Avis concernant le projet de loi relative à la protection internationale et à la protection temporai

Page 1

Collectifréfugiésluxembourg-lëtzebuergerflüchtlingsrot ACAT, AIL, ASTI, ASTM, CARITAS, CLAE, CEFIS, VIE NOUVELLE Secrétariat assuré par :

2014/2015

Adresse de contact :

Personne de contact :

29, rue Michel Welter

Caritas L-2730 Luxembourg

Nonna SEHOVIC

nonna.sehovic@caritas.lu

Tél. : 40 21 31 533 Fax : 40 21 31 409

Avis concernant le projet de loi relative à la protection internationale et à la protection temporaire transposant dans le droit national luxembourgeois le « PAQUET ASILE » EUROPÉEN I.

Introduction

Le « Paquet Asile » désigne un nouveau cadre juridique européen régissant les conditions d’évaluation d’une demande de protection internationale (directive Qualification), les conditions d’accueil des demandeurs d’asile (directive Accueil), les procédures d’octroi et de retrait de la protection internationale (directive Procédure), les mécanismes de détermination de l’État membre responsable d’une demande (Dublin III) et une base de données d’empreintes digitales (Eurodac). À l’exception de la nouvelle directive « Qualification » adoptée dès décembre 2011, les textes de refonte ont été intégrés dans l’ensemble législatif et règlementaire de l’UE le 26 juin 2013. La transposition dans la législation nationale devant être effectuée pour juillet 2015, le Lëtzebuerger Flüchtlingsrot (Collectif réfugiés, ci-après, le « LFR ») s’est autosaisi de la rédaction de ses recommandations basées sur l’expérience de terrain que les associations membres ont dans le travail avec les demandeurs de protection internationale (DPI) et les bénéficiaires d’une protection internationale (BPI). Le LFR salue les autorités de nous avoir associés aux travaux de l’élaboration des projets de loi et rappelle ainsi l’importance du dialogue avec la société civile dans le domaine de l’asile et de la migration. En effet, en date du 28 janvier 2015, le Ministre de l’Immigration et de l’Asile M. Asselborn a soumis à l’avis du LFR le projet de loi relative à la protection internationale et à la protection temporaire ayant pour objectif de transposer dans le droit national la directive 2013/32/UE relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale.

1


II. Considérations générales Le projet de loi relative à la protection internationale et à la protection temporaire abroge la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection et donne ainsi l'occasion au législateur luxembourgeois de se pencher à nouveau sur les questions du droit d'asile au Luxembourg. Cette révision législative est rendue indispensable à la lumière de la nécessité de transposer dans le droit national le « Paquet Asile ». Dans ce contexte, le LFR estime en général que, si ce projet de loi comporte certaines améliorations dans le cadre légal applicable en matière d'asile, il soulève toutefois différents éléments de perplexité, voire de préoccupations, au regard de plusieurs questions, pour lesquelles, de l’avis du LFR, des changements seraient nécessaires par rapport à l'approche adoptée par le gouvernement dans le projet de loi. À cet égard, le LFR rappelle que s'il est toujours possible pour un État membre d'appliquer la Directive sans préjudice de dispositions plus favorables, il ne saurait être permis de modifier la loi sur le droit d'asile de 2006 d'une façon plus restrictive que les normes et procédures communes ne l'ont préconisé aux termes de la Directive. En particulier, le LFR attire l'attention du législateur sur les points suivants, développés en détail cidessous, qui constituent à notre avis les motifs de préoccupation les plus importants soulevés par le projet de loi : •

le délai d’enregistrement de la demande de protection internationale ;

les mineurs non accompagnés ;

les tests linguistiques ;

l’importance de la mise en place de formations spécifiques en direction des professionnels de la santé ;

le placement en rétention administrative et les mesures moins coercitives ;

l’afflux de demandeurs de protection internationale et la prolongation de la durée de la procédure ;

la notion de pays tiers sûrs ;

l’absence d’une liste européenne commune des pays d’origine sûrs ;

la définition des motifs de crainte de persécution ;

la notion du groupe social spécifique.

