Extrait - Modern Romance - Aziz Ansari

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Modern Romance


Ce livre est ĂŠgalement disponible au format numĂŠrique

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aziz ansari

Modern Romance avec Eric Klinenberg

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Claire Kreutzberger Hauteville


Hauteville est un label des éditions Bragelonne Titre original : Modern Romance Copyright © 2015 by Modern Romantics Corporation Tous droits réservés y compris le droit de reproduction en totalité ou en partie. Cette édition est publiée avec l’accord de Penguin Press, un label de Penguin Publishing Group, une division de Penguin Random House LLC. Les copyrights des illustrations et photographies intérieures apparaissent à la page 311 Design : Walter Green © Bragelonne 2017, pour la présente traduction ISBN : 979-10-93835-17-4 Bragelonne 60-62, rue d’Hauteville – 75010 Paris E-mail : info@bragelonne.fr Site Internet : www.bragelonne.fr


sommaire

Introduction � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 1 Chapitre 1

La quête de l’âme sœur � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �

11

Chapitre 2

Le premier pas � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �

35

Chapitre 3

La séduction en ligne � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �

75

Chapitre 4

L’embarras du choix ? � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �

135

Chapitre 5

L’amour aux quatre coins du monde � � � � � � � � � � � � � � �

165

Chapitre 6

Du neuf avec du vieux : sextos, infidélité, indiscrétions et rupture � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � �

197


Chapitre 7

on se case � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 233 Conclusion � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 263 Remerciements � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 283 Notes � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 287 Ouvrages consultés � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 297 Index � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � � 299


Modern Romance



Introduction

OH,

bon sang ! Merci d’avoir acheté mon livre. Cet argent est à MOI. Mais j’ai vraiment bossé dur, et je pense que vous apprécierez le résultat. Tout d’abord, quelques mots concernant ce projet. Quand vous êtes comédien de stand-up et que vous avez du succès, on a tôt fait de vous proposer d’écrire un livre humoristique. Par le passé, j’avais toujours décliné ce genre de propositions, parce que je m’estimais taillé pour le spectacle vivant. Dans mon esprit, un bouquin ne serait pas aussi drôle qu’un spectacle mettant en scène mes idées. Alors, pourquoi ai-je décidé d’écrire un livre sur l’amour à notre époque ? Il y a quelques années, j’ai eu une femme – appelons-la Tanya – dans ma vie. Nous nous étions rencontrés à L.A., lors d’une fête d’anniversaire, et, quand la soirée s’était essoufflée, elle avait proposé de me déposer chez moi. Étant donné que nous avions passé la soirée à bavarder en flirtant un peu, je lui avais demandé d’entrer pour boire un verre.


À l’époque, je louais une maison assez sympa sur les hauteurs de Hollywood. Le genre de maison comme celle de De Niro dans Heat, mais plus proche de mon groove que de celui d’un braqueur de haute volée dégommant des fourgons blindés. Je nous ai mitonné un cocktail, et nous avons discuté dans la bonne humeur en mettant de la musique à tour de rôle. De fil en aiguille, nous avons concrétisé, et c’était vraiment génial. Je me revois, à travers un brouillard alcoolisé, lui dire quelque chose de vraiment niais quand elle est partie, dans la veine d’un : « Tanya, tu es vraiment une fille charmante… » Ce à quoi elle a répondu : « Aziz, t’es pas mal non plus. » Notre relation démarrait sous de bons auspices, puisque tout le monde s’accordait pour dire que nous étions aussi charmants l’un que l’autre. Désireux de revoir Tanya, je me suis retrouvé confronté à la question épineuse qui nous taraude tous : quand reprendre contact avec elle, et par quel biais ? Devais-je l’appeler par téléphone ? lui envoyer un texto ? un message sur Facebook ? des signaux de fumée ? Et, dans ce dernier cas, comment procéder ? Devais-je me résoudre à mettre le feu à ma location ? Je n’osais imaginer l’ampleur de mon embarras lorsque j’annoncerais à mon propriétaire, l’acteur James Earl Jones, que j’avais fait brûler sa maison en essayant d’envoyer des signaux de fumée. Oh non ! je viens de vous révéler qui m’avait loué cette baraque de malade : le roi Jaffe Joffer d’Un prince à New York en personne, la voix de Dark Vador, j’ai nommé James Earl Jones, cette légende du cinéma.

Pour finir, j’ai décidé d’envoyer un texto à Tanya, parce qu’elle en était manifestement accro. J’ai attendu quelques jours, histoire 2  Modern Romance


de ne pas passer pour un mort de faim. J’ai découvert que Beach House, le groupe qu’on écoutait le soir où on est sortis ensemble, allait se produire à L.A., et ça m’a paru l’angle d’attaque rêvé. Voici ce que je lui ai écrit : Slt. Je sais pas si t’es partie à NYC, mais Beach House joue ce soir et demain au Wiltern. Tu veux aller les voir ? Peut-être qu’ils te laisseront chanter The Motto si on leur demande gentiment.

