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POSSESSION J A C Q U E S

… Et je les invoquai à haute voix, les suppliant de me pardonner, leur offrant de me déshonorer aussi souvent qu'il le faudrait pour mériter leurs faveurs ; mais je les avais sans doute fortement offensés, car ils ne sont jamais revenus.

Charles Baudelaire Tentations

C O N S E I L G E N E R A L D E S P Y R E N E E S O R I E N TA L E S

B O S S E R


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Remerciements

Madame Hermeline Malherbe Présidente du Conseil Général des Pyrénées Orientales Monsieur Robert Garrabé Président de la Commission Culture Conseil Général des Pyrénées Orientales Monsieur Marcel Mateu Président de la Commission Catalanité et Patrimoine Conseil Général des Pyrénées Orientales Monsieur Jean-Louis Chambon Conseiller Général du Canton de Saint Jacques Conseil Général des Pyrénées Orientales Madame Nicole Mas Directrice Générale Adjointe des Services Conseil Général des Pyrénées Orientales Le personnel du Pôle Animation et Festivités Le personnel de la Maison de la Catalanité


POSSESSION J A C Q U E S

B O S S E R

PHOTOGRAPHIES

Commissaire d’exposition Roger Castang Texte Patricia Tardy

C O N S E I L

G E N E R A L

D E S

P Y R E N E E S

O R I E N TA L E S



Evoquer et mettre en scène des œuvres contemporaines n'est pas chose évidente, pourtant depuis plusieurs années le Conseil Général s'applique à mettre en situation dans ses monuments le travail d'artistes d'aujourd'hui. Cette année il est question de Possession : titre de l'exposition du photographe Jacques Bosser, 21 grands formats dévoilés sur les murs de la Maison de la Catalanité. Déjà par la force évocatrice des photos, par la puissance des couleurs, l'espace de la Maison de la Catalanité est entièrement possédé. Les modèles de Jacques Bosser - d'une grande beauté et pureté - sont opposés à l'image que l'on peut avoir de la possession Le Conseil Général des Pyrénées Orientales poursuit son ouverture vers l'art actuel en renouvelant une fois de plus sa confiance à Roger Castang pour l'organisation de ce superbe projet.

Hermeline Malherbe Présidente du Conseil Général des Pyrénéés Orientales



Une suite logique aux trois expositions précédentes, l'Invité des Rois, Vibrations totémiques et l'Esprit du mur mises en place par le conseil général. Aujourd'hui ne sommes nous pas tous des "possédés"? religion, amour, politique, sexe, … " C'est le Diable qui tient les fils qui nous remuent " DIEU et DEMONS en sont ils responsables ? ou bien c'est l'HOMME qui est responsable ? JACQUES BOSSER nous montre dans ses tirages photographiques, d'une manière très esthétique toutes ces formes de POSSESSION. Ses photos sont construites comme des peintures, par plans successifs et prise de vue frontale et leur lecture se fait au second degré. Les murs de la MACA se prêtent parfaitement à ce mélange de couleurs et aux grands formats de l'artiste. La scénographie est volontairement très épurée, pour que la force visuelle des photographies de cette série s'exprime pleinement.

Roger Castang


Deux superbes Satans et une Diablesse, non moins extraordinaire, ont, la nuit dernière, monté l'escalier mystérieux par ou l'Enfer donne assaut à la faiblesse de l'homme qui dort, et communique en secret avec lui…..

Charles Baudelaire Tentations

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Notre-Dame de la paix, tirage argentique Cibachrome, 120 x 120 cm




