Histoire de la commune de Linards - Vol.4

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Histoire de la commune de Linards en Limousin

Volume IV

De 1789 à 1919 - Vie politique

HistoiredelacommunedeLinardsenLimousin

VolumeI

1°partie,desoriginesauXVI°siècle

VolumeII

2èmepartie,auxXVII°etXVIII°siècles

VolumeIII

3èmepartie,auXIX°siècle–1.Mentalitéseturbanisme

VolumeIV

3èmepartie,auXIX°siècle–2.ViePolitique

HISTOIRE DE LACOMMUNE DE LINARDS EN LIMOUSIN

DE 1789A1919 2-Vie Politique Editions du Linardais - 2022

M
Illustration couverture:Archives Départementales Haute-Vienne 3
494 ISBN: 9791039628600 - 25€ SociétéHistoriqueduCantondeChâteauneuf-la-Forêt Jean MARIONChristian PALVADEAUHISTOIRE de la commune de LINARDSIV
Jean MARION Christian PALVADEAU

HISTOIREDELACOMMUNE DELINARDSENLIMOUSIN

AUXIX°SIÈCLE VIEPOLITIQUE

SociétéHistoriqueduCantondeChâteauneuf-la-Forêt

JeanMARION ChristianPALVADEAU

Histoire

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INTRODUCTION

Pour réunir l’ensemble des matériaux indispensables à la composition d’une monographie historique de la commune de Linards, nous avons d’abord publié, à partir de 1996,l’ensembledessourcesdisponiblesdanslesfondsd’archivespublicsetprivés.

Cespublicationssontaujourd’huidisponiblesenligne http://histoiredelinards.eu5.org/

Unesynthèsechronologiquedevaitfinalisercetteentreprise.

Trois premiers volumes ont été précédemment publiés, Histoire de la commune de Linards en Limousin, Des origines au XVI°siècle ; Aux XVII° et XVIII° siècles ; De 1789 à 1914 (Société et urbanisme).

A partir du début du XIX° siècle de nouvelles institutions produisent une masse de documents sans commune mesure avec celles de l’Ancien Régime, en particulier la presse quotidienne et l’institution judiciaire, mais aussi l’administration étatique et, après 1870, le conseilmunicipal,théâtreetenjeudeladémocratieauvillage.

La période 1789 à 1914 fait donc l’objet de deux volumes, le premier concerne l’évolutiondelasociétéetducadredevie,lesecondesticiconsacréàlaviepolitique.

Le volume de documents disponibles oblige à effectuer ici une sélection, l’intégralité dessourcescitéesenréférenceresteaccessibleenlignesurnotresite.

A partir du milieu du siècle la rupture démographique, entamée dans d’autres régions dèslafinduXVIII°siècle,estenfinsensibleenLimousin.

Une population nombreuse, jeune et entreprenante, parfois turbulente, enrichit la commune surtout à partir du Second Empire. La vie socialeetéconomique,puislesmentalités se laissent appréhender avec précision, d’abord dans les sources judiciaires à partir de la Restauration (les linardais n’hésitentpasàrecouriràlajustice),puisdanslapresselocaleaprès 1870.

A la fin du siècle l’enrichissement de la paysannerie et des communes est manifeste, Martin Nadaud voit l’avènement de l'Âge d’Or du monde rural. En quelques années un personnel politique de qualitéfaitsurgirlesbâtimentsetservices,mairie,écoles,Poste,lavoirs, placesetchampdefoirequiformenttoujoursaujourd’huilecadredelavielocale.

L’adhésion de la population rurale à l’ouverture sur le monde se manifeste par la participation financière de la commune et de chaque village (par les centimes additionnels et l’aliénationdesbiensdesection)àlaconstructiondesroutesetcheminsvicinaux.

Cette période faste sera brève, la guerre interrompt brutalement les projets en cours, notammentscolaires,en1914.

