La gestion post-événementielle Un grand événement et après ? « Le futur ne se prévoit pas, mais il se construit » Bernardo Secchi.
Julie Vanbruaene Promoteur : Serge Peters Lecteur interne : Geoffrey Grulois Lecteur externe : Jean-François Roger France
ULB faculté d’architecture
La Cambre Horta
Table des matières AVANT PROPOS 7 9 I. INTRODUCTION 11 II. PROBLEMATIQUES 12 III. LA VILLE DE VALENCIA 13 1. SITUATION ET IMPLANTATION 13 2. HISTORIQUE 13 3. LE FLEUVE TURIA 14 4. CONTEXTE ECONOMIQUE ET POLITIQUE 17 5. CARACTERISTIQUES SOCIETALES 20 IV. L’EVOLUTION DU PORT 22 1. LE PORT EN 1980 24 2. LE PORT EN 1990 24 3. CONCOURS D’IDEES 28 A. LE PROJET ‘BALCON AL MAR’ 29 B. MASTER PLAN GRAO 48 C. LES TRANSPORTS 68 4. L’ENVIRONNEMENT 68 5. BUDGET 71 VALENCIA, THA AMERICA’S CUP, 2007 & 2010
73 I. INTRODUCTION 75 II. LA VILLE DE LONDRES ET LE QUARTIER DE STRATFORD 76 1. SITUATION ET IMPLANTATION 76 2. CARACTERISTIQUES SOCIETALES 78 3. CARACTERISTIQUES POLITIQUES ET ECONOMIQUES 82 III. LE PROJET 87 1. LE MASTER PLAN 87 2. STRATEGIES 90 A. LE PAYSAGE 93 LONDRES, LES JEUX OLYMPIQUES, 2012
B. LES INSTALLATIONS SPORTIVES 96 C. LE VILLAGE OLYMPIQUE 104 D. LES TRANSPORTS 117 E. L’EDUCATION 119 F. LES COMMERCES 126 G. LES INSTALLATIONS MEDICALES 129 H. LES SOURCES D’ENERGIES 129 3. LE BUDGET 133 IV. UNE REFLEXION SUR L’AFTER GAMES 136 MILAN, EXPOSITION UNIVERSELLE, 2015 149
I. INTRODUCTION 151 II. MILAN, ITALIE 152 1. SITUATION ET IMPLANTATION 152 2. CARACTERISTIQUES URBANISTIQUES 153 3. CARACTERISTIQUES SOCIETALES 155 4. CONTEXTE POLITIQUE ET ECONOMIQUE 156 III. L’EXPOSITION UNIVERSELLE, ENTRE TRADITION ET INNOVATION 157 1. LE MASTER PLAN 157 2. ELEMENTS STRUCTURANTS 162 3. STRATEGIES 167 A. LE PAYSAGE 168 B. LES INSTALLATIONS DE RHO-PERO 170 C. LE VILLAGE DE L’EXPO 171 D. LES TRANSPORTS 176 E. LES COMMERCES 178 F. L’ENVIRONNEMENT 178 G. LE BUDGET 181 IV. UN PROJET ETENDU A TOUT MILAN… 182 1. LES NAVIGLI 182 2. UNE RURALITE URBAINE 187 CONCLUSION 191 DOCUMENTS ANNEXES 197
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Avant propos ⁄ Suite à un erasmus à Valencia, en Espagne, la problématique de l’architecture des Grands Evénements s’est posée à moi : pourquoi certaines infrastructures dédiées à de grands événements sont aujourd’hui abandonnées, délaissées ou inexploitées ? Le mont Juïc des J.O. de Barcelone de 1992 aujourd’hui désert, l’Expo Universelle de 1992 de Séville qui n’accueille plus qu’un axe routier, ou encore le port de l’America’s Cup de Valencia qui ne reçoit plus aucune compétition de bateaux… Ce ne sont que quelques exemples parmi tant d’autres qui révèlent ce constat d’abandon. Est-ce seulement un cas espagnol ? Est-ce dû à la crise économique ? De grands événements tels que les Jeux Olympiques ou les Expositions Universelles permettent de réhabiliter des quartiers défavorisés ou encore inexploités de certaines villes… Ils deviennent alors de véritables outils de reconquête urbaine. Les villes en crise, confrontées à d’extraordinaires contraintes géographiques et économiques, mettent à profit ce type de manifestations pour dynamiser leur processus de renaissance par la venue des touristes. Néanmoins, le site de l’événement n’est efficace qu’inscrit dans le long terme. Il s’agit donc de le faire vivre de manière utile, attractive, économique, esthétique,… A partir d’une étude de cas de l’America’s Cup de Valencia, des Jeux Olympiques de Londres et de l’Expo Universelle de Milan, le but de cette thèse est d’inscrire dans les mémoires une gestion post-événementielle de l’architecture des Grands Evénements sur le long terme. Quelle est la recette de cette réussite ?
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VALENCIA, THA AMERICA’S CUP, 2007 & 2010 |
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I. Introduction ⁄ Toute ville fait preuve de changements, d’évolutions au cours du temps. Certaines, comme Valencia, utilisent les grands événements comme levier à l’action urbaine. Ce processus de mutation dépasse souvent l’échelle habituelle données aux rénovations urbaines. L’événement est aussi l’occasion de démontrer sa créativité, les associations d’idées, les collaborations. La ville tente d’acquérir une image exceptionnelle, à vocation nationale et internationale. Mais les stratégies événementielles ne prennent sens et efficacité que dans une logique inscrite sur le long terme. Valencia, ville européenne moyenne, a pour ambition de devenir l’une des métropoles méditerranéennes les plus attractives. Elle veut se revêtir d’un nouveau visage, signe de modernité pour la Méditerranée. C’est un énorme défi qu’elle se pose face à des villes telles que Gênes ( premier port de marchandises méditerranéen ), Marseille, Naples ou encore Barcelone… Mais Valencia est une ville déterminée, même démesurément déterminée. Son plan d’action implique la requalification de son littoral, grâce à l’événement de l’America’s Cup organisé en 2007 et en 2010. C’est un réel tremplin pour redynamiser sa darse historique ! Mais la ville en veut plus ! Elle souhaite également connecter la zone portuaire avec le centre historique, pour enfin donner une unité à la ville. Ayant vécu à Valencia durant un an, la problématique de la gestion post-événementielle de son port s’est rapidement posée à moi : pourquoi un port arborant des activités économiques importantes et récemment rénové n’accueille-t-il aucune manifestation et que peu de fréquentation quotidienne ?
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II. Problématique ⁄ L’hypothèse centrale consiste à considérer les grands événements comme des outils de transformation de la ville contemporaine et repose sur l’interaction entre la manifestation, à caractère éphémère, et l’aménagement urbain qui est par nature une opération permanente. C’est dans cette relation d’opposition entre temporalité et permanence qu’il faut trouver l’équilibre. A l’image d’une recette, il faut trouver les bons ingrédients de la réussite à long terme. La problématique principale est celle de la transformation urbaine post-événementielle et de sa viabilité sur le long terme. Si certaines opérations de renouveau urbain ont réussi, d’autres ont aussi échoué…
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III. La ville de Valencia ⁄
1 — Situation et implantation
Valencia
2 — Historique Depuis sa naissance sous l’empire romain, Valencia n’a cessé d’être une ville puissante, tantôt sous les mains maures, tantôt sous les mains chrétiennes. La ville a retiré bon nombre de bienfaits de ces différentes cultures. Valencia est aujourd’hui la troisième ville d’Espagne en termes de population, selon le recensement de 2009. Sa situation méditerranéenne fait également d’elle un port économique important.
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3 — Le fleuve Turia Long de 280 km, le fleuve Turia prend sa source à Muela de San Juan, dans la Sierra de l’Albarracin, et trouve son embouchure à Valencia. C’est le long du fleuve Turia que la ville s’est développée. Suite à une inondation majeure du fleuve Turia les 13 et 14 octobre 1957, les autorités espagnoles décident de détourner le lit pour éviter de nouvelles crues. Les dégâts occasionnés étaient de grande ampleur : la ville entière était sous eau et plongée dans le chaos. On dénombrait également 80 morts. La ville entreprend alors ‘le plan sud’, un projet d’asséchement du lit initial pour le convertir en axe autoroutier, mais la population se soulève contre cette démarche et clame la nécessité d’une promenade verte. Le lit est donc aménagé en axe vert structurant la ville. C’est dans les années 1980 que la municipalité projette la création d’un parc public. Ricardo Bofill s’occupa du tronçon de la zone noble, avec des orangers et des palmiers autour du palais de la musique. L’équipe ‘Vetges Tú – Mediterrania’ dessina le tronçon nord-ouest, avec des installations sportives et différentes fontaines. Le conseil de l’agriculture entrepris le ‘bosque urbano’ ( bois urbain ) et plantent 1000 pins aux alentours des tours de Serranos. Les jardins de la Turia sont inaugurés en 1986. En 1991, Santiago Calatrava est élu lauréat du concours d’idées pour l’embouchure de la Turia. Il propose un parc urbain et un ensemble culturel majeur, la Cité des Arts et Sciences, qui attire aujourd’hui des millions de touristes chaque année. A son tour, Manuel Candela projeta l’Oceanografic, le plus grand aquarium d’Europe. Le tronçon de la Cité des Arts et Sciences est inauguré en 1998 et celui de l’Oceanografic en 2003.
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Il reste à aménager le dernier tronçon qui connecterait finalement la ville et le port. Ce projet est actuellement bloqué à cause de la crise espagnole. Le lit de la Turia offre aujourd’hui 120 hectares de promenade verte qui relie le centre historique au port. C’est la première phase de liaison entre la ville et la darse intérieure.12. millions de touristes chaque année. A son tour, Manuel Candela projeta l’Oceanografic, le plus grand aquarium d’Europe. Le tronçon de la Cité des Arts et Sciences est inauguré en 1998 et celui de l’Oceanografic en 2003. Il reste à aménager le dernier tronçon qui connecterait finalement la ville et le port. Ce projet est actuellement bloqué à cause de la crise espagnole. Le lit de la Turia offre aujourd’hui 120 hectares de promenade verte qui relie le centre historique au port. C’est la première phase de liaison entre la ville et la darse intérieure.(1)
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1. http://www.youtube.com/watch?v=mo_eliJjBRo
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4 — Contexte économique et politique Entre 1997 et 2007, Valencia s’est bâtie sur l’image d’une cité méditerranéenne futuriste, prisée par les touristes débarquant en grand nombre… Au détriment de son important patrimoine ! Les autorités détruisent des pans de ville pour y bâtir des gratte-ciel et autres bâtiments futuristes. Pendant 10 ans, Valencia multiplie les projets pharaoniques et les gouffres financiers : Opéras, Cité des Arts et Sciences ( 1,282 milliards €, soit trois fois le budget initial ), un aquarium géant, un grand prix de formule 1, un stade de foot, l’America’s Cup… Non seulement la ville, mais aussi toute la province illustre cette folie des grandeurs… La spéculation immobilière effrénée et la corruption n’ont fait que creuser le gouffre. Toute cette démesure n’est au final qu’une question de rivalité territoriale. L’Espagne est le seul pays à accueillir deux Grands Prix de Formule 1 la même année. « Barcelone avait son Grand Prix, Valencia voulait le sien. » Il n’était que question de prestige, de rayonnement et de l’ambition d’un homme, Francisco Camps, l’ancien président de la région du Parti populaire (PP), qui est tombé pour corruption après sa réélection au printemps 2011. La crise actuelle a stoppé net bon nombre de ces projets : un stade de football à l’arrêt, des aéroports fantômes, des chantiers inachevés, des projets bloqués… D’autres ont vu le jour, comme le parc d’attraction Terra Mitica à Benidorm ( 377 millions € ) ou encore la Cité de la lumière à Alicante ( 300 millions € ). Une province en faillite ? En ce qui concerne le port de l’America’s Cup, les projets réalisés témoignent de la capacité à élaborer des stratégies d’aménagements dans
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le cadre de la requalification du littoral. La planification urbaine a longtemps été sujette à différents débats et polémiques entre les partis politiques, les administrations, les mouvements civiques, etc. De plus, une importante spéculation immobilière, estimée entre 25 et 50%, est présente autour des espaces portuaires valenciens et a fait monté les prix. Cela a eu pour conséquence directe la prolifération de constructions le long du littoral. Dans le cadre de la compétition maritime, le contrôle de la spéculation immobilière a fait l’objet d’un compromis accepté par les autorités politiques intéressées à l’événement. Face aux nouvelles installations en vue de l’America’s Cup, des mouvements civiques ont eu lieu pour appeler les organisateurs à veiller au caractère public des transformations du littoral. Les associations populaires prônaient un déplacement des activités portuaires au port de Sagunto et l’arrêt de l’extension du port de Valencia. Toute opposition a été rejetée par les organisateurs qui ont donné suite à une politique d’embellissement, d’aménagement et réhabilitation pour favoriser le tourisme, les activités économiques et commerciales du port. La chute politique de Francisco Camps entraîne le déclin économique et financier de Valencia. Autrefois citée comme miracle espagnol, Valencia est devenue une terre de pillage et est reléguée au rang de la Grèce. En effet, entre 2008 et 2010, la province de Valencia a subi sa plus forte baisse de PIB ( de 6,4 % contre 3,4 % pour la Catalogne et 2,6 % à Madrid )… La province est au bord de la faillite, écopant d’une dette de plus de 20 milliards €(1) selon la banque d’Espagne, ce qui serait la plus élevée du pays avec 19,9% de son PIB. La province n’a même pas pu honorer une échéance de la Deutsche Bank de 130 millions €… Les remboursements s’accumulent et dépasse la Comunidad Valenciana… Les banques locales, CAM et Bancaja ( au troisième et quatrième rang national ) qui avaient financé l’âge d’or valencien, n’ont pas pu faire face à la crise et ont été absorbées par la banque d’Espagne. Cela ne facilite pas le financement de la région…
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1. http://www.sudouest.fr/2012/10/08/valence-la-route-du-grand-gachis-843684-1147.php
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«Le système n’est pas équitable. À Valence, qui est l’une des régions les moins dotées du pays, on sous-estime le nombre d’habitants», relève Josep Vicent Boira. Vicent Soler reste pour sa part résolument optimiste: «Cette crise, c’est l’opportunité d’un changement, de rebâtir, quand l’argent reviendra, une industrie compétitive comme dans le passé. Il y a ici un véritable esprit d’entreprise.» Une province comparée à une petite Californie européenne en compétition avec la grande Barcelone… Rien n’était trop grand pour ces politiques décomplexés se targuant de porter concurrence à la Catalogne… L’America’s Cup, un Grand Prix de Formule 1, une Cité des Arts et Sciences, la venue du pape Benoît XVI, tout est bon pour se démarquer ! On en vient à comparer la région à une petite Californie européenne. Les crédits bancaires coulent à flots, un bétonnage sans frein n’offre plus aucune limite à ces châteaux de sable. Aujourd’hui, le vernis s’est écaillé, la province est aujourd’hui criblée de dettes… du ‘meilleur des meilleurs’ souhaité par Francisco Camps, on est passé au ‘pire du pire’. Jusqu’en 2007, le tourisme valencien était florissant et chaque année grandissant… A partir de cette date, le taux de touristes a commencé à chuter : une diminution de 2,3% en 2008 marquée par une perte de 1,5 million € qui s’accentue de plus en plus chaque année (aux alentours des 10% par an ). En 2009, la crise économique mondiale frappe le secteur touristique, alors que la récession espagnole est elle-même présente. 30% des touristes sont nationaux, 70% sont internationaux. Mais une autre cause est trouvée aux problèmes rencontrés par le tourisme espagnol : la baisse du PIB espagnol a excédé, pour la neuvième année consécutive, celle du PIB global national. Le pays doit trouver un nouveau modèle de tourisme, redynamiser le tourisme national et remettre en question ses littoraux. Le gouvernement a alloué 170 millions € à la modernisation et à la création de Paradores, infrastructures hôtelières de luxe partout en Espagne, ainsi que 11 millions €
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au ‘tourisme senior’ qui vise à attirer les retraités en basse saison. 26,4 millions € sont également injectés dans le tourisme gastronomique, les campagnes publicitaires et l’amélioration des parcs nationaux. Tous ces millions injectés dans un tourisme de masse, au détriment de la conservation de son patrimoine, de son éducation ! Avec un chômage record de 24,4 % de la population active, l’Espagne est prête à tout pour relancer le pays…
5 — Caractéristiques sociétales Selon le recensement de 2009, Valencia compte 814 200 habitants. C’est la troisième ville d’Espagne en terme de population. D’une superficie de 134,6 km², Valencia a une densité de 6049 habitants par km². Cette densité est deux fois supérieure à la moyenne nationale mais la population est répartie de manière très inégale(1). Valencia, plaine littorale, a un secteur profond de 25 à 30 km, où la population s’est regroupée, alors que dans les terres, ce ne sont que de petits villages ( Requena, Utiel, Ayora… ) où la population reste faible, et les régions de plateaux et montagnes sont quasiment désertes… Dans la zone portuaire, on retrouve une population assez pauvre, défavorisée. Le quartier en question se nomme El Cabanyal(2). C’est un quartier historique dont les origines remontent au 13ième siècle. Des rues étroites, des petites maisons de pêcheurs colorées, des frontons de céramiques, Cabanyal(3) est lié au port de par son histoire et sa situation. Ce sont aujourd’hui des gitans, des familles de pêcheurs et des personnes âgées qui composent ce quartier.
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1. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/medit_0025-8296_1969_num_10_4_1335 2. http://www.valence-espagne.org/blog/cabanyal.htm 3. http://www.guardian.co.uk/travel/2010/may/08/valencia-el-cabanyal-neighbourhood-spain
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IV. L’évolution du port ⁄ Depuis ses origines, Valencia a toujours eu une relation à l’eau, plus par le fleuve Turia qui traversait le cœur de la ville qu’avec la mer. Entourée de villages, la ville fortifiée s’est étendue aux abords du fleuve. En 1792, l’ingénieur Manuel Mirallas installe le premier embarcadère en pierres au bord de la plage à la place des quais en bois. Au 19ième et 20ième siècle, la darse intérieure est occupée par différentes installations portuaires, gares maritimes et entrepôts jusqu’à s’étendre sur les nouveaux quais maritimes. Par la suite, l’expansion du commerce maritime implique de creuser de nouveaux canaux, plus profonds, et de créer de grands espaces de stockage. La croissance de la ville vers le littoral, la démolition des fortifications qui cernaient la ville en 1865 et la création de la ligne de chemin de fer Valencia-Grao en 1877 modifient le caractère fluvial. La déviation du fleuve Turia permet enfin le rapprochement de la ville à la mer. En 1893, l’urbaniste allemand Reinhard Baumeister(1) considère qu’il devient nécessaire de diviser la ville en différentes zones selon leurs fonctions. Il y a donc une régulation au sein de la construction qui densifie ou non les parties de la ville. Cette démarche urbanistique se transmet dans d’autres pays. C’est en 1946 qu’un plan d’organisation de zonage s’établit à Valencia. Même si ce phénomène urbanistique se répandait à travers l’Europe, il n’était pas toujours signe de structuration parfaite. Par exemple les lieux destinés aux espaces tertiaires et de services ont été, dans le cas de Valencia, abandonnés, délaissés et deviennent aujourd’hui de larges friches. On découvre alors d’énormes surfaces qu’il convient d’aménager avec des critères et des fonctions nouvelles. Ces espaces sont des lieux d’opportunité. C’est le cas du secteur Grao qui bénéficie d’un nouveau master plan afin de connecter la ville à son port.
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1. http://ebookbrowse.com/waterfronts-nuevos-modelos-urbanos-foro-juan-luis-vives-2009-03-05pdf-d210437219
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Le temps s’écoule et de nouveaux défis entrent en jeu : le développement durable, les faibles émissions de CO2, le recyclage deviennent les maîtres mots de notre époque. La transformation des fronts de mers de ces dernières décennies a permis aux villes méditerranéennes de redessiner leurs frontières entre le tissu urbain et le littoral. Le mélange des fonctions permet aux villes d’acquérir une diversité d’usage, de créer des espaces harmonieux et fonctionnels. C’est ce critère d’équilibre des fonctions et usages qui garantit les meilleurs résultats pour mieux ‘vivre, travailler et se reposer’.
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1 — Le port en 1980 Même si Valencia est aujourd’hui une ville portuaire importante de la Méditerranée, l’histoire de son port reste toutefois récente. Le port s’inscrit dans la finalité de la Turia, épine dorsale de la ville. L’objectif est de connecter la ville et le port par l’intermédiaire de la coulée verte et de donner une unité à Valencia. Vers 1980, Ricardo Bofill entreprend le projet de reconversion du lit de la Turia en jardins publics et définit 2 axes directeurs : le premier est un axe nord-sud et parallèle au front de mer ayant pour but de requalifier la façade urbaine du port ; le deuxième est un axe est-ouest dans le but de connecter la le parc fluvial à la darse historique et aux plages nord ( Malvarossa ). Dans les années 1980, l’entrée de la darse(1) historique était alors dirigée vers le sud-est et non vers le nord-est comme aujourd’hui.
2 — Le port en 1990 A partir de 1990, les premières priorités de la municipalité sont la modernisation et l’agrandissement de la zone portuaire par une extension nord. La darse s’ouvre sur un nouveau canal d’accès et de nouveaux édifices se construisent sur ses bords. Ces édifices sont dédiés aux loisirs et surtout à l’activité économique. Or, la création de quais dotés de meilleures infrastructures a causé l’abandon de la darse historique… Le port intérieur est alors cédé à la municipalité de Valencia. Valencia veut faire de sa marina la plus touristique de la Méditerranée tout en conservant son patrimoine historique et son port de marchandises. Un grand défi !
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1. darse bassin portuair intérieur
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En 1980
En 1990
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En 2007
En 2020
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3 — Concours d’idées La ville fait appel aux plus célèbres architectes pour dessiner les nouveaux monuments de son renouveau urbain. Consorcio Valencia 2007, établissement public réunissant les autorités gouvernementales ( 50% ), régionales ( 25% ) et municipales ( 25% ), lance un concours d’idées pour un ambitieux programme d’urbanisation maritime, privilégiant les relations entre la mer et la ville. Le jury est composé de sept membres : Rita Barbera Nomma, maire de Valence et présidente de Consorcio Valencia ; Carmen Alborch, membre du parlement espagnol ; Arantxa Nuñoz, architecte espagnole ; Ourania Kloutsinioti, architecte grecque ; Jaime Lerner, ancien président de l’UIA ( Brésil ) ; Cui Kai, architecte chinois et Donald Lambert, architecte hollandais. Le projet d’urbanisation du port s’établit en deux phases, en deux master plans : le master plan ‘Balcon al mar’ qui concerne l’aménagement de la darse historique, du port de plaisance et l’amélioration de la logistique portuaire, et le master plan ‘Grao‘ qui urbanise le delta de la Turia. Le programme se développe donc en deux temps, le premier en vue de l ‘America’s Cup et le second pour 2018. Revaloriser des espaces vétustes et leur apporter une identité propre, tel est le but du concours. Il est donc important de créer un ensemble équilibré pour ‘vivre-travailler-se reposer’ autour d’espaces libres de parcs et de places en relation avec la typologie et la structure urbaine, ainsi qu’autour d’une nouvelle centralité. Il s’agit donc de se référer à des critères fonctionnels, structuraux et compositionnels.
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(a)
Le projet ‘Balcon al Mar’ Lieu : port de Valencia, Espagne Années : 2004 – 2007 Superficie : 214 553 m² Budget : 1,8 milliards €(1) Client : Consorcio valencia 2007 Valencia est aujourd’hui un lieu d’innovations architecturales. Depuis quelques années, la ville tente de sortir de l’ombre, de se valoriser par des projets majeurs de régénération du tissu urbain. L’un de ces projets est la rénovation du front de mer et la construction d’édifices remarquables. Le projet ambitieux de requalification du tissu portuaire implique l’aménagement de la darse intérieure, l’extension des espaces portuaires face à la ville et le déplacement partiel ( 14,27 % ) de ses activités à Sagunto, à 25 km au nord. Les premières esquisses de rénovations ont commencé dans les années 1980, mais c’est réellement l’élection de Valencia, en 2003, en tant qu’hôte de la fameuse compétition maritime qui a intensifié le processus. La stratégie est d’utiliser l’événement de l’America’s Cup comme levier de la rénovation et de l’extension du port. La coupe de l’America est l’un des plus anciens événements sportifs au monde et sa répercussion médiatique est comparable à celle des Jeux Olympiques. D‘abord connue sous le nom de Coupe des Cent Guinées, l’épreuve nautique pris le nom d’America’s Cup en 1870.
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1. http://www.presseurop.eu/fr/content/article/1589821-lendemains-de-fiesta-difficiles-valence
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Cette compétition prestigieuse est propice au développement des technologies et à la stratégie. Valencia a été choisi dans un panel de 56 autres villes ( pour ses conditions météorologiques entre autre ) telles que Barcelone, Marseille, Palma de Majorque ou encore Naples qui a accueilli la compétition en avril 2013. La 32ième coupe suppose la consolidation de Valencia comme ville ouverte sur la Méditerranée et dotée de nouvelles infrastructures pour le tourisme nautique. La première priorité est la requalification du tissu portuaire, mais également un rôle de premier plan en Méditerranée qui dépasse l’événement lui-même. La seconde priorité est l’ouverture de la façade urbaine sur le vieux port pour y installer des activités ludiques, économiques et culturelles, ainsi que la réhabilitation d’édifices historiques ( Los Tinglados, el edificio del Reloj, Varadero, el edificio de Aduanas ). C’est en 1997 que ces stratégies sont esquissées par le projet Balcón al Mar, définissant deux territoires : une façade urbaine ouverte sur le port et la création de différents espaces portuaires ( port de plaisance, de croisières, de marchandises…). Suite au concours d’idées lancé par le Consorcio de Valencia, Tomas Llavador remporte le premier prix. Le projet est financé par le gouvernement local, régional et le Consorcio Valencia 2007. J.M. Tomas Llavador décide de changer l’orientation de la darse historique et la tourne désormais vers la plage de la Malvarossa, au nord-est. Un nouveau canal de 80 mètres de large et de 600 mètres de long est créé à partir de la digue orientale, ainsi qu’une digue et une contredigue pour protéger le nouveau canal. Le bassin intérieur est organisé autour d’un quai en ‘T’ accueillant jusqu’à 42 méga-yachts ainsi qu’un port de plaisance d’environ 700 emplacements de bateaux(1). Le projet implique également la suppression de certaines infrastructures routières et ferroviaires qui cernaient le bassin portuaire.
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1. http://www.euromediterranee.fr/fileadmin/multimedia/Publication%20Dynamique%20métropolitaine %20n%202.pdf
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L’aménagement des ports de Barcelone et de Gênes ont servi de références au port de Valencia. Il est vrai que ces deux ports ont subi des changements magistraux, bénéfiques à chaque ville. Valencia a tenté de se calquer sur elles. L’America’s Cup aura eu des impacts considérables pour Valencia et son port : une campagne médiatique importante, 2,72 milliards € de recette, 70 000 emplois créés et 22% de touristes supplémentaires. Un gain donc pour la ville, mais de courte durée… Les édifices existants… Concernant le processus de rénovation, on peut citer El edificio del Reloj, bâti de 1914 à 1915 et dessiné par Federico Gomez de Membrillera. Cet édifice rectangulaire est un emblème du port et porte son nom de l’horloge au haut de sa tour. La tour accueille une cloche, appelée Maria, et une girouette en forme de bateau. C’était l’ancienne station maritime et le siège de l’administration des autorités portuaires de Valencia, et avait pour seule fonction de servir d’entrée maritime à la ville. Actuellement, elle a pour principale fonction de donner l’heure et de rythmer la vie du port. El edificio del Reloj a pour inspiration la gare de Lyon, à Paris. C’est une réplique quasiment exacte. Mais il a souffert au cours du temps et a subi de nombreuses rénovations, dont la dernière fut celle en vue de l’America’s Cup. Cette dernière rénovation a redonné à l’édifice son patio d’origine et sa lucarne. L’édifice accueille aujourd’hui quelques expositions temporaires tout au long de l’année. Mais ce petit hall d’expo ne fait malheureusement pas le poids face à la gigantesque Cité des Arts et Sciences, pôle culturel par excellence de la ville. Los Tinglados, initialement construits par les ingénieurs J.M. Fuster, F. Elio et F. Gomez de Membrillera en 1911, ont eux aussi été rénovés avant l’America’s Cup. Les plans des Tinglados, ou hangars, étaient en
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attente d’exécution depuis 1985 et ne sont construit qu’en 1911 par manque de fonds et des différences d’opinions. Une fois démarrés, les travaux s’achèvent en 1912. Les Tinglados n° 1, 4, 5 et 6 sont entre terre et mer, alors que les n° 2 et 3 accueillent le chemin de fer. Malgré le fait que les ingénieurs aient émis des exigences sur les ornementations, le manque de budget à l’époque a simplifié considérablement les dessins d’origine. Cependant, les décorations modernes, les reliefs faisant allusions au commerce et à la navigation, les mosaïques en céramiques polychromées narrant la culture valencienne ( les oranges, les raisins, les noix ), sont bien présents sur les façades. Un siècle après sa construction, le Consorcio de Valencia 2007 tente de retrouver les dessins d’origine qui ne furent pas réalisés et rendre aux Tinglados leurs valeurs historiques et patrimoniales dans la Marina Real Juan Carlos I. Actuellement, les Tinglados sont le cadre idéal de grands événements tels que le Grand Prix de Formule 1 ou les Ferias d’été. Durant le Grand Prix de Formule 1, ils accueillent les différents paddocks des équipes du circuit qui sont formés de structures démontables, dû à la protection du lieu. Mais après le ‘boom’ de l’America’s Cup de 2007 et 2010 et du Grand Prix de Formule 1, les Tinglados restent déserts et extrêmement détériorés. Malgré le fait qu’ils soient classés au patrimoine, les Tinglados 2, 4 et 5 sont en état d’abandon. Seul le n°3 est conservé. « Ahora tendremos la oportunidad de combinar la vanguardia con las nuevas instalaciones con la recuperación de la historia » ( aujourd’hui, nous avons l’opportunité de combiner l’avant-garde avec de nouvelles installations par la récupération de l’histoire ), a insisté Cristóbal Grau. Il devient nécessaire d’offrir à ces hangars une nouvelle vie, de nouvelles fonctions pour les faire vivre au long de l’année et non pas deux ou trois semaines par an… La requalification des Tinglados entraînerait par la même occasion leur rénovation.
