Nouveaux enseignants

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DIRECTEUR DE PUBLICATION

Jean-Marc Merriaux DIRECTRICE D E L’ É D I T I O N T R A N S M É D I A ET DE LA PÉDAGOGIE

Michèle Briziou DIRECTEUR ARTISTIQUE

Samuel Baluret COORDINATION ÉDITORIALE

Catherine Douçot SECRÉTARIAT D’ÉDITION

Cécile Laugier MISE EN PAGES

Isabelle Guicheteau CONCEPTION GRAPHIQUE

Des Signes, Studio Muchir Desclouds

ISSN : 2426-0207 ISBN : 978-2-240-03716-9 © Réseau Canopé, 2015 (établissement public à caractère administratif) Téléport 1 @ 4 - CS 80158 86961 Futuroscope Cedex

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes des articles L.122-4 et L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective  », et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite  ». Cette représentation ou reproduction par quelque procédé que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris) constitueraient donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.


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4 P R É F A C E 6 I N T R O D U C T I O N 1 8 E X P L I Q U E R I N T E R N E T E T L A L O I EN MILIEU SCOLAIRE 3 1 R Y T H M E S S C O L A I R E S : D E L ’ E N F A N T À L ’ É L È V E 4 6 É G A L I T É , M I X I T É 5 4 A P P R E N D R E À A P P R E N D R E 6 2 D E S É L È V E S V E N U S D ’ A I L L E U R S 7 0 S ’ A D A P T E R E N C L A S S E À T O U S L E S É L È V E S D Y S 8 4 F A U T - I L E N C O R E R E D O U B L E R ? 1 0 0 L ’ É V A L U A T I O N E T S E S P R A T I Q U E S 1 1 6 S É L E C T I O N D E R E S S O U R C E S G R A T U I T E S E N L I G N E


PRÉFACE

Réseau Canopé propose, à destination de la ­c ommunauté éducative, un ensemble de ressources et de servi­ ces complémentaires. Il participe activement à la formation des nouveaux enseignants et les accompagne dans l’évolution de leurs pratiques pédagogiques. À l’occasion de cette rentrée, Réseau Canopé vous propose, en partenariat avec la Maif, une sélection de textes issus d’ouvrages tout juste publiés ou à paraître. En 128 pages, elle vous dévoile des pistes concrètes de réflexion sur les enjeux de votre métier. ––En quoi est-il fondamental de réaliser la nature, si spéciale et lourde de responsabilités, de la relation enseignant-élève ? ––Tout le monde utilise Internet ; mais mesure-t-on les droits et devoirs qui lui sont attachés ? ––Chaque heure du jour ou de la semaine est-elle propice à l’apprentissage ? ––Suffit-il d’apprendre ou apprend-on à apprendre ?

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NOUVEAUX ENSEIGNANTS

––L’égalité, cela va de soi... Pas si sûr ! ––Comment s’y prendre avec les élèves venus d’ailleurs ? ––Les « dys », qu’est-ce que c’est ? ––Redoubler, est-ce la panacée ? ––Évaluer, c’est facile… mais comment le faire de façon juste ? Si la plupart des sujets traités ici semblent aller de soi, vous en découvrirez très vite les singulières complexités. À vous maintenant, enseignants en devenir ou jeunes enseignants, de vous saisir de ces outils et d’y intégrer vos propres analyses et vos propres expériences. Réseau Canopé vous souhaite une très bonne rentrée.

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PRÉFACE – 5


INTRODUCTION C hris t o p he M a r sollier

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L’ É T H I Q U E R E L A T I O NN E L L E , RESPONSABILITÉ MAJEURE POUR L ’ E N S E I G N A NT

L A REL ATION PÉDAGOGIQUE, DOMAINE DE CONVERGENCE DES

[…] Plusieurs constats mettent au jour l’imporPROFESSIONtance qu’il convient d’accorder à la nature NELLES et à la qualité des relations entre élèves et enseignants, et par là même, à la dimension éthique de ce métier de l’humain. Le premier de ces constats se traduit par l’immersion relationnelle à laquelle engage l’exercice de la fonction d’enseignant. En d’autres termes, la relation s’impose à lui, comme une composante incontournable, sans laquelle il ne peut motiver les élèves, stimuler leur réflexion, leur engagement et exercer son influence, son autorité. C’est en s’appuyant sur ses propres habiletés relationnelles qu’un­ enseignant parvient à aider les élèves dans leurs processus cognitifs, D I F F I C U LT É S

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mais aussi à créer les conditions les plus favorables aux interactions entre pairs et avec les supports d’apprentissage. L’efficacité de son action pédagogique s’opère d’emblée, et en partie, par la qualité de la relation qu’il met en œuvre au quotidien par ses compétences psychosociales et son rapport à l’élève et au groupe. Sa profession­ nalité dépend étroitement du savoir-faire avec lequel il crée et entretient ses relations avec les élèves, à chacun des moments importants de son action, qu’il s’agisse de l’entrée en classe, de la présentation d’un cours, de la passation d’une consigne, de l’explicitation du sens d’une notion, de l’animation d’une phase de confrontation d’hypothèses ou de points de vue entre les élèves, de la mise en commun de leurs productions écrites ou bien encore de la médiation qu’il peut opérer à l’occasion d’un différend vécu dans l’établissement. Jusqu’à ces dernières années, l’insuffisante valeur apportée à la dimension relationnelle du métier d’enseignant dans les formations en IUFM, puis en Espé, a conduit des générations d’enseignants à se former seuls à la maîtrise de compétences psychosociales, par l’expérience puis l’analyse de leurs difficultés et de leurs échecs. La formation éthique, lorsqu’elle existe, reste principalement juridique et se réduit plutôt à des aspects déontologiques. Elle demeure en cela très restrictive, en ce qu’elle évacue deux autres options normatives de l’éthique 1 : le conséquentialisme (cette attention régulièrement portée à la conscience des conséquences) et le vertuisme (cette culture de la disposition à se porter volontairement vers le bien en se conformant à un idéal moral voire spirituel). L’apprentissage solitaire des exigences éthiques du métier d’enseignant s’opère majoritairement sous l’impulsion des forces que convoquent les valeurs morales, ainsi qu’au gré des retours de collègues, d’inspecteurs, voire de certains parents bienveillants ou 1

R. Ogien, C. Tappolet, Les Concepts de l’éthique : faut-il être conséquentialiste ?, Paris, Hermann, 2009.

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d’observations sur les changements de comportements d’élèves, suite à des paroles ou des gestes maladroits par exemple. Pour autant, les aptitudes à s’ajuster ainsi aux exigences de la conduite de groupe et des interactions cognitives avec les élèves mobilisent des savoir-être éthiques relevant de l’expertise et de la professionnalité que nombre d’acteurs n’acquièrent que tardivement au cours de leur carrière, voire jamais. Tout comme dans le milieu médical où seul(e)s les infirmier(e)s sont formé(e)s à la relation aux patients, dans le champ de l’éducation, seuls les CPE, les enseignants spécialisés ASH et les éducateurs spécialisés bénéficient d’une formation à ces compétences psychosociales. Un autre constat fondamental mérite d’être souligné : il s’agit du caractère asymétrique de cette relation que le contrat pédagogique engage et dont l’une des manifestations les plus vives s’exerce par la responsabilité qui incombe à l’enseignant de créer des conditions – et donc une relation – véritablement propices aux apprentissages (voir schéma p. 14). Cette asymétrie des droits et des devoirs, des statuts et des rôles, des demandes et des motivations, des savoirs et des compétences, colore chaque interaction, chaque intervention, d’une référence à la norme et aux codes dans les limites desquels se développe la communication. Et c’est bien au travers de la forme et du soin apportés à la qualité de la communication que la relation peut déployer toute sa fécondité. Si la bienveillance fait consensus et apparaît aujourd’hui dans de nombreux discours et textes institutionnels, non seulement comme un repère mais aussi comme une valeur pédagogique partagée par la communauté éducative, c’est qu’elle désigne naturellement une posture éthique que tous les acteurs de l’école reconnaissent souhaitable. Dans cet esprit, ce qui se trouve implicitement signifié ici, c’est aussi que la maîtrise de stratégies didactiques et de méthodes d’apprentissage, aussi experte soit-elle, ne peut faire l’économie d’un savoir-faire relationnel avec les élèves, notamment

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vis-à-vis de ceux rendus les plus fragiles, les plus vulnérables par les contextes familiaux ou socio-économiques dans lesquels ils vivent, ou par leur rapport à l’école, sinon à la discipline enseignée. En d’autres termes, le manque de compétences éthiques pédagogiques de l’enseignant présente des risques d’impact psychologique beaucoup plus importants chez certains élèves que son défaut de maîtrise didactique. ASYMÉTRIE DE LA RELATION PÉDAGOGIQUE Empathie cognitive Cognitions

Nombreuses connaissances acquises Objectifs, finalités, stratégies didactiques Conscience morale, valeurs

Éthique Nombreux droits Déontologie Statut social ENSEIGNANT

Cognitions

Connaissances en cours d’acquisition Conscience morale, valeurs

Droits restreints Nombreux devoirs ÉLÈVE

Communication verbale, non verbale et paraverbale

Adulte Liberté de mouvement Debout

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Émotions

Émotions

Sentiments

Sentiments

Empathie émotionnelle Source : Christophe Marsollier.

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Ainsi, et toujours au registre des constats, la trace émotionnelle des événements scolaires vécus comme vivement agréables ou, à l’opposé, comme traumatisants par les élèves, laisse des marques significatives sur les plans du rapport au savoir, du rapport à l’apprendre, voire du rapport à l’école. Ce dernier constat appelle les enseignants à une invitation permanente à la responsabilité professionnelle. Or, enseigner est devenu l’une des missions les plus complexes de la société, tant les influences auxquelles sont soumis les jeunes sont aujourd’hui multiples et tant les défis qui se présentent aux acteurs de l’école doivent les contraindre à mobiliser un très large faisceau de compétences psychosociales. La sédimentation des attentes de la société à l’égard de l’école s’ajoutant à la massification scolaire et à l’évolution notoire des comportements individuels et collectifs des adolescents ses vingt dernières années, les équations quotidiennes de conduite de classe, très délicates à appréhender pour les enseignants, se concentrent sur l’exercice de la relation pédagogique et plus particulièrement sur la gestion de l’hétérogénéité des motivations et des savoirs et la canalisation des comportements perturbateurs. Les compétences grâce auxquelles ils doivent pouvoir réguler les rapports humains entre élèves, accompagner les difficultés des uns, les exigences légitimes des autres, relèvent d’une professionnalité de haut niveau dont la mise en œuvre quotidienne réclame un discernement et une solidité morale qu’il convient d’encourager mais aussi de reconnaître. […]

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Les travaux d’Edward Deci et Richard Ryan 2 aux États-Unis, Jean-Pierre Pourtois AUX BESOINS et Huguette Desmet 3 en Belgique, et Alain PSYCHOSOCIAUX Lieury et Fabien Fenouillet 4 en France, DES ÉLÈVES, soutiennent ce constat selon lequel la UNE INVITATION création de conditions optimales pour la À L’ É T H I Q U E motivation et l’épanouissement cognitif DU CARE et psycho-affectif de l’élève s’appuie sur des compétences et des savoir-être d’adultes qui contribuent par le comportement à satisfaire ses besoins psycho­sociaux. La conduite d’entretiens 5 avec des élèves de collège et de lycée au sujet des facteurs de bien-être scolaire rappelle systématiquement la place absolument centrale qu’occupe, dans la psychologie des apprentissages, la satisfaction d’un certain nombre de besoins fondamentaux pour leur épanouissement en classe et leur réussite. Regroupés sous forme de pôles, ces besoins constituent huit grands repères pour l’éthique relationnelle en éducation. Quatre de ces besoins occupent un niveau prioritaire, au sens où leur non-respect par l’adulte conduit quasi systématiquement à des tensions, voire des échecs : ––être traité de manière juste par l’enseignant, tant du point de vue de la communication, de ses choix didactiques que des modalités d’évaluation. Valeur à fleur de peau des adolescents, la justice est un sentiment particulièrement présent lorsqu’ils se sentent considérés avec respect, à égalité en termes de droits et récompenRÉPONDRE

E. Deci, R. Ryan, Handbook of Self-Determination Research, Rochester, New York, University of Rochester Press, 2002.    J.-P. Pourtois, H. Desmet, L’Éducation implicite : socialisation et individualisation, Paris, PUF, coll. « Éducation et formation », 2004. 4    A. Lieury, F. Fenouillet, Motivation et Réussite scolaire, Paris, Dunod, 1997. 5    H. Montagner, L’Enfant : la vraie question de l’école, Paris, éditions Odile Jacob, 2002. 2

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sés selon leur mérite 6. Ce sont les humiliations qui produiraient le plus fort sentiment d’injustice 7. Première source de repli ou de renoncement dans les apprentissages, l’injustice peut être vécue avec une violence très vive et engager l’élève dans une spirale de rejet d’une discipline ou, plus largement, de l’école, de son système. Une attention toute particulière doit caractériser la posture éthique de l’enseignant à l’égard du contexte et de l’histoire dans lesquels s’inscrit pour l’élève chaque événement perçu comme injuste. C’est en lui permettant, par une écoute active, d’expliciter le sens de son sentiment que l’enseignant peut l’aider à désamorcer la situation vécue et l’apaiser ; ––se sentir en sécurité dans ses apprentissages et la relation à l’adulte, et bénéficier d’un cadre normatif clair, d’une discipline stable. La prévisibilité du comportement de l’enseignant face aux erreurs et aux difficultés de l’élève constitue une source importante de sécurité. Condition indispensable à son épanouissement et à l’expression de sa confiance en lui, comme l’a montré par ses nombreux travaux Hubert Montagner 8, la sécurité relationnelle est un ciment essentiel qui lui permet, au-delà de sa réussite scolaire, de franchir les étapes de son développement psychologique et de construire les bases de sa réalisation personnelle et sociale future. L’effort par lequel un enseignant mobilise sa patience et contrôle sa réactivité face à une situation qu’il ne supporte pas bien participe de cette dimension éthique qui sécurise et protège celui qui apprend ; ––se sentir motivé, stimulé, intéressé par les activités que lui propose l’enseignant, par sa théâtralité, ses encouragements, son    S. Desvignes, D. Meuret, « Les sentiments de justice des élèves en France et pourquoi », in M. DuruBellat, D. Meuret (sous la direction de), Les Sentiments de justice à et sur l’école, Bruxelles, De Boeck, 2009. 7    P. Merle, L’Élève humilié : l’école, un espace de non-droit ?, Paris, PUF, coll. « Éducation et formation », 2005. 8    H. Montagner, op. cit. 6

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enthousiasme et son propre rapport au savoir. Les sources de motivation didactique à disposition des maîtres sont multiples, notamment avec les nouvelles possibilités de stimulation et d’attractivité offertes par les outils multimédias. Mais leurs limites s’observent avec certains élèves, dès lors que l’enseignant commet des maladresses relationnelles. L’exigence éthique sur le plan de l’entretien de la motivation se situe dans la manifestation d’encouragements, de renforcements positifs, à la mesure de la difficulté surmontée et des efforts accomplis. Seul le suivi attentif de l’élève peut permettre d’exprimer de manière juste ce registre de soutien ; ––se sentir considéré, estimé et reconnu, pas uniquement pour son travail ou ses résultats scolaires, mais pour la personne qu’il est. Répondre à ce besoin fondamental qui s’exprime plus vivement chez les élèves qui ne bénéficient pas d’un environnement familial nourrissant sur le plan affectif constitue un soutien très précieux, non seulement générateur de motivation et de volonté, mais aussi de confiance et de compétence. Ces gestes éthiques peuvent prendre des formes verbales directes ou indirectes, par la valorisation ou la prise en exemple d’une production ou d’une attitude particulière d’un élève. L’enjeu principal est ici l’entretien ou la consolidation de cette composante centrale pour la psychologie de l’élève que représente l’estime de soi. Repérer les élèves dont l’estime de soi est fragile ou instable 9 et se saisir de certaines occasions précieuses pour offrir un signe positif spontané et sincère de reconnaissance est un acte de générosité dont l’impact dépasse ce qu’il est donné à voir à l’enseignant. Quatre autres besoins, moins fondamentaux, principalement éprouvés par des élèves fragilisés, méritent cependant une attention toute particulière : 9

C. André, F. Lelord, L’Estime de soi : s’aimer pour mieux vivre avec les autres, éditions Odile Jacob, coll. « Poche », 2008.

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––se sentir intégré dans la classe et accepté par ses pairs. Ce besoin d’appartenance favorise la construction de l’identité. L’attention portée aux marques de stigmatisation, de discrimination et de harcèlement permet d’éviter l’installation de formes d’exclusion et de rejet dont le pouvoir destructeur peut laisser des traces psychologiques profondes ; ––être aidé, accompagné. Les élèves dont la confiance en soi a été affaiblie y sont particulièrement sensibles. La vigilance à l’égard de la dédramatisation de l’erreur et des rythmes d’apprentissage doit conduire l’enseignant à adopter une pédagogie différenciée, soucieuse de donner à chacun un temps suffisant d’accommodation aux situations didactiques ; ––s’exprimer librement, pouvoir livrer son opinion, ses préférences. Il s’agit pour de nombreux élèves d’un besoin de tisser des liens avec le professeur et d’établir une relation congruente, authentique, de personne à personne. Dans des situations délicates, des moments difficiles, ce temps d’écoute et de dialogue peut apporter toute sa valeur accompagnatrice voire réparatrice ; ––l’autonomie, le besoin d’autodétermination. Ils font référence au besoin d’être à l’origine de son propre comportement, de pouvoir jouir de la confiance de l’adulte et de la capacité de se donner les moyens de réussir par soi-même. Cette attention aux besoins de l’élève s’inscrit dans la philo­ sophie et les travaux de recherche développés par les psychologues humanistes tels que Abraham Maslow 10 sur la hiérarchie des besoins, Lawrence Kohlberg sur les stades de développement moral et les besoins de l’enfant 11 et Carl Rogers sur le pouvoir pédagogique et éducatif de l’écoute centrée sur la personne 12. Leur influence a ouvert la voie à des techniques de communication qui ont fait leurs preuves,    A. Maslow, Vers une psychologie de l’être, Paris, Fayard, 1972.    L. Kohlberg, The Philosophy of Moral Development: Moral Stades and the Idea of Justice, San Francisco, Harper and Row, 1981. 12    C. Rogers, Le Développement de la personne, Paris, Dunod, 1996. 10 11

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telles que l’analyse transactionnelle (Éric Berne), la médiation par les pairs et la communication non violente 13 (CNV) (Marshall Rosenberg), et dont l’une des caractéristiques communes est de donner une place centrale au respect et à l’écoute des besoins de l’autre. Le succès international de la CNV et des techniques pédagogiques prônées par Thomas Gordon 14 ouvre des perspectives dont la formation des CPE et des enseignants français gagnerait à s’enrichir. Pour autant, une attention particulière doit être apportée à circonscrire clairement les conseils techniques, les stratégies relationnelles et les gestes professionnels qu’elles promeuvent, et à les extraire d’éventuelles influences spirituelles, car dans ce nouveau champ de formation qui intègre les savoirs de la recherche universitaire mais aussi divers courants de développement personnel, formateurs et enseignants doivent rester attentifs à ce que ces pratiques éducatives s’inscrivent dans le respect de la morale laïque. L’attitude de réceptivité (receptivity) orientée vers l’élève, soutenue par la relationnalité (relatedness) que rend possible l’empathie de l’enseignant, et la valeur accordée à l’écoute et à l’attention de l’autre placent cet idéal éthique dans le champ philosophique et politique de la valorisation du care que Carol Gilligan 15 a développé au début des années 1980. Le soin à l’autre porté et idéalisé par l’éthique du care est étroitement adossé à une conception pragmatique, une psychologie des situations, celle à laquelle la maternité et l’éducation inclinent, et qui se trouve de fait éloignée des relations de pouvoir 16. Cette éthique appliquée à laquelle invite le care est une éthique de la vulnérabilité donc de la sollicitude, une éthique du contexte et de la situation de dépendance propre au statut d’élève.    M. Rosenberg, La Communication non violente au quotidien, éditions Jouvence, 2003.    F. Henaff, A. Le Guernic, C. Salon, Un élève est aussi un enfant, Interéditions, 2012. Cet ouvrage traite de la manière d’intégrer l’analyse transactionnelle dans les pratiques éducatives à l’école. 15    C. Gilligan, In a Different Voice, Harvard University Press, 1982. 16    F. Brugière, L’Éthique du care, Paris, PUF, coll. « Que-sais-je ? », 2011. 13 14

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Portée par la représentation d’un monde où tous les êtres se sentent unis par leur condition humaine et leur interdépendance liée à la fragilité de leur environnement, cette éthique s’enrichit des possibilités qu’offrent le soutien et l’accompagnement, notamment par la qualité de la communication. Elle se distingue de l’éthique de la justice, qui défend le droit d’autrui, car elle s’appuie sur la solidarité et la responsabilité à l’égard du bien-être, donc de ses besoins. […]

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EXPLIQUER INTERNET ET LA LOI EN MILIEU SCOLAIRE Fa b rice M a t t a tia

Extrait [p. 11 à 24]

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Si la loi protège les internautes des abus, des arnaques et des agressions virtuelles, elle leur impose aussi des devoirs. Cet ouvrage de vulgarisation donne à tous les définitions et les bases juridiques indispensables, ainsi que de nombreux exemples concrets de jurisprudence. L’auteur fait le point sur les évolutions et les débats en cours. Retrouvez cet ouvrage sur reseau-canope.fr

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LA LIBERTÉ D’EXPRESSION S U R I NT E R N E T

LA LIBERTÉ D’EXPRESSION, UN DROIT FONDAMENTAL , MAIS PAS

Peut-on tout dire et écrire sur Internet ? Quelles sont les règles à respecter, quels sont les recours en cas de problème ? La liberté d’expression a été consacrée en France par la Révolution, lors de la proclamation de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789, qui prévoit que : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté, dans les cas déterminés par la Loi. » ABSOLU

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On voit qu’il ne s’agit pas d’une liberté absolue, mais que des limites doivent être respectées. L’article 4 de la Déclaration expliquait ainsi que : « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi, l’exercice des droits naturels de chaque homme n’a de bornes que celles qui assurent aux autres Membres de la Société, la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. » En l’occurrence, la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication précise, pour ce qui concerne l’expression sur Internet : « La communication au public par voie électronique est libre. L’exercice de cette liberté ne peut être limité que dans la mesure requise, d’une part, par le respect de la dignité de la personne humaine, de la liberté et de la propriété d’autrui, du caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion et, d’autre part, par la sauvegarde de l’ordre public, par les besoins de la défense nationale. » QUI EST CONCERNÉ SUR INTERNET ? La loi précise que la « communication au public par voie électronique » désigne « toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature qui n’ont pas le caractère d’une correspondance privée ». Sont donc visés aussi bien les publications commerciales comme les journaux, les sites politiques ou commerciaux, ou enfin les blogs de classes ou d’élèves, sites personnels, commentaires de lecteurs, sites de partage et réseaux sociaux. L’auteur de la publication peut être aussi bien un professionnel (journaliste, commercial) qu’un internaute. Seuls les courriels, qui constituent une correspondance privée, ne sont pas concernés, à la condition d’être bien « privés » et adressés à un nombre restreint de destinataires, et non pas envoyés globalement à une liste de diffusion.