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LARÉVOLUTIONETSESCONSÉQUENCESA LINARDSDE1789À1851

Comme le remarque Claude Daadoun en avant-propos à son histoire de lacommunede Blond1 en 1789-1795, l’historien local est souvent fasciné et découragé à la fois par lapériode révolutionnaire ; le désir de savoir comment les limousins ont pu vivre au quotidien les événements est contrecarré par le sentiment spontané que les habitants d’une paroisse rurale, presque tous illettrés, isolés pardemauvaischeminsetsurtoutpréoccupésdeleursimplesurvie alimentaire, n’ont pu suivre que de très loin, avec retard et sans bien les comprendre les bouleversements politiques et sociaux conduits surtout par le peuple des villes et une mince éliteintellectuelle.

Ce sentiment est d’abord conforté, en ce qui concerne la commune de Linards, par la minceur des sources : des documents essentiels comme le cahier de doléances de 1789 ou les registres de délibération des premières municipalités n’ont pas été conservés, la commune n’apparaîtdansaucundesévénementsmarquantsrelatésparlesannalesdelapériode.

Cependant une collecte de documents surtoutd’ordreadministratifàtraverslesarchives d’autres institutions (notamment le district de Saint-Léonard) en rapport avec la commune permet de rassembler un certain nombre d’informations, disparates au premier abord, mais qui permettent d’identifier les principaux acteurs de la vie politique et sociale, et leurs opinions dans une certaine mesure. Elles dissipent surtout radicalement le préjugé d’isolement et d’ignorancedeshabitants.

La municipalité échangeait de fréquents courriers avec le district pour régler des questions variées ; ces archives abordent avant tout des problèmes de réquisitions de grains, d'élections, d'enrôlement militaires, de secours.Ellesdémontrentquelacommune,relativement bien dotée en personnel compétent, est très bien informéedesévènementsnationauxetyréagit assezhabilementenfonctiondesespropresintérêts.

Il a été fait appel à d'autres archives pour évoquer les biens nationaux, les questions religieuses et des rentes d’apparence féodale qui ont continué à être payéesbienaprèslafinde laRévolution.

Compte tenu de la nature des sources et pour ne pas surcharger le texte de dates et de références aux événements nationaux, que nous supposons connus du lecteur avecl’aided’une chronologie comparative placée en annexe, nous avons divisé l'ouvrage en trois chapitres (vie publique,vieéconomiqueetmentalités)regroupantdestextesrelevantdumêmethème.

Pour rester fidèles à notre méthodedepublicationintégraledessources,nousrenvoyons enannexelesdocumentslespluslongs.

1Mémoired’unvillagelimousin,Blond1789 1795,ClaudeDaadoun,Ed.Bellesjournées…1999

La
Révoluon et ses conséquences à Linards - de 1789 à 1851
5

LaparoissedeLinards,viepubliqueetnotablesavant1789

Il serait vain de vouloir dresser en quelques pages seulement le tableau complet d'une paroisse à la veille de la Révolution, sa situation économique, sociale, démographique et institutionnelle. Il nous paraît utile cependant de rappeler quelques données élémentaires que nous tirons principalement de deux séries de documents étudiés dans nos précédentes publications: les documentsfiscauxde1789(cf.notreN°6, L’impôt de 1789, taille, rentes et dîmes à Linards à la veille de la Révolution), les archives du notaire de Linards Jean-Louis Chaussade (cf. notre N°9, Les archives notariales de Linards, 1767 – 1789).

Sur le plan administratif Linards est une paroisse, dont les limites sont identiques à celles de la commune actuelle. Sa superficie, importante par rapport à celles de ses voisines, vient desonancienneté;ellepartageaitàl'époquemérovingienneavecSussaclesterritoiresdes communes actuelles de St-Méard et Châteauneuf quienontensuiteétédétachées,enlaissantla plusgrandepartauxparoissesoriginelles.2

Sur les plans administratif, fiscal et judiciaire, Linards bénéficie d'une certaine homogénéité, contrairement à bien d'autres paroisses écartelées entre les innombrables subdivisionsdel'AncienRégime.

Elle dépend pour l'administration royale de la généralité de Limoges qui couvre approximativement l'actuelle régionLimousin,sousladirectiondel'IntendantMeuland'Ablois, dernier du titre. Durant les derniers mois de l'Ancien Régime, ce dernier se préoccupe personnellement des affaires de Linards, comme nous le verrons plus loin. Pour les affaires courantesildélèguesonautoritésurlarégionàunsubdéléguésiégeantàEymoutiers.

