Infiniment - extrait

Sur la route du bonheur…

Amy Michaels adore sa nouvelle vie à Lucky Harbor. Son premier week-end de randonnée en montagne lui réserve de belles surprises : elle quitte le sentier, s’égare, et voilà qu’elle se retrouve nez à nez avec Matt Bowers, le garde forestier. Même si elle a juré de ne plus jamais tomber amoureuse, elle a du mal à ne pas succomber au charme irrésistible de l’homme le plus en vue de la ville. Cet ancien flic au tempérament ombrageux a toujours préféré se passer de coéquipier, mais sa rencontre avec Amy pourrait bien le faire changer d’avis…

INÉDIT

Lucky Harbor 5

Amitié / Sentiments / Sexy

« Du suspense, de l’humour et du cœur – Jill Shalvis ne déçoit jamais. »

Donna Kauffman, auteure best-seller de la série Cupcake Club.

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Camille Perdican Photographies de couverture : © Shutterstock ISBN : 978-2-8112-1239-1

9 782811 212391

Couv Infiniment (20) indd.indd 1

7,60 €

romance 03/06/14 11:39

Du même auteur, chez Milady : Lucky Harbor : 1. Irrésistible 2. Tendrement 3. Éperdument 4. Passionnément 5. Infiniment

Ce livre est également disponible au format numérique

www.milady.fr

Jill Shalvis

Infiniment Lucky Harbor – 5 Traduit de l’anglais (États-Unis) par Camille Perdican

Milady Romance

Milady est un label des éditions Bragelonne

Titre original : At Last Copyright © 2012 by Jill Shalvis Publié avec l’accord de Grand Central Publishing, New York, New York, États-Unis.

Tous droits réservés. © Bragelonne 2014, pour la présente traduction ISBN : 978-2-8112-1239-1 Bragelonne – Milady 60-62, rue d’Hauteville – 75010 Paris E-mail : info@milady.fr Site Internet : www.milady.fr

À ceux qui ont déjà voyagé seuls.

Puissiez-vous découvrir au gré de ce parcours votre propre espoir, votre paix et votre cœur.

Chapitre premier

Tout est meilleur avec du chocolat.

Les Accros du chocolat — Je ne suis pas perdue, dit Amy Michaels à l’écureuil qui l’observait, perché sur une branche d’arbre. Je ne suis vraiment pas perdue.

Monsieur l’écureuil n’avait pas l’air de s’en soucier.

— Je ne pense pas que tu connaisses le chemin ? lui demanda-t-elle. Il se trouve que je cherche l’espoir.

L’animal remua le bout de son nez, puis partit en courant et disparut dans les bosquets touffus.

Voilà ! C’est ce qu’elle obtenait quand elle demandait sa direction. Ou lorsqu’elle demandait quoi que ce soit d’ailleurs… Elle resta plantée là. Les rayons du soleil cognaient sur sa tête. Elle tenait une carte dans la main et le journal intime de sa grandmère Rose dans l’autre. La forêt qui l’entourait était un foisonnement de nuances de verts et regorgeait de mousse et de plantes grimpantes. Même le sol semblait vivant, constitué qu’il était de pousses de plantes et de cours d’eau par-dessus lesquels elle devait constamment sauter tandis que des oiseaux et des écureuils jacassaient sur son passage. Citadine dans l’âme, Amy était habituée au béton, aux lumières 7

agressives et aux gens qui s’insultent dans la rue. Seule dans ce silence bruyant et cette absence de civilisation, elle avait l’impression d’être sur une autre planète, mais elle tint bon.

L’ancienne Amy n’aurait pas tenu. À l’heure qu’il était, elle serait déjà rentrée chez elle. Mais l’ancienne Amy avait toute sa vie durant pris la fuite au lieu de faire front. Elle en avait fini avec cela. C’était la raison pour laquelle elle était là, en pleine nature, plutôt que sur son canapé. Il y avait une autre raison, aussi, sur laquelle elle avait eu du mal à mettre des mots. Près de cinq décennies auparavant, sa grand-mère avait passé un été à Lucky Harbor, la petite ville côtière de l’État de Washington qu’Amy pouvait apercevoir depuis le sentier. L’aventure estivale de Rose avait été l’histoire du soir qui avait accompagné l’enfance d’Amy, la seule lueur d’espoir dans une enfance de toutes parts merdique.