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NOUVEAUX ENSEIGNANTS

Les limites prévues par la loi concernent notamment l’injure et la diffamation, le respect de la vie privée d’autrui, l’interdiction des propos racistes, sexistes, homophobes, ou incitant à la violence… CONFLIT DE DROITS : LA LIBERTÉ D’EXPRESSION DANS LA LOI AMÉRICAINE Comme on le sait, la loi américaine est fondamentalement différente. Le 1er amendement à la Constitution des États-Unis, adopté en 1791, interdit toute restriction à la liberté religieuse, à la liberté d’expression ou à la liberté de la presse. Lors d’un litige concernant l’utilisation de services américains comme Facebook ou Twitter, l’internaute français risque de se retrouver au centre d’un conflit dû à l’incompatibilité entre le droit américain (liberté absolue d’expression) et le droit français (liberté d’expression encadrée).

LES ABUS DONT LA LOI VOUS PROTÈGE

Une fois posé le principe de la liberté d’expression, il reste à voir en pratique dans quelles limites il s’applique. CAS GÉNÉRAL ET CAS PARTICULIER Nous allons exposer dans la suite les règles générales qui encadrent la liberté d’expression de l’internaute. Certaines règles supplémentaires peuvent s’appliquer dans des cas particuliers. La protection de la vie privée par le Code civil constitue également un moyen puissant. Le tribunal de grande instance (TGI) de Paris a ainsi condamné le 6 novembre 2013 Google, au nom du droit à la vie privée, à cesser l’affichage sur Google Images de photos divulguant la vie sexuelle d’un dirigeant des circuits de course automobile.

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NOUVEAUX ENSEIGNANTS

L A D I F FA M AT I O N E T L’ I N J U R E

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse précise les règles à respecter pour tout type de publication, y compris « tout moyen de communication au public par voie électronique » (article 23), c’est-à-dire Internet, qu’il s’agisse des sites web ou des listes de diffusion par courriel. LA MISE À JOUR DES LOIS : LA LOI DE 1881 MODIFIÉE Il ne faut pas s’étonner de voir les publications sur Internet prévues et encadrées par une loi de 1881. En effet, les lois peuvent être régulièrement mises à jour par le Parlement. Si elles ont une importance symbolique, comme la loi de 1881 sur la presse, elles conservent leur titre d’origine, mais sont dites « modifiées ». En l’occurrence, c’est une loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) qui a inséré dans celle de 1881 la référence à la « communication au public par voie électronique ».

Les jurisprudences pour violation de la loi de 1881 abondent pour la presse traditionnelle, mais on ne citera dans la suite que celles concernant des infractions commises en ligne. La diffamation est ainsi définie par la loi (article 29) : « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible. » Il faut distinguer la diffamation de l’injure, qui est « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait ». Les peines encourues sont les suivantes (articles 30 à 33) : ––diffamation envers un particulier : amende de 12 000 euros maximum ;

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––diffamation envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur nonappartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap : un an d’emprisonnement et/ou 45 000 euros d’amende, ainsi que la publication de la décision dans les journaux aux frais du condamné ; ––diffamation envers les tribunaux, les armées, les administrations, ou, à raison de leurs fonctions, envers les membres du gouvernement, parlementaires, fonctionnaires et dépositaires de l’autorité publique : amende de 45 000 euros maximum ; ––injure envers les corps et personnes cités à l’alinéa précédent, ou envers un particulier, lorsqu’elle n’aura pas été précédée de provocations : amende de 12 000 euros maximum ; ––injure envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, ou à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap, lorsqu’elle n’aura pas été précédée de provocations : six mois d’emprisonnement et 22 500 euros d’amende, ainsi que la publication de la décision aux frais du condamné. EN DÉTAIL : LES JURISPRUDENCES Les jurisprudences sont l’ensemble des décisions des tribunaux, représentatives de la manière dont ils jugent habituellement une question. Leur étude permet de présumer quelle réponse ils donneront dans un cas précis. Toutefois, la jurisprudence n’est jamais définitive. D’une part, une nouvelle loi peut imposer un changement dans les décisions ; d’autre part, un tribunal, qui a le pouvoir souverain de juger, peut toujours décider de modifier sa jurisprudence.

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NOUVEAUX ENSEIGNANTS

RAPPEL : LA HIÉRARCHIE DES TRIBUNAUX Un litige judiciaire est jugé par un tribunal en première instance (tribunal d’instance [TI] ou de grande instance [TGI]). Si la décision ne satisfait pas l’une des parties, celle-ci peut faire appel et le litige sera rejugé sur le fond par une Cour d’appel (CA). L’arrêt d’appel ne peut plus être rejugé, sauf s’il comporte un vice de procédure. La partie lésée doit alors introduire un pourvoi auprès de la Cour de cassation. Cette dernière est la juridiction suprême qui peut être saisie pour vérifier si un jugement a bien été rendu dans le plein respect de la loi. Elle ne juge pas sur le fond, mais examine seulement si la Cour d’appel a bien appliqué le droit. Si elle estime que ce n’est pas le cas, elle casse l’arrêt d’appel et renvoie le dossier devant une nouvelle Cour d’appel pour un nouveau jugement sur le fond.

[…] Et les injures privées ?

La Cour de cassation a confirmé (10/04/2013) que si des propos injurieux sont diffusés sur un réseau social, mais accessibles seulement à un nombre restreint de personnes, alors il ne s’agit pas de propos publics, mais de propos privés. Ils ne relèvent donc pas de la loi de 1881 qui ne vise que les propos publics. Toutefois, en cas de propos privés, l’auteur des injures n’en est pas quitte pour autant : il est passible des sanctions de l’article R621-2 du Code pénal qui réprime les injures non publiques, soit une amende de 38 euros. QUESTION : FACEBOOK, ESPACE PUBLIC OU PRIVÉ ? Une diffamation ou une injure postée sur Facebook est-elle privée ou publique ? De manière générale, « il ne peut être affirmé de manière absolue que la jurisprudence actuelle nie à Facebook le caractère d’espace privé, alors que ce réseau peut constituer soit un espace privé, soit un espace public, en fonction des paramétrages effectués par son utilisateur » (CA de Rouen, 15 novembre 2011). Sauf à prendre des précautions particulières dans le paramétrage de son compte et à s’assurer que ses amis en ont fait autant, Facebook, « par application du principe “les contacts de mes contacts deviennent mes contacts” » doit être considéré comme un espace public (CA de Besançon, 15 novembre 2011).

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NOUVEAUX ENSEIGNANTS

Rappelons que la confidentialité d’une communication électronique (courriel) non chiffrée est équivalente à celle d’une carte postale et que toute publication sur une page personnelle, un réseau social, un forum ou un blog est aussi confidentielle qu’un panneau publicitaire au coin de la rue.

Twitter

Nous avons jusqu’ici considéré uniquement les publications de contenus sur Internet. Mais les mêmes règles s’appliquent sur Twitter. Le tribunal de commerce de Paris a ainsi condamné (26/07/2011) à 10 000 euros de dommages-intérêts le dirigeant d’une société qui avait sur Twitter dénigré les services d’un prestataire dont il était mécontent. En 2013, la chaîne de restauration Quick a porté plainte pour diffamation contre un employé qui se plaignait dans des tweets de présumées mauvaises conditions de travail dans son établissement. QUESTION : LES RETWEETS Lorsque l’on a un compte sur Twitter, on a la possibilité de « retweeter » un message, c’est-à-dire de faire suivre à ses abonnés un tweet qui nous a particulièrement plu ou marqué. Or, ce tweet peut avoir un contenu illicite (diffamant, injurieux ou autre), que l’on répand sans obligatoirement s’en rendre compte, voire parfois pour montrer qu’on en est choqué. La question se pose, juridiquement, de savoir si le fait de retweeter équivaut à une nouvelle publication du contenu, et à une approbation de celui-ci ? Et le cas échéant, expose-t-il aux mêmes sanctions que celles encourues par l’auteur du message initial ? Par prudence, il conviendra de bien réfléchir, non seulement avant de tweeter, mais également avant de retweeter !

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NOUVEAUX ENSEIGNANTS

DES DÉLITS QU’ON SOUHAITE RARES… Le délit d’incitation

L’article 24 de la loi de 1881 prévoit que l’appel « à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée », ou « à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap », est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Le tribunal peut ordonner la publication de la décision aux frais du condamné. Recherche des auteurs de tweets antisémites Par son ordonnance de référé (24/01/2013), le TGI de Paris a ordonné à Twitter de communiquer à des associations de lutte contre le racisme les données en sa possession permettant l’identification de personnes ayant émis des tweets antisémites, en vue de déposer plainte contre ces dernières. Twitter a tout d’abord refusé de s’exécuter, mais en juillet 2013, devant la menace d’un procès pénal pour ses dirigeants, il a finalement fourni à la justice française les éléments demandés. PROCÉDURE : LE RÉFÉRÉ Le référé est une procédure rapide et simplifiée par laquelle on demande à un juge de prendre des mesures pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite (par exemple : la publication de photos pédophiles), sans préjuger du jugement sur le fond qui aura lieu ultérieurement.

Condamnation du responsable d’un blog sur lequel des commentaires racistes ont été publiés La Cour de cassation a confirmé (30/10/2012) la condamnation à 5 000 euros d’amende, à la publication de la sanction et à

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NOUVEAUX ENSEIGNANTS

2 750 euros de dommages-intérêts, d’un internaute qui tenait un blog d ­ ’information politique sur lequel des commentaires racistes avaient été publiés. La Cour a ajouté à la sanction 2 500 euros à verser à la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme en remboursement des frais engagés. Condamnation des auteurs de pages incitant à la violence contre un handicapé Le TGI de Paris a condamné (31/01/2013) à respectivement 40 heures de travaux d’intérêt général et à 300 euros d’amende deux jeunes qui avaient créé des pages Facebook appelant à l’euthanasie d’un jeune handicapé nommément désigné. Les deux jeunes devront également verser aux parents de l’enfant handicapé l’euro symbolique de dommages-intérêts et leur rembourser les frais d’huissier. Condamnation pour incitation à la haine et à la discrimination raciale La CA de Paris a condamné (28/11/2013) à 28 000 euros d’amende l’ancien humoriste Dieudonné, pour des propos et une chanson racistes dans des vidéos publiées sur Internet. L’ a p o l o g i e d e c r i m e s d e g u e r r e ou de crimes contre l’humanité, l ’a p p e l a u t e r r o r i s m e

L’article 24 de la loi de 1881 punit de cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende : ––l’apologie des crimes de guerre ; ––l’apologie des crimes contre l’humanité ; ––l’apologie des crimes et délits de collaboration avec l’ennemi. Le tribunal peut ordonner la publication de la décision aux frais du condamné.

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NOUVEAUX ENSEIGNANTS

Jusqu’à récemment, l’appel au terrorisme ou son apologie étaient également réprimés par ce même article 24 de la loi de 1881. Depuis la loi du 13 novembre 2014, cette infraction fait l’objet de l’article 421-2-5 du Code pénal, et est punie de cinq ans ­d’emprisonnement et 75 000 € d’amende, portés à sept ans et 100 000 € si les faits ont été commis sur Internet. Cette modification a notamment pour conséquence de porter la prescription de ce délit à trois ans (voir ci-dessous). DÉFINITIONS : APOLOGIE ET NÉGATIONNISME Apologie : discours de justification. Négationnisme : négation, contestation ou minimisation, de crimes contre l’humanité.

Prison ferme pour apologie et appel au terrorisme L’administrateur d’un site web djihadiste a été condamné (4/03/2014) par le tribunal correctionnel de Paris à trois ans de prison, dont un ferme, pour apologie et provocation au terrorisme. Condamnation pour article justifiant un massacre Le TGI de Tulle a condamné (9/09/2008) à 5 mois de prison ferme et à plusieurs milliers d’euros de dommages-intérêts une personne qui avait publié sur son blog une justification du massacre de Tulle en 1944 (99 personnes pendues et 101 déportées par les Allemands), ce qui constitue le délit d’apologie de crimes de guerre. Le négationnisme

La loi Gayssot du 13 juillet 1990 « tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe » rappelle que « toute discrimination fondée sur l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion est interdite ». Cette loi a en particulier introduit dans la loi de 1881 un article 24 bis qui interdit également la contestation des crimes contre l’humanité. Les coupables encourent un an de prison et 45 000 euros d’amende.

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NOUVEAUX ENSEIGNANTS

Cet article se distingue du précédent : l’article 24 réprime l’apologie des crimes contre l’humanité, tandis que l’article 24 bis réprime la contestation de leur existence. La possibilité de prouver les faits (exception de vérité)

Une personne accusée de diffamation a la possibilité de se dis­ culper en prouvant la véracité des faits diffamatoires (article 35 de la loi de 1881), sauf lorsque l’imputation concerne la vie privée de la personne visée. Jusqu’à récemment, d’une part, il était interdit d’apporter une preuve pour des faits datant de plus de 10 ans (article 35b de la loi de 1881), et, d’autre part, toute mention d’une condamnation amnistiée, prescrite ou réhabilitée, était considérée comme une diffamation, même si ces faits étaient véridiques et que l’on en apportait la preuve (article 35c). Toutefois, le Conseil constitutionnel a estimé que les interdictions de pouvoir apporter une preuve pour des faits de plus de 10 ans (décision du 20 mai 2011) ou pour des condamnations amnistiées, prescrites ou réhabilitées (décision du 7 juin 2013) portaient à la liberté d’expression une atteinte disproportionnée et étaient donc contraires à la Constitution. La seule limite à l’exception de vérité (exceptio veritatis) demeure donc la vie privée de la personne visée. PRÉCISION : L’INTENTION MALVEILLANTE Notons toutefois que la publication de faits portant atteinte à l’honneur, même véridiques, demeure répréhensible si elle est effectuée dans un but malveillant. La CA de Versailles a ainsi condamné (17/10/2013) à 1 000 euros d’amende et 1 000 euros de dommages-intérêts une personne qui avait publié la condamnation pour violence d’un ancien associé devenu son concurrent. Bien que la condamnation en question soit parfaitement avérée, la Cour a estimé que c’était l’intention de nuire, et non la seule information du public, qui avait motivé cette publication.

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RYTHMES SCOLAIRES : D E L’ E N F A N T À L’ É L È V E F ra nço i s Te s t u

Extrait [p. 49 à 61]

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La mise en place des nouveaux aménagements des temps scolaire, périet extrascolaire vise à favoriser la réussite des élèves en adaptant les emplois du temps à leurs rythmes de vie. Comment faire coïncider cette nouvelle organisation aux temps de vie de nos enfants ? S’appuyant sur des études menées dans le domaine de la chronobiologie et de la chronopsychologie, François Testu tente de répondre objectivement à cette question et propose des solutions simples, efficaces et à la portée de tous. Retrouvez cet ouvrage sur reseau-canope.fr

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RYTHMES D E L’A C T I V I T É I NT E L L E C TU E L L E D E L’ É L È V E

DES ÉTUDES ANCIENNES ET PEU NOMBREUSES MAIS FIABLES

Si les rythmes biologiques de l’enfant peuvent être mis en évidence, il est plus difficile de déterminer comment l’activité intellectuelle varie au cours de la journée, de la semaine, voire de l’année. Nous l’avons vu, les enseignants ressentent intuitivement les moments de la journée et de la semaine durant lesquels les enfants sont plus attentifs et moins fatigués, et les travaux de chronopsychologie qui leur permettraient de confirmer ou d’infirmer leur perception leur sont peu connus. Pourtant, des recherches sur les variations périodiques de l’activité intellectuelle des élèves ont été entreprises à la fin du XIXe et au début du XXe siècle et continuent d’être menées, qui nous éclairent sur ce que sont les

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rythmes de l’activité intellectuelle de l’élève, sur l’influence de certains facteurs liés aux enfants et aux situations, sur les possibilités d’aménagement du temps scolaire. En Angleterre 1, en Allemagne 2, aux États-Unis 3, en France 4, des études ont été conduites dans un but pratique : soit pour mesurer la fatigue, soit pour déterminer les moments d’attention, dans une journée. Aujourd’hui, nous sommes donc capables de dire que l’élève apprend mieux à certaines heures qu’à d’autres, certains jours que d’autres. Alors pourquoi avoir ignoré et ignorer encore ces informations ? Force est de constater qu’il a fallu plus d’un demisiècle pour que la psychologie scientifique commence à être entendue dans les écoles de formation de professeurs. Par ailleurs, les recherches en chronopsychologie scolaire portent généralement sur la rythmicité journalière, rarement sur la semaine. Les performances mentales sont plus ou moins bonnes dans la journée et dans la semaine. La nature des fluctuations de l’activité intellectuelle est alors différente. Les fluctuations journalières peuvent être réellement considérées comme des rythmes, avec des pics, des creux bien déterminés et difficilement altérables, tandis que les fluctuations hebdomadaires résultent plus de l’influence des emplois du temps hebdomadaires.

W. H. Winch, “Mental Fatigue during the School Day as Measured, by Immediate Memory”, Journal of Educational Psychology, n° 3a, 1912, p. 18-28 ; part II, p. 75-82 ; n° 4 part I, 1913, p. 17- 28 ; part II, p. 71-74. 2    H. Ebbinghaus, Memory, New York, Dover Publication, 1896. 3    A. Gates, “Variations in Efficiency during the Day”, University of California Publications in Psychology, vol II, 1916, p. 1-156. 4    B. Bourdon, L’Intelligence, Paris, Librairie Félix Alcan, 1926. 1

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DES PERFORMANCES AU GRÉ

L’A C T I V I T É INTELLECTUELLE

DES RYTHMES JOURNALIERS

Les performances intellectuelles et la vigilance varient dans la journée scolaire tant quantitativement que qualitativement. C’est-à-dire que non seulement les scores aux tests, la quantité d’exercices exécutés, mais aussi les stratégies de résolution de problèmes et les manières d’exécuter un travail varient dans la journée. Depuis une trentaine d’années, avec un nombre important d’élèves d’écoles primaires et de collèges, les recherches que nous avons conduites ont souvent permis de retrouver le même profil d’évolution journalière de niveau de performances 5. Généralement, le degré de vigilance et les performances intellectuelles progressent du début jusqu’à la fin de la matinée scolaire, s’abaissent après le déjeuner, puis s’élèvent de nouveau, plus ou moins, selon l’âge, dans l’après-midi. VARIATIONS JOURNALIÈRES DE PERFORMANCES À TROIS ÉPREUVES : TEST VERBAL, TEST SPATIAL, OPÉRATIONS POUR DES ÉLÈVES DE CM2.

