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globe-trotters - junior associations - BD - actus sciences, nature et écologie

autour du monde

N°19 - 4,90 € mars-avril 2011

s o d a s e d g a le m !   t n e g u o b i u q

] é t i s r e v i d [Dossier bio rents,

é f f i d s u To ! s é i l Tous


|édito| Le Japon pleure... Vendredi 11 mars 2011, à 2 h 46, le Nord-est du Japon a été frappé par un séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter. Ce tremblement de terre, un des plus violents de ce siècle, et les secousses qui ont suivi, ont provoqué un tsunami dont les vagues ont submergé la ville de Sendai et les côtes alentours. Parmi les bâtiments touchés : la centrale nucléaire de Fukushima, l’une des 25 plus grandes au monde… Nous vous proposons, dans ce numéro de Sept autour du monde, un article décryptage sur cette catastrophe et ses conséquences. En attendant un grand dossier pour comprendre cette énergie nucléaire que nous avons tant de peine à maîtriser… Mais ce que nous ne disons pas dans court dossier, qui ne traite que des faits, c’est notre admiration pour le peuple japonais. Courageux, ils affrontent cette crise épouvantable sans jamais céder à la panique et sans jamais oublié l’entraide et la solidarité.

[informations] L’heure du changement |Mmmm du chocolat | Un bouclier fragilisé |Le secret du venin | Tout doit disparaître |

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[décryptage]

Le « printemps de la rue arabe », un premier pas vers la démocratie ? La Tunisie, l’Egypte, le Yémen, la Libye, peut-être bientôt la Syrie… Les dictateurs se ramassent à la pelle en ce printemps 2011 ! Ces mouvements entraînerontils automatiquement l’installation de gouvernements démocratiques ?

[Défi] Le tour du monde de PlanetSolar Chaque mois, retrouvez l’équipe et le parcours du plus grand bateau solaire

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Toutes nos pensées sont tournées vers heureux…

[globetrotters] Mathilde Bréchet, rédactrice en chef

Rdv p.10 pour comprendre cette catastrophe et ses repercussions...

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Victime de plusieurs actions terroristes, la Mauritanie a tristement perdu sa place dans le cœur des touristes. Il faut dire que la belle a des charmes à nul autre pareil.

[métier]

ez is, retrouv Chaque mo es de jeun et le portrait es ns au sein d leurs actio es èg ll ns, MJC, co s associatio le i s s u rs... Mais a eb ou quartie lo g , des Zellidja u a , aventures ls eu s ui partent trot ters q ! e  nd bout du mo

Jennifer Lebaillif a décidé d’être sa propre patronne. En 2009 elle a monté son entreprise d’import et de distribution de gobelets d’un nouveau genre : des gobelets coniques en papier respectueux de l’environnement.

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[livres]

Mon Vaisseau Te Mènera Jeudi Sur Un Nuage | Gitans des mers | Les sauvenature : iguana parc | La dernière danse des Maoris | C’est pas sorcier, l’environnement | Le corps humain, à petits pas 2

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(7) Files

[les dossiers de 7]

[Dossier ] Biodiversité

Tous différents Tous liés !

L’humanité prend conscience de l’impact de ses activités sur la planète…. Mais elle change si peu d’attitude que des espèces sont menacées, des écosystèmes sont pillés, bien des équilibres naturels sont en dangers. Il est temps d’agir ! Sauvons la Biodiversité !

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[bouge-toi !]

Banlieue

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Mohammed a 17 ans et vit à Aulnay, en banlieue parisienne. Témoignage d’un garçon bien décidé à faire bouger les mentalités.


L’heure du changement ?

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Avez-vous participé à the Earth Hour ? Vous savez, cette manifestation organisée par l’association WWF, qui consiste à éteindre les lumières pendant une heure pour lutter contre le dérèglement climatique. Cette année, elle a eu lieu le 26 mars, entre 20h30 et 21h30. Pour ou contre ? D’un côté, il y a ceux, très engagés, qui revendiquent leur soutien. Cette année, près de 126 pays, 4 000 villes et 1 200 monuments ont participé : le Christ Rédempteur de Rio de Janeiro au Brésil, les Pyramides de Gizeh en Egypte, l’Acropole d’Athènes en Grèce, la tour Eiffel ou la cathédrale Notre-Dame à Paris… De l’autre côté, il y a ceux qui considèrent ce geste hypocrite et ridicule comparé aux changements radicaux que nous devrions opérer. En effet, ce geste n’est qu’une goutte d’eau. Mais il a le mérite de nous faire réfléchir à l’énergie que nous dépensons. Avec un peu de chance, il fera même déborder le vase des bonnes résolutions !

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Plus que quelques jours avant Pâques, période merveilleuse où fleurissent les œufs, poules et lapins en chocolat ! Mais… pas si vite. Et si nous décidions d’enquêter avant d’engloutir sans réfléchir? D’où vient ce chocolat ? Comment a-t-il été fabriqué et par qui ? Vous verrez, les découvertes sont souvent désolantes. Le cacao est essentiellement produit en Afrique (70 %), en Indonésie (13,5 %) et en Amérique du Sud (13 %). 90 % sont de petites fermes familiales qui en tirent peu de bénéfice. Les conditions de travail sont très dures et parmi les 14 millions de travailleurs de la filière, 250 000 sont des enfants. Côté impact environnemental, le cacao est responsable de la déforestation. Sans parler des nombreux pesticides utilisés, nocifs pour la terre et les hommes… Alors, si nous choisissions plutôt du chocolat équitable ou bio ? Plu sd ’ ww inf w.m os s axh ur le ave com laa rfra merc nce e éq .or uit g abl e:

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cola t!