Maintenant, Amy était une adulte – d’une façon toute relative – et elle était à la recherche de ce que sa grand-mère avait prétendu avoir trouvé des années plus tôt : l’espoir, la paix et son propre cœur. Cela semblait absurde et insaisissable, mais la vérité se trouvait au fond de ses tripes : Amy voulait ces choses, elle en avait tellement besoin que c’en était douloureux.

C’était plus difficile qu’elle ne l’avait cru. Elle s’était levée avant l’aube, après avoir assuré le service pendant dix heures, debout, au Diner, et se trouvait maintenant sur un sentier de montagne. Toujours debout.

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Pas certaine d’aller dans la bonne direction, elle ouvrit le journal intime de sa grand-mère. Il ressemblait plutôt à un bloc-notes à spirale et était assez petit pour tenir dans la paume de sa main. Amy l’avait pratiquement appris par cœur, mais c’était toujours réconfortant de voir ses gribouillis. « La semaine a été difficile. La plus difficile de l’été, jusqu’à présent. En ville, une femme nous a indiqué la route à suivre pour une randonnée d’un jour, en nous assurant que ce serait amusant. Nous sommes partis de la maison forestière du secteur nord, avons tourné à droite à Eagle Rock, puis à gauche à Squaw Flats. Le brouhaha incessant de l’océan nous a guidés vers le nord, et ainsi nous nous sommes dirigés droit vers la plus belle prairie que j’aie jamais vue, bordée sur le côté est par des roches préhistoriques de dix mètres de hauteur, qui pointaient vers le ciel.

La plus éloignée était aussi la plus grande, fièrement enracinée dans le sol, probablement plantée là depuis l’âge glaciaire.

Nous nous sommes assis, dos contre le rocher, pour profiter de la vue. J’ai passé un peu de temps à dessiner la prairie et, quand j’en ai eu terminé, le soleil de la fin d’après-midi a frappé le rocher en l’illuminant, le transformant en un diamant tombé du ciel, à la fois éblouissant et inspirant. Nous avons gravé nos initiales au bas de notre diamant et avons passé la nuit sous un ciel de velours noir…

Au petit matin, je me suis rendu compte que quelque chose m’avait cruellement manqué : l’espoir pour le futur. » 9

Amy pouvait entendre la voix douce et tremblante de sa grand-mère prononcer ces mots, même si, bien sûr, elle était beaucoup plus jeune quand elle avait réellement écrit ces lignes. Grand-père Scott était mort quand Amy avait cinq ans, elle ne se rappelait donc pas grand-chose de lui, sinon son visage strict et le frétillement incessant de ses doigts. C’était dur d’imaginer l’homme stoïque de ses souvenirs entreprendre un voyage fantaisiste vers un rocher diamant pour trouver l’espoir – mais qu’en savait-elle ?

Elle eut l’impression de marcher pendant une éternité sur l’abrupt sentier de montagne, qui, sur la carte, avait bien sûr paru beaucoup plus plat et droit.

Ni la carte ni le journal intime de Rose n’avaient indiqué à Amy qu’elle allait devoir autant monter, jusqu’à souffrir à ce point. Ou que le sentier à voie unique était semé d’embûches comme des rochers, des petits cours d’eau, des plantes rampantes et deux arbres abattus, plus grands que la taille de son appartement. Mais Amy avait pour elle sa déter­­­ mination. Oui : elle était née déterminée. Bien sûr, elle avait emprunté quelques détours entre Pas-de-Bol et Mauvaises-Décisions-les-Plages, mais elle était revenue dans le droit chemin.

Elle avait simplement besoin de cet espoir. Et la paix ne lui ferait pas de mal non plus. Quant au côté cœur, elle s’en fichait pas mal. Ses histoires sentimentales ne s’étaient jamais bien goupillées.

