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Dossier
Luminaires INTÉRIEURS LUMINEUX: AU-DELÀ DU SIMPLE ÉCLAIRAGE
DÔME/IKEA
Nous passons 90% de notre temps à l’intérieur et pourtant. Jusque-là trop souvent oublié, l’éclairage de notre salon, de notre chambre à coucher ou encore de notre cuisine pouvait laisser à désirer. Néanmoins, à l’heure où vie privée et vie professionnelle s’entremêlent et après une période de pandémie avec chez soi comme seul refuge, le sujet semble être revenu au centre de toutes les attentions. «Le télétravail a éveillé les consciences. D’un coup, tout le monde exigeait la même qualité de source lumineuse à la maison qu’au bureau», témoigne Andy Dubey, administrateur de BDK Luminaires, présents depuis trente ans sur le marché. L’éclairage intérieur a ainsi retrouvé toute son importance comme le confirme un porte-parole d’Ikea Suisse: «Avant le Covid, les lieux où travailler, vivre et se divertir étaient séparés mais désormais les clients considèrent leur appartement ou maison comme un seul endroit où tout se réunit. Il faut dès lors adapter les luminaires à ces différentes fonctions (ambiance cosy dans une pièce, éclairage plus fort pour le bureau à domicile etc.).» Une réadaptation de l’ambiance lumineuse nécessaire dans laquelle excelle Jacky Riesen, expert en luminaires et meilleur artisan de Suisse 2019. «Que l’on achète sa lampe parce qu’on la trouve belle ou que ce soit le vendeur qui vous la conseille, ce n’est qu’une fois installée et branchée que l’on verra si cette lumière est réellement adaptée à l’ambiance recherchée», décrit ce dernier qui se rend systématiquement chez ses commanditaires avant de commencer tout travaux. Celui-ci regrette de ce fait le manque de collaboration avec les architectes ou décorateurs d’intérieur, auxquels font justement souvent appel ses clients. Ce que déplore également Jérôme Evrard, directeur d’Impact LD & Lumiverre dont la clientèle vise le haut de gamme. «Nous avons de plus en plus de demandes de propriétaires qui se disent déçus de leur éclairage après la réalisation de leur villa. Certes, les architectes commencent à accorder plus d’importance à la lumière mais cela se passe plutôt vers la fin du chantier, lorsque l’on comble les surplus financiers engendrés par les corps de métiers précédents. Or, un mauvais éclairage peut péjorer tout un projet, il est donc primordial de ne pas le négliger dès sa planification», souligne l’expert. Mais bien plus qu’un simple moyen d’éclairer une pièce et de proposer une ambiance, le luminaire s’est doté d’une nouvelle fonction depuis deux ans. Celle
BDK Luminaires
d’objet d’art, comme le décrit Emilie Pellegrino-Beaud, directrice du site Ekkla.ch: «Tel un tableau, le luminaire fait partie de la décoration à part entière. Celui qui était autrefois caché derrière un faux plafond ou un canapé est à présent mis en valeur, de taille plus conséquente et doit être inratable lorsque l’on entre dans un endroit.» Véritable pièce forte qui habille un mur et qui a son importance dans la finition d’un lieu, chaque détail du luminaire est dès lors pensé avec soin, note Alice Cajka, manager et décoratrice d’intérieur chez DÔME Project Interiors: «Par exemple, si les pieds d’une table sont dorés, on joue avec les reflets dorés de la lampe. On se permet également de s’acheter une œuvre de créateur voire une sculpture où il y aura toute une recherche artistique.» En clair, plus de hasard, l’éclairage doit aujourd’hui bel et bien être au cœur des réflexions. lement dans l’ère du temps et suit la tendance du tout-connecté. «Les sources lumineuses de Philips sont très à la mode car elles proposent des ambiances instantanées. Cela fait cinq ans que des applications voient le jour sur le smartphone mais à peine trois qu’elles se démocratisent avec des prix moins excessifs qu’au départ. On voit donc enfin émerger des possibilités pour piloter son éclairage avec des modules adaptatifs et la demande croissante fait qu’elles continuent de se développer», assure Jérôme Evrard. Autre tendance issue de la pandémie selon Ekkla. ch: «L’intérêt pour des lampes nomades, sans fil et sur batterie, qui s’adaptent à nos besoins. La chambre à coucher ne devant pas être éclairée de la même manière que la cuisine, on peut faire varier les intensités comme nous le souhaitons grâce à la polyvalence bienvenue de ces éclairages à déplacer.» Des technologies qui débarquent dans nos intérieurs et qui ont pu voir le jour notamment grâce à une innovation: la LED. Technique d’éclairage numéro une en Suisse, son évolution fulgurante avec 64% des parts de marché en 2020 (+4% sur un an), a considérablement augmenté le champ des possibles en termes de gestion de la luminosité. «Grâce à la LED, on peut éclairer tout ce que l’on ne pouvait pas avant, comme des escaliers par exemple. Avant, nous installions simplement un plafonnier au-dessus, désormais une lumière pour chaque marche est fréquemment demandée», indique l’expert Andy Dubey. De son côté, l’Association suisse pour l’éclairage salue les possibilités de plus en plus nombreuses de ces technologies miniaturisées d’intégration, de création et de design. «La population a complètement abandonné l’idée de rester sur une source halogène. Au début, il y avait des réticences de confort et de qualité mais on sent aujourd’hui qu’il y a une habitude de la LED dans un esprit d’économie d’énergie entre autres qui
s’est installée», précise Gregory Bartholdi, responsable romand de l’association.
