vraie architecture. Je doute aussi de leur capacité créative. 76. L’architecture est créée pour l’Homme, donc un robot n’aurait sans doute pas toute la sensibilité nécessaire à concevoir et penser l’architecture pour le besoin de l’Homme 77. L’architecture détient une part de sensibilité dans sa mise en œuvre 78. L’architecte est une personne unique avec des idées uniques, le projet imaginé par l’IA ne pourra que être standard 79. Ce qui est intéressant, et probablement le plus important, à mon sens dans un projet, est la réflexion que nous menons durant la conception de celui-ci. Notre démarche architecturale dépend de nos envies, notre caractère et nos préférences architecturales, (peut être notre style aussi qui s’affine au fur et à mesure des années d’études) et notre compréhension du sujet. Est-ce que les I.A seraient capable de reproduire une démarche x
aussi personnelle que celle que nous menons chaque jour ? Est-ce que les I.A ont une sensibilité comme la nôtre ? Les I.A peuvent être programmés pour répondre à une demande architecturale et je pense qu’avec l’avancée majeure dans ce domaine, il est tout à fait possible qu’ils soient en capacités de créer un projet architectural correspondant avec la demande mais ils ne pourront jamais avoir la personnalité d’un Homme, qui rend à mon sens l’humain aussi unique. Donc non pour moi l’architecte ne pourra jamais être remplacé par un I.A. Après vous comparez l’architecture à l’art, et je trouve ça très intéressant car ce sont deux disciplines étroitement liées (selon moi). Aujourd’hui, dans le monde de l’art, des artistes utilisent des robots pour les aider dans leur processus de création. Mais l’artiste reste très présent, il est toujours maître de son œuvre. Peut-être que les architectes pourraient en faire autant. Je pense que ces nouvelles technologies pourraient nous aider dans notre quotidien. Et finalement n’ontelles pas déjà commencé à entrer avec les lasercuts ou les imprimantes 3D ? De plus pour revenir à la question de l’architecte remplacé par un I.A, je pense que, que ça soit dans du public ou du privé, même si je pense que le privé correspond mieux à cet exemple, quand un maître d’ouvrage vient trouver un architecte, c’est un peu comme un tatoueur et son client, il va regarder le style, être sûr qu’il correspond à ses attentes. Et je ne pense pas que les I.A puissent correspondre à cette demande... peut-être devriez-vous ouvrir ce questionnaire à des promoteurs ou clients susceptibles de faire appel à un architecte pour connaître leur avis en tant que maître d’ouvrage ? 80. L’architecture est un travail d’équipe, de concessions, de compromis, faite par des humains pour des humains. Aucun intérêt à aller chercher la «réponse à tout», sauf si l’on décide de nous-même de tirer un trait sur notre humanité, cela ne fera pas de l’architecture mais de la construction. 81. Cela reste un outil à partir du moment où on le programme 82. L’architecture nécessite une sensibilité de l’espace pour concevoir, or je pense que les I.A ne vont pas arriver à ce stade, parce qu’elles vont transformer le monde en un ensemble de données factuelle qui vont être trop brute pour être interprété de manière à créer quelque chose qui touche à l’être humain. Après il ne faut négliger le fait que la technologie avance à la vitesse de la lumière, on ne sait pas ce qui peut apparaître dans 50/100 ans. Sûrement il ne faut fermer le débat en disant non mais plutôt avoir un regard plus large sur le sujet. 83. Une machine ne peut pas faire preuve d’imagination. Elle doit répondre à des contraintes, des attentes très spécifiques et c’est en lien avec ces xi
contraintes qu’elle projettera une architecture. Or, à même contraintes, même algorithme, même architecture. Ces technologies produiront des architectures irréprochables et, alors qu’aujourd’hui, les bons et moins bons architectes permettent à l’architecture d’être riche et diverse, l’I.A. nous promet une normalisation architecturale, un appauvrissement culturel. 84. L’I.A. Peut résoudre beaucoup de choses, mais la sensibilité, factuelle de nos sens, de nos impressions manquerait beaucoup. Pourrait-elle comprendre les subtilités du dialogue entre les acteurs d’un projet ? Aura-telle assez de culot pour penser autrement ? Sera-t-elle digne de confiance ? 