Le cœur pouvait bien craindre, mais cet espoir, elle le voulait. Alors, elle continua à avancer, à travers des formations rocheuses de la taille de gratte-ciel et 10

des arbres dont elle ne pouvait même pas apercevoir le sommet, ce qui la faisait se sentir petite et insignifiante.

Et intimidée.

Elle avait été malmenée auparavant, mais sous une forme tout autre, comme se priver de repas pendant ses semaines maigres. Il ne s’agissait pas d’avancer péniblement à travers une forêt très humide, envahie par les mauvaises herbes, les insectes, les araignées et probablement des tueurs d’oiseaux. Du moins, avec tous ces ululements frénétiques et incessants Amy avait l’impression que c’étaient des tueurs d’oiseaux.

Quand elle ressentit le besoin de faire une pause, elle ouvrit son sac à dos et se rua directement sur le brownie de secours qu’elle avait piqué au boulot un peu plus tôt. Elle s’assit sur un gros rocher et poussa un soupir de plaisir en mordant dans le gâteau. Dès la première bouchée de ce don du ciel chocolaté, elle gémit encore et se détendit un peu.

Tu vois, se dit-elle, en regardant alentour la nature surabondante, ce n’ était pas si difficile. Elle pouvait carrément le faire. Bon sang ! Peut-être même qu’elle dormirait là, comme ses grands-parents l’avaient fait, sous le ciel de velours.

C’est alors qu’une abeille plongea en piqué sur elle avec la précision d’un pilote kamikaze. Amy poussa un cri en se levant précipitamment.

— Bon sang !

Elle se reprit, frotta la poussière qui la recouvrait et examina le brownie qui était tombé et gisait, abandonné dans la terre. Elle s’accorda un moment 11

pour pleurer sa perte, avant d’évaluer avec méfiance son environnement.

S’il n’y avait plus d’abeilles, elle avait désormais un problème de taille. Elle prit soudain conscience que cela faisait un bon moment qu’elle avait entrevu le littoral accidenté, avec ses arches de pierre et ses rochers marins. Et elle n’entendait plus les vagues s’échouer en dessous d’elle pour la guider vers le nord.

Cela ne laissait rien présager de bon.

Elle consulta sa carte et l’itinéraire indiqué au crayon. Mais cela ne lui était pas d’une grande aide. Le sentier avait été entrecoupé de quelques bifurcations, et toutes n’étaient pas clairement indiquées. Elle regarda de nouveau le journal intime de sa grandmère. Comme indiqué, elle était partie de la maison forestière du secteur nord, avait tourné à droite à Eagle Rock, puis à gauche à Squaw Flats…, mais il n’y avait aucun bruit venant de l’océan. Aucune prairie. Aucun rocher diamant.

Et pas d’espoir.

Amy jeta un œil à sa montre : 18 h 30. Est-ce qu’il faisait déjà plus sombre ? C’était difficile à dire. Elle supposa avoir encore une bonne heure trente avant que la nuit tombe, mais, en son for intérieur, elle savait que ce temps ne serait pas suffisant. La prairie n’allait pas apparaître comme par magie, du moins pas ce jour-là. Elle tournait en rond pour se repérer quand elle entendit un bruissement étrange. Un bruissement qu’un humain aurait pu provoquer. Amy se figea sur place. Un frisson la parcourut.

— Il y a quelqu’un ?

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Le bruissement avait cessé, mais elle vit alors une apparition furtive dans les buissons. Un visage ? Elle l’aurait juré.

— Bonjour ! héla-t-elle. Qui est là ?

Personne ne répondit. Amy fit glisser son sac à dos sur le devant et attrapa un canif.

Rat de ville un jour, rat de ville toujours.

Elle perçut un autre bruissement léger. Quelque chose de bleu – peut-être un sweat-shirt – traversa son champ de vision.

— Hé ! hurla-t-elle, plus fort qu’elle n’avait eu l’intention de le faire, car elle détestait qu’on lui fasse peur.

De nouveau, personne ne répondit. Elle sut avec le calme soudain revenu qu’elle était de nouveau seule.

