Une vi(ll)e de migrants

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U R I

N R A C E L O P O R ÉM T

C

E N E ) U I(LL V E ANTS D IGR MET E U X


- MIGRANT ? -


M I G R A N T

De l’exil d’une migration au dernier asile -


MIGRANT VILLE

ACCUEIL USAGES DÉTOURNEMENT DES ESPACES

- INFORMATIONS -

RÉALISATION DES BESOINS FONDAMENTAUX

Migrant : celui qui détourne l’usage des lieux - C.Michaud, 2016 -


Lorsque le migrant arrive en ville, l’État

qui l’accueille a certaines obligations visà-vis de ce nouvel étranger. En effet, selon la déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 il est stipulé que le droit d’asile est le dernier droit lorsque tous les autres ont été bafoués, et, est le dernier rempart contre l’arbitraire et l’inhumain. Ce droit est universel et inconditionnel, il est, de plus, renforcé par la Convention de 1951 qui interdit le renvoi vers le pays où le demandeur risquerait la persécution, et ce, au titre du droit de ‘non-refoulement’. Ainsi, en vue de respecter ces principes, l’État doit garantir la possibilité de solliciter l’asile: force est de constater que les conditions d’accueil restent insuffisantes malgré l’obligation de l’État de garantir à tous, et sans discrimination, les droits humains fondamentaux : se nourrir, se vêtir, se soigner, se loger et avoir le droit d’aller à l’école pour les enfants. A ces obligations s’ajoute celle de protection ainsi que celle de pouvoir obtenir la nationalité du pays d’accueil ; c’est-àdire pouvoir reconstruire sa vie.

Sur le papier, ces textes font rêver et

laisse imaginer un État riche de valeurs humaines et respectueux des hommes qui y vivent. Mais le droit universel affronte la souveraineté des États ; c’est le droit de chaque État de faire ce qu’il souhaite au nom de son indépendance. Ainsi, tous les États s’accordent sur la nécessité de protéger les demandeurs d’asiles, et les valeurs humaines qui entourent l’asile, mais la pratique se heurte à des procédures encore trop peu suffisantes. Sous prétexte que la Convention n’oblige en rien l’application de ces droits on voit alors le droit national, et donc la souveraineté de chaque État, primer face aux valeurs universelle consentie par 53 pays lors du 10 décembre 1948.

Les États mettent à mal le droit

universel en prétextant des politiques d’immigrations propres, la fermeture des frontières qu’a entamée l’Union Européenne, sous discours d’une invasion et d’une incapacité à gérer le flux migratoire, est une violation du principe de non-refoulement.

L’État va à l’encontre des lois universelles

mais également nationales, et ce, en bafouant la liberté de mouvement ou encore la détention arbitraire. On voit en effet, des centres de rétentions fleurir aux limites des frontières pour permettre de ‘réguler’ le flux. Or, ces lieux sont des prisons déguisées, où les hommes et femmes attendent que leurs statuts soit reconnu en vue de s’établir dans le pays d’accueil, ou d’être renvoyés vers le pays qu’ils ont fuit.

L’accueil mit en place est divers et

varié mais doit permettre aux migrants et donc aux demandeurs d’asiles de répondre à la nécessité d’assouvir leurs besoins, besoins indiqués comme étant fondamentaux par ces deux textes. Créer une architecture hospitalière semble être un véritable défi pour les architectes aujourd’hui.

C’est alors que je me suis rendue-

compte que la pratique diffère de l’usage du lieu pensé par l’architecte. Le migrant détourne les lieux des usages pour mettre en place un cadre de vie lui permettant, d’une part de s’identifier à la ville en la pratiquant, et d’autre part de réaliser les besoins fondamentaux lui permettant de s’accomplir comme un individu dans la société.


RAPPEL

DÊclaration Universelle des Droits de l’Homme01 Extraits choisis -

01- http://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights


Article 3

Tout individu à droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne.

Article 9

Nul ne peut être arbitrairement arrêté, détenu ni exilé.

Article 13

Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État.

Article 14

Devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays.

Article 15

Tout individu a le droit à une nationalité. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa nationalité, ni du droit de changer de nationalité.