Qui possède qui ? Avant toute possession, il y a le désir de l’ordre de l’émotion, vient ensuite la tentation, la convoitise, l’illusion et l’obsession qui signent la déstabilisation des sens et de la raison et enfin, la force et le pouvoir de jouir qui sont du domaine de la domination. Non nous ne parlons pas ici d’un échange amoureux qui trouverait sa conclusion dans un coït de plaisirs partagés, ou librement consentis, car dans la possession, de biens, de connaissances ou de personnes, il y n’y a guère de partage. D’un côté se trouve celui qui dispose en maître, le possesseur et de l’autre le possédé, dévoué ou asservi. La possession peut alors se définir comme le fait d’avoir quelque chose ou quelqu’un dont on fait ce que l’on veut ou encore de faire ce que l’on veut de ces derniers sans en être véritablement propriétaires. Dans ceux qui disposent et jouissent en maître, on trouve les tyrans de toutes sortes, dominateurs et des usurpateurs, dictateurs, ou encore esclavagistes. Mais ces oppresseurs sont eux même obsédés, possédés par leurs passions, leurs pulsions, leurs perversions ou leurs soifs de pouvoirs ? C’est donc que la possession n’agit pas seulement en dehors de l’homme mais par l’intérieur par envahissement, intrusion. Le corps devient alors un support matériel de quelque chose d’immatériel de l’ordre de la névrose ou de la spiritualité. De nombreux types de possessions ont été décrits dans diverses sociétés et diverses religions, la tentation d’Eve et d’Adam, celle de saint Antoine, et les récits d’exorcismes pour les catholiques. D’autres s’intègrent dans des rituels collectifs, portés par le groupe où, dans la transe, c’est au travers du corps que se manifeste, le souffle de l’esprit. L’être humain devient alors le support matériel de l’immatériel, la forme humaine de l’esprit, comme dans le vaudou par exemple. Mais l’entité surnaturelle et immatérielle peut revêtir de nombreuses identités et d’autres apparences matérielles animées ou non, animal, lieux, objet. Elle peut être bienveillante ou malveillante et démoniaque comme dans la magie noire et s’introduire tel un cafard pour s’emparer, par infestation du corps, des sens, de l’esprit, ou de l’âme d’une personne consentante ou non. Et il y a des possessions dont les passions maîtrisent l’âme, l’agitent et l’égarent, modifient le comportement, et éloignent ou coupent l’individu du groupe, c’est la folie. L’approche scientifique y déterminera des névroses et Freud, la manifestation de pulsions et de désirs sexuels inassouvis, refoulés et réprouvés par la morale. La possession a reçu des explications de différents ordres : psychiatriques, psychologiques, religieuses, anthropologiques sociologiques dont chacune ne peut rendre compte seule de la complexité du phénomène. C’est cette complexité du sens et de sa perception qui est donnée à voir dans l’exposition Possession, où les représentations et propositions sont d’autant plus nombreuses et complexes que J Bosser est un plasticien, photographe et peintre, pour qui le réel n’est qu’affaire de point de vue. C’est aussi un homme, issu d’une double culture, européenne blanche et catholique, et, africaine, noire où l’animisme et le vaudou sont présents.


Le modèle choisi est jeune, beau, séduisant et séducteur, exotique, souvent noir, dénudé et surtout féminin. Ce sont autant de signes propices à la tentation, à la jouissance physique et à l’asservissement ou encore à l’obsession du séduire, du paraître. Et ici, la femme est le sujet et l’objet matériel de toute possession matérielle ou immatérielle, son corps, l’élément plastique qui cristallise toutes les possibilités tous les types de représentations, religieuses, rituelles, sociales, intimes, surnaturelles, abstraites. Le corps devenant alors un pur signe plastique. Nous pouvons reconnaître une princesse japonaise, une madone, une guerrière, une prêtresse vaudou ou une sorcière, une femme puissante, détentrice d’un savoir ou d’un pouvoir mystérieux et magique. Elle est révélée, dans une frontalité crue, en gros plan, entier, sans ombre, surexposé à l’infiniment grand ou petit. Nous reconnaissons aussi l’esclave ou la captive, cachée par des étoffes somptueuses, entravée par des liens, ou s’effaçant sous le maquillage, le masque. Un effacement qui va jusqu’à la dépersonnalisation, tête cachée, à la désincarnation, fragment sans tête, jusqu’à la forme couleur, la ligne, le signe abstrait que dessine le corps dans l’espace, comme pour mieux nous faire ressentir l’écart entre le réel et la représentation, le matériel et l’immatériel. La princesse qui aimait les insectes, issue d’un conte japonais de la fin du XIIème siècle, dont il est question dans la série Insext était-elle captive et possédée par sa passion ou libre et émancipée des normes sociales, de la bienséance et des codes esthétiques du paraître ? C’est une question de point de vue. Et les photographies Akuna ou Isseki de cette série, sont-elles celles de la partie visible d’un corps possédé par les insectes ou celles de compositions abstraites où cet élément provoque une rupture par sa forme, sa couleur, son motif ? Les apparences sont parfois trompeuses. Les images de J Bosser sont toujours équivoques, la femme y est toujours trouble, double et contradictoire, Madone et pécheresse, ange et démon, maîtresse et servante, libre ou esclave. Elle y est le sujet d’une tragi-comédie sociale et culturelle, et l’objet d’une mise en scène théâtralisée où chaque détail est signifiant.Dans ces photos d’atelier aux poses très dirigées, les détails sont comme les notes d’une partition, les couches ou les ajouts en peinture, et leur incohérence, leur décalage, leur dissonance ou leur distance favorisent un glissement du point de vue dans une libre association, contrepoint de tout réalisme. Petite fille sage, contredite par le maquillage et les armes, ménagère ou sorcière contredite par son plumeau, peinture sociale ou rituelle contredite par la couleur. Le sens glissant d’une représentation à une autre dans un même espace et un même temps. Le choc des associations ou des confrontations, improbables, nous rappelle que la frontière est tout aussi mince entre l’objet et le sujet de l’aliénation, entre le possesseur et le possédé, entre la prêtresse et la prostituée dont le pagne renvoie au monopole féminin du Wax, à la puissance économique des « Mama Benz ». Le choc est d’autant plus violent si le corps nu, sexe exhibé au regard dans un érotisme distancié


