Rapport de fin d'études de Vincent Hannoun

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Remerciements Manon Desplechin m’a permis de découvrir l’existence de ce projet alors qu’il n’en était qu’à ses prémices. Un grand merci ! J’adresse également mes remerciements à toute l’équipe de Yes We Camp !, notamment à Nicolas Détrie. La confiance qu’il m’a accordée fut très précieuse. Stéphane Hanrot, mon professeur encadrant, a soutenu avec bienveillance la démarche atypique de mon projet de fin d’études. Qu’il en soit ici grandement remercié. Enfin, merci à Lisa George et Aurore Rapin pour leur aide à la relecture de ce rapport.



Avant-Propos Pendant mes premières années de licence en architecture, le PFE était encore pour moi une chose abstraite, lointaine, que je n’envisageais pas encore ou alors avec un mélange de peur et d’admiration. Les années passant, je me rendis finalement compte qu’il ne s’agissait que d’un projet assez ordinaire, délimité, comme les autres, par les quatre mois du semestre, et dont la seule particularité était de laisser généralement une plus grande marge de liberté quant au choix du site et du programme. Le Travail Personnel de Fin d’Études (TPFE) donnant le droit au titre d’Architecte Diplômé Par Le Gouvernement (Architecte DPLG) et permettant d’exercer en tant qu’architecte, a été aboli par la réforme LMD (Licence-Master-Doctorat). Le Projet de fin d’Études (PFE) est alors venu remplacer le TPFE, supprimant ainsi le mot « personnel » de l’intitulé. Cette évolution me paraît regrettable, car elle réduit la liberté et l’épanouissement personnel des étudiants dans l’élaboration de leur dernier projet scolaire, désacralisant du même coup le passage à la vie active. En janvier 2013, alors que je commençais à préparer mon projet de fin d’études, une opportunité se présenta à moi de transformer cet exercice en une aventure hors du commun : mon travail scolaire sur le devenir du littoral estaquéen que je menais depuis un semestre était en train de converger avec un projet extrascolaire dans lequel je m’investissais depuis six mois déjà, Yes We Camp ! Marseille 2013. Événement participatif conçu à l’occasion de Marseille Provence 2013, Yes We Camp ! Marseille 2013 fut un camping alternatif mêlant écologie, architectures expérimentales et activités culturelles, dont je suis devenu à ce moment là et jusqu’à novembre 2013 le coordinateur de la conception et de la construction, « l’architecte en chef » en quelque sorte. J’ai vécu pendant cette année plus de six mois sur une friche portuaire de l’Estaque transformée en camping le temps de la saison estivale. Cela fut intense, passionnant et éprouvant : j’ai beaucoup appris et découvert, et j’en ressors transformé. Si ce rapport présente la production architecturale que j’ai coordonnée et son processus de fabrication, il est aussi en filigrane le récit de ma métamorphose.


Récits de visiteurs

«

Nous avons pris le bateau de Marseille pour l’Estaque. La vue sur Marseille, avec le fort St. Jean et le nouveau MuCeM, était magnifique. Le bateau s’est avancé peu à peu en tanguant sur les vagues de la mer bleue. Quarante minutes plus tard nous avons vu des panaches de fumée sur le quai de l’Estaque. C’était comme arriver sur une petite île perdue où le seul habitant envoie des signaux pour indiquer sa présence. […] En arrivant au camping nous avons toute de suite eu un sentiment familier. Les gens à l’accueil étaient très sympathiques et après avoir installé nos affaires dans notre « Semeuse », notre hébergement pour la nuit (avec notre propre porte, une table, nos chaises et même un petit jardin) on s’est senti comme chez nous. C’était comme une journée agréable avec la famille. De plus, nous étions entourées par des couples d’amoureux, des amis jouant à la pétanque, des petits enfants qui jouaient. L’un d’eux s’est même écrié : « Mais j’ai jamais vu un camping si cool de ma vie ! », tandis que les boulistes nous ont demandé « est-ce que vous voulez participer ? Pendant un séjour en France il faut y jouer! »

»

Extrait du blog de Lan Wei et Mirthe Smeets1

«

Lundi dernier, je suis accueillie par des bénévoles au français hésitant, un hollandais, un allemand et un italien civil au point de m’accompagner jusqu’à mon chez moi éphémère. Petit inconvénient mon dortoir en bois n’est pas numéroté mais nous arrivons finalement à trouver mon lieu de villégiature grâce au plan distribué. Il est aussi possible de faire garder quelques affaires précieuses à l’accueil. J’ai alors toute liberté de me promener à travers le village entre les caravanes d’habitation ou d’exposition d’œuvres culturelles, customisées, les échafaudages, les tentes, les nombreux points d’eau végétalisés et le potager superbe. « Go, go, go » s’exclame Lionel, le chef cuistot bénévole. Tandis que certains se mettent à la préparation du dîner d’autres moins braves jouent à la pétanque ou prennent l’apéro. Rapidement, je ne suis obligée à rien mais j’ai envie de tout faire dans un lieu surréaliste entre la mer et les falaises avec des machines à bulle des vélos-laveurs, une caravane où je trouve un livre abandonné de Selma Lagerlöf. Je m’endors comme une enfant, enroulée dans deux couvertures étrangement apaisée dans une ambiance calme en entendant le ronronnement de la ville extérieure et en perdant la notion du temps. D’ailleurs la règle est posée dès l’entrée du village sur un panneau, « A YesWeCamp, pour le respect de tous, à 1H du matin, il faut dormir ou partir ». A l’aube, j’expérimente les douches sans plafond qui respectent quand même l’intimité très bien conçues et qui récupèrent l’eau pour l’arrosage des plantes sur fond de musique cubaine tandis qu’une fille allemande se brosse les dents en regardant la mer. Je quitte à regret ce village avec les paroles de la chanson Hotel California du groupe Eagles à l’esprit : « You can check out anytime you like but you can never leave ».

»

Extrait du blog de Selma Fahlgren2

Lan Wei et Mirthe Smeets, « Yes We Camp : Arrête on va se faire remarquer », La plume et la souris, mis en ligne le 15 juillet 2013, consulté le 17 janvier 2014, URL : http://blog.univ-provence.fr/wordpress/laplumeetlasouris/2013/07/15/ yeswecamp-arrete-on-va-se-faire-remarquer/

1

2 Selma Fahlgren, « Camping Yes We Camp : le pari de l’intelligence collective », selma.fahlgren.overblog.com, mis enligne le 12 septembre 2013, consulté le 25 janvier 2014. URL : http://selma.fahlgren.overblog.com/camping-yeswecamp-le-paride-l-intelligence-collective


Résumé du projet

Organisateur :

Association Yes We Camp !

Situation :

L’Estaque, Marseille 13016

Surface :

6500 m²

Programme :

village éphémère

Capacité d’hébergement :

180 personnes

Jauge maximale :

1200 personnes

Fréquentation :

48 000 visiteurs dont 9000 nuitées

Budget global :

565 822 euros

Budget construction :

186 278 euros

Part d’autofinancement :

70 %

Conception : genèse en 2004, puis presque 1 an de préparation (mai 2012 - avril 2013) Construction :

2 mois (15 avril – 15 juin 2013)

Ouverture :

4 mois (22 mai – 28 septembre 2013)

Démontage :

1 mois (30 septembre – 7 novembre 2013)

Postes occupés :

Aides ponctuelles à partir de septembre 2012, Coordinateur conception et construction à partir de fin janvier 2013

2004

2009

mai 2012

idée

Projet non retenu par Marseille-Provence 2013

redémarrage du projet grâce au soutien du OFF

Frise chronologique résumé du projet

avril-mai 2013 Conception

Construction

octobre 2013 Ouverture

Démontage



SOMMAIRE 9 Introduction 10 Promenade à travers le village éphémère Yes We Camp ! 28 Contexte 29 Programme 30 Site 34 Un lieu architecturé 34 44 44 45 47

Principes essentiels du parti architectural Fonctionnement Ambiances Choix constructifs Choix écologiques

48 Un processus de projet innovant 48 50 56 60 63

Pas à pas Une conception collaborative Construction Vie du lieu Démontage

66 Vers une professionnalisation 66 67 67

Axes de travail Méthodologie de travail Supports physiques de développement

73 Conclusion 74 Postface



Introduction « On avait jamais vu ça ! Je suis fier de voir des gens venus du monde entier, ici, à 10 minutes de chez moi. », me raconta un visiteur lors d’une douce soirée d’été. La société actuelle est prise dans la tourmente d’une triple crise économique, sociale et environnementale. L’austérité est érigée en règle d’or, la plupart des gouvernements réalisent des coupes drastiques dans les dépenses publiques, alors que les inégalités se creusent indéniablement. Le projet que je vous présente n’est pas une critique directe de ce système à bout de souffle mais la recherche de solutions portée par une énergie positive, privilégiant l’audace, l’innovation et le partage. Né sans commande institutionnelle, le projet Yes We Camp ! Marseille 2013 consiste à fabriquer et à animer collectivement – à l’occasion de Marseille Capitale européenne de la culture 2013 – un « événementlieu » ouvert à tous, conçu comme un village écologique, avec la participation des commerçants et acteurs locaux, un lieu d’innovation et de rencontre entre voisins, visiteurs, artistes et campeurs. Ainsi, au sein d’un groupe de personnes aux compétences variées travaillant à l’ouverture de ce lieu de vie et de partage, j’ai eu le rôle de coordinateur de la conception et de la construction. Il est clair que le rôle de l’architecte est questionné au sein de ce projet. Contrairement à un projet classique d’architecture, nous étions aussi les porteurs du projet. Il n’était pas question de répondre à une commande précise et budgétée d’avance, mais de s’inscrire dans un mouvement collectif. Pour construire la cohabitation, il a fallu s’adapter sans arrêt, laisser la place aux idées des autres, révéler le potentiel de chacun. Finalement, l’enjeu était d’être un humain et un citoyen avant d’être un architecte. L’utopie est devenue réalité pour quelques mois. Mais est-ce reproductible à d’autres échelles ? L’expérimentation permise par l’éphémère ouvre-t-elle la porte à des solutions pérennes ? Est-ce là une piste pour un nouveau modèle de vie en société ? Je tenterai de répondre à ces questions à la fin de ce rapport. Cette présentation s’ouvre par une promenade qui vous plongera à l’intérieur du projet si vous n’avez pas eu l’occasion de vous y rendre. Je présente ensuite les références historiques auxquelles le projet se réfère, ainsi que le contexte particulier de l’architecture contemporaine dans lequel il s’inscrit. Le point suivant explicite la genèse de ce projet et son programme, né du contexte particulier de la capitale européenne de la culture, et propose une lecture du site d’implantation. Je décris ensuite le projet à travers ses éléments d’architecture, en présentant l’objet réalisé, à son apogée, au mois d’août 2013, avant de préciser les méthodes mises en œuvres tout au long de mon travail et les différentes phases du processus de production de ce projet atypique. Enfin, je vous ferai part des réflexions en cours – émanant à la fois d’envies internes et d’une forte attente extérieure, au sujet de la pérennisation de l’action de notre collectif.

9


Promenade à travers le village éphémère YesWeCamp

Rout e

NORD

ENTRÉE Parking Stand Sécu Bus

Consigne

Stock

Espace atelier

WC

Phyt

ACCUEIL CAMPEURS

Atelier

Moissonneuse II

o ép ura

35 / 535 à 50 mètr es

tion

Stockage Paloxs

Atelier

Moissonneuse III

Bureau

Tentes n°3 Tentes n°2

Tentes n°4

WC Caravane

Caravane La Verdine

Caravane

Caravane

Caravane spectaculaire

Caravane

Spoutnik Caravane

GR 13

Caravane

Caravane Hamac do mar

Régie

Dj

LE RANCH PONEY Kiosque

Petite scène

Open barbecues 19-21h

Plage

terrasse

Régie / Loges

La guinguette

WC

boîte aux lettres

ruche

Salon vert

Cabanon perché 1

Tentes n°5

SDF Caravane hotel

GASTONNETTE

Potager

Ciné

Cabanon perché 2

Caravane

Sommeilleur

Tente n°1

Neto 3000

Salon L’Assomoir

rt

Hameau de caravanes

WC

Semeuse Semeuse Bollywood de vent

Brumisateur

bla

Cuisine

Moissonneuse IV

Semeuse De petits trous

Ba

Outils

Maison Bulle

Bateau Absolut

Gigagone bénévoles

ESPACE BÉNÉVOLES

Cuisine

10 m Plan distribué aux campeurs à leur arrivée sur le site.

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dessin Vincent Hannoun


© Daily Laurel

Arrivée par la nouvelle navette Vieux-Port - L’Estaque mise en service en avril 2013

Route

N

Vue depuis la rue, avec la présence d’une banderole réalisé par un artiste.

© Eric Pringels

11


Tour de douche visible depuis la rue, et un panneau signalant la présence du camping aux passants.

Façade Est du projet, visible en arrivant. 12

© Sebastien Normand


Route

N

Nous entrons dans le camping en passant à travers l’œuvre de l’artiste Aldric Mathieu.

© Lisa George

© Sebastien Normand 13


Accueil

© Daily Laurel

Route

N

La caravane rouge, signal depuis la route.

L’allée principale. 14

© Camille Fallet


Une allée circulaire.

© Sebastien Normand

Daily Laurel

© Daily Laurel 15


Le hameau de caravanes, où est logé une partie de l’équipe.

Sebastien Normand

Au bas du grand escalier, le bar, l’accès à la terrasse et au quai.. 16

© Sebastien Normand


Route

N

La “banque” du camping, au bout de l’allée centrale, sur l’agora.