MUCEM Été 2016 - Marseille -





- AVANT PROPOS L’étrange étranger - INTRODUCTION Dessine-moi une vi(ll)e

- LIMITE SPATIALE Les ressources formelles : Guide social(ement architectural) de l’urgence L’ADJ Marceau Les autres lieux de la ressources à Marseille - LIMITE TEMPORELLE Une vie de parcours Périmètre de vie : une appropriation définie De l’accueil au rejet : hospitalité et hostilité - LIMITE D’USAGE Détournement d’une pensée d’architecte Pluri-fonctionnalité des lieux Et demain?

- CONCLUSION -

- BIBLIOGRAPHIE - LEXIQUE - CARTES MENTALES -

-

- SOMMAIRE -

- REMERCIEMENTS -




L’étrange étranger

L’étrange étranger fait référence au

poème de Jacques Prévert, où l’auteur dénonce les inégalités entre les hommes de par leurs origines. Il identifie ainsi des quartiers et des métiers par l’origine de ces hommes qui ont fui leur pays où qui sont venus reconstruire le nôtre après la guerre. Invités, ou exilés ils sont identifiés comme étrangers. «Kabyles de la Chapelle et des quais de Javel Hommes de pays loin Cobayes des colonies Doux petits musiciens Soleils adolescents de la porte d’Italie Boumians de la porte de Saint-Ouen Apatrides d’Aubervilliers (...) Cordonniers de Cordoue soutiers de Barcelone Pêcheurs des Baléares ou du cap Finistère Rescapés de Franco Et déportés de France et de Navarre»02 La dénonciation faite en 1951 est encore, et toujours d’actualité...

- AVANT PROPOS -

Le migrant a une vision dépassant les

frontières de la métropole; il a traversé des océans, des mers, des pays pour s’établir hors de ses frontières. Certains s’établissent à Marseille, dans une ville côtière proche de leur mode de vie méditerranéen, mais c’est une fracture réelle entre l’eldorado rêvé et la manière de vivre la ville. 02-Jacques Prévert «L’étrange étranger» extraits du poème écrit en 1951 et paru en 1955 dans le recueil La pluie et le beau temps Gallimard.

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MIGRER /

Syrie - Grèce - Marseille -

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Les sources documentaires que je

L’habitude c’est le rythme régulier d’une

présenterai tout au long de l’écriture de ce mémoire sont nombreuses et variées; architecturale, urbanistique, socioanthropologique ou encore historique. Elles me permettront de balayer le champ de la migration sous plusieurs angles et ainsi coller au plus proche de la réalité. Mais la source indispensable et bénéfique est celle obtenue par, et avec les migrants; interviews et cartes mentales me permettent de connaître leur parcours, leur ville, leur vie, leur futur idéalisé.

vie réglée : chaque jour des dizaines de résidents se retrouvaient au square -seul lieu du camp où le wifi fonctionnaitpour prendre des nouvelles de leurs proches restés en Syrie. Isolés sur leurs écrans leurs cœurs n’étaient pas en Grèce mais bien en Syrie… Cette image me marque encore, chaque jour, inlassablement, sur les bancs les gens se retrouvent mais ne se parlent pas, ou très peu. Ce lieu destiné à se retrouver, échanger, devenait le lieu des nouvelles venues d’un autre endroit. Bien sûr il y avait parfois des retrouvailles et des échanges, mais sa fonction première était détournée : la fonction et l’usage était devenus deux choses distinctes qui n’interféraient que peu entres elles.

Cette source, ou plutôt ces rencontres, je ne m’attendais pas à ce qu’elle soit ainsi, tant dans sa forme que dans son contenu. Elle abolit tout ce que j’avais imaginé obtenir. Cette source humaine donne vie à ce mémoire, car il est basé sur des récits de vies, sur des récits d‘hommes qui n’ont plus la parole pour raconter, et qui n’ont plus de toit pour être considéré comme des hommes dans notre société.

