I Care Editorial 6 avril 2009

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"Les idées de Victor étaient comme des briques... égales, pesantes, aux arêtes vives. Il se mit à l'ouvrage et bâtit une tour, superbe. Mais la porte fut oubliée. L'infortuné Victor, enfermé par ses briques, ne trouva plus d'issue et périt lentement dans sa prison d'idées." Norge (1953)

Une base solide « Nous disposons maintenant, au moment d'entrer dans la ligne finale conduisant à la Conférence d'Examen, d'une bonne base, solide, que les états pourront prendre en considération » . Déclaration optimiste de Navanethem (Navi) Pillay, Le Haut Commissaire aux Droits de l'Homme, sur le portal de la Conférence d'Examen de Durban. Madame Pillay avait en effet de bonnes, de fortes raisons d'être satisfaite. N'avait-elle pas encore, début 2009, entre les mains, un document pléthorique malhabile et malheureux conçu par Cuba et le Pakistan, sous la présidence de la Lybie et la viceprésidence de l'Iran. Sept ans après la Conférence de Durban, marquée par les graves évènements que l'on n'a pas oublié, rien ne semblait avoir changé. C'était toujours le triomphe de l'absence de savoir alliée à la mauvaise volonté des fiers-à-bras politiques. Des centaines de paragraphes contenant des brûlots au flanc de la Conférence d'Examen : concept de diffamation des religions, discrimination à l'égard des homosexuels, réparations relatives au colonialisme en compensations pour l'esclavage, et bien sur la condamnation singularisée d'Israël. Un problème de taille. Mais voici qu'advint le miracle Boychenko. Boychenko Youri Boychenko, président-rapporteur du groupe de travail interdépartemental, est un homme posé, originaire de la Fédération Russe. Il sait jouer au bon moment le boute-en-train des longues réunions onusiennes. Il a effectué le tour de force de rédiger - aidé par l'Egype (Ahmed Ihab Gamaleldin), la Belgique et la Norvège - un nouveau document de travail, le 'texte évolutif', synthétisant clairement (17 pages au lieu de 2) le texte de janvier et éteignant les brûlots en les passant sous silence. C'est donc pleine d'un optimisme mesuré que Navi Pillay s'adresse à nous, en ce lundi matin 6 avril, dans la salle XVIII du Palais des Nations de Genève. Elle ouvre la réunion du 'Groupe de travail interdépartemental intersessions' vers dix heures quinze en soulignant dans son allocution le caractère crucial du moment. Cette semaine est en effet consacrée à la finalisation du processus de négociation et de rédaction du document de travail de la Conférence d'Examen proprement dite. Celle-ci se tiendra du 20 au 24 avril prochain. Le Haut Commissaire remercie Youri Boychenko pour son travail consensuel. Elle fait part de sa conviction que le nouveau document constitue un tournant dans les préparations de la conférence. Elle rappelle les déclarations positives déjà faites à son sujet par les délégués et les ambassadeurs. En ce matin onusien ensoleillé, toutes les apparences donnent à penser que les nations réunies autour du document de travail réussissent à accommoder leurs points de vue sans renier leurs principes. Ad referendum Youri Boychenko, président de séance, prenant la parole vers dix heures trente, après Navi Pillay, propose tout de suite de discuter en premier lieu de 40 des 141 paragraphes du texte évolutif. Et pour cause : Trente-six d'entre eux n'ont-ils pas déjà été adoptés au cours des réunions informelles du groupe de travail ? Ils peuvent donc être votés ad referendum. Seuls quatre paragraphes ont été soumis à amendement. Tout va-t'il donc pour le mieux dans le meilleur des mondes onusiens ? Pas vraiment.


A onze heures quarante, par suite de la diligence des délégations de l'Organisation de la Conférence Islamique (OCI) et de l'Union Africaine (UA), la proportion s'est inversée : trois paragraphes seulement peuvent être désormais adoptés ad referendum et 37 (sic) sont soumis à amendement. Volte-face Que s'est-il passé ? Par l'une de ces volte-faces dont sont coutumières les assemblées onusiennes, les délégués, notamment ceux de l'OCI et de l'UA, ont usé de leur droit à remettre en cause le consensus atteint. Quel spectacle pour les ONG présentes. On a l'impression de pédaler dans la choucroute. Cette valse-hésitation est bien illustrée par les propos du représentant du Nigéria : « Il ne s'agit pas de renégocier le DPPAD (Déclaration et Programme d'Action de Durban) mais simplement les airs. La chanson est là. Nous ne voulons pas de restructuration mais une clarification du texte. Il ne faut pas utiliser ce texte comme prétexte pour ne pas faire avancer Durban. » (sic). Les délégations favorables au texte sont restées silencieuses, à l'exception du pays hôte, la Suisse, qui prend la parole pour expliquer que le texte de Boichencho est bon. On le comprend: la Suisse ne désire pas associer le nom de Genève à un échec de la conférence antiraciste. Jeu diplomatique Boychenko ne se laisse pas démonter. Le jeu diplomatique se poursuit. Il le mène habilement quoique avec peu de succès. La journée s'achève sur l'adoption officieuse de huit paragraphes dont deux ad referendum (127, 128, 133, 135, 136, 137, 138 et 140). On est loin du compte (141 paragraphes). Pour l'heure, le rêve consensuel de Navi Pillay se brise dans le ressac montant des jeux de pouvoir. On n'assiste pas aujourd'hui à des échanges de vue entre agents diplomatiques en vue d'aboutir à la conclusion d'un accord. On assiste à des monologues de délégués assénant des points de vue. Les délégations qui s'expriment semblent avoir horreur du consensus international. Tout se passe comme si elles avaient érigé la contestation et la monopolisation du temps de parole en méthode de travail. Chances Madame le Haut Commissaire conclut la séance sur le ferme espoir que « tout le monde se sera mis d'accord » le vendredi 9 avril, jour de clôture de cette dernière session du groupe de travail interdépartemental. Comme elle le rappele: « Si les divergences devenaient le prétexte à l’inaction, les espoirs et les aspirations de beaucoup de victimes seraient anéantis peut-être de manière irréparable ». On n'en attend pas moins d'un comité préparatoire censé finaliser un texte de progrès pour les victimes des discriminations. Mellouki Cadat, ICARE Salle XVIII, Palais des Nations, ONU, Genève Lundi 6 avril 2009


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