© Sebastien Normand

© Sebastien Normand 17


Route

N

Depuis la terrasse du bar, le regard passe au dessus de la digue

Des visiteurs au comptoir, attendant une bière fraiche. 18

Š Daily Laurel

Š William Martin


Vue sur la place centrale depuis la terrasse du bar.

La plage artificielle et la grande scène.

Š Eric Pringels

Š Sebastien Normand 19


Au bas des marches, le kiosque.

Le jardin du camping. 20

Š Sebastien Normand

Š Camille Fallet


Le revêtement brillant de l’étage du kiosque, visible depuis la mer.

© Sebastien Normand

Route

N

21


Route

N

Un après-midi au camping.

Un après-midi au camping. 22

© Daily Laurel

© Raffaella Napoli


Les dortoirs donnent sur des petits espaces accueillants.

© Sebastien Normand

Des espaces de tentes abrités par l’habillage en claire-voie.

© Sebastien Normand 23


Une maison bulle originale de Jean Maneval remontée. Des bâches de signalisation de MP2013 récupérés pour faire les fenêtres et des racks de manutention d’échafaudages en guise d’escalier.

© Sebastien Normand

Route

N

Les toilettes et une fontaine publique.

24

© Lisa George


A l’arrière, les tours de douches et leur système d’épuration forment une limite avec la rue.

© Sebastien Normand

Les toilettes.

© Sebastien Normand 25


Le projet vu du ciel, depuis la mer

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dessin Vincent Hannoun 27


Contexte Le projet que je vous présente n’est pas le pur produit d’une théorie. Il a d’abord été porté par une volonté commune de faire, de rendre réel un temps et un espace partagé par tous pendant l’été 2013. S’il est né de manière assez spontanée, il est important, pour en avoir une compréhension plus fine, de prendre en compte le contexte qui a permis son émergence. Je vous présenterai tout d’abord le prisme historique à travers lequel le projet peut être compris, puis je mettrai en évidence sa résonance avec les travaux actuels sur une nouvelle façon de fabriquer la ville. Lorsque l’on évoque les thèmes de l’architecture éphémère et mobile, il nous vient à l’esprit les réalisations et les utopies des années 60-70 du siècle dernier. Peu de temps après la Seconde Guerre mondiale, le monde occidental subit des changements considérables, et l’époque de la sédentarité cède la place à celle de la mobilité. L’homme part à la conquête de l’espace, l’automobile entre dans la vie quotidienne de tous. L’architecture mobile et éphémère est alors vue pour certains comme l’avenir. En 1967, le philosophe Jean Baudrillard écrit : « L’éphémère est sans doute la vérité de l’habitat futur. Les structures mobiles, variables, rétractables, etc., s’inscrivent dans l’exigence formelle des architectes et dans l’exigence sociale et économique de la modernité »3. Ces thèmes seront effectivement prépondérants dans le travail de certains architectes de cette époque, en particulier les futuristes d’Archigram, Yona Friedman qui fonda le Groupe d’études de l’architecture mobile, Richard Buckminster Fuller et son dôme géodésique, Jean Maneval et sa maison bulle, et bien d’autres. Cherchant à proposer un urbanisme plus en phase avec les habitants, Christopher Alexander s’intéressa, quant à lui, à comprendre comment l’urbanisme pouvait être plus démocratique, et posa les bases de l’architecture participative, tentant l’expérience au sein même de l’université d’Oregon aux États-Unis, dans laquelle il enseignait. Ces expériences et utopies sont ensuite quelque peu tombées dans l’oubli. Aujourd’hui, elles sont à nouveau une source d’inspiration, notamment pour de nombreux collectifs d’architectes, paysagistes, urbanistes, etc. qui cherchent à trouver des solutions intelligentes aux problématiques actuelles que pose la société et les crises qu’elle traverse, par des pratiques urbaines transversales et participatives. Ces collectifs, par leur pratique, remettent en question le rôle de l’architecte. Les premiers travaux de cette nouvelle vague, restés un moment dans l’ombre, bénéficient depuis quelques années d’une reconnaissance méritée, comme le témoigne par exemple l’exposition du Pavillon de l’Arsenal de l’été 2012, Re-architecture. Elle réunissait les travaux de différents collectifs européens qui, finalement, réalisent et rendent possible certaines des utopies des années 60-70. Ces collectifs prouvent qu’il est possible d’agir tout de suite, avec les habitants, qu’un mécanisme « top-down » peut être complété par un mécanisme « bottom-up ». Il montrent que les espaces délaissés et déchets de nos villes sont des opportunités, que la temporalité d’un projet est déterminante, qu’« une nouvelle façon de fabriquer la ville s’enrichit chaque jour d’une autre manière de la vivre »4.

Programme Un rêve pour Marseille-Provence 2013 Yes We Camp ! Marseille 2013 est un projet né un jour d’un échange entre deux créateurs : Olivier Bedu, architecte, fondateur du Cabanon Vertical5, qui depuis longtemps nourrissait l’idée d’un camping urbain, et Eric Pringels, graphiste et communicant, toujours à l’affût d’idées novatrices. Marseille Capitale européenne de la culture en 2013, s’apprêtait à accueillir dix millions de visiteurs. Elle étoffait petit à petit sa capacité d’accueil, mais aucun camping n’était prévu. De ce manque, ils en ont fait un rêve ! L’idée du projet est donc de produire collectivement un minivillage écologique et alternatif à l’architecture expérimentale, accueillant animation culturelle et création artistique. Il est lié aux besoins de l’éphémère et de l’événementiel, qui sont l’occasion d’expérimenter, à l’échelle un, ses formes architecturales et ses processus de fabrication. 3

Jean Baudrillard, « L’éphémère », in Utopie, n°1, mai 1967.

4 Anne Hidalgo, dossier de presse de l’exposition Re-architecture. Re-cycler, ré-utiliser, re-investir, re-contruire. Nouvelles fabriques de la ville européenne, Paris, Pavillon de l’Arsenal, 12 avril-21 août 2012.

Le Cabanon vertical est un collectif pluridisciplinaire dont le travail touche à la place de l’individu dans l’espace urbain, à sa liberté d’agir et à la mise en valeur de ses usages actuels. Ses réalisations consistent bien souvent dans des formes architecturales parasitant des bâtiments ou détournant sous forme hybride les fonctions du mobilier urbains. URL : http:// cabanonvertical.com 5

28


Un projet éphémère Le projet est éphémère par essence car il répond à un besoin délimité dans le temps. Il ne s’agit donc pas de produire de l’architecture éphémère comme une fin en soi, mais de répondre au plus juste à un besoin identifié et délimité dans le temps ; ici, un besoin en hébergement lors de Marseille-Provence 2013. Éphémère par besoin donc, le projet permet et demande alors d’expérimenter. En effet, d’un côté l’aspect temporaire du projet permet de se détacher de certaines contraintes de l’architecture traditionnelle, ce qui facilite l’expérimentation, ouvrant la voie à des solutions novatrices ; de l’autre il devient un défi du fait de sa durée, il demande à se questionner sur un cycle de vie architecturale bien plus court, à des problématiques de rentabilités financières et de durée de construction différentes. Il est donc une course en avant, forcément source d’apprentissage en tous genres. Les questionnements écologiques, au cœur du projet, se sont aussi fait dans une logique expérimentale. La réponse éphémère que nous apportons est déjà en soi une solution écologique. Dans ce cadre, comment être le plus économe en matière pour une architecture qui a vocation à disparaître ? Comment subvenir aux besoins vitaux des humains vivant sur place tout en ayant comme impératif de restituer, à la fin du projet, le site tel qu’il était avant son utilisation ? Finalement, le projet tente de répondre localement à des questions qui font sens à une échelle plus globale.

Schéma programmatique.

© On Site, Sebastien Wierinck

Un événement-lieu Certes, la curiosité architecturale a pu être l’objet unique de la visite pour certains visiteurs. Seulement ils n’ont pas pu échapper au fait de devenir les acteurs du projet. Car le but, c’est aussi le simple fait de réunir ensemble, dans une zone délimité, une grande variété d’individus. L’architecture ne se donne donc pas uniquement à voir comme œuvre expérimentale. Elle est aussi intimement liée à l’activité humaine et aux événements qui s’y déroulent. On s’y balade, on s’y repose, on y dort, on y mange, on s’y lave, on y fait la fête, etc. L’architecture se devait de mettre en scène cette vie, c’est pourquoi le projet a aussi un aspect scénographique et événementiel. Nous verrons plus loin comment l’architecture du lieu est fortement influencée par ce double caractère éphémère et événementiel du projet. Un projet collaboratif et politique Les capitales européennes de la culture se ressemblent de plus en plus. Elles favorisent généralement les grosses productions et expositions au retentissement mondial, au détriment de la culture locale. Notre projet n’a pas vu le jour grâce à Marseille-Provence 2013, mais il a était soutenu par Marseille 2013 « OFF », qui est d’ailleurs le premier « off » de l’histoire des capitales européennes de la culture. Pour ne pas laisser la capitale de la culture aux seules institutions, pour permettre à chacun d’être acteur et pas seulement spectateur de cet événement, nous avons voulu mettre à disposition de tous un espace et du temps, proposer un lieu d’échange et de partage, car la culture se fonde aussi et surtout sur des relations humaines. Le projet se veut comme un grand bateau naviguant vers l’inconnu, chacun étant constamment invité à monter à bord et à faire partie de l’aventure. Le dynamisme et la générosité exprimés par les valeurs fondatrices du projet ont vite permis de réunir un grand nombre de personnes autour de celui-ci. Il a donc naturellement évolué au grès des implications de chacun, et sa réalité est intrinsèquement lié à ces personnes. Nous verrons plus loin à quel point le facteur humain a influencé le projet. 29


Site Nous l’avons vu, le projet est né d’une idée fondatrice qui pourrait être concrétisée en d’autres lieux. En effet, le projet pourrait facilement s’appliquer à d’autres manifestations urbaines de grandes envergures (festivals, autres capitales européennes de la culture, jeux olympiques, etc.). C’est ce qui explique que le choix du site ait eu lieu après le programme. Si le projet a été imaginé au départ sans site pour l’accueillir, la disponibilité d’un tel site était bien évidemment un impératif incontournable et un élément déterminant pour convaincre de sa possibilité. L’absence de site fut d’ailleurs l’une des raisons du refus du projet par l’association Marseille-Provence 2013 gérant l’événement de la Capitale européenne de la culture – qui aurait pu, cela dit, en proposer un. Le projet a ensuite repris de l’élan lorsqu’a été évoquée une éventuelle installation sur le site des Docks des Suds. Après de premiers travaux de conception réalisés sur ce site (6000 m2 au pied de la tour CMA-CGM), puis la conclusion d’une impossibilité de réaliser le projet à cet endroit en raison de son occupation par l’Europride en juillet 2013, nous avons travaillé sur un nouveau projet au le « parc à blocs » du quai de la Lave, à l’Estaque. Le site ne vient pas en amont dans la démarche, et ne détermine pas le programme, mais la bataille que nous avons menée pour avoir une Autorisation d’Occupation Temporaire (AOT) sur ce site appartenant au Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) a pu aboutir notamment grâce à la pertinence de la proposition à cet endroit précisément. Alors que la Capitale européenne de la culture concentrait sa programmation dans le centre et le sud de la ville, il était important pour nous de proposer notre événement dans les quartiers nord de Marseille. Et ce fut effectivement le seul projet culturel d’envergure (par sa taille et sa durée) dans les quartiers nord pendant cette année 2013. Situé à l’extrémité de Marseille, l’Estaque se trouve entre la ville, le port industriel et les massifs naturels. C’est un point stratégique à l’échelle de la ville, comme le montre la carte ci-contre. Si le littoral se compose essentiellement d’un linéaire balnéaire au sud du Vieux-Port, il est surtout portuaire au nord, avec quelques espaces reconquis sur l’espace portuaire au J4 près du Vieux-Port et à l’Estaque. C’est le seul accès à la mer pour les habitants des quartiers nord de Marseille. C’est en cela un point névralgique pendant la saison estivale : un lieu de rencontre et de passage. Nous avions envie d’un site urbain, c’était finalement à la marge de la ville que nous nous installions. Par chance, une nouvelle navette maritime entre le Vieux-Port et l’Estaque était inaugurée au même moment. Le site, alors déjà desservie par le bus et le train, devint aussi un lieu attractif pour les touristes et habitants du centre. Les conditions de la mixité et de la diversité étaient réunies. Le site du camping est l’ancien parc à bloc, lieu où étaient fabriqués les blocs de bétons constituant les digues du port. Au sein de l’Estaque, il s’agit d’un lieu entre deux, entre le centre historique et les plages, entre son passé industriel et sa reconversion encore incertaine. À l’abandon depuis de nombreuses années, c’est un site à fort potentiel. C’est en effet l’un des rares quais délaissés du littoral marseillais ! Notre projet propose de mettre en valeur ses qualités, et propose un usage sans attendre l’établissement d’un projet urbain, dont le processus est souvent long et complexe. Le projet s’inscrit néanmoins dans ce que prévoit le Plan Local d’Urbanisme : ce terrain est en effet compris dans les « pôles et espaces publics, culturels, événementiels et balnéaires ». Ici, sans remplacer les projets futurs, nous nous insérons donc dans ce vide temporel, laissant apparaître une autre façon de penser l’urbanisme.

Position de l’Estaque sur la commune de Marseille. 30

Le port de la Lave, entre ville et nature, une zone tampons de friches industrielles.

Dessins Vincent Hannoun


Vieux Port

zone portuaire littoral portuaire en interaction avaec la ville littoral balnéaire

Impact de la zone portuaire sur l’accessibilité du littoral marseillais.

Dessin Vincent Hannoun

Massif de la Nerthe Calanques de la cote bleue

Chemins de Petites Randonnées

Quai de la Lave

2 km

Plages de Corbières 1 km

Localisation du site.

