« Pincoya »
Linogravure sur papier fait a main 21cm x 29cm
Caliban RAMIREZ
PROJET : » LA PINCOYA DANS LA MER DU NORD »
CALIBAN RAMIREZ
Il pratique une peinture mi-chemin entre le figuratif et le non- figuratif, alliant la vigueur du trait appuyé à la douceur des pastels, passant de la figure animalière à la représentation diabolique, dans un univers onirique où l'imagination poétique projette l'humain et l'animal qui se côtoient sans s'affronter ». AAA Objectif
CALIBAN RAMIREZ
Caliban Ramirez (1967, Santiago –Chili) a été formé en peinture monumentale au RHOK (RijksHoger Instituut Kunsten) des études supérieures de peinture monumentale chez Maio Wassemberg et des études de peinture à l’Académie de Watermael-Boitsfort auprès de Roger Somville et Paul Gobert – Etterbeek. Dans les traces de Kata Jorge Nuñez (maître muraliste), il ne connaît pas de frontières et lance des concepts autour desquels se forment chaque fois des réseaux urbains.
Il a participé à des évènements internationaux comme Fouart – Montréal, Galery La GiraffeBerlin, Zinneke Parade 2000- Bruxelles et Espace Beaujon – Paris.
Il a mené aussi un collectif d’artistes « projection Caliban » dans l’ancienne Ecole Vétérinaire et, en 2006, le collectif d’artistes « Team In Time », avec Julie Duquesne. Il explore les art vivant avec des coreographes et la scéne du mouvement.
En 2015, il ouvre l’espace.remundo à Woluwe Saint-Lambert. C’est un lieu d’experimentation
et d’expression libre. Puis en 2018, Avec Benjamin Alvarez, il crée plusieurs exposition et fait partie d’un collectif de « No Curators’ » Et il est implique à plusieurs « parcours d’artistes à St Gilles et Tervuren. Il participe en 2019 aussi au parcours d’artiste de la Hulpe.
LA PINCOYA DANS LA MER DU NORD
Analyse de la série de gravures sur linotype de Carlos "Calibán" Ramírez
Verónica Arís Zlatar vero.aris@gmail.com
Introduction
Carlos Calibán Ramírez, artiste chilien établi en Belgique depuis son enfance, représente des créatures mythologiques du sud du Chili dans une série de gravures sur linotype.
Il le fait motivé par la transformation de récits non conventionnels du contemporain, comme une nouvelle tournure de notre compréhension postmoderne en réintroduisant des idées cosmogoniques du bout du monde dans notre imaginaire européen.
Contrairement à ce que l'on pourrait attendre, il semble faire un pas en avant par rapport à la discussion contemporaine commune. Il ne s'en tient pas à la conviction informelle et ne veut pas se satisfaire de la simple récupération kitsch de traditions créoles cachées.
Il affiche plutôt un tournant interprétatif vers un syncrétisme symbolique entre la culture qui l'a vu naître et la douce observance anticolonialiste de celle qui l'abrite aujourd'hui, dans le but probable d'obtenir une compréhension plus profonde de la vie ancestrale et du pouvoir de l'alchimie personnelle.
Description du travail de Calibán RAMIREZ
Ramírez présente une série d'impressions au linotype, parfois sur du papier blanc fait à la main, d'autres fois sur une composition unique de formes et de couleurs.
Dans tous les cas, le portrait est un personnage mythologique qui nous invite à découvrir son origine primitive. La Pincoya, par exemple, un esprit bénéfique de l'océan Pacifique (plus précisément de l'île de Chiloé), est évoquée par l'artiste chilien comme dansant dans la mer du Nord belge.
En l'imprimant sur différents supports, il la fait danser sur une myriade de scènes, de surfaces et d'implications. Sa danse varie d'un support à l'autre, comme une histoire vivante de performances.
L’Art est une quête comme celle de l’Odyssée. Et comme toutes les quêtes c’est aussi une maladie. L’Art est un prisme qui nous traduit la réalité en rêve et méditation. Nous cherchons aussi à retrouver les histoires qui faisaient de nous des hommes de partage. Dans une perpétuelle recherche, nous vous invitons à découvrir ce que ces histoires nous ont raconté. Ma pratique englobe toujours des éléments de lien social et des questions propres à notre être. Les obsessions et les rituels de la vie sont ma source d’inspiration. Ce qui fait que l'être humain un explorateur en permanence. Je transmets une histoire à travers mes travaux qui lient récupération et transformation, en recyclant le papier et les fibres, en superposant les documents. En parallèle, je produis une estampe en linogravure. Et c’est ainsi qu’à travers mes parchemins naît une histoire de légendes contemporaines. Une part de moi-même en quelque sorte. »
Caliban Ramirez
L’Exposition « La Pincoya de la mer du Nord » refuse la fatalité.