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El edificio del reloj
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Los Tinglados
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Et les nouveaux bâtiments… Le port a surtout vu son front de mer garni de nouveaux édifices. Les grands événements sont le levier vers la modernité. Le projet apporte à la ville de nouvelles fonctions et services à caractères éducatif, culturel, récréatif et de loisirs ( port sportif, école municipale de voile et musée maritime ). Au même moment se créent de nouvelles zones ouvertes de jardins publiques. Le bâtiment phare de l’événement est sans aucun doute celui de Veles y Ventes, construit en 2006 par les architectes Chipperfield, b720 Arquitectos et Fermín Vázquez. Ses 10 000 m² ont accueilli le Foredeck club lors de l’America’s Cup. Ce mirador stratégique est situé à l’extrême est de la darse intérieure. Structurellement, l’édifice est composé de quatre plateformes décalées et à hauteurs différentes, jouant sur l’horizontalité. Les façades se dématérialisent par leur transparence, ce qui donne aux plateaux une certaine légèreté. De même, les structures portantes sont très discrètes : il n’y a que quatre appuis, deux verticaux et deux légèrement inclinés. Les deux plateaux supérieurs du Foredeck sont privés, les deux inférieurs sont publics. Ils incluent des restaurants, des magasins, des espaces de conférences, des zones de bien-être… Avec un budget de 35,2 millions €(1), l’édifice n’a aujourd’hui plus aucune fonction. Les touristes viennent se balader sur ses terrasses car elles offrent une belle vue sur le port intérieur, mais il reste entièrement vide. Malgré cela, il est un emblème de modernité pour le port. De jour comme de nuit, il ne cesse d’attirer l’œil ! A la nuit tombée, un orchestre de lumières font vivre Veles y Ventes de multiples couleurs. Le parc de l’Amercia’s Cup se déploie depuis Veles y Ventes vers l’est. Il sert de transition entre la darse et la plage de la Malvarossa. Vaste promontoire de 140 000 m², le parc s’établit sur deux niveaux : le premier est parsemé de restaurants, de bars et de boutiques ; le rez-de-chaussée accueille des aires de jeux et des expositions en plein air.
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1. http://www.mimoa.eu/projects/Spain/Valencia/Veles%20e%20Vents
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Veles y Ventes Media Center Alinghi Boatyard 
 Base BMW Oracle Racing Luna Rossa Tinglados Adificio del Reloj Restaurants et cafÊs Kids playground
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Les larges terrasses en teck offrent une belle vue aux spectateurs sur le canal d’où démarraient les courses. Lors de la compétition, un grand écran face aux gradins rediffusait en direct les différentes courses. Quelques années après l’événement, le parc n’est plus très verdoyant… Seuls quelques palmiers en pots ornent les terrasses et les pelouses se font rares. Des aires de jeux pour enfants y sont encore présentes, mais plus rien n’y est organisé… Au bout de ce parc se trouve l’école municipale de voile de Valencia qui attire encore quelques personnes. De grands parkings destinés à accueillir les véhicules des spectateurs se trouvent sous le parc de l’America’s Cup. Point de départ des croisières vers Ibiza, les touristes y laissent encore leur voiture. La Luna Rossa, dessinée en 2006 par Renzo Piano, a accueilli l’équipe de voile italienne lors de la compétition. Elle tient son nom de l‘équipe de voile italienne participant à la compétition. La particularité de cet édifice se trouve dans ses façades : elles sont constituées de 50 voiles en kevlar recyclé, de bateaux ayant navigué lors de championnats précédents pour la Luna Rossa(1). Les voiles ont ensuite été assemblées sur des cadres d’aluminium et pour renforcer leurs performances techniques, et notamment leur rigidité, le revêtement a été renforcé par des panneaux de polycarbonate. Cette peau spéciale est idéale pour protéger du vent et de l’eau. Elle a également de hautes performances d’élasticité qui permettent de résister aux dilations thermiques et absorbe les vibrations. De plus, le kevlar offre une transparence naturelle au bâtiment. De nuit, on obtient même un effet de ‘lanterne’, tel un phare sur le port. Au final, les 485 panneaux offre un patchwork cubiste aux 3100 m² de façades de l’édifice. Renzo Piano a d’ailleurs dit « Nothing is wasted here ». Aujourd’hui, 150 personnes de dix-huit pays différents y travaillent. L’édifice Alinghi Boatyard fut la base de l’équipe suisse lors de la compétition de voile. Il se démarque par sa façade inclinée, mais n’a aujourd’hui plus aucune fonction.
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1. http://www.mimoa.eu/projects/Spain/Valencia/Luna%20Rossa%20Team%20Base
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Enfin, the House of the America’s Cup est l’actuel musée relatant l’événement. C’est une boîte ‘miroir’ reflétant le port alentours. Il reste discret et peu visité… Veles y Ventes
Luna Rossa
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Enfin, the House of the America’s Cup est l’actuel musée relatant l’événement. C’est une boîte ‘miroir’ reflétant le port alentours. Il reste discret et peu visité…
Alinghi Boatyard
house of the America's Cup
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Tomas Llavador a affirmé en 2006 : « La darse rejoindra son objectif final lorsqu’elle sera restituée à sa destination publique… Je crois que le canal, qui avait été prévu dans le projet du Balcón al Mar, l’édifice de Chipperfield et la base dessinée par Renzo Piano sont des bons projets… La darse doit devenir un espace public qui se différencie de celui des autres villes ». Même si ces édifices sont de bons projets, comme le dit Tomas Llavador, le port de Valencia ne sort toujours pas du lot. Deux bons projets ne suffisent pas à faire de lui le plus touristiques de la Méditerranée… L’espace portuaire manque encore cruellement d’organisation, de gestion, de fonctions, de cohésion ! La requalification du tissu portuaire a-t-elle atteint les objectifs initiaux ? Actuellement, non. Rita Barbera, la maire de Valencia, rêvait de faire de son port le meilleur de la Méditerranée(1)… C’était un beau rêve ! Car on en est encore loin. Le port de marchandises est plutôt actif, mais le port de plaisance est quasiment vide ! Seule l’école municipale de voile y amarre ses petits bateaux, les voiliers et autres bateaux de plaisance restant absents en basse saison. Seuls quelques touristes curieux s’y baladent encore de temps en temps. Les édifices historiques, tout comme les bâtiments récents, sont plaisants à l’œil mais n’ont pour seule fonction que d’être des coquilles vides… Le premier port de marchandises espagnol est celui de Algesiras, alors que celui de Valencia reste à la 5ième place nationale et à la 26ième place mondiale. De plus, la région de Valence n’est pas non plus la région espagnole la plus visitée par les touristes ! La première place revient à la Catalogne avec 12,8 millions de touristes, soit 23,8% du total des arrivées en Espagne. La Comunidad Valenciana tient la cinquième place, derrière
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1. http://www.youtube.com/watch?v=gqFOirFco7w&feature=player_embedded
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les Canaries, les Baléares et l’Andalousie, avec 4,9 millions de touristes, soit 9,1% du total de touristes. Bref, on n’y est pas encore ! Quel programme post-événementiel pourrait-on projeter aujourd’hui pour redynamiser le port de l’America’s Cup ? Suite à L’America’s Cup de 2007, le port de Valencia accueillit une seconde édition ( light ! ) en 2010. A partir de cet instant, le port se dit ouvert à abriter et organiser de nouvelles régates, mais plus rien n’est prévu. D’autant qu’il y a de la concurrence ! Le port d’Alicante fut trois fois le siège de différentes régates dont la Volvo Ocean Race, la compétition nautique la plus dure au monde. La proximité de ces deux ports, soit 128 km, accentue la rivalité… De plus, la conscience post-événementielle n’était pas encore bien présente à Valencia en 2007, malgré le fait que Gênes, en Italie, ait démontré le contraire trois ans plus tôt… Aujourd’hui, ces différents bâtiments n’ont pas de réelles fonctions. C’est un gâchis de penser que ces édifices ( permanents ! ) n’ont été érigés que pour une compétition maritime de quelques jours… Au jour d’aujourd’hui, ce ne sont que des coquilles vides ! Les organisateurs de l’événement auraient dû prévoir plus d’installations temporaires, tels que des pavillons, qui auraient été démontés à la fin de l’événement, et pouvant être remontés et perfectionnés lors d’une prochaine édition, pour autant qu’il y en ait une. Dans ce cas-ci, différents architectes ont posé leur touche au nouveau port, sans se soucier de ce qu’il allait en advenir après ! Même les Tinglados, les hangars qui accueillaient les différentes équipes de voiles ou les docks de formule 1, sont à l’abandon et attendent depuis 5 ans qu’on leur attribue un nouvel usage. En parallèle, la ville de Gênes, en Italie, qui a subi le même sort dans les premiers temps, a reconverti par la suite tous les nouveaux édifices
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qui jalonnaient fièrement son port… En 1992, Gênes devient le siège de l’exposition Christophe Colomb et transforme son port pour accueillir l’événement. En 2001, la ville accueille le G8. Ces épisodes événementiels permettent d’établir une stratégie à long terme, grâce à leur apport financier et au dynamisme qu’ils stimulent. Mais les édifices construits en vue de ces événements tombent en désuétude, deviennent des coquilles vident, le port reste peu fréquenté… 60 000 m2 restent sans affectations ! Cinq ans plus tard, Gênes fut élue capitale européenne de la culture 2004. Elle décide alors de réaffecter ses bâtiments et trouve finalement un équilibre subtile et homogène… La ville parvient à changer de visage : ville peu touristique, elle devient attractive ; ville de tradition ouvrière, elle tend à développer des pôles scientifiques et technologiques. Gênes s’appuie sur ses contraintes, principalement géographiques, pour en retirer des avantages. Le port devient alors part entière de la ville. Par exemple, pour pallier au manque d’activités, Gênes a donné en concession le domaine public à la société Porto Antico di Genova. Cette société a proposé alors un programme de reconversion qui, pièce par pièce, a redonné vie au front de mer : les ‘coquilles vides’ se sont transformés en médiathèque pour enfants ( la plus grande d’Italie ! ), en musées, en Centre régional d’information sur l’Environnement, en gymnase et autres terrains de sports, en salle de Congrès,… C’est un véritable succès ! Mais ce succès tient à un ensemble de conditions, un équilibre subtil de réalisme, d’exigences et de moyens. Gênes n’a rien détruit, elle n’a fait que transformer… Car détruire n’est pas toujours la meilleure solution ! Peut-être est-ce une mesure de facilité à première vue, mais elle est également coûteuse et laisse bien sûr un vide qu’il convient de combler. Gênes a un temps d’avance et serait un bon exemple pour Valencia. La ville italienne est elle aussi passée par différentes phases que connaît ou a connu Valencia : l’accueil d’un grand événement, l’effet ‘coquille vide’ de ses nouvelles constructions, le manque de financements… Valencia doit apprendre de ses aînées pour mieux se relever.
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L’exemple de Gênes est le suivant. Contrairement aux simples rénovations urbaines, l’élaboration d’une requalification métropolitaine suite à un grand événement s’effectue en trois phases : 1. La stratégie adoptée. 2. Le déroulement de la manifestation. 3. Un bilan et le réemploi ( ou non ) des aménagements sur le long terme. Le port de Gênes nous a prouvé qu’il était possible de réutiliser les édifices destinés dans un premier temps à un grand événement pour leur donner un nouveau visage par la suite. Capitale de la culture en 2004, Gênes a investi dans le durable plus que dans l’événement, contrairement à Valencia. Le quartier génois joue la carte de la modernité autour d’un pôle consacré à la culture et à l’enseignement. Les usages urbains s’y développent et répondent aux pratiques et cultures contemporaines. Gênes parvient à mêler modernité et patrimoine historique, à dynamiser son port de telle sorte qu’une population jeune vient y vivre. Les anciens entrepôts sont réhabilités et transformés, les autres bâtiments sont transformés en centre d’art contemporain, en maison de la musique, en un centre du design, en une salle de concert et de conférences, en logements, commerces, écoles et universités… C’est en particulier le pôle universitaire qui a amené une population plus jeune au port et les logements étudiants adossés. Le premier enjeu de Gênes a donc été de favoriser la diversité : composer avec les pôles culturels, universitaires, commerciaux, résidentiels, de loisirs… a été un atout pour le port. Il ne suffisait pas seulement de constituer un port de loisirs ( qui au final revient à un port de plaisance fonctionnant quatre mois par an, ce que Valencia s’est contentée de faire ) mais aussi une production urbaine, une production économique et culturelle. Deuxièmement, le tissage urbain s’appuie sur le skyline du port, sur son horizontalité particulière et compose ses nouveaux pôles dans cette continuité. Des logements étudiants sont créés autour de la nouvelle structure universitaire, ce qui apporte une population jeune au port,
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leur présence redonne vie au quartier et le sécurise. L’étude des flux fut également indispensable. Il fallait évidemment prendre compte des différents publics ( touristes, habitants, étudiants ) et de leurs relations. Le programme doit donc concilier ces différents groupes d’usagers et faire en sorte qu’ils interagissent ensemble de manière cohérente et équilibrée. Le troisième enjeu fut la façade urbaine. Gênes a décidé de démolir pour dédensifier et ouvrir. Rappelons que la ville de Gênes est enserrée dans les montagnes et qu’elle ne peut, par cette contrainte géographique, s’étaler indéfiniment. La démolition oblige donc la reconstitution de la façade urbaine sur une darse déjà très introvertie et dense. Le port intérieur se compose d’une succession de bâtiments adossés les uns aux autres mais sans façade… La ville de son côté développe une façade haute et continue sur le front de mer, ouverte sur le port. Il y a là une confrontation et un challenge de créer une continuité entre les deux entités, ce qui n’est pas une chose simple. Gênes rempli malgré tout ce défi architectural et crée le dialogue entre les deux façades par une continuité de bâtiments sur 200 mètres, mêlant les caractères historiques et modernes(1). Il y a eu également création d’une continuité au sol : un cheminement depuis la ville vers le port avec la même typologie de matériaux permet de casser les frontières entre la ville et le port. Tous ces éléments se croisent, se frottent, se rencontrent… et cela crée l’urbanité. Pourquoi ne pas envisager ce même genre de réformations à Valencia ? Valencia est déjà composée de nombreuses fonctions telles que la maison de la Musique ( le Palau de la Musica dans la Turia ), des salles de concerts et de conférences ( à la Cité des Arts et Sciences ), des centres d’art et des centres universitaires bien sûr… Malgré tout, le pôle universitaire pourrait être exploité : l’université polytechnique se trouve à 3 kilomètres du port et sur une large artère (Avenida de Tarongers)
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1. "Gênes, Penser la ville par les grands événements", Arielle Masboungi, Editions Parenthèses, p 53.
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menant directement à la plage de la Malvarossa. Renforcer, étendre certains pôles universitaires aux abords du port ferait-il revivre ce quartier ? Ce n’est pas seulement les édifices maritimes bordant la darse dont il faut s’occuper, mais aussi des bâtiments arrière… Les logements faisant face au port sont en grande partie inoccupés et mal entretenus. Quelques petits commerces de proximité fonctionnent encore, mais se font rares. La principale activité qui pousse les jeunes à fréquenter le port est la discothèque ‘Las Animas’, donnant une superbe vue depuis son toit terrasse sur l’édifice de Veles y Ventes, le seul éclairé de nuit. Mais une fois la fête terminée, le port retourne à son abandon… La requalification des édifices de la darse ne peut se faire sans celle du tissu urbain qui la côtoie. Ils vont de paire ! La solution serait alors de développer et réhabiliter les logements donnant sur le port, y développer des crèches et des écoles, des commerces, des bars et restaurants… Et créer en parallèle de nouveaux pôles attractifs autour de la darse, interconnectés. Veles y Ventes, symbole de l’America’s Cup, pourrait accueillir le musée de la navigation, l’Alinghi Boatyard pourrait accueillir un complexe sportif, les Tinglados transformés en complexe scolaire… Concernant la recherche d’unité entre la ville et le port, Valencia possède là un atout majeur : la Turia, coulée verte et colonne vertébrale de la ville. Elle est la connexion entre le centre-ville et le port, le moteur de l’unité urbaine. Elle est également la continuité au sol que possède Gênes pour lier le port à la ville. L’extension de la coulée verte et son aménagement vers le port donnerait alors une belle unité à Valencia. En fait, le port de l’America’s Cup a de forts potentiels mais ne les exploitent pas encore à leur juste valeur… Il faut constituer des rapports visuels, des contacts proches entre la ville et le port, une animation constante… Affronter le vide est un énorme challenge ! Le port doit arrêter d’être une belle sculpture à admirer, mais un lieu animé de jour comme de nuit, un bel endroit où vivre.
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Un budget astronomique pour qui, pour quoi ? Avec un budget de 1,8 milliards(1) d’euro pour la région, la célèbre régate laisse place aujourd’hui à un port désert… Le Grand Prix de Formule 1 a quant à lui coûté près de 90 millions € d’investissements, sans compter l’entretien annuel de 20 millions € pour la tenue du Championnat. Valencia était auparavant un modèle de bonne gestion économique selon le parti Populaire espagnol, qui gouverne la région depuis dixsept ans. Mais la ville est aujourd’hui pointée du doigt : elle a la dette la plus élevée d’Espagne, avec près de 20% de son PIB ! Valencia a eu les yeux plus gros que le ventre, elle a tenté de se démarquer par une politique des grands événements mais cela a eu pour seul résultat de faire sombrer la région au niveau économique. « Ces dix dernières années, nous avons choisi de nous endetter pour rivaliser avec les autres régions », se justifie José Ciscar, « Nous avons construit 500 km de routes, 420 collèges et huit hôpitaux en huit ans et des dizaines de stations d’épuration. Et les grands événements ont eu une rentabilité sociale évidente, ont permis la création de 271 000 emplois et ont attiré 69 millions de visiteurs depuis 1998 ». «La construction a pris une part démesurée dans l’économie, représentant jusqu’à 12 % de l’emploi, contre 8 % au début des années 1990, et 5 % à 6 % pour la moyenne des pays de la zone euro», indique Jesus Castillo, économiste chez Natixis, qui cite ce chiffre édifiant : «en 2007, le pays construisait 760 000 logements, trois fois plus qu’en 1995 et autant que la France, l’Allemagne et l’Italie réunies ! Cette expansion a eu pour conséquence d’importantes importations et un déséquilibre de la balance commerciale(2).» Le secteur de la main d’œuvre a aussi happé dans ses travailleurs des jeunes ayant abandonné leurs études pour un travail peu qualifié mais bien rémunéré. Lorsque la bulle a éclaté en 2008, tout un pan économique a disparu et rien ne l’a encore remplacé. Les jeunes happés n’ont pas de diplôme et se retrouve au chômage, comme beaucoup d’autres ouvriers du bâtiment. On estime souvent que la construction d’un lo-
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1. http://www.presseurop.eu/fr/content/article/1589821-lendemains-de-fiesta-difficiles-valence 2. http://www.lemonde.fr/economie/article/2012/06/09/du-miracle-espagnol-a-la-crise-un-cheminpave-de-desequilibres_1715627_3234.html
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gement nécessite deux à trois personnes en un an. La chute du secteur et la mise à l’arrêt des chantiers ( 87 000 aujourd’hui ) en Espagne a mis sur le carreau 1,5 à 2 millions de travailleurs dans le pays. Il est vrai qu’entreprendre de telles infrastructures crée de l’emploi, mais seulement à moyen et court terme. Le boom de la construction a représenté jusqu’à 14% de l’emploi dans la région, alors que Valencia était surtout réputée pour son industrie ( textile, maroquinerie, marbre, céramique…). Ces secteurs industriels ont été déplacés vers l’Asie et l’Europe de l’est alors que le secteur de la construction permettait de l’argent facile. Concernant l’America’s Cup et le projet du port, ce sont plus de 60 000 emplois qui ont été créés(1). Les Grands événements représente aujourd’hui 13% de la dette régionale, évaluée à près de 20 milliards €. La démesure de cet endettement volontaire a entrainé la population dans une austérité profonde, et n’a plus vraiment de répercussion positive… Le budget a principalement servi les autorités politiques, qui voulaient faire de la ville un épicentre du tourisme sportif mondial, mais fut clairement au détriment de la population. Derrière tous ces excès et cette fausse prospérité, ce modèle économique superficiel a considérablement appauvri la région et la population… Actuellement, les revenus par habitant sont inférieurs de 12% à la moyenne nationale, alors qu’il y a quinze ans Valencia se situait dans la moyenne espagnole. Valencia est aujourd’hui au bord de la faillite… La fête est finie. La débauche des moyens est telle que l’on se demande si les concepteurs de ces projets pharaoniques n’ont pas pété les plombs. Les élus politiques et constructeurs ont dépensé comme des rois sans risquer un seul centime de leur poche, recourant toujours à de l’argent public via les caisses d’épargne. Et tout cela pour quoi ? Pour gagner du prestige, pour être sur le podium des villes européennes, pour être célèbre et reconnu… Une question de rivalité politique avec les autres grandes villes qui au final a ruiné la province…
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1. http://wirednewyork.com/forum/showthread.php?t=18631
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(b)
Master plan Grao Lieu : Valencia, Espagne Années : 2008 – 2010 Superficie : 400 000 m² Client : AUMSA, Ville de Valencia La zone Grao est aujourd’hui l’ultime zone du delta de la Turia, devant connecter le port à la ville. Or, il est aujourd’hui une zone tampon, une réelle séparation entre le port et la ville. Ce quartier est peu aménagé, délaissé, composé principalement de parkings et de terrains vagues, mais aussi et surtout du circuit de Formule 1. Le Consorcio Valencia veut libérer le quartier Grao des activités portuaires existantes et offrir à la ville une nouvelle planification urbaine. Il veut amorcer la ville du futur. En 1997, deux architectes, sur 59, proposent des projets concrets d’aménagements portuaires suite à un concours d’idées. De nombreux architectes y participent, tels que Daniel Libeskind ou Norman Foster, mais ce sont Jean Nouvel et GMP Architekten qui sortent du lot. Le projet est le résultat de la fusion de ces deux architectes, avec la collaboration de J.M. Tomas Llavador(1). Selon le Consorcio Valencia 2007, « les deux master plan avaient de nombreuses similitudes et ne pouvaient que se compléter ». Jean Nouvel proposait différents gratte-ciel, répartis ‘plic-ploc’ à travers un large delta vert, alors que GMP proposait une reconstitution d’îlots ( à hauteur de l’existant ), deux tours gratte-ciel en forme de « V » à l’entrée du port et également un large delta vert. L’idée du delta vert a donc été conservée, ainsi que les tours jumelles de GMP et un ‘intermédiaire’ entre les deux propo-
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1. http://www.urbanity.es/foro/urbanismo-cva/9514-valencia-pai-del-grao-7.html
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sitions pour les logements a été trouvé. Les deux premiers prix ont reçu chacun 125 000€. Quelques chiffres : Delta vert : 130 000 m² Jardins : 40 000 m² Equipements publics et sportifs : 36 000 m² Canaux navigables : 28 000 m² Usages tertiaires : 60 000 m² Logements : 3000 Superficie totale : 400 000 m² Le projet, qui se veut être une nouvelle centralité, est une connexion entre la ville et le port, et inclus de nouveaux édifices qui consolident l’espace urbain et rendent floues les frontières entre la ville et les espaces verts. Ce nouveau lieu sert en même temps la ville et le port. La stratégie s’établit en plusieurs points : a. La construction de tours b. Un plan libre pour plus d’espaces verts, et donc un delta vert c. De nouvelles routes et voies ferrées, en accord avec le circuit de Formule1 d. Un réseau vert durable et soutenable Le site est composé de trois parties : la fin de l’Avenue du port, le secteur de Grao et celui de Cocoteros, au sud du fleuve. Le terrain est composé d’un cimetière, d’une voie ferrée, de parkings, de terrains vagues et d’anciens sites industriels accueillant principalement des containers. Certains de ces éléments seront conservés, comme le cimetière et la voie ferrée, les autres seront transformés. Ce large paysage ouvert sur la mer sera parsemé de tours(1) à forte densité, intégrées le long du circuit de Formule1. Les tours permettent de densifier de manière verticale et de libérer les espaces au sol.
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1. http://www.youtube.com/watch?v=qMYSkFYHL9I
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Master Plan Jean Nouvel
Master Plan GMP Architekten
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Le quartier est donc converti en un nouveau centre urbain, avec un trafic restreint et mettant la priorité sur les flux piétonniers et cyclistes(1). Ce ne sont pas moins de trois mille logements(2) qui sont créés dans ces tours, avec des hauteurs environnant les 50 étages ! Ce seront les plus hauts gratte-ciel de Valencia. Deux tours jumelles en forme de « V » d’une hauteur de 220 mètres, dessinées par le groupe allemand GMP, seront la « porte maritime » vers la ville. Deux gratte ciels sont actuellement présents à Valencia : l’hôtel Hilton avec 29 étages et la Torre de Francia avec 35 étages, soit 115 mètres de haut. Mais les tours franco-allemandes seront bien supérieures à cellesci ! La maire, Rita Barbera, a même déclaré : « Lors de jours clairs, on pourra apercevoir les îles d’Ibiza et Javea »(3). Le projet a été revu plusieurs fois à la baisse(4) et a réduit les tours de 45 étages à 35 étages. Les tours accueilleront à la fois des logements et des espaces commerciaux à leur rez-de-chaussée. Les autorités ont aussi tenu à retrouver la plage de Nazaret qui avait été détruite lors de l’extension sud du port. La plage artificielle sera intérieure au delta, sur les rives de la Turia, et l’eau de mer sera impulsée par un système de pompes. Pour ce faire, Tomas Llavador a suggéré d’utiliser le système de pompage de l’Océanografic, le plus grand aquarium d’Europe dessiné par Manuel Candela et se trouvant au bord du périmètre del Grao. Au niveau des espaces verts, le projet prône un morcellement des zones résidentielles vers un plan libre qui permet d’éviter une façade continue sur le front de mer. Ces tours permettent alors de libérer le sol : 80% des 400 000 m² du site seront des espaces verts publics ! Les jardins de la Turia, colonne vertébrale de la ville, s’étendent sur huit kilomètres et offriront à Valencia un million de mètres carrés de végétation. C’est une chance que possèdent peu de villes européennes. Rita Barbera prétend même que cet avantage considérable « fera de Valencia le lieu le plus attractif d’Espagne pour se loger ». Encore fautil que ces logements soient attractifs.