Espace Mistral 500 m

Gare de l’Estaque 2 km Marseille Saint-Charles 10 min

Centre historique de l’Estaque

Vieux-Port 40 min

Bus 35 Direction Joliette 20 min

Dessin Vincent Hannoun 31


Le Parc à Bloc, avant notre arrivée, vu depuis les collines des Riaux.

Le site vu depuis la partie basse. De nombreux débris jonchent le sol. 32

© Lisa George


« C’est un condensé de Marseille qui s’offre à la vue, raccord avec l’esprit patchwork du projet, urbain et campagnard, à l’ancienne et high-tech : derrière le Port de la Lave se dressent des collines pelées, rocailleuses en diable, amputées par une carrière, quelques habitations… Devant, les bateaux, les digues, à deux pas le village de l’Estaque, plus loin les grues du Port flanquées d’un énorme porte-conteneurs, les zones intermédiaires, et Marseille, la Bonne-Mère, le Massif des Calanques. » Antoine Pateffoz, « Un camping expérimental et arty en germe », La Marseillaise, 19 janvier 2013

Le site est réparti sur deux niveaux séparés par un petit muret d’un mètre de hauteur en moyenne. Le muret est ouvert à deux endroits, ce qui permet d’y envisager des passages. Le site est par ailleurs relativement plat. C’est un terre-plein composé d’un mélange de remblais et de béton. Au sud, le site est bordé et limité par le quai, puis par le canal, la digue de la Lave et la mer. Au nord, la route, puis les collines des Riaux. A l’est, un parking, fermée aux véhicules mais accessible à pied, où les enfants font du roller et du vélo lorsqu’il n’est pas en fonction, c’est-à-dire la majorité du temps. Il est utilisé uniquement lors de grèves dans le port ou de fort mistral : il sert alors de parking au bus qui attendent les croisiéristes débarquant par petites navettes. A l’ouest, trois associations mettent en œuvre de la construction, de la restauration navale, des chantier-écoles ainsi que des résidences d’artistes. Les locaux sont construit majoritairement grâce à l’usage de conteneurs maritimes. Derrière ces installations se trouvent le parking de la cale de mise à l’eau, bondé tout l’été mais en piteux état. Plan schématique du site.

Dessin Vincent Hannoun

© Lisa George 33


Un lieu architecturé

Festival Burning Man vu du ciel.

© Google Earth

Principes essentiels du parti architectural Le site est marqué par son histoire industrielle, et détérioré suite à des années d’abandon. Il n’est néanmoins pas dépourvu de qualités. Nous avons cherché à les mettre en avant. Le parti pris est simple. Le projet tourne le dos à la route, au risque de tourner le dos aux passants, se protégeant de la route bruyante et s’ouvrant entièrement sur la mer. La forme est donc un demi-cercle avec en son centre une liaison entre les deux niveaux.. La partie basse est dédiée aux activités et événements ouverts au public – sans hébergement – adossée au quai à l’extérieur du site, sur lequel se promènent et pêchent les estaquéens. Une des références à cette forme circulaire est le festival Burning man, une ville éphémère de 15 jours construite tous les étés dans le désert du Nevada (Etats-Unis) depuis les années 1990. L’allée principale, un des rayons du cercle, accueille le visiteur tout en lui racontant une histoire du site. D’un côté, elle est dans l’axe exact de l’ancienne maison du directeur des usines qui surplombe le site, dans la colline en friche en cours de dépollution. De l’autre, on distingue clairement, dominant la skyline de Marseille, Notre-Dame-de-la-Garde et la tour CMA CMG.

Schéma présentant l’axe de l’allée principale.

Vue depuis la terrasse du bar.

Le site au début du chantier. 34

Pour profiter pleinement de la vue sur la mer, limitée par une digue lorsqu’on se trouve au niveau du sol, quelques points haut sont ménagés sur le site, comme la terrasse du bar, ou les tours de douches, où il est possible de se brosser les dents en regardant la mer. Au niveau du sol, et notamment sur la partie haute dédiée aux hébergements, c’est la densité qui est privilégiée, pour créer les conditions d’une convivialité. Les espaces communs permettent ainsi aux campeurs de trouver leur place sur un site inconnu. L’intégralité du site a été recouvert de gravier, grâce à des partenariats avec des entreprises de travaux publics, ce qui est une manière simple de le rendre praticable, propre et sécurisé.

© Eric Pringels

Un village dense apparaît.


ANNEXE 1

$5&+,7(&785(6 '(6,*1 '¾(63$&( Rout e ENTRÉE

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NORD 13

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/,(8; '( 9,(

La Tour des Belges La Tente en Cheveux

$0(1$*(0(176 ,1&/$66$%/(6 Grands escaliers et l’Agora Le jardin du Camping La ruche Bee-Pass 4 Passage au frais 5 C.P.P.C.F 6 L’Ombrière CaĂąa viva 7 Le Banc des Boulistes 8 L’Assomoir La Guinguette Le Kiosk CinĂŠmanouche La Cabane de Youssef

6&(1(6 6(59,&(6 '8 &$03,1* La Caravane Spectaculaire La C6O Scène DJ Scène & Bar-Plage L’accueil La SĂŠcumentation La Gastonnette Bablart Ranch-Poney Turtle Bar Open kitchen ChĂŠri, j’ai agrandi la cuisine

Plan masse du projet rĂŠalisĂŠ.

Ecotower Toilitech Toilettes Pirate Atelier, Espace bĂŠnĂŠvole, bureau

&$03,1* (7 +e%(5*(0(17 Valcoucou SDF Hotel Le Netto 3000 Le Spoutnik Hamac do Mar Plateformes de tentes Cabanons PerchĂŠs Moissonneuses et Semeuses Le Sommeilleur

La Maison Bulle La Verdine Le pitalugue Le Hameau des Caravanes Da Gigagone L’UHM aka BBC 44 GraphĂŠes 45 Cheap-sheep mouton 46 La caverne 47 Erotic box 48 Voyage immobile La roulotte 2IIUH] OXL GHV ½HXUV La Caravane du D.A.

Dessin Vincent Hannoun 35


DESCRIPTION ET PHOTOGRAPHIES DES OEUVRES ET STRUCTURES CONSTRUITES /,(8; '( 9,( AmĂŠnagements paysagers & structures inclassables 1 /HV *UDQGV (VFDOLHUV OÂľ$JRUD Place et escaliers centraux du &DPSLQJ HQ VDEOH EODQF ÂźQ SODQFKH GH FRIIUDJHV VXU VWUXFWXUH bois et gravats, nez de marches peints et mains courantes en acier peints. CreusĂŠs, ĂŠtalĂŠs, ratissĂŠs, vissĂŠs, peints et soudĂŠs par les bĂŠnĂŠvoles YesWeCamp ! 2 /H -DUGLQ GX &DPSLQJ - ExpĂŠrimentation de systèmes de permaculture hors-sol, adaptĂŠs Ă la culture en ville. Un lieu de production collectif en lien avec le grand tout du Camping : cuisine, compostage, système de recyclage des eaux, ĂŠlĂŠments construits. Un havre de verdure propice Ă la convivialitĂŠ et au partage, pilotĂŠ par Lisa George et entretenu par les bĂŠnĂŠvoles YesWeCamp ! 3 /D UXFKH %HH 3DVVŠ - Ruche de proximitĂŠ accueillant 20 000 abeilles, fruit la collaboration entre l’entreprise grenobloise Abeille Avenir et l’association marseillaise Bzzz. Un dispositif innovant qui permet aux abeilles d’entrer et de sortir par une cheminĂŠe Ă plus 2m50 du sol et de co-habiter avec les humains en toute sĂŠrĂŠnitĂŠ. Structure et panneaux explicatifs en bois gravĂŠ au lazer. InstallĂŠe j OD ÂźQ GX PRLV GH PDL OD UXFKH GX &DPSLQJ D SURGXLW HQ XQH VDLVRQ NLORV GH PLHO 4 3DVVDJH DX IUDLV - Système de brumisateur sur portique en caisses treillis plastiques de rĂŠcupĂŠration, lestĂŠe par gravats du site. Conçu par l’architecte Yoan Claveau de Lima de CabinetCabinet Architectures, cette installation mise Ă disposition des campeurs et des visiteurs gĂŠnère une brume d’eau rafraichissante 5 & 3 3 & ) § &ÂľHVW 3DV 3DUFH TXH oD )XLW ¨ - Piscine carrelĂŠe DPpQDJpH GDQV XQH EHQQH j JUDYDWV DYHF V\VWqPH GH ÂźOWUDWLRQ des eaux toujours en cours de rĂŠalisation, par SĂŠbastien HĂŠbray et les bĂŠnĂŠvoles de YesWeCamp !

13 /D 7RXU GHV %HOJHV - dite ÂŤ Work-in-progress tower Âť, conçue par le collectif Bruxelles Wild Life pour ĂŞtre le lieu de rassemblement et de discussion des groupes reçus sur le Camping, transformable au cours du temps, suivant les propositions de ces derniers. Structure en ĂŠchaffaudages initialement prĂŠvue pour Ecotower, table centrale pivotante en ERLV SDQQHDX[ GÂľDIÂźFKDJH HQ ERLV HW PDW pFKHOOH SRXU GUDSHDX[ 14 /D 7HQWH HQ FKHYHX[ - Tipi en structure en bois et habillage en FKHYHX[ V\QWKpWLTXHV Âź[p VXU GX WXOOH /HV FKDWRQV GX &DPSLQJ RQW DGRUp FHWWH FRQVWUXFWLRQ SURSRVpH VSRQWDQQpPHQW j OD ÂźQ GH l’ÊtĂŠ par un artiste-coiffeur, Alexandre Janson.

Scènes et EvĂŞnements 15 /D &DUDYDQH 6SHFWDFXODLUH - Caravane transformĂŠe en scène de spectacle capable d’accueillir pièces de thÊâtre, concerts, performances, projections et toutes reprĂŠsentations au format scĂŠnique hors du commun. Le projet est le fruit d’une Up½H[LRQ FRPPXQH HQWUH OD &RPSDJQLH 2UGLQDLUH HW OÂľDVVRFLDWLRQ GÂľDUFKLWHFWHV HW GÂľpWXGLDQWV HQ DUFKLWHFWXUH %HOODVWRFN 16 /D & 2 - Structure scĂŠnique en forme de ÂŤ O Âť composĂŠe d’un hexagone central auquel sont connectĂŠs six structures en IRUPH GH § & ¨ OH WRXW pYRTXDQW OD IRUPH GÂľXQH ½HXU /HV structures en ÂŤ C Âť (dit “les pĂŠtalesâ€?) peuvent ĂŞtre aussi bien attachĂŠes ou sĂŠparĂŠes du module central, transformant le dispositif en bancs et tables, ĂŠlĂŠments de dĂŠcor ou scène. Palettes, bois de charpente et pièces de mĂŠtal de rĂŠcupĂŠration par Maria Joao Vincente et Sara Delgado du collectif portugais ChĂŁo de genteet les bĂŠnĂŠvoles constructrices-eurs de Yes We Camp ! 6FqQH '- - Cabine en acier couverte de bois avec plancher VXUpOHYp 8QH FUpDWLRQ GÂľ(ULF &RXsW GH (*&0 18 6FqQH %DU 3ODJH - Scène de spectacle placĂŠe entre deux containers (rĂŠgie technique et loge) formant un angle droit, plage GH VDEOH ÂźQ FRXOHXU FXUU\ DX VRO

6 /Âľ2PEULqUH &DxD YLYD Arche en cannes de Provence tressĂŠes et DVVHPEOpHV SDU 0DULD -RDR 9LQFHQWH HW %DUEDUD 'HO &DQR $O)DUNK /H %DQF GHV ERXOLVWHV Banc en bois et bache de rĂŠcupĂŠration, illuminĂŠ et intĂŠgrĂŠ aux interstices laissĂŠs par les rochers de l’Estaque, construit par La rĂŠgie et les boulistes de YesWeCamp ! 8 /Âľ$VVRPPRLU - Lieu de dĂŠtente, de retrouvailles, utilisĂŠ aussi comme ĂŠtendoir collectif. Un passage en bois sĂŠpare deux espaces rĂŠalisĂŠs avec des sommiers Ă lattes rĂŠcupĂŠrĂŠs, bois et JDELRQV SDU OH FROOHFWLI )DEULTXH PRL XQ PRXWRQ 9 /D *XLQJXHWWH - Structure en bois et acier, rĂŠalisĂŠe par les ĂŠtudiants de l’Ecole Nationale SupĂŠrieure d’Architecture de 0DUVHLOOH (16$0 10 /H .LRVN - Module multifonctionnel, conjuguant intime et open, travail et divertissement, avec une terrasse offrant large vue sur la mer et un habillage ĂŠvoquant une installation de la NASA. Structure en ĂŠchaffaudage, bois contre-plaquĂŠ, polycarbonate et isolant mince multicouche conçue par Patrice Pinet, Lukasz Drygas -XOLHQ 9HYHU 11 &LQpPDQRXFKH - CinĂŠma en plein du Camping proposĂŠ par OÂľDVVRFLDWLRQ &LQpPDQRXFKH 3URMHFWLRQ GH ÂźOPV VXU VXSSRUW DUJHQWLTXH &DUDYDQH FXVWRPLVpH FDQDSpV HW pFUDQ GH SURMHFWLRQ 12 /D &DEDQH GH <RXVVHI - Potentiel kiosque de vente de fruits & lĂŠgume, investi pendant trois jours puis abandonnĂŠ. Structure en ĂŠchaffaudage, habillage en palettes, bois et bache microperforĂŠe de rĂŠcupĂŠration, conçu par LaĂŤtitia & Mickey et l’Êquipe de bĂŠnĂŠvoles YesWeCamp !