Une invitation ferme et sérieuse, avec un soupçon d’humour pour faire bonne mesure. (À la soirée, Tanya avait chanté The Motto, et j’avais été impressionné par le fait qu’elle connaissait les paroles presque par cœur.) J’étais confiant. Je ne me consumais pas d’amour pour Tanya, mais c’était une fille franchement cool, et nous avions bien accroché. En attendant qu’elle me réponde, je me suis projeté dans notre relation potentielle. Peut-être qu’on irait voir un film en plein air au cimetière de Hollywood Forever, le week-end prochain ? Peut-être que je pourrais lui préparer à dîner un peu plus tard dans la semaine, moi qui mourais d’envie de tester le poulet cuit sous la brique ? Si ça se trouve, nous partirions en vacances à Ojai lorsque l’automne serait plus avancé. Comment savoir ce que l’avenir nous réservait ? Ça allait être génial ! Au bout de quelques minutes, l’écran indique que mon texto avait été lu. Mon cœur cesse de battre. C’est le moment de vérité. Je rassemble mon courage tandis que des petits points apparaissent sur l’écran de mon iPhone, ces petits points qui vous appâtent en vous indiquant que quelqu’un est en train de taper une réponse, l’équivalent smartphonesque de la lente progression d’un wagon vers le point culminant d’une montagne russe. Mais au bout de quelques secondes… les petits points se volatilisent. Et aucune réponse de Tanya. Hmm… que se passe-t-il ? Quelques minutes s’écoulent encore et… Introduction  3


Rien. Aucun souci, elle est probablement occupée à me concocter une réponse hyper spirituelle. Elle aura sans doute commencé un brouillon et, pas vraiment convaincue du résultat, aura décidé de laisser décanter un peu. Je connais ça. Et puis elle n’a sans doute pas envie de paraître trop accro en me répondant à la seconde, vous ne croyez pas ? Quinze minutes passent et… rien. Mon assurance commence à s’effriter, le doute s’installe. Une heure… Toujours rien. Deux heures… Rien. Trois heures… Rien. Un léger affolement me gagne. J’en viens à me pencher sur ce que j’ai tapé. Naguère confiant, je commence à remettre en cause le moindre mot. Slt. Je sais pas si t’es partie à NYC, mais Beach House joue ce soir et demain au Wiltern. Tu veux aller les voir ??? Peut-être qu’ils te laisseront chanter The Motto si on leur demande gentiment.

Quel idiot ! J’aurais dû écrire « salut » en entier ! Et trop de points d’interrogation. Qu’est-ce qui m’est passé par la tête ? Oh ! parfait, encore un. Aziz, TU ARRÊTES AVEC TOUTES CES QUESTIONS ! Je pige difficilement ce qui m’arrive, mais j’essaie de rester calme. Bon, peut-être qu’elle a trop de boulot. Pas de quoi en faire un plat. Je suis sûr qu’elle me recontactera dès qu’elle le pourra. On s’est trouvés, non ? Une journée entière s’écoule. UNE JOURNÉE ENTIÈRE, BORDEL ! Voilà que mes pensées s’emballent. Il s’est passé un truc ou quoi ?! J’ai la certitude qu’elle a tenu mes paroles au creux de sa main !! Le téléphone de Tanya serait-il tombé à l’eau/dans un broyeur/ dans un volcan ? 4  Modern Romance