Le LFR invite le gouvernement à se donner les moyens pour mettre en œuvre de la façon la plus efficace et la plus humaine la nouvelle loi, et à procéder à une évaluation de la loi au bout de deux années suivant sa mise en vigueur en y associant le LFR. 2


III. Commentaires des articles 1. Chapitre 1 •

Article 2 : Cet article reprend essentiellement les définitions figurant dans l’article 2 de la Directive. Toutefois aux fins d’une meilleure compréhension du texte légal, le LFR considère qu’il y a lieu de compléter ce texte par d’autres définitions auxquelles nous reviendrons tout au long de commentaires des articles du projet de loi.

Article 3 (2) : Le LFR se félicite qu’une formation pertinente soit mise en place pour les agents du Ministre qui sont en contact avec les DPI. Nous regrettons cependant que la formation ne soit destinée qu’à ces seuls agents, les interprètes sont aussi en contact avec les DPI et devraient bénéficier également d’une formation spécifique.

2. Chapitre 2 •

Les articles 4, 6 et 7 portent sur l’accès à la procédure. Le LFR considère que l’ensemble de la procédure, telle que décrite dans ces articles, constitue un recul par rapport à la loi actuelle, qui, en outre, est assez difficile à comprendre. En effet, la loi actuelle précise dans l’article 6 (5) : « Une pièce attestant l’enregistrement de la demande de protection internationale est remise dans les trois jours après le dépôt de la demande du demandeur ». Dans le projet de loi, la procédure est beaucoup plus compliquée : le demandeur dépose sa demande, puis il y a un enregistrement de la demande, puis il est convoqué pour introduire sa demande auprès du Ministre, puis il reçoit un document attestant son statut de demandeur. Le tableau ci-dessous récapitule les étapes de cette procédure et conclut à l’augmentation considérable des délais.

Cette procédure n’est certainement pas dans l’intérêt d’une simplification administrative et la bonne compréhension des demandeurs. Si ce « mille-feuille administratif » est maintenu, il faudra pour le moins définir les termes « enregistrement » et « introduction », ce qui n’est pas le cas actuellement.

3


Le LFR rappelle sa demande au gouvernement de maintenir des normes plus favorables de la législation actuelle comme ceci est prévu par l’article 5 de la Directive qui stipule que « les États membres peuvent prévoir ou maintenir des normes plus favorables en ce qui concerne les procédures d’octroi et de retrait de la protection internationale ». En tout état de cause, le LFR considère que la définition des termes « enregistrement » et « introduction » doit absolument figurer parmi les définitions données à l’article 2 du présent projet de loi. Le LFR préconise de préciser les notions de « nombre élevé de ressortissants de pays tiers ou d’apatride qui demandent simultanément une protection internationale » (art. 4(1)) et de « le demandeur est convoqué dans les meilleurs délais » (art.6(1)) •

Les articles 5 (3) et (4) transposent l’article 7 (3, 4, 5) de la Directive et porte sur les demandes présentées au nom de mineurs. Le LFR se pose la question quant à la cohérence dans l’utilisation des termes « administrateur ad hoc » et « représentant ». En tout état de cause, le LFR considère que la définition des termes « mineur nonémancipé », « administrateur ad hoc » et « représentant » doit absolument figurer parmi les définitions données à l’article 2 du présent projet de loi.

Article 10 (5) : A l’exception des documents d’identité, tout document remis au Ministre rédigé dans une autre langue que l’allemand, le français ou l’anglais doit être accompagné d’une traduction. Suivant une circulaire récente, la Direction de l’Immigration n’effectue plus elle-même les traductions des documents remis par les demandeurs. Celles-ci doivent être effectuées par les demandeurs à leurs frais, respectivement avancés par les avocats et remboursés dans le cadre de l’assistance judiciaire. Or, le projet de loi ne prévoit pas qui prendra en charge les frais de traduction.

Articles 11 (3) et 17 transposent les articles 20-23 de la Directive relatifs à l’assistance judiciaire fournie aux demandeurs de la protection internationale lors de différentes étapes de la procédure. Si à la lecture de l’exposé des motifs du projet de loi(p.43), le LFR se réjouit qu’ « il a été décidé de maintenir le système actuel, à savoir le droit pour le DPI de bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite tout au long de la procédure, néanmoins sous certaines conditions » et que « le projet de loi dispose que le demandeur a le droit de se faire assister, sur demande, à titre gratuit par un avocat », le LFR marque pour autant son incompréhension quant à la formulation de l’article 11 (3) qui stipule que le demandeur « a le droit de consulter, à ses frais, un avocat sur les questions touchant à sa demande de protection internationale, à toutes les étapes de la procédure, y compris à la suite d’une décision négative. » L’article 17 (1) accorde l’assistance judiciaire « dans le cadre des procédures visés au chapitre 2, section 2 et des procédures de recours prévues au chapitre 2, section 4 ainsi que dans le cadre des recours contre le placement en rétention (…)» 4