Nous avons changé d’heure le 27 mars. Savez-vous pourquoi ? Pas pour fêter le printemps, non, ni pour punir les gros dormeurs… Mais pour économiser de l’énergie ! Cette initiative date des années 1970 après le choc pétrolier. En avançant nos horloges d’une heure, nous évitons les dépenses inutiles. En France, cela représente une économie équivalente à la consommation en éclairage de 800 000 foyers sur un an* ! *C

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Nie Un bouclier fragilisé

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Un triste record a été atteint cet hiver. L’épaisseur de la couche d’ozone au pôle Nord a connu une diminution sans précédent (jusqu’à moins 40% fin mars). C’est en grande partie à cause des températures exceptionnellement froides qu’a rencontré cette partie du monde. Le risque à long terme est que ce “trou” dans la couche d’ozone se déplace sur les pays du Nord comme le Canada, La Russie ou l’Alaska. La concentration en ozone est surveillée depuis le Protocole de Montréal signé en 1987, qui vise à limiter l’utilisation de produits, tels que le Hélon, qui une fois rejetés dans l’atmosphère détruisent cette protection. La couche d’ozone agit comme un bouclier il nous protège des rayons ultraviolets solaires nocifs, qui peuvent notamment provoquer des cancers de la peau. Selon l’Organisation Météorologique Mondiale, le retour à la norme d’ozone au pôle Nord devrait se faire d’ici 10 à 20 ans.

Mais qui sont ces serpents qui vous soigneront demain ? Les scientifiques planchent actuellement sur l’utilisation des venins de couleuvres dans la fabrication de médicaments. Longtemps ces venins ont été négligés car la science exploitait pricipalement ceux des serpents à crochets (environ 600 espèces sur les 3 000 recensées sur Terre). Cependant des études montrent que les “colubridés” (serpents sans crochets venimeux), qui représentent plus de 2 000 espèces possèdent aussi des réservoirs de venin. La pensée des scientifiques a donc serpenté jusqu’à l’idée qu’il devait être possible d’utiliser ces venins à des fins thérapeutiques. Toute une batterie de recherches est donc en cours. Parallèlement un programme de protection de ces espèces a été mis en place car un grand nombre d’entre elles est aujourd’hui menacé de disparition.

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autour du monde


LA bi odiver

sité

Tous différents, Tous liés !

« Biodiversité », qui signifie « diversité de la vie », est un mot encore tout frais. A votre âge, vos parents ne le connaissaient pas. Et pour cause : le mot « biodiversité » n’apparaît que dans les années 1980, quand les hommes commencent à comprendre qu’ils sont en train de massacrer les richesses offertes par le monde. L’humanité prend conscience de l’impact de ses activités sur la planète…. Mais elle change si peu d’attitude que des espèces sont menacées, des écosystèmes sont pillés, bien des équilibres naturels sont en dangers. La situation devient préoccupante. L’Organisation des Nations unies proclame donc 2010 « Année internationale de la biodiversité » afin d’alerter le public sur le déclin des richesses de la nature. Cette année-là est terminée, mais l’urgence demeure en 2011. A Sept autour du monde, nous pensons qu’il est indispensable d’agir. Voici pourquoi, et aussi comment… !

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La biodiversité n’est pas un simple catalogue

100 millions d’espèces d’insectes, et moi et moi et moi…

Notre planète grouille de vie. Pour se repérer dans cette profusion, les scientifiques ont pris l’habitude d’identifier, de décrire et de classer les organismes qui peuplent la Terre grâce au concept d’espèce. Ils ont bâti ce qu’on appelle « l’arbre du vivant », dans lequel les espèces sont rangées en fonction de leur proximité génétique. Les six grandes familles de cet « arbre » sont les animaux, les champignons, les plantes, les protozoaires, les bactéries et les archées (des micro-organismes unicellulaires différents des bactéries). Mais la biodiversité ne se limite pas à ce catalogue. La capacité des espèces à se différencier les unes des autres -par exemple en s’adaptant à leur environnement- compte aussi. Les nombreuses fonctions qu’exercent les organismes vivants aussi. Ils peuvent en effet participer à la photosynthèse, ou bien décomposer la matière organique, ou encore capturer des insectes dans le sol, fixer l’azote de l’air, etc.

Combien d’espèces différentes peuplent la planète ? Impossible de la savoir ! Les scientifiques, qui décrivent actuellement environ 16 000 espèces par an, ont répertorié 1,9 millions d’espèces vivantes, mais on estime qu’il en existe plusieurs dizaines de millions. La grande majorité des espèces non décrites sont des insectes, des vers, des protozoaires. Rien que pour les insectes, il y aurait 4 à 100 millions d’espèces non décrites ! Quant aux bactéries et aux archées, on estime qu’il existerait entre 600 000 et 6 milliards d’espèces encore inconnues… Qui a dit qu’il n’y avait plus rien à découvrir en ce bas monde ? Le problème, c’est que les activités humaines ont un impact sur les richesses du vivant. La biodiversité est en baisse de 30% depuis les années 70. Les espèces habitant les eaux douces tropicales sont très touchées, avec un déclin de 70% de leur biodiversité !* Alors pas de doute, nous devons changer de comportement : il n’y a pas de planète de rechange… * D’après le rapport Planète vivante 2010 du WWF.

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L’année de la biodiversité est terminée, les défis continuent L’année de la biodiversité, c’était en 2010, d’accord. Mais il y a toujours aujourd’hui des espèces qui disparaissent et des écosystèmes saccagés. Nous devons continuer à agir…

21 à quoi a servi l'Année internationale de la biodiversité ? L’année 2010 était « l’Année internationale de la biodiversité ». De nombreuses manifestations ont eu lieu pour que chacun prenne conscience des défis à relever. Mais le moment clé de l’année fut le sommet international de Nagoya, qui s'est terminé sur un accord historique signé par presque 190 pays (mais pas les Etats-Unis). Cet accord prévoit la création d’un réseau d’espaces protégés sur 17% de la surface terrestre et sur 10% de la surface marine : des parcs naturels, des aires marines protégées.... Les gouvernements se sont engagés à restaurer au moins 15% des zones où les différentes espèces se font rares. Ils feront aussi un effort spécial pour protéger les récifs coralliens. D’ici à 2020, les aides offertes aux entreprises qui abîment la nature devront être éliminées. Enfin, une plate-forme internationale regroupant des scientifiques sera mise en place. Ses participants devront aider les organisations internationales à prendre les bonnes décisions concernant la conservation de la nature.


