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Dossier PATRIMOINE GENEVOIS
Patrimoine genevois: le réveil d’une conscience urbaine Aurélia Bregnac
À Genève, la notion de protection patrimoniale a considérablement évolué en un peu moins d’un siècle. Alors qu’à ses prémisses, elle s’intéresse essentiellement aux monuments historiques, l’idée qu’il existe une identité architecturale de la ville va progressivement s’instaurer et en changer définitivement le sens. Si l’architecture est, comme le disait Goethe, «de la musique figée», le patrimoine, lui, en est la partition sans cesse réinterprétée.
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rigines du classement patrimonial genevois. C’est en France en 1837 qu’apparaît pour la première fois le principe de sauvegarde patrimoniale. La Commission française des Monuments historiques fut la première instance qui aborda la notion de classement et mit en place l’attribution de subventions particulières à une liste de bâtiments, sélectionnés selon leurs intérêts esthétiques et architecturaux. La protection patrimoniale traverse les frontières helvétiques en 1898, lorsque le canton de Vaud, pionnier suisse en la matière, propose sa première mesure de classement. La Commission fédérale des monuments historiques dessine alors, en
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En vieille ville de Genève, la maison Rilliet de Candolle qui donne sur la Cour Saint-Pierre, rue du Perron 27
ce début de XXe siècle, le cadre légal qui servira de socle à l’établissement progressif d’un répertoire d’objets classés, considérés comme «remarquables et dignes de protection». Adoptées tardivement à Genève, la loi cantonale sur la protection des monuments et des sites voit le jour en 1920. Dès lors, une centaine d’édifices et de lieux, de nature principalement historique, tels que la Cathédrale Saint-Pierre, Le Collège Calvin, l’Hôtel de Ville, divers temples, fontaines, maisons patriciennes de la Vieille Ville, se voient classés au patrimoine genevois. Témoignages singuliers de l’audace architecturale d’une époque, ces sites représentent alors un grand nombre d’objets classés, constituant plus d’un tiers du classement que nous connaissons aujourd’hui. Mais cette notion de liste patrimoniale, en près d’un demisiècle, va nettement évoluer et faire l’objet de nombreux ajustements. Du recensement historique à l’émergence d’une conscience urbaine Si la singularité des sites historiques est jusqu’alors le principal critère de recensement, une prise de conscience s’opère autour de l’harmonie architecturale. En effet, il s’agit peu à peu de considérer non plus l’individualité d’objets épars mais la cohérence de zones – urbaines ou naturelles – prises dans leur globalité. Le classement de la Rade est l’un des exemples significatifs de ce glissement, qui se concrétise au niveau juridique en 1976 par la Loi sur la Protection des Monuments, de la Nature et des Sites (LPMNS), toujours d’actualité aujourd’hui.
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Ancienne usine des forces motrices de Genève
Parallèlement au classement, la LPMNS met en place de nouvelles mesures – l’inventaire et le plan de site – permettant une interprétation plus large quant à la nature des objets aptes à être répertoriés. Dans les années 1970, grâce à l’essor du patrimoine à l’échelle européenne, de nouveaux types de constructions deviennent sources d’intérêt. L’héritage industriel de la fin du XIXe siècle acquiert notamment ses lettres de noblesse, en prenant une valeur aussi bien historique qu’architecturale. Située à Plainpalais, l’Ancienne Usine des Forces Motrices– aujourd’hui reconvertie en salle de spectacle (BFM) – en est l’un des meilleurs exemples genevois. Cette acception globalisante de la notion de patrimoine va également se porter sur les quartiers résidentiels créés sous l’impulsion de James Fazy (fin du XIXe siècle). La destruction des fortifications médiévales ceinturant la Vieille Ville donne lieu à la construction de grands boulevards reliant la Cité à de nouveaux quartiers résidentiels (Pâquis, Tranchées…). Ces transformations structurelles ont contribué au développement démographique de Genève.