En effet, le chapitre 2, section 2, vise la « 1ère instance ». Tout d’abord, le LFR est d’avis qu’il s’agit d’un emploi malheureux de ce terme qui signifie normalement dans la pratique actuelle le recours devant le Tribunal administratif. Ici, il signifie la procédure d’examen de la demande de protection internationale par le ministre (articles 26 à 32 du projet de loi). Il s’agit donc de l’entretien du demandeur par le Ministre au sujet des motifs à la base de sa demande, de l’échange éventuel entre le demandeur et le Ministre au long de cette procédure jusqu’à l’obtention d’une première décision. Comme l’assistance judiciaire est uniquement accordée pour la « procédure » de 1ère Instance, le LFR se demande si elle couvre, comme à l’heure actuelle, les entrevues du demandeur avec son avocat préalablement à l’entretien au Ministère, d’autant que l’article 11 (3) vise précisément la consultation « à ses frais » par le demandeur d’un avocat « à toutes les étapes de la procédure » sur les questions touchant à sa demande. Pour les procédures de 2ième instance (articles 34 à 36 du projet de loi), donc devant les juridictions administratives, la même question se pose. Est-ce que seul le travail de l’avocat pour la rédaction de la requête et les plaidoiries seront prises en charges, tandis que les consultations avec son avocat pour préparer le recours tomberaient sous l’article 11 (3) et devraient donc être prises en charge par le demandeur ? Concernant le recours devant les juridictions administratives, le projet de loi introduit encore une autre limitation à l’octroi de l’assistance judiciaire, à savoir « sauf si le recours du demandeur est considéré comme n’ayant pas de perspectives tangibles de succès » (article 17(1) in fine) Un organisme, probablement le bâtonnier dans le cadre de l’octroi de l’assistance judiciaire, devra donc au préalable examiner si le recours projeté a des « perspectives tangibles de succès » avant de n’octroyer le bénéfice de l’assistance judiciaire. Tout d’abord, le LFR considère que cette disposition est contraire à une décision de la Cour européenne des droits de l’homme qui avait décidé que l’on ne saurait priver quelqu’un d’un recours effectif devant un tribunal en décidant, en dehors de tout contrôle juridictionnel, que ce recours serait de toute façon voué à l’échec (arrêt du 30 juillet 1998 dans une affaire AERTS c. Belgique, n° 61/1997/845/1051). Ensuite, comment décider qu’un recours n’ait pas de « perspectives tangibles de succès » ? Cela exclut donc toute possibilité de changer une jurisprudence d’un tribunal ; le risque étant pour une situation donnée, de toujours juger de la même manière, sans pouvoir essayer de convaincre les juges de changer d’opinion. Le LFR est d’avis qu’en gardant cette disposition dans le texte de loi, on pourrait toujours refuser l’assistance judiciaire pour un recours en se retranchant derrière une jurisprudence constante des tribunaux. Le LFR invite le législateur à rendre le texte des articles 11 (3) et 17 plus cohérent quant à la gratuité de l’assistance judiciaire ainsi qu’aux étapes de la procédure couvertes par l’assistance judiciaire, et ce dans un soucis de garantir un accès gratuit pendant toute la procédure modifier l’article 17(1) en supprimant «…, sauf si le recours du demandeur est considéré comme n’ayant pas de perspectives tangibles de succès. » 5


Article 12 transpose les dispositions de l’article 13 « Obligations des demandeurs » de la Directive. Le LFR rend attentif au fait que la disposition du projet de loi « Le demandeur peut être soumis à un test linguistique » (art.12 (2)) ne figure pas dans le texte européen. Le LFR préconise la nécessité de dispositions légales permettant d’encadrer les tests linguistiques : - pour le personnel y compris les interprètes ayant l’habilité d’effectuer les tests - pour le déroulement des tests, - pour une fiabilité des rapports, - et dans le cadre des voies de recours.

Article 13 (2) : le LFR se félicite que le projet de loi prévoit la possibilité, pour le demandeur, d’exposer son point de vue et sa situation particulière avant que le ministre ne prenne une décision sur la recevabilité d’une demande de protection internationale.