et glacé, est noir. Il nous renvoie au statut de la femme et plus encore à son infériorité et son asservissement dans certaines sociétés considérant la femme comme un citoyen de 2ème zone, objet de jouissances, privé de connaissances et d’activités valorisantes comme le savoir, le pouvoir, l’autorité, la guerre, et l’exclu des domaines politiques, civiques, rituels. La métaphore, le décalage comme la mise en abîme sont des solutions plastiques qui sous-tendent la réflexion et le travail de J Bosser, à la frontière du réel et de sa représentation, entre le figuratif et l’abstrait, le fond et la forme, le proche et le lointain et entre deux pratiques, photographique et picturale. Et dans ces dernières, la capture et l’appropriation ou l’acculturation sont visibles dans le fond mais aussi dans la forme et les moyens. Les associations, les juxtapositions, les ajouts, les mixages, relèvent de pratiques artistiques liées autant au phénomène d’emprunt initié par les cubistes, développé à travers le pop art, le nouveau réalisme, la nouvelle figuration…, qu’à celui attaché à l’objet rituel relevant du domaine du spirituel. Un objet qui en Afrique est aussi mouvant que le verbe et qui fait de l’artiste « celui qui pose des questions originales quelle que soit la fonction de l’objet ».

Patricia Tardy


…Une splendeur sulfureuse émanait de ces trois personnages, qui se détachaient ainsi du fond opaque de la nuit. Ils avaient l'air si fier et si plein de domination,que je les pris d'abord tous les trois pour de vrais dieux…

Charles Baudelaire Tentations

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Syso, tirage argentique s/baryté, 60 x 40 cm Okozo, tirage argentique s/baryté, 60 x 40 cm Akis, tirage argentique s/baryté, 60 x 40 cm


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Quant à la diablesse, je mentirais si je n'avouais pas qu'à première vue je lui trouvai un bizarre charme… Elle avait l'air à la fois impérieux et dégingandé, et ses yeux, quoique battus, contenaient une force fascinatrice.

Charles Baudelaire Tentations

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Babila, tirage argentique Cibachrome, 150 x 120 cm


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Du rĂŠpos, tirage argentique Cibachrome, 80 x 80 cm


Archange, tirage argentique Cibachrome, 80 x 80 cm

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Iago, tirage argentique Ilfochrome, 120 x 100 cm


ImpĂŠriale, tirage argentique Cibachrome, 80 x 80 cm

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Dans la photo Black Panic Jacques Bosser rend hommage à une figure artistique des années 70 Valie Export qui avec sa performance de 1969 Action Pants Génital Panic est une des premières femmes à se lancer dans les actions guérillas qui marquent l'histoire de l'art contemporain et revendique avec violence et liberté le mouvement féministe. Transposée en 2008 avec une femme africaine comme modèle, cette œuvre photographique d'une actualité brûlante, donne toute sa force et se fait revendicatrice des mouvements de luttes des femmes africaines contre la domination, l'excision et l'obscurantisme des religions. Valie Export, née en 1940 en Allemagne, est une des premières femmes artistes à se lancer dans les ‘actions-guérillas’ qui marquent l’histoire de l’art contemporain par leur caractère extrême. En 1969, habillée d’une chemise noire, d’un pantalon à l’entrejambe coupée, les cheveux en batailleet une mitraillette à la main, elle entre dans un cinéma porno munichois pour réaliser sa performance : Génital Panic. Le pantalon coupé laisse totalement voir ses parties génitales non couvertes. Elle s’adresse alors aux spectateurs médusés, voyeurs passifs en les invitant à venir toucher son sexe. Mais cette invitation s’accompagne de la mitraillette qu’elle pointe en leur direction. Aucun d’entre eux ne répond à sa requête, tous, l’un après l’autre quitte silencieusement la salle du cinéma. En dévoilant la partie la plus intime de son corps sans révéler le reste, Valie Export interroge et même provoque les paramètres de visibilité du sexe et du voyeurisme. Elle détruit également toute assimilation avec le modèle du nu féminin traditionnel. En donnant ce double et impossible ordre (double bind), elle force les spectateurs à reconnaître l’objet de leur désir (ils sont dans une salle de cinéma porno), mais elle les contraint également à reconnaître le mouvement féministe prêt à revendiquer sa liberté avec violence, le respect arme à la main.

