L’ultime grande saga d’Arthur C. Clarke : une épopée captivante dans l’espace et le temps !
« Clarke et Baxter maîtrisent l’art de sauver le monde façon blockbuster. » Entertainment Weekly « Un must absolu pour les fans de science-fiction. »
All Things Considered
Cette fois, ils ont décidé d’en finir avec leur adversaire. C’est pourquoi ils ont envoyé une « bombe quantique » vers la Terre, un instrument que les scientifiques humains peinent à comprendre, impossible à stopper ou à détruire – et qui anéantira le monde. La quête de réponses désespérée de Bisesa l’envoie d’abord sur Mars puis sur Mir, elle-même menacée de destruction. L’extinction semble inévitable. Mais, tandis que la nature des Premiers-Nés se découvre peu à peu, ainsi que le terrifiant projet qu’ils réservent à l’humanité, un allié inattendu surgit des profondeurs de l’espace, à des années-lumière de là. Sir Arthur C. Clarke (1917-2008) est l’un des plus grands écrivains de science-fiction de l’histoire avec H.G. Wells et Isaac Asimov. Il a livré d’innombrables classiques et des chefs-d’œuvre tels que le célèbre 2001 : l’odyssée de l’espace ou encore le cycle de Rama. Son œuvre visionnaire et humaniste a influencé d’autres grands auteurs comme Stephen Baxter. Né en 1957, ce dernier est l’un des chefs de file de la SF contemporaine, avec plus de trente romans à succès, dont Voyage et Les Vaisseaux du temps. Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Laurent Genefort ISBN : 978-2-35294-575-8
9 782352 945758
Illustration de couverture : David Oghia
Les Premiers-Nés tentent d’arrêter l’avancée de la civilisation humaine en employant une technologie indiscernable de la magie.
Des mêmes auteurs, aux éditions Bragelonne, en grand format : L’Odyssée du Temps : 1. L’Œil du Temps 2. Tempête solaire 3. Les Premiers-Nés D’Arthur C. Clarke, chez Milady, en poche :
Les neufs milliards de noms de dieu et autres nouvelles Le Feu aux poudres : 1. La Détente 2. L’Enrayeur Dix sur l’ échelle de Richter (avec Mike McQuay)
Les Chants de la Terre lointaine
De Stephen Baxter, chez d’autres éditeurs :
La Trilogie de l’espace (l’Intégrale)
Les Vaisseaux du temps
Des mêmes auteurs, chez d’autres éditeurs :
Voyage (tomes 1 & 2) Titan
Lumière des jours enfuis D’Arthur C. Clarke, chez d’autres éditeurs : Les Enfants d’Icare La Cité et les astres Les Odyssées de l’espace : 2001, l’odyssée de l’espace 2010 : Odyssée deux 2061 : Odyssée trois 3001, l’odyssée finale Rama : Rendez-vous avec Rama Rama II (avec Gentry Lee) Les Jardins de Rama (avec Gentry Lee) Rama révélé (avec Gentry Lee)
Poussière de lune Évolution Les Univers multiples : Temps Espace Origine Cycle des Xeelees : Gravité Singularité Flux Les Enfants de la destinée : Coalescence Exultant Transcendance
Terre, planète impériale Les Fontaines du Paradis
www.bragelonne.fr
Déluge : Déluge Arche
Arthur C. Clarke & Stephen Baxter
Les Premiers-Nés L’Odyssée du Temps – Livre 3 Traduit de l’anglais (Grande-Bretagne) par Laurent Genefort
Bragelonne SF
Collection Bragelonne SF dirigée par Tom Clegg
Titre original : Firstborn Copyright © 2008 by Arthur C. Clarke and Stephen Baxter Publié avec l’accord des auteurs, c/o Baror International, Inc., Armonk, New York, États-Unis © Bragelonne 2012, pour la présente traduction Illustration de couverture : David Oghia ISBN : 978-2-35294-575-8 Bragelonne 60-62, rue d’Hauteville – 75010 Paris E-mail : info@bragelonne.fr Site Internet : www.bragelonne.fr
Pour la British Interplanetary Society.
