Gerard Malanga & Philippe Franck - Pop poésie

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gerard malanga & philippe franck pop poésie

Gerard Malanga filming his movie In search of the miraculous (1967)

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C’est à New York, en 1992, que j’ai rencontré Gerard Malanga, par l’intermédiaire d’un ami commun, Ira Cohen, comme lui poète‑photographe. Il habitait alors Little Italy et je découvrais l’activité littéraire assidue de celui qu’on appelait autrefois «l’ange blond de la Factory», ami et collaborateur proche d’Andy Warhol dans les «silver 60’s», sans doute les années les plus stimulantes de son usine à création. Ce qui devait n’être qu’un job d’été – assistant en sérigraphie - pour le jeune étudiant en littérature anglaise, à qui le poète surréaliste Charles Henri Ford avait présenté Warhol un beau jour de juin 1963, dura finalement 7 ans. Au‑delà de l’ami et du fidèle colla­ borateur, Malanga est bien l’inspirateur des Elvis Presley dégainant, Liz Taylor souveraine, Jackie Kennedy endeuillée, Bela Lugosi et son baiser meurtrier, des Brillo Boxes, des Thermofax réalisés pendant la série des Death and Disaster… Il sera aussi derrière la caméra, enchaînant les films avec les «superstars» d’un moment (John Giorno, l’amant aux yeux fermés de Sleep, Susan Bottomly alias International Velvet, Edie Sedgwick, avant qu’elle ne soit happée par la bande à Bob Dylan) qu’il rejoindra bientôt lui aussi (notamment dans Vinyl, Chelsea Girls ou encore Kiss). Il est aussi un intermédiaire bienveillant, présentant notamment les futurs Velvet Underground à Andy, qui imagine un spectacle «multimédia» intitulé The Exploding Plastic Inevitable, que Gerard chorégraphie en se mettant lui-même en scène (avec son désormais célèbre fouet), à côté de sulfureuses Factory Girls et de la hiératique Nico. En 1966, Andy lui présente Benedetta Barzini, modèle italienne avec laquelle il va vivre une grande passion qui l’emmènera en Italie rencontrer Elsa Morante, Alberto Moravia et Pasolini et réaliser un film expérimental,

romantique et onirique In search of the miracoulous (1967). À son retour à la Factory en 1969, il co‑initie le magazine Interview qu’il envisage comme une sorte de Cahiers du cinéma nord‑américainv avant que d’autres, plus marchands que lui, s’en emparent. Après avoir réalisé le portrait du poète Charles Olson que lui commande la Paris Review, il devient officiellement photographe. Il quitte définitivement «Drella» et sa cour en 1970 pour créer d’autres poèmes et d’autres images ; celle d’Iggy Pop à l’insolente nudité dans un penthouse qu’il partage l’espace d’un week-end, de Mick Jagger qui lui offre sa bouche sur une terrasse, de William S. Burroughs visant avec son fusil, dans un geste visionnaire, les Twin Towers, de Jorge Luis Borges lisant – aveugle - dans une boule de cristal, ou encore de Patti Smith et Robert Mapplethorpe, tendrement enlassés à New York. Les photographies de Gerard Malanga ont été décrites par Ben Maddow1 - à raison - comme des «actes d’amitié» tant elles communiquent une forme d’essentielle simplicité partagée et d’intimité forte, mais toujours respectueuse. Aujourd’hui, le «G» est heureux de fêter, sans nostalgie, ses 50 ans d’image avec une exposition Public Faces in Private Places2 organisée à Cannes par la Galerie Sandrine Mons3. Le titre résume bien son contenu mais on pourrait aussi l’inverser, car son œil perçant ne s’intéresse pas qu’aux étoiles (perdues), mais plutôt aux singularités, connues ou inconnues. Il traque inlassablement les traces

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1   Poète et historien de la photographe qui a écrit l’introduction de le première monographie consacrée à la photographie de Gerard Malanga, Resistance to memory, Arena Editions, 1998 2   Sans doute l’exposition la plus complète pour ses portraits après sa grande rétrospective organisée au Musée du Botanique à Bruxelles, Gerard Malanga, Objectif Pop, en 1999 (commissaire artistique : Philippe Franck en collaboration avec Carine Fol) 3   Jusqu’au 21 septembre 2013, au Loft Exterior Design à Cannes, www.galeriemons.com


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