85. L’architecte propose une posture, qui ne peut relever d’une action programmée. L’architecture peut agir en réaction à son contexte, elle peut désordonner ce qui l’a précédée, elle peut dans certains cas agir à l’encontre de la nature de son concepteur même (cf. musée juif de Berlin, émouvoir l’Homme en lui signifiant qu’il est ici pour se révéler, au-delà de ses craintes). Et l’architecture peut, en un sens particulier de son acception que j’estime, être une épreuve de foi. Qui peut comprendre, plus que l’Homme lui-même, ce qui l’émeut, ce qui l’anime de sa pensée toujours mouvante ? Alors la programmation doit demeurer un outil de concepteur au même titre que le crayon pour sa main. Il y a aussi un «non» réactionnaire et dissimulateur de ma part. Je pense que si la médiation de l’architecte échoue (et c’est ce qui est en train de se produire), si sa nécessité ne se révèle au public (seul plébiscitaire de l’architecture) et si l’intérêt financier/efficacité prévaut (ce qui fait vivre une agence sont ses commandes de grandes ampleurs souvent initiées par des commerciaux, contraintes par délais et budget où l’architecture est placée au second plan), il sera remplacé par la machine. Il doit dès à présent orienter philosophiquement la manière dont l’intelligence artificielle est produite à son usage et il doit concevoir mieux, disposer d’un temps de réflexion pour agir. La plupart des architectes ont oublié ce que cela sous-entendait. Il faut qu’ils soient penseurs, il faut aller au-delà du produit fini. 86. Car il y a toujours des modifications mêmes minimes dans un projet et c’est ce qui le rend humain et agréable à vivre. Il faut voir la trace de l’humain dans la construction et la conception sinon c’est effrayant. 87. L’IA soulève dans tous les domaines des problématiques qui vont outre la simple réalisation technique. Les enjeux sociaux, sensibles et l’aspect irrationnel de l’humain sont autant de variables imprévisibles, alors a moins de vouloir faire quelque chose qui s’apparenterait a de la concepxii
tion non-architecturale, une IA n’en serait pas capable seule. L’issue que je vois en revanche serait que chaque architecte programme son IA et en fasse une à son image en intégrant les problématiques qu’il souhaite et en apportant des retouches aux endroits où il l’estime nécessaire. 88. L’intelligence artificielle pourrait faire une architecture habitable mais pas une architecture qui serait de l’art 89. Est-ce que la créativité se développe autant chez eux ou chez nous ? Elle est propre à chacun et un robot peut concevoir des bâtiments sur des bases déjà existantes mais est ce qu’il a la créativité nécessaire pour pouvoir innover et créer de nouvelles architectures ? 90. Ils pourront produire des bâtiments à partir d’un concept, mais ne pourront pas créer de nouveaux concepts 91. Les I.A n’auront pas la sensibilité et la capacité d’adapter le projet qu’a un architecte 92. L’architecture est un art sensible, qui met en éveil tous nos sens. Et concevoir de l’architecture pour moi, c’est être capable de retranscrire une ambiance, des émotions, au-delà du fait de concevoir des murs et un toit. Alors oui on pourra certainement inventer des machines qui concevront des bâtiments mais jamais de l’architecture. 93. Une Intelligence Artificielle répondra aux problèmes architecturaux de manière objective et fonctionnaliste, or, comme le démontre l’Histoire à travers l’échec du modernisme, l’homme a d’autres besoins, qui dépassent le fonctionnel. Son habitat, par exemple, ne peux être une machine à vivre, mais son chez-soi, dont seul un architecte sera capable de cerner les éléments qui feront de l’habitat adéquat à telle personne. 94. Les robots seront sûrement capables de concevoir des bâtiments mais, selon moi, il est difficile qu’ils puissent considérer les qualités spéciales, le supplément d’âme qui fait l’identité du lieu. Peut-être pourront ils concevoir mais ne feront pas d’architecture, du moins je ne pense pas 95. Tout simplement car les machines ne sont et restent que des outils et par conséquence elles contribuent à l’intervention de l’homme. 96. Si l’architecture est de l’art c’est qu’on fait appel à une certaine sensibilité commune à l’Homme et donc à l’être Humain. Je pense qu’un robot, pourrait impressionner, mais aura du mal à transmettre les émotions qu’un architecte peut arriver à partager dans son architecture qui va bien xiii
