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Sésame d’une économie digitale compétitive
TRANSPORT
L’avenir reste à inventer
TEXTE Jean-Baptiste Nivet, Affaires économiques, Chambre de Commerce PHOTO Electrive
Le Luxembourg se présente comme un hub logistique de dimension européenne, faisant du transport l’une des voies de sa diversification économique. Le transport continuera son essor au niveau mondial au cours des prochaines années, comme le montrent les projections de croissance du secteur. Dans l’immédiat, un défi est plus particulièrement prégnant, la décarbonation.
Des navires marchands de la République de Venise au Moyen-Âge à la popularisation du tourisme de masse par les compagnies aériennes low cost, en passant par l’essor des échanges via l’édification d’un large réseau ferré au XIXe siècle, le transport a de tout temps exercé une influence majeure sur la géopolitique, l’économie, la démographie ou encore le mode de vie des populations. L’histoire du transport a été marquée, encore davantage que d’autres secteurs économiques, par la succession des inventions qui ont, pour la plupart, raccourci les distances, que ce soit pour les voyageurs ou pour les marchandises. L’économie mondialisée d’aujourd’hui doit beaucoup à l’invention du conteneur.
Sans présager des inventions qui dessineront le paysage du transport dans les décennies futures et dont certaines sont en cours de développement - voitures et camions autonomes, trains hyperloop, drones -, il est possible de se projeter sur une demande future de mobilité de plus en plus importante. L’International Transport Forum, un laboratoire d’idées intégré au sein de l’OCDE, anticipe un doublement de l’activité totale des transports en 2050 par rapport à 2015, avec un volume du transport de voyageurs multiplié par 2,3 et celui de fret par 2,6.
La logistique, secteur phare de l’économie luxembourgeoise
Luxembourg, a ainsi un important potentiel de croissance pour les années à venir. En 2019, les 1.018 entreprises luxembourgeoises du secteur employaient 23.130 personnes et ont créé 837 millions d’euros de valeur ajoutée. La logistique et le transport se sont développés entre 2013 et 2019, avec une croissance des effectifs de plus de 16%. Le poids du secteur dans l’économie marchande (hors finance et assurance) est aujourd’hui relativement équivalent entre le Luxembourg et les pays voisins s’agissant des emplois (7,8%) et de la valeur ajoutée produite (7,3%). Si la dynamique se poursuit, le transport pourrait gagner en importance dans les années à venir.
Le secteur du transport comporte une variété d’activités, liée notamment au moyen de transport employé ou à la nature de ce qui est transporté. Les entreprises de transport luxembourgeoises sont réparties entre 407 entreprises de transport routier de fret, 256 spécialisées dans le transport routier de voyageurs, 221 dans la logistique, 78 activités de poste et de courrier, 29 de transports aériens dont les deux fleurons nationaux Cargolux et Luxair, 26 dans les transports par eau et 1 entreprise de transport ferroviaire, la CFL.
Au cœur de la croissance mondiale
Fortement touché par la crise sanitaire, le secteur a, dans les faits, davantage été temporairement freiné que stoppé dans sa progression. Même à l’heure de la volonté de relocaliser certaines chaînes de valeurs cruciales au fonctionnement de l’économie, comme les semi-conducteurs ou l’industrie pharmaceutique, la croissance des besoins en transport devrait se poursuivre. En effet, un développement économique continu et une population mondiale croissante devraient se traduire par une demande globale de transport en hausse. À moyen terme, l’amélioration du mode de vie de certaines populations devrait leur permettre d’accéder à de nouveaux produits en provenance du monde entier tandis que de nouveaux centres de production pourraient intégrer les chaînes de valeurs internationales. À plus long terme, de nombreux pays, dont le Luxembourg, ont une ambition dans le domaine spatial qui pourrait apporter une nouvelle dimension au domaine du transport. Rêve et futur se conjuguent parfois dans ce domaine.
TRANSPORT ET COÛT DU TRAVAIL
La compétitivité-coût, et plus particulièrement le coût du travail, est un élément clé quant à la capacité des acteurs luxembourgeois à concurrencer les autres pôles logistiques à proximité. C’est ainsi que la Chambre de Commerce a analysé, dans son Eco News Flash n° 10, l’évolution du coût du travail du secteur du transport luxembourgeois et les conséquences de cette évolution sur sa compétitivité, sa rentabilité et sa capacité d’investissement en comparaison avec les pays voisins. Il en ressort notamment que le transport routier de fret pourrait être pénalisé par un coût de la main-d’œuvre croissant au Grand-Duché, tandis que le faible niveau des investissements de l’ensemble du secteur du transport interroge sur sa croissance future.
La décarbonation, le grand défi du secteur
Toutefois, l’enjeu qui mobilise toute l’attention du secteur est la forte diminution de son impact écologique. Selon l’Agence internationale de l’énergie (IEA), le transport représente 24% des émissions de CO2 dans le monde et 31% en Europe. L’objectif à atteindre pour respecter les accords de Paris et limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C est particulièrement ardu: réduire les émissions de CO2 du secteur de près de 70% entre 2015 et 2050, ceci dans un contexte de croissance significative du secteur. Selon l’International Transport Forum, «chaque composante du secteur des transports nécessite sa propre stratégie de décarbonation» selon les principes «éviter, changer, améliorer». Ceci passera notamment par un soutien à l’innovation pour accélérer les avancées technologiques nécessaires: véhicules et carburants moins polluants, transition vers l’électrique ou l’hydrogène, innovation par le numérique…
Actuellement, au sein de l’Union européenne, la volonté politique de transition environnementale du transport de fret se heurte à l’insuffisance des avancées technologiques et au manque de mesures fiscales incitatives pour l’investissement dans des véhicules verts. Les véhicules intégrant des technologies durables (électromobilité, pile à combustion…) ont un prix d’acquisition trois à quatre fois plus élevé que les véhicules au diesel, ce qui pose d’importants défis en termes de compétitivité-coût et de marges des entreprises. Le maintien de la compétitivité du secteur pourrait alors passer par des investissements importants dans des infrastructures énergétiques vertes et un accès facilité à ces installations pour les entreprises du secteur.
01. Le secteur des transports, en plein boum au niveau mondial, est condamné à innover pour maintenir sa compétitivité dans un contexte de hausse des coûts énergétiques et de nécessaire transition environnementale. Ici, un camion autonome, déjà en test en grandeur réelle aux États-Unis.