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Black panic, tirage argentique Cibachrome, 150 x 120 cm


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Koori, tirage argentique Cibachrome / Diasec, 100 x 100 cm


Kyio, tirage argentique Cibachrome / Diasec, 100 x 100 cm

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Lulua, tirage argentique Cibachrome / Diasec, 100 x 100 cm

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Seog, tirage argentique Ilfochrome, 80 x 80 cm


Yuz, tirage argentique Ilfochrome, 100 x 100 cm

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Ziwar, tirage argentique Cibachrome, 80 x 65 cm


Luuly, tirage argentique Cibachrome, 80 x 65 cm

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32

Akuna, tirage argentique Cibachrome, 120 x 100 cm


Laelia, tirage argentique Cibachrome, 150 x 120 cm

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Isseki, tirage argentique Cibachrome, 120 x 120 cm



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Tumo, technique mixte photo tirage argentique, 160 x 120 cm


Kara, technique mixte photo tirage argentique, 156 x 142 cm

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Waka-Waka, technique mixte photo tirage argentique, 120 x 150 cm


Baaku, technique mixte photo tirage argentique, 150 x 140 cm

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Kokomo, technique mixte photo tirage argentique, 106 x 105 cm


Lila, technique mixte photo tirage argentique, 103 x 92 cm

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Mooko, technique mixte photo tirage argentique, 140 x 160 cm


Iod, technique mixte photo tirage argentique, 102 x 147 cm

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Wiwin, technique mixte photo tirage argentique, 110 x 150 cm


La Galerie Roger Castang En 1996 Roger Castang crée au n° 4 de la rue Manuel une galerie MODE D’EXPRESSIONS spécialisée dans les peintres non conformistes des pays de l'Est et dans la photographie plasticienne d'avant garde. La dénomination Art Contemporain devenue à ses yeux obsolète, il parle dès 1999 d'Art Actuel qu'il définit dans un espace-temps comme l'Art du XXIème siècle. Il décide d'ouvrir en 2001 un autre lieu, la CASTANGALERIE au n° 3 de la place Gambetta, qui ne présente que des œuvres d'artistes vivants postérieures à 2000. La galerie organise plusieurs expositions par an dans ses murs, participe à de nombreuses foires d'art, mais ce qui intéresse le plus Roger Castang c'est d'investir régulièrement des lieux du patrimoine pour des mises en situation d'œuvres de ses artistes. La démarche actuelle de la galerie est de se faire plaisir en découvrant de nouveaux talents et de les faire aimer par les collectionneurs. Le 18 juin 2014 ouverture de l'espace CASTANG ART PROJECT espace immaculé de 160m2 dans lequel 4 ou 5 fois dans l'année un solo show et une présentation d'un véhicule de collection investiront ce lieu.

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Je remercie, Jacques Bosser d'avoir interprété à sa manière la Possession Patricia Tardy pour sa plume juste et pertinente Laurent Coll et François Peyralade pour leur aide de tous les instants

Roger Castang


Commissaire d’exposition Roger Castang Texte Patricia Tardy Maquette et impression Bruno Cigoi Mx © 2014, CastanGalerie,tous droits réservés

rogercastang@orange.fr

PLACE GAMBETTA, 66000 PERPIGNAN

CASTANG ART PROJECT RUE RABELAIS , 66000 PERPIGNAN



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POSSESSION J A C Q U E S

… Et je les invoquai à haute voix, les suppliant de me pardonner, leur offrant de me déshonorer aussi souvent qu'il le faudrait pour mériter leurs faveurs ; mais je les avais sans doute fortement offensés, car ils ne sont jamais revenus.

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