au-delà « d’impressionner » 97. L’architecture doit tenir compte d’avis et gouts personnels. Une IA appliquerait la même solution pour des gens ayant les même besoins ou même profils... sans tenir compte de leur goûts, de leur opinion. 98. J’ai dit oui, car je pense qu’on sera capable de concevoir de telles machines, mais cela ne signifie pas que la qualité sera au rdv : à mon sens, l’architecte restera indispensable pour cela. 99. Ils pourront toujours créer des successions d’espaces mais ce ne sera pas de l’architecture car dénué de sens, d’expression, de volonté etc... 100. L’architecture est créée par des facteurs rationnels + sensibles. L’IA me semble facilement répondre (mieux que nous) aux demandes rationnelles (orientation, exposition, optimisation de l’espace, du programme...) mais me semble moins propice à répondre à l’aspect sensible, esthétique, familier, attachant de l’architecture. Après je n’y connais rien et c’est peut-être ce que j’espère :) 101. Les machines ou robots ne peuvent et ne pourront avoir la sensibilité de regard et de perception que possèdent un architecte 102.
« En point de départ toujours un croquis ».
103. Il s’agit d’un projet subtil, qui se fait en fonction d’un ressenti, d’une orientation et non pas d’un calcul binaire comme le fond les robots. Ils prendront certainement place dans le domaine mais plutôt pour des tâches manuelles sur le chantier directement. a. Créer une telle IA semble compliqué : Il y a tellement de paramètres à prendre en compte qu’ils soient liés au site physique comme au contexte social , économique, politique, autre ? - Chaque humain possède une sensibilité à l’art différente. Une machine pourrait-elle réellement avoir cet aspect aussi bien aléatoire que subjectif ? 104. Oui mais un espace bien pensé ne peut être que le résultat de la réflexion d’un architecte. L’IA ne peut être qu’une aide à la conception, le genius locci ne peut pas être scripté. 105. Avec le Deep Learning, les IA pourront effectuer la plupart des tâches mais, l’architecture reste fondamentalement, un ensemble de parxiv
tis pris. L’esthétique d’un bâtiment est aussi lié à la notion de découverte et d’imprévu ce qu’un ordinateur n’est pas capable de concevoir. Bonne chance. 106. Tout dépend de ce qu’on appelle l’architecture, mais en tout cas des bâtiments oui sans aucun doute. Cela coûtera moins cher et on pourrait même arriver à des résultats très bons je pense 107. Je ne pense pas que l’imagination et la créativité puisse être possible pour une machine 108. Le caractère utilitaire de l’architecture en fait pour moi une discipline plus qu’un art . Cela ne lui enlève rien à ces qualités propres. 109. L’exercice du métier d’architecte fait appel à notre sensibilité personnelle et humaine, à notre capacité d’analyse, à notre imprévisibilité en réponse à une situation donnée. Nos imprécisions, nos erreurs sont des qualités propres à l’humain. Ne dit-on pas «l’erreur est humaine» ? Enfin, le métier d’architecte constructeur est un métier de relation humaine. Notre capacité à réceptionner l’information et à la réinterpréter constitue une certaine spécificité. Nous construisons pour nos semblables (humains). 110. Il n’est pas forcement question d’art, même si c’est des enjeux esthétiques forts existent en architecture. Mais à mon sens de sociologie, de façon d’habiter, de façon de faire la ville, et je ne pense pas qu’une intelligence artificielle pourrait gérer des choses qui contiennent à ce point une mémoire (on bâti rarement sur un terrain vierge, il a une histoire, des chemins, du désir, des particularités. Il ne suffit pas de regarder Google maps pour se saisir du lieu, il faut aussi l’écouter), et une sociologie particulière (les cultures diffèrent, les façons d’habiter aussi, on ne prévoit pas la même chose pour des familles venant de différents endroits du monde). De fait, l’architecture est un monde d’exception, et ce n’est pas du ressort d’une AI programmée pour être rationnelle que de comprendre les façons d’habiter. Je trouverai au contraire, que même si peut-être il y aurait de merveilleuses avancées sur les formes ou les méthodes de faire si on recourait à un ordinateur, on perdrait l’essence du métier que nous faisons : construire pour que des gens vivent ou travaillent dans des lieux. Tout ne peux être esthétique ou design, il faut aussi que les lieux aient une âme. Au lieu de vouloir programmer des programmes rationnels pour prouver que nous en sommes capables, nous devrions nous rapprocher de l’artisan et savoir comment il fait.
