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Le paradoxe de l’entreprenariat africain

Jérémie Sacha

Quand vous consultez les agendas économiques de certains pays africains, vous remarquerez qu’ils sont pleins de rendez-vous de haut niveau où se rencontrent présidents, chefs de gouvernements, ministres, hauts cadres, etc., pour parler entreprenariat, économie, développement, etc.

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Photo Pexels.com par Rebrand Cities

Ces rencontres sont souvent fermées et réservées à une classe dite des « décideurs ». Ayant pour leitmotiv : « trouver la solution au niveau du sommet et la répandre un niveau le plus bas ». Riche en couleur et en espoir, leurs organisateurs mettent l’accent sur la « classe » et toute la fanfaronnade qui accueille les séances de mascarade qui cache le vrai visage du vide que représentent ces évènements. J’ai dit « vide » par ce que les résultats ne suivent pas du tout et l’Afrique reste pauvre. Pour augmenter les enchères, le droit de participation lance une alerte d’excommunication en disant sans le dire, « ce lieu n’est pas approprié pour vous ! ». On exécute les chansons de la bonne gouvernance, du

leadership, de l’amélioration du climat des affaires, de la promotion de l’entreprenariat, etc., avec comme refrain principal «attirer les investisseurs étrangers». En parlant justement des investisseurs, de l’entreprenariat, etc., l’Afrique jette dans les oubliettes ceux qui chaque jour donnent sens à son existence ; ceux qui créent de la valeur interne, ceux qui sans avoir des millions de dollars individuellement, absorbent par leur nombre combien majoritaire, le besoins en milliards de dollars de l’Afrique grâce à leur production avec un PIB moyen estimé à plus de 45%. Si l’on veut être honnête, ce sont eux qui soustendent l’économie de l’Afrique. Je parle de ces petits commerçants, ces jeunes qui courent en longueur de journée à la sauvette, ses femmes et ses hommes qui n’apparaissent dans aucun registre de nominés des Républiques. Je parle de ceux qui travaillent plus de 12 heures par jour pour nourrir les familles africaines.

C’es héros de l’ombre qui donnent à l’Afrique un sens par des durs labeurs, sont souvent les cadets de soucis des ceux qui décident. En effet, posez-vous la question de savoir, combien des forums nationaux de grandes envergures sont organisés pour soutenir le micro-entreprenariat chaque année ? Si ce n’est les maigres initiatives des sociétés civiles.

Mieux encore, combien d’actions sont menées pour accompagner les initiatives des milliers de jeunes africains qui évoluent dans les secteurs informels, des petits fermiers, des taximen motocyclistes, des vendeurs à la sauvette, ces jeunes diplômés autoentrepreneurs qui émergent dans plusieurs secteurs de la vie et qui n’ont souvent pas de clés pour ouvrir les portes du cercle de décideurs ? Vous les comptez du bout de doigts. Par ailleurs, quelle considération a-t-on des acteurs du secteur informel. Ils sont oubliés de nos salons, de nos forums, de nos ateliers et sont tout le temps marginalisés, atrophiés, pourchassés par les autorités (qui devraient par contre les encadrer pour tirer bénéfice de leurs dynamismes et potentiels) et par fois sous l’influence des acteurs de la zone formelle. Et pourtant, ce sont eux qui maintiennent l’équilibre de l’économie africaine en y apportant un peu de diversification. N’est-il

LE PARADOXE DE L’ENTREPRENARIAT AFRICAIN

pas temps que l’Afrique arrête de s’illusionner et de s’enivrer de son potentiel comme une narcissique qui loue sa beauté en se mirant au miroir de sa chambre et qui constate à la sortie que sa vie n’est que peine, solitude et misère car, « personne ne s’en intéresse vraiment » ? N’est-il pas temps que l’Afrique sorte de son ivresse causée par l’ambroisie et le nectar de ses ressources qui par ailleurs restent en état de virginité originelle, innocentes de toute trace de transformation en véritable richesse dont la vie humaine a besoin. Ne serions-nous pas en train de combattre un mauvais combat ? En effet, je trouve ce paradoxe aberrant. Comment pouvons-nous justifier le fait que, chaque année, nous avons des rencontres de haut niveau qui devraient booster l’économie des pays, mais dont l[’impulsion au niveau de vie sociale des populations laisse à désirer. Pour moi, on ne combat pas le bon combat. Tenez ! Le saviez-vous par exemple, que la majorité des économies de pays africains est tenue à plus de leurs moitiés par le secteur informel ? Vous allez me demander hélas ! D’où tu sors ça ? Voici le rapport publié par le Fonds monétaire international (FMI) en 2017 pour vous en convaincre : « Le marché informel représente entre 20 et 65% du produit intérieur brut (PIB) des pays d’Afrique subsaharienne. Le document précise que dans cet espace géographique, l’économie informelle présente une très grande hétérogénéité. Ainsi, dans des pays comme Maurice, l’Afrique du Sud ou encore la Namibie, elle varie entre 20 et 25% du PIB tandis que dans d’autres comme le Bénin, la Tanzanie ou le Nigéria, la RDC, etc., elle varie entre 50 et 65% du PIB ». Au regard de ces statistiques, certaines questions me sont remontées à l’esprit et j’aimerais bien les partager avec vous. Avec votre permission, bien-sûr ! • Comment l’Afrique peut évoluer économiquement parlant si ceux qui tiennent son économie ne sont pas associés ni en amont (prises de décision), ni en aval (appropriation des décisions stratégiques et exécution de celles-ci) aux grands débats sur les questions dont ils détiennent fort étonnement la quasi-totalité de la réponse ? • Comment développer une Afrique forte et riche quand on ne met pas en place des politiques et des stratégies nécessaires pour accompagner les vrais acteurs de son économie que sont tous ces petits commerçants ambulants, ces micro-entrepreneurs, etc. qui non seulement créent la richesse du pays (tenant compte du PIB) mais aussi et surtout créent l’équilibre de la vie des familles. • Que faire pour intégrer ces acteurs des secteurs informels dans l’équation économique africaine afin de renforcer la capacité de ce derniers pour optimiser les recettes et de les canaliser vers le trésor public en vue de booster l’économie ? • N’est-il pas temps que les pays africains élaborent de modèles économiques sur mesure et appropriés à leurs contextes ; c’est-à-dire dénudé de toute influence étrangère ? Ne devons-vous pas créer nos propres jeux et nous y mettre à jouer tout en changeant chaque les règles si cela ne marche plus ?

L’Afrique a besoin de ces types d’entrepreneurs qui s e caractérisent généralement par leur dynamisme, la forte capacité d’adaptation, l’endurance, une énergie toujours renouvelée. Mais qui travaillent hors de toute norme : managériale, financière, vente ou marketing. Encadrer ces acteurs, les accompagner

en mettant en place des mécanismes d’assouplissement

de certaines taxes, créer des structures d’accompagnem e n t technique dans chaque localité, etc. permettra à l’Afrique de rapidement créer une dynamique qui va impulser un nouveau mouvement d’une économie participative. La jeunesse africaine est prête et n’attende qu’une volonté politique ambitieuse des pays. Et le pays qui comprendra cela à l’instar du Rwanda et de Maurice, produira le premier miracle économique africain. Faites ceci et plus rien ne sera comme avant.

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