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En à peine un siècle, la notion de sauvegarde du patrimoine a donc bien évolué. Loin de la liste de monuments hétéroclites des débuts, il est désormais question d’œuvrer en faveur de la préservation des éléments urbains qui donne à la ville sa cohérence. Concilier protection du patrimoine et réhabilitation des infrastructures Aujourd’hui, le patrimoine bâti représente environ 13% du parc immobilier genevois. Un patrimoine habité qu’il faut veiller à protéger contre les dommages du temps ou les plans d’aménagement inadaptés. C’est pourquoi, lorsqu’il est question de réhabilitation, les bâtiments répertoriés dépendent de chartes internationales - et notamment de la Charte de Venise (1964) – qui prescrivent une réglementation stricte quant à la faisabilité de travaux d’entretien, de rénovation, voire de modernisation. La rénovation du patrimoine bâti pose de nombreuses contraintes, notamment liées au remplacement de matériaux traditionnels ou à l’imitation de techniques artisanales passées. D’un point de vue architectural, des éléments tels que les fenêtres,
les pierres taillées ou les moulures d’une façade sont autant de particularités nées du savoir-faire des bâtisseurs d’un autre temps et qu’il est souvent difficile de garder en l’état. C’est dans le but de veiller au respect de toutes ces contraintes que le Service des Monuments et des Sites (SMS) qui dépend de l’Etat de Genève soumet à une commission d’experts nommée par le Conseil d’Etat toute requête en autorisation de construire visant un bâtiment protégé au titre du patrimoine. Pour les bâtiments qui ont une valeur exceptionnelle, il peut entreprendre, avant toute intervention, une étude autour des contextes archéologique et historique de la construction. Une fois le projet accepté, diverses subventions peuvent être attribuées afin de mener le chantier à son terme. Actuellement, le principal enjeu de la réhabilitation de ces bâtiments anciens repose en fait sur la nécessité de plus en plus pressante de remédier au gaspillage énergétique. Fenêtres vétustes, porosité des murs, mauvaise étanchéité du toit entre autres sont autant de problèmes entrainant d’importantes pertes éco énergétiques. De nombreux bâtiments sont ainsi soumis à une réhabilitation de leurs systèmes d’isolation thermique. Architectes et professionnels du bâtiment doivent alors se montrer très habiles pour mener à bien ces travaux tout en prenant garde à ne pas transgresser la réglementation concernant les édifices protégés, et à ne pas dénaturer l’architecture d’origine. Dans la majorité des cas, la conservation ou la réparation des matériaux d’origine est toujours privilégiée sur leur remplacement. Du fait de leur apparente contradiction, la modernisation des infrastructures et la protection patrimoniale sont souvent difficiles à accorder sur le plan éthique mais aussi économique et logistique. Aussi, réconcilier ces éléments entre passé et avenir, adapter les outils de sauvegarde patrimoniale aux enjeux écologiques de demain semble représenter l’un des plus grands défis futurs.
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INTERVIEW Mme Sabine Nemec-Piguet, Architecte, directrice générale et conservatrice cantonale des monuments à l’office du patrimoine et des sites de l’Etat de Genève
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uels sont les principaux critères retenus pour classer un objet au patrimoine genevois? La valeur d’un bâtiment est déterminée en fonction de plusieurs critères: historique, architectural, artistique. Si l’objet en question est un ouvrage d’art, il peut revêtir une valeur scientifique intéressante. Les œuvres recensées prennent aussi en compte la qualité de l’auteur. La situation de l’œuvre, son rôle dans l’environnement de l’époque et celui d’aujourd’hui, sont des paramètres qui ont également leur importance. Au fil du temps, les critères ont évolué, et se sont élargis. Tardive, la première législation genevoise de 1920 a aussi été novatrice puisqu’elle est la première à avoir introduit la notion de protection des sites (culturels, naturels…), et non plus seulement des monuments. Comment ont évolué ces critères depuis les débuts du classement? En matière de protection du patrimoine, on peut distinguer deux grands axes. Il y a d’une part la protection de la substance, de la matérialité, autrement dit le patrimoine physique et palpable. La charpente du Col-