Représentant environ 10-12% de la consommation d’électricité en Suisse, l’éclairage se voit sans cesse repensé et poussé vers une efficience toujours plus verte par les pouvoirs publics. De quoi bousculer les habitudes et notamment celles des architectes qui commencent à leur tour à se questionner sur la manière de concevoir la lumière dans le résidentiel. «Ceux-ci demandent une meilleure traçabilité des composants car la clientèle fait attention à cela désormais. Cependant, cela ne concerne pour le moment qu’une population qui a un certain budget pour fournir ces efforts car tout est une question de budget au final», affirme Andy Dubey. Si effectivement, Ekkla.ch perçoit lui aussi une «véritable demande qui se renforce de la part des clients pour comprendre d’où viennent les produits et pour favoriser les circuits-courts», les matériaux écologiques auraient eux aussi le vent en poupe. Jute, rotin, bambou et autres matériaux renouvelables sont en vogue cette année et favorisent ainsi «un style bohème, nature et champêtre» dans les habitations. De quoi aller dans le sens des entreprises qui s’étaient lancées sur le créneau. Impact LD & Lumiverre qui propose par exemple un service de «refit», une remise en état de vieux luminaires avec de la LED, observe d’ailleurs «une volonté de remplacer plutôt que jeter poindre le bout de son nez». Davantage spécialisé dans la réparation et la création de lustres, l’artisan vaudois Bertrand Cazenave s’est pour sa part lancé le défi de réaliser des sculptures lumineuses écologiques. Depuis son atelier, l’artiste récupère des restes de lustres ainsi que du verre recyclé et les assemble pour leur offrir une deuxième vie en lampe écologique. «Les gens ne savent pas que des luminaires écologiques existent. Lors de mes expositions, je rencontre des clients qui viennent à la base simplement pour trouver un éclairage et qui repartent avec l’une de mes sculptures car c’est écologique et que chaque pièce est unique. C’est un argument de vente en plus, dans l’air du temps, et au moins, cela leur offre une certaine exclusivité du produit», appuie-t-il.
Ecologique ou pas, en ce qui concerne les styles de luminaires, certaines tendances se démarquent cette année selon les spécialistes du domaine. Certaines modes perdurent comme celle de l’ampoule à nue qui se veut un design de luminaire en soi. «Maintenant on assiste à une demande pour des formes peu traditionnelles, avec le filament apparent ou représentant un texte écrit», relève Andy Dubey. D’autres tendances émergent de-
L’Artisan du lustre
puis le début de la pandémie comme le démontre Alice Cajka: «Le doré revient en force, travaillé par du laiton ou encore du métal doré, avec des finitions aux formes géométriques, plus arrondies. Nous retrouvons ces rondeurs dans des boules en verre soufflé ou encore en albâtre faisant écho aux années 70. Les éléments naturels, tels que la lampe en forme de palmier qui amènent du relief, sont également très prisés.» Un retour en force du style rétro et vintage que remarque également Emilie Pellegrino-Beaud: «Deux périodes sont très appréciées, les années 1930 avec le verre opalin ainsi que l’effet marbre ou laiton et en parallèle, la période très «seventies» avec beaucoup plus de courbes et des couleurs très flashy.» Autre tendance qui se veut plus une récurrence qu’une nouveauté, le lustre. Bertrand Cazenave voit cet objet qui traverse les années comme un intemporel: «Avec le lustre on peut oser. Quand on a un aménagement moderne, l’ancien lustre ressort d’autant plus et lorsqu’au contraire on est meublé ancien, il faut un lustre design pour détonner et mélanger les styles.» Un mariage des genres qui rehausserait un tout et qui serait très demandé selon lui. «Ce que les clients n’osent pas mettre dans leur mobilier, comme une couleur rouge ou orangée par exemple, ils l’apportent dans leur luminaire, sous forme de lustre», ajoute-t-il.