Sur le plan judiciaire, les justices locales de Linards relèventenappelduPrésidialetdu Sénéchal deLimoges,puisendernierressortduParlementdeBordeaux.Lerecoursàcedernier n'estpasrare,bienqueruineux,lorsquelessommesenjeusontimportantes.

Pour ce qui est de lapremièreinstancecependant,laparoisseestrépartieentreplusieurs seigneuriesquiontconservéleursdroitsdejusticejusqu'àlafindel'AncienRégime:si,engros, lamoitiésuddelaparoisserelèvedelajusticedumarquisatdeLinards,lamoitiénordrelèvede l'ancienne seigneurie de Lajaumont dont le possesseur est M. de Lavaud St-Etienne de Neuvillard, le village de Ribière dépend de la justice de l'ancienne seigneurie d'Aigueperse possédée par Mme de Vassan (épouse Mirabeau),etlesvillagesdeSautouretenvironsrelèvent du marquisat de Châteauneuf. Dans la pratique leseigneurtitulairenommeunjugeseigneurial, celui deLinardsétantlenotaireJean-LouisChaussade,quirendlesservicesd'unjugedepaixet d'untribunaldesimplepolice.3

La paroisse de Linards possèdeunepopulationproportionnelleàsataille,donc,làaussi, assez importante par rapport à ses voisines : pour les élections aux États Généraux, on y comptera 280 feux (ouchefsdefamille),etseulement225àSt-Bonnet,320àRoziers-Masléon réunis,180àChâteauneufet155àSt-Méard.4

Une enquête de 1781 donnait 304 feux, 466 garçons et 466 filles non mariés, 347 hommes et 447 femmes mariés, 33 veufs, 65 veuves et 57 militaires sous les armes soit 1881

Histoire
de la Commune de Linards en Limousin
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2 Michel Aubrun, L'ancien diocèse de Limoges des origines au milieu du XI° s Institutd'étudesduMassifCentral, Clermont Ferrand 1981

La Révoluon et ses conséquences à Linards - de 1789 à 1851

habitants.3 Mais le rôle fiscal de 1789 compte 366 foyers imposables, chaque feu réunit donc environcinqpersonnes.

Un chiffre un peu inférieur sera constaté en 1791 et 1794, soit respectivement 1776 et 1719habitants.4 Lapopulationdiminuerajusqu'à1473habitantsen1800.5

Cette population est jeune : le curé Martial Marc comptait en 1751 environ 1200 communiants, dont 600 enfants de moins de dix ans environ, un tiers du total des habitants. L'enquêtede1781donnait932célibatairessoitlamoitiédutotalqui,comptetenudeshabitudes relevéesparleshistoriens,devaientavoirmoinsde25ans.6

Son taux de renouvellement est important : comme dans tout le Limousin, la mortalité, surtout infantile, est élevée. Oncélèbreen1789181naissanceset26mariages,maisondéplore 134décès.7

L'état sanitaire des Linardais est, comme ailleurs en Limousin, déplorable : la même enquête de 1781 signale à la rubrique "Maladies des hommes" : les fièvres tierces, quartes et fluxions de poitrine y sont fréquentes. Lors du recrutementmilitairedel'anVII(1799-1800),la taille moyenne de 26 conscrits Linardais est de 1,52m.Lepluspetit,JeanMartinotdeBlanzat, 21 ans, mesure 1,381 m. Le plus grand, Pierre Besselas du Bourg, 20 ans, qui atteint 1,754 m. doit faire figure de géant car cinq conscrits seulement atteignent les 1,60 m. Notonsqu'ils'agit làdesjeuneshommesâgésde20à22ans,doncdelapartielaplus"grande"delapopulation.8

Dispersés entre 37 villages ou fermes isolées, 80% des linardais s'adonnent exclusivement à l'agriculture ; les 55 artisans,sabotiers,tailleurs,tisserands,maçons,meuniers, forgerons, ne desservent que les besoins élémentaires de la population en outillage et habillement. Une dizaine de personnes, curé, notaires, greffier, sergent, chirurgien, assurent l'administrationdelacommunauté.