C’est à Sounio, en Grèce, lors de mon

séjour dans le camp de réfugiés à majorité syrienne, que j’ai pris conscience que l’appropriation faite d’un lieu peut se retrouver à l’opposé de l’usage pensé par l’architecte. Dans le camp la débrouille était quotidienne, trouver des légumes, faire une ventilation de fortune … tout était histoire d’ingéniosité pour recréer un univers connu et rassurant. Il y a également les jardins, la mosquée, le barbier qui donnent une âme au lieu; comme un petit village qui prend ses marques. Mais il manque quelque chose… l’habitude. 3


Banc au square du camp de réfugiés - Sounio - Grèce -

UN NOUVEL USAGE DU LIEU /

Allo ?


How it’s going on ?

Hannan au square - Sounio -


Elle est arrivée au mois d’avril en Grèce

avec sa mère, ses 3 soeurs et son petit frère né au camp en juillet. Elle est passée par la Turquie avant d’arriver dans ce camp. Elle est jeune, elle a 19 ans et a des rêves pleins la tête. Elle veut devenir esthéticienne et dès qu’elle se lie d’amitié avec une volontaire elle lui propose de lui faire des massages, des soins... Elle recréé un univers autour d’elle pour se projeter dans le futur. Chaque jour, à toute heure du jour et de la nuit, elle vient s’asseoir sur un banc pour parler via les réseaux sociaux avec ses amis restés en Syrie ou ceux qu’elle s’est fait en Turquie. Elle s’occupe de ses petites soeurs et de son frère mais chaque fois qu’elle est sur son téléphone elle a le regard ailleurs ... Elle vit par intermittence, toujours en attente d’une réponse. Savoir si ceux qu’elle aime sont sains et saufs, et savoir quand elle pourra rejoindre son père et son frère en Allemagne.

«

»

Ce n’est pas une vie.

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Hannan


Dessine-moi une vi(ll)e

MIGRANT

Je me suis questionnée sur le fait de

rassembler sous le vocable ‘migrant*’ les hommes et femmes dont je souhaite parler. Ce terme désigne une migration, or, au moment de ma rencontre avec eux ils ne sont pas dans la migration mais dans l’espoir de s’installer. Le mot reflète le parcours qu’ils ont réalisés mais non la situation présente. Le mot migrant ne reflète pas une vie mais milles vies différentes. L’architecte pense un bâtiment pour une catégorie définie, or, au sein de cette catégorie se situe des individus hétérogènes aux parcours et vies différentes.

MIGRER IMMIGRÉ ÉMIGRER

Entre accueil et rejet, légendes et

rumeurs, le «migrant» fascine comme il inspire la peur. Pour définir le terme migrant j’ai cherché les définitions s’y rattachant dont celle d’étranger; «c’est celui qui n’est pas d’un pays, d’une nation donnée; qui est d’une autre nationalité ou sans nationalité; plus largement, qui est d’une communauté géographique différente»03. Le migrant quant à lui est un «individu travaillant dans un autre pays, ou une personne effectuant une migration» rien à voir donc avec les personnes dîtes ‘migrantes’ dont nous entendons parler chaque jour.

RÉFUGIÉ ÉTRANGER APATRIDE

- INTRODUCTION -

Cette migration, est à l’opposé de celle des oiseaux, elle est sans retour, c’est un voyage pour une nouvelle vie; la recherche de l’eldorado.

HEIMATLOS

En effet, celui qui effectue une migration retournera là d’où il est parti... mais, la fuite n’est pas une migration...

MÉTÈQUE

03- http://www.cnrtl.fr/definition/étranger

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Mais ces migrants, ceux qui quittent

Après le voyage, s’ensuit l’accueil qui

leur pays à cause de la guerre, de conflits armés ou qu’ils craignent pour leur survie sont avant tout des hommes.

peut prendre diverses formes. L’Europe, en commun accord avec les pays ressortissants, a décidée de surveiller plutôt que d’accueillir05. Accueillir, c’est mettre en place une démarche ou un lieu propice à l’établissement d’une personne sur un lieu pour lui permettre de s’accomplir.

Les

définitions permettant de définir le statut d’une personne sont nombreuses et renvoient toujours à la notion de transit. Les hommes, comme les marchandises, transitent entre deux points et ont chacun une valeur économique.

QUELS SONT LES LIEUX DE LA RESSOURCES À MARSEILLE ?