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1. http://www.aumsa.es/masterplan/sectorgrao.htm 2. http://www.lasprovincias.es/v/20110217/valencia/ayuntamiento-gestionara-proyecto-urbanizacion20110217.html 3. http://www.levante-emv.com/valencia/2008/07/12/valencia-torre-plantas-culminara-nuevo-barriorascacielos-circuito/471571.html 4. http://www.lasprovincias.es/valencia/20080527/valencia/jardin-viejo-cauce-tendra-20080527.html
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C’est un modèle durable, de concentration et une approche nouvelle pour Valencia dans laquelle la mixité des usages est une priorité, générant un environnement qui harmonise le logement, les loisirs et les espaces de travail. C’est l’entreprise Bancaixa ( banque espagnole ) qui est propriétaire de la majorité des terrains, ce qui explique aussi sa participation dans le projet. Le projet prévoit un développement des routes et rues sur trois ans, alors que dix ans sont à prévoir avant que les habitants viennent y vivre et y travailler. Le projet prévoit également de prolonger les avenues de Francia et d’Albereda jusqu’à la mer. Le trafic actuel y est très faible étant donné qu’une voie ferrée coupe, sans passage à niveau, l’avenue de Francia et met fin à celle d’Albereda. C’est une réelle frontière de fer pour le site. Pour se faire, il faut donc d’abord détruire les 1200 mètres de rails… De nouvelles voies ferrées devaient accueillir un train à grande vitesse reliant le port de Valencia à Barcelone lors de l’America’s Cup. Or, nous sommes en 2013 et rien n’est encore fait ! A cela s’ajoute une contrainte importante : le circuit de Formule 1 ! Les pistes de macadam de 14 mètres de large encadrent le port et zigzaguent à travers le terrain del Grao. Etant donné qu’il est impératif de conserver le circuit, l’arrivée du tgv au port se fera souterraine. Au jour d’aujourd’hui, l’implantation des nouveaux rails est toujours en cours d’exécution et bloque le projet franco-allemand.
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Le cimetière
Av. de Francia, côté ville -voie férrée
Avenue de Francia, côté port
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Le projet est-il conforme au site environnant ? Est-il stratégique ? Premièrement, le fait d’implanter des tours est contradictoire avec les lieux environnants. Les bâtiments actuels avoisinent le rez+5, sous forme d’îlots, alors que le projet Grao envisageait de bâtir des tours de 20 à 50 étages(1) ! Finalement, le projet a été revu à la baisse : les tours atteindront maximum 20 étages. Cette réduction de hauteur avait pour prétexte de rendre la gradation entre l’existant et le projeté plus « équilibrée », mais cette gradation reste néanmoins brutale. Il y a clairement une rupture avec le tissu urbain valencien. On n’a plus du tout affaire à un schéma de ville radiale avec ses larges avenues ponctuées d’espaces verts, mais plutôt à un nouvel urbanisme, intégré selon l’architecte. Ce master plan bouleverserait aussi le skyline de Valencia… Et c’est sans compter les trois tours gratte-ciel de Santiago Calatrava ! L’architecte valencien avait projeté trois tours hélicoïdales à l’image des trois grandes villes de la Comunidad Valenciana : la tour Alicante à 220 mètres ( 58 étages ), la tour Castellon 266 mètres ( 71 étages ) et enfin la tour Valencia à 308 mètres ( 81 étages ). Le projet a été bloqué par manque de financements, mais est toujours au programme… Les tours sont aussi un phénomène actuel : les villes ne cessent de s’agrandir et de se densifier. Pour éviter l’étalement urbain, on construit désormais des tours. Mais c’est une typologie bien différente de celle de la ville actuelle. Par contre, le master plan donne une belle continuité à la coulée verte et permet d‘enfin finaliser l’aménagement du lit Turon(2). La coulée verte trouve enfin sa finalité et permettra une unité de la ville. La Turia s’étend sur tout son delta et prend toute son importance. Elle permet également une promenade pédestre/cycliste depuis le centre historique jusqu’au port de manière continue. Le delta se divise en trois bras navigables par de petites embarcations. Ces canaux sont présents depuis très longtemps mais sont aujourd’hui asséchés et recouverts de containers. Une fois rétablis, ils permettront
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1. http://www.lasprovincias.es/v/20110726/valencia/camino-hondo-grao-gana-20110726.html http://www.lasprovincias.es/v/20110217/valencia/ayuntamiento-gestionara-proyecto-urbanizacion 2. Turon = nom de la Turia en Valencien.
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de connecter le port intérieur et d’irriguer la zone comme ils le faisaient autrefois. Pour permettre une irrigation constante de ces 28 000 m², l’eau de mer sera pompée vers les canaux en continu. La réhabilitation des canaux casse le bassin intérieur, ce qui donne de nouvelles zones entre ‘terre et mer’, des sortes de péninsules auxquelles l’identité reste floue. On peut citer entre autre la station ferroviaire de Grao, qui est l’une des plus vieilles d’Espagne et qui fera face aux tours de 20 étages ! Construite en 1852 par James Beatty(1), elle fut la troisième ligne ferroviaire d’Espagne et reste un pilier pour le quartier, malgré le fait qu’elle ne soit plus destinée aux voyageurs. Sa principale fonction est le transport de marchandises mais l’ensemble de ses fonctions sera bientôt transféré à la station Fuente de San Luis, une fois les chantiers terminés. Luis, une fois les chantiers terminés. Qu’adviendra-t-il de ce bâtiment historique ? Bien qu’il soit classé ‘bien d’intérêt culturel’ et classé au patrimoine de Valencia, l’ancienne gare présente un triste visage : la façade se décompose, les sols intérieurs sont en état de ruine et menacent de s’effondrer. A cette allure, la fin de cette station ferroviaire sera sa destruction par effondrement…
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1. http://lejosdeltiempo.wordpress.com/2013/01/15/la-antigua-estacion-del-grau-de-valencia-patrimonioy-feria/
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En rouge, la gare ferroviaire. Présente dans le master plan de GMP, elle avait été supprimée dans celui de Jean Nouvel pour être finalement conservée dans le master plan final.
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Ensuite, le lit de la Turia accueille une certaine faune et flore, mais une grande partie du périmètre de Grao est constituée de terrains vagues et de parkings, ainsi que du circuit du Grand Prix de Formule 1 de Valencia. Les organisateurs ne se sont préoccupés en aucun cas de la faune et flore présente ! Ils se sont chargés de décontaminer les sols et puis voilà. Est-ce réellement une consolidation de l’espace urbain ? L’utilisation de grands événements comme levier vers une requalification urbaine à Valencia ne révèle pas d’avance leurs effets sur la ville. La structure de l’espace public est en général l’épine dorsale du projet événementiel, sa partie durable dans le processus de transformation et de régénération de la forme urbaine. Les cibles sont : finaliser l’aménagement du lit de la Turia et intégrer le port à la ville ; aménager le front de mer ; aménager le secteur du quartier Grao ; réaménager le réseau routier et ferroviaire ; créer de nouvelles fonctions… Apporter à l’environnement de nouvelles destinations résidentielles, économiques et touristiques. C’est pourquoi le ‘vert’ a été choisi comme élément constitutif, véritable réseau structurant qui caractérise la ville. L’ultime aménagement de la Turia est une consolidation de la colonne vertébrale urbaine. Mais les tours ne sont pas du tout conformes aux îlots résidentiels déjà existants. Valencia a fait preuve depuis quelques années de larges restructurations de son tissu urbain : le lit du fleuve Turia déplacé, la construction de la Cité des Arts et Sciences, l’aménagement de la darse historique… Le quartier del Grao vient de nouveau bouleverser le visage de la métropole valencienne. J.M. Tomas Llavador définit la darse historique comme une nouvelle centralité de la structure urbaine. C’est peut-être aller un peu loin dans les propos… Par sa forme creuse et Veles y Ventes ( emblème du port ),
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la darse crée un appel, un point de repère, mais sa fréquentation ne fait pas encore d’elle une centralité. Une centralité plus évidente est celle de la plage de la Malvarossa, au nord du port. Toutes les générations s’y retrouvent en permanence, en été comme en hiver. C’est un lieu de rencontre et de loisirs, où il fait bon se promener et se divertir… Caractéristiques que ne possède pas encore le port de l’America’s Cup. Une telle concentration de population est-il probable ? D’autres villes sont la preuve que ce genre de concentration est possible. Prenons comme exemple Dubaï : les gratte-ciels y sont monnaie courante et elle est la ville de tous les excès… Tout comme Valencia dans le fond ! Valencia est le Dubaï espagnol, la ville de toutes les dépenses… Mais les dépenses ne concernent principalement que les lieux publics, ouverts : Cité des Arts et Sciences, le port de l’America’s Cup, les grands boulevards,… Pas encore les logements. Aucun immeuble résidentiel à Valencia n’a encore démontré une telle concentration de population ! Ce serait une première… D’ailleurs, Dubaï elle-même présente une majorité de logements inoccupés à l’intérieur de ses tours ! Valencia subira-t-elle le même sort ou saura-t-elle inverser la tendance ? La stratégie générale est de créer une zone où on peut à la fois ‘vivre, travailler et se reposer’. C’est pourquoi les architectes ont décidé d’intégrer ces trois composantes au sein même de chaque tour. Le quartier del Grao se veut complet. La création de logements est-il possible dans un environnement industriel portuaire ( face aux containers ) ? On peut effectivement s’interroger sur la relation entre la ville et les infrastructures portuaires… Ce n’est en tout cas pas une vue privilégiée pour des logements à 18 000€(1) le mètre carré. En effet, les chiffres officiels ne sont pas encore connus mais des experts ont estimé, par
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1. http://www.levante-emv.com/valencia/2008/09/19/pspv-cree-pai-grao-choca-puerto-precios-iran-18000euros-metro/496783.html
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l’enterrement de la voie ferrée et le circuit de Formule 1, que les logements atteindraient le prix de 18 079 €/m² ! Soit presque le double de Londres… Va-t-il être un jour construit ? Entièrement ou partiellement ? Plusieurs raisons mènent à se poser la question. D’abord, on connaît largement l’importance de la crise économique espagnole et ses répercutions sur la population. La province de Valencia est par ailleurs la plus touchée… De nombreux projets sont bloqués depuis quelques années et la région ne fait que s’effondrer ! L’horizon reste sombre pour Valencia et c’est pourquoi l’on peut douter de la réalisation du projet. D’autres projets sont eux aussi en attente… Citons les trois tours gratte-ciel de Calatrava, ou l’Agora de la Cité des Arts et Sciences, qui n’est toujours pas achevé ou encore le nouveau stade de football de Mestalla, chantier à ciel ouvert depuis quelques années… Or, différentes entreprises de containers chinoises sont fort intéressées par les projets du port de Valencia et espèrent contribuer par différents investissements. La société Shipping Company, la deuxième plus grande société d’import-export veut investir 17 millions € dans la construction d’une tour de bureaux qui générera près de 300 emplois directs et indirects supplémentaires. Mais la somme investie semble dérisoire pour une tour de 20 étages… D’autre part, même si les travaux de décontamination ont déjà commencé, le projet est actuellement bloqué car la connexion ferroviaire(1), ayant son terminus au port, n’a pas encore été dessinée. Cette ligne à grande vitesse qui relie Valencia à Barcelone doit être souterraine à cause du circuit de formule 1 qui l’encadre… Bien sûr, il est essentiel de projeter la ligne souterraine avant de construire les tours de logements ! Tant que le projet de tgv souterrain reste incertain, le projet Grao reste suspendu.
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1. http://www.urbanity.es/foro/urbanismo-cva/9514-valencia-pai-del-grao-3.html
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En quoi ce projet apporte-t-il un plus au site actuel ? Quels sont les avantages/inconvénients pour la population ? La province de Valencia a toujours eu un paysage riche par sa biodiversité et sa proximité à la mer. Valencia s’est forgé une histoire, un patrimoine autour de cette nature abondante mais l’a également affectée d’une série de maux. Elle s’est étendue au détriment des plages, de la réserve naturelle de l’Albufera ( au sud de la ville ), des montagnes qui l’entourent… Cette fois, c’est la zone de Grao, au delta de la Turia, qui est concernée. Bien que l’un des principaux atouts est l’aménagement de cette zone délaissée, n’accueillant aujourd’hui que de tristes parkings et une nature sauvage, l’Homme se l’approprie une fois de plus pour répondre aux fonctionnalités et aux exigences contemporaines. D’ailleurs, Il y a déjà posé une empreinte indélébile en 2008 : le circuit de Formule 1. Ce sera également l’occasion de donner un cadre plus avenant à la compétition. Il est vrai que ce n’est pas des plus joyeux de voir ces bolides zigzaguer à travers des parkings abandonnés ou frôlant les containers… L’aménagement de cette zone serait ainsi plus attirant aux yeux du spectateur. Le master plan prend aussi en compte certains bâtiments classés comme l’ancienne station ferroviaire ou le cimetière, et les conserve dans son futur aménagement. De plus, l’aménagement prévoit de meilleures circulations et de meilleures connexions. Prenons comme exemple l’avenue de Francia qui était littéralement coupée par le chemin de fer, sans passage à niveau. Désormais les routes sont raccordées, fluidifiées. Enfin, l’un des critères majeurs du concours était de créer la continuité entre le port et le centre-ville, ce qui a été fait grâce au delta vert, continuité de la Turia et en connexion directe avec la darse historique. Mais il y a aussi quelques inconvénients : qu’en est-il de la qualité acoustique, visuelle, olfactive ? Qu’en est-il de l’environnement ?
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a ∕ Qu’en est-il des nuisances sonores du parc à containers ? La ville de Gênes, en Italie, et son port ont déjà démontré combien le bruit provenant du transport des containers pouvait être intense et menaçait le bon vivre des citoyens. L’exiguïté de la ville implique que le tissu urbain jouxte le port et donc ses activités. Valence n’est pas aussi enserrée que Gênes mais rencontre la même problématique : des logements face aux containers. Gênes a projeté des filtres, tels des isolants acoustiques pour préserver les habitations. Face au trafic des containers, de l’autoroute et du chemin de fer, Gênes a en effet créé un bassin intérieur destiné aux loisirs entre le port de marchandises et les zones résidentielles. L’extension portuaire est repoussée à plus loin en mer et dégagent cet espace tampon qui agit comme un véritable isolant acoustique. Valencia a étendu sa zone de containers sur une extension en pleine mer, mais également sur son littoral… Dans l’hypothèse où Valencia transfère 14,27% de ses activités portuaires vers Sagunto, qu’en serat-il de l’implantation des containers ? L’idéal serait de condenser son activité sur la presque-île, en mer, et de libérer le littoral pour éviter les nuisances sonores. A Valencia et selon une étude(1) de Arquison en collaboration avec l’Université polytechnique, les résidents et travailleurs de ce quartier seront soumis à des nuisances dépassant largement les limites autorisées par la loi de juillet 2002 qui fixe le taux maximum à 55 dBA en zone résidentielle et à 45 dBA pour les écoles et les hôpitaux. Les bureaux et les logements seront exposés à une pollution sonore évaluée entre 65 et 75 dBA ! Les plus exposées seront les tours proches du front de mer ( calle Ingeniero Manuel Soto, Avenue de Francia par exemple ) et donc proches des parcs à containers. Même de nuit, le site serait soumis à des piques allant jusqu’à 60-65 dBA, alors que seuls 45 dBA sont autorisées par la loi. L’étude a également pris en compte le bruit des avions qui atterrissent de la mer vers la terre en passant par dessus les tours. Compte tenu de
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1. http://www.levante-emv.com/valencia/2009/01/11/barrio-lujo-ruidoso/541076.html
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la hauteur de ces futurs gratte-ciel, la pollution sonore des avions doit être prise en compte et serait de l’ordre de 60 à 65 dBA. Un autre type de nuisance est celui des routes à quatre voies. Une réduction de 50% de la circulation permettrait de réduire le bruit de 3 à 5 décibels. Et c’est encore sans compter le circuit de Formule 1 ! Le Grand Prix fait résonner la ville tout entière et, dans ce cas-ci, il se situe aux pieds des tours… Bien sûr, ce type de nuisances ne dure que quelques jours, mais il ne faut pas l’oublier… Il va donc falloir une très bonne isolation acoustique aux logements !
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b ∕ Et la qualité visuelle ? Le champ de vision sera large : il englobera les jardins de la Turia, une large vue sur la Méditerranée, des regards sur la ville et son port. Des logements face à la mer, d’accord, mais des logements face à des parcs à containers, non. La hauteur des tours impliquera forcément une vue plongeante sur ces parcs disgracieux. C’est bien sûr un sujet que la maire, Rita Barbera, évite de pointer. Elle préfère énoncer que, lors des jours de beau temps et d’extrême clarté, on pourra apercevoir au loin les îles d’Ibiza. C’est évidemment plus accrocheur et rêveur que de parler des containers en vue directe… c ∕ Et les qualités olfactives ? La zone de Cocoteros, le long du fleuve Turia était soumise il y a peu à de fortes odeurs. Les autorités y ont remédiés suite aux nombreuses plaintes. d ∕ Qu’en est-il de l’environnement ? Un grand travail de décontamination du terrain, anciennement occupé par un polluant industriel, est en cours pour effacer les traces de cuivres, de plomb et d’hydrocarbures. Des centaines de tonnes de terre sont traitées ‘in situ’ pour accueillir les logements et jardins sur une vaste étendue de 37 000 m². Le projet entreprend de décontaminer 40 000 m³ à 50 000 m³ de terre. Il y a aussi une crainte de la part des habitants de Nazareth face aux éventuelles inondations. Un réservoir d’une capacité de 63 000 m³ sera mis en place ainsi qu’un réseau collecteur(1)…
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1. http://www.lasprovincias.es/valencia/20090421/local/valencia/ayuntamiento-reservara-area-grao200904211501.html
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A quels types de classes sociales ces logements sont-ils destinés ? Rien n’est encore officiel, mais les premières estimations portent le prix du mètre carré à 18 000€(1), soit presque le double de Londres ! Ce n’est de toute évidence pas à la portée de n’importe qui… Surtout en ces temps difficiles de crise économique où le smic espagnol est évalué à 748 € par mois ( en 2012(2))… Selon la banque d’Espagne, l’endettement des entreprises et des ménages atteint aujourd’hui 218 % du PIB. Avec la récession, les faillites d’entreprises se multiplient, le chômage enfle et les acteurs ne peuvent plus rembourser leurs crédits. De plus, la création de nouveaux logements n’est pas une nécessité à Valencia ! Actuellement, la crise pousse les espagnols à quitter leur logement… De nombreux espagnols viennent à changer de pays ou du moins fuir les grandes villes, les jeunes retournent vivre chez leurs parents. Les rues pullulent de pancartes ‘ se vende ‘ qui vieillissent tellement le temps passe et peu de logements trouvent acquéreurs. Sur le million de logements vides en Espagne, un quart se situe sur les côtes valenciennes(3). Je ne pense pas que de nouveaux logements aient leur nécessité dans cette ville… Ou du moins, pas des logements aussi coûteux ! Par contre, des logements sociaux seraient les bienvenus.
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1. http://www.levante-emv.com/valencia/2008/09/19/pspv-cree-pai-grao-choca-puerto-precios-iran-18000euros-metro/496783.html 2. http://www.journaldunet.com/management/repere/smic.shtml 3. http://www.lepoint.fr/monde/ceux-qui-ont-ruine-l-espagne-31-05-2012-1471040_24.php
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(c)
Les transports Valencia ne dispose que de deux lignes de métros desservant son port, mais dix lignes de bus accostent sa darse. De plus, le site n’est pas encadré par des voies autoroutières, ce qui favorisera la qualité sonore des futurs logements, mais moins l’accès au port. Peut-être était-ce une volonté de la part du comité organisateur de favoriser la venue des visiteurs en métro et bus plutôt qu’en voiture… Une ligne à grande vitesse, reliant Valencia et Barcelone, devait aussi être inscrite aux abords du port pour 2007, mais d’importantes contraintes ont retardé les chantiers. Elle n’a toujours pas vu le jour.
4 — L’environnement Les projets de réaménagement révèlent peu de préoccupations pour l’environnement… Derrière la reconversion du tissu portuaire se cache l’intérêt des pouvoirs publics et privés : l’expansion du port vers le nord et ses incidences passées sur l’environnement n’arrêtent pas pour autant l’extension actuelle vers le sud. Le 20ième siècle a été pour le port de Valencia ‘ground-consuming’. Les différentes extensions du port, tant en mer que sur les terres ont été néfastes pour Cabanyal, le quartier de pêcheurs. Le Consorcio Valencia n’a pas hésité a empiété sur le quartier, aux détriment des riverains, pour bâtir son nouveau port de loisirs. Tout d’abord, le parc urbain et l’ensemble culturel de Calatrava s’est établi dans la zone de Cabanyal, le quartier côtier riche en patrimoine.
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MĂŠtros
Autoroutes
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Ce quartier coloré typique de Valencia est un espace tampon entre la ville et la côte. Il est vrai que bon nombre de ces habitations sont délaissées voire au bord de la ruine, mais le quartier a été élu ‘ Bien d’intérêt culturel ‘ et classé au patrimoine. Depuis quelques années, la ville n’hésite pas à exproprier et détruire le quartier pour tracer de nouveaux axes routiers ou y construire des bâtiments plus modernes. Ca a été le cas pour le projet de Calatrava qui a abattu une partie de ce quartier. Encore actuellement, le projet PEPRI menace de détruire plus de 1600 habitations, dans le seul but de prolonger une grosse artère jusqu’à la plage… De même, lors de l’America’s cup, les constructions permanentes des équipes de navigation ont considérablement modifié le skyline et le sealine du port historique ( critiques de l’urbaniste Joan Olmos ). C’est certainement le bref délai nécessaire à la conception de ces constructions qui a précipité la réflexion. De plus, le projet de construction d’une vaste plateforme bétonnée destinée à la logistique est approuvé par la municipalité, malgré les contestations des associations de citoyens et des urbanistes locaux. La conséquence de ce projet est la totale disparition d’un important jardin horticole côtier. L’extension portuaire sud a causé la perte de la plage de Natzaret et l’érosion du littoral méridional. Un projet voudrait réparer cette dette et redonner à la plage de Natzaret son visage d’antan en recréant une plage artificielle… dans la zone de Cocoteros, dans l’ancienne Turia, avec de l’eau salée amenée de la mer. La zone était encore l’année passée soumise à de fortes odeurs, que le conseil du Grand Prix de Formule 1 a pris en charge. Depuis, les plaintes ont cessé. Ces précédentes conséquences inquiètent les spécialistes sur l’impact de nouvelles expansions et l’érosion de la plage de la Malvarossa et du littoral septentrional. Le projet Valenciaport 2015 qui propose l’agrandissement de 290 ha
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des ports de Valencia et Sagunto est largement critiqué pour ses impacts environnementaux. En effet, l’extension nord par une digue de 1380 mètres aurait de terribles conséquences paysagères pour la zone de l’America’s Cup et mettrait en danger les plages de la Malvarossa. Les plages sud de l’Albufera, réserve écologique de Valence, sont également extrêmement fragiles. La zone de Grao, aujourd’hui occupée par des parkings de containers, est particulièrement affectée par différents polluants. Le sol sera décontaminé durant trois mois, avant d’entamer les premiers chantiers.
5 — Budget Les investissements sont pour la majeure partie versés par l’administration publique, ce qui l’a mise en péril. Un budget pour qui ? Pour quoi ? Le nouveau quartier de Grao a pour objectif de rentabiliser/récupérer les 45 millions € investis dans le circuit de formule 1(1). Les 45 millions iront, selon le président du projet, au développement du quartier et au tunnel d’accès au nord du port ( 38,1 millions € ). Mais l’incertitude reste grande à cause de la crise économique qui a paralysé bon nombre de chantiers et surtout les investissements publics.
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1. http://www.levante-emv.com/valencia/2011/07/27/urbanizacion-pai-grao-permitira-consell-recuperar-45-millones-circuito/827776.html
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LONDRES, LES JEUX OLYMPIQUES, 2012 |
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I. Introduction ⁄ Le 6 juillet 2005, Londres est désignée ville hôte des Jeux Olympiques d’été 2012. Le projet London 2012 l’emporte face aux autres villes candidates, parmi lesquelles Paris, Moscou, New York et Madrid. Il ne s’agit pas d’une première pour Londres : la ville a accueilli les J.O. en 1908 et en 1948. Les manifestations s’étaient déjà tenues dans l’ouest de Londres, à Shepherd’s Bush puis à Richmond. Les JO d’été de 2012 ont été cette fois-ci organisés à Stratford, dans la banlieue est ainsi que sur plusieurs autres sites disséminés dans la capitale et le reste du pays. Stratford sera l’épicentre de l’événement, du 27 juillet au 12 août et du 29 août au 9 septembre pour les jeux paralympiques.
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II. La ville de Londres et le quartier de Stratford â „
1 — Situation et implantation
Londres
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Stratford, ‘Outer London’, Royaume Uni
Si la stratégie est d’utiliser en décor le Londres emblématique, le but est surtout de concentrer la majorité des équipements sportifs en un même parc olympique, à proximité du centre-ville. Le choix du site, à Stratford, banlieue de l’Est londonien en grande précarité, implique également un vaste projet de réaménagement urbain. Les précédentes éditions n’avaient suscité que la construction d’infrastructures sportives… Cette édition 2012 est par contre marquée par un développement à large échelle, un plan à long terme de renaissance urbaine, mobilisant l’Etat et le Grand Londres.
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2 — Caractéristiques urbanistiques Le site olympique est situé le long d’un cours d’eau se jetant dans la Tamise, la rivière Lea. Cette rivière était sujette à une pollution industrielle et à de nombreux débordements. Historiquement, le petit village rural de l’Essex fut intégré à Londres par le chemin de fer au 19ième siècle, et devint Stratford. L’histoire de ce quartier est intimement liée au chemin de fer de l’est londonien… Les premiers ateliers ( Eastern Counties, plus tard repris par Great Eastern Railways ) ouvrent en 1839. Les premières infrastructures sont construites sur ce qui était des marais entre les bras de la rivière Lea. Dans la deuxième partie du 19ième siècle, Stratford devient alors un nœud ferroviaire, à la croisée des lignes Londres-Cambridge et de celles menant aux Docks en pleine expansion. Il marque l’espace sur des centaines de mètres par un centre de maintenance et de dépôt du matériel et des véhicules, puis un lieu de production de locomotives et de triage des marchandises. Les installations couvrent près d’une centaine d’hectares. Parallèlement, l’urbanisation résidentielle se structure à partir de l’axe qui relie Stratford à Londres. Autour du petit faubourg, New Town est construite pour héberger les employés du transport ferroviaire. L’urbanité de Stratford s’affirme encore davantage par la construction de l’hôtel de ville (1869), du marché (1879) et d’un théâtre (1884). Mais l’activité de dépôt ferroviaire va diminuer au cours du 20ième siècle de façon concomitante au déclin du port de Londres et de l’empire britannique. En 1982 déjà, la ville voulait se porter candidate aux JO d’été et apporter un renouveau au quartier de Stratford… Finalement, elle ne se présenta pas et Séoul accueillit l’événement. Entre 1981 et 1993, Stratford reste relativement à l’écart des opérations d’aménagement de Londres. Les transformations économiques, sociales et politiques suscitées par l’équipement des Docklands, à quelques kilomètres plus au sud, ne se diffusent pas dans sa direction.
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Stratford connaît alors un déclin économique par rapport au reste de la métropole. Le péricentre de Londres et les Docklands deviennent les points de focalisation de la croissance économique et démographique. Les marchés du travail et de l’immobilier se redynamisent par l’expansion des services aux entreprises et de la finance. La pression est forte sur le centre et c’est à partir de ce moment là que le péricentre accueille de nouvelles populations, de nouveaux équipements. La gentrification s’accélère ensuite plus à l’est, atteignant Whitechapel, Limehouse et Bow, sans jamais véritablement franchir la rivière Lea, en direction de Stratford. Il faut attendre alors les années 1990 pour que des initiatives émergent : le débat sur l’extension de la ligne à grande vitesse entre le continent et Londres (1992-1995) va en effet inciter les acteurs économiques et politiques locaux à se mobiliser pour tenter de convaincre l’État de la pertinence d’une gare internationale à Stratford. La méconnaissance des lieux par le Grand Londres mène à une campagne visant à nier le territoire de Stratford dès 2004. La désindustrialisation est exagérée, comme l’atteste la tentative initiale d’exproprier 300 entreprises en 2006. Le rôle des activités logistiques et ferroviaires est minimisé… Au final, mille personnes seront expulsées en 2007(1). Désormais, la présence de vastes friches ferroviaires offre un foncier facilement mobilisable pour un grand projet urbain qui serait difficilement réalisable par le seul secteur privé. Le Newham est particulièrement défavorisé, c’est l’un des quartiers les plus pauvres de Londres… Le prix des loyers y est peu élevé, les logements et l’environnement sont en grande partie dégradés. La population est hétérogène et peu qualifiée, le chômage y est en augmentation mais l’accessibilité est un point fort, à développer. Stratford est desservie par l’autoroute A12, 3 lignes de métro, 3 services ferroviaires et elle est traversée par la ligne TGV entre le tunnel sous la Manche et Londres depuis 2007. Le site est à moins de 15 minutes de la City, à 7 minutes de la gare de St Pancras et à 10 minutes de Canary Wharf via la Jubilee Line ouverte en 2000. En 2008, les pouvoirs publics doivent légitimer leur projet et créer un
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1. http://geoconfluences.ens-lyon.fr/doc/typespace/urb1/MetropScient10.htm
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scénario de renaissance urbaine. Ils revisitent l’histoire récente de Stratford pour n’en retenir finalement que son frappant déclin. La mauvaise image de Stratford et les tristes conditions de vie de la population sont un bon prétexte pour améliorer la situation et la compétitivité du lieu. Déchetterie à ciel ouvert, le quartier de Stratford était une ‘friche industrielle’, selon les autorités, avant la construction du projet olympique. Les 33 bâtiments qui occupaient la parcelle ont tous été rasés et 800 000 tonnes de terre ont été évacuées. Il n’en reste aujourd’hui presque aucune traces, le seul vestige étant celui du cours d’eau, the river Lea. L’histoire industrielle et ferroviaire a aussi laissé des traces de polluants sur le site, c’est pourquoi il a subi une intense décontamination avant les travaux destinés aux JO 2012.