Elle était douée pour être seule. Elle travaillait d’ailleurs seule. Le cœur toujours battant, elle se retourna. Puis se retourna de nouveau. Parce qu’elle avait un problème : tout se ressemblait tellement qu’elle ne savait plus d’où elle était arrivée.

Ni où elle allait. Elle longea le sentier pendant une minute, mais cet endroit ne lui évoquait rien, alors elle fit un virage à cent quatre-vingts degrés.

Toujours rien de familier.

Génial. Sentant qu’elle s’était aventurée dans une voie inconnue, elle sortit son téléphone portable et en fixa l’écran.

Une barre…

Bon, ne panique pas ! Amy ne paniquait jamais avant d’être dos au mur. Elle mesura du regard le rocher le plus proche et partit vers lui. Son guide 13

de voyage disait que les formations rocheuses des montagnes Olympiques étaient constituées d’argile, de grès, de basalte et de laves en coussins. Elle les aurait aussi qualifiées de tranchantes et de découpées, un fait avéré par les coupures sur ses mains et ses jambes. Mais c’était aussi un endroit qui captait bien.

Avec un peu de chance.

Elle se débrouillait à peu près pour grimper sur les rochers. Mais regarder en bas était une autre affaire.

La vache, qu’est-ce qu’elle était montée haut !

Sa gorge se serra.

Mais ses efforts étaient désormais récompensés par deux barres. Elle prit un moment pour se demander si elle devait appeler ses deux amies les plus proches, Grace et Mallory. Ou les Accros du chocolat, qui étaient doués en toutes situations. Mais comme Mallory était née à Lucky Harbor elle était sûrement la mieux placée pour la renseigner. Amy l’appela en premier.

— Comment ça se passe ? demanda Mallory.

— Je fais une pause-brownie, dit Amy avec désinvolture, comme si elle n’était pas assise sur un rocher, trois cents kilomètres au-dessus de la surface de la terre. J’ai pensé que tu pourrais me rejoindre.

— Pour du chocolat ? demanda Mallory. Oh oui !

Où es-tu ?

Si ça, ce n’était pas la question du jour !

— Je suis dans la chaîne de montagnes des prairies… quelque part.

Un silence accusateur se fit entendre.

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— Tu as menti quand tu me disais de venir te rejoindre pour la pause-brownie ? demanda Mallory, le ton plein de reproches.

— Je ne m’attendais pas exactement à ce que tu fasses un blocage sur cette partie de l’histoire, dit Amy. Sous elle, le rocher était humide. De la mousse trempée par la pluie ornait le moindre tronc d’arbre alentour, et elle entendait une cascade s’écouler en bassin naturel à proximité. Un autre bruissement se fit entendre dans les buissons. Peut-être le vent ? Ou… ?

— Je n’arrive pas à croire que tu m’aies menti à propos de chocolat, dit Mallory. Mentir à propos du chocolat, c’est… de l’hypocrisie. Tu te souviens de toutes ces leçons de vilaine fille que tu m’as données ?

Amy se massa entre les yeux : elle sentait qu’elle commençait à avoir mal à la tête.

— Tu veux dire les leçons grâce auxquelles tu as décroché le beau gosse sexy avec qui tu couches ?

— Certes. Mais ce que je veux dire, c’est que tu aurais peut-être besoin de leçons de gentille fille. Et la leçon de gentille fille numéro un est : ne jamais plaisanter avec le chocolat.

— Oublie le chocolat. (Amy inspira profon­­ dément.) Bon, tu sais que je ne suis pas vraiment du genre à demander de l’aide quand je foire un truc, mais… (Elle grimaça.) À l’aide !

— Tu es vraiment perdue ?

Amy poussa un soupir.

— Oui, je suis vraiment perdue. Alerte la presse.

Envoie un texto à Lucille.

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En fait, à Lucky Harbor, Lucille était la presse.

Même si elle avait soixante-dix ans et des brouettes, son esprit était très aiguisé, et elle l’employait à gérer la page Facebook de Lucky Harbor comme si c’était celle de Public.