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111. Une intelligence artificielle ne pourra jamais apporter un point de vue artistique au projet 112. Ils pourront créer un bâtiment qui fonctionne mais de l’architecture avec toutes les réflexions, pensées et signification non 113. Elles n’ont pas la capacité de décision. Elles ne font que ce qu’on leur dit de faire ! Donc créer est pour elles impossible Pour plus d’informations tu peux regarder la rediffusion de la conférence Bordeaux Métropole 2050 : l’intelligence artificielle, disponible sur YouTube 114. Parce que l’art étant de nature subjective, on ne peut apprendre à la machine à en créer 115. 1 Trop de 2 Les projets deviendraient des projets génériques
facteurs
116. Je pense que les I.A. n’auront jamais la sensibilité architecturale que peut avoir l’architecte humain. 117. Parce que pour chaque projet, il n’ y a pas une bonne réponse, mais plusieurs , et pourtant un choix doit être fait, souvent sur des critères sensibles qui me semblent difficile de qualifier, et encore plus de noter. J’imagine donc difficilement qu’une machine (programmée) puisse assurer cette partie du job. 118. La sensibilité d’un homme ne peut se retrouver dans une machine artificielle (enfin c’est ce que je pense) 119. Car les erreurs seront minimisées si dans les projets , il y a une intervention d’un architecte ou d’un ingénieur 120. Disons plutôt qu’ils en seraient capables mais il faut garder l’être humain et toute sa sensibilité, ses erreurs parfois qui peuvent apporter une réelle originalité à l’œuvre architecturale 121. Il faut prendre en compte les perceptions humaines (subtiles), et les références culturelles que cela peut faire émerger. 122. Il y a toujours une question de feeling, de sentiment, et il me semble que les IA n’aient pas de personnalités qu’elles pourraient insuffler au projet. xvi
123. A mon sens l’IA peut devenir un pinceau de plus à la palette de l’architecte et donc non le remplacer, l’intervention de l’Homme conjointe à la machine est ce qui donne une certaine profondeur à des œuvres d’art génératif par exemple. 124. Le ressenti est important dans l’architecture, je doute qu’une machine puisse transmettre une émotion aux utilisateurs, surtout dans la conception. Mais dans la fabrication, et le processus d’exécution pourquoi pas 125. Les bons projets d’architecture, selon moi, se conçoivent avec une certaine sensibilité propre à l’humain. 126.
Un manque d’énergie ! Pablo Servigne
127.
Le robot n’est pas sensible. Il est rationnel, non ?
128.
La machine ne possède pas l’imaginaire et les sentiments d’un humain
129.
Les robots nécessitent une programmation
130.
Je ne pense pas que le robot puisse saisir le côté social du métier
131. Les besoins évolueront constamment et certains d’entre eux sont très subjectifs donc ça serait difficile d’obtenir un programme pouvant s’adapter constamment à une nouvelle demande je pense 132.