Tanya serait-elle tombée à l’eau/dans un broyeur/dans un volcan ?? Oh, non ! Tanya est morte, et moi je suis l’égoïste qui ne pense qu’à notre rencard. Je suis un être vil. Je partage mon dilemme avec un ami. — Oh ! arrête, mec, tout baigne. Elle va te recontacter. Elle est sans doute occupée, me dit-il, optimiste. C’est alors que je vais sur Internet. Je constate qu’elle est connectée sur Facebook. J’envisage de lui envoyer un message. Non ! ne fais pas ça, Aziz. Reste cool. Reste cool… Plus tard, je consulte Instagram, et figurez-vous que cette comique de Tanya a posté la photo d’une espèce de daim. Elle est trop occupée pour me répondre, mais trouve le temps de poster la photo d’un daim qu’elle a croisé pendant une randonnée ? Ça me fait un choc, mais je connais l’instant de lucidité qui frappe tout imbécile confronté à la même situation. SI ÇA SE TROUVE, ELLE N’A PAS REÇU LE TEXTO ! Voilà, c’est forcément ce qui s’est passé, non ? Son téléphone a buggé. Évidemment. À ce stade, j’envisage de lui en renvoyer un, mais j’hésite, étant donné que je n’ai jamais connu ce genre de scénario avec mes amis : « Hé ! Alan. Je t’ai envoyé un texto pour qu’on se cale un dîner, ça remonte à hier. Qu’est-ce qui t’est arrivé ? » « Mince ! Je n’ai pas vu ton texto. Il n’est pas passé. Mon portable a buggé. Désolé. Je te propose qu’on dîne demain soir. » Retour au cas de Tanya. Plus de vingt-quatre heures ont passé. On est mercredi. Le concert a lieu ce soir. Ne même pas prendre la peine de me répondre, ne serait-ce que pour décliner l’invitation… ? Tu pourrais au moins me dire « non » pour que je puisse inviter quelqu’un d’autre, tu ne crois pas ? Pourquoi, Tanya, pourquoi ? Je deviens dingue à force de cogiter. C’est d’une impolitesse rare. Comment peut-elle se permettre de me traiter ainsi ? Je ne suis pas le premier boulet venu. Je débats avec moi-même de la pertinence d’un nouveau texto, en désespoir de cause, mais me rends à l’évidence : elle n’est pas intéressée. Je me dis que je n’ai de toute façon pas envie de sortir Introduction  5


avec quelqu’un qui est capable de traiter les gens comme ça, ce qui n’est pas faux, mais ne m’empêche pas de me sentir frustré et offensé au plus haut point. C’est alors qu’un fait curieux m’a frappé. Il y a encore vingt ans, ou même dix, ma mésaventure ne m’aurait pas plongé dans l’antre de la folie. J’étais là en train de vérifier mon portable toutes les deux minutes, comme un forcené, pris dans un vent de panique, de colère et de douleur, tout ça parce qu’une personne ne m’avait pas envoyé un message à la con avec son petit téléphone merdique. J’étais outré, mais Tanya avait-elle vraiment fait preuve d’impolitesse et de perfidie à mon égard ? Non, elle s’était simplement abstenue de me répondre pour nous épargner un moment embarrassant. J’avais sûrement déjà agi de la même façon sans me rendre compte du chagrin que j’avais pu causer. Je ne me suis finalement pas rendu au concert ce soir-là. Je suis allé dans un comedy club et me suis mis à évoquer l’ampleur de la frustration et de la fureur que ce « silence » absurde avait fait naître au plus profond de mon être, sapant ma confiance en moi. Le public a ri, mais sa réaction ne s’est pas limitée à cela ; j’ai senti que nous partagions quelque chose de crucial. Je voyais bien que les spectateurs, hommes comme femmes, avaient eu une Tanya parmi leurs contacts à un moment ou à un autre de leur vie, et que chacun avait rencontré son lot de problèmes personnels, de dilemmes. Tous autant que nous sommes, nous restons vissés devant un écran noir, seuls, en proie à tout un tas d’émotions. Mais, d’une certaine façon, nous faisons ça tous ensemble, et nous devrions trouver du réconfort à l’idée qu’aucun d’entre nous n’a la moindre idée de ce qu’il fabrique. J’en suis venu à me fasciner pour ces questions. Comment et pourquoi tant de personnes se retrouvent-elles démunies lorsqu’il s’agit de relever un défi auquel les humains ont toujours excellé : trouver l’amour ? J’ai commencé à demander autour de moi s’il n’existerait pas un livre qui m’aiderait à élucider les nombreux défis de la quête 6  Modern Romance


de l’amour à l’ère du numérique. J’ai trouvé quelques titres intéressants ici et là, mais pas l’enquête sociologique poussée et exhaustive que je recherchais. Cet ouvrage n’existait tout simplement pas, alors j’ai décidé de l’écrire moi-même. Quand j’ai entamé ce projet, je pensais que les profonds changements de notre vie amoureuse étaient, de toute évidence, imputables au progrès technologique qui nous a donné par exemple les smartphones, les sites de rencontres en ligne et les réseaux sociaux. Toutefois, en creusant un peu, je me suis rendu compte que ces évolutions n’expliquaient pas, à elles seules, une telle transformation ; que la réalité était bien plus complexe. Dans un laps de temps très bref, la quête d’un partenaire amoureux a changé du tout au tout. Il y a un siècle, on trouvait quelqu’un de bien dans le voisinage. Les familles se rencontraient et, après avoir décidé qu’aucun des deux partenaires n’était un dangereux criminel, les tourtereaux se mariaient et avaient un enfant, le tout avant l’âge de vingt-deux ans. De nos jours, les gens passent des années de leur vie à dénicher la personne idéale, une âme sœur. Les instruments de cette recherche ont évolué, mais, ce qui a vraiment changé, ce sont nos aspirations et, plus frappant encore, nos desseins sous-jacents. Plus je réfléchissais à ces changements, plus je ressentais le besoin d’écrire ce livre. Mais j’avais également conscience que