Mallory ne rigolait plus : elle avait pris sa voix autoritaire du service des urgences.

— Sur quel sentier t’es-tu engagée et depuis combien de temps te déplaces-tu ?

Amy fit de son mieux pour recalculer sa longue marche jusqu’à l’endroit où elle avait tourné à gauche à Squaw Flats.

— J’aurais dû atteindre la prairie à l’heure qu’il est, hein ?

— Si tu étais restée sur le bon sentier, oui, acquiesça Mallory. Bon, écoute-moi bien. Je veux que tu restes exactement où tu es. Ne bouge pas.

Amy regarda autour d’elle : quelles sortes d’animaux étaient dans le coin ? Elle se dit qu’elle devait représenter à leurs yeux un savoureux morceau de viande.

— Peut-être que je devrais…

— Non, dit Mallory d’un ton ferme. Je suis sérieuse, Amy. Je veux que tu restes où tu es. Des gens se perdent parfois, et on n’entend plus jamais parler d’eux. Ne bouge pas de là. J’ai un plan.

Amy acquiesça, mais Mallory avait déjà raccroché.

Amy glissa son téléphone dans sa poche, et même si elle n’était pas du genre à suivre des instructions elle fit ce que Mallory lui avait ordonné et ne bougea pas 16

d’un pouce. Mais elle reprit son canif dans la paume de sa main.

Et rêva d’un autre brownie.

Les bruits de la forêt recommencèrent. Des oiseaux. Des insectes. Un animal avec un cri qui lui filait la chair de poule. Elle se fit une entorse cervicale rien qu’en écoutant les bruits étranges. Mais, comme elle l’avait appris depuis longtemps, maintenir un haut niveau de nervosité pendant un laps de temps prolongé était tout simplement épuisant. Elle n’allait pas se fatiguer davantage en poussant un grand cri. Elle sortit son carnet de croquis pour tenter de s’évader dans le dessin. Trente minutes plus tard, elle entendit quelqu’un approcher, qui, lui semblait-il, venait de la direction opposée à celle par laquelle elle était arrivée. Cet individu ne faisait pas beaucoup de bruit, mais Amy avait l’ouïe fine. Elle pouvait même distinguer les sons en dormant. Son cœur fit un bond, mais il s’agissait de bruits de pas réguliers et tranquilles sur le sentier. Pas des pas lourds d’un ivrogne dans le couloir qui menait à sa chambre…

Dans tous les cas, ce n’était certainement pas Mallory. Non. C’était un homme, à la démarche légère, mais il n’essayait pas de cacher son approche.

Amy serra ses doigts autour du manche de son canif pour se rassurer.

Un homme apparut dans le virage. D’où il se trouvait il ne pouvait pas encore la voir. Il était grand, bien foutu, armé et dangereux, même si, de visu, il ne représentait aucunement un risque. Vraiment 17

rien dans le garde forestier bien charpenté, musclé, splendide n’était une menace pour elle.

Mais pour sa tranquillité d’esprit Matt Bowers était fatal.

Elle savait qui il était après toutes les nuits où il était venu chercher de la nourriture au Diner, après sa longue journée de travail. Les habitants de Lucky Harbor lui léchaient les bottes, surtout les femmes. Amy attribuait cela à un mélange électrique de testostérone et d’uniforme. Il sirotait un soda, et elle aurait parié son dernier dollar que c’était du Dr Pepper. Le mec était sérieusement accro à ce genre de boisson.

Elle percevait son charme, elle en sentait même le tiraillement, mais elle ne pouvait rien contre cette attraction physique, malgré la résistance de son esprit, plus intelligent.

L’homme portait de grosses lunettes de soleil aux verres foncés, mais elle savait très bien que ses yeux étaient noisette, que son regard était vif et ne perdait pas une miette de ce qui se passait.

Ces yeux contrastaient totalement avec son sourire, sympathique et décontracté, qui lui donnait l’air d’un minet.

Ce sourire mentait.

Rien en Matt Bowers n’était doux et dompté.

Ni le moindre petit poil sur son visage délicatement bronzé, ni le moindre muscle spectaculaire : rien.