La terre, seule source de travail et de revenus, est répartie à quasi-égalité, en surface et en revenu, entre d'une part les 26 propriétaires de 60 métairies, et d'autre part 77 petits propriétairesexploitants,31"laboureurs"et66journaliers.

Tous pratiquent, en assolement biennal, la culture du seigle et du froment, et l'élevage ovin et bovin ; le revenu moyen annuel des foyers Linardais est en 1789 de 142 livres, comparable à l'estimation que Turgot en avait fait quelques années plus tôt. La paroisse est cependant considérée comme assez favorisée par la nature : l'enquête de 1781 précise à la rubrique "Salubrité de l’air" : l’air y est bon ; qu'elle possède quelques bonnes terres, et produit du froment. Elle indique aussi qu'il y a quatre foires dans l’année à Linards savoir les 13 janvier, 8 juin, 3 août et 18 octobre quipermettentlacommercialisationdessurplusetl'achatde quelques produits de l'extérieur. L'enquête donne aussi le "Nom des villes où les habitants vont vendre ": St Léonard (3 lieues, marchés les mardis, jeudis et samedis) et St Germain (2 lieues, marchés les lundis et jeudis). Bienque les chemins n’y sont pas bien praticables surtout l’hiver, attendu que les pluies occasionnent des marais et des ravines, les linardais ne sont donc pas isolés, et produisent assez de surplus pour entretenir un commerce actif avec les petites villes environnantes.

8 Registres des
1791 ADHV5MI86/2 9 ADHV L 298 An7 Tableau desconscritsducantondeChâteauneuf 7ADHVUSFray FournierArchivesmodernes,Dpt delaHaute VienneT1Page196et205 6ArchivesnationalesFZ0 37DénombrementdelapopulationdelaHte Vienne 5ADHV US Texier Olivier:StatistiquegénéraledelaFrance;Haute Viennep162 4BSHALN°39p579,PV del’assembléepréliminairedesdéputésduTiers étatdelasénéchausséedeLimoges 3ADHVC118Enquêtedel'Intendance,mémoiredusieurMailhard,vers1765 7
baptêmes, mariages et sépultures1739

L'importance de Linards danssarégionestmiseenévidenceparundocumentfiscalnon daté, sans doute produit au début de la période révolutionnaire (car mentionnant à la fois la perception du "vingtième" et le découpage en districts et cantons) : le revenu fiscal global du canton de Châteauneuf s'élevant à 92 994 livres, celui de Linards se monteà23710,lesautres communes étant ensuite par ordre d'imposition La Croisille (20 243), St-Méard (13 072), Roziers-Masléon(12731),Châteauneuf(12566),Sussac(9340)etSurdoux(1332).9

UnecertaineprospéritépeutmêmeêtreenvisagéeàlafinduXVIII°siècle,touterelative bien sûr au milieu de la misère généralisée du Limousin, si l'on en juge par les dépenses engagées par la paroisse depuis un quart de siècle : refonte de cloche en 1774 pour 600livres, réparations à l'église en 1776 pour 800 livres, refonte de cloche en 1783 pour 250 livres, acquisition d'un presbytère en1781pour3500livres,projetdeconstructiond'unerouteen1788 pour8000livres,etachatd'unepetiteclocheen1789.10

Les principales affaires de la communauté, notamment les dépenses mentionnées ci-dessus, sont traitées par l'assemblée des chefs de famille de laparoisse,réunisàl'appeldela cloche à l'issue de la messe dominicale, devant la porte de l'église. Chacun d'entre eux, sans distinction de richesse, peut y participer ; en pratique l'assistance varie de 19 à 85 personnes, pourleshuitassembléesdontlenotaireChaussadeaenregistréleprocès-verbalde1770à1788. On ne sera pas surpris d'apprendre que la participation est la plus forte lorsque de grosses dépenses sont envisagées, comme l'achat du presbytère (85 participants), et la plus faible lorsqu'il s'agit d'une sorte de formalité administrative, comme la confirmation des pouvoirs du syndic pour ester en justice en 1770. Si l'on ne vote pas formellement, l'assemblée doit cependant manifester une sorte de consensus aux projets que lui soumettent les "principaux habitants".