L’architecture requiert une complexité de l’esprit
133. Si l’architecture s’apparente à l’art, et même si il existe des logiciels capables de «faire de l’art» (comme par exemple le logiciel Lyre land si je ne me trompe pas), la spécificité des demandes, des sites, des clients, etc. font que, pour moi, seul l’Homme a les capacités d’adaptation nécessaire à la pratique de l’architecture, au moins d’un point de vue qualitatif. 134. Je pense que tout dépend des phases de projet. - Pour des faisabilités, des A.I sont déjà capables d’optimiser des surfaces dans un gabarit PLU, et le font mieux que les archis. - Pour la créativité, des A.I sont capables de faire des choix de façades en fonction des références qu’on leur donne. Ensuite l’architecte peut valider ou non ce choix. - Pour l’inventivité (proposer de nouveaux concepts à partir de rien), les A.I en sont encore loin, et l’architecte reste assez indispensable pour traduire xvii
en volume et en espace des volontés intellectuelles et des visions sensibles. - Sur un chantier, il y a déjà des robots, mais gérer les imprévus(et ils sont énormes sur les chantiers), et être capable d’improviser en fonction des situations (toujours très différentes) ne peut -et à mon avis ne pourra jamais- être complètement déléguée à une A.I. Bref à mon avis, l’architecte ne doit pas voir l’A.I comme une concurrence qui met en péril sa profession, mais un nouvel outil capable de l’aider sur certaines phases de projet. Et c ‘est pour cela qu’il doit PARFAITEMENT la maîtriser.... 135. Car je ne crois pas en la technologisation de l’ensemble du monde (sans être technophobe pour autant). 136. Parce que cette technologie ne sait pas fabriquer l’art dans l’état actuel. Les machines sont des calculatrices. Je pense qu’elle peut nourrir le travail de l’architecture mais elle ne peut pas totalement remplacer l’architecte. Tout comme l’ingénieur n’est pas remplacé par les calculs complexes assistés par ordinateur. Tout comme l’économiste n’est pas remplacé par le BIM. 137. Je pense que les machines pourront «dessiner» des plans de projets d’architecture, mais pas réellement les «concevoir» avec de réelles qualités architecturales, comme pourrait le faire quelqu’un dont c’est le métier. Sans réflexion humaine, je pense qu’il est compliqué de créer des projets prenant en compte l’usage, les ambiances, etc... Je pense par contre que les robots pourraient être efficaces pour dessiner des choses plus techniques et mathématiques, telles que des structures, enveloppes, etc... 138.
Trop de facteurs humains, sensibles.
139. Le principe d’un «projet» repose sur sa relation avec les autres êtres humains, ils s’adressent à eux et pour eux. Selon moi, les «bons» projets d’architecture ne pourront être entièrement remplacés par l’IA car ils doivent prendre en compte de la subjectivité de chacun qui relève avant tout de la communication entre différentes sensibilités (celle des utilisateurs, du client, de l’architecte...). 140. La sensibilité de l’être humain est la seule qualité inaccessible aux machines. Elle est la base même de l’architecture. L’art(chitecture) sauvera le monde 141. Car l’architecture nécessite une sensibilité et une approche critique qui ne peuvent pas être complètement reproduite par les IA xviii
142. Il faut des sentiments pour faire ce genre de chose. 143. Elle pourrait faire du dessin base sur une conception humaine mais pas la conception car le parti architectural est souvent lié à l’histoire du concepteur sa culture etc. et un robot n’en a pas. 144. La création est propre à chacun et provient de souvenirs, d’expériences persos. Le jour où une IA aura un vécu on en reparlera ! 145. Conception architecturale à base d’algorithmes. Les résultats dépendent des données (contraintes et programme architectural) programmées dans le logiciel par l’être humain. + réponses multiples de l’IA à un algorithme donné si trop peu de restrictions de calcul, donc les choix reviennent à l’être humain. Pas de conception autonome de l’IA, mais outil de conception potentiel 146. 