Abords de la rivière Léa - avant JO Site industriel ferroviaire
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3 — Caractéristiques sociétales Le ‘ Inner London’ correspond à un ensemble de districts centraux du Grand Londres. Sa population est estimée à plus de 3 200 900 âmes, d’après un recensement de 2011. Le ‘Outer London’ englobe le ‘Inner London’. On estime sa population à 4 900 100 âmes, en 2011. Londres compte ainsi près de 8 174 100 habitants, d’après le recensement de 2011. Le district de Newham est compris dans le ‘Inner London’ ( pour les statistiques). Sa démographie actuelle est de 310 500 têtes pour une superficie de 36,22 km2, ce qui donne une densité particulièrement élevée : on atteint 8 600 habitants par km2. C’est l’un des districts les plus denses de Londres et où la population a le plus augmenté en 10 ans. Newham est le district le plus peuplé de Londres avec 64 100 habitants.
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Avec la crise de 1929 et ensuite les bombardements de la Seconde Guerre Mondiale, Stratford a été marqué par l’accélération de la désindustrialisation et la fermeture des Docks de 1960 à 1981. Le chômage et la précarité s’installèrent. La physionomie de la ville a changé significativement mais le quartier de Stratford est soumis à un certain isolement : des voies rapides ( A118 et A11 ) quadrillent le quartier et rend difficile l’accès aux piétons et cyclistes. L’espace devient imperméable. La modernisation de la zone s’effectue par la construction de cités tours, barres et petits immeubles collectifs, des bureaux et administrations, ainsi qu’un nouveau réseau électrique. L’ouest de Stratford n’est pas jugé assez urbain pour enterrer les lignes et pylônes… Les cinquante dernières années se marquent non seulement par un glissement d’un Stratford ferroviaire et stratégique à un rayonnement local industriel, administratif et commercial, mais aussi par une dégradation du paysage et de l’environnement par la contamination des sols. La lisibilité de son skyline devient complexe… Même si Stratford est bien connectée au centre de Londres, il s’en éloigne fonctionnellement et morphologiquement. Néanmoins, l’activité industrielle et logistique représente une part importante des emplois locaux. Mais la vague d’expropriations en 2006 et 2007 expulse près de 1000 personnes et dresse un nouveau portrait économique… 996 emplois ( ouvriers du bâtiments, grossistes, garagistes, imprimeurs,… ) ont été délocalisés à l’extérieur du Newham et 284 hors du Grand Londres. Stratford n’était donc pas qu’une friche… En vue des JO 2012, les autorités ont procédé à l’expropriation de 1000 personnes ! Il est vrai que cela paraît presque dérisoire face au million de Chinois expropriés pour édifier le site des JO 2008 de Pékin… Sur ces 1000 personnes, la moitié faisait partie des gens du voyage dans des campements situés au nord du site des Jeux Olympiques. L’autre moitié était résidente du Clays Lane Estate, quartier de logements en coopérative destinés aux personnes vulnérables ( handicapés et personnes en réinsertion ), emblématique du quartier. Les résidents exigeaient au gouvernement un relogement groupé pour maintenir la cohésion sociale qui s’était instaurée mais cela n’a pas été possible…
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En effet, les municipalités de Newham, Tower Hamlets et Waltham Forest ne disposaient pas d’un nombre suffisant de logements sociaux. Malgré les expropriations, la population du district de Stratford était de 12 300 habitants en 2001 et de 15 500 selon les estimations de 2010 (ONS, 2010). Une étude révèle que 20% de la population ne résidait pas dans le district du Newham l’année précédente. De plus, les ménages qui s’y installent sont de grande taille, supérieurs à la moyenne londonienne. Les ménages sont contraints de louer des logements souvent trop petits pour eux et de qualité médiocre. Newham est avec Hackney et Tower Hamlets, tous trois à l’est, l’arrondissement dans lequel la précarité est la plus élevée. La précarité sociale est particulièrement élevée dans le Newham : elle concerne l’emploi, les revenus, l’éducation et le logement. Le chômage frappe toujours, reflet d’un manque de qualifications des actifs locaux et d’une inadéquation aux emplois créés ces 15 dernières années. Un tiers de la population du Newham est sans diplôme, contre un quart dans le Grand Londres. La population est elle aussi très hétérogène… On évalue à 60% la proportion d’étrangers dans le Newham. Seuls 10% des enfants scolarisés ne sont pas issus d’une minorité ethnique. Le district est un lieu privilégié par les immigrés les plus pauvres: Africains, Caribéens, Indiens, Pakistanais, Bangladeshi,… La population s’est de plus en plus diversifiée ces dix dernières années avec l’arrivée de populations d’Europe centrale et orientale. Les immigrés venant d’Amérique du Nord, de France, d’Australie s’installent prioritairement dans l’ouest de la capitale. Les logements sociaux se font de plus en plus rares depuis le ‘right-tobuy’, les listes d’attentes s’allongent ( 36 000 familles en attente )… Les prix ont connu une augmentation de 150% depuis l’an 2000.
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4 — Caractéristiques politiques et économiques Dans la seconde moitié du 20ième siècle, la dégradation progressive de Stratford et de la rivière Lea pousse l’Etat et le Grand Londres à se réapproprier le terrain par le biais d’aménagements, d’expropriations et de spéculation immobilière. Suite à de nombreux déboires économiques de villes hôtes des JO, Londres a pris un risque. Il est toujours difficile d’établir un équilibre entre les dépenses et les recettes. Prenons l’exemple de Montréal, aux Jeux de 1976, qui a payé sa dette de 300 millions $ pendant 30 ans. Suite à cela, bon nombre de villes moyennes ont été dissuadées de poser leur candidature. Mais les gains ne sont pas à négliger ! Barcelone a réduit considérablement son taux de chômage par la construction de nouvelles infrastructures, Pékin a gagné un meilleur réseau de transports en commun, Londres aura fait renaître Stratford à différents niveaux. L’accueil de grands événements, tels les Jeux Olympiques ou la Coupe du monde de football, révèle aussi un effet positif sur les exportations. Une étude démontre que le pays hôte peut connaître une hausse durable de 30%, voire plus, de ses exportations. En effet, accueillir des Jeux Olympiques est une manière de signifier que le pays est ouvert au monde, commercialement. Mais la Grande Bretagne n’a pas réellement besoin de ces Jeux pour se déclarer libérale, elle l’est déjà ( pays exportateur important ).
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III. Le projet ⁄
1 — Le Master plan
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2 — Stratégies Au cœur d’un vaste projet de régénération urbaine, le site des J.O. doit rapidement se transformer en un nouveau quartier londonien, l’East Village. Londres établi sa stratégie sur le modèle de réussite de Barcelone ( 1992 ) qui avait profité de l’événement pour redevenir une grande cité internationale en redessinant son front de mer, rénovant d’anciens quartiers et sites industriels, perfectionnant les réseaux ferroviaires, aéroportuaires, etc. Londres reste dans cette même logique de renouveau urbain à grande échelle, sous le signe du développement durable. Le site des JO devient le nouveau centre de Stratford, qui est en rupture avec l’ancien. Ce renouvellement urbain marque donc un déplacement de la centralité, de l’espace urbain fragilisé vers le pôle commercial régional. Il n’y a donc pas de renforcement de la centralité initiale mais bien un dédoublement par l’émergence d’un nouveau cœur vers le nord-ouest sur le site et d’autre part, de manière plus spontanée, au sud-ouest. Sous la gestion du London Legacy Development, cette stratégie s’établit en différents points : a ∕ A la fin des Jeux paralympiques ( du 29 août au 9 septembre 2012 ), le village olympique revêt un nouveau visage… Après avoir accueilli près de 17.000 athlètes, le village olympique se transforme actuellement en 2818 habitations dont 1379 logements sociaux, le reste étant destiné à la vente ou à la location. La devise était : «Des lits pour les athlètes, des maisons pour les Londoniens.» Les chambres des sportifs étaient en effet composés de cloisons démontables qui seront ensuite détruites pour offrir plus d’espace et devenir des appartements ( avec cuisine équipée, salon ). Cette mutation offre une gamme s’étalant du studio à la maison urbaine.
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Comme le prix au mètre carré avoisine les 10 000 €, les loyers londoniens sont les plus chers d’Europe. La stratégie se veut d’empêcher une friche urbaine et de laisser les logements et les installations à l’abandon. b ∕ D’ici 2014, le parc olympique est appelé à devenir l'un des plus grands parcs urbains d'Europe. Les 226 hectares du site accueilleront, à la réouverture du parc, des cafés, restaurants, aires de jeux, salles de concerts, espaces ludiques et de loisirs… Toujours avec une touche écolo ! c ∕ La stratégie vise un réseau de transports efficace. d ∕ Un vaste centre pédagogique sera inauguré dés septembre 2013. Ce centre pédagogique, inclut crèches, écoles maternelles, primaires et secondaires, sous le nom de Chobham Academy, à titre gratuit pour 1800 élèves. e∕ Un grand centre commercial, le Westfield Stratford a vu le jour, le plus grand d’Europe ! f ∕ De nouveaux équipements médicaux devraient compléter le tout.
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(a)
Le paysage D’ici l’été 2014, le parc olympique sera entièrement remodelé et deviendra l’un des plus grands parcs urbains d’Europe. Les canaux de la rivière Lea seront rénovés, 2000 arbres seront plantés, ainsi que 300 000 végétaux de zone humides. Le parc sera aussi équipé d’une station de pompage pour les eaux de pluie et d’une centrale de pompage utilisant le gaz et la biomasse, propice à l’objectif ‘zéro carbone’. La capitale a aussi l’intention d’en faire une réserve pour les espèces rares. “London has set the blueprint for legacy and after three years of legacy planning, we are now delivering a Queen Elizabeth Olympic Park for everyone that will bring new homes, jobs and opportunities for sport and leisure.While the Park will begin to reopen from next summer, the development of this area is a 20 year project and we must continue to meet the high standards that will change people’s lives.” Denis Hone, chief executive of the London Legacy Development Corporation(1). Les organisateurs espèrent aussi que le parc figurera parmi les dix sites les plus visités de la capitale d'ici 2020, avec plus de 9 millions de visiteurs par an. D’autres doutent de l’énormité de ces chiffres et jugent que “Londres ne verra jamais les 13 milliards de livres de revenus supplémentaires sur 4 ans mentionnés par David Cameron”. Rebaptisé le ‘Queen Elizabeth Parc’, ce projet de 225 hectares sera dirigé par plusieurs équipes d’architectes dont Erect Architecture et James Corner Field Operations. Pour un budget de plus de 343 millions €, le site accueillera des aires de jeux, des cafés et espaces de restauration, des centres commerciaux, des espaces culturels et de repos… Avec une touche écolo ! Le projet veut intégrer une diversité des espèces : 5 types de pommiers et poi-
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1. http://www.londonlegacy.co.uk/about-us/london-legacy-development-corporation/
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riers, un microcosme préservé, le filtrage et la récolte des eaux de pluie, une autarcie de l’énergie… Le challenge des J.O. 2012 est de créer un environnement propice au comportement écologique… Le changement climatique, la perte de la biodiversité, la faible qualité de l’air et la surconsommation des ressources naturelles sont les différents challenges de cette édition. Les maîtres mots sont donc ‘écologie et développement durable’. Le programme veut inciter les habitants à se déplacer à pieds, en transports en commun ou à bicyclette, organiser des événements respectueux de l’environnement, déployer des infrastructures publiques ‘zéro carbone’. L’énergie nécessaire pour alimenter le parc est fournie par un centre certifié par les dernières technologies durables(1). Le parc utilise aussi de l’eau ‘recyclée’ : l’eau ayant servi aux bains, lessives, vaisselles est purifiée et réutilisée sur le site. La première partie du parc a réouvert ce 27 juillet 2013, exactement un an après la cérémonie d’ouverture des JO. Elle se situe dans la zone nord du parc, et concerne de larges pelouse, ‘‘parfaites pour des picnic’’, et l’Arena polyvalente. Cette réouverture a été ponctuée par un événement « incluant les habitants locaux »… S’il y en a encore ! L’aire nord a été transformée par le bureau londonien Erect Architecture. Cette partie incorpore une aire de jeux pour les enfants dans le lit de la rivière Lea. Un pavillon a aussi été dédié à la culture, à l’éducation et au jeu… Ce pavillon propose aux enfants ‘une aventure dans la nature’ en grimpant dans les arbres, construisant des cabanes de bois et des tanières… La seconde partie, qui ouvrira durant l’été 2014, concerne la zone de la sculpture ArcelorMittal Orbit et du centre aquatique. Le paysage, projeté par le bureau new yorkais James Corner Field Operations(2), est redessiné selon une courbe conductrice, une promenade sous les arbres, autour de laquelle se dessinent de nouvelles courbes. Cette partie sud du parc est destinée à se convertir en espaces modulables accueillant des événements culturels, des petits commerçants mobiles, des aires de repos…
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1. http://www.londonlegacy.co.uk/the-park/sustainability/ 2. http://www.worldarchitecturenews.com/index.php?fuseaction=wanappln.projectview&upload_id=18371
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Erect Architecture, partie nord
James Corner Field Operation, partie sud
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(b)
Les installations sportives Tout d’abord, Londres s’est posée comme un modèle plus raisonnable face aux stades précédemment construits dans les éditions de Pékin et Athènes. La tendance du gigantisme a été revue à la baisse et la capitale prône un développement durable. Dans l’avenir (proche), les installations sportives permanentes seront ouvertes à la population locale pour développer leur santé sportive, ainsi qu’aux athlètes et futurs compétiteurs des JO. Les stades des JO 2012 doivent marquer les mémoires et accueillir d’autres événements, culturels et sportifs. Quant aux installations temporaires, elles ont été démontées après l’événement. C’est le cas de la Basketball Arena et du centre de Waterpolo : le premier laissera champ libre à la construction du quartier Chobham Manor et le second sera utilisé comme piste de skateboard, aire de jeux et de restauration intégrées au Queen Elizabeth Park. Leurs structures seront soit recyclées soit remontées pour les Jeux Olympiques de Rio en 2016(1). Au total, ce sont 34 sites différents qui accueillent les épreuves sportives. Nous nous concentrerons principalement sur le site de Stratford, de 246 hectares. Zoomons sur les édifices permanents… Le stade olympique, d’une capacité de 80 000 places, a été conçu de manière plus durable, en diminuant les quantités d’acier et de béton. Il a été conçu à 75% avec des matériaux légers. Le niveau supérieur du stade, réalisé avec du polymère recyclable, a été démantelé à la fin des jeux. Le stade a été pensé pour être modulable ( transformation de 80 000 vers 25 000 places ), voire déménagé à un autre endroit, ou encore pour que sa taille soit réduite(2).
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1. http://tempsreel.nouvelobs.com/jeux-olympiques-de-londres-2012/20120812.OBS9485/londres-apresles-jo.html 2. http://www.francetv.fr/culturebox/jo-2012-le-stade-olympique-nomine-au-prix-stirling-darchitecture-108531
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Le stade accueillera les Championnats du Monde d’Athlétisme en 2017, mais aussi les touristes, les clubs de sports et le ‘ business’. Il contient également des salles de conférences, de congrès et des espaces de bureaux. Les tentatives de céder le stade à un club de football restaient infructueuses dans les premiers temps… On apprend le 22 mars 2013 que l’équipe du West Ham a annoncé officiellement qu’elle serait locataire du stade Olympique. L’équipe de football quittera le Upton Park, à 3 km dans le Newham, et restera le siège de West Ham jusqu’en août 2016. Par la suite, le stade de Upton Park, connu pour son hooligalisme intense, sera loué 2 millions de livres par an. Le club n’avait pas forcément besoin d’un nouveau stade mais le West Ham a consenti à augmenter sa part de financement de 5 à 15 millions de livres ( soit de 5,88 à 16,64 millions € ), tandis que le gouvernement augmente la sienne de 25 millions de livres. Le stade Olympique ne sera donc pas une ‘relique poussiéreuse’(1). Une autre nouvelle prétendait même que le stade pouvait être reconverti en Grand Prix de Formule 1 ! Le futur du stade n’est donc plus incertain, même si son avenir est resté flou durant plusieurs mois. • Coût total : 1,2 milliard € Le centre aquatique, conçu par Zaha Hadid comme un dos de baleine, avec deux bassins de 50 mètres, offre un héritage important à Londres qui ne possède que deux piscines de cette envergure. A la fin des JO et après sa transformation, il répondra à différents programmes comme des cours de natation, de l’aquagym, des entraînements de waterpolo, la nage synchronisée, etc. Le centre sera ouvert aux locaux et aux écoles pour la somme abordable de 4,35 £ par entrée(2), ainsi qu’aux grands événements sportifs nationaux et internationaux. Les équipes ‘Triathlon Angleterre’ et ‘British Swimming’ prévoient d’utiliser le site régulièrement et une série d’événements sont déjà planifiés. A partir de 2013, le GLL ( Greenwich Leisure Limited ), une entreprise sociale supervisant la gestion de plus de 100 centres de loisirs publics,
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1. http://www.whufc.com/articles/20130322/olympic-stadium-qa_2236884_3118486 2. http://projets-architecte-urbanisme.fr/piscine-londres-jeux-olympiques-zaha-hadid/
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a annoncé qu’il exploitera le centre aquatique pour les 10 prochaines années. GLL a aussi l’avantage d’employer des locaux pour gérer ses installations, ce qui créerait de l’emploi à long terme. superficie : 15 950 m² shon : 36 875 m² 17 000 places démontables, 2500 permanentes. • Cout : 313 millions € Le Copper Box est une salle offrant une large gamme d’activités sportives et pouvant se convertir en salle de spectacles ou d’expositions. Ce sera la première réouverture après les JO, dès juillet 2013. L’Arena polyvalente contient des terrains de basketball, volleyball, judo, escrime, tennis de table, badminton, gymnastique, taekwondo et une salle de fitness. Le GLL prend en charge la gestion du Copper Box pour les 10 ans à venir, dès 2013. The London Legacy Development Corporation lui prévoit 500 000 visites par an(1). Le velopark sera géré par le Lee Valley regional Park Authority après les Jeux et portera le nom de Lee Valley Velopark. Le vélodrome connaîtra peu de transformations ( juste des réductions des gradins et une nouvelle piste de BMX ) et deviendra une plaque tournante pour les athlètes de haut niveau qui s’entraîneront aux côtés de la communauté locale : écoles, familles, clubs sportifs. Il répondra aux loisirs comme aux entraînements, y compris les Championnats du Monde. The British Cycling Federation utilisera en partie le vélodrome comme piste d’entrainements pour ses futurs compétiteurs, mais sa base principale restera à Manchester. Le Lee Valley Hockey and Tennis Center sera lui aussi ouvert à la communauté locale et aux athlètes… Le tennis et le hockey sont des sports phares en Angleterre depuis plus d’un siècle. Ce centre est composé de 4 terrains de tennis couverts et 6 à ciel ouvert. Le stade de
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1. http://www.londonlegacy.co.uk/investment-and-venues/venues-and-infrastructure/multi-use-arena/
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hockey portera le nom de England Hockey, lieux de compétitions nationales. Actuellement, cinq clubs de hockey ont manifesté leur intérêt à occuper le centre pour leurs entraînements et y accueillir le Championnat d’Europe de Hockey 2016. Dix terrains de minifoot ( soccer five ) seront également créés après les JO. L’orbite ArcelorMittal est quant à elle un lieu d’exposition relatant les exploits d’athlètes et l’évolution du site avant, pendant et après les JO. C’est un aussi un panorama intéressant sur le site olympique et le tout Londres. De manière générale, une estimation des organisateurs porte à 9,3 millions le nombre de visiteurs par an à partir de 2016, pour cinq compétitions olympiques et paralympiques à venir. stade olympique
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vĂŠlodrome
copper box
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tour ArcelorMittal
piscine olympique
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Que faire des pistes ou des bassins lorsque certains sports ne sont que peu pratiqués dans le pays d’accueil ? Sont-ils destinés à devenir des coquilles vides ? Le CIO a érigé un beau programme, peut-être utopique, pour la reconversion des stades et bassins présents sur l’épicentre des JO 2012, mais qu’en est-il des installations disséminées dans le Grand Londres ? C’est entre autre le cas du Lee Valley White Water Center, le bassin dédié au canoë-kayak… Le bassin situé à 30 km au nord du site n’a qu’un programme de reconversion et d’occupation peu satisfaisant… Le Lee Valley White Water Center accueillera premièrement le Championnat du monde de slalom en canoë de 2015. Ensuite, le bassin resterait à la disposition des riverains ayant une bonne maîtrise des rapides, ainsi qu’aux athlètes. Le centre appartiendra à la Lee Valley Regional Park Authority qui est chargée également de l’entretien des bassins. Mais même si la pratique du canoë a vu le jour en 1865 en Angleterre, ce sport reste peu pratiqué face au cricket ( même s’il n’est pas olympique ), au football, au tennis ou encore au rugby… Même au niveau des sports aquatiques, le plus populaire reste l’aviron, le canoë-kayak étant loin derrière. Aussi, le canoë-kayak n’est pas un sport accessible à tout le monde… Le coût de l’entretien des bassins, de la mécanique de pompage et de propulsion influence le prix de l’activité. D’autres stades comme le Millenium Stadium, construit entre 1997 et 1999, accueillait déjà l’équipe nationale de rugby, la Welsh rugby team, et continuera à exister tel quel. C’est aussi un atout de bénéficier de stade déjà édifié, déjà utilisé à bon escient. Le financement d’un tel stade reste modéré comparé aux nouveaux stades, les seuls coûts servant à l’entretien général. Il en est de même pour le Old Trafford Stadium qui continuera d’accueillir l’équipe de football de Manchester. The International Broadcast Centre/Main Press Centre (IBC/MPC) Complex(1) fut le noyau de la presse des 20 000 journalistes et photographes 24 heures sur 24. Ce complexe contient 52 000 m² de studio ( interview, télévision,… ) et de 8 000 m² de bureaux. Il accueille également un restaurant de toutes les cuisines du monde pour 4 000
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1. http://www.london2012.com/venue/ibc-and-mpc-complex/
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personnes, une piste d’athlétisme de 200 mètres de long et différents services comme une poste, des banques ou des agences de voyages. On compte également 29 000 m² d’espaces dédiés aux équipes de journalistes et photographes. Au total, plus de 80 000 m² disponible qu’il convient de combler après les Jeux Olympiques. Il n’y a pas encore de locataire concret à long terme pour cette énorme superficie, même si un premier projet visait à en faire des bureaux. Une telle surface est susceptible de ne pas trouver de locataires, à moins d’être fragmentée en de plus petites superficies… Est-ce réellement indispensable de conserver de telles superficies qui pourraient rester vides dans l’avenir ? Ce hall aurait peut-être dû être éphémère, temporaire, sur une ligne du temps correspondant aux JO, mais pouvant être démonté ou réduit par la suite pour laisser place à des zones vertes, des aires de jeux pour enfants,… C’est le cas du Royal Artillery Barracks qui a accueilli les épreuves de tirs à la carabine et au fusil de chasse et fut démonté directement après les Jeux Olympiques pour rendre au terrain son aspect premier. Qui entretiendra les installations sportives dans l’avenir ? En effet, il ne suffit pas de financer la construction des stades, mais il faut aussi les entretenir… L’exemple le plus frappant est celui d’Athènes qui avait accueilli les JO en grande pompe et qui aujourd’hui continue de rouiller dans l’oubli. Le site des JO 2004 est devenu une ville fantôme, le gazon verdoyant a laissé place aux mauvaises herbes, les piscines sont asséchées, les arbres desséchés(1). Lieu d’abandon, les camions viennent même illégalement y déverser leurs déchets et gravats… « Les riverains l’appellent le Sahara. » Si l’on reprend l’exemple de Barcelone, la ville n’a amorti ses coûts ( 9 milliards € ) qu’en 2007(2), soit 15 ans après l’événement. Londres a lancé un appel aux sponsors(3) pour l’entretien du stade, du centre aquatique et de l’Arena polyvalente.
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1. http://www.slate.fr/economie/60043/jo-2004-athenes-ruine-grece 2. http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/info/Les-dossiers-de-la-redaction/JO-Londres-2012/p22400-JO-facture-salee-pour-les-pays-organisateurs.htm 3. http://www.londonlegacy.co.uk/investment-and-venues/sponsorship-opportunities/
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A quelle fréquence seront-ils utilisés ? Encore une fois, cela n’est pas défini dans le programme post-événementiel, certainement parce que rien n’est encore sûr… Chaque stade a déjà un prochain grand événement d’ici 2015 à 2017, mais cela s’arrête là ! Certains se disent ouverts à la population tout au long de l’année, mais d’autres par contre resteront exclusifs aux athlètes. Il s’agit entre autre du stade olympique qui accueillera l’équipe de football du Westham et de la Copper Box.
(c)
Le village olympique Les J.O. de Los Angeles en 1932 furent le premier exemple d’un village olympique prospère. Le village accueillait bien sûr les logements des athlètes, mais aussi un hôpital, un centre de pompiers, un amphithéâtre,… Mais tout fut démantelé après les Jeux. Le village des JO de 1936 à Berlin subit le même sort. Le caractère temporaire de ce village a soulevé bien des questions… Londres a remporté sa candidature grâce à son engagement d’offrir par ce village olympique un héritage à long terme au quartier de Stratford, prochainement rebaptisé East Village. C’est une nouvelle ville qui se développe autour de ces logements. Le village olympique sera donc durable. Il avait pour premier but d’accueillir près de 17 000 athlètes dans des chambres qui n’étaient équipées alors ni de cuisine, ni de séjour… Les pièces étaient composées de cloisons démontables(1) qui ont été retirées pour une remodélisation intérieure. On pose de nouveaux parquets et moquettes, les espaces s’agrandissent et accueilleront de véritables appartements. Les transformations ont un montant total de 380 millions €(2).
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1. http://www.architecturetoday.co.uk/?p=20321 2. http://www.francetvinfo.fr/londres-que-va-devenir-le-village-olympique_129085.html
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Le plan de gauche ci-contre est un plan des logements du village olympique, lors des Jeux. On remarque qu’il y a de nombreuses cloisons, les pièces étant principalement destinées aux dortoirs des athlètes. A défaut de plans des transformations ‘after games’, j’ai imaginé les appartements de l’East Village, en supprimant quelques cloisons. On remarque que les transformations de l’après jeux sont tout à fait possibles ! De plus, les meubles fournis par ‘Ramler Furniture’ et présents au village olympique ont été revendus au public(1). L’objectif était que tous les meubles disparaissent afin de commencer les transformations. Les meubles ayant servi à de célèbres athlètes ont été vendus en totalité et à prix raisonnables. Par contre, rien n’a été révélé au sujet de la somme acquise et à quoi elle a servi dans le processus de métamorphose. Les chambres occupées par les athlètes seront transformées en 2818 logements, dont près de 1400 sociaux. Alors que le prix au mètre carré avoisine les 10 000 € à Londres ( le plus cher d’Europe ), il était essentiel de pouvoir offrir des logements à tous types de classes sociales. La gamme s’étend du studio à la maison de ville, disponible à la vente comme à la location. Dans la deuxième phase du master plan 2015-2030, ce seront près de 11 000 logements, soit 5 nouveaux quartiers, qui seront construits tout autour du Queen Elizabeth Park. Les six quartiers se nommeront Chobham Manor, East Wick, Sweetwater, Marshgate Wharf, Pudding Mill et East Village. Ils seront tous développer d’ici les vingt prochaines années, le premier étant l’East Village qui accueillera ses premiers habitants d’ici août 2013. Chobham Manor ouvrira ses portes en 2015. Concernant East Village, les logements sont construits en îlot composé de sept ‘blocs’ chacun : trois premiers blocs font face à la route principale et accueillent à leur rez-de-chaussée différents commerces, alors que les quatre autres blocs font face aux rues secondaires et ter-
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1. http://www.lefigaro.fr/sport-business/2012/08/13/20006-20120813ARTFIG00431-village-olympiquetout-le-mobilier-est-a-vendre.php
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tiaires. Les trois blocs face aux voies principales sont principalement constitués d’appartements simplex à trois chambres, sur des rez+9 ou rez+10. Les blocs arrière sont eux composés de maisons familiales en triplex ou duplex avec trois ou quatre chambres, et d’appartements à une ou deux chambres.