28 26 24

Test verbal Test spatial Opérations Fin d’après-midi

Début d’après-midi

Fin de matinée

22 Début de matinée

Pourcentage du score total journalier

30

Source : d’après F. Testu, Chronopsychologie et rythmes scolaires, thèse d’État, Poitiers, 1987. 5

F. Testu, Chronopsychologie et rythmes scolaires, Paris, Masson, 2000.

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La même évolution journalière est observée dans les choix de stratégies pour résoudre des problèmes. Ainsi, par exemple, lorsque des élèves de 10-11 ans doivent résoudre un problème mathématique du type : « 4 bouteilles de jus de fruits coûtent 27 francs, combien coûtent 12 bouteilles 6 ? », deux stratégies s’offrent à eux. Soit ils appliquent une règle de trois et reviennent à l’unité en divisant par 4, puis multiplient par 12 : c’est la stratégie la plus longue, la moins élégante ; soit ils perçoivent la proportionnalité, ils comprennent que, s’il y a trois fois plus de bouteilles, le prix sera trois fois plus élevé. La stratégie est alors plus élégante, plus rapide et plus efficace. Cette dernière procédure est qualifiée de canonique. Lorsque les problèmes sont résolus, elle est plus ou moins appliquée selon les moments de la journée. Les élèves perçoivent plus la proportionnalité à 11 h 20 et 16 h 20 qu’à 8 h 40 et 13 h 40. VARIATIONS JOURNALIÈRES DANS LES STRATÉGIES D’ÉLÈVES DE CM2 POUR RÉSOUDRE DES PROBLÈMES MATHÉMATIQUES SCALAIRES OU FONCTIONS. 90 80 70 60 50

Problème scalaire Problème fonction Fin d’après-midi

Début d’après-midi

Fin de matinée

Début de matinée

40

Source : d’après F. Testu, J. Baillé, « Fluctuations journalières et hebdomadaires dans la résolution de problèmes multiplicatifs par des élèves de CM2 », L’Année psychologique, vol. 83, n° 1, 1983, p. 109-120. 6

F. Testu, J. Baillé, « Fluctuations journalières et hebdomadaires dans la résolution de problèmes multiplicatifs par des élèves de CM2 », L’Année psychologique, vol. 83, n° 1, 1983, p. 109-120.

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Les variations des comportements d’adaptation à la situation scolaire observées systématiquement en classe confirment que les débuts de matinée et d’après-midi sont des moments critiques pour l’élève. Elles corroborent en cela celles relevées pour les performances à des tests psychologiques. VARIATIONS JOURNALIÈRES DANS LES COMPORTEMENTS OBSERVÉS D’ÉVEIL ET DE NON-ÉVEIL D’ÉLÈVES DE CP. 35

35 30

Pourcentage d’écoute

30 25

24

30 26

25 22

20 15 10

10 5

Non-éveil Éveil Fin d’après-midi

Début d’après-midi

Fin de matinée

Début de matinée

0

Source : d’après F. Testu, « Étude des rythmes scolaires en Europe », Les Dossiers d’éducation et formations, n° 46, ministère de l’Éducation nationale, DEP, 1994, p. 1-97.

Indépendamment de l’origine géographique des enfants et des modes de vie scolaire, les débuts de matinée et d’après-midi sont reconnus comme difficiles. La rythmicité psychologique journalière est alors très proche de la rythmicité biologique. Cependant, nous ne la considérons pas comme dépendante d’une même horloge, et nous verrons qu’à la différence de la rythmicité biologique, elle est modulable sous l’influence de nombreux facteurs. Il n’en demeure pas moins que, pour une très forte majorité d’élèves du cycle primaire (6-11 ans), l’organisme, la vigilance et les performances intellectuelles fluctuent selon un même profil que nous qualifions de classique. Présent en France, en Allemagne,

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en Espagne, en Italie, en Grande-Bretagne, mais aussi aux ÉtatsUnis, en Iran, ce profil témoigne d’une relative indépendance des variations journalières de l’activité intellectuelle par rapport aux emplois du temps scolaire et aux modes de vie. Ainsi existe-t-il des moments de la journée où les enfants du primaire sont plus vigilants, plus attentifs et apprennent mieux. Lorsque ces moments sont présents aux heures habituelles, lorsque la variation classique décrite est observée, les emplois du temps journalier et hebdomadaire sont relativement adaptés aux rythmes de vie de l’enfant. En revanche, cet équilibre n’existe plus le lundi ou bien lorsque la semaine scolaire ne comprend que quatre jours (lundi, mardi, jeudi et vendredi 7). ÉVOLUTION JOURNALIÈRE DE LA VIGILANCE D’ÉLÈVES DE 6-7 ANS DONT L’EMPLOI DU TEMPS EST DE QUATRE JOURS OU DE QUATRE JOURS ET DEMI, SUR UNE ÉPREUVE DE BARRAGE Cette épreuve consiste à rayer, pendant 30 secondes, le maximum de cibles (nombres de 3 chiffres) réparties aléatoirement parmi des distracteurs (nombres de 2, 4 ou 5 chiffres).

Nombres barrés en 30 secondes

26 24 22 20 4 jours*

18

4 jours* 4 jours 1/2 Fin d’après-midi

Début d’après-midi

Fin de matinée

Début de matinée

16

* Le test a été réalisé dans deux classes différentes

Source : d’après F. Testu, « Étude des rythmes scolaires en Europe », Les Dossiers d’éducation et formations, n° 46, ministère de l’Éducation nationale, DEP, 1994, p. 1-97. 7

F. Testu, « Étude des rythmes scolaires en Europe ».

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V A R I A T I O N S H E B D O M A D A I R E S D E L’A C T I V I T É I N T E L L E C T U E L L E

Dans le temps scolaire hebdomadaire réparti traditionnellement en France (quatre jours et demi de classe dont le samedi matin, et congé le mercredi, le samedi après-midi et le dimanche), les élèves réalisent leurs meilleures performances intellectuelles le jeudi ou le vendredi matin, et les moins bonnes le lundi et, à un degré moindre, le samedi matin. Le lundi se caractérise par une grande hétérogénéité des profils journaliers de performances et de comportement. C’est « sauve qui peut, chacun pour soi ». Au moins cinq types de profils peuvent être distingués. Le « classique » correspond aux enfants dont le weekend ne fut pas perturbateur. Dans les profils « plat par le bas » et « progressif » (lentement), du matin au soir, les enfants sont lents, très lents pour se réadapter à la vie scolaire. Le « plat par le haut » caractérise les élèves qui sont toujours prêts, toujours attentifs et performants. Enfin, dans le profil « inversé », la performance et les comportements se détériorent du début d’après-midi jusqu’à la fin de journée. Ce profil est particulièrement inquiétant dans la mesure où, d’une part, il est accompagné de faibles performances, de comportements d’inadaptation et où, d’autre part, il est présent chez des enfants des zones sensibles qui ont mal vécu le week-end, soit parce qu’ils ont subi le mode de vie des parents, soit parce qu’ils ont été livrés à eux-mêmes. Devant une telle hétérogénéité, il est impossible de dégager un profil commun. Le phénomène de rupture de rythmicité journalière et de baisse des résultats ne s’observe pas le jeudi après un congé. Cette coupure du milieu de semaine est suivie d’une augmentation des performances intellectuelles. Toutefois, lorsque l’emploi du temps du mercredi est surchargé par de nombreuses activités extrascolaires, la rythmicité classique n’est pas présente le jeudi. C’est le cas pour les jeunes dont les parents, croyant bien faire, leur

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imposent trop d’activités culturelles et sportives et ne leur laissent pratiquement aucun temps libre. Le week-end est ressenti non seulement le jour qui le suit, mais également la demi-journée qui le précède (le samedi matin), quand il dure une journée et demie ; le vendredi après-midi lorsqu’il est porté à deux jours. Pendant ces deux demi-journées (le samedi matin ou le vendredi après-midi), les élèves planifient leurs loisirs à venir, anticipent l’avenir proche, ils ont déjà « un pied » dans le week-end. Aussi, leur écoute, leur attention sont moins bonnes. Il faut toute l’expérience des pédagogues pour les maintenir réceptifs. L’allongement de la durée du week-end à deux jours prolonge le phénomène de désynchronisation d’une demi-journée. La rythmicité psychologique, les performances et les comportements scolaires risquent alors d’être perturbés jusqu’au mardi midi. Ainsi, répétons-le, selon les jours de la semaine scolaire, selon les heures de la journée, les élèves sont plus ou moins performants. Généralement il est préférable, dans une semaine aménagée traditionnellement, d’entreprendre des apprentissages nouveaux plus poussés, entre 8 h 30 et 11 h 30, les jeudi ou vendredi, plutôt qu’entre 8 h 30 et 9 h 30 ou 13 h 30 et 14 h 30 le lundi. CHOISIR LE BON JOUR, LA BONNE HEURE

Le choix du moment de la journée, de la semaine est non seulement important pour l’apprentissage d’une tâche, mais également pour l’utilisation de ce qui a été acquis. Simon Folkard et ses collaborateurs avaient déjà montré que les élèves de 12-13 ans qui ont écouté une histoire le matin s’en souviennent mieux juste après qu’elle leur a été présentée que ceux qui l’ont écoutée l’après-midi même. En revanche, les souvenirs lointains, huit jours plus tard, du groupe ayant écouté l’histoire l’après-midi, sont supérieurs à ceux du groupe l’ayant écoutée le

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matin. Il semble, dans cette expérience, que ce qui a été appris l’après-midi ou le soir soit mieux retenu que ce qui a été appris le matin. Le choix du moment de la journée est donc important pour l’apprentissage et pour l’utilisation de ce qui a été appris 8. De plus, nous avons souligné l’influence du jour retenu pour l’apprentissage. En effet, si l’on fait apprendre à douze élèves de 9 ans et demi une liste de quatorze noms, un jeudi à 11 heures, qu’on leur fait réciter une semaine plus tard à la même heure, le nombre de mots restitués est 52 % plus élevé que celui de douze autres élèves du même âge ayant appris la même liste un lundi, à 11 heures, et récité sept jours plus tard à la même heure. Ces résultats relatifs à la mémoire (indispensable pour apprendre) sont corroborés par des recherches ayant montré que la restitution différée de l’information dépend à la fois de l’heure et du jour de sa présentation, et de l’heure et du jour de sa restitution. Aussi, vouloir aménager le temps scolaire consiste d’abord à tenir compte de ces premières données. Si les professeurs des écoles veulent obtenir les meilleurs résultats avec la moindre fatigue de leurs élèves, ils doivent choisir judicieusement les heures et les jours de leurs enseignements en fonction de leur difficulté. Si cela est relativement réalisable lorsque le professeur d’école est seul maître à bord, cela est pratiquement irréalisable lorsque l’enseignement est assuré par plusieurs intervenants, faute de volonté et de contingences matérielles locales (disponibilité des différents locaux, horaires des transports scolaires, contraintes personnelles, etc.). Les travaux de chronopsychologie ont donc permis de vérifier l’existence de fluctuations journalières et hebdomadaires de l’activité intellectuelle de l’élève. Ils ont également déterminé comment ils se mettaient en place, comment ils se modulaient avec l’âge.

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S. Folkard, T. H. Monk, R. Bradbury, J. Rosenthal, “Time of Day Effects in School Children’s Immediate and Delayed Recall of Meaningful Material”, British Journal of Psychology, n° 68, 1977, p. 45-50.

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Comme évoqué précédemment, les rythmes biologiques des enfants se ÂGE mettent progressivement en place. Par exemple, le rythme veille/sommeil passe, au cours des premières années de la vie, d’un rythme ultradien à un rythme circa­ dien. Il en est de même avec les variations journalières et hebdomadaires de l’attention, de la vigilance et de l’activité intellectuelle 9. Avec l’âge, les pics et les creux se produisent à des moments différents de la journée et de la semaine. LE FACTEUR

RYTHMES JOURNALIERS D I F F É R E N T S S E L O N L’Â G E

À 6 ans, les pics et les creux de la journée ne sont pas tout à fait les mêmes qu’à 11 ans. Si plusieurs fois dans la journée des tests de vigilance (barrage de nombres ou de figures spécifiques parmi d’autres nombres ou figures) sont exécutés par des enfants de cours préparatoire (6-7 ans), de cours élémentaire (8-9 ans) et de cours moyen (10-11 ans), on constate que, tout en présentant des similitudes, les profils journaliers évoluent avec l’âge. Dans la matinée, pour les trois niveaux, la performance s’élève­ progressivement jusqu’à un pic qui est d’autant plus près de midi que les élèves sont âgés. Ainsi, au cours préparatoire, il apparaît entre 10 h 30 et 11 heures, au cours élémentaire entre 10 h 45 et 11 h 15 et au cours moyen entre 11 h 15 et 12 h 45. L’après-midi, le profil classique est bien présent chez tous les enfants du cycle primaire, mais, là aussi, il existe des nuances en fonction de l’âge. Plus les enfants sont jeunes (6-7 ans, ici), plus long et marqué est 9

F. Testu, « Les variations journalières et hebdomadaires de l’activité intellectuelle de l’élève », Monographies du CNRS de Psychologie, n° 59, 1982, p. 25-39.

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le creux d’après-déjeuner et plus la reprise d’activité est faible. Elle est pratiquement inexistante chez les élèves de 6-7 ans dont le creux se prolonge pour beaucoup jusqu’à la récréation de 15 heures, alors qu’elle est bien présente chez les élèves de 10-11 ans dès 14 heures avec un pic vers la fin d’après-midi. Nous retrouvons là une évolution progressive des variations journalières avec l’âge déjà observée avec des indices physiologiques, tels que la sieste ou l’élimination des déchets urinaires. Le rapprochement entre la rythmicité journalière psychologique et la rythmicité journalière physiologique peut encore être plus net. En effet, après avoir étendu notre champ d’expérimentation aux écoles maternelles, on a constaté que la rythmicité de la vigilance des « petits » (4-5 ans) est d’une tout autre nature que celle des « grands » (6-7 ans et 10-11 ans 10). Pour les 4-5 ans, la vigilance fluctue par périodes entre 60 minutes et 90 minutes qui se succèdent toute la journée. Dans chacune d’elles, la vigilance décroît du début à la fin. En revanche, pour les écoliers de 10-11 ans, la vigilance progresse du début à la fin de matinée et après le creux d’après-déjeuner du début à la fin de l’après-midi. Le matin, la rythmicité des 6-7 ans, bien qu’elle présente quelques similitudes avec celle des enfants de moyenne section, est de nature classique. On assiste donc, entre 4-5 ans et 6-7 ans, au passage d’une rythmicité journalière de nature ultradienne rapide (de période inférieure à 24 heures, d’environ 90 minutes) à une rythmicité journalière de nature demi-circadienne plus lente (de période d’environ 24 heures sur deux, soit 12 heures).

10

B. Janvier, F. Testu, « Développement des fluctuations journalières de l’attention chez des élèves de 4 à 11 ans », Enfance, n° 2, vol. 57, 2005, p. 155-170.

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4-5 ans

115

6-7 ans

10-11 ans

110 105 100 95 90 15h30 16h30

13h50 14h50

10h20 11h20

8h50 9h50

15h20 16h20

13h50 14h50

10h20 11h20

8h50 9h50

15h15 16h15

13h50 14h50

10h20 11h20

85 8h50 9h50

Performances (en pourcentage par rapport à la moyenne)

ÉVOLUTIONS ULTRADIENNES DE LA VIGILANCE D’ÉLÈVES DE MOYENNE SECTION DE MATERNELLE, DE CP ET DE CM2.

Source : d’après B. Janvier, F. Testu, « Développement des fluctuations journalières de l’attention chez des élèves de 4 à 11 ans », Enfance, n° 2, vol. 57, 2005, p. 155-170.

Ainsi, comme pour les rythmes biologiques, la rythmicité ultradienne domine les variations de la vigilance les premières années de la scolarité, puis laisse progressivement apparaître une rythmicité circadienne. Tout le problème est de savoir précisément vers quel âge s’effectue le basculement, en moyenne section, en grande section, au cours préparatoire. S’il n’est pas facile aujourd’hui de répondre à cette question, il est tout de même possible d’en tenir compte et au moins – c’est le minimum que l’on puisse faire – proposer, en maternelle, des horaires différents de ceux de l’école primaire. Comme pour les variations journalières, les variations hebdomadaires de l’activité intellectuelle et du comportement des élèves sont différentes en fonction de l’âge. VA R I AT I O N S H E B D O M A D A I R E S D I F F É R E N T E S S E L O N L’Â G E

Au cours de la semaine traditionnelle française (quatre jours et demi de classe dont le samedi matin), les meilleurs moments diffèrent également. Nous avons établi que plus l’élève est âgé, plus tard dans la semaine se trouve sa meilleure demi-journée de performances. En moyenne et grande sections (4-6 ans), le mardi après-midi et le

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jeudi matin sont les meilleures périodes ; au cours préparatoire (6-7 ans), c’est le jeudi après-midi ; au CM1-CM2 (8-9 ans et 9-11 ans), le vendredi matin. Cette répartition change lorsque les emplois du temps hebdomadaires sont modifiés. Les variations journalières de l’activité intellectuelle, la rythmicité psychologique prépondérante ne sont pas régulées par une horloge biologique. Certes, la rythmicité journalière psychologique présente de nombreux points communs avec la rythmicité journalière biologique, mais trop de facteurs psychologiques liés aux enfants eux-mêmes, à ce qu’ils doivent faire, à leur environnement, modifient, voire suppriment, les variations.

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ÉGALITÉ, MIXITÉ É TAT D E S L I E U X E T M OY E N S D ’A C T I O N A U C O L L È G E E T A U LYC É E Hu g u e s De m o ulin

Extrait [p. 48 à 50]

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Comme le précise le Code de l’éducation (art. L121-2), « les écoles, les collèges, les lycées et les établissements d’enseignement supérieur contribuent à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes. Ils assurent une formation à la connaissance et au respect des droits de la personne ainsi qu’à la compréhension des situations concrètes qui y portent atteinte ». Dans une approche interdisciplinaire, cet ouvrage présente des ressources pédagogiques et propose des axes d’évolution pour inviter à comprendre et inciter à agir en faveur d’une égalité réelle. Retrouvez cet ouvrage sur reseau-canope.fr

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Les revendications pour l’égalité des droits entre les femmes et les hommes DES FEMMES ont été longtemps le fait de personnalités et de mouvements féministes militants plus ou moins structurés et radicaux. En France, avec la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’octroi du droit de vote aux femmes en 1944 et l’inscription du principe d’égalité dans le préambule de la Constitution en 1946, certains partis politiques créent des structures féminines (commission, groupe de femmes, organe de presse interne spécifique, etc.) plus ou moins efficaces et reconnues. Mais « les femmes, trop minoritaires dans les partis politiques, ont une marge de manœuvre étroite dès lors qu’elles tentent de défendre les droits des femmes. Elles se heurtent à un antiféminisme latent ou explicite. Elles intériorisent aussi les interdits et les limites à ne pas franchir, leur dépassement impliquant une fatale marginalisation 1 ». C’est donc d’abord sous la pression des associations que les droits évoluent. Dans le même temps, l’État souhaite favoriser une plus grande participation des femmes au marché du travail en raison des importants besoins de main-d’œuvre de l’après-guerre. « Les immigrés sont principalement utilisés dans le secteur industriel. Ce sont les femmes qui, pour partie, couvrent les besoins du secteur tertiaire 2. » La finalité est plus économique que politique. Cependant, l’objectif de l’État rejoint celui des associations qui portent des revendications d’égalité dans l’accès à l’emploi, les conditions de travail et la rémunération. Cette convergence d’intérêt permettra de voter LES DROITS

1 2

Christine Bard, Les Femmes dans la société française du xxe siècle, Armand Colin, Paris, 2004, p. 162.    Sandrine Dauphin, L’État et les droits des femmes. Des institutions au service de l’égalité ?, Presses universitaires de Rennes, Rennes, 2010, p. 16.