1. Je pense que l’humanité disparaitra avant d’avoir mis au point des IA autonomes. (Oui, tant qu’à supposer qu’il y ait IA, supposons également le reste du destin de l’humanité) 2. Par ailleurs si on considère que l’architecture est un art, alors à mon sens il ne peut provenir d’une IA, mais seulement d’une sensibilité humaine ou de l’ordre du vivant. 147. Parce qu’il y a toujours une part d’incertitude, de hasard, de petit truc inattendu qui fait que l’idée initiale qu’on avait va être modifiée et sublimée. Pour moi la création de projet est plus sensible qu’un «simple» algorithme et qu’une addition de plusieurs trucs qui fonctionnent bien! 148. Bien que l’IA peut apprendre avec le temps, elle n’a à la base, pas de sensibilité pré-acquise. Et l’Architecture nait de la sensibilité, sinon on vivrait tous dans des cases à lapins, ou dans des blocs types de l’URSS. En revanche, l’IA peut aider l’humain en termes de technique, un peu comme dans la sérieThe Good Place.Mais parfois il faut savoir aussi prendre des risques pour inventer, sinon il n’aurait pas d’architectes mais que des ingénieurs. Conclusion : l’architecte ne sera pas remplacé par l’IA mais l’ingénieur peut être... vive l’archi ! 149. La réponse architecturale dépend selon moi dans un premier temps d’une réponse à un contexte (historique, géographique, culturelle etc.…), à un besoin, pour des gens et pour un site. Je pense donc que dans cette mesure une IA sera largement capable de faire ce travail par un travail d’analyse et plus rapidement qu’on ne le pense. Cependant, notre travail se définit aussi par des choix, des intentions qui même si elles doivent xix
dépendre de notre analyse, dépend aussi de nos goûts et convictions, d’un libre arbitre qui rend me fait alors douter sur la possibilité qu’une IA face ce travail au vu de leur niveau actuel. 150. Pour la 1(suite), plutôt que «art» je dirais «artisanat» car il y a un côté très effectif, très contingent aux réalités de la vie que la musique, la peinture, le cinéma, la littérature n’a pas forcément. Pour le fait que les IA ne pourront pas concevoir des projets d’architecture sans le recours d’un humain, plus spécifiquement d’un architecte, ce que l’on nomme projet d’architecture. Potentiellement, les IA pourront contribuer à faire de la «maison phénix + qualité» amener un peu plus de variable et de considération si les objectifs définis son d’ajouter de l’attention, d’augmenter l’intention du bien vivre, bien habiter. Mais rien n’est aussi sûr. Les IA pourront faire du design d’espace, les rendre performant selon certains critères prédéfinis (les objectifs de vie des IA). Mais pour ce qui est de faire de l’architecture… il y a du vrai hasard, de la subjectivité, de l’histoire humaine derrière. C’est aussi un processus de création, et sans ce processus est-ce vraiment ce que ça doit être? (attention métaphore foireuse: ) Un papillon peut-il exister sans être une chenille puis une chrysalide? L’aboutissement, c’est aussi un parcours. L’architecture, c’est un processus architectural, donc un processus humain de réflexion sur l’espace habité. 151.
La sensibilité humaine lors de la conception est indispensable
152. La création est propre à chacun et provient de souvenirs, d’experiences persos. Le jour où une IA aura un vécu on en reparlera !
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Annexes II - Réponses au questionnaire « Enseignants » Questionnaire « Enseignants » : Architecture, Art et I.A. (16 réponses sur 21 réponses possibles. Effectif total du questionnaire: 25) 3. Pensez-vous que l’I.A. (ou comme on se la représente plus communément: les machines, les robots) seront un jour capable de remplacer l’architecte humain ? En d’autres termes, les I.A. pourront-elles concevoir des projets d’architecture sans l’intervention, l’aide d’êtres humains ? Si la réponse s’apparente à un «non», pourquoi ? (Facultatif) N.B. : Deux commentaires ne respectaient pas les règles de l’anaonymat,. Les personnes qui les ont écrits ayant laissé leur nom, ils ont été anonymisé par l’auteur.