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Ces îlots forment une cour intérieure qui offre ‘un jardin d’été’ aux habitants. Sous chaque îlot se trouvent des parkings privés, avec entrée et sortie séparée pour minimiser l’ouverture dans la façade. Les parkings privés souterrains et ceux sur rue ont un ratio de 0,5, ce qui semble justifié avec la proximité des multiples transports publics. Chaque îlot est conçu de manière soutenable et durable, avec une diminution de 33% des eaux usées. Chaque logement est censé utiliser moins de 105 litres d’eau par jour par personne. L’East Village offrira aux résidents des logements de une à quatre chambres avec de larges balcons et des jardins d’hiver. A l’extérieur, le paysage sera dessiné par différentes lignes d’arbres, des parcs publics, des cours privées, des étangs et canaux. A proximité se trouveront également une trentaine de magasins locaux, cafés et restaurants, mais aussi un centre éducatif et un pôle médical. Plus qu’un centre de loisirs, c’est réellement une petite ville qui se crée à Stratford. Le quartier de Chobham Manor serait, pour sa part, un retour aux rues londoniennes avec une série de maison mitoyennes tout le long des avenues, bordées d’arbres. Ce seront des maisons familiales avec une proportion de 75% de logements à trois chambres et plus. Etant donné que ce quartier sera voisin du Velodrome, l’accent a été mis sur les déplacements à vélo tout en décourageant l’utilisation de la voiture(1). Chaque quartier aura donc son identité précise, se rattachant au site olympique pour créer l’unité. Pas moins de 17 architectes ont été sélectionnés pour projeter ces logements de façon diversifiée. La conjonction de ces différents bureaux donne un paysage urbain varié, sans pour autant être une cacophonie architecturale. A la demande de l’ODA Design Review, les lignes directrices du projet ont été établies par Fletcher Priest et Patel Taylor, donnant une cohérence à la palette des matériaux extérieurs, de leur
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1. http://www.chobhammanore20.co.uk/the-vision/ http://chobham.fcsint.co.uk/wp-content/uploads/2013/01/22666_2-Chobham-Manor-Boards_V5_LR.pdf
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couleur et de la proportion des bâtiments. La variété s’exprime par exemple dans le traitement des terrasses, une fois en porte-à-faux, une autre fois avec un effet de loggia. Les éléments préfabriqués ont été favorisés dans la construction des logements car ils permettent de gagner du temps et donc de l’argent. La qualité de ces logements paraît exceptionnelle par rapport aux logements de l’ancien Stratford, surtout ceux faisant face à l’A11, la voie à grande vitesse. L’intention des développeurs est que le rendement du capital se fasse sur vingt ans, en raison notamment de l’augmentation de la valeur des sites environnants dans ce nouveau lieu populaire.
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Architectes du village olympique(1) : 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9. 10. 11.
Denton Corker Marshall 288 logements. ifschutz Davidson Sandilands : 298 logements. Patel Taylor : 297 logements. Patel Taylor Building : 290 logements. Glenn Howells ( block ouest ), Panter Hudspith ( block est ) : 318 logements. DSDHA Building : 120 logements. Eric Parry Architects 28 logements surface de bureaux : 440 m². Penoyre & Prasad : Polyclinique de 1500 m². AHMM : Chobham Academy. CF Møller Architects : 185 logements. Lifschutz Davidson Sandilands ( block nord), Haworth Tompkins ( block est ) : 201 logements. 12. Glenn Howells ( block ouest ), Niall McLaughlin ( block nord ), Piercy Conner (block est): 298 logements. 13. DRMM : 242 logements Les architectes du master plan de Stratford : Fletcher Priest, Arup Associates, West8 Architecte paysagiste : Vogt. Development manager : Lend Lease; client: Olympic Delivery Authority.
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1. http://www.bdonline.co.uk/buildings/london-2012-athletes’-village/5030937.article
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Mais tout n’a pas été rose pour le village olympique qui a été menacé par la crise immobilière…(1) Tessa Jowell, la secrétaire d’Etat en charge des JO, promettait qu’aucun nouveau dépassement du budget ne serait autorisé… En effet, la crise du crédit et le ralentissement immobilier ont fait augmenter les prix et le village olympique en a déjà fait les frais! Lend Lease, l’entreprise australienne qui devait prendre en charge sa construction n’a finalement pas réussi à trouver les financements nécessaires. De plus, la vente du village, qui doit être converti en plus de 2800 habitations après 2012, pourrait rapporter beaucoup moins que prévu, maintenant que les prix de l’immobilier s'effondrent… Dans un deuxième temps, cinq nouveaux quartiers totalisant 8000 logements supplémentaires seront construits dans les vingt ans à venir. L’objectif de ces nouvelles habitations est de changer totalement la physionomie de Stratford, quartier défavorisé. Londres voudrait marcher sur les pas de Barcelone qui, après avoir accueilli les JO de 1992, avait déjà vendu 60% de ses 2048 logements(2), délivrés au premier trimestre de 1993 après transformations. Son dernier appartement fut vendu en 1996. Aujourd’hui encore, ce sont 5783 résidents qui y vivent. Barcelone avait aussi misé sur de nouveaux pôles contenant des bureaux, des écoles primaires, secondaires et universitaires, une grande bibliothèque, des commerces, de nouveaux parcs… Soit un exemple complet de réussite et de diversité, sur le long terme ! Les autorités olympiques ont révélé dès 2011 qu’elles avaient conclu un contrat de 636 millions € avec Delancey et Qatari Diar(3), entreprise dirigée par le premier ministre du Qatar ( le Sheik Hamad bin Jassim bin Jabr Al Thani ). Le groupe du Qatar aura donc les droits d’achats et de gestion à long terme sur l’East Village. L’ODA ( Olympic Delivery Authority ) s’en tire plutôt bien avec une offre permettant aux autorités publiques de profiter d’une partie des bénéfices des ventes, ce qui valorise encore plus la vente du village. Sur le milliard €
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1. http://www.lefigaro.fr/sport-business/2008/08/23/04014-20080823ARTFIG00062-le-budget-des-jeuxde-a-londres-derape-serieusement-.php 2. http://www.gr.unicamp.br/ceav/revista/content/pdf/escenario20post20barcelona92_iglesias.pdf 3. http://www.sportsmarketing.fr/2011/08/12/village-olympique-londres-2012-qatar/
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d’investissements, le contribuable anglais aura quand même versé 100 millions€ de sa poche… Reste à voir ce que fera Qatari et Delancey du village olympique. C’est en tout cas la preuve que la place du sport et du marketing sportif est primordiale dans la stratégie de communication. Question sécurité du village, le contrôle des visiteurs étaient similaires à ceux des aéroports : ni arme à feu ou d’autre genre, ni aérosols, ni liquides ou alcools de plus de 100ml, ni rollers ou vélo… La liste est exhaustive. L’une des faces cachées des JO a été les logements destinés au personnel d’entretien. Les étrangers de toute l’Europe qui espéraient trouver un travail lors de la manifestation se trouvent finalement entassés dans des préfabriqués insalubres(1), perméable à l’eau, à 10 dans une chambre. On dénombrait un wc pour 25 personnes et une douche pour 75 personnes. Des conditions de vies bien contrastées par rapport à celles du village olympique ! C’est pourquoi bon nombre de ces étrangers ont très vite quitté les lieux… Ceux qui ont décidé d’y rester ont quand même dû payer un loyer mensuel de 700€ ! Bien sûr, ces logements, cachés de la vue des touristes, n’ont été que temporaires et ont été retirés dés la fin de l’événement. Cela a aussi été l’une des raisons qui a poussé les organisateurs à ne pas mettre le paquet au niveau des préfabriqués. Un relâchement qui porte atteinte à l’image de la capitale londonienne. Un ordre avait également été donné au personnel de ne rien dire à la presse(2). Qu’est ce que ces logements apportent aux quartiers actuels ? Les logements avant les JO 2012 étaient en majeure partie insalubres, surpeuplés, mal entretenus, tout comme les espaces extérieurs environnants. De nouveaux logements offriraient donc une meilleure qualité de vie aux riverains ! Le fait d’apporter des logements sociaux est aussi
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1. http://www.directmatin.fr/sport/2012-08-06/la-face-cachee-du-village-olympique-de-londres-50070 2. http://www.dailymail.co.uk/news/article-2174034/London-2012-Olympics-10-room-1-shower-75-people-Inside-slum-camp-Olympic-cleaners.html
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un point fort car la population locale est globalement plus pauvre que dans les autres districts londoniens. Or, il ne faut pas oublier qu’il y a un manque important de logements sociaux à Londres, à cause du phénomène ‘right-to-buy’. Dans les années 1970, la vente de maison aux locataires devenait extrêmement rare. En 1980, la loi du ‘right to buy’(1) est votée par le gouvernement Tatcher, qui permettait à de nombreux locataires, sous certaines conditions, d’acquérir leur logement social à des prix préférentiels, jusqu’à 60% ou 70% en-dessous des prix du marché. Ce sont des centaines de milliers de maisons qui sont ainsi vendues, dont 200 000 logements sociaux à Londres et plus d’un million au RoyaumeUni. Cette loi a donc eu pour effet une nette réduction du nombre de logements sociaux : en 1980, plus de 30% du parc immobilier du pays était composé de logements sociaux. Le restant des logements sociaux a été concentré dans des zones ‘indésirables’ où l’emploi reste peu présent. En 2005, la loi du ‘right to buy’ a été durcie : il faut désormais 5 ans d’ancienneté minimum avant de pouvoir acquérir son logement et certaines restrictions ont été établies sur la revente ultérieure pour éviter la spéculation. A Londres, il n’y a pas de limite précise de revenus pour pouvoir accéder à un logement social. Les municipalités imposent par contre des critères de priorité pour chaque demandeur avec un nombre de points selon leur condition sociale et qui les placera à telle ou telle position dans la liste d’attente d’un logement. Les personnes prioritaires sont souvent celles vivant dans des logements insalubres, surpeuplés, ayant des contraintes de santé, ou tout simplement de faibles revenus. Le loyer moyen des logements sociaux londoniens est de 360£ par mois, soit 460€ par mois, charges comprises. On estime le prix des loyers du marché privé à plus de 1000 £ par mois, soit près de 1150€ par mois. Pour pallier aux listes d’attente sans fin, la construction de logements sociaux est fortement encouragée dans les nouveaux projets immobiliers. Londres vise à ce que 50% des futurs programmes de logements soient à vocation sociale.
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1. http://autre-blog-immobilier.over-blog.com/article-le-logement-social-au-royaume-uni-80807631.html
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Dans ce cadre là, l’apport de nouveaux logements sociaux à Stratford est un gain non seulement pour le district de Newham mais aussi pour Londres de manière générale. Concernant notre site, un peu moins de 50% du Village Olympique est transformé en logements sociaux, mais cela ne permettra pas de désengorger les listes d’attente… Les futurs logements sociaux restent insuffisants en nombre, surtout si le nombre de demandes est en forte croissance ! Quel prix pour ces nouveaux logements ? Le baromètre immobilier européen(1) précise que Londres a subi la plus forte augmentation des prix du loyer en Europe et se trouve même à la deuxième place du classement mondial, juste après Tokyo. Le prix des nouveaux logements à Stratford n’est assurément pas abordable pour la population actuellement présente, mais plutôt destiné à la classe moyenne londonienne. La population étrangère présente à Stratford est alors obligée de quitter les lieux, n’ayant pas assez de revenus pour payer leur loyer, et se réfugie dans la périphérie londonienne. Londres va avoir un schéma semblable à Paris et à ses banlieues défavorisées… Si la densité de population est déjà la plus élevée à Stratford, une nouvelle concentration est-elle judicieuse ? La population stratfordienne sera désormais composée de la classe moyenne londonienne qui n’a plus de place dans le centre. La population étrangère est de son côté forcée de quitter Stratford à cause de la hausse des prix. Et comme la population étrangère, de familles nombreuses, est majoritaire dans le quartier, leur départ va libérer beaucoup de place, ce qui va profiter à la middle-classe. La densité devrait donc baisser. Par contre, la population présente à Stratford avant les J.O. se réfugiera dans le grand Londres, voire hors de Londres.
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1. http://www.eca-international.com/news/press_releases/7589/#.UTJ2SY5_FOw
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De nouveaux logements, mais pour qui ? Le district de Newham a fait exécuter quelques expropriations dans le quartier de Stratford et reloger ces personnes dans différents districts londoniens, voire même hors de la capitale. Concernant les expropriations des trois tours Carpenters Estate, même s’il restait encore près de 500 locataires, ils ont préféré reloger ces personnes et raser plutôt que de rénover. L’une des raisons était la présence d’amiante dans les tours, ce qui les rendait impropre à l’habitation… Or, les cinq derniers étages de l’une des tours ont été loués aux studios de la BBC et à la télévision Al-Jezira pour la période des JO(1) ! En somme, on procède à un nettoyage social, mais on autorise les journalistes à s’y installer… Le constat est là : la population de Stratford a été virée par le Council de Newham pour en installer une nouvelle, différente, et gagner plus d’argent en vendant ces nouveaux terrains à haut potentiel. L’arrivée de jeunes professionnels dynamiques est bien plus stimulante pour le quartier que de pauvres familles aux faibles revenus ! ( ironie ) Stratford est donc lavé d’une partie de sa population locale et a pour but d’en accueillir une toute nouvelle, en l’occurrence la middle-class ne pouvant plus se loger à Londres intra muros. Les autorités locales ne cachent pas leur désir d’attirer les entreprises et créer de nouveaux emplois. Tout a été mis en place : dix lignes de métros, une station pour l’Eurostar, la proximité du City Airport… L’entreprise Siemens a d’ailleurs déjà signé un contrat de 30 millions de livres pour s’installer dans l’arrondissement. Mais ce n’est pas seulement les expropriations qui ont chassé la population locale, mais surtout l’événement en lui-même. Les loyers ont vu leurs prix doublé, voire quadruplé, avec l’arrivée des Jeux Olympiques ! La liste pour un logement social dans l’arrondissement est passée à 28 000 noms, avec un temps d’attente de 10 ans ! Cela a été un choix difficile d’exproprier tous ces gens, selon un porte-parole. «Le maire est conscient qu’il y a plein de gens bien à Carpenters Estate et il a à cœur de servir leurs intérêts. Il faut voir les
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1. http://www.liberation.fr/monde/2012/06/29/londres-nettoyage-olympique_830148
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intérêts du plus grand nombre, de l’ensemble de Stratford et il s’agit d’une opportunité unique ». Il ajoute : « on aurait pu augmenter les loyers et obliger les gens à partir, on a préféré discuter ». A Stratford, l’atmosphère était pénible… A l’approche du grand événement sportif, les journalistes ne cessaient de hanter les lieux. A l’association des résidents du quartier, l’ordre avait été donné de refuser toute interview. Deux enseignantes en pause-cigarette l’avouent: « il y a eu toutes sortes d’intimidations, des menaces d’augmenter les loyers dans le quartiers ( si on en parlait )… » De quoi se poser pas mal de questions sur les droits de l’Homme et en particulier la liberté de s’exprimer !
(d)
Les transports La modernisation des transports en commun fut un réel défi pour Londres ! Non seulement le Tube est l’un des réseaux les plus anciens d’Europe, mais aussi l’un des plus embouteillés. Londres devait donc prouver que les transports n’étaient pas son talon d’Achille, mais plutôt un atout potentiel pour la ville. Les réseaux de transports vont devoir accueillir plus de 5 millions de visiteurs, en plus des 12 millions d’usagers quotidiens… L’objectif du CIO est de rendre ces Jeux les plus verts et les plus écologiques de l’histoire : 100% des visiteurs doivent transiter en transports publiques, à pieds ou à vélo. Le parc Queen Elizabeth aura l’une des meilleures accessibilités de Londres : 9 lignes de trains le desservent, une dixième verra le jour en 2017, une liaison directe depuis l’aéroport en 20 minutes, une station Eurostar et une connexion avec le ring M25.
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Ils proposent donc aux quelques 10 millions de visiteurs plusieurs manières de se rendre au site de Stratford. Les liaisons existantes sont fluidifiées, améliorées et une nouvelle ligne de métro est créée. Au niveau des voies ferrées, un nouveau train à grande vitesse, le Javelin, effectuera les liaisons de la gare Saint Pancras International, lieu d’arrivée de l’Eurostar, à Stratford International en seulement 7 minutes, à une centaine de mètres du parc olympique… Et concernant les pistes cyclables, de nouvelles zones sont tracées et sécurisées. Au total, près de 8 milliards ont été injectés pour améliorer la logistique des transports. Quelle est la politique des parkings ? Pour ceux qui s’obstinent à vouloir venir en voiture, le Westfield Stratford, nouveau centre commercial, accueille 5000 places de parking. Mais encore faut-il y arriver ! Lors des JO, certaines avenues sont réduites de trois à une bande, ce qui même pour les taximen résulte d’un vrai parcours du combattant ! Les seules voies aux abords du site des Jeux Olympiques étaient usitées par les bus. La politique des JO était clairement de favoriser les transports ‘verts’… Par la suite, les parkings réservés aux logements auront un ratio de 0,5 pour encourager une mobilité douce. La station de Stratford est par ailleurs la troisième gare de Londres en terme d’affluence de trains. Le lieu a été stratégiquement connecté au centre ville pour faciliter la mobilité et freiner l’utilisation de la voiture.
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(e)
L'éducation Le parc olympique est un symbole de renouveau et de développement pour l’est de Londres, un exemple pour les futures générations. Neuf crèches et une école, the Chobham Academy(1), réunissant les classes maternelles, primaires et secondaires seront développées pour accueillir les nouveaux jeunes habitants. Un travail avec les écoles environnantes a été fait pour offrir des opportunités aux futurs étudiants. Dessiné par Allford Hall Monaghan Morris architects, The Chobham Academy accueillera 15 000 m² d’équipements scolaires. Composée de trois bâtiments, le premier sera destiné aux salles d’arts et de sport, le second ( le tambour ) destiné au niveau secondaire et le dernier aux niveaux primaires et maternelles. Les trois complexes sont liés par une typologie identique : la continuité dans le traitement du sol, des structures et des façades donne une unité au complexe éducatif(2). Les trois bâtiments sont posés sur un même socle unificateur en béton noir lisse. Les façades sont composées de murs rideaux ponctués par de petites inclinaisons ayant pour fonction d’aérer l’édifice naturellement. La teinte des façades ( couleur ‘eau du nil’ ) reste de manière générale assez claire. L’utilisation de certains matériaux sans traitements supplémentaires ( couche de peinture par exemple ) a permis de réduire les coûts de construction et donne un aspect durable au bâtiment car il n’y a pas d’entretien. Les aires de jeux, terrains de sport et la végétation absorbent les nuisances sonores des voies ferroviaires et autoroutières environnantes. Ce sont de véritables espaces tampons avec pour effet d’être des isolants acoustiques naturels. Le ‘tambour’ ( bâtiment central de forme arrondie ), qui se perfectionne dans la littérature et les arts de la scène ( musique, théâtre ), sera
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1. http://www.hoarelea.com/projects/category/schools_and_academies/jcb-academy 2. http://www.ahmm.co.uk/projectDetails/9/Chobham-Harris-Academy?sub=design
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composée d’une salle de spectacle de 190 places et de studios de danse et théâtre. Ces salles permettent de consolider le complexe, le rendre plus fort, plus complet. Seront également présentes des salles de sport couvertes. Pourquoi l’école a-t-elle privilégié la construction de nouvelles salles sportives plutôt que d’utiliser les infrastructures sportives qui se veulent ouvertes au public ? L’intérêt est-il simplement d’avoir des salles de sport privées, adaptées à l’éducation ? Pourtant la Copper Box est une salle de sport polyvalente pouvant accueillir différents sports enseignés à l’école… Il se trouve que les frais de location étaient en fait trop élevés pour la Chobham Academy. On peut alors se demander si les installations sont effectivement à la portée des riverains Stratfordiens… Néanmoins, l’école utilisera la piscine olympique pour ses cours de natation. De plus, l’école s’inscrit dans la volonté de développement durable du CIO. Le béton est composé de manière générale d’agrégats recyclés : les dalles de sol sont composées de 26% de matières recyclées, les matériaux de construction de 23%, les structures et les fondations de 38%. L’aération naturelle est favorisée à la ventilation artificielle ( par des pans inclinés de la façade ) et le toit accueille différentes herbes et plantes et favorise une certaine biodiversité. Les émissions de CO2 sont réduites de 40%. Le bâtiment, d’un budget de 39 millions €, a un niveau ‘excellent’ selon le BREEAM ( Bre Environmental Assessment Method’ ). Mais le programme va plus loin ! Un accord a été signé en novembre 2012 entre la prestigieuse université londonienne d’UCL et le council de Newham, pour établir un projet de campus universitaire de hautes technologies sur les 9 hectares du quartier et « attirer des chercheurs, des entreprises high-tech, créer des emplois, bref la clé pour restaurer Stratford », explique un porte-parole du Council de Newham. La ville de Gênes, en Italie, nous a montré combien la population jeune était indispensable à la revitalisation d’un quartier défavorisé.
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Pour ce faire, Gênes a développé un pôle universitaire important avec les logements attenants. Les étudiants prennent alors possession des lieux, le sécurisent et le dynamisent. Pour Stratford, ce sera une opportunité de plus d’amener la technologie, les sciences, la recherche et l’éducation aux quartiers défavorisés. L’université de Stratford projette d’ouvrir ses portes en 2026, pour le bicentenaire de l’UCL, et espère s’agrandir au fil des années, dans un aspect durable. Les bâtiments reflèteront les plus hautes normes en terme de développement durable, tout en respectant sa destination première. UCL University compte s’implanter dans la zone de Carpenters Estate. Avec un master plan(1) actuel de plus de 220 000 m² et un capital d’investissements estimé à 1,2 milliards €, le campus cherche à devenir une entité indépendante de celle de Boomsburry. L’université veut développer un large panel d’études, avec des pôles d’enseignement et de recherche, mais aussi des logements pour les étudiants et les salariés ( avec leur famille ), 120 000 m² d’espaces publics et 18 500 m² dédiés au partenaires locaux travaillant autour de l’éducation. Non seulement, le campus aura comme avantage la réhabilitation du quartier de Carpenters Estate, mais aussi la création de 3300 jobs permanents(2). Au sujet de Carpenters Estate, le quartier fut construit en 1967 et se composent des trois tours les plus élevées du district de Newham. En 2004, il devenait nécessaire de rénover ces tours en état d’abandon et de les remettre au goût du jour. Aujourd’hui, il y a une recherche de régénération à long terme du quartier. Suite à une étude poussée, les coûts de rénovation évalués par tour montaient à 30 millions €, à cause du processus de décontamination d’amiante, ce qui était extrêmement coûteux. Il a été décidé, d’abord, d’abattre l’une des trois tours, la James Riley Point, car principalement vide, afin de gagner de l’espace au sol et de conserver les deux autres, les tours Lund Point et Dennison Point qui accueillaient plus de locataires et de propriétaires, grâce au right-to-buy. La tour James Riley Point accueillait précisément quatre
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1. http://www.ucl.ac.uk/stratford/stratfordproposition.pdf 2. http://www.newham.gov.uk/Regen/GreaterCarpentersNeighbourhoodResidentNewsletter.htm
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locataires, la tour Lund Point accueillait encore 15 locataires et 15 propriétaires, tandis que la Dennison Point accueillait 19 locataires et 17 propriétaires. Sur un total de 434 logements, seuls 70 étaient occupés… En 2004, les autorités du Newham décident que les propriétaires seraient tenus de réaliser leurs propres travaux de rénovation, mais qu’il ne serait pas correct de faire payer les locataires, ni de les laisser vivre dans des logements insalubres. Les travaux de décontamination ont déjà commencé, malgré le fait que l’amiante soit coulée dans le béton… Finalement, avec l’arrivée de la crise économique, les Autorités du Newham ont considéré qu’il était trop coûteux de rénover les deux dernières tours de Carpenters Estate… En 2008, une décision a été prise de détruire les trois tours. Aujourd’hui, 70% des résidents de Carpenters Estate ont retrouvé un logement dans le Newham. Les délogés ont été mis en première ligne de la liste d’attente des logements sociaux du Newham, y compris de l’East Village. Cette implantation est stratégique : non seulement Stratford est devenu une plaque tournante grâce aux Jeux Olympiques et devient donc une nouvelle centralité qui profite à l’université, mais l’université profite aussi au quartier et de sa mobilité. C’est donc un double avantage. L’avantage du campus est qu’il attirerait aussi les petites, moyennes et grandes entreprises qui souhaitent collaborer et s’implanter à proximité immédiate des pôles de recherche et de technologie. Cela signifie également plus d’offre d’emplois. L’UCL prévoit la création de 2000 emplois lors de la phase de construction avec 50% d’ouvriers provenant du Newham. Par la suite, l’université prévoit également 4500 postes permanents dont 2300 destinés aux riverains. Si l’UCL offre 3300 emplois à la population défavorisée de Stratford, ce n’est pas pour devenir enseignant mais plutôt technicien de surface ou serveur à la cantine. Ils ne sont généralement pas qualifiés pour pouvoir enseigner ou pour tout autre emploi du même genre… Par contre, la middle-class londonienne compte plus de têtes qualifiées répondant
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aux places d’enseignants et de chercheurs. Des emplois seront aussi proposés aux étudiants. ‘Oxford Economics’ voit en l’UCL Stratford de hauts bénéfices concernant les développements socio-économiques. L’université anticipe déjà ses futures extensions et ses capitaux d’investissements. De plus, l’UCL Stratford collabore avec d’autres universités de renom ( University of London ), des écoles locales, des entreprises et des partenaires santé ( Academic Health Science ) afin de renforcer les soins et la santé de la communauté locale. L’UCL Stratford se dit aussi ouvert à la population locale du Newham… Or, le district compte l’une des populations les plus défavorisées du Grand Londres et, lorsqu’on voit le prix des acceptations universitaires, on se demande si l’UCL Stratford ne se met pas un doigt dans l’œil… Les populations locales ne seront pas capables de payer de telles sommes ( 10 000 € par an ! ) pour instruire leurs enfants ! Les 20 000 étudiants attendus seront principalement de la middle et high-class londonienne. Et cela renforce une fois de plus la volonté d’installer une toute nouvelle population à Stratford… La grande potentialité de l’université et de l’environnement olympique en terme de développement durable a déjà attiré bon nombre d’investisseurs privés, principalement étrangers, avec un total de 1,9 milliards €.
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Les commerces Avec ses 175 000 m2 d’allées et ses 300 boutiques, le Westfield Stratford ouvrait déjà ses portes le 13 septembre 2011, avant même les JO. Le centre commercial accueille également un casino, un cinéma de 17 écrans, 50 restaurants et 2 hôtels totalisant 600 chambres. Westfield Group(1) est un groupe australien, le plus grand gestionnaire de centres commerciaux au monde en termes de capitalisation boursière. Le groupe en possède 124 au total, principalement en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis. Ces centres commerciaux se fondent sur une diversification économique : commerces, loisirs, restauration… Le dernier Westfield est celui de Stratford et apparaît comme le plus grand de ce genre en Europe. Ils prévoyaient que 70% des visiteurs venus saluer les JO 2012 passeraient par le centre commercial. Dés l’ouverture de ses portes, 200 000 personnes ont fréquenté le site, premier signe d’une attraction majeure qui dépasse Stratford et ses environs. Des estimations portent à 26 millions le nombre de visiteurs à venir par an au Westfield Stratford ! Le groupe veut faire de Westfield Stratford un centre commercial d’envergure régionale et mondiale, à l’attrait touristique durable, même après l’événement des JO. Situé à un point stratégique entre les gares régionales et internationales, le Westfield s’impose au cœur du nouveau centre de Stratford et révèle la privatisation de l’espace et du secteur privé pour construire ce nouveau quartier.