moi, Aziz Ansari le fanfaron, je n’étais sans doute pas de taille à m’attaquer à ce sujet. J’ai donc décidé de rameuter des esprits brillants pour me guider. Je me suis associé au sociologue Eric Klinenberg, et nous avons mis au point un ambitieux projet de recherche, un plan qui nécessiterait plus d’un an d’enquête dans plusieurs villes à travers le monde, et impliquerait quelques-uns des experts les plus en vue en matière de relations amoureuses. Avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaite vous en dire davantage à propos de notre projet, afin que vous sachiez ce que nous avons et n’avons pas fait. Notre principale source de données pour le livre, ce sont ces recherches qu’Eric et moi avons conduites en 2013 et en 2014. Nous avons organisé des groupes de discussion et des entretiens Introduction  7


avec des centaines de personnes à New York, Los Angeles, Wichita, Monroe (État de New York), Buenos Aires, Tokyo, Paris et Doha. Il ne s’agissait pas d’entretiens classiques. Primo, nous avons réuni des groupes composés d’individus divers, et nos discussions ont fini par prendre un tour extrêmement personnel, concernant notamment les détails de leur vie amoureuse. Deuzio, et plus intrigant encore, la plupart de nos participants ont accepté de nous donner accès à leur portable, ce qui fait que nous avons pu suivre leurs interactions sociales par le biais de leurs textos et e-mails, des sites de rencontres qu’ils fréquentaient et d’applications de drague comme Tinder. Les informations que nous avons recueillies ont été révélatrices, car nous avons pu découvrir comment les rencontres amoureuses s’opéraient réellement dans la vie des gens, au lieu d’entendre les intéressés simplement nous relater leurs souvenirs. Et puisque nous avons demandé à nos participants de nous confier des informations si intimes, nous leur avons promis l’anonymat. Cela signifie que les noms des témoins cités sont des pseudonymes, comme il est d’usage dans toute recherche en sciences sociales digne de ce nom. Afin d’étendre notre champ d’action au-delà des villes citées ci-dessus, nous avons créé un forum intitulé « Romantiques modernes » (« Modern Romantics ») sur le site Reddit, pour nous renseigner auprès des utilisateurs et surtout organiser un groupe de discussion en ligne à vaste échelle, ce qui nous a valu des milliers de réponses des quatre coins du monde. (Je tiens à adresser un immense merci à tous ceux qui ont participé à nos séances, étant donné que, sans eux, le livre n’aurait pas pu voir le jour.) Donc, au fil de cet ouvrage, c’est ce à quoi nous faisons référence quand nous évoquons « le forum ». Nous avons également passé beaucoup de temps à nous entretenir avec de grands esprits, notamment des sociologues, des anthropologues, des psychologues et des journalistes renommés qui consacrent leur carrière à l’étude de l’amour à notre époque, et n’ont pas été avares de leur temps. Voici la liste de leurs noms, même si je suis terrifié à l’idée d’avoir pu oublier quelqu’un : Danah Boyd de chez Microsoft, Andrew Cherlin de l’université Johns Hopkins, Stephanie 8  Modern Romance


Coontz de l’Evergreen State College, Pamela Druckerman du New York Times, Kumiko Endo de la New School, qui nous a également assistés lors de nos recherches à Tokyo, Eli Finkel de l’université Northwestern, Helen Fisher de l’université Rutgers, Jonathan Haidt de l’université de New York (NYU), Sheena Iyengar de l’université de Columbia, Dan Savage, Natasha Schüll du Massachusetts Institute of Technology (MIT), Barry Schwartz du Swarthmore College, Clay Shirky de la NYU, Sherry Turkle du MIT et Robb Willer de Stanford, ce dernier nous ayant aussi aidés à formuler certaines de nos questions de recherche et à analyser les données récoltées. En plus de ces entretiens, nous avons eu accès à une quantité incroyable de données dans lesquelles nous avons largement puisé. Ces cinq dernières années, le site Match.com a sponsorisé la plus vaste étude consacrée aux célibataires américains, s’adressant à un échantillon national d’environ cinq mille individus et comportant des questions sur une somme fascinante de comportements et de préférences. Match.com a eu la bonté de nous en communiquer les résultats, et à notre tour nous allons partager notre analyse avec vous, lecteurs. Nous pouvons aussi nous féliciter de la bienveillance de Christian Rudder, du site OkCupid, qui a amassé une mine de données relatives aux pratiques de ses utilisateurs. Ces informations nous ont été extrêmement précieuses, car elles nous ont permis de faire la part des choses entre ce que les internautes affirment vouloir et la façon dont ils agissent concrètement. Michael Rosenfeld, de Stanford, fut aussi une formidable source d’informations, lui qui nous a fait parvenir des éléments de « Comment les couples se rencontrent et se pérennisent », une étude à échelle nationale portant sur 4 002 sujets adultes de langue anglaise, dont les trois quarts sont mariés ou engagés dans une relation à deux. Lui et un autre chercheur, Jonathan Haidt, de la NYU, nous ont autorisés à exploiter des graphiques établis à cette occasion. Un grand merci à tous les deux. Avec l’aide de tous ces gens, Eric et moi avons réussi à couvrir un vaste éventail de sujets relatifs à l’amour 3.0, mais pas toutes ses Introduction  9