Réponses Architectes 1. Nooooon ! Car la conception doit résulter d’un travail fin d’analyse des cultures constructives reflétant bien souvent des siècles d’expériences accumulées, que l’on croise avec les aspirations et compétences des usagers aujourd’hui. Concevoir est un acte social, culturel et artistique qu’aucun robot ne pourra faire. La robotisation de l’acte de construire est tout autant une hérésie. Chaque chantier est l’occasion d’exprimer des savoir-faire, l’art de manier certains matériaux, ce sont aussi des moments de plaisir pour beaucoup d’artisans pour autant que leur travail soit respecté par le concepteur ! Penser que les robots, les imprimantes 3D, et autres joujoux motorisés vont remplacer l’humain en architecture, c’est mépriser des siècles d’intelligence constructive et d’évolution de la pensée architecturale. Analysez-donc tous ces outils des A.I. au travers de critères de durabilité, et vous verrez qu’ils sont un non-sens sur le plan environnemental (ils demandent beaucoup d’énergie), culturel (mépris de la pensée humaine) , social (poussez-vous incultes gens, on n’a pas besoin de vous) et même économique, car ils détruisent la résilience des populations à pouvoir concevoir et construire par eux-mêmes ! A l’heure ou un nombre croissant de personnes sans emplois ont besoin de logement et ne possède pas les moyens de s’acheter des matériaux industriels sortis de chaînes robotisées, pensons à les accompagner dans l’auto construction avec des ressources locales plutôt qu’à inventer des machines pondeuses de boîtes ! Xx XX, CRAterre-ENSAG 2. car sulte
l’architecture est de l’interaction
un entre
fait
social, des êtres
qui réhumains.
xxi
B) car l’architecture n’a pas que peu de sens pour elle-même, elle prend du sens à travers ce qu’en fait l’homme chaque jour du cycle de vie du bâti construit c) etc... 3. Encore trop flou sur les critères pris en compte 4. La conception architecturale met en jeu un héritage émotionnel et une mémoire transgénérationnelle des expériences corporelles des espaces habités accumulés sur des milliers d’années par l’espèce humaine. Je pense qu’aujourd’hui, seul un être humain ayant développé les capacités sensorielles et intellectuelles nécessaires d’un architecte est capable de traiter ces données pour faire des connexions inattendues mais cohérentes et formuler des projets qui restent compréhensibles et partageables par d’autre humains disposant des mêmes références physiques, culturelles et mémorielles. Aujourd’hui, je pense que les machines ne peuvent pas atteindre ce stade de développement car elles ne sont (à priori) pas capables d’émotions et de mobilisation perceptivo-cognitives informées par un bain culturel donné... En revanche, mes connaissances dans le domaine de l’IA sont limitées et je ne peux pas affirmer si, sous une forme ou une autre, elle sera capable un jour de simuler, concaténer et synthétiser ces émotions, ces perceptions et ces références culturelles très complexes représentant une énorme somme de données. La vitesse des progrès dans le domaine numérique est de nature à laisser penser que cette hypothèse ne peut toutefois pas être écartée du simple fait des peurs qu›elle engendre. Dans ce cas, je peux envisager l›avènement d›une IA suffisamment puissante, cultivée et nourrie des influx émotionnels appropriés théoriquement capable de faire des projets d›architecture. On peut alors raisonnablement envisager qu’un jour l’IA sera une aide puissante à l’orientation de projets d’aménagement et de création d’architectures en proposant, à partir d’une variété d’hypothèses et de systèmes de référence de départ sélectionnées par les concepteurs, de proposer plusieurs pistes de projet d’architecture... L’IA comme outil d’aide à l’exploration des solutions et d’aide à la décision est donc une hypothèse intéressante car elle vient en appui d’une démarche de conception en élargissant le champ des possibles... Cette hypothèse rassurante présentant l’avantage de ne pas exclure la figure de l’architecte du circuit en lui promettant une augmentation de ses capacités humaines, n’est peut-être qu’un artifice optimiste pour envisager l’avenir autrement qu’effroyablement mécaniste, mais elle m’oblige à ne pas répondre NON (sans aucun doute) à votre questionnaire. La question essentielle est alors celle du lieu du choix : qui fait le choix entre une solution et une autre ? Une seule personne : un architecte concepteur ? Un collectif d’usagers : les habitants ? Un collectif d’intérêt partagés : une institution publique ou une association non gouvernementale ? Un collectif d’intérêts privés : une entreprise ? Tous à la fois ? Au vu des avancées dans le domaine de la co-conception, je dirais que l’IA est potentiellement une piste d’avenir pour la conception architecturale augmentée, à condition que le procédé ne tombe pas dans les mains de groupes d’influence ou de décideurs qui ne nourrirait la machine qu’avec des algorithmes