La réunion de l'assemblée doit en effet être autorisée par l'Intendant, sur la demande motivée des "notables" ;sansenavoirletitre,ceux-ciformentdoncdefaitunesortedepouvoir municipal informel,dontlespropositionssonttoujoursacceptées;ilarrivepourtant,en1788au sujet de la construction d'une route, qu'une minorité fasse dûment enregistrer par le notaire le nomdesopposants.Nousessaieronsplusloindemieuxcernercesnotables.

Pour gérer les affaires courantes, sont plus ou moins régulièrement élus ou nommés de la même manièredessyndicsquireprésententlacommunauté,notammentenjustice,maisn'ont aucunpouvoirpropre.

Face à cette communauté des habitants, sont présentes les deux autres institutions : l'Eglise et les seigneuries. Elles n'ont en commun que leurs représentants, curé et seigneurs, et sont,contrairementauxnotables,étrangersàlaparoisse.

L'Eglise n'est représentée que par le curé etsonvicaire.Elleestpeuprésentedanslavie économique de la paroisse (sauf pour le casuel), les dîmes ecclésiastiques étantpourl'essentiel "inféodées", c'est à dire perçues par les seigneurs laïques ; le curé est rémunéré à la "portion congrue", soit 700 livres par an, par le chapitredeSt-Léonardquilenomme;ilnedisposepas de terres excepté deux petits prés ou jardins. C'est par contre un personnage central de la vie communautaire, d'une part à cause de son activité quotidienne au moins une cérémonie de baptême, mariage ou enterrement quotidienne et par la personnalité de son titulaire, Jacques Gay de Vernon nommé en 1780, sur laquelle nous reviendrons. Le vicaire, nommé Chaminadour11,estétrangeràlaparoisseetn'yjoueaucunrôlepublic.

Cf notre publication Histoire de la commune de Linards en Limousin au XVII° et XVIII°siècles

ADHV L677

Histoire
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9ADHV L247

La Révoluon et ses conséquences à Linards - de 1789 à 1851

L'épisode protestant des seigneurs de Gain de Linards au XVI° siècle étant depuis longtemps oublié, l'attachementdeslinardaisàleurégliseetàleurdesservantsembleattestépar les dépenses importantes consenties récemment pour l'entretien du bâtiment,lerenouvellement des cloches, l'acquisition d'un presbytère, et par le respectrigoureuxducalendrierprescritpour lesmariagesetlesconceptions.

L'institution seigneuriale se trouve dans une situation biendifférenteetbienparticulière depuisunequinzained'années.

Privées depuis longtemps de leurs fonctions politiques, et les droits de justice n'étant qu'honorifiques et financiers, les seigneuries nesontplusquedesensemblesderentesfoncières et de droits parafiscaux divers, notamment de mutation (lods et ventes, accapt ...). Quatorze particuliers ou institutions se partagent la rente foncière et les dîmes de la paroisse deLinards, mais certaines commelesabbayesdeBlessacoudesAlloisnepossèdentdesdroitsféodauxque surdes"ténements"minuscules.

Les plus importants seigneurs sont des nobles laïcs : BrucharddelaPomélie,Martindu Reynaud, Bachellerie de Châteauneuf, et surtout Léonard Bourdeau de la Judie, seigneur de Linardsquiréunit3000livresderentesfoncièressuruntotalde5500payéesparlaparoisse.

Dans les dernières années du siècle, la levée de ces droits, qu'on peut évaluerà10%du revenu des parcelles, a donné lieu à de nombreux, âpres et longs procès entre seigneurs et tenanciers, par exempleleCollègedeLimogesetlespropriétairesdeSautourleGrand,ouentre M. Bruchard de la Pomélie et les propriétaires de Meyrat. Ce dernier procès a duré des décennies, a été porté au parlement de Bordeaux, et a coûté si cher aux tenanciers finalement condamnés que l'intervention de la force armée a été nécessaire. Lesplaidoiriesdel'avocatdes tenanciers faisaient alors apparaître une certaine remise en cause de la légitimité des droits féodaux.12

Le procès de Meyrat est un cas d'école : en vertu du principe de solidarité et de la prescription trentenaire des rentes, le seigneur réclame d'un coup trente ans d'arrérages à quelquestenanciersconsidéréscommelesplussolvables.

