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The Eye of the Economist
PROJET DE PROGRAMME DIRECTEUR D’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE
Vers un nouveau cadre stratégique pour le développement territorial
TEXTE Max Rosen, Affaires économiques, Chambre de Commerce PHOTOS LCTO et Uli Fielitz / LFT
01. 02. La ville de Luxembourg (photo 1) concentre une grande partie des emplois du pays alors que les logements sont répartis sur tout le territoire national (photo 2, Diekirch), en partie à cause des coûts élevés de ceux-ci dans la capitale. Cette situation crée inévitablement des goulets d’étranglement en ce qui concerne la mobilité domicile-travail. Après la mise en œuvre des 4 plans directeurs sectoriels en février 2021, les travaux du Gouvernement dans le domaine de l’aménagement du territoire se sont concentrés sur la 2e action prioritaire qui a été retenue dans l’accord de coalition 2018-2023: l’adoption du nouveau programme directeur d’aménagement du territoire (PDAT) qui arrête le cadre stratégique futur pour cette politique publique. Le projet de PDAT2023 a ainsi été dévoilé fin 2022 en vue d’un développement plus durable et cohérent.
Importantes croissance démographique et artificialisation du sol dans les communes rurales, rythme de création de logements insuffisant, infrastructures de transport routier et ferroviaire saturées, changement climatique et résilience du territoire face aux phénomènes météorologiques extrêmes: en passant en revue certains défis du Luxembourg, on constate à quel point la question du développement territorial durable du Grand-Duché est omniprésente dans le débat socio-économique aujourd’hui.
Étant donné que chaque modèle de développement socio-économique s’appuie sur un cadre spatial donné, cela démontre que l’ensemble des enjeux précités concerne aussi directement ou indirectement la politique d’aménagement du territoire. Cette politique publique a en effet pour objectif d’assurer des conditions de vie optimales à la population, notamment en veillant à une utilisation rationnelle du sol ainsi qu’à une concentration cohérente du développement territorial aux endroits les plus appropriés du territoire national. Dans ce contexte, elle coordonne et planifie également les politiques sectorielles à impact territorial. Face
«Le PDAT définit une stratégie intégrée et cohérente pour la planification de l'organisation territoriale à long terme. Il reste néanmoins que ce programme n’est pas légalement contraignant. C’est donc sa mise en œuvre effective qui constitue le grand défi.»
au grand challenge de conjuguer le futur développement socio-économique et démographique du pays avec le respect des engagements pris en matières écologique et climatique, l’aménagement du territoire a donc un rôle prospectif de pilotage à jouer pour tendre vers un modèle plus durable et soutenable.
C’est dans cette optique plus large que se situe la publication du projet de PDAT2023 qui propose une analyse de la situation existante, les objectifs politiques et la stratégie territoriale, de même qu’une réflexion sur les outils et mesures nécessaires à la mise en œuvre de la vision.
Diagnostic territorial: des constats identiques à 2003… mais accentués
En 2003, l’ancien PDAT mettait déjà en lumière un certain déséquilibre et des tendances contrastées qui caractérisaient le système spatial du Grand-Duché. À ce moment-là, alors qu’environ la moitié des emplois nationaux est localisée dans la commune de Luxembourg, ce sont les communes rurales qui, dispersées sur tout le territoire, connaissent les taux de croissance de la population les plus élevés, avec à la clé une consommation du sol importante dans le milieu rural. Cette distribution quasi monocentrique de l’emploi, couplée au développement diffus des infrastructures d’habitat dans l’espace rural, représente ainsi une asymétrie entre le schéma de répartition de l’emploi et celui de la population, donnant lieu à une organisation territoriale caractérisée par des distances importantes entre les fonctions «logement» et «travail». Ce modèle était de plus décrit par le PDAT2003 comme étant la raison principale du recours excessif à l’automobile et des problèmes de mobilité du pays, compte tenu de la difficulté pour les transports publics à répondre efficacement à une demande de mobilité si dispersée et souvent sans masse critique locale pour les déplacements domicile-travail.
Malgré les idées de 2003, le projet de PDAT2023 conclut dans son analyse que le développement territorial du Grand-Duché s’est poursuivi selon les mêmes dynamiques non durables et ce, avec un rythme plus soutenu qu’anticipé. Quelques faibles progrès ont certes aussi pu être accomplis, comme une certaine re-concentration de la population à Luxembourg-Ville, la transformation d’Esch-sur-Alzette en un vrai 2e pôle d’emploi du pays dans le sillage du développement mené sur le site de Belval, ou une augmentation légère de la densité de construction. Il demeure cependant que la croissance démographique diffuse et non appropriée s’est poursuivie à un rythme inquiétant dans l’espace rural sous l’impact des prix du logement. Cette dynamique a également débordé sur les territoires frontaliers voisins, avec à la clé une dégradation des conditions de mobilité. De plus, entre 2007 et 2018, l’artificialisation du sol luxembourgeois aurait en moyenne été de 0,46 ha par jour.
La stratégie adaptée aux nouvelles réalités
Néanmoins, cet «échec» en termes d’inversement des tendances de développement n’est pas dû aux grands principes du PDAT de 2003 qui restent toujours valables aujourd’hui, raison pour laquelle les objectifs et la stratégie du projet de PDAT2023 s’inscrivent dans la continuité des grandes orientations de 2003. En même temps, le projet de PDAT2023 adapte et complète la stratégie sur plusieurs fronts. Dans le dernier programme directeur, certains volets comme le tourisme, l’agriculture, la digitalisation, le télétravail, l’économie circulaire, la production d’énergie renouvelable ou la préparation du territoire aux conséquences du changement climatique ont en effet trop peu été considérés. Par conséquent, le nouveau projet de PDAT prend en compte les stratégies des autres politiques publiques et intègre par ailleurs certaines orientations qui ont pu être recueillies dans la consultation Luxembourg in Transition.
Le PDAT2023 propose 3 objectifs politiques: la réduction de l’artificialisation du sol, la concentration du développement aux endroits les plus appropriés, et la planification territoriale transfrontalière pour atteindre les deux premiers objectifs également à l’échelle des territoires frontaliers voisins.
Dans ce contexte, l’«armature urbaine» constitue un premier élément clé de la stratégie. Il s’agit d’un réseau de 16 centres de développement et d’attraction (CDA) nationaux et de 16 centres dans le territoire frontalier, vers lesquels le développement économique et démographique devra être orienté en priorité, dans le but notamment de limiter la consommation du sol dans l’espace rural. Ces centres devront offrir les infrastructures, équipements et services (publics comme privés) nécessaires pour remplir leur rôle d’approvisionnement aux citoyens et entreprises. Ce développement concentrique joue donc sur des phénomènes de masse critique, une approche qui permettrait également une meilleure planification de la mobilité et une utilisation efficiente des finances publiques.