Cette marchandise-là elle est une

poussière qui gratte, qui dérange, on la frotte, elle résiste. Cette poussière est devenue une vague qui déferle sur les côtés européennes. Cette vague elle a de multiples visages, et des vies effacées, mais elle porte aussi dans son flot des vies terrassées. Cette vague, la méditerranée, c’est 2 510 000Km2 de superficie, où pour la seule année 2015, elle porte 177604 noms, du moins, d’après les chiffres officiels... Noms exhaustifs puisqu’il ne s’agit là que des corps retrouvés échoués sur nos côtes... Le visage de la méditerranée est multiple, visage de vacances, côtes d’azur, vagues de joies mais elle devient aujourd’hui, le carrefour d’une migration que l’on ne veut pas voir.

Il existe un lien entre l’homme, la

ville et l’architecture; c’est la pratique du lieu. Lieu pensé par l’architecte où l’architecture se doit alors d’être accueillante et hospitalière. La confrontation entre le monde tel que nous le vivons et tel qu’un migrant le vit est rude ; nos lieux de vies ne sont pas identiques en tout point puisque l’usage est transformé de par la situation de grande précarité dans laquelle sont les migrants. Le lieu est donc ré-approprié de telle sorte à répondre à un besoin d’urgence. 05- Depuis novembre 2014 après l’arrêt de ‘Mare Nostrum’ initié par l’Italie, visant à sauver les exilés sur les bateaux en détresse, l’Europe a mis en place Frontex ‘Triton’ -agence internationale coûtant 3 millions d’euros par mois pour la gestion des frontières- qui a pour objectif la protection des frontières et non le sauvetage des migrants. C’est la surveillance des flux migratoires qui est visée et réalisée par des patrouilles en mer et aidées par des hélicoptères de repérages. source internet h tt p s : / / e u r o p e - l i b e r t e - s e c u r i t e - j u s t i c e . org/2014/10/24/frontex-mare-nostrum-tritonvers-des-frontieres-a-visage-humain-interview-dececile-kyenge-deputee-sd-de-la-commission-libe/

04-http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/ article/2015/04/20/en-2015-un-migrant-meurttoutes-les-deux-heures-en-moyenne-en-mediterranee_4619379_4355770.html

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La méditerranée -

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Marseille, grande

ville de la méditerranée est une ville port et une terre d’accueil. Surnommée ‘Porte de l’Orient’, elle a longtemps été la capitale de l’empire coloniale du fait de sa position géographique et a été, et est encore aujourd’hui, le berceau d’une migration maghrébine, africaine, espagnole ... Cette terre d’accueil était représentée à Marseille par le Silo d’Arenc renommée la prison d’Arenc où les migrants, en situation irrégulière, étaient parqués en attendant d’être renvoyés dans leur pays d’origine. De 1917 à 1964 ce lieu était celui de l’enferment et a été déclaré illégal en 1984 puis fermé définitivement en 200606. Ce bâtiment à fonction économique est devenu le théâtre d’une politique migratoire.

Dans un premier temps, je rencontre

Mattéo Fano -anthropologue- qui m’enseigne les bases et méthodes de l’interview : comment le mener, le diriger sans l’orienter, sans attendre les réponses que je souhaite. Attendre des réponses c’est déjà orienter les questions et donc obtenir les réponses que l’on voudrait. Or, ce monde je ne le connais pas, et ce, malgré mon implication personnelle, je ne suis pas migrante. Je ne comprends que ce que je vois et que ce que l’on me raconte. L’interview peut être menée de différentes manières mais sur les conseils de Mattéo nous décidons que l’interview semi-directif sera le plus pertinent. Je mets en place un guide d’entretien, mais après l’avoir proposé à un ami migrant du camp de Sounio je me rends-compte qu’il ne convient pas, qu’il est trop formel et impose une distance non souhaitée entre moi et le migrant que j’interview. Je décide donc de le modifier pour ne garder uniquement des mots-clés et des grandes lignes que je souhaite questionner.

En tant qu’étudiante en architecture j’ai

cherché à m’éloigner du regard intime que j’avais eu en tant que bénévole au camp de Sounio. Une fois de retour sur Marseille j’ai pris du recul pour analyser le lieu et sa pratique et me poser des questions.