Non aux NAC ! Oui aux sciences participatives !

Une espèce de perdue, c’est dix de menacées

Pour favoriser la biodiversité, nous devons refuser la mode des Nac, les Nouveaux animaux de compagnie. Pas question d’adopter un reptile, un félin, voire une chouette pour ressembler à Harry Potter. Ces animaux doivent vivre en liberté dans leur milieu naturel. De même, lorsqu’on a la chance de voyager, abstenons-nous d’acheter des objets fabriqués à partir d’animaux protégés : sculpture en ivoire, bijou à base de corail, toque de fourrure… Mais nous pouvons aussi passer à l’action en nous engageant dans une action de science participative, qui permet de mieux connaître la biodiversité près de chez soi. On peut par exemple rejoindre l’Observatoire des Saisons (www.obs-saisons. fr ) ou être acteur de l’enquête « Devine qui vient nicher chez moi ? » avec la Ligue pour la Protection des Oiseaux (www.lpo.fr/ ). On peut aussi participer à des événements comme la Nuit de la Chouette, qui se déroulera le 19 mars 2011. Elle permettra à chacun de nous de connaître les actions à mener en faveur de cet animal.

Lorsqu’une espèce animale disparaît, celles qui l’entourent ont bien des soucis. Ainsi, dans les années 1990, quand la surpêche provoque l’effondrement des bancs de poissons en Alaska, les phoques ne trouvent plus de quoi se nourrir et deviennent rares dans la région. Du coup, les orques, grands mangeurs de phoques, changent de menu et s’attaquent aux loutres de mer. Résultat, la population de loutres s’effondre brutalement. Lorsqu’une espèce végétale disparaît, ce n’est pas mieux, car arbres et plantes servent à la fois d’habitat et de garde-manger aux animaux. La forêt est un véritable réservoir de biodiversité. Les scientifiques pensent par exemple que plus de 50% des espèces végétales et animales de la planète vivent dans les forêts tropicales, qu’il est urgent de sauver. C’est pourquoi l’année 2011 a été déclarée « Année internationale de la forêt ».

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Le monde sauvage : il bouge encore, pourvu que ça dure ! " 1 espèce sur 1000 disparaît chaque année "

Animaux en danger : la liste rouge s’allonge… De plus en plus d’espèces sont menacées à travers le monde. D’après la dernière liste rouge des animaux en voie d’extinction publiée par l’Union mondiale pour la nature (UICN), un oiseau sur 8, un mammifère sur 5 et un amphibien sur 3 sont en danger. Pour certaines espèces, c’est déjà fini : ainsi, le dauphin de Chine, qui vivait uniquement dans le fleuve Yangzi Jiang a été déclaré disparu en 2008. Pour d’autres, il est encore temps d’agir. Certains zoos commencent à jouer un rôle important pour maintenir en vie les espèces. L’oie Néné d’Hawaï, dont il ne restait plus qu’une trentaine d’oiseaux sauvages en 1952, a été sauvée par l’élevage en captivité, puis par des lâchers d’oiseaux dans la nature. Mais encore faut-il que les animaux soient capables de retourner à la vie sauvage. Cela ne semble pas être le cas des tigres, qui ne comptent plus que 3200 individus « libres » (contre environ 100 000 en 1900). Heureusement, en 2010, les chefs d’état des pays dans lesquels vivent les tigres se sont entendus pour adopter un plan qui devrait permettre de doubler le nombre de tigres à l’état sauvage.

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Les jardiniers font de la résistance

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Biodiversité cultivée par les paysans euxmêmes ? Biodiversité maîtrisée par les grandes firmes agro-industrielles ? Ce qui est sûr, c’est que l’agriculture va devoir produire toujours plus, car la population mondiale continue à croître. Loin des grands débats mais sûrs de leur bon sens, de nombreux jardiniers ont déjà fait leur choix : ils cultivent des espèces rares dans leur potager, de façon biologique, de façon à favoriser la biodiversité cultivée. Chacun de nous, s’il dispose d’un petit carré de verdure, peut participer à ce mouvement en lien avec diverses associations comme Noé Conservation (www.jardinsdenoe. org ) ou Kokopelli (www.kokopelli. asso.fr ). C’est loin d’être inutile. Parce que même si on peut aujourd’hui créer des banques de semences, comme la Svalbard Global Seed Vault (« Chambre forte mondiale de graines du Spitzberg ») ou la Banque se semences du millénaire, stockée au Royaume-Uni, rien ne remplace la biodiversité cultivée et les populations de milliards d'organismes se reproduisant annuellement.

L'agriculture moderne est dans l’impasse Au cours du XXe siècle, la population mondiale a augmenté d’environ 4 milliards d’habitants. Pour nourrir tout ce monde, l’agriculture s’est modernisée. Des producteurs de semences ont sélectionné les espèces les plus prolifiques pour les vendre aux agriculteurs. Ceux-ci se sont mis à utiliser des engrais pour augmenter la production de leurs cultures, et des pesticides pour empêcher les maladies de s’attaquer à leurs plantes (25 à 30 traitements chimiques par an sur les pommes !). Les champs sont devenus de plus en plus grands, tracteurs et machines agricoles sont venus accélérer le travail. Le problème, outre la pollution par les produits chimiques, c’est que nous ne cultivons plus que quelques variétés alors qu’autrefois, les paysans cultivaient un grand nombre de variétés locales qu’ils réutilisaient et adaptaient à leurs terres et à leurs climats. Or, l’absence de diversité dans les espèces cultivées peut être fatale. Au XVIIIe siècle, en Irlande, la population se nourrissait principalement de pomme de terre mais n’en cultivait qu’une seule espèce. Quand elle fut attaquée par le mildiou, l’Irlande perdit deux millions d’habitants en dix ans, morts de faim ou émigrés.

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Agriculture : il faut réinventer la biodiversité cultivée ! L’agriculture peut encourager ou menacer la biodiversité. Et tout le monde n’a pas les mêmes idées sur l’art et la manière de nourrir le monde… Alors, méthodes nouvelles ou traditionnelles ?