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1. http://www.westfield.com/corporate/
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Le projet de centre commercial était imaginé dès 1998, mais c’est en 2004 que le permis est déposé à la municipalité de Newham. Il s’agit de l’autorisation la plus importante jamais demandée dans le Grand Londres… En 2006, Chelsfield et Stanhope qui finançaient le premier projet, revendent le projet à Westfield. Un nouveau permis de bâtir est alors déposé avec quelques modifications intégrées au programme des Jeux Olympiques. Quelles sont les conséquences d’un tel centre commercial pour les petits commerçants locaux ? La concurrence du Westfield Stratford est en effet de taille face aux petits commerçants environnants ! L’ancien centre commercial était composé de magasins bon marché, d’étals de fruits exotiques, de vendeurs de saris, d’agences de voyage lituaniennes et polonaises pour la forte majorité d’étrangers… C’était une sorte de ‘bazar’. Les petits commerçants comptaient sur les JO comme un gain économique pour eux. Que du contraire ! Leurs recettes ont baissé, le mécontentement a, lui, augmenté : les seuls achats n’étaient autorisés que dans l’enceinte du parc olympique, ce qui était clairement en défaveur des petits commerçants. Comment peuvent-ils rivaliser avec un tel mastodonte ?! Stratford reposait essentiellement sur son attraction commerciale et ses services de proximité. De plus, le nouveau Westfield est inabordable pour les locaux, le centre commercial est clairement destiné à une autre classe sociale et le centre commercial ne répond pas à la demande des riverains… Il s’est imposé face à l’ancien centre commercial et l’a masqué, littéralement. Non seulement par son importante concurrence, mais aussi par le mur fleuri qui le cache. Les deux centres commerciaux ne se destinent pas à la même classe sociale : l’ancien centre visait la classe défavorisée de Stratford, alors que le nouveau vise la middle-class et la high-class. Officiellement, le Westfield devait proposer une gamme de commerces de chaîne absents ou peu présents dans l’est de la capitale, mais le propriétaire australien a dû revoir sa stratégie commerciale face à la crise : une partie de la
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surface du Westfield a été ainsi dédiée à des commerçants locaux et indépendants, ce qui a changé la donne pour les petits commerçants alentours. Il y a donc une tentative de contamination positive, de petite envergure, au sein du Westfield… De plus, le visiteur est mené instinctivement dans le Westfield Stratford depuis la gare… Non seulement les flux sont canalisés vers le Westfield, mais en plus, l’ancien centre commercial est désormais masqué par un vaste mur de 250 mètres de métal aux motifs floraux, car le parking et l’entrée peu riante étaient trop visibles depuis la gare et ses quais. C’est bien simple, le tri se fait automatiquement à la sortie du métro : on se dirige à gauche vers le resplendissant et attrayant Westfield et sa passerelle de verre, qui donne une superbe vue sur le site des JO… Enfin, le promoteur a mis le paquet au niveau des néons et enseignes publicitaires, ce qui focalise encore une fois la vue sur le Westfield Stratford. C’est un nouveau paysage de nuit qui s’offre à Stratford, au détriment de l’ancien centre commercial… De nouveaux développements commerciaux sont-ils encore envisageables à Stratford ? Peuvent-ils concurrencer Westfield Stratford ? Le district de Newham souhaite implanter un ou plusieurs hypermarchés, absents actuellement du nouveau centre de Stratford. Ce nouvel apport apporterait une complémentarité à l’offre commerciale locale, plutôt que de chercher à concurrencer le Westfield Stratford. Ces hypermarchés permettront aussi d’encrer la population résidant dans les nouveaux quartiers.
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(g)
Les installations médicales Le centre médical, du bureau Penoyre & Prasad, sera inclus dans l’East Village et donc à travers des nouveaux logements sociaux. Il offrira un panel de 60 services médicaux et de bien-être différents.
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Les sources d’énergies La nouvelle centrale énergétique de King’s Yard, conçue et financée par Cofely ( une filiale de GDF ) a été officiellement inaugurée par le Maire de Londres en octobre 2010. L’objectif zéro carbone prôné lors des Jeux Olympiques 2012 était également de rigueur pour cette centrale énergétique. La centrale rentre dans les critères de développement durable que la ville s’était imposée : réduire de 50% les émissions de carbone du Parc Olympique tout en étant efficace. Les installations utilisent des sources d’énergies renouvelables, une transformation plus efficace du combustible que les centrales classiques, un recyclage des eaux usées pour les tours de refroidissement, un réseau chaud-froid à basse température pour réduire les pertes d’énergies… C’est en effet un atout pour la capitale anglaise car non seulement les citoyens londoniens en profiteront, des emplois seront créés et il y a une transition importante vers une économie peu carbonée. Un second point fort est sa localisation : les énergies de Stratford sont produites sur place ! La
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centrale couvre les besoins de chauffage et de climatisation sur l’ensemble du parc olympique, du nouveau quartier de Stratford et des futures infrastructures ( 5 quartiers ) qui verront le jour après 2013, grâce à un système de tri-génération. C’est un système performant et avec de faibles émissions de CO2, produisant à la fois de la chaleur, de la climatisation et de l’électricité à partir de gaz naturel et de biomasse. La climatisation sera garantie par des groupes électriques à ammoniac associés à des refroidisseurs à absorption, fonctionnant à l’aide de la chaleur récupérée du centre énergétique(1). Cette centrale énergétique est la plus importante de ce genre au Royaume-Uni. Avec un investissement de 100 millions € en concession durant 40 ans, Cofely devrait toucher des recettes estimées à 1,5 milliards €. Elle est un exemple pour les centrales à venir et sera au cœur des futurs projets de développement durable. Ce projet de centrale énergétique permet l’élimination des chaudières individuelles chargées de carbone et réponds au besoin de développements de l’Est londonien. La centrale est également flexible et modulable en fonction de la croissance et de la demande, ce qui lui permet de pouvoir augmenter sa capacité et intégrer des équipements de pointe supplémentaires. Une deuxième centrale de production d’énergie est en cours de construction à Stratford afin de couvrir les besoins des nouveaux quartiers et de servir d’appoint au Parc Olympique. Grâce à cette seconde centrale, ce seront 20 000 foyers qui seront alimentés tout en réduisant les émissions de carbone d’au moins 20%. Les bâtiments raccordés à cette colonne vertébrale énergétique peuvent être de toute nature : logements, bureaux, écoles, hôpitaux, piscines. Les bureaux et universités pourraient être alimentés en journée, les logements au matin et au soir… L’accent a également été mis sur l’architecture du bâtiment(2) : la société John McAslan & Partners s’est inspirée des célèbres centrales londoniennes ( Tate Modern, Battersea ) et veut refléter l’héritage victorien du site Olympique. Le centre énergétique a également été conçu de façon à s’intégrer dans un ensemble plus vaste de 70 bâtiments techniques situés sur le Parc Olympique. Ces autres bâtiments techniques
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1. http://www.enerzine.com/14/10630+jo-2012---la-centrale-energetique-du-parc-olympique+.html 2. http://www.blog-habitat-durable.com/article-une-centrale-energetique-pour-les-jo-et-un-reseau-de-chauffageurbain-de-londres-a-la-francaise-108750963.html
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auront une identité propre qui les différencie des infrastructures sportives environnantes. Au final, ces centrales énergétiques seront un héritage considérable pour le développement durable du quartier de Stratford. Quelques chiffres clés : - d’une capacité initiale de 46,5 MW pour le chauffage et de 16MW pour la climatisation. - un réseau urbain de 15 km desservant chauffage et climatisation. - 5 tours de refroidissement et deux générateurs d’eau chauffée pesant chacun environ 60 tonnes. - la plus haute tour est à 45 mètres de hauteur. - budget de 100 millions € - énergie fournie à la centrale : 20% des fermes éoliennes de GDF au Royaume-Uni et 80% provenant de huit réacteurs nucléaires.
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3 — Le Budget
Les investissements servent le bon déroulement des compétitions sportives mais principalement une stratégie de régénération urbaine à long terme ( le legs territorial ), sur les expériences de Barcelone ( 1992 ), Sydney ( 2000 ), Athènes ( 2004 ) et Pékin ( 2008 ). Cette stratégie implique différentes implications paysagères, urbanistiques et fonctionnelles. Stratford a été choisi car c’est un territoire plus compétitif dans le contexte de la mondialisation et de la métropolisation, une banlieue industrielle en déclin de l’est londonien.
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En 2005, le budget annoncé était de 3,4 milliards de livres, soit 4,2 milliards d'euros, auxquels venaient s’ajouter un financement privé de 930 millions €. A l’aube de l’événement, le budget a plus que triplé et approche aujourd’hui les 13 milliards €, avec pratiquement plus aucun financements privés(1). On évalue même à 29 milliards le total des coûts, directs et indirects ( présence policière et militaire )(2). Les JO ont aussi généré la création d‘emplois : 46 000 ouvriers ont pris en charge les travaux du parc et du village olympique. Au total, 100 000 contractuels et 70 000 volontaires se sont mobilisés(3). Les premiers calculs ont ‘oublié’ les frais de TVA de 1,5 millions € ou encore les frais de sécurité estimé à 1 milliard €… Les organisateurs espéraient un geste financier de la part du chancelier de l’époque, Gordon Brown, mais celui-ci n’a rien voulu savoir. De plus, certaines infrastructures, comme le parc aquatique, ont dû être réduite car leurs coûts ont été doublés par l’inflation des prix de la construction. Le stade olympique a lui aussi demandé 30 millions € de plus, qui au total a coûté 1,2 milliard €… Le budget dédié au village olympique fut de 675 millions €. Avec la crise financière, l’Olympic Development Authority ( ODA ), la structure responsable de la construction des infrastructures nécessaires à l'accueil des JO de Londres, a dû contracter un prêt de 284 millions € auprès de la Banque européenne d’investissement. Un complément financier a été apporté par un promoteur australien, Lend Lease Corp. Le village a été vendu pour 634 millions € à une entreprise de Qatari Diar. Mais le budget le plus important fut attribué aux transports : 8 milliards € ! Au bas du classement des dépenses se trouvent les cérémonies d’ouverture et de clôture avec un montant de 100 millions €.
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1. http://www.lefigaro.fr/sport-business/2008/08/23/04014-20080823ARTFIG00062-le-budget-des-jeuxde-a-londres-derape-serieusement-.php 2. http://www.lefigaro.fr/sport-business/2012/04/17/20006-20120417ARTFIG00685-le-vrai-cout-des-jode-londres.php 3. http://tempsreel.nouvelobs.com/jeux-olympiques-de-londres-2012/20120723.OBS7954/les-jeux-olympiquesen-30-chiffres.html
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La sécurité a de son côté coûté 670 millions €. C’est l’un des postes responsables de la flambée du budget olympique. Le nombre d’agents de sécurité avait été sous-estimé et a dû être revu à la hausse, passant de 10 000 à 23 700 vigiles. Cette erreur a fait doubler le budget initial ! Comme le budget olympique a beaucoup souffert, on craignait que le programme et la raison d’être des JO 2012, la régénération du tissu urbain, soient entaillés. De nombreux investissements devaient être versés au village olympique, mais les frais n’ont cessé d’augmenter et les autorités ont entretenu le flou sur les projets concrets qu’ils comptaient réaliser, à l’exception de l’amélioration des transports en commun. Un rapport précis de la mairie de Londres détaillera ce que les Londoniens devront payer : 1,5 milliards € proviennent directement de la ville, le reste vient du gouvernement. Lorsqu’on voit qu’un tel budget désert un événement si éphémère, les limites de l’acceptable n’ont-elles pas été dépassées ? On peut considérer que les limites de l’acceptable ont été dépassées dans le cas d’Athènes, mais pas celui de Londres. Même s’il a été mal évalué, le budget de Londres ne désert pas seulement un événement et ses frivolités, il apporte bien plus : un renouveau urbanistique en profondeur sous le signe du développement durable ! En ce 19 juillet 2013, le gouvernement britannique annonce les JO 2012 ont eu d’importantes recettes économiques, évaluées à plus de 10,4 milliards €(1). L’afflux de touristes et leur consommation, les retombées commerciales et les investissements ne cessent de renflouer le creux des 13 milliards € ( officiellement ) déboursés.
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1. http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/service-distribution/actu/0202907047284-jeuxolympiques-londres-rentre-dans-ses-frais-587860.php
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4 — L’environnement La question de l’environnement est le troisième pilier des Jeux Olympiques, après le sport et la culture. Un terrain radioactif ? Avant même la construction du projet, plusieurs riverains avaient fait part de leur inquiétude face aux déchets radioactifs enfuis sous le site. En 1993, une étude radioactive de la zone a révélé un taux de radiation trois fois supérieur à la moyenne, alors que les déchets étaient encore sous terre ! Les riverains ont saisi la justice et craignaient que les travaux mettent à jour ces déchets enfouis en 1959. Devant l'inquiétude des riverains, la London Delivery Autority, donneur d'ordre des JO, a assuré qu'elle consulterait la "Health and Safety executive », en charge de la santé et de la sûreté, et les autres organismes concernés pour s'assurer que la méthode utilisée pour les travaux soit sûre". Mais les risques ne se limitent pas à cette zone. En effet, avant 1965 et la loi réglementant l’enfouissement des déchets radioactifs, de nombreux déchets ont été disséminés dans Londres sans que les autorités soient au courant de leur emplacement exact(1). Les risques de radioactivité ne se limitent donc pas à cette zone, mais pourraient être plus conséquents… Une histoire qui ternit très clairement l'objectif de Londres de faire de ses JO les jeux les plus "écologiques de l'histoire". Les deux tonnes de terre contaminées du site industriel ont été dépolluées, nettoyées et réutilisées sur place, évitant les transports inutiles. La rivière Lea a elle aussi été nettoyée et pas moins de 33 ponts la traversent aujourd’hui. «Le parcours de la vallée de la Lee River était un endroit sale, et c'est devenu un refuge de biodiversité» souligne Kathryn Firth.
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1. http://marketing-sportif.blogg.org/date-2007-01-26-billet-522889.html
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Les Jeux Olympiques les plus durables de l’histoire Les Jeux Olympiques de 2012 seront les premiers à mesurer leur empreinte carbone sur la durée intégrale du projet et les premiers à s’engager vers un objectif zéro concernant les déchets enfouis. La liste des dispositions écologiques n’a jamais été aussi longue pour une ville organisatrice des Jeux Olympiques, qui subit une vraie cure d’assainissement. Le stade olympique est d’ailleurs le plus durable et le plus écologique du monde. Ses structures métalliques, démontables si nécessaire, ont été construites à base de pistolets et de couteaux recyclés(1) ! C’est aussi le stade le plus léger jamais construit dans l’histoire des Jeux Olympiques modernes. Hormis ses structures métalliques, il est composé de béton à faible densité carbonique, de chanvre et de polymèdre recyclable. Un autre atout du stade sont ses bassins de récupération des eaux de pluies, ce qui est fort judicieux dans un pays comme la Grand Bretagne. Même si le budget du stade s’est envolé, le développement durable est resté une ligne de conduite jusqu’à la fin. Le vélodrome se distingue par un système de ventilation naturelle et une utilisation restreinte de la lumière artificielle grâce à l’installation de petites lucarnes sur le toit. Ce complexe possède également des bassins de récupération des eaux de pluie, qui permettent d’irriguer les terrains et le rinçage des toilettes. Par une diminution de l’acier et de béton, la Basketball Arena est elle aussi particulièrement légère et put être démontée pour être vendue à un pays en voie de développement ou au CIO pour les Jeux Olympiques de Rio en 2016. Quant au centre aquatique, le deuxième bâtiment le plus vaste après le stade olympique, sa construction a été élaborée à partir de blocs préfabriqués modulaires ( en béton malgré tout ), qui minimisent les rejets de CO2. De plus, les matériaux, dont les 866 000 carreaux nécessaires à la construction de la piscine et des vestiaires, ont été acheminés en train et non pas en camion.
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1. http://www.zegreenweb.com/sinformer/les-batiments-des-jeux-olympiques-de-londres-respectent-lesstandards-du-developpement-durable,56878
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Le projet éolien, trop coûteux, a été mis de côté. La part des énergies vertes est donc passée de 20% à 12%, selon les estimations. Le doute s’est posé face aux commanditaires : British Petroleum et Dow Chemical. BP est responsable du déversement de pétrole aux larges du golfe du Mexique en 2010, tandis que Dow Chemical se trouve impliqué dans la plus grande catastrophe industrielle de Bhopal en Inde… Ces commanditaires paraissent assez contradictoires et incohérents face aux engagements de développement durable de Londres 2012. Peut-être essaient-ils de se racheter de leurs manquements antérieurs. Et pour ponctuer le tout, même la flamme olympique était ‘verte’. Un combustible moins polluant que la paraffine a été utilisé pour garder la flamme étincelante de jour comme de nuit. Est-ce que tous les projets ont vraiment été aussi verts qu’ils le prétendaient ? Comme l’affirme John Sauven, directeur-exécutif de Greenpeace au Royaume-Uni, « des jeux verts, c’est légèrement contradictoire… Vous faites venir pour un week-end ou une quinzaine de jours des masses de gens, qui prennent l'avion en consommant un maximum d'énergie et repartent de la même façon: difficile d'appeler cela du développement durable». En effet, les Jeux Olympiques sont un événement éphémère qui demande beaucoup d’argent, de temps, d’énormes infrastructures, donc des machineries lourdes et du carburant, et enfin qui impliquent souvent la destruction de l’environnement premier. De grands événements tels que les Jeux Olympiques ont une empreinte écologique importante de par leurs constructions et de la consommation massive des visiteurs. Mais c’est aussi une formidable opportunité pour démontrer que des alternatives sont possibles pour vivre dans les limites des ressources naturelles et exploiter les énergies renouvelables. Or, on ne peut oublier que le sport et l’environnement sont indissociables… Le sport joue un rôle crucial pour la santé des gens, alors
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qu’un environnement dégradé est néfaste pour l’activité sportive et les athlètes. Leurs enjeux doivent être traités conjointement. Un rapport du WWF, Towards a One Planet Olympics, a analysé les capacités des JO au développement durable. Le WWF est au cœur des efforts pour dresser les challenges environnementaux, s’adressant aux athlètes, aux touristes comme aux autorités politiques. Axé sur 5 problématiques, à savoir la biodiversité, la gestion des déchets, le changement climatique, la vie saine et l’inclusion sociale, le plan écologique mis en place pour les jeux d’été est titanesque ! Le rapport post événementiel cherche à savoir si les 76 efforts promis par Londres durant les JO ont été atteints ( vert ), s’ils ne sont pas encore atteints mais en bonne voie ( orange ) ou s’ils n’ont pas du tout été remplis ( rouge )(1).
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1. http://www.bioregional.com/news-views/news/report-reveals-london-2012-s-sustainability-performance/
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Globalement, le taux vert est supérieur aux deux autres, encore faut-il que le taux orange ne se transforme pas en rouge ! Le diagramme suivant détaille plus amplement les objectifs atteints ou non.
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On remarque également que les efforts promis au cours des JO ont été en majorité atteints, alors que ceux prévus dans la phase d’héritage sont majoritairement en bonne voie.
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Les points verts La réduction considérable du carbone dans la construction des sites olympiques fut une réussite ! Ce succès s’explique par la prise en compte des matériaux dés le premier stade du projet, avec une étude du bilan carbone à l’appui pour chaque étape. La publication d’une méthodologie détaillée sur le sujet a fortement aidé à rehausser la façon de calculer et de réduire les émissions de carbone. Le challenge était donc de comprendre à quelles étapes du projet les rejets de CO2 étaient les plus présents. Le constat fut frappant : 50% des émissions totales de carbone durant les Jeux Olympiques étaient dues à la construction des infrastructures sportives. L’objectif fut donc de réduire l’impact de certains matériaux, en particulier le béton ( un matériau de substitution proche du ciment a permis de réduire de 24% les émissions totales ( 30 000 tonnes ) de carbone ), de dessiner des structures efficaces plus légères et enfin favoriser l’utilisation de bâtiments temporaires sur le marché de la location pour que seules les infrastructures permanentes soient émettrices de CO2 et reçoivent les meilleurs investissements pour leur construction. Les installations temporaires non nécessaires post événementielles sont ainsi démontées pour être réutilisées ailleurs ( telles que l’Arena de basketball ). Les infrastructures sportives ont été revues à la baisse suite au premier bilan-carbone et sont beaucoup plus durables que tout autre stade sportif construit antérieurement. Réduction des émissions de carbone par rapport un projet initial : Le stade olympique : - 38 % Le centre aquatique : - 10 % Le Vélodrome : - 15 % Structures, ponts et autoroutes : - 14 % L’initiative de réduire le bilan-carbone est aussi une économie d’argent !
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Les points rouges Un tel événement mondial est synonyme de consommation d’énergies ! Le gouvernement britannique s’est néanmoins engagé à réduire de 80% ses émissions de carbone d’ici 2050… Cela relève quasiment d’une mission impossible ! Le principal manquement concerne les énergies renouvelables… Manque de budget, les organisateurs ont sacrifié entre autre les énergies éoliennes. La production des énergies renouvelables s’est avérée profondément décevante : seuls 9% de l’énergie consommée se voulait ‘verte’, ce qui est relativement faible face aux 20% soutenus dans le cahier des charges. De plus, certaines collaborations avec des sponsors commerciaux n’ont pas donné les résultats espérés en faveur d’un développement durable. La consommation de nombreux produits dérivés se prétendaient écoconçus et étaient labellisés JO. Ce point là devra être revu pour les JO de Rio… Les points rouges lors des Jeux concernent : « la base des infrastructures pour un développement durable », « la promotion des liens entre la santé, l’alimentation, le sport et le bien-être », « un développement du parc olympique reflétant le patrimoine local dans la culture contemporaine », « des billets et des hébergements à prix abordables » et un « programme promouvant les bénéfices du sport et de l’exercice pour la santé ». Dans la colonne de l’héritage post événementiel, les points rouges concernent : « la capacité du village olympique à être énergétiquement auto-suffisant », « un niveau zéro de déchets par un recyclage intense des déchets résiduels et l’utilisation des énergies renouvelables », « l’augmentation de marchés de produits recyclés », « la possibilité de former et d’offrir des emplois aux communautés locales » et « l’utilisation de matériaux locaux et durables dans la chaîne d’approvisionnement ».
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Les points oranges Ces points concernent particulièrement la gestion des déchets. D’une part, il y a eu une grande réussite pour la majorité des installations : les objectifs ont été atteints ou sont en voie de l’être. D’autre part, sur l’ensemble de l’événement, l’ambition d’être un catalyseur pour de plus larges changements a été loupée. Les objectifs premiers de réutilisation, recyclage ou récupération: Phase de démolition : plus de 90% Phase de construction : plus de 90% Ces objectifs ont été largement atteints avec des chiffres respectifs de 98,5% et 99%(1) ! Le WWF pointe cette réussite comme un exemple à suivre pour les prochaines éditions. Les actions du LOCOG ( London Organising Committee of the Olympic Games ) ont démontré une véritable intention d’aboutir à l’objectif de zéro déchets directs dans les décharges. De bons exemples ont été accomplis : d’une part la collaboration avec la firme Coca-Cola qui a prôné des messages engageants envers les consommateurs durant les Jeux et une mise en évidence des poubelles sur le site, et d’autre part une collaboration avec Heineken qui a développé des bouteilles en plastique recyclable, les premières en son genre. Mais il y avait aussi comme objectifs de faire participer la population locale, leur offrir des emplois et des formations, augmenter le marché des produits recyclés, utiliser les déchets comme compost et énergies renouvelables. Ces objectifs là n’ont pas été atteints, ni pendant ni après les Jeux… En conclusion de ce rapport, Londres a fait un pas de géant comparé aux éditions précédentes mais de gros échecs ont encore eu lieu. Le bilan reste donc mitigé, la ville aurait pu mieux faire… Mais Londres est la preuve que certains efforts peuvent être récompensés et que de nouveaux objectifs sont à relever.
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1. http://www.bioregional.com/files/publications/Reuse-and-recycling-on-London-2012-olympic-parkOct-2011.pdf
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Qu’en est-il de la faune et flore présente avant l’événement ? La faune autrefois présente a été déplacée, on ne sait pas où, pour être réintroduite à la fin des derniers travaux d’aménagement. L’objectif est de faire du Queen Elizabeth Park une réserve naturelle pour les espèces rares. « Nous avons déplacé des tritons, des crapauds et des hirondelles de rivage vers de nouveaux habitats afin qu’ils ne soient pas affectés par la construction, et ils seront réintroduits dans cette zone après l’achèvement des travaux », précise le site officiel des JO de Londres. Les JO vers une conscientisation de la population ? Une prise de conscience a été inévitable lors de ces Jeux, non seulement à cause du budget démesuré mais surtout grâce au bilan-carbone dans le processus de construction. L’impact significatif des Jeux pousse les industries de constructions britanniques à aller plus loin dans les infrastructures durables. De telles infrastructures feront désormais appel à une étude préalable des émissions de carbone.
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IV. Une réflexion sur l’After Games ⁄ Effectivement, Londres a mis l’accent sur l’Après Jeux. Comme le montre la ligne du temps ci-dessous, le programme post-événementiel a été plutôt bien défini : dates précises des chantiers et des réouvertures du parc Queen Elizabeth ainsi que des différents stades… Dés juillet 2013, les premiers stades, comme le Lee Valley Hockey, le Tennis Center ou le Copper Box, auront fait peau neuve et seront rouverts. Quelques mois plus tard, c’est au tour du Chobham Manor de démarrer ses chantiers et ainsi de suite jusqu’en 2015, pour la venue de compétitions internationales. Le programme ‘morphologique’ a été bien défini mais le programme fonctionnel l’était moins… Effectivement, on remarque que chaque chantier a déjà ses contraintes temporelles mais qu’en est-il de leur fonction ? Certains stades ont eu leur avenir tout tracé, comme celui de la piscine olympique, mais d’autres ont plus de peine à trouver acquéreur. Prenons l’exemple du stade olympique dont le sort est resté incertain pendant sept mois après les JO (entre stade de formule 1 et piste d’athlétisme, le stade a finalement été cédé au club de football de Westham), et celui de l’International Broadcast Center qui l’est toujours par exemple ! Les organisateurs le destinent à se convertir en bureaux mais il n’y a encore aucun acquéreur… Malgré cela, l’avenir économique du site mène à penser que ce centre de presse trouvera vite un propriétaire. Souvent, la ville entreprend des transformations en vue de rendre le site accessible aux londoniens, mais parfois elle n’a pas d’idée bien précise de ce qu’il en adviendra. Une réflexion post-événementielle ne devrait-elle pas s’établir plus en amont de l’événement, avant même celui-ci ?
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MILAN, EXPOSITION UNIVERSELLE, 2015 |
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I. Introduction ⁄ C’est cette fois Milan qui prend l’initiative d’organiser la prochaine Expo Universelle, événement à caractère non commercial. L’événement se tiendra du 1er mai 2015 au 31 octobre 2015. Milan prouve que les événements sont un levier à la requalification du tissu urbain. L’événement devient indispensable car il permet d’attirer des touristes tout en reconstruisant la ville. L’événement est le symbole de dépenses et de recettes, le but étant de faire pencher la balance en faveur des bénéfices, ou du moins équilibrer le tout. La ville revêtira donc un nouveau masque, plus ambitieux, plus beau, plus grand, plus haut… Tous les moyens seront bons pour attirer le touriste. Mais encore faut-il le développer de manière durable ! Milan nous prouve qu’une fois de plus, elle met tous les moyens de son côté pour montrer au monde sa prospérité. « Un lieu inédit d’une nouvelle fusion entre l’agriculture et la ville qui nourrira Milan au sens littéral mais aussi sur le plan spirituel et intellectuel ». Est-ce qu’un tel événement est forcément synonyme de crise économique ? Milan nous propose une ruralité urbaine.
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II. La ville de Milan â „
1 — Situation et implantation
Milan
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2 — Caractéristiques urbanistiques Situé à quelques kilomètres du centre-ville de Milan, le site se caractérise par son implantation. Le terrain destiné à accueillir l’Expo 2015 est réparti en trois zones. Ces zones correspondent aujourd’hui à des friches ( pelouses inexploitées, terrains vagues ), délimitées par une voie ferrée, une autoroute, des routes secondaires et des quartiers urbanisés. Le site ne fait qu’exploiter simplement les terrains disponibles. D’une surface d’environ 46 300 hectares, le site de Rho-Pero présente les caractéristiques mêmes du paysage productif de la plaine du Pô. Historiquement marqué par une activité agricole intense, la plaine accueillait des champs de céréales, la riziculture, des élevages bovins et ovins. La plaine du Pô est aussi caractérisée par des prairies permanentes ou humides, placées sous un régime spécial de protection. A plus grande échelle, le projet Bio Milano a pour volonté de créer une ceinture verte autour de la ville de Milan.
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3 — Caractéristiques sociétales Avant 1974, la population de Milan n’a fait qu’accroître… Après cette date, la population a subi une forte décroissance de telle manière qu’en 1987, le nombre d’habitants était passé de 1 743 427 à 1 478 505. Ce phénomène de dépeuplement est en fait une déconcentration urbaine en forme d’ondes de la population vers les zones périphériques. Capitale de la Lombardie, Milan compte approximativement 1 307 500 habitants, ce qui fait d’elle la deuxième ville italienne en terme de population. Elle représente par contre avec son agglomération la plus grande aire urbaine du pays, avec 7 123 600 habitants. Elle est également classée quatrième en Europe, juste derrière Moscou, Paris et Londres. Aujourd’hui, avec 5 millions d’habitants, l’agglomération de Milan est l’une des plus peuplées du pays… et aussi l’une des plus polluées d’Europe ! Les problèmes de pollution sont bien connus des Autorités et sont en grande partie dus à la forte urbanisation et au manque d’espaces verts. Le projet Bio Milano prévoit pour 2015 de doter la ville d’une ceinture verte, qui réduirait l’impact de la pollution. La ville a un climat subtropical humide ( étés chauds et humides avec de gros orages et hivers froids et potentiellement neigeux). Le taux de chômage à Milan est évalué à 11,1% de la population active et à 37,1% chez les jeunes de 15 à 24 ans(1). Depuis 2011, le chômage a connu une forte croissance en Italie, au moment où l’économie nationale commençait à plonger, empêtrée dans des plans d’austérité. Vingt millions de visiteurs seront attendus, les retombées sur la région sont estimées entre 2011 et 2015 à 69 milliards€ et 60 000 emplois directs et indirects sont créés.