Nous voulons faire naître des prises de conscience, des rencontres et des dialogues.
La mémoire de nos ancêtres humanistes nous rappelle avec sagesse que la Terre est notre seule demeure.
Le fait de « Recycler » et de « Rêver » un monde meilleur demande un moment de réflexion, un temps d’arrêt et de l’action.
La condition nécessaire est la transformation qui se produit dans nos cœurs et dans nos consciences, au plus profond de nous et de nos subjectivités.
L’être humain retrouvant la mémoire, voit sa façon de vivre changer radicalement.
L’imaginaire collectif n’exclut personne. Chaque invité dans ce paradis perdu, y est libre de prendre ou pas sa place.
De la création de nos nouveaux mythes et légendes va naître un autre type de relation avec nous-mêmes et les autres.
Prenez plaisir à partager comme mille fois le cycle de l’eau sur cette Terre, grâce à la passerelle d’une nouvelle perception
La gravure sur linotype
On peut s'accorder à dire que "l'estampe est son procédé", mais pas en tant que procédé spécifique, plutôt en tant que procédé en tant que tel. L'impression est un procédé puisqu'elle nous permet de reproduire une image plusieurs fois. Cependant, le succès remarquable de la reproduction dépend de l'effacement de la singularité de qui le fait et quand. Ainsi, nous distinguons facilement le temps de création d'une image et celui de son impression. Alors que le premier fait remarquer qui l'a fait et pourquoi, le
second, au contraire, reste silencieux au service de la cause. En effet, son succès de reproduction dépend de restrictions techniques qui orientent l'effort créatif vers l'économie de l'image. On ne compte que sur des gestes simples pour raconter toute une histoire.
Calibán Ramírez est bien conscient de tout cela. Ses personnages mythologiques sont réalisés avec les gestes les plus simples. Mais sa tentative ne s'arrête pas là. Il va jusqu'à expliciter son travail manuel en utilisant un style expressionniste de coupes sur le linoléum, qui rappelle les gravures sur bois d'Edvard Munch, Erich Heckel et Emil Nolde. Par ce biais, il devient primitif à une époque où tout a une précision numérique, ainsi que son œuvre un Manifeste sur notre vulnérabilité en tension avec le processus d'impression qui efface toute particularité que notre ouverture aux contingences peut offrir.
Informalisme et gravure
Au Chili, il fut un temps où la recherche d'un nouveau langage loin du colonialisme conduisait les artistes à l'informalisme. Une forme, plus précisément toute forme traditionnelle enseignée par l'Académie des Beaux-Arts, a été immédiatement comprise comme une manière de perpétuer la compréhension hégémonique de la vie par l'impérialisme européen. En réponse à cela, un nouveau mouvement de peinture s'est élevé. La matière, les couleurs affichées sur une surface irrégulière, les morceaux d'objets et les traces sans honte au fusain étaient des éléments qui défiaient le sens traditionnel de la beauté.
Dans ce contexte, l'impression a également trouvé sa voie contre la normativité européenne de ce qui mérite d'être vu. Tirant parti de sa reproductivité, l'imprimerie était le moyen de faire passer le message de ce qui compte pour la partie silencieuse de la société et de décentraliser l'accès à la culture.
La tâche de récupérer les mythes oubliés a rendu l'imprimerie synonyme de scénario vivant dans lequel la culture populaire pouvait retenir son souffle. Comme le souligne Justo Pastor Mellado dans son livre La novela chilena del grabado (p.31), grâce à cette visibilité croissante des mythes cachés par la gravure, des artistes reconnus tels que Pablo Neruda et Nemesio Antunez ont pu les introduire sous les projecteurs du monde de l'art de l’époque.
Cela donne matière à réflexion. Aujourd'hui, en Belgique,
Calibán Ramirez a décidé de travailler l'image mythologique chilienne de La Pincoya en l'imprimant. C'est révélateur. Il ne l'a pas dessinée, ni peinte. Il l'a imprimée.
Il semble qu'une compréhension voilée de l'histoire de l'art chilien lui ait murmuré à l'oreille de retrouver ses racines originelles tout en ravivant la résistance des mythes oubliés en Europe.
Se réconcilier avec la peinture géométrique
De l'autre côté, les peintres abstraits, et surtout les peintres géométriques, défendent l'essence de la forme. Les lignes et les zones de couleur tranchantes transforment l'image traditionnelle en l'essence d'une composition. La musique, dans ses motifs rythmiques, a guidé leur recherche. Avec quelle simplicité peut-on travailler les couleurs pour trouver la limite même de la représentation, la frontière de l'ambiguïté entre l'espace et la matière concrète, entre la lumière et une simple couleur numérotée ? Un nouveau sens de la normativité est alors entré en jeu qui nous fait souvent nous demander s'il l'a fait pour récupérer la validité de l'ancienne académie ou au contraire pour en établir une toute nouvelle.