Première partie Premiers contacts
1 Bisesa
Février 2069
C
ela n’eut rien d’un réveil. Ce fut une brutale émergence, un coup de cymbales. Les yeux de Bisesa, brusquement grands ouverts, furent agressés par une lumière éblouissante. Elle aspira l’air à grandes goulées, et le seul fait de penser fut un choc qui la fit hoqueter. Un choc, oui. Elle n’aurait pas dû être consciente. Quelque chose clochait. Une pâle silhouette flottait dans les airs. — Docteur Heyer ? — Non. Non, maman, c’est moi. Le visage se précisa. Il s’agissait de sa fille, avec ses traits affirmés, ses yeux bleu clair, ses sourcils bruns un peu trop abondants. Il y avait quelque chose sur sa joue, une espèce de symbole… Un tatouage ? — Myra ? Sa gorge lui parut rêche, sa voix éraillée. À présent, elle avait la sensation diffuse de reposer sur le dos, dans une chambre, et que des gens et des appareils se trouvaient juste hors de son champ visuel. — Qu’est-ce qui a échoué ? — Échoué ? — Pourquoi est-ce qu’on ne m’a pas placée en léthargie ? Myra hésita. — Maman… quelle est la date d’aujourd’hui, d’après toi ? — 2050. Le 5 juin. — Non. Nous sommes en 2069, maman. Au mois de février. Dix-neuf ans se sont écoulés. L’hibernation a fonctionné. 9
Maintenant, Bisesa apercevait des mèches grises dans la chevelure sombre de Myra, des rides autour de ses yeux pénétrants. — Comme tu peux le voir, ajouta celle-ci, je n’ai quant à moi pas suivi le chemin le plus court. Ce devait être vrai. Bisesa avait encore pris une tangente impro bable dans son odyssée personnelle à travers temps. — Ça, par exemple… Un autre visage flotta au-dessus d’elle. — Docteur Heyer ? — Non. Le docteur Heyer a pris sa retraite il y a longtemps. Je suis le docteur Stanton. Nous allons commencer la réinjection sanguine totale. Je crains que ce soit douloureux. Bisesa essaya de se lécher les lèvres. — Pourquoi m’a-t-on réveillée ? interrogea-t-elle, et elle répondit aussitôt à sa propre question : Oh ! les Premiers-Nés. (De qui d’autre aurait-il pu s’agir ?) Une nouvelle menace. Le visage de Myra se décomposa. — Tu as été absente pendant dix-neuf ans, et la première chose que tu demandes concerne les Premiers-Nés. Je reviendrai te voir quand tu seras pleinement rétablie. — Myra, attends… Mais sa fille avait disparu. Son nouveau médecin avait raison : cela fit mal. Mais Bisesa avait été soldat dans l’armée britannique autrefois, aussi s’efforça-t-elle de ne pas hurler.
2 Le Deep Space Monitor
Juin 2064
L
a première vision claire de la nouvelle menace avait eu lieu cinq ans auparavant. Et les yeux qui avaient aperçu l’anomalie n’étaient pas humains mais électroniques. La sonde Deep Space Monitor X7-6102-016 évoluait dans l’ombre de Saturne, autour de laquelle des lunes avaient l’air de lampions suspendus. Les anneaux de la planète gazeuse n’étaient guère plus qu’un souvenir de ce qu’ils avaient été avant la tempête solaire. Cependant, comme l’engin progressait, le soleil passa derrière eux, les muant en un pont d’argent barrant le ciel. Le Deep Space Monitor n’était pas capable de stupeur. Pas tout à fait. Toutefois, à l’instar de toute machine suffisamment avancée, il disposait d’un certain niveau de conscience, et son âme numérique vibra en contemplant la merveille de gaz et de glace au-dessus de laquelle il naviguait. Mais il ne se donna pas la peine de la visiter. Silencieux, il s’approcha de la cible suivante sur son orbite. Titan, la plus grande lune de Saturne, était une boule ocre, sans trait distinctif, faiblement éclairée par le lointain soleil. Mais ses épaisses couches de nuages et de brume cachaient des miracles. Au cours de son approche, le DSM X7-6102-016 écouta avec circonspection le bavardage électronique d’une nuée de robots explorateurs. Sous un ciel d’un orange sale, des rovers à l’allure d’insectes se traînaient sur un « sable » formé de cristaux de glace aussi durs que du basalte, évitaient les geysers de méthane, se glissaient avec prudence dans des vallées sculptées par des fleuves d’éthane, et creusaient une 11