L’article 14 transpose les dispositions de l’article 15 de la Directive quant aux conditions auxquelles est soumis l’entretien personnel. A la lecture du point 3(e), le LFR se demande si le projet de loi envisage de changer la pratique actuelle consistant à ne pas auditionner les mineurs accompagnés. Si ceci n’est pas le cas, Le LFR recommande de modifier la phrase comme suit « … veille à ce que les entretiens avec les mineurs non accompagnés soient menés d’une manière adaptée aux enfants… »

Article 15(2) : le LFR rend attentif que le projet de loi transpose d’une manière incomplète les dispositions de l’article 17 (3) de la Directive. Le LFR invite le législateur à modifier la phrase comme suit : « À la fin de l’entretien ou dans un délai précis avant que le ministre ait pris une décision, le demandeur a la possibilité de faire des commentaires ou d’apporter des précisions… »

Article. 16 (1) : Le LFR se félicite de la mise en place d’un professionnel de santé qualifié pour identifier et documenter les signes de persécutions ou d’atteintes graves subies par le demandeur de protection internationale dans le passé. Toutefois le LFR rend attentif au fait qu’à ce jour il n’existe pas au Luxembourg de professionnels de santé formés à cette tâche. Le LFR invite le gouvernement à : mettre en place, en urgence, des formations d’initiation au Protocole d’Istanbul et sensibiliser le corps médical à l’importance de ces formations, en l’absence d’experts nationaux initiés au Protocole d’Istanbul, envisager le recours à des experts étrangers.

L’article 19 porte sur les garanties procédurales spéciales pour les demandeurs de protection internationale vulnérables. Le LFR constate qu’aucune procédure d’identification n’est prévue concrètement par le texte du projet de loi sauf le recours à une évaluation faite par l’OLAI. Le LFR souligne que les besoins particuliers en matière d’accueil, dont

6


l’identification relève de la compétence de l’OLAI, ne sont pas toujours identiques aux besoins en matière des garanties procédurales. Le LFR invite les autorités compétentes à se doter d’une procédure permettant d’identifier les demandeurs de protection internationale nécessitant des garanties procédurales spéciales. Le point 2 prévoyant la possibilité de demander les conseils d’un professionnel de santé, le LFR renvoie à ses commentaires de l’article 16 du présent avis. •

Article 20 : à titre préliminaire, le LFR renvoie à ses commentaires de l’article 5 du présent avis quant à l’utilisation et la définition des termes « administrateur ad hoc » et « représentant ». Quant aux garanties accordées aux mineurs non accompagnés, le LFR rend attentif à la transposition partielle des articles 25 et 15 de la Directive. En effet, plusieurs notions à caractère obligatoire ne sont pas reprises dans le texte du projet de loi. Il s’agit notamment des dispositions suivantes de la Directive : « le mineur non accompagné est informé immédiatement de la désignation du représentant » (art.25 (1a)), « le représentant accomplit ses tâches conformément au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant et possède les compétences requises à cette fin » (art.25 (1a)), « si un mineur non accompagné a un entretien personnel sur sa demande de protection internationale, cet entretien soit mené par une personne possédant les connaissances nécessaires sur les besoins particuliers des mineurs » (art. 25 (3a)), « un agent possédant les connaissances nécessaires sur les besoins particuliers des mineurs élabore la décision… concernant la demande d’un mineur non accompagné » (art 25 (3b)) « …les entretiens avec les mineurs soient menés d’une manière adaptée aux enfants » (art.15 (3e)) Le LFR invite le législateur à compléter le texte de l’article 20 du projet de loi par les dispositions manquantes qui figurent dans les articles 25 et 15 de la Directive. Le point 1 délimite le champ d’intervention d’un représentant d’un mineur non accompagné qui « l’assiste et le représente au cours des procédures relatives à sa demande de protection internationale et, le cas échéant, d’accomplir des actes juridiques en son nom ». Le LFR se réfère aux commentaires de l’article 27 du projet de loi relatif à l’accueil des demandeurs de protection internationale au Luxembourg (n°6775) : « …l’article 24 de la directive « accueil » prévoit que le mineur non accompagné peut se voir attribuer un représentant chargé de veiller à son bien-être général. Ses missions consistent notamment à… veiller à ce que le mineur bénéficie d’une scolarité, d’un soutien psychologique, des soins médicaux nécessaires, d’un hébergement adéquat, de l’aide des pouvoirs publics, … »

