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Ruée sur le gaz naturel liquéfi é
nourrir l’IA ainsi que ses réponses sont clairement visibles, il reste toutefois une zone d’ombre sur la façon dont les données sont traitées par la machine pour aboutir à ce résultat: on parle alors de phénomène de «boîte noire». Dans l’apprentissage automatique, une multitude d’exemples vont être présentés à l’IA qui mettra ses coefficients à jour en confrontant résultat attendu et résultat obtenu. Dans ce cas, il n’y a donc pas de visibilité sur la «cuisine interne» de la machine, ce qui peut s’avérer problématique si l’on désire utiliser les applications d’IA dans des cas où l’erreur de jugement peut être lourde de conséquence, comme lors du repérage d’une tumeur dans une radiographie ou lors de la détection d’un piéton par un véhicule sans chauffeur.
En entreprise, quel que soit le cas d’usage, les décisions qui sortent de l’algorithme doivent être comprises par les professionnels qui les utilisent. Dans le cas contraire, sans pouvoir appréhender le fondement de la décision, ils ne pourront pas la valider et engager leur responsabilité. Au final, ils n’adhéreront pas à ces outils qui, de plus, ne seront pas conformes à la loi. Les entreprises peuvent atténuer les risques liés à l’utilisation de l’IA, par exemple en documentant les modèles créés de sorte à rendre le fonctionnement des outils d’IA transparents et conformes à la loi.
Pour fonctionner, un système d’IA se nourrit de données. Conformément au dicton « trash in, trash out », la qualité des modèles générés par l’outil repose sur la qualité des informations absorbées qui doivent être représentatives, statistiquement significatives et sans biais. Avant d’utiliser l’IA, une entreprise doit ainsi nettoyer ses bases de données et mettre en place des processus assurant que toute nouvelle donnée générée soit «propre» à être utilisée efficacement par les nouveaux outils. Il est recommandé d’avoir recours à des experts des données, de la loi et des risques pour systématiquement tester les données avant de les introduire dans le
«Dans les industries manufacturières, l’utilisation de la maintenance prédictive permet d’anticiper et d’éviter les pannes en usines.»
système d’IA. Une précaution supplémentaire serait également de mettre en place des processus de tests, de vérification et de mises à jour régulières des modèles générés par l’IA afin de s’assurer du maintien de leur pertinence.
Où en est le Luxembourg dans l’adoption de l’IA?
L’étude Use of Data Analytics and Artificial Intelligence de PwC comparant les résultats de deux sondages réalisés en 2019 et en 2021 auprès d’un panel représentatif d’entreprises luxembourgeoises, a permis d’observer la progression du pays en tant qu’économie fondée sur les données.
Les entreprises grand-ducales seraient de plus en plus conscientes du pouvoir que confère la collecte et l’analyse des données. Elles se sont efforcées, ces dernières années, de mettre les données au cœur de leur processus de prise de décision. Ainsi, en 2021, environ 30% des entreprises étaient prêtes à investir au moins 3% de leur chiffre d’affaires pour déployer des outils d’IA. Ces derniers sont d’ailleurs de plus en plus adoptés au Luxembourg puisqu’en 2021, plus de la moitié des entreprises interrogées utilisent l’IA contre seulement un quart en 2019. De plus, la proportion de firmes qui utilisent cette technologie, planifient de le faire ou y réfléchissent, atteint 82,5% en 2021, soit plus de trois quarts des entreprises interrogées.
Les entreprises sont aussi de plus en plus nombreuses à créer des départements dédiés pour déployer et gérer les systèmes d’IA (57,1% des répondantes en 2021 contre 29% en 2019) qui auparavant étaient sous la responsabilité d’autres fonctions telles que la R&D, les systèmes d’information ou la direction générale.
L’étude PwC souligne néanmoins que si le Luxembourg commence à prendre conscience de la valeur des données, il est encore relativement loin d’être «data-driven», car les entreprises ne s’appuient pas encore systématiquement sur l’analyse des données pour prendre des décisions et orienter leur évolution.
Interrogées sur leur degré de maturité par rapport aux différentes applications d’IA utilisées, la majorité des entreprises (90%) déclarent en effet, en 2019 comme en 2021, se concentrer sur le domaine de la confidentialité des données. L’analyse et l’architecture des données – soit la pratique qui consiste à standardiser la collecte, le stockage, le traitement et la distribution des données - ont toutefois bien progressé entre 2019 et 2021, puisque respectivement 52,5% et 45% des entreprises se déclarent matures dans ces domaines contre 29% et 27% deux ans auparavant. L’intégration des données dans le processus de prise de décision est par contre en stagnation puisqu’il reste aux alentours des 42% en 2021 comme en 2019.