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lège Calvin, par exemple, qui date du XVIe siècle, a traversé les époques et, en ce sens, représente un héritage irremplaçable. D’autre part, il s’agit de préserver l’image, autrement dit l’aspect, le caractère d’un quartier ou d’une localité pris dans sa globalité. Cette deuxième dimension s’affirme au milieu des années 1970. On s’inquiétait alors de la sauvegarde des centres villes historiques menacés par des projets d’urbanisation galopante. On peut se féliciter que le projet de voies express prévu dans les années 1960 sur les quais de Genève ait été abandonné! Comment accorder plus de place à l’économie d’énergie dans les travaux de réfection de bâtiments protégés? Comment concilier écologie et contraintes liées à ce type d’édifices? Il existe une réelle crispation à ce sujet. En effet, on reproche trop souvent à la protection du patrimoine de ne pas œuvrer en faveur du développement durable. Certes, on ne peut pas dans l’ancien atteindre le niveau normatif des bâtiments neufs mais il faut savoir que le patrimoine bâti de Genève est un des mieux entretenus, et le bilan
énergétique global est, dans la plupart des cas, très satisfaisant. Le patrimoine protégé peut-il bénéficier d’infrastructures éco énergétiques au même titre que n’importe quelle autre construction ? Vouloir imposer des panneaux solaires à certains monuments est compliqué, car on touche à la substance du patrimoine, tout comme à l’aspect des sites protégés. Une fois de plus, on ne peut pas imposer, de manière systématique, des normes ou des lois conçues pour des construction neuves, chaque cas étant particulier et devant être analysé comme tel. Concernant la demande d’isolation thermique, certaines techniques employées ou matériaux modernes non seulement ne respectent pas le patrimoine, mais contribuent même à sa dégradation. Adapter les techniques d’isolation modernes à des modes d’aération vieux de plusieurs siècles aboutit dans certains cas au délabrement des matériaux, à la moisissure des poutres en bois par exemple. Le développement durable peut être un réel atout pour la protection du patrimoine, et inversement, du moment que l’on adopte une approche rationalisée et non-dogmatique.
La vieille ville de Genève
stopper le risque de blanchiment d’argent Olivier Rau Secrétaire général de l’USPI Vaud
L’investissement dans l’immobilier en Suisse à travers des fonds de provenance illicite ne peut pas être totalement exclu. Selon le Conseil fédéral, il pourrait y avoir un risque d’abus en cas d’achats immobiliers au cours desquels les paiements sont effectués en dehors du champ d’application de la loi sur le blanchiment d’argent (LBA), par exemple par l’entremise de banques étrangères ou par des versements en espèces sans la participation d’un intermédiaire financier soumis à la LBA.
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uelques cas emblématiques d’achats de biens immobiliers à des prix hors de toute logique financière et nettement au-dessus du marché ont été relayés dans les médias. Ils ont débouché sur plusieurs interventions par-
lementaires, qui demandent notamment un assujettissement généralisé du secteur immobilier (en particulier les courtiers) à la LBA. La LBA a pour objet d’assujettir les intermédiaires financiers et de définir qui ils sont. Or un intermédiaire n’existe pas nécessairement dans le cadre d’une transaction immobilière, le paiement du prix pouvant se faire directement de l’acheteur au vendeur. Ainsi, une mesure telle que l’assujettissement généralisé des courtiers immobiliers à la LBA n’offrirait aucune garantie. Dans la pratique, le courtier n’a le plus souvent aucun pouvoir de disposition sur des valeurs patrimoniales. Autrement dit, il n’y a pas de versement d’argent comptant au profit du courtier dans le cadre d’une transaction immobilière. Dans les rares cas où le courtier est amené à transférer ou verser sur mandat de l’acheteur le montant du prix de vente au vendeur, il est déjà en droit actuel considéré comme un intermédiaire financier assujetti à la LBA. En bref, la plupart du temps, les transactions immobilières sont donc effectuées par des intermédiaires financiers pleinement soumis à la LBA (établissements bancaires par
exemple), qui sont tenus de respecter les obligations de diligence également dans leurs transactions financières relevant du secteur immobilier. Les risques d’abus évoqués plus haut sont ainsi limités aux rares transactions qui sont en dehors du champ d’application de la LBA. Il convient donc d’agir de manière ciblée, tout en veillant à ne pas augmenter le coût déjà élevé des transactions immobilières en général et à ne pas prolonger ou alourdir les procédures. Pour garantir le contrôle de l’identité de l’origine des fonds dans le cadre d’une transaction immobilière, l’Union suisse des professionnels de l’immobilier propose de prévoir que le paiement du prix par l’acheteur doit obligatoirement se faire par le virement depuis son compte ouvert auprès d’un établissement (suisse ou étranger) autorisé en Suisse par la FINMA, Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers. On prend ainsi en considération le fait que ces établissements sont d’ores et déjà équipés et organisés pour mettre en œuvre les obligations de diligences prévues par la LBA et sont donc les mieux à même de faire respecter ces exigences. Market.ch - octobre 2011
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