problématiques. S’il y a bien une chose que je veux que vous compreniez d’emblée, c’est que notre livre concerne au premier chef les relations hétérosexuelles. Eric et moi nous sommes aperçus très en amont que, si nous tentions d’envisager tous les aspects de l’amour à travers le prisme des relations LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres), nous serions tout bonnement dans l’impossibilité de leur rendre justice sans écrire un livre complet sur le sujet. Certes, il nous arrive d’évoquer les relations amoureuses gay et lesbiennes, mais sans tendre le moins du monde vers l’exhaustivité. Par ailleurs, je tiens à préciser que les recherches que nous avons menées impliquent principalement des représentants de la classe moyenne, des types et des nanas qui ont fait des études supérieures, n’ont pas fait d’enfants avant la fin de la vingtaine, voire de la trentaine, et vivent une relation aussi intime qu’intense avec leur smartphone hors de prix. J’ai conscience que l’amour, le romantisme fonctionnent différemment au sein des communautés très pauvres ou très riches, tant aux États-Unis que dans les autres pays où nos recherches nous ont menés. Mais, là encore, Eric et moi avons estimé que nous nous retrouverions submergés si nous cherchions à étudier toutes les variantes liées aux catégories sociales, donc il n’y a rien dans le livre à ce propos. Voilà. Je crois qu’on a fait le tour pour l’introduction.

Mais avant d’entrer dans le vif du sujet je tiens sincèrement à vous remercier, vous mes lecteurs. Vous auriez pu acheter n’importe quel livre sur Terre. Vous auriez pu choisir un exemplaire d’Unruly: the Highs and Lows of Becoming a Man (« Unruly : les vicissitudes de l’âge d’homme »), la biographie de Ja Rule. Vous auriez pu acheter Père riche, père pauvre. Ou même Ja riche, Ja pauvre : un guide de la finance raisonnée par Ja Rule. Vous auriez pu acheter tous ces livres (et peut-être que vous l’avez fait, d’ailleurs !), à part le dernier que, malgré mes e-mails répétés, Ja Rule se refuse toujours à écrire. Mais vous avez également acheté le mien. Et je vous en remercie. Maintenant, place à notre voyage au pays des… idylles modernes ! 10  Modern Romance


Chapitre 1

La quête de l’âme sœur

U

ne bonne part des frustrations que connaissent les célibataires d’aujourd’hui semblent spécifiques au contexte technologique de notre époque. Attendre un texto en vain. Vous prendre la tête pour déterminer quel est, au juste, votre film préféré afin de remplir votre profil sur un site de rencontres en ligne. Vous demander s’il serait opportun de téléporter des roses au domicile de la fille avec qui vous avez dîné la veille. (JE DOUTE SÉRIEUSEMENT QUE L’ON INVENTE LA TÉLÉPORTATION À TEMPS POUR LA PARUTION DE CE LIVRE, EN JUIN 2015, CONTRAIREMENT À CE QU’AFFIRMENT MES CONSULTANTS SCIENTIFIQUES. CORRECTEUR, SUPPRIMEZ CETTE RÉFÉRENCE SI LA TÉLÉPORTATION EST RESTÉE À L’ÉTAT D’ÉBAUCHE.)


Ce genre d’excentricités est résolument neuf dans le paysage romantique, mais, en enquêtant et en conduisant des entretiens pour ce livre, j’ai découvert que j’avais sous-estimé l’ampleur et la profondeur des mutations qui ont affecté nos relations amoureuses. À l’instant où je vous parle, je fais partie des millions de jeunes gens concernés par le même type d’expérience : on fait connaissance, on se séduit, on se fréquente, on se quitte, tout ça dans l’espoir de trouver celui ou celle qu’on aime vraiment et de qui on se sent proche. Il arrive même qu’on éprouve l’envie de se marier et de fonder une famille. Ce processus nous paraît aller de soi à l’heure actuelle, mais il est en réalité aux antipodes de ce que nos aînés vivaient quelques décennies auparavant. Je vais être plus précis : désormais, je comprends que l’expression « trouver la bonne personne » n’a plus du tout le même sens pour nous. Ce qui signifie que nos attentes en matière de séduction sont devenues foncièrement différentes.