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1. http://lexpansion.lexpress.fr/economie/italie-le-taux-de-chomage-stable-en-novembre-a-11-1_367491.html
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4 — Contexte politique et économique Milan est le cœur économique du pays : le siège de la Bourse italienne s’y est implanté et de nombreuses multinationales y sont attirées. La ville possède de nombreux attraits industriels, commerciaux, financiers, universitaires et se distingue également comme étant l’un des centres névralgiques de la mode mondiale. Milan est très fréquentée par les touristes, avec près de deux millions de venues chaque année. La mode, le design et le tourisme contribuent fortement à la prospérité économique de la capitale Lombarde. Milan est aussi reconnue pour son taux élevé de brevets en termes d’innovations(1). Située dans les plaines du Pô, la ville a toujours été économiquement florissante. En 1797, Milan devient la capitale de la République Cisalpine et par la suite du royaume d’Italie. Aujourd’hui, la ville connaît une requalification urbaine importante en vue de l’Expo Universelle de 2015. Les quartiers se transforment, une architecture ambitieuse fait place aux anciens quartiers et donnent une nouvelle vitalité économique à Milan. Comme on le sait, la mafia est fort présente en Italie, c’est pourquoi l’un des défis fut d’empêcher les infiltrations mafieuses dans le projet. Tous ces critères ont fait de Milan une candidate idéale à l’accueil de l’Expo 2015.
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1. http://fr.expo2015.org/milan/pourquoi-milan
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III. L’Exposition Universelle, entre tradition et innovation ⁄
1 — Le Master Plan(1) Superficie : 1 100 000 m2 Architectes : Stefano Boeri, Richard Burdett, Mark Rylander & Jacques Herzog L’Exposition Universelle de 2015 sur le thème de « Nourrir la Planète, Energie pour la vie » a été mis sur pied par l’équipe d’architectes-urbanistes de la Société Expo 2015 S.p.A. ( présidente : Diana Bracco ). Elle regroupe de jeunes diplômés comme d’autres professionnels chevronnés, avec la participation d’architectes de renommée internationale comme Stefano Boeri, Richard Burdett, Mark Rylander et Jacques Herzog. Même si l‘Expo 2015 sera principalement située sur le site de Rho-Pero, au nord-ouest de Milan, la capitale Lombarde utilisera l’événement comme levier et entreprendra également des travaux à l’échelle de la ville entière. Le projet Bio Milano visera à donner à Milan une ceinture verte, la rénovation des Cascinas ( fermes historiques ) éparpillées à travers la ville, un nouveau réseau de transports fluviaux, souterrains, piétonniers, cyclistes… L’Expo 2015 se veut dépourvue de monumentalité comme a pu le faire Paris avec sa Tour Eiffel en 1898, ou Bruxelles avec son Atomium en 1958. Elle recherche au contraire à créer un paysage inédit symbo
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1. http://www.youtube.com/watch?v=1c-sYa_FDn4&feature=player_embedded
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lisant la légèreté et la beauté naturelle. Le site sera projeté comme un tout paysager selon deux axes directeurs, le Cardus maximus et le Decumanus, telle une ville de la Rome antique(1). Milan est déjà établie sur un Cardo et un Decumanus, il semblait donc logique d’en reproduire un sur le site de l’Expo 2015… Le Decumanus aura le nom de World Avenue et accueillera les pavillons des pays participants. Tous les pays seront au même plan, sur la même avenue, symbole d’égalité. La World Avenue aura également un lien direct vers le centre-ville, alors que le Cardo aura une connexion avec la ceinture verte en cours d’aménagement. Le Cardus maximus proposera de son côté des espaces attribués à l’Italie. Une série de lieux seront couverts, d’autres à ciel ouvert. A l’intersection des deux axes directeurs, se trouvera une esplanade de 4350 m², la piazza Italia, symbole de la Grand place romaine et par la même occasion celui de la rencontre de l’Italie avec le monde. L’ensemble de l’Expo sera entouré de canaux artificiels, les Navigli ( à prononcer ‘navili’), qui permettront d’irriguer et rafraîchir le site. Ces canaux navigables ne seront pas sans rappeler les canaux vénitiens dessinés par Leonardo da Vinci et les grands terrains agricoles destinés à la culture du riz et de la vigne. Les canaux s’étendront jusqu’au centre de Milan, permettant une connexion fluviale directe entre le site de Rho-Pero et la darse du centre-ville(2), en actuelle reconversion(3). De nombreux autres canaux artificiels seront réhabilités, ce qui offrira à la ville de Milan une ceinture ‘bleue’, complémentaire à la ceinture verte programmée par le projet Bio Milano. Ce projet de réhabilitation des canaux sera symbolique pour Milan et retracera un voyage culturel à travers la ville. La nouvelle darse sera le ‘terminus’, point de départ et d’abordage du circuit. Différentes interventions de valorisation des paysages longeant les Navigli seront aussi entreprises. Ce sera un héritage considérable de l’Expo 2015 pour Milan !
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1. http://www.stefanoboeriarchitetti.net/?p=705 2. http://vimeo.com/10377287 3. http://fr.expo2015.org/multimedia/video/voies-deau-et-nouvelle-darse-une-video-du-projet
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2 — Eléments structurants Le pari de faire une Exposition Universelle sans pavillon monumental(1) a été lancé ! Les Expos sont habituellement une occasion pour les pays participants de s’illustrer architecturalement. Shangaï avait été des plus originales en 2010… Mais la crise est passée par là et le budget de l’Expo a fondu de 20% par rapport aux estimations initiales. Les maîtres mots seront donc ‘sobriété’ et ‘légèreté’, le béton ayant cédé sa place aux potagers. Les architectes Stefano Boeri, Richard Burdett, Jacques Herzog, Joan Busquets et William McDonough se sont affichés résolument ‘anti monuments’. L’objectif sera plutôt de faire participer le visiteur à un grand banquet le long du Decumanus. Le Master plan reste flexible à certaines variations architecturales, mais est robuste dans sa structure mère. Chaque pays disposera d’une parcelle de 20 x 150 mètres pour cultiver son potager et présenter ses spécialités agroalimentaires. Chaque pavillon sera conçu pour être démonté, recyclé ou réutilisé après l’événement. L’accent sera mis sur le développement durable et l’éco-construction. La promenade sera couverte de 100 000 m² de voiles tendus ou de structures en verre et acier à 90% démontables. Les pavillons seront disposés graduellement selon leur localisation géoclimatique. Le parcours aura pour point de départ de grandes serres reproduisant les grands climats du monde, de la forêt tropicale à la toundra. Aux extrémités de la World Avenue se trouvera d’une part l’Expo Center(2), à l’extrême ouest, renfermant un auditorium, un théâtre, une salle multimédia, quatre espaces de laboratoires et d’autre part une vaste colline artificielle, établie avec la terre des chantiers, et qui ponctuera l’extrémité est du Decumanus. Les canaux seront eux aussi un élément structurant important. L’ensemble du grand potager de l’Expo sera quadrillé de petits canaux et
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1. http://www.lesechos.fr/08/10/2009/LesEchos/20526-149-ECH_milan-prepare-un-potager-geant-pourl-expo-2015.htm 2. http://www.expo2015.org/node/5860
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entouré d’une voie navigable, assurant la fonction de recyclage par phyto-épuration. Ce système d’épuration, élément fonctionnel et écologique, recueillera et nettoiera les eaux entourant le site. Les piétons pourront y accéder à l’aide d’une grande passerelle de 200 mètres de long. Le Palazzo Italia sera le pavillon d’accueil de l’Italie où se dérouleront toutes les grandes cérémonies officielles. Ce sera l’un des seuls pavillons permanents du Cardo, les autres constructions étant des structures temporaires, et deviendra par la suite un espace consacré à la recherche technologique, la formation et l’éducation dans le domaine scientifique. L’édifice fera face à un large plan d’eau proposant différents divertissements ( jeux aquatiques, feux d’artifices, sculptures, scènes flottantes ) que les spectateurs pourront observer depuis la Lake Arena, d’une capacité de 21 000 places. Ce cercle d’eau d’un diamètre de 98 mètres sera un point fort pour l’Expo. Le Padiglione Italia (Pavillon de l'Italie) sera composé de quatre lotissements rectangulaires accessibles depuis le Cardo et situés à proximité de la Piazza d’Acqua ( place d’eau ). Ces quatre blocs accueilleront des espaces d’exposition, de représentation, de restauration et de vente. Au sud de l’Expo se trouvera l’amphithéâtre à ciel ouvert, d’une capacité de 8500 sièges, proposant divers concerts, spectacles, cérémonies et débats. Les zones de services et de restauration se situeront le long du cours d’eau et des espaces boisés. Ce secteur sera prolongé par différents parcours permettant de rejoindre le canal et les Aires Thématiques(1), au nombre de six, dont les serres et les Agro-écosystèmes à l’entrée du site. Ces deux derniers auront pour vocation de proposer un parcours-découverte des ressources naturelles et de conscientiser l’homme face à son impact sur celles-ci. Les entreprises auront également l’opportunité de s’exposer dans les Aires de développement thématique des Sociétés. Les Aires thématiques totaliseront 95 000 m².
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1. http://www.youtube.com/watch?v=Oc2I2Ax8FWI&feature=player_embedded#!
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D’autres aires seront également à la disposition du public, telles que le Children Park, le Media Center, les Aires de Services, etc L’Expo 2015 s’inscrira également dans un vaste projet de réhabilitation des fermes communales ( Cascinas ) du territoire milanais, telle que la Cascina Triulza. Cette ferme, de 12 000 m², est un emblème de l’architecture rurale lombarde et un modèle d’exploitation agricole pour la région. La Cascina Triulza sera donc idéal pour exprimer le leitmotiv de l’Expo 2015. Quelques chiffres clé(1) : - Superficie de l’Expo 110 hectares - The World Avenue : 1,5 km de long et 35 mètres de large - Le Cardo : 325 mètres de long, 30 mètres de large - 130 pays participants - 100 000 m² de voiles tendus - 12 aires de services et restaurants, 30 000 m² - 6 aires de concerts et spectacles, intérieures comme extérieures - 4,5 km de canaux, pour 90 000 m² d’eau - 4 km de promenade au bord de l’eau - 25 000 m² de serres allant jusqu’à 45 mètres de haut. - 3 secteurs des entreprises, 50 000 m²
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1. http://www.skyscrapercity.com/showthread.php?p=55510449
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3 — Stratégies Le site de l’Expo est conçu pour évoluer au fil du temps de manière flexible et durable. Le site deviendra donc un héritage culturel et physique important pour la ville de Milan. La dynamique de la ville liée aux espaces verts plus tranquilles sera une combinaison intéressante pour le futur de la capitale lombarde. Le site de l’Expo deviendra alors un grand Jardin Botanique ouvert aux habitants de Milan et du Monde. Le visage de la ville de Milan change rapidement en vue de l’Expo 2015. a. Le paysage b. Les installations c. Le village de l’Expo d. Les transports e. Les commerces f. L’environnement g. le budget
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(a)
Le paysage Concernant le site de Rho-Pero, le paysage se veut emprunt de simplicité et de beauté naturelle. Le paysage cherche à être mémorable car il se détachera des Expo Universelles habituelles : les potagers seront la principale composante du site, avec les canaux et autres serres… Ni hauts pavillons, ni tours monumentales, mais de grandes avenues piétonnes comparables aux Ramblas de Barcelone ou aux Champs Elysées de Paris, cernées de végétation… Le projet étendra la lymphe vitale générée par le site de Rho-Pero à toute la ville. Le paysage global s’inscrira dans le processus du projet Bio Milano qui a pour objectif d’offrir à la ville une ceinture verte, véritable poumon qui manque terriblement aujourd’hui. C’est pourquoi la ville se ponctuera de différents parcs. Une autre composante du paysage sera les canaux, les Navigli. Leur rénovation contribuera à étendre le réseau fluvial milanais à l’échelle de toute la ville. Une promenade sera également aménagée pour relier les différentes Cascinas, les anciennes fermes agricoles de Milan. Véritable symbole du patrimoine milanais, ces fermes publiques et communales ponctuent la capitale lombarde et seront connectées par les cours d’eau. Ce sont des lieux dévoués à l’agriculture permettant par la même occasion d’intégrer les couches sociales les plus démunies. Les Cascinas auront donc une valeur historique mais aussi sociale par ses espaces communautaires. Le projet de la Via di Terra ou Voie de Terre franchira les limites du site Rho-Pero et connectera l’Expo au centre-ville de manière directe. Le projet proposera au visiteur un circuit culturel à travers le tissu urbain de la capitale lombarde. C’est un travail complexe que de rendre ces lieux attractifs à travers toute la ville.
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Parcs
Un tel panel de connexions ne pourra qu’inciter le visiteur à parcourir la ville de Milan. La via d’Acqua sera le lien concret entre le site de l’Expo, la ville et son territoire périurbain. Ce réseau fluvial permettra de connecter le parc de Groane, au nord de la ville, et le parc agricole sud de Milan. Cette connexion permettra d’assurer la continuité des espaces naturels, dans la lignée du projet Bio Milano.
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(b)
Les installations de Rho-Pero Le Palazzo Italia, situé près de la Piazza d’Acqua, sera une construction permanente qui sera vouée, après l’Expo, à devenir un centre de recherches de technologies, de la formation et de l’éducation dans le domaine scientifique. Les 175 pavillons des pays participants qui longent le Cardo seront en revanche tous temporaires. Ces structures pourront être démontées et réutilisées ultérieurement, pour d’autres Expo Universelles ou dans des espaces publics par exemple. Le coût maximum de la réalisation totale des travaux sera de 40 millions€ ( hors TVA ), la sécurité incluse. Par la suite, l’Expo sera transformée en Jardin Botanique accessible aux citoyens milanais et aux visiteurs. Le lieu se veut comme une fusion inédite entre l’agriculture et le tissu urbain dense de Milan. Cette fusion permettra de nourrir la ville par une nouvelle diversité spirituelle, intellectuelle et culturelle. Le jardin botanique aura plusieurs objectifs principaux : la culture - la conservation - la collecte, la recherche scientifique, l’éducation et l’enseignement, tout en respectant les objectifs touristiques. Quant aux espaces occupés par les pavillons, ils seront certainement transformés, aménagés et/ou cultivés pour s’insérer dans le Jardin Botanique. Les organisateurs ne précisent pas encore qui s’occupera du Jardin Botanique : seront-ils des experts horticulteurs ou des gens provenant d’une classe sociale défavorisée et en réinsertion, à qui on offri-
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rait des formations ( comme dns le cadre des cascinas ) ? Les travailleurs vivront-ils au village de Merlata ou seront-ils des navetteurs ? Aucune réponse à ce sujet là… Mais dans l’idéal, on peut s’imaginer que le Jardin Botanique sera entretenu à la manière des cascinas, par des travailleurs en réinsertion sociale formés par des horticulteurs et que ces jardiniers en herbe occuperaient des logements sociaux à Merlata, à proximité directe de leur travail.
(c)
Le village de l’Expo Lieu : sud Cascina Merlata Année : 2015 Superficie : 530 000 m² Type : 5000 logements Budget : 65 millions€ Architectes : Boeri Studio Les architectes Paolo Caputo et Antonio Citterio sont à l’origine du plan directeur de Cascina Merlata, financé par EuroMilano. C’est ce site qui accueillera le village de l’Expo 2015, transformés par la suite en appartements et structures de services. Plusieurs fonctions y seront prévues : appartements, magasins, restaurants, structures hôtelières, écoles, le tout articulé autour d’un grand parc urbain et respectant les principes de développement durable et de faible consommation d’énergie. Le site s’inscrira autour du bâtiment historique de Cascina Merlata(1), au bord de la forêt de Merlata. Au 16ième siècle, la large forêt
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1. http://www.pdmontestella.it/colonna_dx/Il%20Nostro%20Territorio/Cascina%20Merlata/Cascina%20 Merlata%20un%20po%27%20di%20storia.pdf
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s’étendait au nord de Milan jusqu’à Côme et Varese, et était un axe de passage important malgré le fait qu’elle soit peu sécurisée, un haut lieu de banditisme et d’embuscades. Au 17ième siècle se développe la ferme de Merlata, dessinée par Giovan Barttista Claricio. Avec le développement de la ville au 19ième siècle, Merlata touche les frontières de Milan. La métropole développe ses industries et efface peu à peu les caractères forestiers de Merlata. La surface occupée par la forêt se réduit aujourd’hui à de larges friches occupées par les gens du voyage, des dépôts de containers ( jusqu’à cinq unités ), une usine de production de béton et enfin une entreprise de recyclage(1). La ferme ( Cascina ) de Merlata est restée un symbole important de la forêt, c’est pourquoi l’accent sera mis sur sa rénovation. En effet, son état actuel est en dégradation sévère. Une fois rénovée, la ferme sera convertie en bibliothèque, en auditorium et en atelier de théâtre pour les jeunes. Ce sera donc un pôle culturel et social pour le nouveau quartier. C’est la parcelle sud, faisant face au cimetière de Musocco, qui sera destinée à la construction de quelques 150 résidences où seront logés les Directeurs et Commissaires généraux des pays participants. Par la suite, ce seront 5000 logements qui seront disponibles aux futurs résidents. La priorité de ces nouveaux logements sera de proposer une nouvelle façon d’habiter à travers des espaces privés et collectifs. Ils respecteront par ailleurs les principes les plus avancés de durabilité environnementale. La construction du quartier de Cascina Merlata s’inscrit dans le développement futur de la ville de Milan et proposera, après l’Expo, un large panel de logements sociaux. Le pourcentage de ces logements sociaux reste encore inconnu. Le master plan propose un parc public de 200 000 m² comme élément central. Le parc devient l’épine dorsale(2) du master plan et servira de connexions entre les différentes entités de logements. Le programme propose 323 500 m² résidentiels, 45 000 m² de centre commercial, 15 000 m² de bureaux, 10 000 m² d’hôtels et une école maternelle, pri-
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1. http://www.pdmontestella.it/colonna_dx/Il%20Nostro%20Territorio/Cascina%20Merlata/Ass%20%20 Certosa%20-%20Osservazioni.pdf 2. http://www.euromilano.net/progetti-euromilano-cascina-merlata.html
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maire et secondaire avec les aires de jeux adossées. Au total, le master plan couvre 530 000 m². Les constructions s’établiront sur la hauteur, pour libérer l’espace au sol et offrir plus d’espaces verts(1). L’école est encore en négociation. En effet, d‘autres écoles du même type sont déjà présentes dans les alentours. Il est donc normal de se demander si une nouvelle école est bien nécessaire. Pour une meilleure connexion avec le centre ville, la ligne de métro rouge qui dessert déjà le site de Rho-Pero aura de nouvelles sorties, directement dans le quartier de Cascina Merlata. De plus, des lignes de bus seront étendues pour créer un réseau de transports publics viable. La via Gallarate qui longe le sud de la parcelle est déjà particulièrement encombrée aujourd’hui. C’est pourquoi, les pistes cyclables et les réseaux de transports vont être privilégiés pour le futur quartier. La politique des parkings prévoit des garages pour chaque maison et des parkings souterrains pour les appartements(2). Le centre commercial offrira lui aussi un large parking… Quant à donner le ratio, cela ne paraît pas encore très précis mais les parkings ne semblent pas assez limités pour forcer les résidents à user de la mobilité douce.
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1. http://europaconcorsi.com/projects/146078-AAA-ARCHITETTI-CERCASI-2010 2. http://europaconcorsi.com/albo/78-Ordine-degli-Architetti-Pianificatori-Paesaggisti-e-Conservatori-della-provincia-di-Forl-Cesena/projects/169335-AAA-ARCHITETTICERCASI-2010
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(d)
Les transports Les transports sont divers : métro, train, voies autoroutières, vélo, bateau … L’objectif sera de favoriser une mobilité douce, malgré la présence de différentes autoroutes autour de l’Expo. Les transports évoluent, s’adaptent pour accueillir plus de touristes. La ligne de métro va être prolongée et les métros seront automatiques, donc sans chauffeur, et les quais seront protégés par des panneaux de verre. Aux heures de pointes le matin, le total d’usagers est de 8600 par heures, alors que près 150 000 passagers seront attendus lors de l’Expo chaque jour. Un second projet de nouvelle ligne est également attendu. Les travaux ont débuté en 2007 et seront achevés après une période évaluée à 4 ans et dix mois. La Gare ferroviaire de Rho-Fiera est déjà présente sur le site depuis quelques années. C’est un avantage qui permet de se rendre rapidement à l’Expo depuis le centre ville. Les autoroutes A4 et A8 longent le site de l’Expo. C’est une facilité d’accès que les visiteurs ne pourront s’empêcher d’utiliser… La voiture est encore trop encrée dans les habitudes de tous les jours ! De plus, le site de Rho-Fiera, dessiné par Massimiliano Fuksas, accueille déjà un parking de 14 000 places. Bien sûr, 14 000 places pour 160 000 visiteurs quotidiens paraissent insuffisantes, mais pas assez pour décourager les automobilistes… En considérant que chaque voiture contient quatre passagers, c’est déjà un tiers des visiteurs qui se seront déplacés en voiture ! C’est beaucoup trop… Vingt-deux kilomètres(1) de pistes cyclables ( en rouge ) seront créés pour relier l’Expo au centre-ville, avec nature et eau faisant partie intégrante de la promenade, connectant le site de l’Expo au centre-ville.
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1. http://fr.expo2015.org/evenements/la-darsena-ritrovata-le-vie-dacqua-la-darse-retrouvee-les-voies-de-leau-vaen-scene
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Au total, ce seront 125 kilomètres de pistes cyclables développées afin de relier les différents parcs de la périphérie. Les navigli ( en bleu ) seront eux aussi restaurés pour lier le site au centre-ville.
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(e)
Les commerces Peu de commerces seront développés lors de cette Expo Universelle. L’accent est plus focalisé sur la présentation que l’achat pur et dur. Pas de centre commercial donc, comme on a pu le voir au Jeux Olympiques de Londres en 2012. La seule zone commerciale se situera sur la zone de Cascina Merlata, adossée aux futurs logements.
(f)
L’environnement L’Expo se développe en pleine crise économique et en pleine conscience des changements climatiques. Le thème de ‘Nourrir la Planète, de l’énergie pour la vie’ veut offrir aux visiteurs et aux exposants de nouvelles expériences. Le but est de toucher et goûter les aliments, de conscientiser l’Homme sur notre façon de produire et de consommer. Tous les projets devront adhérer aux objectifs fondamentaux de l’Expo : utilisation de l’énergie solaire et de l’eau, de matériaux recyclés et biodégradables et de transports verts. De nombreux bâtiments ont commencé à pousser en vue de l’événement, souvent controversés par les environnementalistes. D’une part, la création de la nouvelle ligne de métro et l’extension des pistes cyclables sera une alternative à l’utilisation de la voiture, mais d’autre part, de nouveaux bâtiments, des tours particulièrement, ne cessent d’être construits, tels de mauvaises herbes, dans le centre-ville, ce qui
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inquiète la population. Malgré cela, ces nouveaux bâtiments ont de grandes qualités environnementales et contribuent à la trame verte que Milan tente de s’imposer. Citons par exemple, le Bosco verticale de Stefano Boeri ou les tours du Citylife de Daniel Libeskind, Zaha Hadid et Arata Isozaki. Les travaux ont débuté en décembre 2006 avec l’approbation positive d’une évaluation environnementale. Un observatoire permanent ( Osservatorio Permanente Ambientale ) a été mis sur pieds pour que les travaux suivent à la lettre les recommandations environnementales. On peut citer le recyclage des eaux présentes dans les canaux par phyto-épuration. La phyto-épuration est un procédé rustique utilisant les plantes dans le processus d’épuration des eaux usées. Le rôle des plantes est généralement faible et indirect car elles absorbent peu les éléments pollués-polluants mais favorisent l’activité des bactéries propices à la dépollution. La phyto-épuration a divers avantages : elle ne consomme pas d’énergie et ne produit pas de déchets, elle élimine les odeurs et possède de grandes qualités environnementales. C’est aussi une solution plus économique que les autres systèmes d’épuration mais la phyto-épuration nécessite un certain entretien. Ce système de dépollution des eaux usées ne correspond qu’aux zones humides, tel que Milan qui, rappelons-le, possède un climat tropical humide. L’eau des canaux servira non seulement à nourrir les potagers mais aussi aux différents services de l’Expo et sera ensuite filtrée et épurée avant de retourner dans les canaux. L’eau circulera et se recyclera donc à travers tout le site, ce qui semble très important quand on voit que l’or bleu de la Planète tend à s’appauvrir. L’eau est une ressource naturelle limitée et la population ne cesse d’augmenter… La balance penche de plus en plus, c’est pourquoi il devient essentiel de trouver de nouvelles formes de consommation. Le fait de faire circuler l’eau du site et de la recycler permettra d’éviter le gaspillage et l’exploitation inadéquate des ressources naturelles.
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L’Expo suivra la philosophie ‘ Cradle to Cradle : Remaking the Way We Make Things’ de Michael Braungart et William McDonough qui prône à tous les niveaux le recyclage du produit, ponctué par un ajout d’énergie renouvelable. Les énergies renouvelables seront produites à partir de la centrale énergétiques à proximité directe. Elle utilise le photovoltaïque pour produire son énergie… Le but de l’Expo est aussi de décourager l’utilisation excessive et inappropriée des ressources naturelles, mais de favoriser les énergies renouvelables et durables, ainsi que les économies d’énergie. Peu d’exemples sont aujourd’hui présents à Milan ou même en Italie de manière générale, c’est pourquoi l’Expo 2015 sera une forme d’expérimentation en terme de développement durable pour le pays. Il est effectivement important que la production d’énergie et la production d’aliments soient conjointes et puissent s’allier durablement.
(g)
Le budget Il est difficile de déterminer exactement les coûts de réalisation, étant donné que les travaux viennent de commencer… Les organisateurs espèrent ne pas dépasser leur budget de 40 millions€ ( TVA exclue, sécurité incluse ).