Puis, je pars avec mes interrogations à

la découverte du monde des migrants. Plus exactement à l’Accueil De Jour (ADJ*) Marceau pour rencontrer les demandeurs d’asile de Marseille. C’est le personnel de la structure qui me présente les migrants, ils les connaissent et leur présente mon projet de mémoire. Cette introduction permet de franchir une limite, celle de la peur de l’autre, mais aussi de montrer aux demandeurs d’asile que je ne suis pas une voyeuse en quête d’histoires hors du commun. Non, je veux les connaître, eux, savoir comment ils vivent la ville.

Cette ville que l’on sillonne, les migrants l’utilisent-ils de la même manière que nous? L’architecture est-elle hospitalière? Comment l’architecte interprète les problématiques liées à la précarité et à la migration dans l’architecture? Quel est le rôle de l’architecte face à la situation que nous vivons? 06- http://ancrages.org/nos-actions/balades-patrimoniales/marseille-terre-daccueil/

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NOTE

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Accueil De Jour -ADJ- ?

Lieu où les personnes en situation de précarité peuvent se rendre pour avoir un contact avec un assistant social ou un éducateur spécialisé. Généralement ouvert de 07H00 à 16H00 les ADJ proposent un café, une douche en plus du soutient pour les démarches administratives. - En ce qui concerne les migrants la police des migrations a un ‘accord’ avec les professionnels des structures pour ne pas intervenir à la sortie des ADJ comme cela est déjà arrivé dans le passé ... En effet, les policiers ‘cueillaient’ les migrants à la sortie des ADJ ce qui fait que certaine personnene venait plus. De plus, cette présence ne permettait pas aux éducateurs et autres personnels des structures de pouvoir faire leur travail dans de bonnes conditions du fait de la peur engendrée par la présence de policiers Les ADJ sont avant tout des structures qui permettent de rencontrer quelqu’un, d’avoir un accueil, un lieu hospitalié où l’on ne fait pas de différence entre les uns et les autres. Il permet aux personnes de venir y passer la journée, lire un livre, écouter la télévision sans rien attendre quelque chose en retour.

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Le centre de rÊtention d’Arenc - 1976 Photographie Jacques Windenberger -


La ville que je connais n’est pas celle

- Tous les lieux que je présenterais

qu’ils connaissent. La mienne est faite par ma découverte des lieux à fonctions différentes et multiples, le périmètre est donc à l’échelle de la métropole. Tandis que la leur est faite par la pratique des besoins fondamentaux régis par une temporalité. La ville a deux pratiques selon le statut qu’elle vous octroie, elle invite tout comme elle rejette, elle vous offre tout comme elle vous prive.

je les définis comme étant des lieux pour les migrants, cependant, ces lieux sont avant tout pour les personnes défavorisées de Marseille. On retrouve certaines institutions pour les migrants de par leur statut spécifique -à savoir la fuite pour cause de danger qui sont liées à l’administration et délivre donc des papiers-. Je les nomme ainsi afin de clarifier le propos et vous permettre de connaître ces lieux comme étant une ressource essentielle à l’établissement d’Homme sur le territoire marseillais. -

La ville a des visages limités, des limites temporelles et spatiales, des limites d’usages et d’appropriations.

LE MIGRANTA LA CAPACITÉ D’ÊTRE UN AGENT DE TRANSFORMATION

Cet exercice est scolaire mais a

l’ambition de définir mon projet professionnel. Connaître, avec respect et soucis d’intimité, la pratique de la ville des migrants. Mais également comprendre leur statut; celui qui les définit comme des demandeurs d’asiles et qui n’ont pour bagages que leurs volonté de s’installer et de sortir de la précarité dans laquelle la fuite les a mis. Avec mon carnet j’écris leur récit de vie, celui qu’ils veulent bien partager car les traumatismes de la fuite, du ‘voyage’ sont devenus des tourments psychologiques. Je leur tends mon stylo pour qu’ils dessinent leur parcours dans la ville, parfois «c’est dur» parce qu’ils ont «la tête pleine» M.D. mais «tu vois, tu comprends mon chemin» A.M.D. On lit ensemble leur parcours et toujours j’entends «je sais rien d’ici, je connais rien » D.S. et les lieux de chacun se regroupe en un périmètre approprié infiniment petit de la ville.