surface amollie par le méthane qui pleuvait en permanence sur toute la planète. Un courageux ballon d’observation, soutenu par la densité de l’air, survolait un cryovolcan qui déversait une lave d’eau additionnée d’ammonium. Des submersibles étudiaient des poches affleurantes d’eau liquide : des lacs à la surface gelée, préservés au fond de cratères d’impact. Titan regorgeait de composés organiques complexes, que généraient les orages électriques et le pilonnage de la couche d’atmosphère supérieure par le rayonnement solaire et le champ magnétique de Saturne. Partout où elles regardaient, les sondes trouvaient de la vie. Certains organismes ressemblaient à ceux de la Terre : des bestioles méthanophiles anaérobies, qui édifiaient lentement des monticules dans l’eau glacée des lacs de cratère. Une forme de vie carbonée plus exotique, qui utilisait de l’ammoniaque au lieu de l’eau, avait été découverte dans ce qui sortait en gargouillant des cryovolcans. La plus singulière s’avérait être une colonie d’organismes visqueux constitués non pas de carbone mais de composés siliceux ; ceux-là vivaient dans le froid glacial des lacs d’éthane noirs, aussi lisses que des miroirs. Les bestioles des lacs de cratère étaient des cousins éloignés des grandes familles de la vie terrestre. Les poissons d’ammoniaque semblaient être originaires de Titan. La vase cryophile des lacs d’éthane provenait peut-être des lunes de Neptune ou d’au-delà. Le système solaire se révélait plein de vie… et celle-ci éclatait partout, dans la roche et les morceaux de glace arrachés par les impacts de corps célestes. Tout de même, Titan était extraordinaire : un confluent de formes de vie provenant de tout le système solaire, et sans doute de l’extérieur. Mais le Deep Space Monitor X7-6102-016 n’était pas venu là à des fins scientifiques. Comme il passait au plus près de la lune et de son carnaval biologique, ses frères robots ne remarquèrent même pas sa présence. La philosophie derrière la conception de la sonde spatiale remon tait à un bon siècle. L’engin possédait une armature tout en angles, d’où surgissaient des bras supportant des capteurs et des batteries à isotopes radiothermiques. Ce noyau était entouré d’une coquille de « métamatériau », une nasse de joints et de câbles nanotechnologiques qui interceptaient les rayons solaires, pour les diriger et les rediffuser sur des trajectoires identiques à celles qu’ils auraient eu en l’absence de la sonde. Le Deep Space Monitor n’était pas aveugle : sa coquille analysait le rayonnement entrant. Mais la lumière n’étant ni réfléchie ni défléchie, il devenait quasiment invisible. De même, il était indétectable 12
sur n’importe quelle fréquence, des rayons gamma extrêmes jusqu’aux ondes radio. Le DSM X7-6102-016 n’était pas un explorateur. Camouflé, silencieux, c’était une sentinelle. Et à présent, il se dirigeait droit vers la rencontre pour laquelle on l’avait spécifiquement conçu. Alors qu’il rasait les nuages de Titan, le champ de gravitation du satellite le relança sur une nouvelle trajectoire qui allait le propulser hors du plan du système saturnien, loin au-dessus des anneaux. Tout cela dans le plus grand silence radio, sans un seul jet de propulseur. Et X7-6102-016 approcha de l’anomalie. Il détecta une cascade de particules exotiques à haute énergie. Un puissant champ magnétique le balaya, issu d’une source électro magnétique violente quelque part au milieu de l’espace. Il envoya un rapport à la Terre, par salves laser de données ultra-compressées émises de façon sporadique. Le Deep Space Monitor ne disposait d’aucun moyen d’ajuster sa trajectoire sans compromettre son camouflage, aussi s’abandonna-t-il à sa dérive inexorable, manquant l’anomalie de cinq cents mètres environ. Sa dernière observation, et en un sens sa dernière pensée, fut l’enregistrement d’une soudaine distorsion du champ magnétique de l’anomalie. L’ultime signal du DSM X7-6102-016 indiqua que celle-ci s’éloignait à une vitesse prodigieuse, impossible. Ce furent des données que les créateurs de la sonde ne purent croire ni comprendre. Comme toute machine suffisamment avancée, l’anomalie possé d ait un certain degré de conscience. La dévastation qu’elle était destinée à infliger concernait le futur, de sorte que ce problème moral ne la gênait pas encore. Mais un soupçon de regret l’effleura à l’idée de désintégrer cette machine primitive qui l’avait suivie aussi loin, camouflée sous son dérisoire système d’occultation. Seule à présent, l’anomalie traversa le système saturnien, accumulant de l’énergie cinétique de la géante gazeuse. Puis elle s’élança en direction du lointain soleil et des mondes chauds blottis autour de lui.