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Services du Camping 19 /Âľ$FFXHLO - Caravane YesWeCamp ! rouge peinte en rouge perchĂŠe sur container prolongĂŠ par une construction en palettes, canisses et bois. Banque d’accueil des visiteurs et campeurs, SDQQHDX[ GÂľDIÂźFKDJH SDUWHQDLUHV HW LQIRUPDWLRQV FRQVLJQHV sĂŠcurisĂŠes, rangement et literie, conçu par l’Êquipe du Camping. 20 /D 6pFXPHQWDWLRQ - Chapiteau blanc et caravane. Poste de sĂŠcuritĂŠ, stand de location de Kayak, taxis-minute et petite ĂŠpicerie d’alimentation. Services proposĂŠs et structure conçue par l’association Eclosion et l’Êquipe de sĂŠcuritĂŠ du Camping. 21 /D *DVWRQHWWH - Tube CitroĂŤn transformĂŠ, le temps d’un ĂŠtĂŠ, en banque de change des Gastons, la monnaie de singe en jetons rouges du Camping (qui est aussi celle de Marseille Off). La Gastonette est un vĂŠhicule de collection prĂŞtĂŠ par Dolce RĂŠtro. 22 %DEODUW - Un projet artistique ambulant dans un ancien camion Ă chevaux. Corentin HouzĂŠ y expose des artistes en petit format, ainsi que ses propres cartes postales. Pendant l’ÊtĂŠ, il a aussi mis en place le service de la Poste du Camping dont il ĂŠtait OH IDFWHXU KRUV SpULRGH GH JUqYH 23 5DQFK 3RQH\ SXLV 7XUWOH %DU - Le bar et sa terrasse, une structure en ĂŠchafaudages et bois recyclĂŠ, par Vincent Hannoun et les constructrices-eurs de YesWeCamp ! Avec un changement de nom radical en cours d’ÊtĂŠ. 24 2SHQ NLWFKHQ - Barbecue collectif pour sardinades gĂŠantes ou concours de merguez, par Thomas Marchal, Sara Delgado et les


FRQVWUXFWULFHV HXUV GH <HV:H&DPS 25 &KpUL -ÂľDL DJUDQGL OD FXLVLQH - Plonge collective sur une dalle de bĂŠton, dĂŠcor de cathĂŠdrale en matĂŠriaux recyclĂŠs, phytoĂŠpuration, et performance nocturne d’Abdel Salem Sid, Fabrizio de YesWeCamp ! 26 (FRWRZHUV - RĂŠalisation de deux tours en ĂŠchafaudage, avec chauffage solaire lowtech, cabines de douches en bois et bache GH UpFXSpUDWLRQ SK\WRpSXUDWLRQ GHV HDX[ XVpHV GDQV GHV EHQQHV de chantier transformĂŠes, par William Martin, Fabrizio et Sabrina Larcinese et les constructrices-eurs de YesWeCamp ! /HV 7RLOLWHFK - Toilettes sèches publiques, modèle Kazuba KL1 prĂŞtĂŠ par l’entreprise Toilitech. Elles sont adaptĂŠes Ă des amĂŠnagements publics classiques et fonctionnent uniquement avec le soleil et le vent. Sans eau, sans ĂŠlectricitĂŠ et sans produits chimiques. 28 /HV 7RLOHWWHV 3LUDWHV - Toilettes sèches classiques ou ÂŤ Ă la Turque Âť, fruit d’une collaboration entre l’association Epluchures, le GERES et les constructrices-eurs de YesWeCamp ! 29 $WHOLHU (VSDFH EpQpYROH HW EXUHDX - Containers et bois sur chassis mĂŠtalliques par Blasco et les bĂŠnovoles de YesWeCamp !

&$03,1* +e%(5*(0(176 30 9DOFRXFRX 6') +RWHO - Oeuvre militante de Philippe Guidau, qui a servi d’hĂŠbergement aux sans-abris pendant deux mois sur la place centrale d’Aubagne. En continuitĂŠ avec cette proposition, le Valcoucou SDF-Hotel ĂŠtait mis Ă disposition gratuitement au Camping, dans la limite de deux nuits successives. Entièrement rĂŠalisĂŠ en matĂŠriaux de rĂŠcupĂŠration, il s’agit d’une cabine en bois recouverte de vĂŠgĂŠtaux avec une couchette individuelle et un FRIIUH GH UDQJHPHQW 31 /H 1HWR +DELWDW TXL UHOqYH WRXV OHV GpÂźV HQ PDWLqUH de fonctionnalitĂŠ, d’Êconomie d’espace et de moyens. Un vĂŠhicule habitable et propre, construit Ă partir de containers poubelles lavĂŠ, dĂŠcoupĂŠs et peints. Une façon de vivre nouvelle, autonome, PRGXODEOH HW pFRORJLTXH SDU 9LQFHQW 1HWR *DPHLUR 32 /H 6SR2WQLN - Capsule attachĂŠe Ă l’idĂŠe de transport. Transport d’un lieu Ă un autre d’un environnement Ă un autre, et de ce que sa forme induit comme imaginaire : un mĂŠlange entre le cercueil, le sarcophage, la sonde et la capsule de survie, par Thomas 7ULFKRW 33 +DPDF GR 0DU - Espace de vie et de couchage simple conçu par Jeanne Baillot et ClĂŠmentine Cluzeaud. Dortoir de hamacs, structure en ĂŠchaffaudage, habillage en bois et fenĂŞtre de rĂŠcupĂŠration, qui permet un campement convivial, Ă l’instar des hamacs installĂŠs sur les bateaux qui circulent le long de OÂľ$PD]RQH 34 /HV 3ODWHIRUPH GH WHQWHV - Plateformes en ĂŠchafaudages Layher recouvertes de pelouse synthĂŠtique, par YesWeCamp ! 35 /HV &DEDQRQV SHUFKpV - Plateformes de tentes de luxe perchĂŠes et ombragĂŠes. Structure en ĂŠchafaudage Layher et planches de coffrage, par Domnine Jabelo, Julien Vever, Arthur Poisson et les bĂŠnĂŠvoles de YesWeCamp ! 36 0RLVVRQQHXVHV HW 6HPHXVHV - Dortoirs et chambrettes ÂŤ zĂŠro dĂŠchet Âť en bois, palettes consignĂŠes et ĂŠchafaudages, conçus par Mickael Lefeber de BC studies. AmĂŠnagements intĂŠrieurs rĂŠalisĂŠs SDU ,QpKD &RVWHURXVVH HW (ULF 3ULQJHOV /H 6RPPHLOOHXU - UnitĂŠ de repos mobile dessinĂŠe Ă partir de l’empreinte d’un corps allongĂŠ. La cheminĂŠe matĂŠrialise la dimension verticale du sommeil, l’instant oĂš l’esprit s’Êchappe du FRUSV SDU %HQRLW 5DVVRXZ

38 /D 0DLVRQ EXOOH - Habitat en plastique ÂŤpopÂť produit en 30 exemplaires, conçue dans les annĂŠes 1960 par Jean Benjamin Maneval. ConstituĂŠe de six coques boulonnĂŠe entre elles, dĂŠmontables et soutenue par une charpente mĂŠtallique qui repose sur un socle en bĂŠton et supporte le plancher. Une calotte KpPLVSKpULTXH FRXURQQH OÂľHQVHPEOH DVVHPEOpH HW DPpQDJpH SDU %HQRLW 5DVVRXZ 39 /D 9HUGLQH - Enorme caravane amĂŠricaine de plus 8 mètres de long prĂŞtĂŠe par Aldo, avec 2 chambres et un espace commun privatif. 40 /H 3LWDOXJXH - Bateau Ă sec amĂŠnagĂŠ en logement pour quatre personnes et recouvert, jusqu’au dernier jour du Camping, d’un motif motif zĂŠbrĂŠ, par Mickey Nectoux Kraft et les bĂŠnĂŠvoles GH <HV:H&DPS 41 +DPHDX GH FDUDYDQHV - Structure pour hĂŠbergement de l’Êquipe YesWeCamp ! EnfoncĂŠe dans le sol ou perchĂŠe dans des ĂŠchafaudages, la caravane devient immobile, l’ensemble sculptural. Un collectif d’architectes, Craft test, est nĂŠ de cette expĂŠrience collective (Bruno & Pierre Vuilmet, JĂŠrĂŠmie & Joshua Choukroun, <RKDQ &ODYHDX GH /LPD &ODLUH 0DJDLQ $OH[DQGUH 7HXUODL 42 /H *LJDJRQH - Version 3.0. de la Moissonneuse. Un dortoir seize places avec terrasse et vue imprenable sur le camping prĂŠvue pour l’hĂŠbergement des bĂŠnĂŠvoles du Camping, dont une cellule particulièrement spartiate dite “HPâ€? et une cave, construit par les bĂŠnĂŠvoles constructrices-eurs de YesWeCamp !

Caravane-Custom 43 %UXW GH %UXW GH &DUDYDQH - Carcasse de caravane rouillĂŠe et très abimĂŠe, intĂŠrieur isolĂŠ et construit en bois OSB. Dans la VpULH 8QLWp GÂľ+DELWDWLRQ 0RELOH FHWWH ÂŻXYUH HVW j OD IRLV XQH sculpture, un espace de vie, un terrain de performance, un champ d’expĂŠrimentation plastique et social. Bref, un lieu poĂŠtique, oĂš l’enjeu est d’habiter l’inhabitable par Guillaume Tamisier & Lukasz 'U\JDV 44 *UDSKpHV - Caravanes aux façades customisĂŠes par les DUWLVWHV JUDSKHXUV +HQJ HW 'RGR 45 &KHDS 6KHHS 0RXWRQ - Carcasse de caravane entièrement restaurĂŠe. Capable d’accueillir jusqu’à quatre personnes, la Cheap Sheep est une oeuvre de Gauthier Oddo, inspirĂŠe par la naissance, HQ 8UXJXD\ GH PRXWRQV JpQpWLTXHPHQW PRGLÂźpV SKRVSKRUHVFHQWV 46 /D &DYHUQH - Caravane customisĂŠe. Normalement, les monstres VH FDFKHQW VRXV OHV OLWV PDLV j <HV :H &DPS LOV VÂľDIÂźFKHQW plutĂ´t sur les façades de cette mignonne petite caravane pour deux personnes. Un cocon multicolore dessinĂŠ par Soya El Gato et (ORGLH 3DODGLQR (URWLF ER[ - Caravane amĂŠnagĂŠe Ă partir du travail artistique de Gwennanig Duchesne, une caravane qui ĂŠvoque l’Êrotisme, la UHQFRQWUH OÂľDPRXU OD WHQGUHVVH OH SODLVLU HW OD SRUQRJUDSKLH 48 9R\DJH LPPRELOH - Caravane customisĂŠe. L’intĂŠrieur de cette caravane a ĂŠtĂŠ amĂŠnagĂŠ par Claire de ChivrĂŠ : une accumulation d’objets bavards et encombrants dans un espace rĂŠduit. La vue sur mer et le plafond tapissĂŠ de cartes routières invitent au voyage et au transport, sans matĂŠrialiser ni l’un ni l’autre. L’extĂŠrieur a ĂŠtĂŠ vĂŠgĂŠtalisĂŠ tout l’ÊtĂŠ par Joanès Simon-Perret : tournesols, haricots JULPSDQWV HW FRUQLFKRQV 49 /D 5RXORWWH - Roulotte traditionnelle en bois, un barnum Ă FRQVWUXLUH VRL PrPH SDU &RULQQH /HULGRQ HW $ODLQ 'HODQJH 50 2IIUH] OXL GHV ½HXUV - Caravane customisĂŠe et tonnelle en ERLV HW FDQLVVH 8QH FDUDYDQH ½HXULH GHKRUV FRPPH GHGDQV HW VD WHUUDVVH EDODQFRLUH FRQoXH SDU /D %DOHLQH 5RXJH 51 /D &DUDYDQH GX ' $ - Caravane pliable de la marque Rapido prĂŞtĂŠe par SĂŠbastien Wierink.