Il apporte avec lui son mode de vie et créé un environnement qui lui ressemble pour mieux s’établir. Il fait bouger l’architecture et l’urbanisme selon ses besoins, la transformation de l’usage des lieux est constante. Le migrant devient une ressource pour l’architecture dès lors qu’il entreprend de lui-même, et guidé par ses besoins, d’être maître d’oeuvre. Le migrant expérimente les lieux inconnus, ceux où il n’a ni repères géographiques ou spatiaux, pour redéfinir son cadre de vie et ainsi s’établir dans un environnement hospitalié. De par cette hospitalité il génère des tactiques et des stratégies afin d’améliorer son quotidien et créer une ville à son image.07

07- Michel de Certeau, « Pratiques d’espace », L’invention du quotidien. 1. arts de faire, Paris : Gallimard, coll. « folio », p. 137-191.

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Nous verrons au travers des différents

L’A R C H I T E C T E

chapitres quels sont les lieux formels de la ville, et en quoi l’accueil ne répond pas à l’ensemble des besoins et oblige à la création de lieux informels. Comment la pratique du lieu est liée à une limite temporelle la régissant. Et enfin, comment de cette pratique naît une pluri-fonctionnalité du lieu et à savoir quel est le rôle de l’architecte dans la production d’espaces architecturaux lors de crises migratoires telles que nous le vivons aujourd’hui.

à un rôle social dans toute architecture; il conçoit pour l’Homme. Chacun de ces hommes, migrant ou non, a des besoins spécifiques qui implique la prise en compte de ces derniers pour proposer une architecture uniforme. Il serait alors intéressant de voir comment une architecture qui laisserait la place aux hommes de l’interpréter serait envisagée et utilisée.

Le migrant s’octroie, à juste titre, la réinterprétation des lieux pour répondre à ses besoins, la fonction est alors détournée pour être utile à celui qui va dorénavant pratiquer ce nouvel espace.

Or, tous les exemples qui vont suivre

n’ont été contraints que par leur programme ; les rendant, dans leur principe, fertile à tout autre intervention. Créateur de nouvelles expérimentations, en usant d’une vision d’ensemble, mais également personnelle, il est important de commencer à considérer le migrant et ses besoins, pour répondre à la plus grande crise migratoire que nous ayons vu depuis la fin du XXème siècle. Il faut repenser les modèles et les manier de sorte que l’architecture d’urgence ne soit pas temporaire et ne reflète ni un mode de vie de transit, ni un statut en transition, mais bel et bien proposer une architecture permettant l’enracinement des migrants dans notre société.

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-

- LIMITE SPATIALE -

- LIMITE SPATIALE Les ressources formelles : Guide social(ement architectural) de l’Urgence L’ADJ Marceau Les autres lieux de la ressources à Marseille

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Extrait d’une ville des ressources - Marseille -



NOTE

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La ville de Marseille recense 93 lieux

- Je n’ai pointé sur la carte uniquement

de la ressources. Lieux institutionnels ils sont recensés dans le Guide Social de l’Urgence. Petit fascicule qui est à disposition des personnes en situation de précarité et qui doit leur permettre de connaître les lieux utiles.

les lieux où dormir, manger, se laver, se vêtir et se soigner c’est-à-dire ceux qui permettent la pratique d’un besoin fondamental. Les autres lieux d’aides, ou pour la prostitution, n’ont pas été indiqués sur cette carte afin de donner de la visibilité aux lieux de la ressources que j’énonce dans mon propos. De plus, j’ai constaté à travers cette carte, que certains lieux n’étaient pas indiqués tels que Noga ou encore les lieux pour les mineurs isolés étrangers... -

En passant par les lieux pour se nourrir, dormir, se vêtir, se laver, se soigner gratuitement, se faire dépister, ou encore des lieux d’aides pour la prostitution ou les ADJ/ADN* (Accueil De Jour / Accueil De Nuit) et toutes les autres aides nécessaires.