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IV. Un projet étendu à tout Milan… ⁄
1 — Les Navigli Le Pô est un fleuve important de la Lombardie et est devenu symbole de fertilité. Cette plaine sans relief est devenu le poumon agricole et industriel de l’Italie. Ses eaux sont particulièrement changeantes, souvent sujettes à des crues subites provoquant de nombreuses inondations en zone urbaine. Les différents canaux du Pô ont favorisé le développement des cultures irriguées telles que les rizières, mais aussi celui des transports par voie d’eau. Bien que le Pô passe à 40 km au sud de Milan, que le Lac Majeur se situe à 30 km à l’Ouest et le Lac de Côme est à 20 km à l’Est, Milan est particulièrement bien irrigué par les navigli. En effet, la ville a acheminé l’eau des fleuves et lac pour irriguer ses plaines agricoles. Mais ces cours d’eau avaient d’autres atouts : bon nombres d’entre eux servaient de douves face aux remparts et protégeaient la ville des envahisseurs, tandis que d’autres permettaient tout simplement de nourrir la population. Enfin, le réseau navigable acheminait les marchandises par de petites embarcations de Milan vers l’Adriatique. Aujourd’hui, lorsqu’on parle des navigli, on pense principalement aux deux canaux à ciel ouvert, le Naviglio Grande et le Naviglio Pavese, tout deux aboutissant à la darse intérieure. Le Naviglio Grande aboutit à la darse après un parcours de 50 km et une dénivellation de 34 mètres. Il fut construit de 1179 à 1229 et devint navigable dans sa totalité en 1272. Son utilisation première était d’acheminer les sables, graviers, marbres et granit depuis le lac Majeur jusqu’à Milan. D’autres bateaux transportaient aussi du bétail, du bois et du charbon. A cette époque, il n’y avait pas d’écluses, il suffisait
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de se laisser ‘descendre’ le long du cours d’eau. Pour le remonter, des cheveux tiraient les bateaux. Au 14ième siècle, le Naviglio Grande prit une telle importance qu’il fut interdit d’y prélever de l’eau pour irriguer les plaines. En 1490, Léonard de Vinci avait de multiples fonctions dont celle d’ingénieur chargé de travaux sur les fleuves et canaux. Il contribua ainsi à améliorer la construction des nouveaux canaux ( tel que le Naviglio Pavese ) avec le mécanisme naissant des écluses et à moderniser les anciens cours d’eau. Napoléon lui aussi s’y intéressa et entreprit la construction de plusieurs écluses. Au 19ième siècle et au début du 20ième, on comptait 8300 bateaux et quelques bateaux-bus. L’intérêt commercial et économique de ce canal incita à en projeter d’autres, un dédale de petits canaux servant à irriguer et réguler les débits. La navigation commerciale s’est maintenue jusqu’en 1979(1). De longues barques ( de 18 à 24 mètres de long ) naviguaient du lac de Côme à Milan de 1777 à 1930, époque où elles furent abandonnées au profit du chemin de fer. De plus, les canaux récoltaient les eaux usées qui n’étaient pas traitées. C’est pourquoi une grande partie de ces canaux ont été couverts afin d’améliorer l’hygiène et de gagner en surface de voirie. La darse, quant à elle, était le port intérieur de Milan, point de convergence des différents navigli. Le réseau hydrographique est donc devenu très large, parfois souterrain et donc invisible aux yeux des milanais. L’Expo a pour intention de faire référence au passé de la ville en mettant en évidence ses rapports aux voies d’eau. A l’initiative du Centre d’Etudes du Grand Milan et de l’association des ‘Amis des Navigli, le projet de rénovation a été lancé et sera une ressource évidente pour l’Expo 2015. Les canaux font peau neuve, dans un objectif à la fois pratique, culturel et touristique. Mais le projet va plus loin : Milan sera connecté à l’arrière pays par un réseau de bateau-bus et de pistes cyclables. L’objectif est de favoriser une mobilité douce à long terme. Les navetteurs travaillant à Milan mais habitant la périphérie pourront laisser leur voiture au parking et emprunter de nouveaux moyens de transports(2). Les bateaux-bus et les pistes cyclables ont l’avantage indéniable d’être à la fois économiques
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1. http://dante.alighieri.tours.pagesperso-orange.fr/image/Les%20Navigli%20.pdf 2. http://www.youtube.com/watch?v=HXCcWLNRMqc
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et respectueux de l’environnement. Les autorités pense que le transport par Navigli sera assez compétitif et incitera au moins 1% des 36 000 habitants(1) du bassin de la ligne Corsico-Porta Genova. Ce type de transport aura un impact sur la mobilité les émissions annuelles de CO2 seraient réduites de 244 tonnes, les trajets en voiture étant diminués de 7%. Chaque bateau-bus pourra transporter jusqu’à 61 passagers ( avec leur vélo ) et desservira les stations de vélos publics. Les vaporetti seront alimentés par panneaux solaires et disposeront d’un moteur électrique, ce qui les rendra parfaitement non polluant. Le réseau se promet fiable et régulier. Les candidatures ont été lancées pour la recherche d’investissements régionaux. Les navigli seraient donc une opportunité pour les touristes de se déplacer dans le bassin milanais. Cinq tracés touristiques navigables existent déjà depuis 2006 et connaissent déjà un grand succès ! La fréquentation des navigli a augmenté de 30% au cours de 2012. La ligne la plus fréquentée a accueilli 6000 passagers en un an, pour une recette de 143 000€, ce qui renforce l’économie locale. Utopie ou réalité ? Les canaux sont en réalité loin d’être tous navigables ! Les canaux, sont souvent trop étroits, trop peu profonds, les ponts sont trop bas… Le Naviglio Grande, à la source de la darse, est malgré tout un lieu de grand passage, toujours très animé, bordé de cafés, bars, restaurants et petites boutiques en tout genre. Une fois par semaine, les abords du Naviglio Grande accueille également un marché de fruits et légumes. Sur l’eau, ce sont des pontons qui accueillent différents espaces d’expositions temporaires ou terrasses de restaurants, mais rien de mobile. C’est pourtant ce canal qui est censé relier Porta de Genova à Corsico, à 5 km de là… Sa largeur est de 20 mètres en général, mais côtoie les 12 mètres(2) dans ses derniers kilomètres vers la darse, et le canal est ponctué de différents ponts. Certains d’entre eux sont particulièrement bas, à peine à 2m - 2,50 mètres au-dessus du niveau de l’eau !
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1. http://www.lepetitjournal.com/milan/accueil/actualite/48890-expo-2015-milano 2. http://www.expo2015.org/sites/default/files/rich_text_editor/pagine_standard/grafico_2_ok.pdf
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Qu’adviendra-t-il en cas de fortes pluies, lorsque le niveau des canaux montera ? Les vaporettos vénitiens ont une hauteur de 1,90 mètre, une largeur de 4,22 mètres et une longueur de 23,93 mètres. Dans le cas où les eaux monteraient et si on suit ces dimensions, il deviendrait impossible aux vaporettos milanais de naviguer. Et même en temps normal, avec 2,50 mètres sous la clé des ponts arqués, les vaporettos ne pourraient pas s’y croiser. Mais les vaporettos milanais sont en réalité bien différents des vaporettos vénitiens… A Milan, les transports en communs fluviaux sont sur deux coques, tel un catamaran, et moins profonds. Ils peuvent donc naviguer en eaux peu profondes. Avec un toit amovible, d’une largeur d’environ 4 m, d’une longueur de 17,5m, d’une hauteur en son milieu de 2,35 m et de 1,62m sur les côtés(1), ils peuvent contenir une soixantaine de personnes assises. Il y a aujourd’hui quatre lignes de vaporettos actives à Milan(2), de 3,1 km à 19,4 km de long. Leur prix reste assez coûteux, de 10€ à 25€ pour une heure de voyage. A ce prix là, les touristes ne privilégieront pas les voyages par navigli… N’est-ce pas aussi un beau rêve que d’imaginer une nouvelle forme de transport pour seulement 400 habitants ( 1% des 36 000 du bassin de la ligne Corsico-Porta Genova) ? Ce nombre me paraît bien faible face aux sept millions d’habitants milanais…
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1. http://www.naviglilive.it/naviglio-Grande-VIA-DI-TRASPORTO-PASSEGGERI.html 2. http://it.wikipedia.org/wiki/Servizio_di_navigazione_del_Naviglio_Grande
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Darsena
Naviglio Grande
En périphérie
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Les navigli de Milan servent, aujourd’hui, plus à irriguer qu’à naviguer. La plaine du Pô étant relativement plate, celle-ci est sujette aux débits très variables du fleuve selon les saisons, ce qui pose souvent de gros problèmes. Le niveau des canaux fluctue souvent voire déborde de leur lit. Mais la platitude du terrain assure aussi une facilité de navigation par l’absence d’écluses. Dés que l’on s’éloigne du centre et que l’on aborde la périphérie, on constate l’état désastreux des canaux eaux polluées par les décharges environnantes, état marécageux par endroit, odeurs nauséabondes… Leur largeur est souvent inférieure à 20 mètres, certains pourraient être navigables, d’autres pas du tout.
2 — Une ruralité urbaine La ruralité urbaine, ou rurbanité, est une forme de contradiction mêlant la ville du futur et l’agriculture, un processus qu’on peut appelé ‘féodalisant’(1). Par le projet Bio Milano, l’objectif est ici d’engendrer au sein du tissu urbain une ruralité soutenable, basée sur les énergies renouvelables. Ces deux oppositions peuvent devenir complémentaires et se soutenir l’une l’autre. Il y a là des avantages culturels, environnementaux, économiques et sociaux. La ruralité urbaine fait participer les couches sociales défavorisées, tout en améliorant la qualité de vie, en respectant l’environnement, … Mais il ne suffit pas d’implanter des champs en plein centre-ville ! Il faut bien sûr veiller à coordonner et équilibrer les espaces agricoles avec le milieu urbain. Milan est une plateforme d’expérimentation en terme de rurbanité. C’est une nouvelle approche, un projet pilote que la ville entreprend, à grande échelle. Il s’inscrit dans la volonté d’acquérir une ceinture verte ( Bio Milano ) en zone périurbaine mais aussi un reboisement en zone urbaine… Les plaines du Pô se trouvent en relation directe avec la ville
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1. http://www.erudit.org/revue/eue/2012/v6/n/1013715ar.pdf
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de Milan. Leur proximité, leur structure et leur protection font d’elles une ceinture verte idéale. L’agriculture a des dimensions productives ( bien sûr ), sociales, économiques et environnementales. Les larges plaines du Pô sont aujourd’hui de plus en plus exposées à une importante banalisation de leurs valeurs socio-économiques. Ces terres deviennent alors le terrain privilégié d’expérimentations en vue d’une reconstruction de la relation ville-campagne. Le site est aussi caractérisé par de grands atouts agronomiques, paysagers, culturels, écologiques, socio-économiques et possède une relation historique et interdépendante entre la ville et la campagne. De plus, les villes ne cessent de se densifier et pour éviter un étalement urbain trop intense, la stratégie milanaise sera de construire en hauteur et de développer sa trame verte tant en verticalité qu’en horizontalité, visant la renaturalisation et le reboisement. Par exemple, le projet Metrobosco de Stefano Boeri propose une forêt verticale à la ville. Ces deux tours ont des objectifs d’agroforestation, de renaturalisation agricole et urbaine, et de filtre acoustique végétal. Elles ont également de hauts potentiels énergétiques et se reposent sur les énergies renouvelables ( panneaux photovoltaïques et éoliennes ). D’autres projets complémentaires à celui-ci auront des fonctions de production de biomasse dans un but énergétique, de phyto-épuration en milieu agricole et de recyclage des eaux usées. Tous ces projets doivent générer une continuité de la trame verte. Ces projets rurbains proposent de nouvelles opportunités entre les acteurs de la demande ( les citadins ) et ceux de l’offre ( les agriculteurs ). Les agriculteurs participent alors aux projets à vocation culturelle et écologique en zone périurbaine. La relation entre la ville et la campagne devient alors plus ‘soudée’. La ceinture verte entourant la métropole compte environ 30 000 hectares, ce qui correspond à 15% du territoire départemental. La ceinture se compose également de multiples veines, vaste réseau de coulées
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vertes s’éloignant de la capitale lombarde et la connectant aux plaines du Pô. L’Expo 2015 avec son thème ‘Nourrir la Planète, énergie pour la vie’ est dans la lignée de cette ruralité urbaine. Elle développe des aspects écologiques, durables, basé sur le recyclage et les énergies renouvelables, tout en proposant des pôles scientifiques, technologiques et éducatifs. Le site deviendrait un grand laboratoire d’expérimentation de soutenabilité énergétique. L’objectif de Milan, au-delà de celui de développer une rurbanité, est de devenir un exemple pour les grandes villes et de pouvoir s’exporter à l’échelle nationale et internationale.
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Conclusions ⁄ Les effets de transformations urbaines par de grands événements ne sont jamais acquis d’avance. On ne peut être sûr de rien, on peut seulement agir au mieux face aux problématiques actuelles et à venir. Certaines opérations stratégiques sont loin d’être réussies et sont encore à perfectionner. Certaines propositions ont de nombreuses qualités architecturales et paysagères, mais manquent parfois d’équilibre et de gestion soutenable. Quels seraient les ingrédients de la réussite ? Ils sont multiples et à bien doser, car tout est question d’équilibre. Voici quelques ingrédients importants… Tout d’abord, le paysage est un élément essentiel, structurant. Il quadrille de manière visuelle voire fonctionnelle les différents pôles. Valencia développe un paysage vert dans la continuité du lit de la Turia, mais contraste avec un port dénué de verdure. Londres a pour sa part développé un large paysage vert, une nature abondante à travers laquelle se développent les complexes sportifs et les nouveaux quartiers. De son côté, Milan accueillera un vaste Jardin Botanique et profitera de l’Expo Universelle pour développer une ceinture verte, un paysage à l’échelle de toute la ville. Le deuxième ingrédient est constitué de constructions ( qu’elles soient neuves ou antérieures à l’événement ) qui doivent servir l’événement et par la suite être fonctionnelles et interconnectées aux autres entités ( paysage, écoles, logements ). Ce n’a pas été le cas de Valencia, ou du moins pas encore, qui ne présente que des coquilles vides, mais Londres a su jouer de cette carte pour lier par exemple ses infrastructures sportives à la Chobham Academy et aux logements. Milan trans
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formera son ‘Palazzo Italia’ ( pavillon d’accueil et seul bâtiment permanent ) en centre scientifique consacré à la formation et à l’éducation, lié directement au jardin botanique. Les transports sont aussi un ingrédient crucial ! Sans eux, le site n’est pas accessible et dépérit. Valencia n’est desservie que par deux lignes de métro et quelques bus, alors que Londres est connectée à neuf lignes de train, une ligne Eurostar, une navette à l’aéroport et une autoroute ! Milan a elle aussi plusieurs connections métros et trains, ainsi que deux autoroutes qui la côtoient. Ensuite, les logements, commerces et écoles sont un signe d’encrage au site. Leur développement pérennise le site et sa fréquentation. Encore faut-il que ces éléments soient bien équilibrés. Valencia ne s’est, pour l’instant, tournée que sur son port, sans développer ces différents ingrédients ( ni ‘village de l’America’s Cup’, ni méga centre commercial ), tandis que Londres les a développés tout autour de ses stades olympiques. Milan développera elle aussi ces différents ingrédients dans la zone de Merlata, au sud du Jardin Botanique. Enfin, tout cela doit être agrémenté d’écologie et de développement durable. Les effets de bords sont eux aussi un élément à prendre en compte : un site événementiel implique des répercussions sur ses alentours directs et indirects. A Valencia, le port de l’America’s Cup a eu quelques impacts sur ses bords… Le port était peu peuplé, peu fréquenté avant la compétition et l’est resté après l’événement. L’événement lui-même n’a eu pour seules répercussions que d’ériger de nouveaux bâtiments, aujourd’hui vides, et d’amener une masse de touristes, le temps de la compétition uniquement. Une fois la compétition maritime terminée, le port est retombé dans une certaine désuétude. Les énormes investissements n’ont pas particulièrement eu de répercussions positives sur les alentours de Cabanyal et de Malvarossa mais ont contribué à une hausse des prix des loyers dans les zones entourant directement le port(1). Les loyers n’ont cessé d’augmenter après l’événement et ont engendré un phénomène de gentrification. Si l’on considère les futurs logements du quartier Grao, on peut encore envisager une montée des
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1. http://www.hindawi.com/journals/usr/2011/587523/
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prix et une requalification du quartier portuaire. Les tours semblent destinées à une classe sociale plus élevée que celle du quartier de Cabanyal actuellement, composée de pêcheurs et de personnes âgées, généralement peu fortunée. La requalification de Grao accentuera certainement le phénomène de gentrification et la population locale de Cabanyal se verrait contrainte de quitter les lieux. A Londres, le site olympique a engendré une montée fulgurante des prix ( loyers, commerces ) de ses alentours et a poussé par la même occasion à faire fuir les riverains de l’ancien Stratford. On y voit aussi apparaître un phénomène de gentrification. La middle classe londonienne prend la place d’une classe peu aisée, majoritairement constituée d’étrangers peu qualifiés. Le profil économique et social du quartier change : le pôle universitaire et les nouveaux logements impliquent la venue de nouvelles entreprises, de nouvelles technologies, et donc de plus de richesses. Au niveau de son implantation, le site olympique et ses nouveaux quartiers sont délimités par des frontières telles que les voies autoroutières, les voies ferrées ou la rivière Lea. Ses bords directs deviennent donc des voies de communication et le projet ne traite pas de ce qu’il se passe plus loin. Néanmoins, on peut supposer que les alentours se développeront au niveau économique et technologique, tels des ondes dont l’épicentre serait le site des JO, et qu’ils prendront à leur tour plus de valeur sur le marché de l’immobilier. Concernant Milan, il est encore une fois difficile d’estimer les effets de bords étant donné que l’événement n’aura lieu qu’en 2015. Les bords directs du site sont des routes à grande vitesse et des voies ferrées… Au-delà de ces voies de circulation se trouvent des habitations. Quelles répercussions le Jardin Botanique aura-t-il sur ces quartiers ? Rappelons que le site de l’Expo est aujourd’hui composé de vastes friches, d’une nature abondante et qu’il sera remplacé par de nouveaux espaces verts, structurés et aménagés. Bien sûr, le site acquerra une valeur économique plus importante mais aura-t-il des impacts sur ses environs directs et indirects ? Les effets de bords ne peuvent être évaluer que sur un long terme, c’est pourquoi il est difficile de prédire quoi que ce soit. Néanmoins, au niveau économique, différentes entreprises se
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développent déjà dans les environs et la Feria apporte un pôle culturel important. Le Jardin Botanique et ses rôles scientifiques et éducatifs apporteraient un plus à la commune, sans perturber, a priori, l’équilibre de celle-ci. De plus, on peut supposer qu’il n’y aura pas de phénomène de gentrification vu que le site choisi pour le village de l’Expo est aujourd’hui un terrain inhabité et que ses alentours sont en plein développement économique. Mais ce ne sont que des suppositions, vu que l’Expo n’a pas encore eu lieu… Pour revenir aux questions ‘le manque de gestion post événementiel est-il caractéristique à l’Espagne ?’ et ‘La crise économique est-elle responsable ? ‘, voilà les conclusions qui me viennent à l’esprit. Tout d’abord, non, la non gestion post-événementielle est aussi présente dans d’autres pays, comme en Grèce lors des JO de 2004, aujourd’hui appelé le Sahara par les Athéniens. Même au sein d’une ville, je ne pense pas pouvoir impliquer de facteur géographique à la bonne gestion durable. Même excentré du centre-ville, un site olympique ou culturel peut continuer à vivre s’il est bien géré. Cela implique des transports publics efficaces et une attraction, un but pour l’usager ( commerces, restauration, musées, centres sportifs, écoles,… ). Bien sûr, la crise économique joue un rôle important dans le budget des grands événements, mais elle n’empêche pas la réalisation post-événementielle. La preuve en est Londres. Malgré une crise économique bien présente et un budget total qui a plus que débordé, la gestion d’après Jeux est déjà en marche ! Le site des JO se métamorphose et propose une réouverture prochaine, à l’échelle des habitants stratfordiens. De son côté, si Valencia n’a pas encore développé son quartier de Grao, c’est principalement à cause de la voie ferrée souterraine qui n’est pas encore établie… Sans cela, les travaux ne peuvent commencer. D’autre part, Milan prône la sobriété pour son Expo, tel un leitmotiv, à cause de la crise économique. Mais la crise ne semble pas empêcher sa réalisation… Concernant sa gestion post-événementielle, rien n’est certain. Milan propose déjà des avant-goûts de son après-Expo Universelle. Chaque pavillon et bâtiment a été étudié pour être soit
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démonté et recyclé, soit converti pour de nouveaux usages. Pour l’instant, la gestion d’après Expo semble bien étudiée, dés l’avant projet. La ville sera-t-elle à la hauteur des attentes post-événementielles ? Rien n’est sûr. La capitale lombarde étend son réseau de transports publics, développe une ceinture verte, mais un jardin botanique sera-t-il assez attirant pour s’y rendre ? Le Duomo ou la Galerie Vittorio Emanuele II sont des pôles touristiques déjà très importants ! Milan devra judicieusement jouer la carte du marketing ! On remarque aussi que la conscience post-événementielle n’apparaît que depuis peu… Même le port de Valencia n’a pas développé l’après-compétition, en 2007 ! Cela démontre la prise de conscience tardive face au long terme d’une architecture qui n’est dédié qu’à l’éphémère. Il est aussi question de gestion des opportunités : les opportunités peuvent être externes et internes, elles se présentent à tout instant et contribuent à de nouvelles stratégies. Cette stratégie évolue et il convient d’optimiser ces opportunités. C’est réellement avec les JO de Londres que la gestion post-événementielle tend à s’établir, même si tout n’est pas encore parfait… La gestion londonienne n’est pas encore toujours bien définie : certains stades voient encore leur destin incertain après l’événement. Pour éviter l’abandon possible de ces stades, sans avenir certain, il faudrait peut-être énoncer une stratégie post-événementielle dés l’esquisse du projet, bien avant la construction ! Une fois construit, il peut être trop tard… Mais Londres a réussi à tirer profit des opportunités qui se présentaient à elle ! C’est le cas de son stade olympique, dont le sort est resté incertain pendant sept mois. La ville a tiré profit du club de Westham afin de rentabiliser son stade. Dans d’autres cas, Londres n’a pu faire face à certains obstacles, tels la crise financière, qui a obligé la capitale anglaise à renoncer à son projet éolien… Néanmoins, même s’il y a eu pas mal de dérapages et d’inattentions face à la gestion post-événementielle durable, celle-ci commence à s’inscrire dans les consciences.
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La gestion post-événementielle s’étendra au fil du temps, je l’espère, pour les grands événements à venir comme pour ceux qui ont déjà eu lieu. Il n’est pas impossible, bien au contraire, de réutiliser des infrastructures ayant servis à de grands événements passés et de se les réapproprier. Gênes, en Italie, en est l’exemple. Son port, inexploité suite à l’Exposition Internationale de 1992, a été réaménagé de telle sorte qu’il puisse être utilisé sur le long terme, 12 ans plus tard ! Il devra en être de même pour le port de Valencia, également mal géré suite aux America’s Cup de 2007 et 2010… Ne faudrait-il pas penser le post-événementiel avant, plutôt que de le penser après ? Avec tous les ingrédients que nous avons là, la gestion post-événementielle devrait se réaliser en amont du projet, dés l’esquisse… Mais d’autre part, les opportunités font que la stratégie change, évolue tout au long du projet. Il est donc très difficile d’établir une stratégie post-événementielle fixe dés l’esquisse. Néanmoins, il reste indispensable d’établir une base solide de l’après-événement au moment de l’avant-projet, même s’il apparaît quelques modifications ultérieures.
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Documents annexes ⁄ 1 ∕ Interview – J.O. Tour Mardi 09 avril 2013, 11h00 am Londres, ArcelorMittal Tower. Equipés de casques de chantier et de gilets fluorescents, le bus nous emmène aux pieds du stade olympique, sous l’Orbite ArcelorMittal. Les piétons ne peuvent pénétrer sur le chantier, c’est pourquoi nous avions une autorisation particulière et étions limités dans nos déplacements : principalement, donc, sur la sculpture emblématique des JO. J’en profite pour questionner quelques ouvriers et guides. Concernant la Chobham Academy, l’école a construit ses propres terrains de sport… Pourquoi ne profitent-ils pas des installations olympiques tel que la Copper Box pour y faire leur gymnastique par exemple ? « L’école n’utilisera que la piscine olympique, aujourd’hui en travaux, pour leurs cours de natation. La piscine de Zaha Hadid, qui ouvrira dés la rentrée scolaire au printemps 2014, deviendra la piscine municipale du quartier, ouverte aux écoles environnantes. Mais concernant les salles sportives ( gymnastiques, taekwondo, basket, … ), celles-ci demandent une location à plus hauts frais que l’école ne pouvait pas se permettre. La Chobham Academy ne verserait pas assez de frais à la Copper Box pour pouvoir l’utiliser, c’est pourquoi ils ont décidé de construire leurs propres salles de sport, au sein de l’établissement. » Pourtant, le site et les stades se disent ouverts aux riverains… « … ( temps de réflexion ) Si on prend l’exemple du Vélodrome, on
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peut considérer que celui-ci sera ouvert aux riverains car il sera en effet le moins cher du Royaume-Uni ! L’entrée sera évaluée entre 8 et 12 pounds. » Elle a esquivé le sujet de la Copper Box pour vanter d’autres mérites du site olympique en ‘After Games’. The International Broadcast Center ( centre de presse ) offre une surface de 80 000 m² met qui peine à trouver acquéreur… On parle beaucoup de l’After Games des stades sportifs, mais beaucoup moins de ce haut lieu de la presse. « Le lieu restera ouvert aux équipes de journalistes et autres médias lors des futures compétitions en 2015 et 2017… D’autre part, il sera aussi un espace destiné aux bureaux, plus de 1000 emplois seront créés dans un premier temps et 4400 d’ici 2031. » Quant à me dire quelle(s) entreprise(s) occupera ou occuperont les lieux, cela devient plus compliqué. La guide me signale aussi que certaines équipes télévisées étaient situées dans des logements sociaux en face du site, sans préciser que c’était les tours de Carpenters Estate et que les habitants avaient été délogés. Elle pointe du doigt une direction et reste très vague sur la question. Du haut de l’Orbite ArcelorMital se dresse un panorama à 360° sur le futur Queen Elizabeth Park, en actuelle rénovation. Le temps ne permet malheureusement pas une grande visibilité les chantiers au loin… A l’intérieur de l’Orbite se trouve un petit musée décrivant les différents stades et met l’accent surtout sur l’Après Jeux. Chaque stade a sa carte d’identité et sa réaffectation. Les explications sont claires mais souvent enjolivées…
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Concernant les résidents stratfordiens, un commentaire attire mon attention : « I’ve been playing hockey since I was five and have always had to travel for miles to get to play. I can’t wait to have the Lee Valley Hockey and Tennis Center right on my doorstep. Julie Bannister, 26, Stratford Resident » C’est bien la seule et unique résidente à avoir un avis positif sur la situation ! Tous les résidents interrogés avaient été très pessimistes sur les JO : hausse des prix de l’immobilier, expropriations, nettoyage social… C’est à se demander parfois si ce témoignage n’a pas été inventé. D’autres témoignages proviennent du Maire de Londres ou de champions olympiques. Il est facile de donner un avis positif lorsqu’on vend son site ou qu’on ne fait qu’y passer pour remporter des médailles… Le parc doit devenir un nouveau lieu touristique de Londres et ‘the place to live’ pour les Londoniens. Le parc se veut attractif, ouvert, divers… Le centre aquatique en pleine restructuration réduisait sa capacité de 17 500 sièges à 2500. La réouverture est prévue en 2014. Ensuite, un petit tour par le Westfield Stratford nous fait vite prendre conscience de l’énormité du complexe et de la concurrence qu’il peut être pour les commerçants locaux. 2 ∕ Limites de l’étude – Milan, L’Expo 2015 Vendredi 05 avril 2013 Milan, Commune de l’urbanisme Après avoir envoyé une dizaine de e-mails à l’échevine de l’urbanisme de Milan, en parfait italien, et n’ayant reçu aucune réponse, je me suis rendue à l’administration même. J’ai été reçue par des gens très gentils qui se sont efforcés de m’aider malgré la barrière de la langue ( je ne
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parle pas italien et eux ne parle qu’italien ). Ils m’ont fait comprendre que ce n‘était pas là que j’aurais des informations sur l’Expo Universelle de 2015 mais que je devais me rendre à l’office de l’urbanisme, galerie Vittorio Emmanuele II. Vendredi 05 avril 2013 Milan, Galerie Vittorio Emmanuele II Arrivée à l’office de l’urbanisme ouvert spécialement pour les touristes, une femme m’indique, en anglais cette fois, qu’ils n’ont pas encore reçu les informations concernant l’Expo 2015 et qu’elle ne peut pas m’aider. Elle me signale que le QG de l’Expo se trouve à quelques rues et m’inscrit l’adresse à suivre. Vendredi 05 avril 2013 Milan, QG de l’Expo. L’adresse inscrite par l’office de l’urbanisme n’était pas exacte. Après quelques renseignements, je trouve enfin le fameux QG. Une hôtesse m’accueille à l’entrée. Elle parle vaguement anglais et a peine à me comprendre. Je demande à voir un supérieur pour pouvoir poser mes questions mais refuse et me dirige vers leur site internet. Je lui dis que je le connais déjà par cœur et que j’ai besoin de ‘plus’. Elle me donne alors des prospectus en tout genre sur l’Expo, que j’ai déjà. J’insiste pour avoir des adresses e-mails ou des numéros de téléphone, mais en vain. Je repars bredouille, sans aucune information supplémentaire… Vendredi 05 avril 2013 Milan, Rho Feria. Le chantier est inaccessible et quadrillé par de hautes palissades. Aucune vue-visite n’est possible.
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Abstract ⁄ Suite à un Erasmus en Espagne, j'ai pris conscience que bon nombre des sites ayant accueilli un grand événement sont aujourd'hui vidés, déserts, inexploités... L'expo universelle de Séville déserte, le port de l'America's Cup de Valencia parsemé de coquilles vides, les JO d'Athènes délaissés, et ce ne sont que quelques exemples... Les villes hôtes dépensent des budgets colossaux pour des événements qui ne sont au final "qu'éphémères". Or, les grands événements sont un levier à la régénération du tissu urbain, des outils de reconquête urbaine. Mais cette régénération ne peut fonctionner que si elle s'inscrit sur le long terme... Sur une comparaison de trois villes, de trois types d'événements, de trois laps de temps ( Valencia, The America's Cup, 2007 Londres, Les Jeux Olympiques, 2012 Milan, L'expo Universelle, 2015 ), le but de ce mémoire est d'inscrire dans les consciences une gestion post-événementielle durable des sites. La recette de la réussite existe-t-elle ?