Il représentait les ennuis avec un grand E, et Amy avait laissé tomber ce genre de problèmes depuis longtemps.

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Elle était toujours assise sur l’affleurement rocheux, presque hors de vue du sentier, mais elle fut repérée sans effort par Matt. Elle remarqua l’amusement ironique avec lequel il s’arrêta et l’observa.

— Quelqu’un a envoyé un S.O.S. ?

Elle ravala presque son soulagement. Bon sang, Mallory ! De tous les hommes du pays, il fallait que tu envoies celui-là…

Comme elle ne répondait pas, il sourit. Il savait très bien qu’elle avait appelé Mallory et il voulait l’entendre admettre qu’elle était perdue.

Mais cela aurait été puéril et immature, et à l’opposé de ce qu’elle ressentait. En réalité, la réaction qu’elle avait en le voyant ne pouvait être plus éloignée de la puérilité, et cela lui faisait peur. Elle n’était pas prête pour quelqu’un comme lui, pour quelqu’un comme n’importe quel homme. La dernière chose dont elle aurait eu besoin était de s’engager, même si Matt lui donnait l’eau à la bouche, même s’il avait l’air de savoir exactement comment la faire descendre de cette montagne.

Ou de la faire monter au septième ciel…

Si ce n’était pas la pensée la plus déconcertante qu’elle avait eue depuis des semaines…

Des mois.

— Mallory a appelé la cavalerie, dit-il. J’ai pensé que je serais ta plus grande chance d’être retrouvée avant que la nuit tombe.

Amy redressa les épaules, dans l’espoir d’avoir l’air plus assurée qu’elle ne l’était.

— Mallory n’aurait pas dû t’embêter.

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Il sourit.

— Alors, tu as vraiment envoyé un S.O.S. ?

Satané mec avec son sourire suffisant.

— Laisse tomber, dit-elle. Je vais bien. Retourne à tes affaires… (Elle agita la main.) Tes trucs de garde forestier, comme sortir la tête de Winnie d’une ruche, faire marcher les écureuils en ligne, etc.

— Winnie et les écureuils me prennent en effet beaucoup de temps, approuva-t-il avec douceur. Mais pas de problème. Je peux encore te caser dans mon planning.

La voix de Matt semblait toujours avoir un drôle d’effet sur Amy. Surtout au niveau de son bas-ventre.

— Quelle veinarde je suis !

— Oui. (Il prit avec nonchalance une autre gorgée de son soda.) Tu ne le sais sans doute pas, mais en plus de garder Winnie en ligne droite et d’empêcher les écureuils de se chamailler, secourir les jolies jeunes filles fait aussi partie de ma description de poste.

— Je ne suis pas une jolie jeune fille.

Elle s’arrêta lorsque quelque chose poussa un hurlement directement au-dessus d’elle.

Instinctivement, sa réaction fut de se plaquer au sol, ruinant ainsi complètement son image de dure à cuire.

— C’était juste le cri d’un plongeon huard, lui dit son très cher garde forestier. Il résonne dans Four Lakes.

Elle se redressa juste au moment où un autre animal hurla, et elle parvint à peine à ne pas défaillir.

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— Ça, dit-elle en tremblant, ce n’était pas un plongeon huard.

— Un coyote, acquiesça-t-il. Et le mugissement d’un wapiti. La nuit tombe. Tout le monde rôde pour le dîner. Le son est transporté par-delà les lacs, et tous ont l’air plus proches qu’ils ne le sont réellement.

— Il y a des wapitis dans le coin ?

— Des wapitis de Roosevelt, dit-il. Et des cerfs, des lynx et même des pumas.

Amy plongea son carnet de croquis dans son sac à dos, prête à foutre le camp de cette montagne.

— Qu’est-ce que tu as là ? demanda-t-il.

— Rien.

Elle ne le connaissait pas assez pour partager ses dessins, et puis il représentait tout ce en quoi elle n’avait pas confiance : un sourire spontané, un mec sympa, des manières décontractées, mais peu importait à quel point l’emballage était sexy.

À suivre...