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des lois abrogeant les dispositions inégalitaires et transposant dans le monde du travail les principes constitutionnels de 1946. Dans les années 1960 et 1970, les revendications féministes dépassent le cadre de l’accès à la représentation publique (politique et syndicale) et de l’égalité professionnelle. Elles portent sur l’égalité réelle dans tous les domaines de la vie, et en particulier la libre disposition de son corps et l’accès à la contraception et à l’IVG. Les associations qui se créent ne recherchent pas un compromis avec l’État, mais militent pour la fin de la domination masculine dont les institutions patriarcales sont l’une des manifestations. Face à ces revendications, l’État se dote de structures pour favoriser l’accès des femmes à l’information (création du Centre d’information féminin en 1972 ; création du Conseil supérieur de l’information sexuelle en 1973 dans le prolongement de la loi Neuwirth sur la contraception votée en 1967). En 1974, Valéry Giscard d’Estaing crée un « secrétariat d’État à la condition féminine », terme que rejettent les associations féministes dans la mesure où il correspond à un objectif d’amélioration d’une condition spécifique et non à la suppression de la différence de condition. En 1981, François Mitterrand crée un « ministère des Droits de la femme 3 », décrit comme prenant en compte les idées des féministes et s’inscrivant dans la filiation de leurs luttes. À partir de cette époque, l’approche évolue. La seule affirmation de l’égalité des droits ne suffisant pas à l’égalité réelle, il est nécessaire de partir de l’existant, du constat des situations et de la compréhension des mécanismes producteurs d’inégalité : difficultés à concilier les temps de vie, travail des femmes salariées et non salariées, libre 3

On notera que l’on est passé en 2012 à un pluriel, l’intitulé du ministère du gouvernement Ayrault étant « Droits des femmes ». L’usage de ce pluriel n’a rien d’anodin : il signifie que l’on s’intéresse bien à un ensemble de personnes et non à une catégorie abstraite. L’usage du singulier (« LA » femme) peut en effet produire un effet « essentialisant », laissant à penser qu’il existerait une nature féminine. La Journée du 8 mars est de même la « Journée internationale des Droits des femmes » et non « la Journée de la femme ».

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disposition de son corps, égalité du statut civil, images sexistes dans les médias, etc. C’est à partir de cette conception de l’égalité des droits que l’action publique se portera sur d’autres champs, par exemple la préservation d’acquis remis en cause dans les discours, mais surtout dans les faits, comme le droit à l’IVG. Ou bien les inégalités dans la situation des femmes issues de l’immigration. Ou encore les violences faites aux femmes, qui sont une forme de violence bien spécifique. Dans toutes ces actions, le terme de « lutte » est explicitement utilisé pour affirmer le caractère déterminé de l’action publique contre des comportements, des attitudes et des conceptions jugées illégitimes des rapports humains. « Autant la première partie des années 1980 est une période faste pour les droits des femmes, autant la décennie qui suit correspond à une période de “backlash 4” généralisé pour les institutions des droits des femmes et les associations féministes 5. » D’un ministère de plein exercice, on passe en 1986 à une délégation interministérielle à la Condition féminine, puis en 1988 à un secrétariat d’État. La structure politique disparaît ensuite, les droits des femmes étant intégrés à un ministère (par exemple : Affaires sociales, Santé et Ville en 1993, Emploi en 1995, Famille et Solidarité en 2009). La dimension interministérielle a un effet paradoxal : d’un côté les attributions de l’institution s’étendent, puisque tous les ministères doivent prendre en compte les droits des femmes (gender mainstreaming, notion issue de l’Union européenne). Mais d’un autre, ses moyens sont restreints, et ses actions sont plus contraintes et de plus en plus diluées.

Le terme « backlash » peut se traduire par l’expression « retour de bâton » ou « retour en arrière ». Il a été utilisé par Susan Faludi, Backlash: The Undeclared War Against American Women, Anchor Books, 1991. Traduit de l’américain par Lise-Éliane Pommier, Évelyne Chatelain, Thérèse Réveillé, La ­Revanche contre les femmes, éd. Des femmes, Paris, 1993. 5    Sandrine Dauphin, op. cit., p. 58. 4

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Ces nombreux changements de la structure institutionnelle traduisent les variations des finalités que poursuit l’État concernant les droits des femmes. Il peut ainsi s’agir : ––d’accompagner les besoins de la nation (formation, main-d’œuvre) ; ––de permettre l’accès à l’information pour les femmes ; ––de promouvoir les femmes en tant que catégorie sociale dont les compétences sont peu reconnues et sous-évaluées ; ––de favoriser l’émancipation des femmes en tant que groupe encore assujetti à la domination masculine (libre disposition de son corps, maîtrise de la procréation) ; ––de lutter contre des phénomènes dont certaines femmes sont spécifiquement victimes (harcèlement, mutilations sexuelles, violences conjugales, etc.) ; ––de rendre applicable les dispositions légales dans la durée et sur tout le territoire (accès à la contraception ou à l’IVG qui sont remis en cause dans le quotidien). Selon ces différentes finalités, les femmes peuvent ainsi être considérées comme un groupe social qui a le droit de bénéficier de la protection publique ou bien qui a le droit à l’expression politique, ou encore qui a le droit à la reconnaissance de la spécificité de sa situation sociale, parce qu’elle résulte du fonctionnement inégalitaire d’une société genrée. Les finalités de l’action publique, dans lesquelles s’inscrivent les actions des équipes éducatives, correspondent à des conceptions spécifiques des droits des femmes.

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La lutte contre les discriminations a déjà été évoquée plus haut. Sa perspective est CONTRE sensiblement différente de celle consiLES DISCRIdérée pour les droits des femmes. MINATIONS Historiquement, la question des discriminations est plus récente que celle de l’égalité des droits entre les femmes et les hommes. Elle a été fortement initiée par l’Union européenne dont les directives ont été transposées en droit français. Les associations qui la portent n’ont pas non plus la même histoire ni les mêmes fonctionnements que les associations féministes. Le point d’entrée des discriminations est la différence de traitement appliqué à une personne en raison d’une caractéristique particulière dont elle est porteuse. Le sexe ou l’orientation sexuelle sont des critères parmi dix-huit autres (comme l’apparence, l’origine, le patronyme, etc.). L’approche par les discriminations ne donne pas lieu à un sentiment d’identité positive ou collective comme la revendication des droits : il s’agit d’abord de réparer un préjudice vécu individuellement, de faire disparaître une inégalité. La lutte contre les discriminations peut donc entrer en contradiction avec les principes républicains d’égalité de traitement, puisqu’elle peut conduire à appliquer un traitement différencié pour compenser une discrimination indirecte résultant du fonctionnement de la société. Dans cette perspective, les finalités peuvent être : ––d’identifier les situations de discriminations et d’évaluer leur ampleur ; ––de sensibiliser les élèves et les personnels aux mécanismes de discrimination directe (dans le quotidien) ou indirecte (résultant du fonctionnement du système éducatif) ; LA LUTTE

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––de permettre l’accès à l’information sur les recours face aux situations de discrimination et sur les sanctions encourues pour les auteur(e)s de discrimination. En France, l’institution chargée de la lutte contre les discriminations est la Haute Autorité de lutte contre les discriminations. Cette autorité administrative indépen­dante a été créée en 1984 ; elle est intégrée au Défenseur des droits depuis 2011 6. […]

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Le Défenseur des droits est une institution unique qui comprend, outre la Halde, le Défenseur des enfants, le Médiateur de la République et la Commission nationale de déontologie et de sécurité. Le site haldefenseurdesdroits.fr propose de nombreuses synthèses sur différentes discriminations. Elles sont téléchargeables ou publiées à La Documentation française.

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APPRENDRE À APPRENDRE J e a n-M iche l Za kha rt cho u k

Extrait [p. 31 à 36]

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Le nouveau Socle commun intègre désormais dans son domaine 2 les « outils et méthodes pour apprendre ». Apprendre à apprendre est en effet l’une des clés de la réussite scolaire. L’ouvrage de Jean-Michel Zakhartchouk propose de multiples pistes, depuis l’école primaire jusqu’au lycée, pour que les élèves puissent s’approprier ces compétences méthodologiques, à travers les disciplines, dans chaque matière, en classe ou aux marges de la classe. L’auteur s’appuie sur son expérience de terrain et sur celle des nombreux pédagogues du réseau des Cahiers pédagogiques. Retrouvez cet ouvrage sur reseau-canope.fr

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Partir du postulat que deux individus n’apprennent pas de la même façon est DU « JEU DES intéressant et stimulant. Cela permet un DIFFÉRENCES » regard plus personnalisé sur chaque élève et incite à un effort d’imagination pour prendre en compte ses propres manières d’apprendre. Pour l’enseignant, le plus simple est de varier sa pédagogie et ses propres méthodes d’enseignement pour que chacun s’y retrouve. Plus compliqué serait le « sur-mesure » prôné de façon un peu démagogique par un ancien ministre. En revanche, il est très fructueux de faire réfléchir les élèves sur ce qui leur convient le mieux, sans pour autant décréter trop vite qu’un tel est « visuel » ou « auditif », à partir d’un test ou de déclarations lors d’un questionnaire. Ce n’est pas parce qu’on aime procéder de telle ou telle façon, ou parce qu’on en a l’habitude, qu’on a forcément fait le bon choix méthodologique. À l’enseignant d’élargir la palette des possibles et de suggérer des pistes alternatives que l’élève n’ose pas utiliser ou ignore. Cependant, plusieurs études concordent pour dégager des variables dans les stratégies d’apprentissage. Ce terme introduit bien une dynamique, qui ne naturalise pas les différences, dont les origines sont multiples (génétiques ? culturelles ? sociales ?). Le psychologue Jean-Louis Gouzien a introduit la notion de « système de pilotage » en distinguant celui qui s’applique à l’acte d’apprendre et celui qui concerne l’enseignement. C’est ainsi qu’une approche visuelle peut s’opposer à une approche verbale et, pour quitter la logique binaire, à une approche gestuelle ou kinésique. Certains individus semblent privilégier tel type d’approche, même si cela peut changer selon les contenus abordés, même si un étiquetage précoce est contestable et dangereux. INTÉRÊT

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Certains élèves ont une capacité à visualiser ce qu’ils apprennent et sont aidés par la disposition spatiale sur le tableau ou peuvent facilement évoquer des images mentales lors d’un apprentissage. D’autres ont besoin de « se parler », de verbaliser, ou tirent davantage profit d’une explication à haute voix. Il est à noter d’ailleurs que la théorie d’Antoine de La Garanderie est plus complexe que la présentation parfois caricaturale qui en est faite. L’auteur distingue ainsi des paramètres à l’intérieur de la distinction visuels/auditifs. Visualiser des choses ou des mots ou des règles est bien différent, cela peut même entrer en conflit. La Garanderie cite l’élève qui, pour mémoriser l’orthographe du mot « chat », se fabriquerait une image mentale d’un félin, alors que c’est l’image du mot, avec son « t » à la fin, qui est importante. De même, la distinction évoquée dans l’exemple qui démarre ce chapitre entre des élèves dépendants ou indépendants du contexte doit être complexifiée. Le contexte, cela peut être l’environnement matériel extérieur (bruit, espace…), mais aussi le contexte affectif ou encore le cadre du travail donné par l’enseignant. Peut-on tout mettre sous la même rubrique ? Et il faudrait se méfier d’une conception qui avaliserait l’idée qu’on peut apprendre dans n’importe quelles conditions. Peut-on vraiment rédiger un texte qui demande de la réflexion avec les écouteurs sur les oreilles qui déversent la dernière chanson à la mode ? Des élèves proclament que cela ne les gêne pas, mais un chercheur comme Alain Lieury 1 a montré dans une expérience faite dans un collège que cela nuisait à l’apprentissage d’un très grand nombre d’élèves.

1

Alain Lieury, Mémoire et Réussite scolaire, Paris, Dunod, 1997.

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D’autres paramètres sont cités par les auteurs qui travaillent sur cette optique « différentialiste ». L’américain David Kolb 2 distingue quatre types d’apprenants : ––ceux qui aiment l’expérience concrète, savent bien observer et apprécient la nouveauté, l’originalité, qu’il appelle « divergents » ; ––ceux qui aiment davantage les modèles, le monde des idées, la logique, ils s’intéressent moins au côté pratique : les assimilateurs ; ––ceux qui préfèrent les problèmes à solution unique travaillent mieux si une direction est donnée : les convergents ; ––ceux qui s’adaptent facilement à des expériences et apprennent par la manipulation, par le « faire » : les accommodateurs. On voit bien l’intérêt pour notre sujet de varier les approches et ne rejeter aucun dispositif, même si ces catégories peuvent paraître réductrices. On connaît sans doute la théorie des deux cerveaux. Nos actions et pensées dépendraient d’un hémisphère particulier selon les cas. Lorsqu’on analyse, lorsqu’on utilise le langage ou la logique, on fonctionnerait plutôt avec l’hémisphère gauche, tandis que l’hémisphère droit serait mobilisé par une vue plus synthétique, globale qui produirait plus de créativité et une approche visuelle, imagée. À la lumière des recherches sur le cerveau, de nombreux spécialistes de neurosciences remettent en cause cette dichotomie. Mais l’essentiel n’est-il pas ici de dégager la tension entre des démarches différentes, avec l’idée de trouver d’autres voies que la plus évidente ou la plus directe ? Un neurobiologiste comme Bruno Della Chiesa a ainsi montré qu’il s’agissait là d’un « neuromythe 3 » mais qui pouvait produire des effets positifs sur le plan de l’enseignement, en nous obligeant à trouver d’autres voies pour l’apprentissage.    Voir dans la rubrique « Améliorer mon cours » du site de l’Insa Toulouse : http://enseignants.insatoulouse.fr/fr/ameliorer_mon_cours.html, les styles d’apprentissage de Kolb dans la sous-rubrique « Des concepts de base en pédagogie » puis « Les styles d’apprentissage ». 3    Bruno Della Chiesa, Comprendre le cerveau, naissance d’une science de l’apprentissage, CERI-OCDE, 2007. 2

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Quant à la théorie évoquée ci-avant des « intelligences multiples » de Howard Gardner 4, psychologue américain auteur de plusieurs ouvrages sur ce thème, on peut à la fois la contester sur le plan théorique (en se référant à une « intelligence générale » ou en critiquant l’éclatement de ces « intelligences » qui ne sont peut-être que des facettes diverses de l’intelligence centrale) et trouver féconde cette attention portée sur d’autres approches ou cette valorisation de ce qui n’est pas forcément verbal ou logico-mathématique. L’essentiel n’est-il pas de multiplier les supports et les dispositifs, sachant que ce qui va convenir à certains (une démarche logique ou une introspection favorisée par un dialogue adéquat) ne fonctionnera pas aussi bien pour d’autres (qui sont plus tournés vers l’extérieur, ou apprennent plus par l’expérience, par le corps…) ? Apprendre à apprendre, ce serait donc apprendre à se connaître, ou à se découvrir, sans trop vite s’arrêter aux habitudes acquises ou aux comportements stéréotypés qu’on croit seuls valables. M U LT I P L E S E N T R É E S

Philippe Perrenoud énonce 5 quelques différences entre les élèves devant des tâches scolaires. « Certains se lanceront des défis personnels, d’autres chercheront constamment à se mesurer à leurs camarades. Certains seront sensibles au contenu des tâches, d’autres au climat, aux relations. Certains voudront plaire au maître, d’autres se faire plaisir sans concession au jugement d’autrui. Certains seront totalement pragmatiques, ne s’intéressant qu’aux savoirs utiles à l’action, d’autres seront séduits par la connaissance gratuite.    De nombreuses références sur le lien www.scoop.it/t/intelligences-multiples. Dans un entretien publié en 2000 par La Recherche, Gardner remettait en cause le choix qui était fait dans nos systèmes ­scolaires : « Un style d’intelligence en général, un mélange d’intelligence linguistique et logico-­ mathématique ; l’on s’efforce de rendre chaque individu semblable à ce prototype. » 5    Philippe Perrenoud, « Sens du travail et travail du sens à l’école », Les Cahiers pédagogiques, n° 314, mai-juin 1993. 4

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Certains auront le goût du jeu, d’autres n’accorderont d’attention qu’aux choses sérieuses. » L’enseignant doit profiter de cette diversité et surtout accepter des types de fonctionnement qui ne correspondent pas forcément à sa personnalité ou à ses habitudes. « ON NE PEUT PAS SE JUGER ! »

Exclamation d’une élève de 4e, alors qu’il lui était proposé, comme à ses camarades, de réfléchir à ses manières personnelles d’apprendre et de travailler. S’observer, décrire comment on fonctionne, tout cela est finalement assez inhabituel dans notre système scolaire très normatif. Aussi, accoutumer très tôt les élèves à réfléchir sur eux-mêmes, à parler d’eux en termes cognitifs, est quelque peu révolutionnaire. Il faut accepter alors que les fruits viennent tardivement. En même temps, dans la société, l’idée selon laquelle « à chacun sa manière » – ou bien « on peut arriver à la même chose par des chemins différents » – est plutôt en vogue. Il semble important que nous utilisions à bon escient ces affirmations souvent confuses ou peu rigoureuses. Encore une fois, la distinction entre le « je dois » et le « je peux » est opératoire, elle permet de cerner les marges de manœuvre individuelles, à mettre en avant les points forts et les points faibles de chacun. Un questionnaire peut y aider, si toutefois on est bien conscient que ce sont moins les réponses qui vont compter que le simple fait de réfléchir sur ses méthodes. Le dialogue reste cependant la meilleure façon de procéder, surtout s’il suit des situations concrètes (« comment as-tu appris ta leçon ? », « comment as-tu fait pour rédiger ? »…). Il y a quelques années, la Cité des sciences à Paris avait organisé une grande exposition en d ­ irection de la jeunesse : Désir d’apprendre. Un petit livret, réalisé en collaboration avec Bayard jeunesse, proposait une série d’activités dont celles consistant à repérer son profil d’apprentissage. Certes, on peut sourire devant le simplisme

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d’un jeu pour repérer si on est auditif ou visuel (par exemple, que préfère-t-on pour connaître un itinéraire : des explications orales ou un schéma ?), mais l’important reste de provoquer une discussion avec les élèves à partir de réponses qu’il faut prendre avec beaucoup de distance, afin surtout d’élargir le champ des possibles. Et on peut alors s’interroger sur les manières d’apprendre de chacun, en reliant les savoirs scolaires à des savoirs et savoir-faire extérieurs à l’école (savoir nager, savoir faire du vélo : comment a-t-on appris ? Qu’est-ce qui nous a aidé pour apprendre ?). Une autre manière de procéder est de présenter des situations réelles ou fictives d’élèves se comportant de telle ou telle façon et de dire de qui on se sent le plus proche. Encore une occasion de montrer la diversité des pistes envisageables pour mieux apprendre. En amenant les élèves à prendre conscience que : ––il y a une grande diversité de manières de faire pour apprendre ; ––toutes ne se valent pas, certaines sont plus adaptées à une tâche donnée, d’autres plus économiques (en temps, en énergie) ; de plus, certaines ne conviendront pas à tel individu, mais attention de ne pas le décréter trop vite.

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DES ÉLÈVES V E N U S D ’A I L L E U R S C é cile G o ï

Extrait [p. 75 à 80]

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Comment accueillir un élève « nouvellement arrivé » dans une classe ? Cécile Goï s’appuie sur son expérience pour aider les enseignants à comprendre le contexte institutionnel d’une telle scolarisation, tout en soulignant l’impact psychologique d’un tel changement sur ces enfants. La présentation de parcours singuliers met en lumière l’organisation instaurée par les équipes pédagogiques et offre une réflexion sur les outils à développer pour que ces élèves venus d’ailleurs trouvent leur place. Retrouvez cet ouvrage sur reseau-canope.fr

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ÉLÈVES ALLOPHONES À L’ É C O L E E T A U

[…] AU COLLÈGE

Le mode de fonctionnement du second degré n’offre pas les mêmes souplesses d’accueil que l’élémentaire pour un travail concerté et individualisé pour chacun des élèves. Les professeurs n’ont pas tous cours aux mêmes heures et leur présence en salle des professeurs n’est pas toujours simultanée. Leur formation peut aussi être un frein à une prise en charge adaptée : s’ils sont préparés à la didactique de leur seule discipline, il est difficile pour eux de porter une attention plus globale à leur élève pour lui offrir des aménagements pédagogiques ou, plus difficile encore, des activités de remédiation. Malgré cela, il est tout à fait possible de mettre en œuvre un projet efficace et adapté pour les nouveaux arrivants, même si l’organisation logistique du travail est un peu plus compliquée. L’exemple qui suit est tiré d’expériences mises en œuvre sur le terrain. Avec Monèse, originaire d’Haïti et qui, à l’âge de 13 ans, n’a jamais été scolarisée, nous verrons comment accompagner une telle élève en classe de sixième. COLLÈGE

Le cas de Monèse

Dans le département d’Indre-et-Loire, depuis 2009, le centre d’information et d’orientation assure la première prise de contact institutionnelle avec les adolescents et leurs familles, puis des évaluations diagnostiques sont menées par les enseignants des UPE2A. Les jeunes sont ensuite affectés à un établissement donné, en fonction de leurs profils et de l’organisation départementale qui propose des établissements repérés pour la scolarisation des collégiens EANA et NSA. Les enfants peu scolarisés antérieurement

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et qui n’ont pas acquis un niveau supérieur à celui du CE2 sont inscrits prioritairement dans l’un des deux collèges bénéficiant d’une UPE2A-NSA. Les autres sont intégrés dans des établissements ordinaires où ils sont pris en charge par des enseignants spécifiques itinérants, comme ce fut le cas pour Monèse. En ce qui la concerne, le projet n’a pas été mis en œuvre strictement comme je le décris, puisque son arrivée était antérieure à la création des UPE2A-NSA. Cependant, j’ai préféré proposer un projet possible 1 à partir de ce qui avait été réellement appliqué et des nouvelles potentialités offertes par les instructions officielles de 2002. Monèse est arrivée en octobre d’Haïti. À 13 ans, elle est analphabète et n’a jamais été scolarisée. Elle vivait auparavant dans un bidonville avec sa grand-mère, prêtresse vaudou, ses frères, sœurs, oncles et cousins, à dix dans une baraque de tôles. Les tâches de Monèse consistaient à entretenir son poulailler et à s’occuper des petits. Elle assurait aussi la cuisine et la tenue domestique de la maison. Sa mère ne vivait pas avec la famille. Monèse est arrivée en France à la demande de son père. Celui-ci vit en France depuis plusieurs années, mais, victime d’un accident du travail, il a du mal à subvenir seul à son entretien. Il a donc fait venir sa fille pour l’assister. Un matin, Monèse se présente au collège, accompagnée de son père en fauteuil. Le père est francophone et le dialogue est assez facile. Monèse ne parle que le créole et, bien qu’elle ne semble pas particulièrement effrayée, elle s’agite beaucoup sur sa chaise. Le père explique qu’elle n’est jamais allée à l’école et qu’elle ne sait ni lire ni écrire. Les raisons de son agitation sont multiples. Elle ne porte des chaussures que depuis son arrivée en France et semble avoir du mal à s’y faire : dès 1

Pour ces collégiens, j’ai choisi de modifier le projet initial pour exposer une proposition d’aménagement plutôt que le rapport fidèle de l’expérience passée. Je pense en effet que ce mode de traitement sera plus constructif en permettant une simulation prenant en compte les nouvelles instructions officielles.