4000 variétés de pommes … pour des prunes ? Il y a belle lurette que l’Homme n’est plus un chasseurcueilleur. Il est cultivateur et éleveur depuis environ 10 000 ans ! Cela a commencé au Proche-Orient avec l’orge, le blé, le pois, le mouton et le bœuf. Pendant des millénaires, les paysans ont développé la biodiversité. Chacun, dans son secteur, sélectionnait et conservait les races et variétés qui lui semblaient les plus adaptées à son environnement. On estime qu’il existait à l’aube du XXème siècle 6400 races de mammifères et oiseaux d’élevage à travers le monde (par exemple 200 races de poules). Pour les végétaux, les chiffres sont encore plus impressionnants. On compterait encore aujourd’hui 20 000 variétés de pommes sur la planète, dont plus de 4 000 en France. Pourtant, nous consommons essentiellement…trois variétés : Golden, Gala et Granny Smith. Comment en est-on arrivé à une si maigre diversité dans nos assiettes ?

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Quiz illiards d’années Grâce à plus de 4 m ganismes vivants d’évolution, les or s problèmes savent résoudre de ercheurs copient complexes... Des ch s créer de nouvelle donc la nature pour e. m biomimétis inventions. C’est le 1/ 1948. L’ingénieur Georges de Mestral remarque après une promenade qu’il est difficile d’enlever les fleurs de bardane accrochées aux poils de son chien. Il les examine et découvre ce qui les fait tenir. Il développe alors une nouvelle invention : a/ la super glue qui colle si bien qu’elle permettrait de rester collé au plafond. b/ la bande auto-agrippante, nommée velcro pour « velours » et « crochets ». c/ le magnet, un aimant très fin capable d’adhérer sur tous les frigos 2/ Les coraux utilisent les ions calcium, magnésium et carbonate de l’eau de mer pour fabriquer le cristal carbonaté qui compose leur squelette. Des chercheurs étudient ce phénomène pour concevoir… a/ un ciment dont la fabrication permet de convertir le CO2 en béton. b/ un procédé médical qui permettrait de réparer rapidement les os brisés. c/ une pierre semi-précieuse de grande qualité qui serait commercialisée en bijouterie.

3/ Le martin-pêcheur est un oiseau qui se nourrit de petits poissons. Il plonge en percutant violemment la surface de l’eau pour attraper sa proie. La facilité avec laquelle il agit a inspiré des ingénieurs pour concevoir… a/ un véhicule tout-terrain capable de passer de l’espace aérien à l’espace aquatique. b/ un voilier futuriste capable de fendre les vagues en toutes circonstances. c/ un train à grande vitesse, pour qu’il fende l’air le plus aisément possible. 4/ Remplie de galeries, la structure d’une termitière ressemble à celle d’une éponge. Très solide, elle permet à cet habitat de bénéficier d’une température constante. Les architectes s’en inspirent pour créer… a/ des bâtiments militaires blindés pour les zones désertiques. b/ des immeubles économes en énergies. c/ des centre d’accueils pour animaux de compagnie. 5/ Les geckos courent sur les murs et les plafonds sans jamais tomber. Sous leurs pattes, des millions de minuscules poils autonettoyants se débarrassent de la poussière des murs et se lient aux surfaces. Des chercheurs s’en inspirent pour concevoir… a/ un adhésif autonettoyant qui pourrait un jour équiper des robots secouristes. b/ une tenue de Spiderman révolutionnaire. c/ une nouvelle façon de dormir : la tête en bas !

1b. La bande auto-agrippante, ou velcro, pour laquelle Georges de Mestral a déposé un brevet en 1951. Elle permet de fermer facilement de nombreuses paires de chaussures, des vêtements, des sacs, etc. 2a. Un ciment. En s’inspirant des coraux, une société américaine a construit un prototype qui convertit en ciment le CO2 émis par une centrale électrique au gaz naturel. La fabrication du ciment « classique » émet au contraire 1 tonne de CO2 par tonne de béton fabriqué. 3c. Un train à grande vitesse. Lorsqu’ils ont construit le Shinkansen -le TGV japonais-, les ingénieurs voulaient éviter l’effet de choc ressenti dans les trains à l’entrée des tunnels. Pour cela, ils se sont inspirés du nez du martin-pêcheur, connu pour sa vitesse de pénétration d’un élément dans un autre (de l’air à l’eau). 4b. des immeubles économes en énergies. L’Eastgate Building construit au Zimbabwe sur ce modèle, réalise jusqu’à 90% d’économie d’énergie par rapport à un immeuble équipé de climatiseurs électriques. 5a. Un adhésif autonettoyant. Des chercheurs américains ont conçu une surface portant des microfibres de 0,6 microns d’épaisseur. Cette brosse microscopique adhère au mur et se débarrasse de petites sphères de 3 à 10 microns de diamètre qui simulent la poussière.

Réponses :


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Victime de plusieurs actions terroristes, la Mauritanie a tristement perdu sa place dans le cœur des voyageurs. Pourtant, ce pays du Nord de l’Afrique a des charmes à nul autre pareil. Quiconque foule cette terre hospitalière est instantanément conquis.

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Nous partons en Mauritanie. Dunes caramel et turban bleu, barques de pêcheur multicolores, contes africains, poésies guerrières, caravane silencieuse écrasée de lumière… Les cartes postales défilent à mesure que l’avion se pose à Atar. Est-ce aussi beau que nous l’avons imaginé ? Juste le temps d’apprivoiser ce vent et cette chaleur agréable de mai. Nous nous engouffrons dans nos 4 X 4, direction Chinguetti, la “Cité de la foi”.

Le reg, contrée hypnotique La République islamique de Mauritanie est un vaste pays, une fois et demi grand comme la France. Ses voisins sont marocains au nord, algériens au nord-est, maliens au sud-est et sénégalais au sud. À l’ouest, une large bande de Sahara recouvre les deux tiers du territoire, tandis que les terres mauritaniennes se jettent dans l’océan Atlantique. Nouakchott, une jeune capitale les pieds dans l’eau, Nouadhibou plus au nord, le port dynamique, et puis à l’ouest, Chinghetti la religieuse et Ouadane l’historique...