La seigneurie foncière se manifeste donc aux yeux des habitants comme une charge financière importante et comme une source de graves ennuis (actions judiciaires, visites des huissiers etautreshommesdeloi,saisies,interventiondelaforcepublique)auxquelsonnepeut même être sûr d'échapper en payant régulièrement son dû, en vertu du principe de solidarité entrelestenanciers.

La principale seigneurie de la paroisse, le marquisat de Linards, se trouve dans une situationbienparticulière,parsonimportanceetsonhistoirerécente:

Outre la perception de la plus grande partie des rentes foncières, son titulaire possède aussi par exemplelemonopoledesétangs,lesdroitsdeguet(taxereprésentatived'uneancienne obligation de service de garde), et de banalité : les habitants sont tenus en principe de faire moudre leurgrainaumoulinbanal(actuel"EtangdeLinards")etdefairecuireleurpainaufour banal qui se trouve sur la place de l'église. L'affermage de ces installations est une source de revenusnonnégligeable.13

12 Cf. notre publication Histoire de la commune de Linards en Limousin au XVII° et XVIII°siècles

A partir du milieuduXVIII°siècle,lederniermarquisdeladynastiedeGain,enproieà 13 ADHV4E43/203bailàfermedufourbanal17juin1769 9

des difficultés financières, doit d'abord vendre des métairies et des tenures (circonscriptionsde rentes foncières), au bénéfice des notables locaux ; le notaire et juge seigneurial Jean Louis Chaussade acquiert ainsi le 29 décembre 1773, pour 1 200 livres, le fief de Trarieux à St-Méard14 , et s'intitule fièrement depuis "seigneur de Trarieux"(commeillefaitinscriresurla cloche dont il est parrain en 1783, et sur celle dontsonépouseestàsontourmarraineen1789, actuellementvisibledansl'entréedel'église).

A sa mort en 1775 le marquisat est saisi pour solder son passif, et restera sous administration judiciaire jusqu'à 1786. Les "baillistes judiciaires" qui en prennent successivement la gestion triennale par adjudication sont des bourgeois de Limoges ou de Linards, qui peuvent résider au château. En 1778 est ainsi comparu Sr Léonard Rougier bourgeois demeurant au château du présent bourg susdite paroisse de Linards subrogé aux droits de Sr Martial Mosnier Duteil bailliste pour une trienne des revenus dépendants de la terre et seigneurie de Linards qui fait enregistrerparlenotairelesoinqu'ilprenddelapêcheet durepeuplementdesétangsseigneuriaux.15

Pendant onze ans les Linardais, après avoir assisté à la chute de la dynastie ancestrale (présente depuis le milieu du XIV° siècle), se sont donc passés du principal seigneur. Mais en 1786 le marquisat est racheté par le négociant de Limoges LéonardBourdeaudelaJudie;sile dernier de Gain gérait mal ses ressources, le nouveau seigneur vient au contraire de faire un important investissement qu'il compte bien rentabiliser. S'il modernise ses domaines propres (les métairies de Crorieux en particulier) en y faisant par exemple lever des plans et tracer des allées carrossables qui subsistent encore (le"chemindesamoureux"del'étangdeCrorieuxetle chemin de Chantegris figurent ainsi sur un plan de 1792 comme des allées construites et plantées en 1791)16 , il convie aussi l'assemblée paroissiale à financer la construction fort coûteuse d'une route carrossable reliantLinardsàSt-Léonard.Nousreviendronssurcetépisode qui semble témoigner d'une certaine animosité entre les habitants, ou du moins les notablesdu bourgetlenouveauseigneur,auprintemps1789.