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Fonctionnement Un schéma fort sert de cadre au plan du camp. Nous verrons plus tard, lorsque nous évoquerons les processus de réalisation du projet, que sa radicalité a été une façon pour moi de contrôler la conception. L’espace est structuré par le dessin des vides, qui forment une trame, un cadre pour incorporer ensuite différents projets. Cela permet une flexibilité, qui, nous le verrons, à été très utile bien qu’ayant eu certaines limites. Sa force réside aussi dans sa capacité à être une réponse claire à des de multiples points du projet. Il joue un rôle à la fois symbolique et pratique. Il met en scène l’espace, le relie à l’histoire du lieu via ses connections avec le paysage, rassemble les individus vers la zone de vie et d’échange. Il est clairement lié au caractère événementiel du projet et serait probablement peu adapté pour un plan d’espace public à cet endroit, mais il efficace dans ce contexte. Il met en scène la vie des campeurs et visiteurs en intériorisant l’espace. Il ramène tout vers le centre qui est ainsi mis en valeur, détournant l’attention de l’extérieur avec lequel les relations sont limitées, l’espace étant fermé par nécessité (légale notamment). De manière plus pratique, les allées permettent la circulation des véhicules et le respect des unités de passages réglementaires pour les évacuations vers les sorties de secours. Le plan se lit donc depuis le centre, c’est-à-dire l’agora, point central, lieu de passage obligé : un arc de cercle tourné vers la mer, en surplomb. Ce point central est le nœud de connexion entre une partie basse réservée aux activités plutôt publiques et une partie haute réservée à l’hébergement. Un escalier large de 18 m fait la jonction entre les deux parties, à l’endroit où le mur d’origine était cassé. Il crée une jonction tout en faisant office de gradin tourné vers la mer. Sur la partie basse, le long du quai, sont rassemblées toutes les activités : la buvette, la plage, la scène polyvalente, le kiosque et le jardin. Au-dessus, le plan se développe à partir de agora centrale, autour de laquelle tout rayonne. La première couronne est composée de petits éléments bas, des caravanes ou autres unités d’hébergements artistiques. Derrière, un peu plus à l’abri, sont installées les plate-formes de tentes. Derrière encore, des dortoirs. Et pour finir, les douches et leur système de phytoépuration, prenant de la hauteur et faisant écran aux nuisances de la route départementale. L’accès est contrôlé en un point au nord du site, mais une ouverture reste accessible en journée, à l’opposé, du côté quai. La nuit, le site est entièrement fermé et seuls les campeurs peuvent y accéder en demandant au gardien de leur ouvrir. La clôture ceinturant le site avait été envisagée de différentes manières, en échafaudages, puis en bois. Les barrières de chantier mises en place à l’arrivée sur site ont finalement été laissées sur place, par manque de temps et d’argent. Si la transparence qu’elles permettent n’est pas si mauvaise dans la pratique, l’image qu’elles donnent, celle d’un chantier en cours et donc d’un endroit dont l’accès est restreint, en font indéniablement une faiblesse du projet. Le fonctionnement mis en place, avec des places d’hébergements payantes, une adhésion obligatoire à l’association et le contrôle nécessaire de la jauge de ce qui était un Établissement Recevant du public (ERP) et non un espace public, nous a contraint à conserver cette disposition tout l’été. Ambiances Nous aurions souhaité au moins une grande salle couverte mais, pour des raisons financières et techniques, cela n’a pas été possible. Le campement est donc avant tout un espace extérieur. Il vit alors au grès de la météo et ses extrêmes, la canicule et l’orage violent. Il est sans arrêt animé, la nuit, le matin, le jour et le soir. Une multitude d’ambiances se trouvent ainsi concentrées en un même lieu. Les intérieurs des logements sont comme des refuges. Ils offrent une intimité contrastant avec la vie en communauté qui anime les espaces extérieurs et permettent au visiteur de se sentir chez lui. La densité varie cependant. Certains endroits autorisent ainsi un relatif isolement, comme l’espace réservé aux bénévoles, ou les terrasses devant les caravanes. Enfin, certains points hauts invitent à s’évader de cette promiscuité.

Schéma de fonctionnement. 44

dessin Vincent Hannoun

Le camping après un gros orage.

© Aurore Rapin


Choix constructifs Les choix constructifs sont intimement liés au caractère éphémère et événementiel du projet. Les techniques utilisées doivent permettre un montage rapide et un démontage possible, être « léger » dans le sens où il ne laisse pas de traces – on évite par exemple la maçonnerie, utilisée dans des cas exceptionnels. De plus, pour ce projet construit principalement par des bénévoles, les méthodes utilisées doivent être le plus simple possible. Elles doivent aussi s’inscrire dans la logique d’un budget serré. Les matériaux bon marché sont privilégiés ainsi que la mise à disposition par des partenaires sous la forme de prêts ou de dons. Les échafaudages, issus de l’industrie du bâtiment, les palettes, utilisées de manière universelle dans la manutention, ainsi que les conteneurs de l’industrie maritime, ont très vite retenus notre attention. Ce sont des objets utilisés couramment dans l’industrie de la région, et nous avons grâce à cela réussi à conclure plusieurs partenariats qui nous ont aidés à réduire grandement les coûts. Le détournement de leur usage industriel vers un usage récréatif, culturel et expérimental est intéressant par la symbolique qu’il dégage, ainsi que par ses nombreux avantages pratiques. Ils sont extrêmement fonctionnels car ce sont des standards optimisés depuis plusieurs dizaines d’années. Leur méthode de transport est connue, calculable et simple. Le coût du transport est cependant difficilement compressible et demande une maîtrise logistique fine. Leur utilisation extra-insdustrielles a déjà été expérimentée à de nombreuses occasions. On peut voir ci-dessous quelques exemples intéressants.

1024 Architecture, Paris.

Alberto Cattani, Le Havre.

Burning man, Nevada, USA.

Avec les échafaudages, le montage est simple et rapide. Sa modularité permet de l’utiliser pour différentes fonctions, différentes formes. Le bar que j’ai réalisé, par exemple, a été conçu pour que toutes les fonctions soient prises en charge par les échafaudages : terrasse, garde-corps, rangement du stock, comptoirs, etc. Les échafaudages sont aussi certifiés, ce qui a grandement facilité les validations sécuritaires – malgré les réticences liées à l’accident tragique de Furiani il y a quelques années. Pour ces validations, nous avons bénéficié de l’aide du bureau d’étude de notre partenaire Layher, qui a pris à sa charge les ajustements et les calculs de stabilités. Il a cependant fallu s’adapter. Étant le plus souvent utilisé sur des façades et donc accrochés à celles-ci, il a fallu trouver une solution pour faire tenir les échafaudages sans structure d’appui. Les lests ont été privilégiés dans un premier temps, puis des pinces (grands clous) utilisées pour maintenir les chapiteaux de cirques ont finalement été retenue. Cette solution est plus simple à mettre en place et permet une plus grande souplesse conceptuelle, alors que les lests obligent à réserver des endroits spécifiques dans la structure. Les conteneurs, un temps imaginés pour servir de lest aux structures d’échafaudages, n’ont finalement pas eu cette utilité. Mais ils permirent de disposer, dès le premier jour de leur installation, de lieux sécurisés et à l’abri des intempéries. Ils ont principalement servi de stockage pour tout le matériel précieux ou fragile. Le site étant une zone portuaire, ils sont un élément familier du paysage : chargés sur les poids lourds qui défilent sur la route départementale ou empilés sur les porte-conteneurs qui prennent le large chaque jour sous nos yeux. La rapidité de l’installation est aussi facilitée par l’utilisation de caravanes, habitat nomade par excellence. Elles permettent un établissement instantanée dans de bonnes conditions d’hébergement. Ainsi est assurée une autonomie qui permet ensuite d’accueillir plus de monde pour construire. Il est intéressant de souligner une erreur principalement due à notre inexpérience. Nous avons opté pour un système d’enfouissement des réseaux (voir le plan du réseau électrique ci-contre). Le réseau d’eau, plus simple, emprunte les mêmes chemins. Nous avons dû faire des tranchés sur tout le site, ce qui a été bien plus compliqué que prévu. Cela a provoqué un retard de chantier. Avec du recul, il paraît évident que ce n’était pas la solution en adéquation avec un projet éphémère. Il aurait fallu s’inspirer des festivals, qui, lorsqu’ils n’optent pas pour des passes-câbles, choisissent des dispositifs aériens, rapides à installer et facile d’accès pour les interventions sur le réseau. 45


Rout e

NORD

ENTRÉE

CARAVANE ACCUEIL

Sécu

Sécu

Consigne

Stock

WC

Bus

TAB. CAMPING

Espace atelier

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ACCUEIL CAMPEURS

Atelier

Moissonneuse II

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Stockage Paloxs

Atelier

Moissonneuse III

Cuisine

Tentes n°2

Bureau

Brumisateur

Hameau de caravanes

WC

Boud’ moutisme

La Verdine

Comics

Caravane spectaculaire

OM

Sommeilleur La guitoune

Erotic Box

16A GR 13 16A

Prise / Alimentation BAES

Spoutnik

La Roulotte

Tentes n°4

SDF Offrez lui hotel des fleurs

16A

Cabanon perché 1 . AS TAB ACE B ESP

Neto 3000

Open barbecues

WC

19-21h

boîte aux lettres

Régie / Loges

Régie

Dj

ruche

La guinguette

P17 32A

Cabanon perché 2

Voyage Immobile

Potager

Salon vert

Tableau secondaire

Salon L’Assomoir

GASTONNETTE

Hamac do mar

Ciné

Tableau 63A

Tentes n°3

Heng

Tente n°1

Abonnés tarif bleu 63A

WC

Semeuse Semeuse Bollywood de vent

rt

Outils

bla

16A

Moissonneuse IV

Semeuse De petits trous

3kW

16A

Ba

Thalassanté

Maison Bulle

Bateau Absolut

Gigagone bénévoles

ESPACE BÉNÉVOLES

LE RANCH PONEY Kiosque

Petite scène

HY bar

Plan du réseau électrique.

Plage

terrasse

32A

Cuisine 40A

dessin Vincent Hannoun

DOUCHES ÉCOLOLOGIQUES ECOLOGICAL SHOWErS

Schéma de principe des douches.

dessin Vincent Hannoun

soLar heating system 46

Les douches du camping

Water heater tanks for individual showers

Système de chauffage solaire par auto-stockeur :


Choix écologiques Le choix des matériaux évoqués plus haut est lié à la fois à des raisons pratiques et à nos ambitions écologiques. Ce sont des matériaux issus de l’industrie, ils ne sont qu’empruntés le temps d’un été, pour être ensuite réintégrés dans leur cycle de vie industrielle. Il s’agit d’un usage intelligent de la matière, permis par une connaissance de son cycle de vie. La temporalité de l’événement permet d’appréhender le cycle de vie des matériaux dans son intégralité. Le parti pris d’un espace dense, de promiscuité, d’échange, est aussi une contrainte due au modèle économique, fondé principalement sur de l’autofinancement, mais il sert le caractère écologique du projet, puisqu’il s’agit finalement d’un espace densément peuplé, et donc économe en surface. Un camping requiert normalement 70 m² par emplacement. Sur 6500 m², nous avons réussi à créer une capacité de 180 places d’hébergement. Déjouant les normes par le caractère atypique, culturel et associatif de notre projet, nous avons produit un espace dense de 280 « habitants » à l’hectare (28 000 habitants au kilomètre carré, soit plus dense que Paris intra-muros). Pourtant, personne, au cours de l’été, ne s’est plaint d’être à l’étroit. Le fonctionnement écologique du site a été rendu possible grâce à l’utilisation de processus économes et non par l’intervention de la technologie. Il fallait en effet mettre en place des systèmes peu coûteux bien qu’efficaces. Cela est très parlant au niveau du système sanitaire. Les douches sont intéressantes à double titre : l’eau de ville est chauffée par l’énergie solaire, puis recyclée après un processus de phyto-épuration principalement gravitaire. Deux tours de douche sont présentes sur le camping. Ce sont des constructions en échafaudage sur deux étages en bois et bâche de récupération, d’une surface au sol d’environ 16 m². L’une est pourvue de 4 cabines de douche individuelles et de 2 lavabos, l’autre de 2 douches collectives (2 x 3 pommeaux) et d’un lavabo. Les douches sont équipées de robinets presto temporisés alimentés en eau mitigée à 35-38°C. Chaque douche prise au camping consomme moins de 25 litres. Ces tours accueillent des systèmes low-techs et expérimentaux de chauffe-eaux solaires. Les douches individuelles disposent d’un système d’auto-stockeur solaire. Il s’agit de cuves de chauffe-eaux récupérées, peintes en noir et assemblées dans des caisses en bois installées au sommet des tours de douches, sur un principe d’auto-stockeur solaire avec un appoint électrique centralisé (réglementation légionelle respectée). Ces cuves sont ensuite placées dans des caisses en bois isolés. Des couverture de survie sont disposées à l’intérieur et des plaques transparentes viennent sur le dessus, pour produire un effet de serre. Ces auto-stockeurs ont une bonne inertie, l’eau reste donc chaude longtemps, en revanche, elle demande du temps pour chauffer intégralement. Les douches collectives disposent d’un système plus rudimentaire de chauffe-eau solaire à base de tuyaux noirs enroulés en serpentin, placés eux aussi dans des caisses isolées, au fond réfléchissant et à la partie supérieure transparente. Le système a moins d’inertie. L’eau chauffe plus vite mais peut perdre en température rapidement, notamment la nuit. Les douches sont en hauteur, pour que l’eau soit ensuite récupérée par gravitation. Cette eau passe alors dans un système de phyto-épuration. Six mini-stations ont été aménagées dans bennes de chantier transformées en cuve, étanchéifiées avec une membrane de PVC. Un premier filtrage a lieu dans ces cuves remplies de pouzzolane, plantées de canne de Provence choisies pour leur croissance rapide, leur consommation d’eau importante, leur propriété épuratrice et leur présence à proximité du site. L’eau s’écoule ensuite dans une rigole : elle s’évapore en partie, le reste étant épuré par l’action des UV du soleil, puis sert à l’arrosage du site, ce qui est bien utile pour stabiliser la poussière émanant d’un sol aride. L’estimation est de 250 m3 d’eau utilisée et traitée pendant l’été. Quant aux toilettes sèches installées sur le site, elles permettent une économie d’utilisation de l’eau potable. Deux dispositifs de toilettes sèches fonctionnent en parallèle : des toilettes sèches « classiques », à sciure, produisant du compost, sous forme de cabines et de pissotières, soit 8 cabines et 8 pissotières sur la totalité du site, et des toilettes sèches à évaporation et déshydratation aux normes PMR, soit 3 unités de toilettes sèches modèle Kazuba KL1 mises à disposition par notre partenaire Toilitech. Ce modèle fonctionne uniquement avec le soleil et le vent, sans eau, sans électricité et sans produits chimiques. L’économie en eau que nous avons réalisée est estimée à 250 m3.