Les technologies de l’IA ont d’abord été utilisées par les entreprises luxembourgeoises à des fins «défensives» dans le cadre de procédures de «compliance», de régulation ou encore de lutte contre les fraudes et les cyberattaques. Les résultats du sondage réalisé en 2021 par PwC montrent une évolution vers des usages plus offensifs afin de conquérir de nouvelles parts de marché ou de gagner en compétitivité. En effet, les firmes grand-ducales auraient de plus en plus recours à l’IA pour réaliser des analyses et des prédictions, mieux connaître, évaluer et servir leurs clients et/ou soutenir leur processus de prise de décision.
De façon générale, les entreprises opérationnelles (c’est-à-dire celles qui produisent et vendent des biens), investissent surtout dans les applications d’analyse, de prédiction, de soutien à la décision, de cybersécurité et de contrôle interne.
De nouvelles perspectives de diversification pour le Luxembourg…
La combinaison de la finance avec les technologies relatives au Big Data a donné naissance à la FinTech qui optimise les services financiers (accord de prêts, gestion d’épargne, paiement en ligne etc.). Selon l’étude PwC, le secteur financier, qui représente plus d’un quart du PIB grand-ducal, constitue la branche qui montre le plus d’intérêt pour l’utilisation de l’IA notamment pour faciliter la connaissance et la notation des clients. Le secteur est particulièrement avancé dans le développement d’algorithmes de prédiction pour améliorer les performances financières. Dans l’optique de faire du Grand-Duché un leader dans
le domaine des services fi nanciers numériques, le gouvernement luxembourgeois a fait de la transformation digitale de ce secteur une priorité stratégique.
Parmi les autres pistes de diversifi cation économique visées par le Luxembourg, on trouve également le secteur de la HealthTech, dont le rôle est apparu d’autant plus important depuis la pandémie de COVID-19. Au Luxembourg, selon les dernières estimations du cluster dédié, le secteur de la santé compte 136 entreprises privées relevant de la HealthTech. Parmi celles-ci, 30% sont actives dans le digital exclusivement et pour certaines dans l’IA.
Le Luxembourg compte délibérément jouer cette carte à l’avenir pour accélérer sa diversifi cation économique. Affaire à suivre …
16. 17. Dans le domaine du transport et de la mobilité, la voiture autonome est en train de devenir une réalité, comme en témoignent la navette électrique exploitée par l’entreprise luxembourgeoise Sales Lentz (16) ou les essais menés sur un circuit transfrontalier par un groupe de chercheurs au niveau GrandRégional (17). © 17 : Marie de Decker
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Plus d'informations : Kelly Xintara
Legal Advisor, Chambre de Commerce
En quoi est-ce important de réguler l’utilisation des outils d’intelligence artifi cielle (« IA ») ?
La question mérite d’être posée car d’autres acteurs majeurs du marché global, comme les États-Unis ou la Chine, n’ont pas adopté de cadre légal. Réguler l’IA, c’est, selon la Commission européenne, instaurer la confi ance. Par ailleurs, la sécurité juridique permet de promouvoir l’innovation dans le domaine de l’IA en Europe. Les diffi cultés d’une telle régulation sont toutefois nombreuses : la complexité, l’opacité et l’autonomie des systèmes d’IA rendent parfois diffi cile la compréhension de leur fonctionnement... une IA de machine learning n’est pas un produit de consommation comme un autre. En plus, nous essayons de réguler une technologie avec laquelle nous ne sommes pas encore vraiment en contact : nos futures utilisations nous feront-elles reconsidérer ce cadre légal européen ?
Quels sont les grands aspects couverts par l’IA proposal en discussion au niveau européen ?
Ils sont nombreux. Je me concentrerai donc sur certaines questions affectant les entreprises : la défi nition même de l’IA est au cœur des débats car elle doit être à la fois précise et suffi samment large pour englober les futures évolutions technologiques. Elle doit ainsi permettre de distinguer l’IA d’un logiciel « traditionnel ». Une autre question est la détermination du type de systèmes d’IA qui doivent être classés à « haut risque ». Une question importante pour les entreprises, car cette classifi cation implique plusieurs obligations avant et après la mise sur le marché de tels systèmes. L'intensité de la participation humaine dans la prise de décision algorithmique semble aussi être davantage explorée par le législateur européen. Je mentionnerai enfi n les discussions autour du fonctionnement des « bacs à sable » réglementaires, environnements contrôlés dans lesquels les acteurs privés peuvent expérimenter et tester, pendant une durée limitée, de nouveaux produits d’IA.
Quels seront les prochains événements « Ready for AI » proposés par la Chambre de Commerce ?
Le prochain volet sera consacré à la présentation claire et concrète des obligations des entreprises qui veulent développer ou utiliser des systèmes d’intelligence artifi cielle. Nous devrions toutefois attendre l’adoption du règlement fi nal sur l’intelligence artifi cielle, prévue en 2023. Nous sommes conscients que certaines entreprises, notamment des PME et des startups, n’ont pas la possibilité de consulter des spécialistes, et ont ainsi du mal à appréhender les enjeux, notamment en termes de conformité. Notre objectif est de les guider le mieux possible dans cet exercice complexe.