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qu’elle le peut, elle les quitte. Elle a aussi beaucoup de mal à rester assise et inactive. Elle est malgré tout souriante et communique avec son père assez facilement. Il apparaît alors clairement que le niveau scolaire de Monèse ne sera en aucun cas celui requis pour le collège. Malgré cela, il est important de mener des évaluations pour mesurer les compétences qu’elle a pu acquérir de manière informelle en Haïti. Je commence par lui confier un stylo et une feuille en lui demandant d’écrire son nom : sans succès. Elle se saisit correctement du stylo puis, avec un modèle, elle arrive à recopier les lettres capitales, même si leurs tailles sont inégales. Je lui fais comprendre que j’aimerais qu’elle se dessine. Elle commence, barre son dessin, recommence… pour finalement froisser la feuille, mécontente du résultat. Il lui est manifestement difficile de se représenter. Je la mets ensuite face à un puzzle. Elle ne semble pas comprendre ce que j’attends d’elle. Je place alors la plupart des pièces sur le support en ne laissant sur la table que quatre éléments. Elle comprend ce qu’il faut faire, mais elle a vraiment des difficultés pour terminer le puzzle. Pendant cette activité, Monèse se lève fréquemment de la chaise et change constamment de posture. En mathématiques, à l’aide de dominos, de dés et de dessins, je me rends compte qu’elle sait compter mentalement, mais elle ne fait pas la correspondance entre la quantité et le nombre écrit, au-dessus de 10. Elle comprend toutefois les notions de plus grand et plus petit, de plus et moins. Je termine la séance d’évaluations en laissant à sa disposition albums, feutres, crayons. Elle feuillette avec plaisir les livres et s’amuse manifestement de certaines images. Elle me prend à témoin plusieurs fois en riant et en me montrant ce qui la fait rire. Elle dessine ensuite des signes sur des feuilles en s’amusant des couleurs et des traces que les différents outils laissent sur le papier. Elle ne dégrade aucun outil et prend soin des livres en les ménageant par des gestes mesurés.

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À l’issue des évaluations, il est clair que Monèse est complètement analphabète et que le fossé qui la sépare du collège est immense. Il faudra donc lui offrir une structure adaptée au profil d’une enfant n’ayant jamais eu de contact avec l’univers scolaire. Lors de l’expérience réelle, les structures pour élèves non scolarisés antérieurement n’existaient pas encore : il a donc fallu trouver les solutions les moins mauvaises pour lui permettre de s’adapter à son nouvel environnement. Pour Monèse, on devra s’orienter vers une inscription en UPE2ANSA. Je rappelle ici la nécessité de la double inscription en UPE2A et en classe ordinaire : « Il convient d’intégrer ces élèves dans les classes ordinaires lors des cours où la maîtrise du français écrit n’est pas fondamentale (EPS, musique, arts plastiques, etc.), et cela pour favoriser plus concrètement leur intégration dans l’établissement scolaire. Ils doivent également pouvoir participer, avec leurs camarades, à toutes les activités scolaires. » Monèse a 13 ans et devrait donc être inscrite en cinquième. Toutefois, compte tenu de sa situation, il est plus judicieux de lui proposer une inscription en sixième. Le parcours antérieur de la jeune fille ne lui permet pas de suivre des cours à fort contenu écrit. Elle ne maîtrise aucune des bases requises en mathématiques ni dans aucune autre discipline faisant appel à des compétences écrites. Il ne sera donc pas profitable pour elle d’assister aux cours tels que l’histoire ou le français. Toutefois, il est tout à fait possible qu’elle participe avec ses camarades aux séances d’EPS, de musique, d’anglais ou d’arts plastiques. Monèse est donc inscrite dans une sixième qui devient sa classe de référence, mais dont l’emploi du temps doit être adapté afin de permettre une prise en charge adéquate. Le professeur responsable de l’UPE2A-NSA assure la majeure partie des apprentissages en langue orale et écrite. La question des

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mathématiques reste en suspens dans les instructions officielles dans le cas des NSA. Toutefois, il est possible qu’un enseignant de mathématiques bénéficie d’heures supplémentaires pour mener à bien cette remise à niveau. Monèse passe une grande partie de la semaine en UPE2A à raison de plusieurs heures par jour. Le reste du temps, elle est dans sa classe de sixième. Lorsque des projets extrascolaires sont proposés, elle y participe aussi : chaque situation favorisant l’ouverture à son nouvel environnement social ou culturel est à privilégier. L’emploi du temps de Monèse pourrait être établi comme suit : LUNDI

Écriture/Lecture Français oral UPE2A 2 h 00 Anglais 1 h 00 6e B Musique 1 h 00 6e B Mathématiques UPE2A (ou HSA) 1 h 00 EPS 6e B 2 h 00

MARDI

Écriture/Lecture Français oral UPE2A 2 h 00

Mathématiques UPE2A Français 2 h 00

EPS 6e B 2 h 00

MERCREDI

JEUDI

Écriture/Lecture Français oral UPE2A 2 h 00

Écriture/Lecture Français oral UPE2A 2 h 00

Anglais 1 h 00 6e B

Arts plastiques 1 h 00 6e B Anglais 1 h 00 6e B

VENDREDI

Écriture/Lecture Français oral UPE2A 2 h 00

Mathématiques UPE2A (ou HSA) 2 h 00

Mathématiques UPE2A (ou HSA) 1 h 00

À son arrivée, Monèse passe une grande partie du temps dans l’UPE2A. En fonction de ses progrès, ces temps diminueront en l’intégrant à certains moments dans d’autres disciplines : techno­ logie, mathématiques, sciences de la vie et de la Terre, etc. Rappelons que l’objectif, à terme, est d’assurer l’inclusion scolaire. Lorsque

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Monèse saura comprendre et lire le français, on pourra lui proposer de suivre le cours d’histoire. Je conseille souvent aux professeurs du secondaire de se munir de manuels du primaire (de leur discipline) pour leurs élèves en difficulté avec l’écrit. Le programme d’histoire, de géographie – voire de biologie – de sixième a été partiellement vu au cycle 3. On propose alors aux professeurs de collège de faire participer les nouveaux arrivants à la partie collective (orale) de la séance. Ensuite, lors du passage à l’écrit, les résumés ou les exercices écrits des manuels de primaire peuvent faire office de traces ou d’exploitation de la séquence orale. C’est une façon simple et peu coûteuse en temps ou en énergie de gérer l’hétérogénéité de sa classe. […]

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S ’A D A P T E R E N CLASSE À TOUS LES ÉLÈVES DYS DY S L E X I E S , DY S C A LC U L I E S , DY S P H A S I E S , DY S P R A X I E S , T D A / H A la in P o u he t

Extraits [p. 165 à 167 ; p. 24 à 35]

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À l’heure de l’école inclusive, l’identification des types de déficiences, les conditions d’apprentissage de la diversité des dys et leurs adaptations nécessaires constituent un véritable défi pour l’ensemble du monde éducatif. Ce livre s’adresse à tous les enseignants, de la maternelle à l’université. Diffuser des connaissances sur les pathologies dys s’avère indispensable à un moment où, face à la nécessité d’ouvrir l’école aux élèves dys, beaucoup d’enseignants se sentent démunis. Retrouvez cet ouvrage sur reseau-canope.fr

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[…] Ces dix dernières années, la probléDE LA matique dys a fait irruption dans la PROBLÉMATIQUE « communauté éducative », en même DYS DANS LA temps que l’on inventait le terme d’école COMMUNAUTÉ « inclusive ». Nous allons essayer de ÉDUCATIVE mesurer en quoi cette rencontre est en train de révolutionner la pédagogie et le regard de ses acteurs sur les difficultés scolaires. Michel Habib, neurologue à Marseille, répond à la question d’un journaliste 1 : « Quelle est la particularité des troubles dys pour l’école ? » Le médecin indique : « Ils représentent un handicap spécial, dans la mesure où il n’est pas évident à déceler, on peut en douter, voire mettre en doute la parole de ceux qui l’affirment… Alors même qu’ils devraient intéresser particulièrement l’école, plus que les autres handicaps, car l’école elle-même est le lieu d’expression de ces troubles. Dès que les enfants dys sortent de l’école, ils n’ont pratiquement plus de handicap ! » Jean-Marie Gillig écrit 2 : « […] nous disposons de tous les outils légaux et réglementaires pour que s’affirme […] sans ambiguïté une politique visant à réduire et à compenser les inégalités. L’élève handicapé est désormais titulaire des mêmes droits que tout autre élève. Ce principe général étant posé, il reste à le mettre en application, ce qui n’est pas sans soulever le problème des moyens. En effet, suffirait-il aux parents, sûrs de leurs droits, de se présenter à l’école, de demander aux enseignants de scolariser l’enfant comme tous les autres de sa classe sans la moindre différence ? Ils seraient mal avisés de s’en tenir à une demande aussi formelle L’ I R R U P T I O N

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Bulletin de la Mutuelle générale de l’Éducation nationale, Valeurs mutualistes, n° 253, janvier 2008.    Mon enfant aussi va à l’école, Éditions Érès, 2007.

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et de ne pas se soucier de l’aménagement de l’enseignement, et de ses moyens, au parcours de formation qu’il faudra adapter aux besoins de leur enfant. Au pire, l’exigence d’un traitement banal et uniforme pourrait avoir comme conséquence, sur le plan de la mise en œuvre des actions pédagogiques et éducatives, une indifférenciation des réponses, c’est-à-dire une non-prise en compte des différences. À ce compte, il serait paradoxal que la scolarisation d’un élève handicapé finisse par aboutir à une indifférence devant la différence. C’est dire que l’accès au droit commun n’est pas suffisant pour réaliser l’égalité des chances. Si l’école traitait tous les élèves comme semblables, elle ne ferait que s’inscrire dans une philosophie et une pratique de l’égalitarisme, ce qui est la version pervertie de l’égalité des chances […] étant donné que la véritable équité […] consiste à égaliser les chances de ceux qui sont les moins favorisés, il conviendra assurément de leur donner quelque chose en plus. Ce plus, c’est la compensation, concept majeur inscrit dans la loi du 11 février 2005 3. » Abordons maintenant la question des particularités des dys pour cette école sommée de devenir, sans préparation, sans tous les moyens suffisants, inclusive. La singularité de la problématique dys réside dans sa définition même qui impose la normalité de l’intelligence conceptuelle. La constatation, loin d’être rare, d’excellentes capacités intellectuelles préservées au sein des fonctions mentales et d’une grande hétérogénéité cognitive, devrait effectivement interpeller l’Éducation nationale. Il est à noter que certains enfants sont aussi en difficulté considérable (et en souffrance) en dehors de l’école, quand, par exemple, ils ne peuvent s’exprimer oralement ou réaliser les 3

La loi n° 2005-102 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a été votée le 11 février 2005 (Journal officiel du 12/02/2005). Cette loi se compose de 101 articles et donne lieu à la rédaction de plus de 80 textes d’application.

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gestes habituels sociaux (­manger, s’habiller, s’essuyer aux toilettes convenablement, etc.). En classe, pour tenter d’accéder à une norme que leur pathologie n’autorise pas, pour essayer de réussir comme les autres, les enfants dys vont dépenser une énergie considérable ! Ils passent beaucoup plus de temps que les autres enfants sur leurs leçons et leurs devoirs. Les efforts qu’ils déploient masquent durablement aux enseignants le niveau réel de leurs difficultés ! Dans l’esprit de la loi de 2005, ils devraient au contraire dire leur réalité, aller à la rencontre des enseignants, expliciter leur besoin de compensation, argumenter les adaptations justifiées permettant d’accéder à une équité et non pas obtenir un traitement de faveur. « Monsieur, je peux y arriver comme les autres mais ma pathologie médicale implique que je sois aidé de telle ou telle façon… » Pour eux et leurs parents, affirmer leur différence reste difficile. On ressent de leur part une crainte qui n’aurait pas de raison d’être si l’école était devenue réellement inclusive, si elle se dotait des moyens nécessaires pour accueillir et accompagner convenablement tous ces enfants. Certains dys (mais pas tous !) ont des qualités intrinsèques hors du commun, qui devraient être exploitées ! À l’inverse, beaucoup d’enfants dys présentent des caractéristiques comportementales ou de personnalité qui constituent un frein à leur socialisation et leur accession au monde du travail. On peut cependant affirmer que nombre de dys représenteraient pour une entreprise une vraie valeur ajoutée. Ils connaissent en effet par cœur le mot effort, l’expression « se dépasser »… L’école devrait donc se mobiliser pour les dys, car l’investissement consenti pour eux par la nation peut s’avérer très rentable à terme. Au-delà des exemples galvaudés (Albert Einstein ou autres hommes célèbres), beaucoup de dys ont un réel potentiel à exploiter. D’autres, à défaut d’avoir découvert E = mc², excelleront dans la vente, la musique, le jardinage.

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Le problème, c’est qu’il n’est plus guère possible aujourd’hui de négocier ses aptitudes sur le marché du travail sans scolarité diplômante et qualifiante. La problématique des dys est complexe. Pour s’y adapter, il n’y a pas de règle, pas de généralité ! S’ajuster à tous justifie d’une réflexion collective approfondie qui se déclinera ensuite par la mise en œuvre de moyens conséquents. Ceci nous interroge sur ceux dont dispose l’Éducation nationale aujourd’hui, sur les efforts qu’elle consentirait à faire pour amener chaque enfant dys à exploiter, grâce à l’école, ses appétences, ses goûts, ses potentialités. […]

Les notions dys-symptômes et dys-­ diagnostics doivent être explicitées, car SONT LES une fréquente confusion entre sympDIFFÉRENTES t ô m e s e t d i ag n o s t i c s e s t s o u rc e DYS ? d’amalgames préjudiciables pour tous. L’utilisation d’un même préfixe dys- n’a pour seul avantage que de signer le « trouble spécifique », que nous venons de définir, celui qui répond aux critères énumérés. Cette ambiguïté première conduit à des incompréhensions multiples, en particulier pour les parents et les enseignants. Gageons que bâtir sur des imprécisions un travail conjoint, centré sur l’enfant, augure mal de sa finalité. Certains des mots en dys-, ceux qui traduisent la situation de l’enfant en difficulté scolaire, sont connus car du domaine de l’école : dyscalculie, dysorthographie, dyslexie, dysgraphie… Ce sont les dys-symptômes, du domaine des apprentissages, de la maîtrise : ––du langage oral (LO) de plus en plus élaboré (dysphasie-symptôme) ; QUELLES

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––des apprentissages emblématiques de l’école : lecture (dyslexies), maîtrise de l’orthographe (dysorthographies) et de la numération (dyscalculies). La dysgraphie fait référence à l’acte scriptural. L’expression écrite (mettre en mots sa pensée) et la calligraphie (tracer des lettres) s’expriment malencontreusement en français par le même vocable : écrire ; ––des habiletés gestuelles qui résultent d’un apprentissage à la maison et à l’école : manger, se laver, s’habiller, aller aux toilettes, etc. ; tracer, dessiner, calligraphier, couper, coller, les gestes sportifs, etc. (dyspraxie-symptôme). Ces dys de l’école ne sont pas des diagnostics. Ce sont des symptômes dont il faut rechercher la cause. Ils ne représentent que la constatation de difficultés hors normes dans tel ou tel secteur des apprentissages. CONSTAT 4 D’une façon générale, le diagnostic de dyslexie (qui étaye la prise en charge et permet les recherches) ne peut jamais reposer uniquement sur l’analyse des performances de l’enfant à des tâches de lecture et d’orthographe, mais il implique la connaissance du niveau intellectuel de l’enfant, de son histoire médicale, de son profil cognitif, de son environnement social et psycho-affectif, de son fonctionnement psychique, de la façon dont il a appris à lire et à écrire. Il implique également une connaissance fine des méthodologies d’évaluation (application et interprétation). Le diagnostic de dyslexie n’est donc pas possible sans une connaissance générale et approfondie du développement cognitif et langagier de l’enfant 4.

D’autres dys sont plus énigmatiques, car elles ne renvoient plus de façon aussi évidente aux domaines de la classe : ce sont les dys-diagnostics. Ces vocables en dys- réfèrent à la cause des symptômes. Ce sont les causes cognitives, les pannes dans un ou plusieurs secteurs au sein des fonctions intellectuelles, qui expliquent la symptomatologie scolaire.

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M. Plaza, L’État des connaissances. Le langage écrit, Paris, Seuil, 2001.

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On individualise différents sous-secteurs cognitifs susceptibles de dysfonctionner. On parlera de : ––troubles structurels du développement du langage oral : dysphasies-diagnostic ; ––troubles de la reconnaissance, du décodage des stimuli sensoriels élémentaires : dysgnosies ; ––troubles du développement des gestes appris : trouble d’acquisition des coordinations, dyspraxies-diagnostic ; ––troubles des fonctions neurovisuelles (gnosies, oculomotricité, spatialisation) ; ––troubles des fonctions attentionnelles ; ––troubles des fonctions exécutives ; ––trouble d’une ou plusieurs des fonctions mnésiques… Ces dysfonctionnements neurologiques au sein des fonctions mentales sont des pathologies (les dys-diagnostics) responsables des difficultés scolaires. L’association de plusieurs de ces dys-diagnostics existe, elle doit être prouvée, on la nomme « multidys ». Le diagnostic en est difficile, les conséquences graves. L’association de dys avec d’autres situations cliniques pose des problèmes en raison du caractère très strict des critères de dys. En cas de déficience intellectuelle modérée, on peut s’autoriser à parler de dys-relative. S’intéresser à une dissociation au sein des fonctions cognitives permettra de mieux s’adapter à l’enfant présentant un retard mental léger, en privilégiant par exemple l’entrée verbale ou l’entrée visuelle selon ses compétences. Le niveau d’intelligence générale déterminé par le neuropsychologue permet en quelque sorte de régler le niveau des exigences faites à l’enfant, de rester toujours au niveau, ou juste au-dessus, de son « âge de développement ». On rejoint le concept de zone proximale de développement 5. 5

Ce concept central dans les travaux de Vygotsky exprime la différence entre ce que l’enfant ­apprendra s’il est seul, et ce qu’il peut, en potentiel, apprendre si on lui fournit une aide.

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Lorsque des troubles médicaux graves (sensoriels, moteurs, psychologiques ou psychiatriques…) compliquent la démarche diagnostique de dys, il faut alors être capable de montrer que la symptomatologie constatée est beaucoup plus importante que ce qu’elle devrait être eu égard à cette seule pathologie. Exemple : enfant malentendant et dysphasique qui n’arrive pas à structurer un langage alternatif au langage oral, un élève handicapé moteur et dyspraxique dont les gestes élémentaires sont perfectibles mais possibles et qui échoue aux activités de construction requérant une séquence organisée de ces mêmes gestes élémentaires… Les fonctions cognitives représentent les différentes sous-­ fonctions intellectuelles qui permettent d’entrer dans les apprentissages. Elles peuvent être abordées et schématisées selon trois grands niveaux : ––un niveau d’intelligence dite « générale » qui correspond à l’activité raisonnementale. L’intelligence humaine ne se résume pas aux capacités de catégorisation, de logique, d’abstraction, qui sont toutefois très sollicitées dans les apprentissages scolaires. Par définition, ce niveau doit être normal ou supérieur en situation dys ; il est testé par les épreuves dites de « facteur G » ; ––un niveau de « contrôle et de gestion des ressources », hiérarchiquement supérieur, avec des conséquences transversales. Il peut être comparé au système d’exploitation d’un ordinateur, car il permet, de la même façon, d’utiliser et d’optimiser pleinement toutes les autres fonctions cérébrales ; ––un niveau d’interaction avec l’environnement, interface entre l’individu et le monde extérieur, permettant d’en comprendre les messages et d’interagir avec lui ; ce sont les fonctions sensorignosiques et practo-motrices. Une atteinte du premier niveau définit la déficience intellectuelle, nous ne sommes pas en situation de dys.