des donuts contre un témoignage :

visite d’une résidence pour seniors new-yorkais

Je me suis dit que, si je voulais comprendre comment les choses avaient changé au fil du temps, je devrais commencer par découvrir ce qu’ont vécu les représentants des anciennes générations encore en vie aujourd’hui. Ce qui impliquait de

parler à des personnes âgées. Pour être franc, j’ai tendance à idéaliser le passé, et, même si j’apprécie tous les avantages de la vie moderne, j’éprouve parfois de la nostalgie pour la simplicité d’autrefois. Ce serait vraiment chouette d’être célibataire au temps jadis, non ? J’emmène une fille voir un film dans un drive-in, on va au diner du coin pour se prendre un burger et un milk-shake au malt, avant de fricoter sous les étoiles dans ma décapotable d’époque. J’admets que les tensions 12  MODERN ROMANCE


raciales des années 1950 n’auraient pas été une mince affaire pour moi qui ai la peau brune mais, dans mon imagination, l’harmonie entre les peuples fait partie du deal. Bref, pour en apprendre davantage au sujet des histoires d’amour de cette période, Eric et moi nous sommes rendus dans une résidence du Lower East Side pour interroger quelques seniors. Nous avons apporté du café et une grosse boîte de donuts, armes qui, à en croire le personnel de l’établissement, se révéleraient cruciales pour inciter les pensionnaires à nous parler. Ça n’a pas loupé : par l’odeur des donuts alléchés, ils ont vite rappliqué pour répondre à nos questions. Un homme de quatre-vingt-huit ans prénommé Alfredo s’est empressé de faire un sort aux beignets. Au bout de dix minutes d’une discussion à laquelle sa contribution s’était jusque-là limitée à nous donner son âge et son nom, il m’a regardé d’un air perdu en levant ses mains graisseuses et est parti. Quand nous sommes revenus quelques jours plus tard pour d’autres entretiens, Alfredo était présent. Le personnel nous a expliqué qu’il s’était mépris sur l’objectif de la réunion précédente. Il avait cru qu’on voulait l’interroger sur ce qu’il avait vécu pendant la guerre, mais était désormais prêt à partager son expérience de l’amour et de la conjugalité. Là encore, il a englouti un beignet en deux temps trois mouvements, et « hop », un petit tour et puis s’en va, en moins de temps qu’il en faut pour avaler les dernières miettes d’un coup de langue. Je ne peux qu’espérer que, lorsque j’aurai pris ma retraite, il existera un stratagème me permettant de manger des donuts à l’œil sans lever le petit doigt. Heureusement, d’autres pensionnaires se sont montrés plus loquaces. Victoria, soixante-huit ans, a grandi à New York. Elle s’est mariée à vingt et un ans, avec un homme qui vivait dans le même immeuble qu’elle, à l’étage juste au-dessus du sien. — Je me trouvais devant l’immeuble avec des amis quand il m’a abordée, a-t-elle expliqué. Il m’a dit que je lui plaisais vraiment beaucoup et m’a demandé si j’accepterais un rendez-vous. La quête de l’âme sœur   13


Je n’ai rien répondu. Il m’a reposé la question deux ou trois fois avant que j’accepte. Ça a été son premier rencard. Ils sont allés au cinéma, puis ont dîné chez la mère de Victoria. Il devint rapidement son petit ami et, au bout d’un an, son mari. Ils sont mariés depuis quarante-huit ans. Au début, quand Victoria m’a parlé, je m’étais attendu à retrouver certains éléments de son histoire chez d’autres membres du groupe : elle s’était mariée très jeune, ses parents avaient rencontré son petit ami presque immédiatement, et tous deux étaient rapidement passés par la case « mariage ». En revanche, je me figurais que le fait qu’elle ait épousé un homme habitant le même bâtiment qu’elle relevait du hasard. Mais mon témoin suivant, Sandra, soixante-dix-huit ans, a épousé un type qui vivait sur le trottoir d’en face. Stevie, soixante-neuf ans, a épousé une femme qui vivait au bout du couloir. Jose, soixante-quinze ans, a épousé une femme qui vivait dans la rue voisine. La femme d’Alfredo vivait sur le trottoir en face de chez lui (et était probablement la fille du vendeur de beignets du quartier). C’était remarquable. Sur les trente-six seniors avec qui j’ai discuté, quatorze avaient fini avec quelqu’un qui vivait à deux pas de là où ils avaient grandi. On épousait quelqu’un du quartier, un voisin ou une voisine de la même rue, voire du même immeuble. Ça m’a paru un brin curieux. — Les enfants, ai-je dit, on est à New York. Vous ne vous êtes jamais dit : « Oh ! peut-être que mes voisins ne sont pas les seules personnes sur Terre ? » Pourquoi vous vous limitiez autant ? Pourquoi ne pas avoir étendu vos horizons ? Ce à quoi il m’a été stoïquement répondu que ça ne marchait pas comme ça. Par la suite, nous avons essayé de déterminer si ces témoignages étaient révélateurs d’une tendance globale. En 1932, un sociologue 14  MODERN ROMANCE