47


Un processus de projet innovant Nous avons examiné les éléments physiques constituant le projet, sa réalité pendant la période d’ouverture, en plein été. Plusieurs mois de labeur ont été nécessaires pour aboutir à ce résultat, qui n’est pas une finalité, mais un des moments de l’aventure. Il me semble important d’expliciter les composantes temporelles et humaines du projet. Nous allons donc maintenant décrire les processus de sa production. Pas à pas Ce projet n’a pas été produit par un collectif ou une institution. C’est, à l’inverse, sa force qui a constitué au fil du temps une équipe multiple et soudée autour de ses valeurs. Le processus collaboratif est donc inhérent à la démarche. Une fois les idées fortes du projet établies, il a fallu sans arrêt rechercher des personnes prêtes à s’investir dans l’aventure. Chaque nouvel arrivant fut le bienvenu, et sa fonction résultait du croisement de ses compétences avec les besoins requis. S’agissant de créer puis d’animer un mini-village, la diversité des besoins était grande. Il était donc assez facile pour chacun de trouver une place dans lequel il était à la fois utile et compétent. Chacun s’est investit à la mesure du temps dont il disposait. Et c’est au fil des rencontres que le projet s’est construit. Il est important de signaler que tout le monde était bénévole pendant la conception (les rares salaires se sont limités à des postes vitaux pendant le temps d’ouverture). Rapidement, une équipe d’une bonne dizaine de personnes s’est constituée et organisée. La structure tend à une certaine horizontalité mais il y a tout de même une structuration. Un directeur, notamment, formé au management. Ce n’est donc pas, comme d’autres collectifs évoqués plus haut, une structure totalement horizontale. Cela était finalement nécessaire pour trancher, prendre des décisions et avancer, tout en composant avec l’avis de plusieurs dizaines de personnes intéressées. L’équipe du projet était donc à dimension variable, avec plusieurs cercles circonscrits, un premier cercle très investi prenant les décisions, un autre cercle de personnes d’un très bon conseil sur des domaines précis, et ensuite différents niveaux d’intervention extérieure. Le travail s’est fait la plupart du temps par le biais de documents partagés en ligne. Cela permettait d’informer un large groupe de l’avancée du travail, tout en travaillant en petit groupe sur un document de manière plus intense. L’existence des réseaux sociaux et la possibilité du travail à distance furent sans aucun doute des outils essentiels de la production du projet. Le projet a grandi pas à pas. La communication via internet et via des réseaux professionnels au départ a permis de réunir des passionnés. Après une mise en attente du projet suite au refus de soutien financier de la part de MarseilleProvence 2013, de nouveaux contacts réussis, comme la confirmation d’un partenariat important avec l’entreprise d’échafaudages Layher, l’accord de soutien financier de la part de Marseille 2013 OFF, ainsi qu’un accord de principe sur le site des Docks des Suds ont permis de relancer le projet en mai 2012. Une première présentation du projet aux Docks des Suds lors d’un des gros événements de l’année, la Fiesta des Suds, avec une caravane rouge qui restera la mascotte du camp tout l’été, est effectuée en novembre 2012. Ce fut une des premières apparition extérieure de Yes We Camp !, alors appelé Camping 2013. Cette sortie permit un nouvel élargissement de la base de soutien et de personnes investies, et donna de la motivation à l’équipe grâce à l’accueil chaleureux que reçu le projet auprès du public. Ce fut aussi l’occasion d’une couverture médiatique dans la presse locale. Continuant sur le même élan, un prototype est imaginé, un mini camping est installé sur 500 m² à la Friche Belle de Mai pour le week-end d’ouverture de Marseille-Provence 2013. La construction est financée par une collecte de fond en ligne qui a permis de rassembler 7000 euros. Cette version d’essai fut capitale dans la réussite du projet. C’était une façon de nous convaincre nous même de la possibilité du projet, de réunir toute l’équipe du moment autour d’une semaine de construction. C’était aussi une façon d’exister aux yeux de tous. Le projet avant cela, n’était que des promesses et des dossiers de présentation. À ce moment précis, il entra dans une réalité perceptible par tous. Cette reconnaissance du sérieux de l’aventure ainsi que les nouveaux relais médiatiques, permirent de nous lancer dans la dernière ligne droite du projet : aboutir la conception, obtenir les autorisations de l’événement et convaincre le Grand Port Maritime de Marseille (GPMM) de nous prêter le terrain.

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Le projet forme l’équipe.

dessins Vincent Hannoun

Prototype festif à la Friche de la Belle de Mai. Entrée : couleurs et signalétiques pour attirer l’attention.

Schéma théorique représentant l’organisation de l’équipe : un mélange de hérarchie et d’horizontalité.

©Lisa George

Prototype de douches.

©Lisa George

Appui culturel, politique et médiatique FINANCEMENTS

AUTORISATIONS

Marseille 2013 OFF MP2013 MPM Fondation Abbé Pierre Conseil Régional 70 % d’autofinancement

Commission communale de sécurité Autorisation préfectorale de l’événement Autorisation de débit de boisson temporaire Licence d’entreprenariat du spectacle etc.

Habitants, voisins, visiteurs, touristes, etc.

SITE

Habitants, voisins, visiteurs, touristes, etc.

Autorisation d’Ocuppation Temporaire du Grand Port Maritime de Marseille PROPRIÉTAIRE

Schéma des relations entre l’équipe du projet et l’extérieur.

dessin Vincent Hannoun 49


Une Conception collaborative Peu de temps après la fin du prototype festif, je prends la décision de faire converger mon investissement dans le projet avec mon PFE, et je me vois confier la responsabilité de coordination de la conception et de la construction. Je travaille alors en interaction directe et quotidienne avec Nicolas Détrie, directeur et Eric Pringels, directeur artistique. J’ai aussi des relations étroites avec des spécialistes de certains domaines. J’organise ainsi les données que je reçois de la part de William Martin, ingénieur en qualité environnemental qui met en place le système de douches, de Lisa George, qui s’occupe de la végétalisation du site, de Franck Sourti, directeur technique qui me fait part des impératifs réglementaires, de Vaea Deplat, responsable des partenariats locaux, de Julien Vever, architecte, qui me prodigue ses conseils depuis Paris, de Loïc Julien, qui gère la gestion du compostage, entre autres. Nous lançons alors l’appel à proposition, qui invite tout un chacun à participer à l’aventure en proposant sa participation volontaire à la construction ou à la gestion du site, la mise à disposition d’objets construits ou des projets à construire, une animation quotidienne, des événements culturels, une résidences d’artistes, etc. Nous étions un peu en retard pour réunir des projets d’architecture, le cadre était d’ailleurs très flou, car nous avions pas su formuler l’appel de manière très claire, mais aussi parce que beaucoup d’incertitudes nous interdisaient d’assurer la disponibilité des matériaux, de s’assurer de la conformité réglementaire ou encore de promettre des budgets définitifs. Il aurait par exemple était intéressant, avec plus de temps, de proposer une plate-forme sur un logiciel de CAO comme SketchUp, avec les éléments d’échafaudages auxquels nous avions accès, pour suivre la conception de différents collaborateurs6. Malgré ce flou, nous avons vu précédemment la diversité des projets qui ont pu éclore au sein du projet, qui sont en grande partie liée à cet appel, mais aussi, comme nous le verrons ensuite, à une bonne réactivité une fois sur site. Les différents plans présentés ici montrent l’évolution de la conception. Une idée générale avait été produite avant la réception des projets, notamment pour obtenir un plan masse du village à présenter aux institutions (rendez-vous à la mairie de Marseille le 21 février 2013, avec les pompiers la semaine suivante). Ce plan fut donc modifié lorsque nous avons choisis les différentes propositions. Par la suite, nous verrons que les réalités du chantier puis de la vie sur site ont dû nous obliger encore à plusieurs remaniements et adaptations. Nous courions sans arrêt après le temps, l’évolution du projet était perpétuelle et les certitudes se faisaient rares. De plus, aucun d’entre nous n’avait réalisé d’expériences similaires. Il a donc fallu laisser transparaître l’image d’un projet solide pour se faire accepter. Jean-Michel Guénod, premier directeur d’Euroméditerranée, touché par les belles utopies de notre jeune équipe, a accepté de devenir le président de l’association Yes We Camp ! Son appui fut important. Petit à petit, nous arrivions à réunir des soutiens politiques, culturels et médiatiques. Politique par le biais de Samia Ghali, maire des 15è et 16è arrondissements, qui accepta de devenir la marraine du projet. Culturelle par le biais de Jean-François Chougnet, directeur général de l’Association Marseille-Provence 2013, qui porta un regard bienveillant sur le projet dès qu’il lui sembla réaliste. Et enfin médiatique par le biais des médias locaux, très friands de la folie de notre projet. Nous eûmes ainsi la grande joie de faire la Une de la Provence, premier quotidien de la ville, le 10 avril 2013, quelques jours avant un rendez-vous crucial avec Jean-Claude Terrier, président du directoire du GPMM, devant se prononcer sur notre demande d’Autorisation d’Occupation Temporaire (AOT), finalement délivré le 17 avril 2013.

6

Comme le propose le projet d'architecture open source wikihouse. Plus d'informations sur http://www.wikihouse.cc/

50


Partenariats Subvententions Relations locales Autorisations administratives Gestion financière

Communication programmation graphisme web presse bénévoles

Direction artistique

Conseil d’administration Direction

Direction technique

Coordination conception et construction

Ingénierie design

Électricité Architecture

Végétalisation bénévoles

Compostage Logisitique chantier

fluides

Organigramme de l’équipe, montrant mon rôle au sein de l’équipe.

écologie

dessin Vincent Hannoun

51


Sortie de secours

Entrée

3 résidences

Accueil Parking vélo 3 résidences et atelier

Stockage / Chantier

WC événement Bar / restauration

Espace jeux (rushball et multi activité Base Vie Staff Caisse / Billeterie événement Entrée Soir ou événement particulier payant

Esquisse. 5 février 2013

Schéma de principe. 10 février 2013. 52

Scène Loge

échoppes

Sortie de secours Dessin Vincent Hannoun

dessin Eric Pringels


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5

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B

A

Accueil - Guérite Gardien 1 - Infirmerie - Sortie de secours #1

B

Entrée événement - Guérite Gardien 2 - Sortie de secours #2

C

Sortie de secours #3

D

Entrée chantier

0

Guérites des gardiens et accueils

1

Scène polyvalente

7 Caravanes customisées

H = 6 m, plancher à 3 m

2

Espace de co-working

8 Dortoirs

Hauteur = 4-5 m

3

Bar - Restauration

9 Plateformes pour tentes

4

Espace multi-jeux

10 Résidences d’artistes

5

échoppes, guérites associatives

11 Toilettes sèches

Plateforme à 50 cm

6

Cabanons surélevés

12 Douches solaires

Base vie du staff

HAUTEURS DES CONSTRUCTIONS

1er plan officiel. Avant le tri des propositions. 21 février 2013.

H = 3 m, en RDC

Dessin Vincent Hannoun 53


Plan masse après sélection des projets, au début du chantier. Avril 2013. 54

Dessin Vincent Hannoun


Plan masse modifié en cours de chantier. 10 mai 2013.

Présentation de la maquette sur le site. 7 avril 2013

Dessin Vincent Hannoun

Maquette de présentation du projet.

© Vincent Hannoun 55


Construction Avec une force collective hors du commun, nous avons donc provoquer l’enchaînement des différentes étapes dans un temps record, face à des institutions habitués généralement à des démarches de projet plus longues. Mais notre optimisme, notre sérieux et notre réalisme a finalement payé. Le début du chantier, le jour même de l’obtention de la fameuse AOT, a déjà été vécu comme une grande victoire. Nous disposons alors d’un peu d’argent récolté via une nouvelle collecte en ligne (24 000 euros), et la subvention de Marseille 2013 OFF de 45 000 euros était alors acquise. De plus, nous avons la certitude de disposer d’une quantité importante d’échafaudages, plusieurs autres partenariats étaient actés ou en cours de négociations, et de nombreux volontaires pour construire avaient répondu présents. Le chantier pouvait alors démarrer, avec une nouvelle ligne de mire : l’ouverture du site au public, prévue un mois plus tard. Le début du chantier est marqué tout d’abord par la division en deux de l’équipe : une équipe sur le terrain et une autre encore dans les bureaux, en ville, à préparer activement l’ouverture (questions réglementaires, programmation, communication, gestion financière, etc.). Cette séparation soudaine de l’équipe ne fut pas évidente, et les méthodes de communication, essentiellement via des documents partagés en ligne, laissait alors apparaître leurs limites (nous n’avions pas encore internet sur le site). J’avais alors peu de contact avec le reste de l’équipe – qui de plus, s’étoffait largement à l’approche de l’ouverture, et je me concentrais sur le chantier. Je me procurais cependant un smartphone pour avoir un accès constant à mes mails, et être réactif face aux sollicitations nombreuses des constructeurs qui n’étaient pas encore présent sur site. La question difficile de la base vie pour les constructeurs fut résolu grâce à un partenaire voisin du site, Thalassanté, qui nous mis à disposition une partie ses locaux : un conteneur de stockage, un conteneur dortoir, des douches et des toilettes, et la possibilité d’utiliser sa cuisine. Ce fut d’une grande aide. J’étais, au démarrage du chantier, essentiellement entouré de bénévoles fraîchement arrivés du monde entier, ainsi que des groupes constitués venant construire leur projet. Il y avait à mes côtés quatre personnes ressources. Une qui connaissait bien le projet, Julien Vever, architecte, qui pu se libérer souvent de son travail parisien pour venir m’assister de temps en temps. Les trois autres venait à peine de prendre connaissance du projet. Blasco Ruiz, régisseur, constructeur, fut engagé pour le mois de chantier pour s’occuper du parc de matériel et pour aider de manière générale au niveau technique. Mathieu Robert, charpentier, rencontré deux semaines auparavant, prit en charge la logistique du chantier. Sebastien Hebray, un des bénévoles, s’occupa de la conduite du chariot élévateur qui fut une machine indispensable tout l’été. Beaucoup d’autres personnes devinrent aussi par la suite, de par leur compétences particulières et leur volonté d’investissement, des personnes ressources pour le chantier et la maintenance du lieu. L’organisation était donc un peu chaotique mais finalement assez efficace. Le choix d’enfouir le réseau électrique fut la seule grosse erreur du chantier, cela nous retarda beaucoup et rendit le chantier encore plus illisible. Sinon, les choses avançaient à peu près à leur rythme. Face à cette organisation complexe, les décisions étaient finalement assez intuitives, à la rencontre de beaucoup de facteurs, avec une vision à une semaine seulement en général. Si c’est la preuve de notre inexpérience, cela est aussi dû aux multiples incertitudes que nous avions alors. Nous étions très attentif à toute nouvelle hypothèse, nouvelle piste de partenariat, d’aides, d’idées. Et cela fut notre force, car nous arrivions à être très réactif et à transformer les bonnes idées en réalité. Ainsi fut conclu en cours de chantier des partenariats indispensables, qui nous ont permis par exemple de disposer de conteneurs supplémentaires, de gravier pour le sol, etc. La réalisation du hameau de caravanes est un des autres exemples marquants qui illustre parfaitement l’état d’esprit du chantier. Un groupe d’architectes visita le chantier sur invitation de notre directeur artistique, motivé pour aider s’il y avait un besoin spécifique ; au fil des discussions, ils se rendirent compte que nous avions un problème de réalisation sur une tour d’échafaudages, qui étaient donc en attente de programme, et ils nous proposèrent un projet. Ce groupe d’architecte a donc conçu rapidement puis construit en une semaine le hameau de caravanes, qui servit de résidence à l’équipe, et devint un des objets architecturaux les plus remarqués de l’été – son image étant très souvent utilisée dans les articles de presse. Le groupe d’architectes ayant collaboré sur ce chantier s’est d’ailleurs constitué en collectif sous le nom de Craftest. La réception de la réponse de la commission de sécurité, en cours de chantier, nous obligea à modifier brutalement le plan, pour nous conformer à une des prescriptions qui nous étaient faites : maintenir une distance de 4 m entre l’emplacement des tentes, inflammables, et le reste. Encore une fois, le caractère non figé du projet et notre adaptation rapide nous ont permis de faire face à ces changements de dernières minutes.