Notre route serpente entre de grands plateaux bruns, rouges, ocre, si typiques de la région de l’Adrar. Rien. Sur des kilomètres. De faibles arbustes grillés, qui s’accrochent ça et là. Les plateaux chocolat s’éloignent à mesure que nos 4 X 4 avancent. Et cette route droite qui semble sans fin… C’est le fameux reg, désert de pierres brûlantes, qui a tout pour lasser, mais qui pourtant fascine. Soudain, la silhouette d’un jeune homme se dessine. Il porte un turban noir et un bel habit ample et bleu. “C’est un draa”, nous dit le guide, le vêtement traditionnel des hommes. D’où vient-il ? Il marche sur le bord de la route, la main levée pour nous saluer. Où va-t-il ?...

Un écrin dans le désert Nous arrivons à Chinguetti en milieu d’aprèsmidi. Quel étonnant spectacle. Nous sommes ici aux portes du désert. La ville, faite de petites maisons beige rosé en torchis ou en pierre, tient fièrement tête aux immenses dunes blondes, qui tentent chaque jour de gagner du terrain. Nous posons nos valises, les uns chez Sylvie,


à l’auberge “Le Maure bleu”, les autres chez Mahmoud à l’auberge “l’Eden”. Nous logeons dans de petites cases sobrement décorées. L’artisanat nomade est très sommaire, nous explique Sylvie. Tout doit avoir son utilité. Sylvie vit en Mauritanie depuis onze ans. Cigarette aux lèvres, elle répond aux questions qui fusent. Oui ce sont des lauriers roses et des bougainvilliers à l’entrée de son auberge. Oui, il arrive qu’il pleuve ici ! “Tout pousse en Mauritanie, s’exclame-t-elle. Des pamplemousses, des citrons, du raisin…” Elle nous parle de Chinguetti et de son évolution, de l’arrivée de l’électricité grâce à l’association “Énergie pour tous”, de l’achat de congélateurs par quelques habitants, du poisson, que l’on peut désormais faire venir de Nouakchott, de la menthe, de l’hibiscus que les commerçants peuvent conserver et donc vendre… “Ces progrès ont amené des touristes et les touristes ont amené des ouguyas”, la monnaie locale.

Un tourisme responsable 30

. traditionnel masculin Le draa est l’habit

Durant tout notre voyage, le même message reviendra. Le touriste a un rôle à jouer, un pouvoir de progrès. Sa venue permet aux auberges d’employer des villageois, aux marchands ou aux guides de faire vivre leurs familles, d’envoyer leurs enfants à l’école et d’accéder à la santé. En 2006 et 2007, une grande période de sécheresse avait fait fuir les agriculteurs vers les villes. Mais grâce aux touristes qui affluaient, les campagnes et villages se sont repeuplés. Jusqu’aux terribles attentats d’Aleg et au battage médiatique qui ont donné à la Mauritanie cette image de pays dangereux… Nous avons hâte de découvrir Chinguetti, mais nous mourrons d’envie de fouler ces dunes que nous voyons au loin. Nous filons d’un pas pressé à la rencontre du désert. Sur notre chemin, des jeunes filles nous emboîtent le pas. “Tu serais belle avec mes colliers. Bon prix pour toi…” Commence alors le rituel amusant du marchandage, et nous craquons, bien entendu. Nous retrouverons souvent ces nuées de vendeuses à la sauvette. “D’autres se regroupent en coopérative” nous explique Ali, un journaliste mauritanien qui nous accompagne, ce qui leur assure des revenus plus réguliers et permet d’éviter la concurrence”. De jeunes enfants se pressent également autour de nous. “Madame, tu me donnes un stylo ?” Ali, fait un signe négatif de la tête et les repousse gentiment. “Il ne faut pas que ces enfants vous voient comme des portefeuilles. Sinon très vite, ils penseront que mendier vaut mieux que travailler…”


Initiation désertique Notre initiation au désert commence par l’ascension d’une immense dune au pied de laquelle émergent quelques grandes tiges vert anis. “Ce sont des calotropis-procera, nous explique Mohammed, notre guide. Ils annoncent le début de la désertification. Pour contenir le sable l’homme a tout essayé, mais à part planter des arbres, il n’y a rien à faire…” Nous sommes au sommet. Une bouffée de joie gonfle nos poitrines, tandis que le vent, puissant, finit de nous étourdir. On a envie d’écarter les bras, de humer l’air jusqu’à perte conscience, d’avaler du regard toute cette beauté… et de rire, de rire à gorge déployée. Nous nous promenons pendant plusieurs heures dans les pleins et déliés du Sahara. Sur le sable, il n’y a que les traces de pas de nos compagnons de voyage et ça et là quelques croisillons laissés par un scarabée. La vie se fait rare dans le sable chaud. Perchés sur notre dune, nous nous allongeons un instant avant de repartir.

Les manuscrits de Chinguetti Nous rejoignons la ville à pied. Chinguetti fut fondée au XIIIe siècle sur les plateaux désertiques de l’Adrar. Ici affluaient des centaines de milliers de dromadaires et leurs équipages. Chinguetti était à la fois carrefour commerçant et ville sainte, la septième de l’Islam. C’était aussi la “ville des bibliothèques”, classée aujourd’hui au patrimoine culturel mondial de l’Unesco. Nous traversons les ruelles jusqu’à la bibliothèque Abot. Comme les onze autres que compte Chinguetti, cette grande maison renferme des manuscrits d’une valeur inestimable. Traités de médecine, livres de prières, recueil de poésie, manuel d’astronomie ou de mathématiques… “Le plus vieux des 1450 manuscrits que nous ayons, s’exclame fièrement le descendant de Abot, fondateur de la bibliothèque, date du XIe siècle”. Plus de 4 000 ouvrages dorment ainsi à Chinguetti, conservés jalousement par douze familles mauritaniennes. “Conservées” est en réalité un bien grand mot. Notre hôte sort un à un des manuscrits aux pages jaunies et aux couvertures grignotées par la chaleur et les termites. L’Unesco et d’autres organismes ont bien tenté de convaincre les gardiens de ces bibliothèques de regrouper et protéger ces ouvrages, mais en vain.