7


Le LFR considère que les missions décrites assurant le bien-être général d’un mineur non accompagné doivent avoir à juste titre leur place dans le texte législatif et aller au-delà des besoins de la procédure de demande de protection internationale. Pour assurer ces missions, la désignation d’un tuteur est indispensable. Le LFR recommande que le juge des tutelles nomme un tuteur qui veille aux besoins d’un mineur et assure son accompagnement au-delà de la procédure d’examen de sa demande de protection internationale. Le législateur doit s’assurer que le tuteur dispose des moyens adéquats pour mener à bien sa mission Le point 4, faisant référence à des examens médicaux pour déterminer si le demandeur est mineur, interpelle le LFR qui regrette la possibilité maintenue de recourir à des tests osseux dont on sait la non-fiabilité. Le LFR se réfère au compte rendu de la rencontre avec les représentants de la Direction de l’Immigration qui a eu lieu le 7 janvier 2015 et lors de laquelle ils ont déclaré : « Quant à la détermination d’âge d’un MNA, une nouvelle procédure sera bientôt mise en place, fruit de collaboration de la Direction de l’Immigration avec le Ministère de la Santé ». Le LFR marque son incompréhension que cette procédure ne figure pas dans le texte du projet de loi. Le LFR appelle le gouvernement luxembourgeois à se doter d’un dispositif d’examens plus complets afin de définir l’âge d’un mineur non accompagné. Tout en espérant que le texte légal sera complété par d’autres méthodes de définition d’âge, le LFR rend néanmoins attentif au fait que le point 5 du même article ne transpose que partiellement l’article 25 (5) de la Directive. En effet la disposition « Tout examen médical est effectué dans le plein respect de la dignité de la personne, est le moins invasif possible et est réalisé par des professionnels de la santé qualifiés de manière à pouvoir obtenir, dans toute la mesure du possible, des résultats fiables » ne figure pas dans le texte du projet de loi. Le LFR invite le législateur à compléter le texte de l’article 20 (5) du projet de loi par cette disposition manquante. •

Art. 22 (1) : Le LFR regrette que le projet de loi maintienne la possibilité du placement des enfants mineurs en rétention et attire l’attention sur le terme « la plus brève possible » qui est un terme plutôt flou et subjectif. Des termes fixes et concrets seraient préférables. Le LFR rappelle son opposition catégorique au placement en rétention des enfants, et plus particulièrement des mineurs non accompagnés. C’est d’ailleurs la position de l’organisation non gouvernementale internationale Save The Children, spécialisée sur les questions de droits de l’enfant, qui s’appuie sur l’article 37 b de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, affirmant que « L’arrestation, la détention ou l’emprisonnement d’un enfant doit (…) n’être qu’une mesure de dernier ressort ». De plus, Save the Children estime que des considérations liées à l’asile et à l’immigration ne peuvent justifier la privation de

8


liberté d’un mineur en ce qu’elles ne revêtent pas le caractère suffisamment exceptionnel prévu par la Convention. Le LFR s’oppose catégoriquement au placement en rétention des enfants, et en particulier des mineurs non accompagnés et invite le législateur à exclure ces possibilités de la loi. •

Art. 22 (2) a) : Le LFR estime que la mise en rétention « pour établir ou vérifier son identité ou sa nationalité » est une démarche excessive par rapport au besoin d’identification du DPI. Si le texte était approuvé, la rétention pourrait dès lors concerner tout demandeur de protection internationale, ce qui n’est pas compatible avec le caractère exceptionnel de cette mesure. Le LFR propose d’éliminer cet alinéa du projet de loi.