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Une atteinte des deux autres niveaux définit le champ des dys : ––avec des atteintes dites de « haut niveau », hiérarchiquement supérieures, transversales, de retentissement global dans les apprentissages ; ––et des atteintes dites de « bas niveau » avec des conséquences plus ciblées, dans tel ou tel secteur des apprentissages, pouvant cependant être sévères en cas d’atteinte grave, d’associations de dys… L’enfant dys présente donc une ou plusieurs déficiences cognitives électives qui sont mises en évidence par l’examen neuropsychologique. Il permet de mesurer l’efficience ou non des différentes fonctions intellectuelles (qui opèrent de conserve lors de toute activité mentale) par le biais du croisement des résultats entre eux, et l’analyse du mode de résolution des tâches par l’enfant lors des situations de tests. Le praticien expérimenté est alors en mesure d’affirmer un diagnostic. Il peut mettre à disposition de l’enseignant la description précise du profil de l’enfant, qui seule permettra de définir des aides adaptées car spécifiques à cet enfant. Ce constat indispensable s’appuie forcément sur une analyse de bilans émanant de plusieurs praticiens. C’est pourquoi le bilan 6 d’un enfant dys est forcément pluridisciplinaire. Le médecin écarte une autre cause et oriente l’investigation. Les paramédicaux confirment la pathologie (retard hors normes) et évoquent des hypothèses diagnostiques. Le psychologue (neuropsychologue) affirme la normalité de l’intelligence générale et met en évidence au sein des épreuves psychométriques la dissociation caractéristique évoquant telle ou telle dys. La synthèse de tous ces bilans permet de poser précisément la pathologie. Elle doit être effectuée par un médecin ou un neuro­ psychologue aguerri. […] 6

Se référer à Michèle Mazeau, Conduite de bilan neuropsychologique chez l’enfant, Paris, Masson, 2008.

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En classe, l’enfant en situation de dys ne parvient pas à automatiser certains outils COMMUNES ? ou apprentissages qui lui sont indis­ pensables car au service de la scolarité : langage, écriture manuelle, lecture, calcul, orthographe… Une tâche déficitaire, même de « bas niveau », non automatisée, prendra toute l’énergie de l’enfant aux dépens des tâches conceptuelles pour lesquelles il est pourtant performant. Si l’on n’y prend pas garde, on place l’enfant en situation de double tâche, c’est-àdire dans l’impossibilité de libérer des ressources attentionnelles et cognitives pour comprendre, réfléchir, raisonner… Il ne peut satisfaire à différentes exigences simultanées en situation-classe : lire et comprendre, écouter l’enseignant et écrire à la main et anticiper la résolution du problème… L’élève sera alors le plus souvent lent, fatigable, mal organisé, empêtré dans des difficultés de forme, de surface. Il a besoin d’aide et très souvent d’une aide humaine (AVS) pour essayer d’automatiser d’autres procédures, plus efficientes, plus rapides, surtout moins fatigantes, qui lui permettront enfin de se centrer sur le fond ! Ces troubles dys entravent l’automatisation, la rentabilité. Ils sont responsables d’une situation de handicap scolaire qui devrait amener un plan de compensation (proposé par la MDPH), que le diagnostic soit posé ou non ! C’est la situation de handicap qui doit être compensée. L’équipe éducative aura la tâche délicate, mais primordiale, de valider l’efficacité des compensations proposées, d’en prouver a posteriori le bien-fondé ! Les enseignants doivent être informés de ces difficultés pour efficacement aider les élèves à les contourner : CONSÉQUENCES

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––en évitant les situations qui mettent l’enfant en double tâche (par exemple, en lisant les consignes à la place de l’enfant gravement dyslexique…) ; ––en utilisant une modalité préservée (permettre à l’enfant de s’exprimer en langage LSF 7 au lieu du langage oral, se servir de l’ordinateur plutôt que d’écrire à la main…) ; ––en mettant en place une pédagogie et un environnement plus favorables (par exemple, donner des aide-mémoire, favo­ riser l’attention, inhiber l’impulsivité, les persévérations, les diffluences 8…) ; ––en réfléchissant en équipe pluridisciplinaire à un parcours de scolarisation qui tienne compte du profil cognitif spécifique de l’élève, s’appuyant sur ses points forts. QUAND ? Le diagnostic devrait être posé tôt (GS, CP). Il permettrait de proposer des méthodes ciblées, plus adaptées, facilitantes, avant l’entrée dans les apprentissages. À partir du CE, il convient de mesurer la rentabilité des outils de l’enfant en tenant compte des exigences scolaires à venir. Au-delà (à partir du CM), il faut s’adapter à l’enfant, lui donner des outils qui permettent de contourner les siens défaillants.

Dans les cas difficiles (dys graves, multidys, déficience associée, troubles psychologiques ou psychiatriques graves), le pronostic scolaire est plus réservé. On mesure combien « entrer dans le statut d’élève » peut en soi s’avérer délicat. Dans ces situations difficiles, avant même la réussite dans les apprentissages, la priorité dans la problématique de l’enfant est l’évaluation de sa souffrance toujours présente, l’évolution de sa personnalité, parfois une socialisation qui se dégrade. La scolarisation en milieu ordinaire reste souvent le souhait de l’entourage. Or, le cursus en école ordinaire peut 7 8

La langue des signes française (LSF) est une langue visuelle utilisée par les sourds et muets français.    La persévération est la répétition incontrôlable d’une réponse particulière, un mot, une phrase, un geste, malgré l’absence ou l’arrêt d’un stimulus. La diffluence est un trouble du cours de la pensée et du discours, caractérisé par des idées apparaissant de manière désordonnée.

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s’avérer douloureux pour l’enfant. Il peut en souffrir gravement. Cette souffrance peut passer inaperçue ou être niée 9. Une orientation vers une classe spécialisée, bien préparée, c’est-à-dire explicitée, peut permettre à l’enfant de retrouver le plaisir sur le chemin de l’école, de s’épanouir dans une classe à effectif réduit, avec des pairs présentant eux aussi des difficultés, sous le regard bienveillant d’un enseignant spécialisé. Certains établissements médico-sociaux peuvent représenter une alternative crédible si les difficultés sont massives et plurielles, particulièrement à l’heure de la préprofessionnalisation. Lorsque la réussite scolaire en cursus ordinaire n’est plus envisageable, il conviendrait pour le moins de penser à préparer l’avenir autrement. D’autres voies sont possibles. Est-ce un projet réaliste que de poursuivre une scolarité restée au stade des tout premiers apprentissages et les rééducations qui vont avec ; que de demander un ordinateur « remède miracle », un AVS, pour un grand gaillard de 14 ans en classe de 6e et en échec scolaire depuis le CP ? Comment s’étonner que notre ado n’adhère plus au projet d’entrée dans la lecture et la numération, le même depuis des années ? Quel adulte accepterait cela ? Demander une reconsidération de sa situation grâce à un diagnostic dys (sans tenir compte bien souvent d’un niveau intellectuel normal faible) va-t-il changer le pronostic ? Et aboutir à une solution pour l’avenir ? En raison de la pression sociétale de réussite professionnelle passant forcément par la réussite scolaire, ce refus de penser autrement l’avenir est inévitablement vécu comme un renoncement si ce travail sur l’avenir n’est pas bien préparé et bien accompagné. Au renoncement il faut préférer le pragmatisme, car les élèves en échec scolaire, donc en souffrance (bruyante ou muette), payent le prix fort face à ce jusqu’au-boutisme des parents et de l’institution 9

Écoutez ce qu’en disent Marcel Rufo et Nicole Catheline dans ce petit film : http://www.youtube.com/ watch?v=Bwq6N1K3tMY&feature=player_embedded

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scolaire, relayé par nombre de soignants ! C’est au contraire une chance d’oser un jour penser autrement l’avenir. Cela, certains instituts médico-éducatifs et beaucoup d’enseignants d’ULIS (Unités localisées pour l’inclusion scolaire, ex-UPI) l’ont compris et l’intègrent à leurs pratiques. En résumé, pour pouvoir changer la donne, les situations de dys engagent le double pari de la reconnaissance précoce et de l’adaptation rapide à l’élève singulier. Repérer les situations de double tâche, mesurer la rentabilité des « outils » de l’élève, accepter les aides et adaptations, recourir aux contournements, accompagner les élèves dans la réussite mais savoir aussi envisager l’avenir en termes de limites-pronostics donc de parcours-orientation, voilà les conséquences communes à toutes les dys. L’enseignant est en première ligne. Il est le seul à pouvoir alerter, il est le seul à pouvoir adapter. Pour s’ajuster sans crainte de mal faire, l’enseignant doit pouvoir comprendre ce qui ne se passe pas bien dans la boîte à outils intellectuelle des enfants dys. […]

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FAU T- I L E N C O R E REDOUBLER ? CONFÉRENCE DE CONSENSUS A r t hu r He i m, C la ire S t e i nm etz , A nd ré Trico t

Extrait [p. 75 à 80]

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Les 27 et 28 janvier 2015 s’est tenue une conférence de consensus intitulée : « Lutter contre les difficultés scolaires : le redoublement et ses alternatives ». L’ouvrage qui en est issu présente une synthèse des travaux réalisés à cette occasion : – évolution du redoublement en France et à l’étranger ; – analyse des caractéristiques des redoublants et de la réglementation ; – effets du redoublement sur les performances des élèves à court, moyen et long termes ; – coût du redoublement. Quelles seraient les alternatives efficaces pour améliorer la prise en compte de la difficulté scolaire et l’orientation en fin de collège/début de lycée ? Retrouvez cet ouvrage sur reseau-canope.fr

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LES REPRÉSENT A T I O N S DU R E D O U B L E M E NT

Le redoublement n’est pas universellement répandu et pratiqué de la même façon. Cependant, ses partisans et détracteurs invoquent fréquemment les mêmes qualités et objections. Meuret 1 recense ainsi quatre arguments favorables et cinq arguments contre. Parmi les arguments pour, on dit que : ––les élèves ne sont pas capables de suivre dans la classe supérieure par manque de connaissances ; ––les élèves n’ont pas la maturité nécessaire ; ––le redoublement joue un rôle incitatif en pesant comme une épée de Damoclès sur le parcours scolaire ; ––le redoublement permet d’homogénéiser la composition des classes.

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Denis Meuret, « Le redoublement est-il efficace ? Les réponses de la recherche en éducation », intervention à l’IUFM de Cergy-Pontoise, 16 janvier 2002.

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À ces arguments, on oppose généralement que : ––le redoublement affecte négativement l’image de soi et donc la motivation ; ––les élèves revoient inutilement des connaissances déjà acquises ; ––recommencer quelque chose qui a échoué ne garantit pas sa réussite ; ––le redoublement n’est pas équitable et nuit à l’égalité des chances (à niveau égal, les enfants de pauvres reçoivent de plus basses notes, redoublent plus souvent, ce qui les stigmatise et nuit à leur orientation) ; ––les décisions de redoublement sont prises en fonction du niveau moyen de la classe et sont donc entachées d’arbitraire. Ce chapitre décrit ce que les parties prenantes (enseignants, parents, chefs d’établissement…) attendent du redoublement et comment sont construites leurs croyances. En particulier, nous distinguerons les croyances relatives aux rôles du redoublement dans l’efficacité pédagogique d’autres fonctions qualifiées de latentes.

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Si le redoublement est pratiqué, c’est qu’il existe une forme d’accord social quant à ET AT TITUDES son utilité, où enseignants et parents se DES retrouvent pour estimer que « le redouENSEIGNANTS blement est un instrument incontournable ET DES de l’acte éducatif 2 ». Le récent sondage FAMILLES de OpinionWay 3 (2012) révèle ainsi que 70 % des parents et 64 % des enseignants interrogés 4 sont d’accord avec la phrase : « Le redoublement permet réellement à l’élève de rattraper son retard et d’être mieux préparé pour les classes supérieures. » Les enseignants du privé sont même 80 % à être en accord avec cette assertion. Le redoublement est ainsi largement soutenu par ces deux catégories d’acteurs, qui sont par ailleurs 62 % à penser que le redoublement est « une bonne chose pour les élèves ». De façon assez symétrique, 42 % des enseignants et 43 % des parents pensent que « le redoublement n’aide pas vraiment un élève en difficulté qui continuera à rencontrer les mêmes difficultés » et respectivement 26 % et 41 % estiment qu’il « est mauvais pour l’élève qui se retrouve avec des enfants plus jeunes et a déjà étudié le programme ». Les parents sont toutefois une large majorité à penser que le redoublement pourrait « être remplacé par d’autres mesures plus efficaces et mieux adaptées, telles que l’accompagnement personnalisé pour les enfants en difficulté » (77 %). Les enseignants ne sont que 56 % à être d’accord avec cette assertion. Le redoublement est donc majoritairement perçu comme une bonne LES OPINIONS

Jean-Jacques Paul et Thierry Troncin, « Les apports de la recherche sur l’impact du redoublement comme moyen de traiter les difficultés scolaires au cours de la scolarité obligatoire », rapport n° 14, Haut Conseil de l’évaluation de l’école, 2004. 3    Sondage OpinionWay novembre 2012, « Le redoublement à l’école, quels ressentis des enseignants et des parents ? », 13 juin 2014. En ligne : www.opinion-way.com, rubriques Expertise, Études publiées. 4    Sondage réalisé sur 613 parents et 1 100 enseignants selon la méthode des quotas. 2

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chose, mais il est remplaçable par quelque chose de plus efficace, notamment par l’accompagnement personnalisé. L’adhésion des parents au redoublement se ferait donc « faute de mieux ». Dans la littérature scientifique, le point de vue des parents est peu étudié contrairement à celui des enseignants. Paul et Troncin citent cependant plusieurs études anciennes et étrangères qui révèlent une adhésion massive au redoublement. Les recherches de Troncin 5 montrent que très peu de parents sont prêts à s’opposer au redoublement de leur enfant en CP, ce que l’auteur interprète comme un signe de confiance des parents envers les enseignants à ce niveau scolaire. Cependant, les auteurs notent que les familles dites « favorisées » sont nettement moins disposées à accepter d’emblée la décision de redoublement, ce qui peut indiquer un plus grand scepticisme à l’égard du redoublement. En particulier, de nombreux redoublements sont aujourd’hui contestés par les parents au primaire, d’après les panels qualitatifs organisés par le Cnesco et dont les résultats devront être confortés. Les résultats du sondage d’OpinionWay sont en adéquation avec la littérature scientifique traitant des opinions des enseignants sur le redoublement 6. Les études plus anciennes que recensent Paul et Troncin montrent également, et sans ambiguïté, que les enseignants voient dans le redoublement une mesure nécessaire dont les effets positifs surpassent les effets négatifs. La plupart 5

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Thierry Troncin, « Le redoublement : radiographie d’une décision à la recherche de sa légitimité », université de Bourgogne, UFR sciences humaines, 2005.    Hugues Draelants, « Le redoublement est moins un problème qu’une solution : comprendre l’attachement social au redoublement en Belgique francophone », Les Cahiers de recherche en éducation et formation, vol. 52, 2006, p. 1-25 ; Marcel Crahay, Peut-on lutter contre l’échec scolaire ?, Bruxelles, De Boeck, 2007 ; Fanny Boraita et Géry Marcoux, « Adaptation et validation d’échelles concernant les croyances des futurs enseignants et leurs connaissances des recherches à propos du redoublement », Mesure et Évaluation en éducation, vol. 36, n° 1, 2013, p. 49-81 ; Bret G. Range, Debra Yonke, Davenport Ann et Suzanne Young, « Preservice Teacher Beliefs about Retention: How Do They Know What They Don’t Know? », Journal of Research in Education, vol. 21, 2011, p. 77-99 ; Sarah Elizabeth Terry, « Teachers’ Reliefs towards Grade Retention in a Rural Elementary School », 2011. En ligne : http://mds. marshall.edu, rubrique Theses, Dissertations and Capstones (Paper 284) ; Julius L. Wynn, « A Study of Selected Teachers’ Perceptions of Grade Retention in a Florida School District », 2010. En ligne: http://­ scholarcommons.usf.edu, rubrique Graduate Theses and Dissertations.

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de ces études suscitent une forme de surprise, voire d’exaspération des chercheurs 7, qui se manifeste très bien dans le titre de l’article de Marcoux et Crahay 8 : « Mais pourquoi continuent-ils à faire redoubler ? » Pourtant, les enseignants ont de bonnes raisons de croire aux vertus du redoublement 9, notamment parce que « dans la plupart des cas, l’élève redoublant sera un peu meilleur durant son année de redoublement » (Draelants, 2006). Le jugement de l’efficacité pédagogique apparaît alors comme un mélange de bon sens et d’observation qui est très différent de l’approche des chercheurs sur la question. Ces derniers s’interrogent sur ce qui se serait passé pour l’élève redoublant s’il avait été promu. La comparaison ne se fonde pas sur les performances la première et la seconde année, mais sur deux élèves théoriques dont l’un a redoublé et l’autre a été promu. Les opinions et attitudes des enseignants s’appuient sur plusieurs conceptions des effets attendus du redoublement. À partir d’entretiens menés auprès de 41 enseignants dans le canton de Genève, Marcoux et Crahay identifient une vision séquentielle des apprentissages qui implique qu’un élève ne maîtrisant pas l’une des étapes de cette séquence n’est plus en mesure d’acquérir des compétences aussi robustes. Dès lors, le redoublement apparaît comme une solution adaptée pour solidifier les bases. À cette conception se joint parfois une vision « maturationniste » du développement : « L’enseignant arguera alors que la répétition d’une année donne le temps à la maturation de faire son œuvre et que l’élève, retardé d’une année, abordera les apprentissages,    Hugues Draelants, « Les fonctions latentes du redoublement », Éducation et Sociétés, vol. 21, 2008, p. 163-180.    Géry Marcoux et Marcel Crahay, « Mais pourquoi continuent-ils à faire redoubler ? Essai de compréhension du jugement des enseignants concernant le redoublement », Revue suisse des sciences de l’éducation, vol. 30, 2008, p. 501-518. 9    Nailing Xia et Elizabeth Glennie, « Grade Retention: The Gap between Research and Practice », Policy brief, Center for Child and Family Policy, 2005. 7

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objets de difficultés ou de blocages, avec des capacités cognitives améliorées 10 ». « Une année supplémentaire leur permettra de mûrir et de mieux se préparer à affronter les difficultés de leur scolarité future 11. » Cette croyance dans l’efficacité du redoublement fonctionne par ailleurs comme un système de référence, protégé par un ensemble d’arguments protecteurs où les causes sont extérieures à l’école (l’élève n’a pas consenti les efforts attendus ; il n’a pas reçu le soutien de ses parents). Il n’est jamais question pour les enseignants d’interroger fondamentalement la pertinence de cette pratique mais davantage l’opportunité de la mettre en œuvre. La question de ce qui se serait passé pour un redoublant s’il avait été promu n’est quasiment jamais soulevée. Dans la prise de décision concernant le redoublement ou la promotion d’un élève, les résultats scolaires sont, en apparence, importants. Cependant, Marcoux et Crahay montrent qu’ils ne sont pas les principaux déterminants mais qu’ils jouent davantage un rôle stratégique ou communicationnel à l’égard des élèves et des parents. En effet, animés par la conviction que le redoublement a des bienfaits potentiels, les enseignants débutent leurs processus de décision par un « jugement sur l’état psychologique des élèves en difficulté 12 ». Les résultats scolaires jouent alors le rôle d’éléments de validation de ce jugement. Ce dernier est, par ailleurs, fondé sur une vision normative de ce que seraient le « métier d’élève » et la « famille idéale » (ou « normale »). Les enseignants positionnent alors l’élève sur cette échelle et adoptent un jugement dans lequel la distance à la norme joue un rôle de compensation ou, à l’opposé, de cumulation. « Des enseignants se prononceront pour la réussite d’un élève accumulant les défaillances, mais dont la famille fait preuve d’un    Géry Marcoux et Marcel Crahay, article cité, p. 512.    Paul et Troncin, article cité, p. 29.    Géry Marcoux et Marcel Crahay, article cité, p. 513.

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potentiel de ressources éducatives importantes. À l’inverse, ils décideront du redoublement d’un élève moyennement faible, mais dont ils estiment que la famille ne pourra supporter ses efforts dans le futur 13. » Le point de vue des chefs d’établissement, bien qu’ayant un rôle fondamental dans la pratique du redoublement, est très peu étudié dans la littérature. À notre connaissance, il n’y a pas d’article francophone s’y intéressant. Quelques articles existent toutefois aux États-Unis 14 qui montrent que les principaux et directeurs d’écoles semblent attachés au redoublement, car cette pratique apparaît bénéfique du point de vue cognitif et moral.