de l’université de Pennsylvanie nommé James Bossard a compulsé chronologiquement cinq mille actes de mariage conclus dans la ville de Philadelphie. Mazette ! Un tiers des couples qui se sont mariés cette année-là habitaient dans un rayon de cinq pâtés de maisons avant leur union. Un sixième d’entre eux vivaient dans le même pâté de maisons. Et, le plus effarant : un sur huit habitait le même bâtiment avant de convoler1. Proximité géographique des époux sur un échantillon de 5 000 couples mariés, Philadelphie, 1932

Entre 10 et 20 pâtés de maisons

Plus de 20 pâtés de maisons 17,8 %

9,62 %

Entre 4 et 10 pâtés de maison 10,16 %

Entre 2 et 4 pâtés de maisons 7,3 %

Entre 1 et 2 pâtés de maisons

Villes différentes 17,8 %

6,08 %

Même adresse 12,64 %

Même pâté de maisons 4,54 %

Peut-être cette tendance au mariage de proximité se vérifiait-elle dans les grandes villes, mais pas ailleurs ? Eh bien, un grand nombre de sociologues des années 1930 et 1940 se sont posé la même question, et ont fait état de leurs trouvailles dans des La quête de l’âme sœur   15


publications scientifiques de l’époque. Je vous le donne en mille ! Leurs constatations rejoignent celles de James Bossard, à quelques variante­s près. Par exemple, les personnes vivant dans des villes de taille plus modeste épousaient aussi leur voisin(e) quand cela était possible. Lorsque c’était exclu, en cas notamment d’effectifs trop faibles, les gens élargissaient leur horizon… mais dans la limite du nécessaire. Comme l’écrit le sociologue John Ellsworth Jr au terme d’une étude des comportements maritaux dans la ville de Simsbury (Connecticut, 3 941 habitants à l’époque) : « Les gens acceptent de s’éloigner de leur domicile autant que nécessaire, mais seulement dans le dessein de trouver un partenaire2. » De toute évidence, la situation est fort différente de nos jours. J’ai appris que les sociologues ne se livrent même plus à ce genre d’étude à l’échelle d’une ville. En ce qui me concerne, je ne peux citer aucun ami ayant épousé une connaissance de voisinage, et ceux qui se sont mariés avec quelqu’un de la même ville qu’eux se comptent sur les doigts d’une main. La plupart d’entre eux ont fait leur vie avec une personne rencontrée après la fin de leurs études, à une période de leur vie où ils se liaient avec des gens venus des quatre coins des États-Unis, voire du monde dans certains cas. Repensez à l’endroit où vous avez grandi. Vous vous imaginez marié(e) à l’un des bouffons de votre immeuble, de votre quartier ?

le passage progressif à l’âge adulte : quand les grands grandissent vraiment

L’une des raisons pour lesquelles nous nous imaginons difficilement épouser une personne avec qui nous avons grandi tient au fait que nous nous marions beaucoup plus tard que les générations qui nous ont précédés. 16  Modern Romance


Pour celle des seniors que j’ai interrogés dans la résidence new-yorkaise, l’âge moyen de l’union tournait autour de vingt ans chez les femmes et de vingt-trois ans chez les hommes. De nos jours, il est d’environ vingt-sept ans chez les femmes et vingt-neuf chez les hommes, voire trente (hommes et femmes confondus) chez les habitants de métropoles comme New York ou Philadelphie. Pourquoi ce recul si flagrant au cours des dernières décennies ? Pour les jeunes gens qui s’unissaient dans les années 1950, le mariage représentait le premier pas dans l’âge adulte. En sortant du lycée ou de la fac, vous vous mariiez et quittiez la maison. Aujourd’hui, le mariage correspond généralement à un stade avancé de l’âge adulte. La plupart des jeunes gens entre vingt et trente ans, voire au-delà, connaissent une autre étape de la vie, celle de l’université, de la construction d’une carrière ; ils se bâtissent une expérience d’adulte hors du foyer parental avant de se passer la bague au doigt. Âge moyen du premier mariage aux États-Unis