Art. 22 (3) : Le LFR salue le principe de l’introduction de mesures moins coercitives. Cependant, le LFR regrette l’absence des mesures annoncées dans le programme gouvernemental, notamment : A. La création de places-retour dans les foyers pour demandeurs de protection internationale (par le déplacement dans un autre foyer, les demandeurs de protection internationale déboutés prennent conscience de la fin de la procédure et de la nécessité du retour). B. L’ouverture d’une maison-retour pour les familles (structure ouverte destinée à recueillir les familles en attente d’un retour). Quant aux alternatives à la rétention prévues par le projet de loi : Tout d’abord, l’utilisation du bracelet électronique est, selon l’étude « The use of detention and alternatives to detention in the context of immigration policies »1 de l’EMN (European Migration Network), uniquement utilisée dans quatre pays de l’UE. Cela prouve que l’usage du bracelet électronique n’est pas efficace. En Grande Bretagne par exemple, on a constaté qu’il n’est pas un outil efficace pour diminuer le nombre de fugueurs (EMN p. 36). Ensuite, le port du bracelet peut être un facteur de stress supplémentaire pour les personnes déjà souvent traumatisées par un parcours de vie très dur. De même, le LFR note qu’une telle alternative ne peut être appliquée sans l’accord de la personne concernée et que les mineurs, femmes enceintes, personnes âgées et personnes souffrant de troubles psychologiques doivent être exemptes de cette mesure. Prenant compte des troubles psychologiques supplémentaires que peuvent engendrer une telle alternative et de son efficacité peu convaincante, le LFR invite le législateur à exclure les bracelets électroniques en tant qu’une alternative à la rétention des DPI.

1

European Migration studies, « The use of detention and alternatives to detention in the context of immigration policies : Synthesis Report for the EMN focussed Study », 2014. http://emn.ie/files/p_201411040451462014_emn_synthesis_detention_alternatives_to_detention_nov14.pdf

9


En ce qui concerne l’alternative du dépôt de garantie de 5000 euros, le LFR rend tout d’abord attentif au fait que, selon la même étude de l’EMN, treize pays de l’Union européenne ont intégré cette alternative dans leurs textes législatifs. Pourtant, faute de problèmes de mise en place, cette mesure est, dans presque la moitié de ces pays, rarement ou pas du tout appliquée (EMN p. 35). Le système de remboursement en cas de retour par exemple reste dans certains pays très flou (EMN p.32). En outre, le LFR se demande qui sont les DPI qui peuvent se permettre un tel dépôt ? Le LFR regrette que le montant maximal de 5000 euro ait été retenu et rappelle que le montant varie fortement selon les Etats membres allant de 500 euro à 5000 euro des exemples de calcul alternatif existent dans plusieurs pays comme par exemple en Allemagne où la personne concernée doit payer un montant qui correspond au montant nécessaire pour financer son retour (sans que cette personne tombe en dessous du seuil minimal d’existence) ou en Belgique où le montant est calculé sur base du coût d’un séjour au centre de rétention (avec une durée maximale de 30 jours) (p.36) Le LFR invite les autorités compétentes à diminuer le montant du dépôt de garantie et de s’inspirer des modes de calcul utilisés dans d’autres Etats membres. En même temps, de réfléchir au préalable à un système de remboursement efficace en cas de retour. Le LFR considère qu’il est important de développer la promotion du retour volontaire en tant qu’une alternative à la rétention déjà existante au Luxembourg. Dans ce sens, il est opportun d’étudier l’exemple de la Belgique qui effectue une préparation active des DPI au retour à l’aide des coachs. Le LFR invite les responsables à s’inspirer de ce modèle alternatif. •

Art. 22 (4) : Le LFR s’inquiète de la durée du placement en rétention. En effet, elle peut aller jusqu’à 12 mois : 3 mois, renouvelable sur décision du ministre à chaque fois pour 3 mois pour un total maximum de 12 mois. Le LFR attire l’attention sur le fait que la loi, telle qu’elle est proposée actuellement, est discriminatoire ; en effet, l’article 120 (3) de la loi du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et de l’immigration stipule une durée maximale de 6 mois (avec des renouvellements pour un mois) alors que le présent projet de loi propose un placement en rétention pour une durée maximale de 12 mois. Cependant, le LFR salue le fait que les retards dans les procédures administratives ne soient plus imputables au demandeur et de ce fait, ne justifient plus une prolongation de la durée de rétention. Le LFR invite le législateur à définir clairement une durée maximale de mise en rétention avec des renouvellements plus courts que ceux proposés dans le texte du projet de loi et demande également une durée maximale en rétention de 6 mois afin d’avoir un alignement entre la loi d’asile et la loi sur la libre circulation des personnes et de l’immigration.