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Le chantier avait pris du retard, notre budget était épuisé, et nous avions déjà décalé à plusieurs reprises la date d’ouverture, nous obligeant à annuler des réservations. Nous ne pouvions plus repousser l’ouverture du site plus longtemps. Nous avons donc ouvert en premier la partie basse, sans hébergement mais avec des événements festifs, puis rapidement après, une partie des hébergements. Cette situation permit de réinjecter au fur et à mesure l’argent des recettes dans le chantier. Mais ce fut un moment délicat pour l’équipe, obligé de se scinder en deux, une partie s’occupant de l’accueil, l’autre continuant le chantier. Petit à petit, le chantier laissa place à la vie sur place, et la quasi-totalité des hébergements furent prêt à la mi-juin. Cependant, tout l’été, nous avons eu à cœur d’apporter des améliorations, modifications ou ajouts, au fur et à mesure de la confrontation entre l’objet construit et la réalité de son utilisation.

Repas et visite de chantier avec les voisins

Arrivée d’un chargement d’échafaudages.

© Daily Laurel

Pose d’un repère au sol. © Anaïs Ginoux

© Anaïs Ginoux

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Avant/Après

Bar en construction. La terrasse est utilisé temporairement comme plate-forme de tentes pour les bénévoles constructeurs.

Le bar à l’heure de la sieste.

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Les “cages à oiseaux” en attentes de programme...

...devenus le hameau de caravanes, réservé aux bénévoles.

Le Kiosque en construction.

Le Kiosque et son jardin.

Pose d’un conteneur à l’arrière de la futur grande scène.

La grande scène et sa plage.

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Vie du lieu L’accueil des visiteurs fut le passage à une nouvelle étape. Nous avons commencé par deux ouvertures ponctuelles le 22 et 25 mai, mais à partir du 31 mai, nous sommes alors ouvert 24h/24 7j/7 pendant quatre mois. Au début, en dehors des week-ends pendant lesquelles les hébergements étaient plus remplis, les campeurs étaient peu nombreux alors que nous étions une équipe d’une quarantaine de personnes vivant en communauté depuis plusieurs semaines. Pour ceux qui se joignaient à notre bande, ce fut probablement amusant, pour les autres, probablement un peu étrange, d’autant que le chantier était encore en cours ! Ce n’est qu’à partir de juillet que le nombre de campeurs pris constamment le dessus sur le nombre des membres de l’équipe, ce qui en fit véritablement un lieu agréable pour tous.

Plan masse à l’ouverture de la partie basse. 22 mai 2013. 60

dessin Vincent Hannoun


Au niveau de l’espace, le manque d’ombre fut rapidement un problème. Quelques ombrières ont été construites durant l’été. Par exemple, j’ai conçu une ombrière sur la terrasse du bar, grâce à une bâche microperforée récupérée sur un chantier. Elle était rétractable pour être replié rapidement en cas de vent, permettant à la structure de conserver les mêmes caractéristiques statiques. Une autre expérience fut menée par un collectif espagnol, Canya Viva, spécialiste de constructions à partir de matériaux locaux. Sur notre site, ils construisirent un prototype d’ombrière en canne de Provence. Mais, la production d’ombre n’ayant pas était pensée de manière globale – notamment car nous pensions monter un grand dôme couvert, l’ombre vint à manquer. Le lieu était donc moins actif en plein milieu de journée, sauf à l’occasion de quelques beaux événements thématiques, par exemple la journée consacrée à la culture Rom, l’accueil de la Vélorution ou la Fête de la merguez. Pendant cette Fête de la merguez, les barrières côté mer furent totalement ouvertes sur le quai, transformant notre rapport avec l’espace public jouxtant le site. Les espaces publics réservés aux activités ont su accueillir une diversité d’utilisation. L’agora, l’espace central en demi-cercle, a par exemple accueilli des jeux d’eau, le vernissage et quelques temps fort de la caravane du GR2013, la Khaïma, une grande tente algérienne installée pendant quinze jours, ainsi que la caravane spectaculaire prêtée par le collectif Bellastock, qui faisait office de petite scène, juste au dessus des marches. La terrasse du bar a pu servir à des repas et apéritifs, mais aussi à des conférences de presse, ou comme zone technique lors d’événements particuliers, grâce à sa position en surplomb de la grande scène. La plage, entre le bar et la grande scène a été en mesure d’accueillir aussi un vaste spectre d’activité : des concerts, divers spectacles, des projections vidéos, des compétitions de sports, la terrasse du restaurant ou la piste de danse. Le kiosque et son jardin attenant ont pu servir à des réunions et débats, des jeux d’enfants, des brocantes, des dîners, des conférences, du cinéma en plein air, à des animations pédagogiques autour de la ruche et du jardin, ou encore à une résidence théâtrale et un mariage. Il va sans dire que toutes les activités sus-mentionnées nécessitèrent un travail quotidien d’organisation avec les différents intervenants, de mise en place, de rangement, etc. qui ont fait partie de mes missions pendant l’été. En parallèle de ces activités, nous devions aussi organiser notre fonctionnement interne et veiller à la bonne route des tâches quotidiennes. La gestion de la vie quotidienne sur site fut un exercice éprouvant et enthousiasment à la fois. Environ quarante personnes étaient nécessaires pour faire vivre le lieu, entre les tâches de ménage, d’accueil, de cuisine, de régie, de bar, de gestion des toilettes sèches, etc. Un exercice de vie en collectivité que nous n’avions pas totalement anticipé et dont les règles s’établissaient au fur et à mesure. Une « cohabitation momentanée » en « une unité de temps et de lieu propice à l’échange comme à la dispute »7.

Prêt pour la première soirée.

© Sigrun Sauerzapfe 7

© Lisa George

Prototype d’ombrière par Canya Viva.

Ouverture des barrières côté quai pour la fête de la merguez.

© Lisa George

© Sebastien Normand

Michel Lussault, « Politique des installations », in Tous urbains, n°3, novembre 2013, pp. 53-55. 61


Sport sur la plage.

Spectacle de cirque sur la plage.

La Khaïma sur l’agora pour quinze jours.

Jeu d’eau sur l’agora. 62

© Eric Pringels

© Daily Laurel

Concert sur la plage.

La caravane spectaculaire sur l’agora.

© Eric Pringels

© Erica Ashelton

© Catherine Ricoul

© Eric Pringels Vernissage de la caravane du GR2013 sur l’agora. © Eric Pringels


Atelier de jardinage dans le kiosque.

© Lisa George

Exposition et débat dans le kiosque.

Mariage au jardin !

© Lisa George

Discours dans le jardin.

© Nicolas Réméné

Démontage La fin de l’ouverture au public le 28 septembre 2013 fut un moment de soulagement et de calme soudain. Nous reprenions le travail à notre rythme. Le démontage se passa assez facilement. Il y avait un peu d’organisation et de logistique à prévoir de manière précise, pour réussir notre départ. Conserver, par exemple, quelques logements, douches, toilettes et cuisine, le plus longtemps possible, et planifier les derniers gros transports sur les derniers jours de notre présence sur place. Outre cette organisation assez précise, le chantier était surtout physique. Tout le monde était fatigué, et non étions beaucoup moins nombreux. Une dizaine vers la fin. Mais le démontage se fit petit à petit, structure par structure. Deux événements importants vinrent ponctuer ce mois de démontage : un dernière grande fête et une grande braderie. C’était l’occasion de recevoir une pour une dernière fois des visiteurs et de remobiliser l’équipe. Ces événements étaient aussi nécessaires à l’aboutissement du projet et à l’équilibre financier du démontage. La dernière grande soirée, appelé Yes We Decamp !, la seule de tout l’été qui dura officiellement jusqu’au bout de la nuit, fut l’occasion de redonner au demi-cercle de l’agora toute sa grandeur, grâce à une scénographie spécialement construite pour l’événement, en utilisant les palettes que nous venions de démonter la semaine précédente. La semaine suivante, la plus grande partie des habillages des structures étaient démontés et nous organisions la braderie, qui consistait à vendre à des prix très intéressants tout ce qui pouvait encore servir : bois, électricité, plomberie, couverture, mobilier, matelas, textiles divers, ainsi que les caravanes. Cette vente permit de donner une seconde vie aux matériaux dont nous n’avions pas pu organiser l’utilisation sur un cycle court comme les échafaudages. Presque toute les caravanes ont été vendues, du bois à servi pour une œuvre d’art, un décor de cinéma, un abri de jardin, etc. Les pots du jardin ont été redistribués à des associations ou groupes d’habitants marseillais et ont pris place sur les trottoirs du centre ville marseillais.

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300 palettes démontées pendant la semaine servent à produire une dernière scénographie.

L’agora prête à recevoir les 1300 personnes venus pour la dernière grande fête. 64

© William Martin

© Sebastien Normand


Rout e ENTRÉE

NORD

Contrôle sortie !

Parking Sécu

Bennes Déchets

Épicerie

Bus Stock

35 /

Stock Layher

WC

535

à 50

mèt

res

Accueil Matelas

Palettes Consignées

LEGENDE :

r

Bureau

Contrôle sortie remorques !

Draps Tentes..

au

Semeuse Semeuse Bollywood de vent

Elec Plom’b e

Tour palette Signalétique

rie

Sommeilleur

WC

Neto 3000 matériaux disposés sur palettes

Bo

is

ml

Gravie

Outils

ux lea Rou

ESPACE BÉNÉVOLES

ENTRÉE VEHICULES

Stockage Paloxs

Spoutnik Bureau de vente

petits objets

Banque

Goodies Mobilier YWC

Enchère

BAR

Friperie BBQ

La guinguette

Plan de la grande braderie. 12-13 octobre 2013.

Pétanque Concours Jeux enfants

Régie / Loges

Régie

Plantes

Mobilier Second-hand

WC

SDF hotel

Cuisine

Dessin Vincent Hannoun

Braderie : le bois prêt à la revente.

© Lisa George

Remontage de la scène pour la soirée de © Lisa George clôture de Marseille 2013 0FF aux Docks des Suds.

Signalétique pour la grande braderie.

© Lisa George

Le jardin du camping déposé en ville.