De plus, ces lieux représentent un

périmètre praticable à pied, moyen de transport le plus réputé des migrants à Marseille. Ces lieux sont tous avoisinants de l’ADJ Marceau qui est le point de départ de mon mémoire.

Selon Michel Agier la ville est un «hologramme», elle est «inexorablement vouée au changement»08 et je tends à démontrer alors que le changement est spatial de par la pratique engendrée par les migrants.

Ce fascicule, je l’ai découvert à l’ADJ

Marceau, c’est Gilles Aspinas, le Chef de Service, qui, lors de notre première rencontre me l’a remis. Le guide détaille les structures et laisse entrevoir la démarche à suivre pour y accéder. Mais ne pensez pas que vous pourriez vous rendre dans ces structures sur votre bon vouloir... Non, il y a des démarches spécifiques à chacun des lieux même si certaines sont identiques, et parfois une analyse de la situation personnelle est demandée afin de savoir si la personne qui demande a se rendre dans ce lieu répond à certains critères d’éligibilité.

08- http://www.revue-emulations.net/lectures-critiques/lecture/michelagieranthropologiedelaville

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Les ressources formelles : Guide social(ement architectural) de l’urgence

Les migrants appartiennent à un groupe

non choisi; ce groupe d’individus est identique jusqu’à ce que l’un des migrants voit sa situation évoluer ou au mieux, régularisée. Ainsi, les lieux des migrants sont des lieux de circonstances car non choisis. De plus, ils confrontent le migrant uniquement à ce monde. Cette sphère marginale créée ne leur permet pas de s’identifier à la ville puisque celle qu’il côtoie n’est identifiable qu’à travers de leurs semblables, c’est-à-dire au travers d’un statut identique.

«

Le statut révèle donc la pratique du lieu

mais il est primordial de connaître les usagers et leurs besoins afin de répondre par une architecture adaptée où espace et lieux sont des facteurs déterminants de sociabilité et d’accomplissement de soi. Comme le cite Michel De Certeau09 «l’espace est un lieu pratiqué». Marc Augé développe les terme de «lieu et non-lieux» ou le lieu est «identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire ni comme relationnel ni comme historique définira un non-lieu.»10

L’homme est un être spatialisé et spatialisant. De tout ce qu’il est, pense, sent, rêve et espère, il fait des produits, des images, des mouvements, des agencements et des récits spatiaux. L’homme ne cesse d’opérer des rapports, de construire des positionnements, de gérer les séquences de sa vie en fonction de possibilités usinées à la croisée mouvante de l’intelligence, de la matière, du temps et de l’espace. Dès lors, l’espace tend à constituer et à devenir, pour lui, cadre fondamental et fondateur aussi bien de sa condition que de ses situations. Cependant ces manières et façons de tenter de s’approprier la plénitude, toujours déficitaire, de son être par la quête sans cesse relancée d’une habitation, la plus joyeuse possible, de l’espace, ne se font pas aléatoirement. Elles sont, implicitement ou explicitement, comme portées et supportées par des plates-formes. En cela, elles obéissent à des logiques qui, ellesmêmes, ne sont ni univoques, ni unilatérales, encore moins convergentes.11

»

09- Pratique de l’Espace Michel De Certeau

11- Michel De CERTEAU «Entre stratégie et tactique»

10- Marc AUGE, «Non lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité»

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Cette appréhension de l’espace au

Les lieux de la ressource se distingue à

travers de l’anthropologie est nécessaire au développement de ma pensée; elle me permet de comprendre ce qu’il est, et ainsi de le modéliser comme une maquette qui serait mouvante et changeante au fil des visages qui l’observent.

travers deux formes : les lieux formels conditionnés pas une limite temporelle, se sont les lieux institutionnels qui sont répertoriés dans le Guide Social de l’Urgence. Tandis que les lieux informels sont ceux qui échappent à la création de la ville, les migrants créent des usages différents de ceux imaginés par l’architecte.

L’identité et le relationnel du lieu sont, ici, omniprésents. Le migrant renvoie sa situation sur l’architecture ou peutêtre est-ce l’inverse... L’histoire du lieu se définit à travers son usage et son appropriation, le lieu est définit par et pour le programme. Ainsi, selon Marc Augé le lieu est le lieu, mais nous verrons que l’usage est détourné, l’architecture et l’urbain mis à distance comme pour rendre le migrant invisible, inexistant.