10


Article 26 : le LFR se félicite de la transposition de l’article 31 de la directive concernant la durée de 6 mois pour la procédure d’examen de la demande de protection internationale. Néanmoins le LFR considère que les dispositions contenues dans le point 2 sur la prolongation de la durée de la procédure en cas d’un nombre important de DPI qui demandent simultanément une protection internationale représentent un risque, car le terme « le grand nombre » reste flou et n’est pas défini. Il est de même pour les dispositions du point 3 où le délai de la procédure d’examen différée n’est pas précisé et la définition du terme « situation incertaine dans le pays d’origine » manque. Le LFR salue les dispositions du point 4 qui représentent une amélioration, car le ministre peut donner la priorité à l’examen d’une demande de protection internationale lorsque le demandeur est vulnérable, notamment lorsqu’il s’agit d’un mineur non accompagné.

Article 28 : le LFR réitère son inquiétude concernant le maintien des concepts de premier pays d’asile (point 2b) et de pays tiers sûrs (point 2c). Le LFR invite les autorités compétentes à évaluer régulièrement les notions de pays tiers sûrs du fait de l’évolution du contexte politique rapide.

Article 29 : le LFR rend attentif au terme « protection suffisante », utilisé dans le texte du projet de loi, qui ne correspond pas à la terminologie de la Convention de Genève qui parle de la « protection efficace ». Le LFR invite le législateur à modifier le point b de l’article en utilisant la terminologie conforme à celle de la Convention de Genève ou le cas échéant, à donner une définition au terme « protection suffisante ».

Article 30 : Le LFR regrette que la possibilité d’établir une liste européenne commune des pays d’origine sûre ait été supprimée du texte de la Directive. Ce point paraît particulièrement critiquable quant à l’objectif initial de mettre en place un régime commun européen alors qu’à terme, chaque pays peut établir sa propre liste de façon autonome. Comment un pays peut-il figurer sur une liste d’un État membre et pas sur une autre ?

3. Chapitre 3 •

Article 37 (3) : Les éléments nécessaires pour étayer la demande de protection internationale La Convention de Genève ne comporte aucune disposition relative à la procédure de détermination de la qualité de réfugié et à la preuve de la crainte de persécution invoquée à l’article 37 (3) (b). Le Guide des procédures et Critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié émis par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) le précise : « Il est possible qu’après que le demandeur se sera efforcé d’établir l’exactitude des faits qu’il rapporte, certaines de ses affirmations ne soient cependant pas prouvées à l’évidence (...) Un réfugié peut difficilement prouver tous les éléments de son cas et si c’était 11


là une condition absolue, la plupart des réfugiés ne seraient pas reconnus comme tels. Il est donc nécessaire de donner au demandeur le bénéfice du doute»2. Les § a), b), et e) du point (5) de l’article 37 apparaissent comme une véritable « épreuve de vérité » et ne peuvent pas constituer une alternative au défaut de présentation d’éléments nécessaires pour que le demandeur puisse étayer sa demande de protection internationale. Le LFR recommande la suppression des § a), b), et e) du point (5) de l’article 37. •

Article 40 (2) : le LFR estime que lorsque les acteurs des persécutions ou des atteintes graves sont l’État ou ses agents, il devrait exister une présomption selon laquelle la possibilité d’une protection effective n’est pas offerte au demandeur. Le LFR considère en outre que le législateur devrait définir des conditions plus précises et exigeantes afin de pouvoir établir l’effective possibilité d’une protection à l’intérieur du pays dans les cas où le demandeur est un mineur non accompagné et quand les acteurs de persécutions sont l’État d’origine ou ses organes. Nous estimons que le législateur devrait prendre explicitement en compte l’article 31 de la directive Qualification, qui prévoit, d’une part, que si le demandeur est un mineur non accompagné l’existence d’arrangements appropriés en matière de soins et de garde soit prise en considération dans l’évaluation visant à déterminer si une protection est réellement offerte. D’autre part, le LFR émet des réserves à l’encontre de la notion d’agent de protection (introduite en 2004 dans la première directive «Qualification» et reprise dans celle de 2011), que le projet de loi élargit en y incluant les partis politiques (Art. 40 (1) b)).