© Lisa George 65


Vers une professionnalisation Comme nous avons pu le voir, Yes We Camp ! Marseille 2013 a été une initiative singulière, née spécifiquement à l’occasion de la capitale européenne de la culture. Pensée d’abord par les fondateurs de Marseille 2013 OFF, elle a ensuite été mise en œuvre par une équipe variée de professionnels et d’amateurs qui s’est constituée au fil de l’avancement du projet. Au fil de cette aventure, une équipe s’est donc construite et de nombreux savoir-faire ont été acquis. De plus, le projet a été très bien relayé dans les médias et très suivi sur les réseaux sociaux, ce qui permet à l’association de compter sur une communauté de soutien et d’action bénévole de plusieurs milliers de personnes. Bien qu’aucune suite n’avait été imaginé au départ du projet, une grande partie de l’équipe – dont moi-même – a confirmé sa volonté de poursuivre l’aventure ensemble, une aventure qui reste à construire collectivement. Confirmant cette volonté, plusieurs organisations nous ont sollicitées pour travailler avec eux, nous tentons donc de répondre à ces demandes, tout en réfléchissant de notre côté sur nos propres envies, notamment la poursuite de nos activités à Marseille. Nous sommes à peu près tous d’accord sur le fait que nous devons améliorer notre structure, apprendre de notre expérience, en tirer des leçons pour se développer de manière plus sereine. Pour autant, tout le monde n’est pas dans une logique professionnelle. Pour moi, les problématiques que nous développons sont au cœur de mes préoccupations architecturales et il m’est donc important de comprendre dans quelles mesures notre démarche peut devenir pérenne. Après avoir rappelé les axes principaux de notre travail à venir et les projets potentiels, j’exposerai nos besoins humains et matériels. Autrement dit, j’exposerais la méthodologie de travail ainsi que des supports physiques de travail qui nous seraient nécessaire. Enfin, je proposerai des esquisses de projet de ces outils de travail. Axes de travail Le projet YWC Marseille 2013 est multiple, et peut se lire comme la réalisation conjointe de quatre axes : un laboratoire et lieu de création autour de l’écologie urbaine et des pratiques artistiques, un travail de médiation et d’insertion en partenariat avec les structures socio-éducatives locales, une animation festive et culturelle et un lieu d’hébergement innovant et bon marché. Ces axes sont les éléments fort du projet Yes We Camp ! Marseille 2013 sur lesquelles nous chercheront à nous appuyer, sans pour autant chercher à les réunir tous systématiquement au sein du même projet. Nous envisageons de développer trois types de projet. Le premier consiste à recréer un « village complet », comme celui réalisé à l’Estaque en 2013, avec hébergement, animations, système sanitaire et création artistique. Le deuxième consiste en des actions ciblées réalisées sur sollicitation de mairies, d’entreprises ou d’institutions, en utilisant les compétences multiples de Yes We Camp ! : rencontres avec le public, scénographie, installations éphémères événementielles, activation de lieux. Enfin, nous voulons conserver une activité marseillaise, qui consisterait en un programme d’actions sociales régulières à réaliser dans différents quartiers de Marseille, toujours orientées sur l’apprentissage et la participation de publics variés. Ce travail est déjà amorcé avec des collectifs d’habitants dans le quartier de la gare et de la Belle de Mai. Plusieurs opportunités s’offrent déjà à nous. Les villes de Sète et Mons (Belgique) sont intéressées pour la version « village complet ». La ville de Sète accueille chaque année début juillet le Worldwide Festival, un festival de musique électronique festive qui rassemble des milliers d’européens. Les organisateurs du festival ont demandé à Yes We Camp ! d’installer un village complet pour accompagner le festival. Le format consisterait en 300 places d’hébergement, une grande buvette et des animations en journée, sur une durée de trois semaines. La ville de Mons, elle, sera capitale européenne de la culture en 2015 et a sollicité Yes We Camp ! pour la construction d’un village complet, avec une orientation artistique appuyée. Consistant les actions ciblés, nous avons des pistes de projet à Aubervilliers, Pantin, Fontainebleau et dans le quartier Air-bel (Marseille). Les Laboratoires d’Aubervilliers sont un centre d’art contemporain, lieu de recherche et de création qui accueille des artistes en résidence. Yes We Camp ! a été invité à être résident. Le projet proposé consiste à réaliser avec les habitants des constructions utiles à l’espace public en vue de son appropriation par tous. À Pantin, Yes We Camp est invité à participer à la 2ème édition de la Biennale Urbaine de Spectacles qui se déroule sur les villes de Romainville, Aubervilliers et Bagnolet. Yes We Camp ! réalisera une construction éphémère de quelques jours qui sera un lieu de convivialité ouvert à tous, avec des expériences écologiques proposées au public. À Fontainbleau, Yes We Camp ! est invité à participé à la première édition de la Dynamiterie Festival en collaboration avec plusieurs autres collectifs, sur un terrain privé situé à Aubervilliers. Pour ce festival d’art de types variés devant accueillir environ 3000 personnes, Yes We Camp ! réalisera la zone d’hébergement du public ainsi que les installations sanitaires temporaires. Enfin, sur le quartier Air Bel à Marseille (ANRU2), l’agence Urban Act est en charge de la rénovation urbaine du quartier . Ils ont sollicité Yes We Camp pour les accompagner dans la relation avec les habitants, afin de travailler par le biais d’actions participatives à l’appropriation des espaces ouverts et des délaissés. Nous serions alors les acteurs d’une 66


première tranche « douce » d’une rénovation à plus long terme insistant sur l’humain plutôt que sur le béton. Méthodologie de travail Nous constatons que beaucoup de projets nous sont proposés, cela ne voulant pas dire cependant qu’ils seront tous réalisé. Notre stratégie actuelle est de répondre à toutes les demandes et d’approfondir, dans un second temps, celles qui nous semblerons les plus intéressantes et les plus réalistes. De plus, cela nous impose de mieux se structurer pour se mettre en position de répondre à une variété de projet. Il parait nécessaire d’organiser à la fois la méthodologie de travail et nos supports physiques. Le but est d’optimiser le travail collaboratif. Nous travaillons à l’élaboration d’une organisation transversale, centrale, qui concerne l’ensemble de la structure, associée à une organisation par projet. Un groupe de travail a été créé pour réfléchir à la gouvernance, il a proposé un premier cadre de travail et se chargera de l’améliorer. L’organisation actuelle imaginé – car elle n’est pas encore tout à fait effective – est donc la suivante. Un conseil d’administration temporaire qui pilote l’association et a pour mission de mener à bien les différents projets de l’association, une équipe qui s’occupe de la prospection (nouveaux projets, partenaires, subventions, etc.), une autre pour la communication (presse, graphisme, web, etc.). En parallèle, des équipes de projets de quelques personnes qui mettent en place chacun des projets. Ces équipes seraient à dimension variables mais ont chacune un pilotage par 1, 2 ou 3 personnes. Pour faciliter le travail collaboratif du collectif, deux outils ont pour l’instant été mis en place en parallèle : un forum privé, permettant d’organiser les échanges sur les différents sujets, de ne plus surcharger nos boîtes mail, et de donner la possibilité à des nouveaux venus de retrouver un historique des discussions ; et un stockage de données en ligne, à l’arborescence identique à celle du forum, pour partager nos documents de travail. Nous sommes un groupe d’une quarantaine de personnes à suivre et participer au développement du collectif, tous bénévoles pour le moment. Supports physiques de développement En parallèle de ces différents projets et de la reconstruction humaine, nous sommes en train de réfléchir à un programme d’investissement dont l’objectif global est celui d’une “base mobile”, permettant de créer une animation dans un lieu donné, et l’installation éphémère d’un groupe de personnes dans des conditions sanitaires satisfaisantes. Un local serait nécessaire à la production de ces objets, nous cherchons donc aussi un petit entrepôt dans Marseille. Le programme d’investissement proposé pour l’instant consiste en la fabrication de 4 unités mobiles remorquables par une voiture : Caravane « Médiation » : Une caravane aménagée, aux couleurs de Yes We Camp et de ses partenaires, qui accompagne toutes les actions de l’association. Ses fonctions : accueil du public, point d’information, bureau, loge, local radio, école de rue, infirmerie… La caravane Médiation pourra être équipée d’un système de production électrique hybride solaire photovoltaïque et éolien qui permettrait d’alimenter toute la base vie en électricité. Caravane ”Atelier” : équipée d’un établi de travail et d’une palette d’outils de bricolage et de jardinage, ainsi que de mobilier et de matériel pédagogique. Un atelier ambulant, qui permettrait de mettre en oeuvre, en tous lieux, des constructions, des ateliers participatifs ou une école mobile. Unité mobile “Ecologie sanitaire”, avec deux fonctions principales : une solution mobile de toilettes sèches et une solution «semi-autonome» de salle d’eau avec douche, lavabo, production d’eau chaude sanitaire solaire, et dispositif nécessaire au traitement des eaux grises in situ. Ce dispositif, composé d’un traitement par lits filtrants (substrats végétaux ou minéraux support de bactéries empilés) et d’une rigole plantée (phytoépuration), permettrait de traiter les eaux de douches éphémères installées par l’association, soit pour raison fonctionnelle (en appui à une solution d’hébergement éphémère), soit pour raison performative (expérience artistique ou pédagogique). Unité mobile “Petite cusine” : pour préparer des plats simples, aussi bien pour le catering des équipes de Yes We Camp en intervention, que pour le public. Elle serait entièrement équipée (plonge, lave-vaisselle, armoires réfrigérées, four…) et respecterait les normes en vigueur. Nous cherchons actuellement les financements pour un tel investissement. La réalisation de ces unités, couplés à la disposition d’un espace de travail et de stockage, seraient un grand pas vers la professionnalisation de notre activité. La disposition de ces outils permettrait un déploiement rapide et à coût réduit pour toutes nos activités. Ils sont les éléments formant le cadre d’une action, sa possibilité technique. Ces éléments permettraient ensuite de gagner du temps, de réduire le budget des projets, aux bénéfices de toutes les autres activités qui pourraient venir s’y appuyer, émanant de notre collectif ou de l’extérieur. 67


La caravane « Médiation »

table maquillage

rangements costumes

comptoir/banque d’accueil

flyers éclairage

ordi

inscriptions

rideau rangements costumes

comptoir/banque d’accueil

loge artiste infirmerie/lit pliable facade dépliante/au-vent

68


La caravane”Atelier”

rangements outils/eps

banquette

rangements outils/eps

banquette

table réunion

table scie radiale marche

établit pliable

marche

établit pliable

facade dépliante/au-vent

tapis “espace de travail”

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L’unité mobile “Écologie sanitaire”

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L’unité mobile “Petite cuisine”

hotte aspirante

point d’eau

plaques cuisson

plan de travail four 1

four 2

cuisson

plan de travail

plan de travail

stock & préparation point froid

portative plante)

plan de travail

point d’eau

cuisson & service

point froid

auvent “espace de travail/préparation” comptoir service

comptoir service extra facade dépliante/au-vent

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Conclusion Après un aperçu global du projet par le biais d’une promenade à l’intérieur du camp, j’ai posé les bases historiques et théoriques du projet pour montrer le rapprochement que nous pouvions faire avec les utopies de la deuxième moitié du XXè siècle, puis l’émergence de nouvelles pratiques architecturales, à travers le travail de jeunes collectifs cherchant des solutions à notre monde en pleine mutation. J’ai ensuite retracé les conditions locales d’émergence de notre projet, qui lui confèrent ses caractéristiques singulières, celles d’un village éphémère, à la frontière entre espace public (temps long, accès libre) et festival (temps court, accès restreint). Ensuite, j’ai proposé une lecture du site d’implantation, dont le devenir est maintenant entre les mains du GPMM. Après ces présentations, j’ai proposé deux lectures du projet : une première au travers de l’observation, la description et l’analyse des réalisations physiques ; une deuxième au travers des processus de production du projet, qui sont ici essentiels pour comprendre la réalisation construite. Enfin, j’ai tenté de vous présenter les orientations actuelles du collectif ainsi que des pistes d’un support physique qui formerait un socle pour les actions à venir. Le projet que j’ai présenté a été une première pour nous, et pour d’autres. Aurélien Roltanguy, chef de projet à la Direction Générale de l’Aménagement de la ville de Bordeaux, nous a ainsi confié : « Grâce à vous, on sait maintenant que c’est possible ». L’utopie, née dans la tête de deux créateurs il y a plusieurs années, a en effet vu le jour. Cela montre que l’expérimentation de dispositifs physiques et méthodologiques ouvre la voie à des horizons inconnus, oblige chacun à reconsidérer sa pratique, provoque la découverte. Il montre aussi que l’architecture sait être force de propositions pour une façon de vivre. Comme l’analyse Michel Lussault, « le premier acte d’une redéfinition impliquée de notre rapport au Monde, afin de refaire société dans une période de doute, c’est d’occuper l’espace, d’y v vivre en commun, de se réapproprier notre condition d’habitant »8. Le bouillonnement de l’année de la Capitale européenne de la culture nous a permis d’exister. La porte est maintenant ouverte pour prolonger l’expérience. Pour moi, cette expérience a été très enrichissante. L’architecture enseigné à l’école aborde en surface seulement les interactions multiples avec les différents acteurs nécessaires à l’élaboration d’un projet d’architecture. Il nous est appris à produire un lien pertinent entre un site, un programme et une proposition formelle. L’expérience de ce projet m’a montré l’importance des facteurs humains dans la production d’un projet. Enfin, il m’a permis de me confronter aux réalités de l’architecture, car si ce projet a pu voir le jour, c’est parce que nous avons su convaincre de notre sérieux et de notre volonté de se conformer aux contraintes physiques, réglementaires et économique. Et c’est finalement grâce à une installation légale, un respect des normes de sécurité, un modèle économique fragile mais prometteur9 qu’il peut maintenant faire office de modèle au sein de la discipline architecturale.

Michel Lussault, op. cit. Malgré la clôture de l’exercice 2013 en déficit pour l’association et la forte participation bénévole nécessaire, le projet a réussi à s’autofinancer à hauteur de 70 %. 8 9

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Postface Il y a maintenant plus d’un an, motivé par les valeurs de convivialité et de partage que ce projet véhiculait et l’énergie incroyable déployée par une équipe elle-même en construction, je m’engageais dans l’aventure en y consacrant l’intégralité de mon temps, de manière bénévole, saisissant ainsi l’opportunité incroyable qui se présentait à moi : celle de coordonner la conception et la construction d’un mini-village installé sur 6500 m². Cette expérience, que j’imaginais bénéfique, a finalement dépassé toutes mes attentes. Car au-delà d’une expérience extrêmement formatrice dans le domaine de l’architecture, c’est avant tout une expérience humaine hors du commun que j’ai vécue, celle d’une cohabitation de plus de six mois dans un monde parallèle, où tout paraît possible à condition d’y mettre l’énergie nécessaire. Elle m’a donné foi en mon utilité dans la société, et j’espère grandement qu’elle m’ouvrira la voie à de nouvelles expérimentations du rôle que je dois y jouer.

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