Finalement, la nouveauté en termes de demande, mais qui n’est pas encore au rendez-vous du côté de l’offre, est celle de l’éclairage holistique. Aussi appelé luminothérapie, le bien-être provoqué par un éclairage précis serait bel et bien sur la pente ascendante. Propulsé par les débats menés lors de la pandémie sur le besoin de variations de lumière et l’impact de celle-ci sur le rythme circadien (horloge biologique interne), l’éclairage holistique se fait une place dans les discussions entre particuliers et professionnels du domaine. «De tels systèmes sont
Impact LD & Lumiverre
plus appropriés dans des grands openspace où il y a du monde que dans le privé mais de nombreux clients souhaitent reproduire la couleur orangée des halogènes qui ont disparu du marché afin de donner une ambiance cocooning quand ils arrivent chez eux, en fin de journée», constate Andy Dubey. Même son de cloche du côté d’Impact LD & Lumiverre qui voit ses plus gros commanditaires commencer à s’y intéresser «mais nous essayons de ne pas trop rentrer sur ce terrain à la limite du médical», déclare son directeur. Afin d’aborder ces questions de lumière et santé, l’Association suisse pour l’éclairage prépare justement un cours tout public qui sera ouvert courant 2023 pour savoir comment acheter, s’informer et maîtriser le sujet. En effet, l’artisan de l’Atelier d’art, Jacky Riesen se veut transparent et l’assure: «Le bien-être grâce à la lumière est souvent marketing. Etant mécanicien de formation en plus de lustrier, j’ai eu l’occasion de fabriquer une lampe sur demande d’un chirurgien ophtalmologique que nous avons présenté lors de conférences et celle-ci ne reposait ni plus ni moins que sur du courant continu.» Le courant habituel d’une lampe étant fractionné (c’est pourquoi nous observons des stries noires sur nos écrans lorsque nous filmons la lumière d’un luminaire avec notre smartphone, la vitesse de capture d’image étant plus rapide que celle de l’œil humain), l’idéal serait en réalité de bénéficier d’une lumière continue, telle que celle émise par le soleil tout au long de la journée. «La luminothérapie devrait essayer de reproduire cela mais la plus efficace et la plus simple des techniques est de s’éclairer en fin de journée à l’aide de bougies. De par sa lumière constante et sa couleur chaude, celle-ci favorisera l’aspect de bien-être naturel et garantira un endormissement facilité», conclut-il.
Conseils éclairés
Au cœur de son habitat, le salon est un cocon où le juste équilibre entre éclairage suffisant pour l’ensemble de la pièce et atmosphère chaleureuse doit être trouvé. Pour cela, le luminaire assorti d’un variateur est un indispensable. Pour un effet de style, troquez le traditionnel lampadaire caché derrière le canapé pour un luminaire XXL en forme d’arc qui englobe la pièce et mettra en valeur votre intérieur.
Bien plus qu’une simple pièce fonctionnelle, la cuisine est un lieu de partage. Dorénavant souvent ouverte sur le salon, il s’agit de soigner un éclairage qui se doit d’offrir un confort visuel tout en étant esthétique. Les rails de LED alignées et intégrées au-dessus du plan de travail, de l’évier et des plaques de cuisine sont à privilégier. Pour ce qui est de l’espace de table, on opte cependant pour un luminaire avant tout design et décoratif.
Depuis la pandémie, la chambre se veut multi-usage. Si elle demeure un lieu où l’on cherche avant tout une ambiance reposante, on s’y plaît à présent également pour lire et travailler depuis son lit. L’idéal ici est de prévoir plusieurstypes de luminaires. Les lumières trop vives sont de toute façon à proscrire mais optez pour un plafonnier avec ampoule à lumière chaude, une lampe à poser sur la table de chevet qui soit directement tournée vers vous et enfin, prévoir des spots vitrines à fixer dans la penderie.
Le plus souvent dépourvues de fenêtres, nos salles de bain ont besoin d’un éclairage soigné. L’objectif étant de se rapprocher de la lumière du jour sans agresser nos yeux dès le matin. Ici, il est indiqué d’éclairer l’ensemble de la pièce avec une lumière générale aux couleurs chaudes et de façon plus soutenue et directe la zone stratégique qu’est celle du miroir. Avec des LED intégrées, attention à positionner correctement les spots. Trop bas, ceux-ci donnent mauvaise mine et trop hauts, ceux-ci accentuent les cernes.