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privilégiant quelques aspects de l’architectures choisi en fonction d’intérêts spécifiques (optimisation spatiale, sécuritaire et matérielle en vue de la seule rentabilité économique dégageant du profit par exemple). Cette IA là conduirait inéluctablement l’architecture vers un appauvrissement culturel pitoyable... Le risque que représente actuellement l’IA et qui nous effraie tous, est que ce gain en intelligence puisse conduire l’humanité à une perte de son essence humaine : la production de la beauté, la création d’émotions artistiques et l’expression culturelle d’une société par les arts. Xx XX, Architecte. xxxxxx xxxxx. ENSAG. xxxxx xxxxxx LABEX AE&CC 5. Car si c’est le cas, les architectes mutent et sont présents alors en programmation / génération des outils d’I.A. 6. Il va falloir que les IA apprennent ce qu’est l’émotion (que les espaces peuvent provoquer), et ça ce n’est pas gagné. Je ne pense pas qu’un algorithme puisse la recréer. 7. Car le processus intellectuel de conception est fort complexe et bien que l’IA peut largement remplacer pour certaines tâches, cela me semble compliqué de penser un «remplacement» du processus entier de la conception et notamment sa part «créative» ou intuitive et même la compréhension des enjeux plus socio ou politiques de l’architecture 8. Si je ne reconsidère pas l’architecture ou la conception architecturale comme de l’art (au sens exclusif) je pense qu’elle intègre néanmoins une dimension artistique, une part d’expression personnelle, d’arbitrages, de choix individuels propres à/aux concepteurs que l’I.A. ne pourra jamais remplacer. Si l’I.A. pourra certainement permettre de faire émerger des constructions répondant à un certain nombre de critères ou de contraintes, je ne crois pas qu’elle pourra intégrer la part d’irrationnel/de poésie propre à la production humaine. Par ailleurs, je ne crois pas que cela soit vraiment souhaitable à la fois pour l’avenir de l’architecture comme pour celui des architectes ! Ceci dit, l’architecture serait-elle pas dans ce cas-là l’algorithme d’I.A. en question ? A méditer... 9. Car seul l’homme est capable de déterminer le programme et des spécifications qui répondent à ses attentes 10. C’est une position personnelle ou ce que j’appelle de mes vœux . Je crois en l’hybridation de l’éthique et de l’IA ce qui nous amènerai à une collaboration entre intelligences humaines et artificielles- surtout toujours mettre intelligences au pluriel !!! PS: la question sur l’art est bizarrement posée ... est-ce une question de forme et d’esthétique seulement ? de son statut classique d’ «art absolu» ? d’un art-isan? de savoir-faire ? - tout cela à la fois ...bon travail
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11. Une part de posture personnelle, d’imaginaire collectif et une autre de composition avec les contraintes que l’IA ne pourra semble-t-il jamais être capable
Réponses Autres Formations 12. Avant tout parce que je ne le souhaite pas! Mais aussi parce que j’estime que la machine étant dépourvue d’âme, elle n’est pas à même de réaliser de l’Art, qui selon moi DOIT avoir une âme pour parler aux Hommes. 13. A quoi bon ? 14. Parce qu’il faut parler et comprendre les habitants, usagers, les rendre conscients de leurs capacités, de leurs limites, des limites de la science. 15. Parce que les projets n’auront pas le même sens 16. Aujourd’hui, l’I.A ne peut pas se passer de l’aide d’êtres humains pour paramétrer et/ou réaliser les tâches qu’on lui demande. A l’avenir, comme c’est le cas actuellement pour nos enceintes connectées, je pense que l’IA fonctionnera sur la base du recours systématique à des digital workers. A ce sujet, je te conseille de lire les articles en ligne d’ Antonio Casilli qui vient de publier un ouvrage passionnant sur le sujet. Je pense sincèrement que la conception architecturale comporte un nombre trop élevé de tâches complexes et d’ajustements subjectifs pour être réalisée par une I.A, même assistée par des individus sous-payés aux quatre coins du monde dont le job sera de faire en quelques clics les arbitrages dont elle n’est pas capable.