Au-delà de l’attachement des enseignants au redoublement tel que nous venons de L ATENTES DU le décrire dans ce chapitre, Draelants REDOUBLEMENT (2006, 2008) a mis en exergue d’autres rôles qui expliquent l’attachement des professeurs à cette pratique, mais également celui des parents et des chefs d’établissement. Une première fonction déjà évoquée est celle du rôle incitatif du redoublement sur le travail. Certains voient dans le redoublement une menace exhortant les élèves à augmenter leurs efforts pour ne pas redoubler. C’est ce qu’a notamment voulu tester Koppensteiner 15 en évaluant l’effet de l’interdiction LES FONCTIONS

Ibid., p. 514.­    Jill S. Cannon et Stephen Lipscomb, Early Grade Retention and Student Success: Evidence from Los ­Angeles, San Francisco, Public Policy Institute of California, 2011 ; Bret G. Range, Debra Yonke, Davenport Ann et Suzanne Young, article cité. 15    Martin Foureaux Koppensteiner, « Automatic Grade Promotion and Student Performance: Evidence from Brazil », Journal of Development Economics, vol. 107, 2014, p. 277-290. 13 14

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du redoublement au Brésil. Puisque les régions n’ont pas mis en œuvre cette réforme au même moment, la comparaison des États étant passés à la promotion automatique avant les autres peut fournir une source de comparaison intéressante. L’auteur obtient un effet négatif sur les performances des élèves et conclut que le redoublement jouait bien un rôle d’incitation à l’effort. Draelants (2008) constate également en Belgique que « sans redoublement, les notes perdent beaucoup de leur pouvoir régulateur ». Cet argument est certainement celui qui revient le plus, car il s’intègre dans une conception méritocratique de l’école 16 qui valorise ceux qui travaillent le plus en leur accordant la promotion. Cependant, pour Gary-Bobo et Robin (2014), si le rôle de menace du redoublement est présent, sa portée est assez faible, car il existe d’autres sanctions ou incitations potentielles beaucoup plus fortes, notamment l’orientation, l’expulsion et même, pourquoi pas, des incitations monétaires 17. Par ailleurs, le redoublement peut apparaître comme un moyen de gérer l’hétérogénéité au sein des classes et des établissements. Cet argument repose sur l’idée que l’élève redoublant est moins en difficulté parmi les élèves plus jeunes qui découvrent le programme. Ainsi, le redoublement contribue à homogénéiser la composition des classes. L’interdiction du redoublement en Belgique en 2001 a ainsi compliqué le travail des enseignants pour qui la gestion de l’hétérogénéité est la principale difficulté (Draelants, 2008). Ainsi, l’attachement au redoublement peut aussi refléter un certain attachement à des conditions de travail perçues comme se dégradant.

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François Dubet, « Pourquoi ne croit-on pas les sociologues ? », Éducation et Sociétés, vol. 9, 2002, p. 13-25.    Des programmes proposent des incitations monétaires à la réussite scolaire et ont des effets contrastés sur les performances (Edwin Leuven, Hessel Oosterbeek et Bas van der Klaauw, « The Effect of Financial Rewards on Students’ Achievement: Evidence from a Randomized Experiment », Journal of the European Economic Association, vol. 8, 2010, p. 1243-1265).

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Mais il n’est pas certain que l’homogénéité des classes soit plus désirable. Les revues de littérature de Dupriez et Draelants 18 et de Fortin et al. 19 montrent que, de façon générale, les élèves faibles peuvent être pénalisés par des classes homogènes alors que les élèves performants en profitent. En outre, le redoublement joue un rôle de signal envoyé par l’enseignant à ses pairs et par l’établissement aux autres établissements, aux enseignants et aux parents. En effet, Gary-Bobo et Robin (2014) expliquent que les enseignants peuvent être favorables au redoublement par peur d’être jugés laxistes par leurs pairs. En ayant laissé passer un élève trop faible dans le niveau supérieur dont un collègue est en charge, l’enseignant s’expose aux critiques, place l’autre enseignant dans une situation délicate et apparaît complaisant avec les élèves en difficulté. Citons Crahay (2007) : « Au moment de décider de la réussite ou de l’échec des élèves, l’enseignant est confronté à un dilemme [...] : faire échouer un élève dont le niveau de performance est à la limite de ce qu’il croit devoir exiger, c’est courir le risque d’interrompre inutilement la scolarité d’un élève, mais cette erreur possible [...], il est fort peu probable qu’on la lui reproche. En revanche, laisser réussir ce même élève, c’est prendre le risque qu’il se montre incapable de suivre l’enseignement du collègue de la classe supérieure ; et là, la probabilité des reproches venant de collègues est bien plus élevée. » La décision du redoublement semble donc intervenir dans la construction de la réputation d’un enseignant. Peut-être s’agit-il également d’une réaction d’empathie comme le souligne Pini 20.    Vincent Dupriez et Hughes Draelants, « Classes homogènes versus classes hétérogènes : les apports de la recherche à l’analyse de la problématique », Revue française de pédagogie, vol. 148, 2004, p. 145165. 19    Laurier Fortin, Mélanie Filiault, Amélie Plante et Marie-France Bradley, « Recension des écrits sur le regroupement homogène ou hétérogène des élèves », chaire de recherche de la commission scolaire de la région de Sherbrooke sur la réussite et la persévérance scolaire, 2011. 20    Gianreto Pini, « Effets et méfaits du discours pédagogique : échec scolaire et redoublements vus par les enseignants », Éducation et Recherche, vol. 3, 1991, p. 255-272. 18

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Plusieurs études, notamment celle de Hutmacher 21, mettent en évidence que lorsque l’enseignant « monte avec sa classe » (et donc ne « transmet » pas ses élèves à un collègue), les taux de redoublement sont significativement inférieurs, voire quasi nuls. Une interprétation possible de ce résultat est l’utilisation du redoublement comme signal envoyé par l’enseignant à ses pairs. Ce n’est toutefois pas la seule (voir Jimerson et al. 22). Le redoublement peut également être utilisé par le chef d’établissement pour signaler aux autres établissements, aux parents et aux élèves, à quel point il est exigeant. Dans un contexte où l’établissement est en concurrence dans un environnement institutionnel de quasi-marché (Draelants, 2008), un fort taux de redoublement permet d’exclure, sans le dire, des élèves d’un niveau insuffisant, car ces derniers iront s’inscrire ailleurs afin d’éviter de redoubler. Cette configuration stratégique peut s’apparenter à une situation de discrimination tarifaire similaire aux modèles de microéconomie des oligopoles. En faisant peser un coût aux élèves et aux parents, l’établissement renforce le phénomène de stratification des élèves par niveaux 23 et par milieu social d’origine 24. En l’absence d’incitation à traiter les élèves en difficulté et sans mesure crédible de la valeur ajoutée de l’établissement, « un directeur d’école ou un proviseur préférera typiquement essayer tout à la fois d’embourgeoiser son recrutement et de trier les meilleurs parmi les enfants des classes favorisées » (Gary-Bobo et Robin). Ce faisant, il signale également au public qu’il ne transige pas avec le niveau des élèves. Les parents privilégiant une stratégie élitiste seront sensibles à    Walo Hutmacher, « Quand la réalité résiste à la lutte contre l’échec scolaire : analyse du redoublement dans l’enseignement primaire genevois », Service de la recherche sociologique, vol. 36, 1993.    Shane R. Jimerson, Sarah M. W. Pletcher, Kelly Graydon et al., « Beyond Grade Retention and Social Promotion: Promoting the Social and Academic Competence of Students », Psychology in the Schools, vol. 43, n° 1, 2006, p. 85-97. 23    Plus un élève est faible, plus il lui est coûteux d’être dans cet établissement puisque ses risques de redoubler sont plus forts. 24    W. Bentley MacLeod et Miguel Urquiola, « Anti-Lemons: School Reputation, Relative Diversity, and Educational Quality », IZA Discussion Papers, n° 6805, Institute for the Study of Labor, 2012. 21

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cette hiérarchie d’excellence. S’ils jugent un établissement non sur sa capacité à faire réussir un plus grand nombre mais sur sa sélectivité, le redoublement leur apparaît comme un signal crédible de performance de l’établissement. Cette vision élitiste n’est pas propre aux parents. Draelants (2008) montre que cette représentation se retrouve également chez les enseignants : « Statistiquement, on observe une association significative entre la perception par les enseignants de la réputation de leur établissement et son degré de sélectivité par rapport à la réussite des élèves. [...] Cela aboutit à perpétuer une situation paradoxale : pour prouver leur qualité et se placer avantageusement sur le marché éducatif, enseignants et écoles sont encouragés à produire des échecs scolaires. » Enfin, le redoublement confère à l’enseignant une influence forte sur le parcours scolaire des élèves auxquels il est attaché. L’estime de certains enseignants pour le redoublement peut alors apparaître comme la revendication par un groupe professionnel de son autonomie et de son influence. « Le redoublement est un des instruments de la sélection méritocratique qui, elle-même, symbolise un certain pouvoir enseignant » (Draelants, 2008). En somme, les enseignants, les parents et les chefs d’établissement semblent d’abord attachés au redoublement parce qu’ils croient en son efficacité pédagogique. Du point de vue des enseignants en particulier, un élève qui redouble a, en général, de meilleurs résultats l’année suivante, ce qui conforte cette croyance. Le redoublement s’inscrit par ailleurs dans un système de valeurs méritocratiques dans lequel il joue un rôle structurant. Enfin, il a plusieurs fonctions latentes qui expliquent également l’attachement des parties prenantes à cette institution de l’école.

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L’évolution des opinions et attitudes des enseignants est un sujet de recherche très SANCE DE dynamique, notamment dans la littéraLA RECHERCHE ture francophone avec les travaux de SUR LE l’équipe du centre de recherche « Dévelop­ REDOUBLEMENT pement, apprentissage et intervention en situation scolaire » à l’université de Genève. Cette équipe a réalisé plusieurs études très enrichissantes sur l’émergence des croyances chez les enseignants et futurs enseignants. Crahay et al. 25 font une synthèse de cette littérature. D’abord, ils mettent au jour un lien important entre les croyances à propos du redoublement et la connaissance des recherches sur ses effets. Ensuite, ils constatent que les conceptions psychopédagogiques des enseignants affectent peu ces croyances. Hausoul 26 a suivi des enseignants qui ont bénéficié d’une formation intensive visant à les sensibiliser aux effets potentiellement négatifs du redoublement lors de leur dernière année de formation initiale. L’auteur constate alors que « ceux dont les conceptions en matière de redoublement avaient évolué à la suite de cette formation persistent à douter de l’efficacité de cette pratique pédagogique. Toutefois, ils déclarent autant de décisions effectives de redoublement que leurs condisciples de formation qui ne s’étaient pas laissé convaincre et qui, eux-mêmes, présentent des taux d’échec conformes à la norme particulièrement élevée en Communauté française de Belgique. Bref, si l’action de formation semble avoir eu un effet persistant LA MÉCONNAIS-

Marcel Crahay, Philippe Wanlin, Élisabeth Issaieva et Isabelle Laduron, « Fonctions, structuration et évolution des croyances (et connaissances) des enseignants », Revue française de pédagogie, vol. 172, 2010, p. 85-129. 26    Emmanuelle Hausoul, « Quels sont les effets de l’insertion professionnelle des enseignants sur leurs représentations sociales et, plus précisément, sur leur représentation de l’échec scolaire ? », université de Liège, 2005. 25

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sur les conceptions de certains enseignants en matière de redoublement, celle-ci ne leur a pas donné les armes pour résister à la loi du milieu 27 ». Terry (2011) a interrogé des enseignants de l’État de l’Ohio sur leurs croyances concernant le redoublement puis leur a présenté les résultats de la recherche et administré un second questionnaire. Les résultats qualitatifs montrent que les enseignants ne se sont pas laissé convaincre par les résultats de la recherche et continuent de considérer que le redoublement est bénéfique aux élèves. La construction de cette croyance est fondée sur leur expérience personnelle et celle des élèves avec lesquels ils ont travaillé dans le passé. Ces résultats sont cohérents avec les résultats de Marcoux et Crahay (2008). Crahay et Ory 28 ont mesuré l’évolution des croyances à propos du redoublement de futurs professeurs de six écoles de formation des enseignants en Belgique. Les informations recueillies indiquent que les étudiants de première année se déclarent clairement en faveur du redoublement, tout particulièrement en tout début de formation, alors que l’avis de leurs condisciples de deuxième et de dernière année est, en moyenne, plus mitigé. Range et al. (2011) obtiennent des résultats tout à fait similaires dans deux universités américaines formant des futurs enseignants. Toutefois, Crahay et Ory observent que l’évolution du positionnement général à l’égard du redoublement ne repose ni sur un développement des conceptions quant aux effets spécifiques (scolaires, cognitifs, affectifs et sociaux) du redoublement, ni sur une transformation de leurs croyances quant aux causes des échecs scolaires : « En fin de formation comme en début, les futurs enseignants incriminent les élèves (leur manque d’effort, leur maturité ou encore leurs 27 28

Marcel Crahay, Philippe Wanlin, Élisabeth Issaieva et Isabelle Laduron, article cité, p. 104.    Marcel Crahay et Patrick Ory, « Les représentations des normaliens en matière de redoublement évoluent-elles au cours de leur formation à l’école normale ? », Communication présentée au 4e Congrès des chercheurs en éducation, Bruxelles, 2006.

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faibles aptitudes) ainsi que leurs familles et rechignent à mettre en cause l’enseignement reçu ou même le fonctionnement général de l’école. De plus, ils persistent à nier le poids de l’influence de l’origine socioculturelle des élèves dans la fabrication des échecs scolaires. » In fine, ils concluent qu’« il n’y a pas eu de transformation en profondeur des croyances de la plupart des enseignants en formation ». Les quelques études auxquelles nous avons fait référence sont assez négatives quant à la possibilité de faire évoluer les croyances des enseignants en matière de redoublement. Cependant, Crahay et Boraita 29 expliquent que la plupart des études sur la question souffrent de problèmes méthodologiques importants, et particulièrement celui de la validité psychométrique des questionnaires qui n’est que rarement testée. Ce qui est capturé par les questions n’est donc pas nécessairement le reflet réel des croyances des enseignants. Dans leur récente contribution, Boraita et Marcoux (2013) ont adapté des questionnaires existants, mesuré leur validité psychométrique et construit deux échelles de mesure : l’une concernant les croyances sur le redoublement et l’autre concernant les connaissances de la recherche. Par ailleurs, les études recensées dans la seconde partie de Crahay et Boraita ouvrent des pistes nombreuses qui restent à explorer. En particulier, il convient de définir précisément les critères permettant d’identifier ce qu’est une évolution ou un changement positif de croyances.

29

Marcel Crahay et Fanny Boraita, « Les croyances des futurs enseignants : est-il possible de les faire évoluer en cours de formation initiale et, si oui, comment ? », Revue française de pédagogie, vol. 183, 2013, p. 99-158.

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L’ É VA L U A T I O N E T S E S P R AT I Q U E S S o u s la d ire ct ion d e M a rc B r u e t B r i g it t e M a rin

Extrait [p. 66 à 77]

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Considérer que l’évaluation fait partie intégrante de l’apprentissage permet d’analyser les processus que l’élève mobilise ou non et de comprendre sa démarche, voire de mieux concevoir l’aide à lui apporter, à condition de disposer de modalités d’évaluations ciblées, pertinentes et valides. Cet ouvrage rassemble les débats qui ont eu lieu lors de la conférence de consensus consacrée à la thématique de l’évaluation. Retrouvez cet ouvrage sur reseau-canope.fr

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« S’ils ont de trop bonnes notes, ils vont arrêter de travailler » ; « Quoi qu’on fasse, « C U LT U R E il y aura toujours à peu près 1/3 de bons, COMMUNE » 1/3 de moyens et 1/3 de faibles », « Il a DE progressé : sa note est passée de 9,76 à L’ É VA L U AT I O N 9,98 ! » ; « Moi, je mets des notes justes, car ma grille de critères est très précise et travaillée. » « Selon votre pratique personnelle et votre réflexion, situez-vous par rapport aux différentes phrases en opposition ou en adhésion et justifiez ensuite vos réponses dans la discussion. » Voici en quelques mots comment débutent les séances que j’anime depuis six ans à l’IUFM de Paris et qui sont consacrées à l’évaluation. Ces séances « transversales », c’est-à-dire proposées à tous les enseignants stagiaires (du secondaire) commencent par un Q-sort comprenant une dizaine de phrases. Il s’agit « à froid » pour les enseignants stagiaires de réagir par rapport à ces phrases toutes faites que l’on peut entendre en salle des professeurs et dans les discours tenus par les collègues. Certaines renvoient à une conception « traditionnelle » de l’évaluation, d’autres pourraient être plutôt prononcées par des enseignants supposés innovants. En fait, il s’agit avant tout de travailler sur les représentations que nous avons tous de l’évaluation. Des représentations forgées dès l’enfance et sa propre expérience d’élève et qui se sont renforcées ou ont évolué avec les premières expériences d’une pratique d’enseignement. Après un temps relativement bref de passation du questionnaire, la discussion est lancée sur chacune des phrases et donne lieu à des échanges nourris et d’une grande richesse. Dès le départ, il est précisé qu’il ne s’agit pas de juger les réponses en conformité avec une quelconque doxa pédagogique, mais bien de permettre de POUR UNE

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développer une argumentation propre et une réflexion dans une discussion (une « dispute »…) entre collègues. Ma position en tant que formateur durant ce premier temps est avant tout de distribuer la parole, mais aussi de mettre en perspective les réflexions des uns et des autres et de les relier à quelques concepts que nous verrons plus précisément ensuite dans une deuxième phase de la séance. Durant toutes ces années, j’ai été frappé par quelques constantes. D’abord, l’intensité des discussions : les questions liées à l’évaluation prennent une place importante dans le vécu des nouveaux enseignants. Certains disent avoir mis de très nombreuses heures à préparer, puis à corriger leurs premières copies, tant les problèmes qu’ils se posaient étaient nombreux et semblaient insolubles. En parler est un élément important de la construction professionnelle. Ensuite, il faut noter la satisfaction des stagiaires de pouvoir s’exprimer en tant que « collègues », sans avoir le sentiment d’être jugés sur la conformité à une doxa pédagogique. Le travail sur les représentations permet d’éviter ce biais fréquent dans la formation des enseignants et libère la parole en la raccrochant au vécu (en tant qu’ancien élève et nouvel enseignant). Selon la jolie formule d’André Giordan : avec les représentations, il s’agit de « faire avec pour aller contre ». C’est souvent une condition pour un réel apprentissage. Partir de ces représentations est donc un préalable qui permet d’engager la discussion, mais cela n’est évidemment pas suffisant. Il faut ensuite faire un certain nombre d’apports de connaissances sur ce thème de l’évaluation. En effet, après ce premier temps de débat et de réactions, la séance se poursuit avec un exposé plus classique développant des connaissances sociologiques, historiques, institutionnelles et bien sûr dans le champ de la docimologie.

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L’ É VA L U AT I O N , V U E PA R LES PARENTS, LES ÉLÈVES, LES ENSEIGNANTS…

Les représentations et l’opinion sur l’évaluation varient selon les acteurs sociaux (parents, élèves, enseignants). On peut s’appuyer pour dire cela sur un certain nombre de sondages et d’enquêtes réalisés au cours des dernières années. Dans un sondage paru dans La Croix en 2004, on relevait que la question de l’évaluation (« Quelle note as-tu eue aujourd’hui ? ») était très souvent la première question posée aux enfants et que les notes obtenues influençaient fortement l’attitude des parents à l’égard de leurs enfants (punitions, récompenses). L’étude de ces sondages permet aussi de voir une évolution de l’opinion publique à l’égard de l’évaluation. Si les parents et l’opinion publique en général semblent rester attachés à la note chiffrée, car celle-ci est considérée, à tort ou à raison, comme « lisible » et rigoureuse, on remarque aussi que l’opinion évolue et qu’en particulier pour le primaire, on apprécie des modes d’évaluation alternatifs et le desserrement de la pression évaluative. Le sondage lancé à l’occasion de l’appel de l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville) pour la suppression des notes à l’école montre une nette évolution en ce sens. Il est évidemment difficile d’avoir des enquêtes sur les opinions des premiers intéressés, c’est-à-dire les élèves eux-mêmes. On ne peut se fonder que sur des témoignages à prendre avec précaution. Toutefois, on remarque des constantes que Pierre Merle, dans L’Élève humilié (2005) où il interroge de jeunes adultes sur les situations d’humiliation vécues à l’école, met bien en évidence. L’expérience de l’évaluation est un moment fort pour de très nombreux élèves et renvoie à des situations qui remettent en question l’estime de soi, la motivation et conduisent même dans certains cas à des situations d’humiliation.