3 Abdikadir
2068 (Terre) / 31 (Mir)
S
ur Mir, le premier indice du phénomène singulier à venir aurait été banal s’il n’avait été tout à fait incongru. Abdikadir manifesta son irritation lorsque le clerc l’arracha à son télescope. Pour une fois, la nuit était claire. La première génération de réfugiés de la Terre se plaignait toujours du temps nuageux de Mir, ce monde-patchwork enclos dans son univers-patchwork. Mais cette nuit-là, la vue était superbe, et Mars roulait dans un ciel sans nuages, d’un bleu éclatant. Avant l’interruption du clerc, l’observatoire, situé sur le toit du temple de Mardouk, représentait un modèle d’efficacité silencieuse. L’instrument principal était un réflecteur poli par des esclaves mongols sous les ordres d’un savant grec de l’école d’Othic. Le grand miroir renvoyait une image de la surface de Mars, magnifique quoique vacillante. Pendant qu’Abdi effectuait ses observations, des clercs tournaient les leviers qui faisaient pivoter le cadre du télescope, afin de contrebalancer la rotation du globe ; ainsi, Mars demeurait au centre de l’objectif sans le moindre à-coup. Abdikadir traçait une esquisse rapide sur la tablette attachée par une sangle à son genou ; dans l’empire mondial d’Alexandre, l’industrie n’avait pas encore atteint le stade de la photographie. De Mars, il pouvait clairement voir les calottes polaires, les mers d’azur, les déserts ocre zébrés de bandes brun-vert et bleu, et même la lueur de villes extraterrestres qui se nichaient, croyait-on, dans la caldeira d’Olympus Mons. 15
C’est alors qu’il était plongé dans son labeur, tâchant de profiter de chaque seconde de cette vision, que Spiros arriva. Âgé de quatorze ans, le clerc était un étudiant d’Othic appartenant à la troisième génération des natifs de Mir. C’était un garçon brillant et inventif, mais sujet à l’exci tation. À présent, c’est à peine s’il parvenait à délivrer sa nouvelle d’une voix bredouillante, à un astronome de guère plus de dix ans son aîné. — Du calme, mon garçon. Respire. Dis-moi ce qui ne va pas. — La chambre de Mardouk…, commença-t-il, faisant référence au cœur du temple sur le toit duquel tous deux se trouvaient. Vous devez venir, maître ! — Pourquoi ? Qu’y a-t-il à voir ? — Pas à voir, maître Abdi… à entendre. Abdi jeta un nouveau coup d’œil dans son oculaire, où même maintenant, Mars luisait de sa lumière bleutée. Mais l’agitation du garçon acheva de le convaincre. Il y avait bien quelque chose qui clochait. À contrecœur, il descendit de son siège d’observation et interpella avec rudesse l’une de ses élèves : — Toi, Xenia ! Prends la relève. Je ne veux pas gaspiller une seconde du spectacle. La jeune fille se hâta d’obéir, et Spiros courut vers l’échelle. — Tu as intérêt à ce que ça vaille le coup, lança Abdi, sur les talons du garçon. Il leur fallut descendre, puis remonter par l’intérieur de la carcasse du temple, car la chambre du grand dieu Mardouk se situait tout près du sommet. Ils traversèrent une incroyable variété de salles éclairées par des lampes à huile brûlant avec force fumée dans des niches. Longtemps après que le temple avait été abandonné par ses prêtres, l’odeur d’encens demeurait puissante. Abdi pénétra dans la chambre de Mardouk en jetant un regard circulaire. Autrefois, la salle avait contenu une grande statue du dieu en or. Pendant la Discontinuité, l’événement qui avait créé le monde, elle avait été détruite, et les murs réduits à des briques dénudées, pelées par quelque intense chaleur. Il ne restait que la base à demi fondue de la statue ; c’est à peine si on discernait la trace des deux pieds formidables. La chambre n’était plus que ruines, comme si elle avait subi une explosion. Mais il en était ainsi depuis qu’Abdi était au monde. Il se tourna vers Spiros. 16
— Eh bien ? Où est ce problème ? — Vous n’entendez pas ? demanda le garçon, hors d’haleine. Et il s’immobilisa, un doigt sur les lèvres. Alors, Abdi le perçut : un grésillement, presque comme celui d’un grillon, mais trop régulier, trop mécanique. Il jeta un regard au garçon figé par la peur, les yeux écarquillés. Abdi alla jusqu’au centre de la pièce. De là, il s’aperçut que le son provenait d’un chasseau richement sculpté, fixé à un mur. Il s’en approcha, et le bruit s’intensifia. Afin de sauver la face devant le garçon, Abdi essaya d’empêcher sa main de trembler lorsqu’il ouvrit le panneau du petit placard au centre du chasseau. Il savait ce que le meuble contenait : un artefact rond comme un galet, qui avait voyagé de la Terre jusqu’à Mir. L’objet avait appartenu à une compagne du père d’Abdi du nom de Bisesa Dutt. On en avait pris soin pendant des années, puis on l’avait déposé ici quand son énergie avait fini par se tarir. C’était un téléphone mobile. Et il sonnait.
À suivre...