Par ailleurs lesurcroîtdeprestigeattenduparLéonardBourdeaudelapossessiondufief de Linards est attesté par le choix qu'il fait de cette paroisse pour y célébrer le mariage de sa fille Anne-Françoise le 18 septembre 1787, avec la dot considérable de 45 000 livres (Les mariagesprécédentsdesesenfantsavaientlieuàSt-PierredeLimoges).17

Essayons maintenant de mieux cerner ces "notables", qui dirigent l'assemblée paroissiale, gèrentlaseigneuriejusqu'à1786ets'opposentenfinaunouveauseigneuretmêmeà l'Intendantlorsdel'épisodedelaroute.

Nous entendons par le terme de notables les personnages qui, par leur richesse (d'après les documents fiscaux de 1789), leur activité professionnelle ou économique (d'après les minutes du notaire Chaussade), leurs interventions dans la vie publique et leur alphabétisation (d'après les procès-verbaux desassembléesparoissiales),noussemblentavoirlapossibilitéetla volonté d'influer sur les décisions et la vie de la communauté. Il sera intéressant de comparer ensuite la listequenousauronsétabli,parexempleaveccelledesélusauxinstitutionsinstallées àpartirde1790.

Nous sélectionnons doncdansunpremiertempsleschefsdefamillesuivantlecritèrede la fortune, d'après la valeur des propriétés, elle-même calculée d'après le montant de

14 ArchivesdelaJudie-G.deBlignières-F44,Ventedu29/12/1773

15 ADHV4E43/211–Procès-verbaldu20mars1778

16 ClichéPh.Rivière-Copyrightannée1989–89871003X–Inventairegénéral-ADAGP

17 ADHV-GénéalogiedeBourdeau(enLimousin)parGilles deBlignières-Décembre1992

Histoire
10
400
Histoire de la Commune de Linards en Limousin

ANNEXE5 Mairesetpersonnalités

Annexes
401
402
Histoire de la Commune de Linards en Limousin
Annexes 403
404
Histoire de la Commune de Linards en Limousin