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En ce qui concerne les enseignants, on dispose de nombreux éléments d’enquête. Les pratiques d’évaluation ont été étudiées à plusieurs reprises et notamment « Les pratiques d’évaluation des enseignants au collège » (MEN, 2004). Cette étude offre l’avantage de s’appuyer sur un travail important d’enquête statistique auprès de 3 561 enseignants dans 597 collèges. Elle fait apparaître un relatif consensus sur les fonctions de l’évaluation. Lorsque l’on demande aux enseignants de donner trois réponses à ce sujet, celles qui arrivent en tête sont : ––mesurer les acquis des élèves (95 % des réponses parmi trois réponses possibles) ; ––s’assurer que les objectifs ont été atteints (90,7 %) ; ––fournir une note (41,4 %). On notera que l’expression « fournir une note » illustre bien le poids de la demande institutionnelle dans les pratiques d’évaluation. L’étude prouve aussi que celles-ci restent assez largement solitaires (90 % des enseignants interrogés déclarent élaborer seuls leurs évaluations). Toutefois, l’enquête, réalisée quelques années plus tard, montre une évolution dans ce domaine. En effet, une enquête réalisée en 2008 auprès de 1 200 enseignants et parue dans Les dossiers évaluations et statistiques (MEN) d’octobre 2009 sous le titre « Enseigner en collège et lycée en 2008 » montre que les enseignants interrogés sont 51 % à travailler « souvent » ou « occasionnellement » avec des collègues pour produire des documents d’évaluation et 4 % pour l’harmonisation des corrections. Mais surtout, ce qui est notable dans toutes ces études, c’est la part considérable que l’évaluation occupe dans le temps de travail des enseignants. On estime en effet que c’est entre un quart et un tiers du temps de l’enseignant de collège et de lycée. Et la question que cela devrait susciter est : pour quelle efficacité ? Les enseignants débutants perçoivent très vite ce travers du système qu’est l’évaluationnite : on évalue… parce qu’il faut évaluer ; on

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« fournit des notes » parce que le système éducatif, les parents (les élèves ?) en réclament. Mais les pratiques d’évaluation sont peu satisfaisantes au regard des enjeux. « Imaginez un restaurant gastronomique réputé dont les clients exigeraient d’être informés en continu de la manière dont progresse la préparation du plat qu’ils ont commandé. Du coup, la moitié du temps de travail des cuisiniers consisterait à informer les clients, au détriment de la qualité de la cuisine… » Cette métaphore de Philippe Perrenoud (2005) est un bon moyen d’engager le débat sur les finalités de l’évaluation et de montrer l’ambiguïté de notre rapport à celle-ci. Tous les pédagogues s’accordent sur la nécessité de mettre l’évaluation au service des apprentissages. Mais dans l’opinion, dans la culture française, elle s’inscrit aussi dans une autre finalité : la sélection. Et cela explique aussi notre attachement à la note chiffrée. U N D É T O U R PA R L’ H I S T O I R E

Questions pour sourire et réfléchir… : « De quand date la création du baccalauréat ? » Même si la réponse donnée par les stagiaires est souvent « Napoléon » (ce qui n’est pas une date, on en conviendra !), on peut arriver assez vite à une date : 1808. Deuxième question : « De quand date la note chiffrée (plus précisément l’obligation de donner une note chiffrée) ? » Ici, les réponses sont plus difficiles. On a l’impression que la note chiffrée a toujours existé. Mais institutionnellement, cela suppose une organisation du système éducatif qui n’existait pas au moment de la création du baccalauréat. La bonne réponse est 1890. C’est par un arrêté du 5 juin 1890 qu’il est établi que « dans les compositions, chaque copie aura sa note chiffrée de 0 à 20 ». Jusque-là, l’usage de la note chiffrée était certes répandu, mais pas obligatoire. Et, en particulier, le baccalauréat (qui ne concernait que 1 % de la population) se passait sans notes. Il reposait sur un entretien oral et les examinateurs disposaient de boules blanches et de boules noires. Une majorité de boules

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blanches, le candidat était admis. Une majorité de boules noires, il était refusé (blackboulé…). On peut remarquer qu’on n’était alors pas très loin d’une logique « acquis/non acquis » faisant écho aux modalités d’évaluation actuelles. Mais puisque nous avons créé une « énigme didactique », il nous faut surtout répondre à la question de savoir pourquoi on a créé l’obligation de noter. La réponse est à chercher dans le poids des concours (administratifs, grandes écoles…) dans la IIIe République naissante. Comme le souligne l’historien de l’éducation, Claude Lelièvre, « La France est un pays de concours » et dans la logique de la méritocratie républicaine, le classement précède la note. Le système éducatif qui se met en place est construit pour sélectionner, pour créer de l’émulation et notre modalité d’évaluation dominante en résulte. Il y a donc une culture de la note et plus encore l’idée que l’évaluation est associée à la sélection. On peut d’ailleurs expliquer ainsi les polémiques récurrentes sur le fait que le baccalauréat soit « donné » et que le « niveau baisse ». L’idée d’une évaluation au service des apprentissages qui ne soit pas entièrement tournée vers la sélection a du mal à faire son chemin en France, alors que cela apparaît beaucoup plus évident dans d’autres pays. VA R I AT I O N S A U T O U R D E L’ É VA L U AT I O N

Comme souvent en matière d’éducation, il ne s’agit pas de raisonner de manière binaire en considérant qu’il faudrait abandonner complètement cette logique du classement au profit d’une logique de la régulation des apprentissages. Il s’agit plutôt de raisonner « en tension » en identifiant clairement les moments dans la scolarité où la première logique est nécessaire et ceux où il faut la tenir à l’écart. Il s’agit plutôt pour chaque professeur et notamment pour les enseignants débutants de savoir où placer le curseur pour réguler leur propre pratique. Cela suppose de se doter d’une défi-

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nition large de l’évaluation. On peut en proposer plusieurs assez voisines. Celle qui me semble la plus opératoire est celle de JeanMarie De Ketele qui se décline en trois points. Pour le chercheur belge, « Évaluer signifie : ––recueillir un ensemble d’informations suffisamment pertinentes, valides et fiables, ––examiner le degré d’adéquation entre cet ensemble d’informations et un ensemble de critères adéquats aux objectifs fixés au départ ou ajustés en cours de route, ––en vue de prendre une décision. » Cette définition a le mérite de mettre l’accent sur le talent des pédagogues qui consiste à bien formuler les consignes et les questions afin de recueillir des informations « pertinentes, valides et fiables ». On renvoie ici à la didactique propre à chaque discipline. Le deuxième point nous rappelle que l’évaluation est un processus continu (et pas toujours un contrôle) et qu’elle suppose une confrontation avec des objectifs liés à un curriculum et/ou à des objectifs individuels. Enfin, le troisième point nous renvoie à la question de la finalité de l’évaluation. La décision peut être institutionnelle (attribuer une note, déterminer un passage dans une classe supérieure, délivrer un diplôme…), mais elle peut et doit être aussi interne à la séquence d’apprentissage. Dans ce cas, l’évaluation peut enclencher le passage à une autre séquence ou à un processus de remédiation. Cette dernière dimension est fréquemment oubliée et « la note » est souvent vécue comme une fatalité, puisque l’évaluation est pensée trop souvent comme uniquement sommative. Cela nous permet aussi de rappeler une évidence souvent oubliée : notation et évaluation ne sont pas synonymes. Dans le bagage commun des enseignants débutants, il est également indispensable de décliner des typologies de l’évaluation. Plus que la typologie bien connue de Bloom (diagnostique, formative, sommative) qui nous rappelle que l’évaluation peut se

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situer avant, pendant et à la fin du processus d’apprentissage, il me semble que c’est la distinction entre évaluation critériée (référence à des critères de performance) et évaluation normative (référence aux autres) qui est aujourd’hui la plus pertinente pour analyser l’évolution de notre système. Cette distinction nous renvoie en effet au débat sur les finalités que nous évoquions plus haut et éclaire la problématique du Socle commun et du travail par compétences. N O TAT I O N E T É VA L U AT I O N : UN DÉBAT BIAISÉ

Cette distinction permet aussi de voir autrement le débat sur la note à laquelle les enseignants et l’opinion publique semblent encore si attachés. Si l’on privilégie une démarche d’évaluation critériée, la note reste possible, mais perd de son sens. Ce qui semble surtout remis en question, c’est la « moyenne 1 » qui repose sur un principe de compensation (une difficulté dans un domaine est masquée par une réussite dans un autre). Par ailleurs, s’il y a un tel attachement à la note, c’est surtout parce que celle-ci est jugée lisible et rigoureuse. En ce qui concerne la première qualité, cela nous renvoie à une dimension essentielle : évaluer, c’est communiquer. Et cette communication peut être différente selon les destinataires. On ne fournit pas forcément les mêmes informations aux institutions, aux collègues, aux parents et aux élèves. L’enjeu de l’évolution de l’évaluation par compétences passe par un travail de simplification des critères qui sont communiqués, loin des « usines à cases ».

« L’appel à la moyenne peut sembler bien anodin, alors qu’en neutralisant potentiellement chaque carence éventuelle par la vérification de la présence d’un acquis dans un domaine qui n’a rien à voir avec le premier, il remplace la scolarité par un jeu sophistiqué où l’important n’est pas d’acquérir telle compétence ou telle connaissance, mais une note abstraite, qui ne signifie rien en termes d’apprentissages », Roger-François Gauthier, Les Contenus de l’enseignement secondaire dans le monde : état des lieux et choix stratégiques, Unesco, 2006, 140 pages.

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Sur la rigueur de la note chiffrée, il faut s’étonner que les recherches de la docimologie soient si peu connues et enseignées. Rappelons que ces travaux montrent depuis les années 1930 la relativité et les biais de la notation. Dès 1936, une célèbre recherche (Laugier, Weinberg) autour de l’enquête Carnegie de la commission française sur une expérience de multicorrection pointe l’extrême difficulté d’une correction « objective ». Les résultats des expériences menées montrent une forte dispersion des notes attribuées à chaque copie par les correcteurs. L’expérience de docimologie la plus intéressante à cet égard et qui frappe fortement les enseignants débutants est celle de la « note vraie ». Il s’agit de calculer statistiquement le nombre minimal d’examinateurs auxquels il faudrait faire appel pour obtenir une moyenne des notes mises par eux, qui ne varie plus en y ajoutant un correcteur supplémentaire. Le résultat ? Il aurait fallu 128 correcteurs en philosophie pour obtenir la « note vraie » (une moyenne qui ne bouge plus), 78 en français, 16 en physique, 13 en mathématiques… Oui, mais c’était en 1936 ; depuis les choses ont changé, me direz-vous… Oui, puisqu’on refait le même travail en 1976, cette fois-ci, d’après les calculs, il faudrait 762 (!) correcteurs de philosophie pour qu’une copie ait sa moyenne stabilisée, et 78 en mathématiques. On sait bien aussi, comme l’ont montré de nouveaux ouvrages (notamment celui de Pierre Merle, 2007), que la notation est affectée de nombreux biais et qu’elle est souvent le produit d’un « arrangement ». Évoquer ces différents travaux devrait permettre de montrer la relativité de la note et d’appeler les enseignants à une certaine modestie. Cela devrait aussi amener les médias à nuancer leurs propos lorsque sont évoquées ces questions à l’occasion du baccalauréat et des consignes d’harmonisation. Mais il est vrai que l’apport des sciences de l’éducation est souvent méconnu et/ou méprisé par les enseignants eux-mêmes. Alors ne parlons pas des journalistes…

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Les débats récurrents dans les médias sur la notation sont assez révélateurs de ce qui se joue dans les pratiques d’évaluation des enseignants et même, au-delà, dans la conception que ceuxci ont de leur métier. Est-on « propriétaire » de sa note ? Derrière l’accusation biaisée de « tripatouillage » des notes au moment des examens, il y a cette idée que l’évaluateur est souverain et que son jugement ne peut donc être remis en question. La discussion sur la note nous montre aussi que la conception implicite du métier est celle d’une pratique d’évaluation solitaire. Même si les choses progressent, les enseignants ont un rapport « intime » à l’évaluation qu’ils pratiquent. Peut-être parce que cela touche chacun dans son propre système de valeurs et sa conception du travail, du mérite et du « niveau ». On a du mal à discuter d’évaluation, tout comme on a du mal à ouvrir la porte de sa classe. Et en n’hésitant pas pour se justifier à utiliser des arguments contradictoires. Il est curieux de noter que ce sont ceux qui ont sans cesse à la bouche l’égalité républicaine qui refusent l’idée même d’harmonisation. Il faut dire qu’elle suppose un travail en équipe ! On peut même aller un peu plus loin en se demandant s’il ne faut pas analyser cette crispation en termes de « déclassement ». Lorsque l’on se focalise ainsi sur le pouvoir de noter individuellement qui serait remis en cause, n’est-ce pas parce que l’on se raccroche à des symboles d’un supposé prestige déchu ? L’attachement à la note tout comme le redoublement ne sont-ils pas les « symptômes » d’une profession qui se vit comme dévalorisée ? P O U R U N E C U LT U R E C O M M U N E D E L’ É VA L U AT I O N

La question de l’évaluation est un analyseur de nombreux aspects du système scolaire. Ce thème permet d’aborder la question des finalités de notre système éducatif et d’interroger notre « élitisme républicain », mais aussi le métier enseignant, la culture des éta-

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blissements, la différenciation, la remédiation, les relations avec les parents. L’évaluation est une pratique sociale, donc soumise à des normes (culture d’établissement, de la discipline, de la génération…) et sous-tendue par des valeurs. Elle renvoie donc chacun à sa propre conception de la justice et à ses représentations du travail, du niveau, des apprentissages, du pouvoir. C’est aussi ce qui la rend si difficile à faire évoluer, car elle s’appuie sur notre propre échelle de valeurs… Il est tentant de ranger les questions d’évaluation du côté des didactiques. Il est vrai que les modalités d’évaluation ne sont pas les mêmes en mathématiques, en langues vivantes ou en EPS. Mais si l’évaluation doit évidemment faire l’objet de longs développements dans les préparations au concours et dans la formation strictement disciplinaire, il me semble tout aussi important que ce thème soit abordé sous l’angle d’une culture commune à tous les enseignants. Il nous faut espérer que le passage aux Éspé (École supérieure du professorat et de l’éducation) permette de maintenir et même de renforcer cette dimension pédagogique et que l’on ne réduise pas l’évaluation à de simples questions techniques et didactiques. C’est bien un enjeu pédagogique et même politique fort qu’il y a derrière cette question de l’évaluation. Ce peut être une pratique chronophage (évaluationnite), vidée de son sens par l’abus des « grilles » ou autres référentiels et d’une forme de taylorisme pédagogique. Dans les pratiques actuelles des enseignants, le contrôle occupe une large part du temps d’enseignement : il en reste d’autant moins pour penser au changement. Les élèves travaillent pour la note, la moyenne ou la promotion, ce qui développe un rapport utilitariste au savoir avec une perte de sens des apprentissages. Comme l’écrivait très bien un rapport de l’IGEN de 2005 2, « Il est   « Les acquis des élèves, pierre de touche de la valeur de l’école » (Rapport IGEN/IGAENR juillet 2005).

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bon de rappeler que l’évaluation, qui est une évaluation de la partie, ne doit pas faire oublier le tout, le long chemin de culture où l’école a la responsabilité de conduire chaque personne à un moment de sa vie ; que l’évaluation, qui produit des signes sociaux nécessaires tels que les notes ou les diplômes, doit être au service des acquis, pour aider à les mesurer, pour leur donner visibilité, et pas le contraire. » En somme, faire de l’évaluation un réel outil pour l’apprentissage et au service de la réussite de tous les élèves. Mieux évaluer, donner du sens et de la visibilité aux apprentissages pour que l’école ne soit pas seulement au service des « héritiers ». C’est, au final, une réflexion très politique qui engage un questionnement sociologique, historique, comparatiste et qui demande le temps suffisant pour permettre l’analyse collective et la confrontation des arguments et des pratiques. Ce moment de formation doit être à la hauteur des enjeux. Philippe Watrelot

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NOUVEAUX ENSEIGNANTS SÉLECTION DE RESSOURCES GRATUITES EN LIGNE

Les Fondamentaux Des films agités pour bien cogiter ! Cycles 2 et 3 reseau-canope.fr/lesfondamentaux/accueil

Corpus Partez à la découverte du corps humain ! Collège, lycée reseau-canope.fr/corpus

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NOUVEAUX ENSEIGNANTS

Les Mathématiques en classe [cycle 2] Un travail d’équipe avec Stella Baruk. Cycle 2 reseau-canope.fr/mathematiques-stella-baruk

Banque de séquences didactiques Se documenter, se former sur les pratiques d’enseignement. Tous niveaux reseau-canope.fr/bsd

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NOUVEAUX ENSEIGNANTS

Lire… Éclairer les professionnels de l’éducation sur les enjeux de l’apprentissage de la lecture au CP. Cycle 2 reseau-canope.fr/lire-au-cp

Musique Prim Enseigner la musique à l’école primaire : des œuvres à écouter et à chanter, accompagnées de supports pédagogiques. Cycles 1, 2 et 3 reseau-canope.fr/musique-prim

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NOUVEAUX ENSEIGNANTS

Primlangues Enseigner les langues vivantes à l’école primaire : séquences pédagogiques, activités pour la classe et supports de cours. Cycles 1, 2 et 3 primlangues.education.fr

Motricité Une approche renouvelée des parcours de motricité ! Cycles 1 et 2 Application pour iPad téléchargeable sur l’AppStore reseau-canope.fr/notice/ motricite-application-ipad

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NOUVEAUX ENSEIGNANTS

Éducasources Portail de ressources pédagogiques multidisciplinaires pour l’école à l’intention des professionnels de l’éducation. Tous niveaux educasources.education.fr

Les Valeurs de la République Soutenir, avec tous les acteurs et partenaires de l’école, la défense des valeurs de la République et permettre à l’ensemble des élèves de se les approprier. Tous niveaux reseau-canope.fr/les-valeursde-la-republique

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SOMMAIRE

S É L E C T I O N D E R E S S O U R C E S G R A TU I T E S E N L I G N E   –   1 2 0


NOUVEAUX ENSEIGNANTS

Climat scolaire Favoriser le bien-être et la réussite de tous à l’école. Contribuer à la création de ressources pour agir. Tous niveaux reseau-canope.fr/climatscolaire

Éducation prioritaire Offrir un référentiel autour de 6 priorités pour agir en zone d’éducation prioritaire. Tous niveaux reseau-canope.fr/educationprioritaire

Dépôt légal : septembre 2015

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SOMMAIRE

S É L E C T I O N D E R E S S O U R C E S G R A TU I T E S E N L I G N E   –   1 2 1


P L U S I E U R S

C O N S T A T S

L ’ I M P O R T A N C E À

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A V E C

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D E S

A C T I O N ,

G R O U É T R O I

L E Q U E L

R ISSN E 2426-0207 L A T I O N S ISBN 978-2-240-03716-9

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C H A C U N

S O N

D ’ E M B

Q U A L I T É Œ U V R E

C R É E

D E

A V E C

S ’ O P È R E

S A V O I R - F A I R E

P O R T A N T S

C O L I N

D U

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L E S A U X

M E N T

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P R O F E S S I O N N A L I T É

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S ’ A PPour P U Y A N T décrypter

C O M P É T E N C E S

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D ’ A C

Q U A L I T É

P R O CPE T RO UEV RSA G E E H A B I L E T É S ST ÉDITÉ

Q U ’ U N

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C O N V I E N T

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A U T O R I T É . S E S

Q U ’ I L E T

– En quoi est-il fondamental de réaliser la nature si Sspéciale, E siNlourde T RdeEresponsabilités, É L È de V laErelaS tion enseignant-élève ? À le monde M Êutilise M EInternet , : mais À mesure-t-on L A –L Tout les droits et devoirs qui lui sont attachés ? M heure É TduIjourEouRde la D E est-elle L ’ –E Chaque semaine Epropice S à l’apprentissage C O N S T? A T S S E – Suffit-il d’apprendre ou apprend-on à apprendre ? –I L’égalité, O N celaRva de E soi… L APasTsi sûr I !O N N E – Comment s’y prendre avec les élèves venus d’ailL ?’ E X E R C I C E D E leurs – Les « dys », qu’est-ce que c’est ? A N Test-ce . la panacée E N ?D ’ A U –N Redoubler, –T Évaluer, c’est facile… mais comment le faire I O N S ’ I M P O S E de façon juste ? issus O SCette A Nsélection T E de textes, I N C O d’ouvrages N T O tout juste publiés dans les nouveaux univers édiL E de Réseau I L Canopé, N Epropose P des E Uéléments T toriaux de réponses à ces questions qui s’imposent aux U L enseignants. E R L E U R R É F L jeunes

G E M E N T

M E T T E N T

M O M E N T S

Réf. 755A4397 Exemplaire gratuit Ne peut être vendu

Q U ’ I L A G I


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