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31 re... nes et se sentir lib du s le s n da r ri ou C


s’élèvent et vous ts an ch s le , te n te Sous la saisissent le coeur.

Le rituel des trois thés

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Le lendemain, nous reprenons la route vers le nord-est. Ali, monté avec nous, nous parle des nombreux peuples de Mauritanie. Les Maures, nomades arabo-berbères, rassemblent plusieurs tribus : les Hassanes, tribus guerrières, les Tolbas, tribus maraboutiques, les Mallemins, forgerons, les Iguiawen, griots, musiciens et poètes, les Némasis, chasseurs d’antilopes… La population noire mauritanienne quant à elle fait partie des mêmes ethnies que celle des Sénégal et Mali voisins. On les appelle les Toucouleurs, les Peuls, les Soninkés et les Wolofs. Nous faisons halte à l’oasis de Tanouchert, endroit idéal pour bivouaquer ou pour déjeuner. Un grand bol brun passe de main en main. Il s’agit de zrig, une boisson typique à base de lait de chèvre sucré. C’est délicieux ! Vient ensuite la cérémonie du thé. Ou plutôt, des trois thés. Le premier, diton, est amer comme la vie. Le second est doux comme l’amour. Le troisième, suave comme la mort. “Ne partez jamais avant le troisième thé ! prévient Sylvie. Votre hôte serait fortement vexé…” Plus de quarante personnes vivent à Tanouchert grâce au tourisme et à la culture des dattes en été, période festive dans la Mauritanie entière que l’on appelle “Getna”. Tandis que nous digérons notre repas une vingtaine de femmes et d’enfants s’installent prêts de nous. Très vite les mains claquent et les chants fusent. Un homme noir en draa blanc entonne un air mêlé de force et de détresse, accompagné des tambours et des voix de femmes haut perchées. Il y a une telle passion dans ces mains, ces bouches, ces yeux…


Ouadane, ville fantôme Nous reprenons la route, toujours vers le nord, les chants puissants de Tanouchert résonnant encore dans nos têtes. Quel contraste avec le silence de Ouadane, où nous nous arrêtons… La vieille ville fortifiée, abandonnée, a des airs de ville fantôme. Au XIIe siècle, Ouadane connaissait un fort rayonnement intellectuel et théologique. Ali, nous emmène dans ce dédale de ruelles où vivaient autrefois des dizaines de milliers d’habitants. Pas âme qui vive dans ces maisons de pierres effritées, dans ces vestiges d’écoles coraniques, dans la fameuse “rue des quatre savants”… En contrebas cependant, une ceinture verte de palmiers indique que la vie est toujours là, dans la ville nouvelle. Sous ces arbres poussent orge, mil, carottes ou navets, aliments de base de la nourriture mauritanienne. Le lendemain à l’aube, nous mettons le cap vers l’oued el Abiod, la vallée blanche. Au loin, se dessinent de grandes falaises brunes qu’une gigantesque lame de sable blanc tente d’assaillir. C’est ici que nous bivouaquerons pendant plusieurs jours. Nous marcherons jusqu’à l’oasis de Terjit, véritable paradis sur Terre où l’eau coule

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sans discontinuer au milieu des palmiers. Nous partirons pour la passe de Tifoujar et celle de Tourvin, ces gouffres immenses en bas desquels se dessinent rocs et dunes orangés. Nous regagnons notre bivouac, en silence. Une citation de Théodore Monod, grand homme du désert, lu quelque part dans un guide, revient à mon esprit : “Parler du désert, ne serait-ce pas d’abord se taire, comme lui et lui rendre hommage non de nos vains bavardages, mais de notre silence ?” Emmitouflée dans mon sac de couchage, j’observe le ciel noir constellé d’étoiles. Et, bercée par le bruit du vent dans les vagues de sable, je m’endors en ne pensant à rien.

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e r i a l u tentac L’aquarium de Montpellier, le Mare Nostrum, s’est agrandi : 800 m2 d’exposition supplémentaires, pour plonger dans l’univers mystérieux de la mer. Pour nous, c’était l’occasion unique de faire un petit tour en coulisses, de faire connaissance avec les soigneurs et leurs nouveaux pensionnaires.

Des dizaines de petits aquariums sont empilés les uns sur les autres. A l’intérieur de ces hôtels de verres, de minuscules poissons s’acclimatent à leur nouvelle adresse… Nicolas Hirel, responsable aquariologie, canarde ses nouveaux pensionnaires. Il est important de tous les photographier pour étudier ensuite leur évolution. « J’ai hâte de les voir en vie », souffle-t-il. En vie ? « Je parle des aquariums… J’ai hâte qu’il y ait des cailloux sur lesquels les poissons pourront se frotter, des algues au creux desquelles ils pourront se cacher, un colocataire avec qui se disputer un morceau de crevette. Pour la bonne santé des animaux, il faut mettre de la vie dans les aquariums. » Nous sommes dans l’espace de quarantaine. C’est ici que sont accueillis les nouveaux arrivants et que sont dorlotés les animaux malades ou blessés. Plusieurs soigneurs s’activent autour des aquariums. Deux jeunes filles transvasent de minuscules poissons aux allures de serpents (des hétérocongres tachetés), logés temporairement dans un sceau en plastique blanc. Un jeune homme, l’œil collé à une vitre, observe et prends des notes. D’autres vont et viennent, concentrés, importants. Parmi eux, Stéphane, soigneur scaphandrier, me propose de rencontrer les deux vedettes de l’extension de l’aquarium, deux jeunes femelles poulpes. Des poulpes géants du Pacifique… J’accepte immédiatement l’invitation et me retrouve face