ANNEXE6 ChronologiedesMairesetAdjoints

Annexes
405
406

TABLEDESMATIÈRES

INTRODUCTION 3

LA RÉVOLUTION ET SES CONSÉQUENCES A LINARDS DE 1789 À 1851 5

La paroisse de Linards, vie publique et notables avant 1789 6

La vie politique à partir de 1789 15

La préparation des États Généraux 15

L'affaire de la route de St Léonard 19

La Constituante, les premières élections 21

L'Assemblée législative 25

La Convention 27

Le Directoire 35

Le Consulat 37

Lavieéconomiquede1789à1793 40

Les nouvelles contributions 40

Les revenus des prêtres 45

Les biens nationaux 45

Les réquisitions 49

L'opposition à l'assèchement des étangs 51

Les demandes d'aide auprès du district 51

Les rentes : une persistance du régime féodal au cœur du XIX° siècle 51

L'évolution des mentalités 56

Le rétablissement du culte catholique 58

La conscription 61

La Révolution dans une commune rurale 64

LE PREMIER EMPIRE 66

Jean Louis Barget et Isaac Dupuy 66

LA RESTAURATION 72

Joseph Faucher 72

LA MONARCHIE DE JUILLET 79

Guillaume Rougier, le gouvernement des notables 79

LADEUXIÈMERÉPUBLIQUE 94

Félix Faucher, vers l’insurrection 94

L’INSURRECTIONDELINARDS-6DÉCEMBRE1851 99

LECONTEXTESOCIALETPOLITIQUENATIONAL 100

LAVIEPOLITIQUEÀLINARDSDE1846À1851 102

LePartiDémocrate 103

LePartidel’Ordre 103

Unnouveaumaire 104

ÉlectiondelaGardenationale 105

Laprotestationdesillettrés 108 407

Histoire de la Commune de Linards en Limousin

Suspensiondel’instituteur 110 Révocationdumaire 112

ASt-Bonnet,St-Paul,Châteauneuf,Neuvic,Roziers 114

LAPRÉPARATIONDEL’INSURRECTION 116

L’exaspérationdestensions 116

L’annonceducoupd’Etat 117 RéunionsdesRépublicains 117 Départdesémissaires 120

PréparationdusoulèvementàSt-Paul 123

AChâteauneuf,réunionchezDelassis 123

ANeuvic-Entier 124

ALinards 125

ARoziersStGeorges 125 DÉBUTDESOULÈVEMENTÀNEUVIC,CHÂTEAUNEUF,ROZIERS 125

GoursolasàNeuvic 126

PeyratditGorymobiliseChateauneuf 127

PeyrussonàChâteauneuf 129 GaraudetTixiermobilisentNeuvic 130

DelassispartpourLinards 131 PréparationdusoulèvementARoziers 131

LAFORMATIONDELACOLONNEINSURGÉEÀST-PAUL 133

Leregroupementdesouvriers 133

L’armement 136 Méfianceetadhésiondespaysans 137 Symbolesetdiscours 138 Réactionsdesnotables 140

Lalettreaupréfet 141 Départdelacolonne 141

Lesamedi6décembredeFélixFaucher 143

Premièresréactionsdesautoritésdelimoges 147

LECONTRE-ORDRE 149

LamissiondeDerignac 149

LacourseinutiledeLachalussie 151

L’arrestationdeJacquesCastenot 151

Lecontre-ordrearriveàtempsàRoziers 152

Lecontre-ordreàNeuvicetChâteauneuf 154

LACOLONNEINSURGÉEÀSAINTBONNET 154

PrudencedesBlancs 155

Lacolonnegrossit 155 ConfrontationsàSt-Bonnet 158 408

LefacteurThomas 160

Uncuréénergique 161

EnrouteversLinards 164 LACOLONNEINSURGÉEARRIVEÀLINARDS 166

LA COLONNE A RIBIERE ET BLANZAC LA RÉACTION DES NOTABLESDELINARDS 166

LaréactiondesnotablesdeLinards 168 LINARDSAUXMAINSDESINSURGÉS 170

Larésistancedesnotables 170

Lafermetédesgendarmes 174 Noualhierestblessé 175

Lesréactionsdesinsurgés 178 Lachalussieportelecontre-ordre 181

LESHUSSARDSSURLATRACEDESINSURGÉS 181

Lachargedeshussards 185

L'arrestationdeJacquesDeveaux 187

Lestirsdesinsurgés 189 Dansl’aubergeCibot 189

LapoursuitedanslaprairiedeLinards 190

Lesarrestationsdanslebourg 191

Lapoursuitedanslesmaisons 191 LESDERNIERSINSURGÉS 195

LAFUITEDESCHEFSDEL’INSURRECTION 202 LARÉPRESSION 205

LesinterrogatoiresdujugeDumont-St-Priest 206

LesinterrogatoiresduconseillerPeconnet 210

Larevanchedesnotables 216

LefusildePierreSarre 220

LaCommissionmixte 222

LesGrâces 226 30ANSAPRÈS,LARECONNAISSANCEDELAIII°RÉPUBLIQUE 227 LAMÉMOIREDEL’ÉVÉNEMENT 232

Sourcesconcernantl’insurrectionde1851 234

LESECONDEMPIRE 235

LerègnedePaulNoualhier 235

1870-1874L'ANNÉETERRIBLE 243 etleretourdesconservateurs 243

1874-1885JulesVILLETTE,unrépublicaintrèsmodéré 250

1885-1891HenriGAVINET,lafindesnotables 272 409

Histoire de la Commune de Linards en Limousin

1891-1900PierreJACQUET,l’hégémoniedesradicaux. 289 LestroublesdeLinards,8mai1898 303

1900-1908JeanSAUTOUR 310

Radicauxcontreradicauxetsocialistes 310

1908-1919AmédéeTARRADE,lebâtisseur 332

CONCLUSION 379

ANNEXE 1 Inventaire du château de Linards 28/11/1790 381

ANNEXE2-Listedesélecteurscensitairesde1832et1843 384

ANNEXE3-Listedesélecteursconvoquésle30juillet1848 389

ANNEXE4-Candidatured’AubinChaussade 397

ANNEXE5-Mairesetpersonnalités 401

ANNEXE6-ChronologiedesMairesetAdjoints 405

TABLE DES MATIÈRES 407

410

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