30 29

Hommes

28 27 26 25

Femmes

24 23

22 21 20 1950

1960

1970

1980

1990

2000

2014

Source : Recensements décennaux (1890 à 1940) et étude de la population actuelle dans les suppléments économiques et sociaux annuels (1947 à 2014) par le bureau du recensement des États-Unis

La quête de l’âme sœur   17


Pendant cette période, la recherche d’un partenaire et futur conjoint n’est pas d’une importance cruciale. Vous avez aussi d’autres priorités : vous former, essayer divers emplois, fréquenter plusieurs personnes et, avec de la chance, vous développer en tant qu’être humain. Les sociologues ont même donné un nom à cette étape de la vie : le passage progressif à l’âge adulte. Au cours de cette étape, nous élargissons aussi significativement l’éventail de nos idylles potentielles. Au lieu de rester dans notre quartier, notre immeuble, nous déménageons dans d’autres villes, nous rencontrons au fil des années de nouvelles personnes à la fac ou sur notre lieu de travail, et – ce qui change la donne du tout au tout – les services en ligne, notamment les sites de rencontres, nous offrent des possibilités infinies. Les jeunes gens profitent également de ce passage progressif à l’âge adulte pour s’affranchir de leurs parents et s’amuser, avant de se caser et de fonder une famille. Si vous êtes comme moi, vous n’envisageriez pas de vous marier avant d’avoir connu tout cela. Quand j’avais vingt-trois ans, je n’avais aucune idée de la façon dont je tournerais, une fois adulte. J’étudiais le commerce et la biologie à la NYU. Aurais-je épousé une fille de mon quartier de Bennettsville, la ville de Caroline du Sud où j’ai grandi ? Et qu’est-ce que j’entendais par « monter ma boîte dans le domaine de la biologie », au juste ? Je n’en ai pas la moindre idée. J’étais un benêt, certainement pas prêt à faire des choix qui m’engageraient pour le restant de mes jours*. Les seniors avec qui nous avons discuté n’avaient tout bonnement pas connu cette étape de la vie, et nombre d’entre eux semblaient le regretter. C’était particulièrement vrai chez les femmes, qui n’avaient guère eu l’occasion de suivre des études supérieures et de se lancer dans une carrière professionnelle. Avant les années 1960, dans la majorité des États américains, une célibataire ne pouvait tout bonnement pas vivre seule, et dans la plupart des familles on voyait d’un mauvais œil les filles qui emménageaient dans un foyer pour « travailleuses ». * Mon tatouage Bubba Sparxxx me le rappelle constamment.

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Jusqu’à leur mariage, ces jeunes femmes étaient pour ainsi dire coincées chez elles sous la stricte surveillance des adultes et n’avaient pas la moindre autonomie malgré leur âge. Elles devaient toujours tenir leurs parents au courant de leurs allées et venues. Même les rencontres amoureuses dépendaient fortement des parents, ceux-ci devant approuver le choix de leur fille ou jouer les chaperons. À un moment, pendant que nous discutions avec un groupe composé de femmes, je leur ai demandé de but en blanc si beaucoup de dames de leur âge se mariaient simplement pour quitter le foyer parental. Elles m’ont toutes signifié que oui. Pour une femme, à cette époque, le mariage était manifestement le plus sûr moyen de bénéficier des libertés élémentaires de l’âge adulte. Ensuite, les choses ne devenaient pas une mince affaire pour autant. Si la conjugalité, comme ces femmes avaient tôt fait de le découvrir, les libérait de leurs parents, elle les rendait dépendantes d’un homme qui pourrait fort bien les maltraiter, et faisait aussi peser sur leurs épaules les responsabilités du foyer, de l’éducation des enfants. À l’époque, Betty Friedan a décrit ce « problème qui n’a pas de nom »* dans un livre qui a rencontré un grand succès : La Femme mystifiée. Lorsque les femmes ont accédé au marché du travail et obtenu le droit de divorcer, le taux de divorces a grimpé en flèche. Certaines de nos participantes les plus âgées se sont séparées de leur conjoint durant le pic de cette révolution juridique, et elles m’ont confié que le fait d’avoir raté une expérience singulière, spéciale : celle d’être une célibataire jeune et sans attaches, leur restait en travers de la gorge. Elles auraient voulu connaître le passage progressif à l’âge adulte. — Je pense que j’ai manqué une étape dans ma vie, celle où on sort avec des amis, nous a raconté une dénommée Amelia avec nostalgie. Je n’étais jamais autorisée à faire ça. Mon père refusait catégoriquement. Il était très strict. Alors, j’ai dit à mes petitesfilles : « Amusez-vous, amusez-vous. Après, vous pourrez vous marier. » * Dans une première mouture de son livre, Betty Friedan avait d’abord parlé du « pro­blème Hampton », mais son éditeur lui avait dit que ce n’était pas assez parlant.

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