à deux bassins recouverts d’un plateau de bois. À travers le hublot, je parviens à distinguer, au fond de la cuve, une grande forme blanche, agglutinée sur la paroi. « Voilà notre jeune maman qui pouponne, explique Stéphane. Cette position lui permet de protéger ses œufs, regroupés en grappe, et de les oxygéner. » Dans l’autre cuve, une deuxième femelle attend qu’on l’installe dans ses quartiers d’été. Elle fait actuellement 2,5 mètres et devrait atteindre les 6 mètres à l’âge adulte. Comme tous les poissons et crustacés arrivés aujourd’hui, cette belle rousse est en quarantaine. C’est dans cet espace que les animaux s’acclimatent, s’habituent à la nourriture morte (pour ceux qui n’y auraient jamais goûté) et reçoivent les premiers soins. La plupart sont notamment infestés de parasites, qui peuvent être dangereux pour leur santé. Ce n’est qu’au bout de trois ou quatre semaines qu’ils seront introduits dans leur bassin attitré. « Nous sommes alors particulièrement vigilants, explique Stéphane. Lors du transfert, les animaux sont stressés. Ils peuvent émettre des signaux montrant aux autres pensionnaires leur faiblesse. C’est d’ailleurs pour cette raison que nous introduisons les nouveaux arrivants plutôt le soir, après le nourrissage. » Mais pourquoi a-t-on posé ce grand plateau de bois sur le bassin de cette jeune poulpe ? Celle-ci semble pourtant très sereine… « Je vais vous montrer, s’amuse Stéphane en soulevant le fameux couvercle. Le poulpe est, comment dirais-je… un animal curieux ! » A peine la cuve ouverte, trois longues tentacules couleur brique émergent en effet de l’eau, tâtonnent les bords du bassin et ondulent devant nous. En un clin d’œil, l’une d’elle repère mon bras et s’y enroule ! Sur ma peau, je sens les fines, froides, visqueuses et puissantes ventouses qui semblent vouloir faire connaissance. Toutes aussi pacifiques, deux autres tentacules explorent les lieux et s’agglutinent aux bras de Stéphane. Celui-ci a toutes les peines du monde à les décoller ! Curieux donc, mais aussi très collant ce poulpe géant ! « Ces animaux ont une puissance incroyable, confirme Stéphane en refermant le couvercle délicatement. Ils sont capables de tracter 80 fois leur

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poids ! » Dans quelques semaines, enfants et parents se presseront aux vitres de la nouvelle exposition du Mare Nostrum sur le thème des îles. Ils découvriront les tentacules rouges de ce superbe poulpe géant du Pacifique, mais aussi les requins tapis, murènes-ruban, poissons rasoirs, carangues à plumes, mérous géants… Stéphane et ses collègues soigneurs, quant à eux, donneront de leur temps aux visiteurs, lors d’animations pédagogiques pour leur parler de ces espèces et leur transmettre leur amour de la mer. L’une de leurs missions est en effet d’informer le grand public. « Cette salle de quarantaine est leur jardin secret, commente Nicolas Hirel leur responsable. Mais cela ne peut qu’être une partie de leur temps. Notre métier consiste à transmettre notre savoir et à être au contact des gens. »

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Informer et sensibiliser. Voilà donc le rôle premier du Mare Nostrum, le grand aquarium de Montpellier. Tout au long du parcours, des panneaux, des bornes interactives ou des animateurs nous aident à décrypter les richesses des fonds marins et soulignent leur fragilité. Dans l’espace Méditerranée par exemple, un récif artificiel est reconstitué. Ce mille-feuille de béton permet de reconstituer les populations menacées par la surpêche, de lutter contre la disparition des coraux et des prairies sous-marines. A peine l’éco-récif estil plongé sous les eaux que les coquillages s’y accrochent et les poissons et crustacés investissent les lieux… A la station des abysses, on peut observer de drôles de bestioles comme le nautile, cousin de la seiche et du calamar, vivant à 600 mètres de profondeur. Un peu plus loin, des animateurs nous encouragent à prendre un oursin dans le creux de la main, puis une étoile de mer. Tous deux font partie de la famille des « échinodermes » nous expliquent-t-ils en pointant sur l’animal une micro caméra qui permet de l’observer en gros plan. Un peu plus loin, nous assistons au ballet aquatique des Manchots d’Afrique du Sud. Oui, d’Afrique du Sud. Nous apprenons alors que ces amusants oiseaux ne vivent pas uniquement au pôle Nord. Nous ne cessons d’apprendre au cours de cette visite et nous émerveiller. Le plus impressionnant est sans doute l’arrivée devant le grand bassin. 18 mètres de diamètre, 9,5 mètres de profondeur et 1800 mètres cubes... Et derrière les vitres épaisses, des requins zèbres, gris et taureau, des raies guitares et des raies aigle. On pourrait rester là des heures tant le spectacle est hypnotique. “Parmi nos animations, explique Stéphane, le nourrissage est celui que les visiteurs préfèrent. Au cours de celui-ci, un plongeur entre dans le bassin et vérifie que tous les pensionnaires se nourrissent. C’est impressionnant. Et pour nous, c’est l’occasion d’expliquer le rôle primordial des requins dans la chaîne alimentaire.” Mais ce que ne savent pas les visiteurs, c’est qu’au-dessus de leur tête, à la surface de cet immense bassin, se pratique un autre nourrissage, un peu particulier… Et encore une fois, Stéphane accepte de me faire découvrir les coulisses du Mare Nostrum. On dirait une grande piscine. Une piscine avec pour occupants des requins-taureau et autres raies-guitare. Gloups… Nous nous installons dans une petite barque bleue. C’est le signal, m’explique Stéphane. Le requin zèbre va comprendre que c’est son tour et va venir jusqu’à la surface. “Pendant