Article 43 (1d) : le LFR s’inquiète de la définition des motifs de crainte de persécution tenant à l’appartenance à un certain groupe social introduite par la directive « Qualification » et reprise dans le projet de loi. La définition qu’en donne la directive «Qualification» est sujette à caution car trop restrictive selon le HCR3. Pour le LFR, l’enjeu qui s’attache à la définition claire de ce motif de reconnaissance du statut de réfugié impose d’intégrer dans le projet de loi la définition du HCR4 et non celle de la directive «Qualification ». En outre, le nouveau texte introduit l’orientation sexuelle ainsi que l’identité de genre comme pouvant relever de la notion de « groupe social spécifique ». Toutefois, l’orientation sexuelle et l’identité de genre ne figurent toujours pas à plein titre parmi les raisons de persécutions proprement dites, mais seulement dans le cadre de la notion de groupe social, qui requière que des conditions strictes soient remplies pour son application.

2

UNHCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, HCR/1P/4/FRE/REV.1, UNHCR 1979, réédition Genève 1992, § 196 et 203.

3

UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : « L’appartenance à un certain groupe social » dans le cadre de l’article 1 A (2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, HCR/GIP/02/02 Rev. 1°, 8 juillet 2008. 4 La définition de la notion de groupe social du HCR est la suivante: « Un certain groupe social est un groupe de personnes qui partagent une caractéristique commune autre que le risque d'être persécutées, ou qui sont perçues comme un groupe par la société. Cette caractéristique sera souvent innée, immuable, ou par ailleurs fondamentale pour l'identité, la conscience ou l'exercice des droits humains ».

12


Le LFR recommande : que l’article 37 (3) c) du projet de loi soit modifié afin d’inclure l’orientation sexuelle et l’identité de genre parmi les facteurs relatifs au statut individuel et à la situation personnelle qui seront pris en compte par le ministre afin de déterminer si le demandeur a été ou risque d’être exposé à des actes de persécution ou une atteinte grave. que l’article 42 (1) du projet de loi soit modifié pour y inclure les aspects liés à l’orientation sexuelle ainsi qu’à l’identité de genre parmi les raisons de persécutions justifiant l’octroi de la protection internationale.

4. Regroupement familial La directive 2003/86/CE relative au droit au regroupement familial ne fait pas partie du Paquet Asile. Toutefois il nous semble important d’attirer l’attention du gouvernement aux certaines recommandations faite en date du 03.04.2014 par la Commission Européenne concernant les lignes directrices pour l’application de la directive en question. Il serait opportun de profiter de la réforme législative en cours en matière d’asile pour apporter des modifications utiles quant au droit au regroupement familial du bénéficiaire d’une protection internationale. • Membres de la famille : les États membres (EM) sont encouragés à utiliser leur marge d’appréciation de la manière la plus humanitaire quant au degré de parenté des « autres membres de la famille » en considérant également les personnes qui n’ont pas de liens biologiques, mais qui sont prises en charge au sein de l’unité familiale, telles que les enfants recueillis, la notion de dépendance étant l’élément déterminant ; • Absence de pièces officielles prouvant les liens de parenté : la situation particulière des réfugiés suppose qu’il est souvent impossible ou dangereux pour les réfugiés ou les membres de leur famille de produire des documents officiels ou d’entrer en contact avec les autorités de leur pays d’origine. En absence de pièces officielles, les EM sont obligés de tenir compte d’autres preuves de l’existence des liens familiaux qui doivent être appréciées conformément au droit national. L’évaluation individualisée exige que les EM tiennent compte de tous les éléments pertinents lors de l’examen des preuves fournies, notamment l’âge, le sexe, l’éducation, l’origine et le statut social ainsi que les aspects culturels spécifiques. • Délai d’introduction de la demande : l’article 69 (2) de la loi du 29 août 2008 prévoit le délai de 3 mois pour l’introduction de la demande par le bénéficiaire d’une protection internationale sans qu’il doive remplir les conditions générales applicables en matière du regroupement familial relatives aux ressources personnelles stables et au logement approprié. La Commission estime que vu la situation particulière des réfugiés pour lesquels ce délai peut constituer un obstacle pratique au regroupement familial, il est le plus approprié de ne pas appliquer cette limitation. La Commission invite également les EM à fournir des informations claires sur le regroupement familial aux réfugiés d’une manière opportune et compréhensible, par exemple, lors de l’octroi de la protection internationale. Le LFR invite le gouvernement à modifier la législation nationale en matière de regroupement familial des bénéficiaires de la protection internationale en tenant compte des recommandations faites par la Commission Européenne dans les lignes directrices pour l’application de la directive relative au regroupement familial. 13


14


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.