Parmi les séries de Pincoya, Calibán réserve une place spéciale à la tension entre la récupération révolutionnaire de la culture populaire et sa propre exploration géométrique dans la peinture. C'est ce que nous pouvons considérer comme le tournant renouvelé du débat traditionnel contemporain, comme nous l'avons dit précédemment. Calibán réconcilie les antagonistes historiques pour apporter une nouvelle lumière de liberté au sujet dépeint.
Mais cette réconciliation se transforme en une nouvelle tension qui agit des deux côtés. La figure très artisanale réalisée sur linoléum est reproduite mécaniquement par la presse tandis que la peinture abstraite faite à la main tente de garder son souffle pour gagner une zone de finition industrielle de couleur. Les deux techniques manifestent la lutte entre la vulnérabilité humaine à l'échec et l'idée polaire universelle de netteté et de perfection au-delà des contingences. La main humaine semble jouer ici le rôle du chemin de traverse qui les unit face à notre ère numérique.
La bénédiction de La Pincoya
La Pincoya est une image mythologique équivalente à la Néréide ou Nymphe des mers européennes, et dans un autre sens, à Diane, la déesse romaine de la fertilité, ainsi qu'à Cérès et à la déesse égyptienne Isis, qui représentent le pouvoir génératif et fécondant de la Nature.
Le mythe chilien raconte que lorsque Huenchula revient chez ses parents où elle avait laissé sa tendre fille endormie dans une patelle, elle la trouve transformée en eau cristalline grâce à la curiosité des anciens. Désespérée, elle saisit la patelle et court vers la mer pour la vider doucement dans les eaux.
Plus tard, en entrant dans la mer, elle se perdit dans les profondeurs en cherchant son mari Millalobo. Entre sanglots et pleurs, elle lui a raconté ce qui s'était passé. Dès qu'elle eut terminé la dernière phrase, elle vit s'approcher un bateau délicat comme une bernique.
A l'intérieur se trouvait sa fille disparue, mais transformée en une belle jeune femme aux longs cheveux dorés, d'un charme et d'une douceur incomparables, à laquelle elle donna le nom de Pincoya. Avec elle, toute la famille décida de vivre au fond de la mer.
Depuis lors, Millalobo a généreusement offert aux habitants de Chiloé les semailles des mers et des plages grâce aux mains merveilleuses et fertiles de sa fille préférée.
La Pincoya sort des profondeurs de la mer à moitié vêtue d'un costume d'algues pour danser sur les plages.
Lorsqu'elle exécute sa délicate danse face à la mer, cela signifie que les poissons et les fruits de mer seront abondants sur ces plages et ces mers ; en revanche, si elle le fait le visage tourné vers la terre, cela indique aux villageois que pour la saison à venir, les produits mentionnés seront rares.
Cependant, lorsque la pénurie se prolonge dans certaines régions en raison de l'absence de La Pincoya, il est possible de la faire revenir au moyen d'une cérémonie spéciale. D'ailleurs, lorsque les chilotes font naufrage, ils trouvent toujours à leurs côtés la tendre Pincoya qui leur vient en aide.
Si, pour des raisons supérieures, elle ne parvient pas à les sauver, elle transporte tendrement les corps des chilotes morts sur le "Caleuche", aidée de ses frères La Sirena et Pincoy, où ils revivront en tant que membres de l'équipage du bateau fantôme et vers une nouvelle existence de bonheur éternel. C'est certainement pour cette raison que les Chilotes ne craignent jamais la mer agitée, même si la plupart d'entre eux ne savent pas nager. L'esprit de la Pincoya qui veille toujours sur eux, leur donne une confiance totale pendant leurs tâches risquées dans l’océan.
La cérémonie dans le siège nord de la Belgique
Calibán présente La Pincoya dans différents scénarios conceptuels. Parfois sur un papier blanc poétique fait à la main, d'autres sur une œuvre picturale abstraite, voire sur des papiers trouvés, imprimés, jetés. Chaque support semble être un nouveau rituel par lequel cet esprit bénéfique est invoqué. L'artiste chilien appelle La Pincoya à danser dans la mer du Nord belge pour nous rendre l'abondance dans toutes ces situations où nous semblons avoir besoin d'elle. Calibán nous invite à la découvrir sous ce nouveau jour.
Échanges possibles :
Une présentations de l’artiste et de sa démarche à travers différentes type d’animation comme initiation de creation de papier.
Éventuellement, une visite de l’atelier.
Caliban Ramirez et son rapport avec le papier récyclé et l’utilisation des archives.