de long mois, nous avons travaillé avec chaque espèce, explique le soigneur. Pour chacune nous avons un signal sonore et visuel. Par exemple, nous utilisons la cible jaune pour la raie-guitare. Dès que nous mettons cette cible à l’eau, l’animal comprend que c’est l’heure du nourrissage.” Mais l’exercice ne s’arrête pas là. A l’aide d’une perche à bout rouge, Stéphane teste l’animal. Celui-ci doit suivre la perche que le soigneur déplace dans l’eau. C’est seulement après l’exercice réussi (ou non) que Stéphane donne le tant désiré poisson. “L’idée n’est absolument pas de dresser les grands poissons et d’ouvrir un parc d’attractions, se défend le soigneur. Cet apprentissage nous permet d’étudier de près ces animaux et surtout, en cas de blessure, de les amener très rapidement dans une civière, sans avoir besoin de les endormir.” A peine sortie de l’eau, Stéphane note d’ailleurs ses observations sur un tableau. “Tout ceci est encore artisanal convient-il, mais des vétérinaires et thésards commencent à s’intéresser à notre travail. Pour l’instant, nous sommes comme dans les années 70, où personne n’imaginait qu’on pourrait faire tant de choses avec des dauphins ou des orques.” Le requin zèbre n’a pas répondu à l’appel ce jour-là. Mais la raie-guitare, plus gourmande sans doute, a tracé derrière la perche de Stéphane de jolies courbes nerveuses. “J’adore mon métier, conclue le jeune-homme. Ou plutôt, mes métiers…” Car soigneur scaphandrier implique de nombreuses tâches : être responsable du système hydraulique, observer les animaux, donner les premiers soins, plonger dans les bassins et les nettoyer, informer le public…” Une vie dans laquelle Stéphane semble se sentir comme un poisson dans l’eau.

Mare Nostrum

De nombreux visites et ateliers pour les enfants Allée Ulysse - Odysseum Montpellier Tél. : 04 67 13 05 50

www.aquariummarenostrum.fr

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sa Jenni m on pro fer d genistrib té sopre p Lebai re : utio n en atro llif a n d tr nn d res es go de go epris e. En écidé pec bel be e d 20 d’ê tue ets lets ’imp 09 e tre ux con d’u or lle de iqu n n t et a l’en es ou de vir en p vea on nemapie u ent r .

ÉTUDES ÉTUDES Jennifer Lebaillif a passé son Baccalauréat et a trouvé un job d’été dans une entreprise de fontaines à eau pour sociétés. Finalement ce job d’été s’est transformé en travail à part entière. Elle a travaillé cinq ans au sein de cette entreprise. C’est ainsi qu’elle s’est formée. Elle a développé ses connaissances sur le marché de la distribution d’eau dans les entreprises et a appris tous les jours par le biais de la pratique. C’est son expérience sur le terrain qui a tenu lieu pour elle de formation. Il est cependant recommandé pour monter sa propre entreprise d’avoir de solides notions de comptabilité, de gestion et même de management. La plupart des écoles de commerce proposent notamment des sections « création d’entreprise ».

« Je ne sais pas si les écologistes purs et durs diraient que mon produit est écologique, mais pour moi il l’est ! » Ce qui caractérise Jennifer Lebaillif dès le premier contact, c’est sa détermination. Cette jeune auto-entrepreneuse de 32 ans a crée l’entreprise O’cups en mars 2009. Depuis elle travaille d’arrache pied pour faire grandir son « bébé ». Parmi les projets qui lui tiennent à cœur, l’un est primordial d’après elle. « A l’avenir j’aimerais que mon entreprise récupère ces gobelets une fois usagés et qu’elle les recycle elle-même. Comme ça la boucle serait bouclée. » Car c’est bien d’une démarche pour la protection de l’environnement qu’il s’agit ici. Ces gobelets sont fabriqués en papier à partir


d’arbres issus de forêts Américaines gérées durablement. Et s’ils ont cette forme conique si spécifique c’est pour qu’on ne puisse pas les poser et donc qu’ils ne traînent n’importe où. Le but étant qu’ils soient jetés dans les poubelles de tri sélectif dès la fin de leur utilisation. Autre particularité de ces gobelets d’un nouveau genre, leur contenance, 12,5 centilitres, soit moitié moins que celle des gobelets dits classiques. Ce format permet de limiter le gaspillage de la fin du verre qui finit généralement dans l’évier. Economie d’eau donc, qui se répercute sur les dépenses de l’entreprise, qui fait donc en plus une économie d’argent. Car les clients actuels de Jennifer sont des entreprises. Elle à d’ailleurs commencé à commercialiser des portegobelets adaptés à cette forme originale de récipient. Comme dans beaucoup de jeunes entreprises, le chiffre d’affaires est pour le moment encore insuffisant pour qu’elle puisse se verser un salaire. Jennifer travaille donc en parallèle en tant qu’assistante de direction. Ce n’est qu’une fois rentrée chez elle qu’elle enfile sa casquette de chef d’entreprise. « Je répond aux demandes de prix, d’informations, j’envoie des échantillons d’essai. Je dois aussi m’occuper de l’expédition des palettes. » Il est 17h30. Une deuxième journée de travail s’ouvre donc pour la jeune femme. Et toutes les préoccupations des dirigeants de entreprises (à plus petite échelle bien entendu) deviennent les siennes. Comment développer son activité ? Comment améliorer son service ? Quelles perspectives s’ouvrent à elle pour l’avenir ?

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Cette année, O’cups est en train de passer un cap. L’avenir s’annonce radieux pour cette jeune société. Le nombre de ses clients est passé de 1 en 2009 à 40 fin 2010. « 99 fois sur 100 quand j’envoie des échantillons de mes produits le projet est validé. Et d’après un sondage que j’ai réalisé auprès de mes clients, certains d’entre eux ont réalisé jusqu’à 35% d’économies ! » C’est donc que la formule fonctionne ! Alors même si comme Jennifer l’avoue, elle est un peu bloquée dans le développement de son entreprise par manque de temps, elle propose une alternative intéressante et bonne pour la planète aux traditionnels gobelets en plastique. Une très bonne idée car il faut savoir que le nombre de gobelets en plastiques utilisés en France chaque année avoisine les 2 milliards, soit environ 16 000 tonnes de déchets plastiques.

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