Cette confrontation tend à montrer

l’univers fermé des migrants, celui qui les confine une vie obligeant ‘l’informalité’ à devenir le maître mot. Puisque le besoin ne peut être pleinement pratiqué dans un lieu, le migrant par sa faible connaissance de la ville, et l’incapacité de répondre à l’ensemble de ses besoins, va produire une pratique des besoins dans des lieux ‘inappropriés’ ou ‘non pensés’ dans le sens de cette pratique.

Dès lors, pour créer des espaces il se doit

d’y avoir une pratique, celle-ci est née de la réalisation des besoins fondamentaux. Cependant, leur pratique, comme nous le verrons, n’est pas instinctive puisque pensée, réfléchie, programmée comme un parcours établi et défini. La ville est alors vécue comme un espace temps, un espace spatial où la temporalité est maître et fait alors s’effacer la pratique, du moins l’homme s’efface sous la nécessité de pratiquer le lieu.

Ainsi, de nombreux lieux de la ville se

trouvent devenir des espaces informels de par la pratique d’un besoin qui n’a pas pu être réalisé dans un lieu formel. En effet, les lieux formels sont régis pas une lourde administration et des horaires parfois inadaptées à la réalisation d’un besoin. Le plus souvent c’est le besoin de dormir et de repos qui sont propulsés dans des lieux informels car les lieux de l’institution sont peu nombreux mais également bruyants et parfois dangereux.

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LES LIEUX MARSEILLAIS /

Dormir - Manger - Se soigner - Se laver - Marseille



Un peu de rouge pour savoir où aller

BESOINS IDENTIQUES À PRATIQUE DIFFÉRENTE

manger, de bleu pour dormir, de vert pour se soigner et pour finir une touche de violet pour savoir où aller se laver... C’est ainsi que la carte des lieux de la ressources est à découvrir dans le Guide Social De l’Urgence mis à disposition pour les personnes en situation de précarité. Elle détaille les lieux permettant de réaliser les besoins fondamentaux, et ainsi, permettre à chaque individu de se maintenir dans la société.

«Le quotidien s’invente avec mille façons de braconner. Les individus mettent en oeuvre des tactiques et des stratégies au quotidien. L’une et l’autre se distinguent par le fait que la tactique peut s’émanciper d’un lieu contrairement à la stratégie où le lieu sert de base à la gestion des relations.»13

Ce maintien passe par l’usage des lieux qui permettent de répondre aux besoins, mais «l’épreuve du maintien de soi oriente les choix de chacun, et l’interminable succession des lieux indique qu’aucun ne comble l’absence d’un « chez-soi »12. Ainsi, le demandeur d’asile est obligé de se rendre dans différents lieux répondant à certains besoins spécifiques; impliquant un mouvement perpétuel.

Malgré un détail important de chacune

des structures référencées dans le guide, leur pratique n’en reste pas moins un parcours atypique. Jours et heures d’ouvertures sont propre à chaque lieu, conditions de pratiques plus ou moins contraignantes, prix, ...

Cette pratique n’est donc pas libre, elle est assujettie à un parcours administratif, en premier lieu qui permet la pratique du lieu. Une limite drastique et repoussante, de même que l’architecture des lieux qui n’invite pas à la pratiquer. Pratiquer le lieu, c’est avant tout une invitation faite par l’architecture. Elle nous fait rentrer dans ses entrailles pour nous dévoiler des jeux de lumières, de volumes, des interstices ... Ces lieux ne convient pas le migrant dans leur pratique, ils marquent une distance, un énoncé de l’architecture froid et hostile.

Il y a une distinction entre nous, citoyen

français, étranger ou non de Marseille, qui vivent la ville avec nos propres rythmes et il y a ‘eux’. Eux, les migrants qui se voient contraindre dans leurs besoins.

12- Vivre sans domicile fixe : l’épreuve de l’habitat précaire In: Communications, 73, 2002. pp. 11-29. Pascale PICHON http://www.persee.fr/ web/revues/home/prescript/article/comm_05888018_2002_num_73_1_2109

13- Miichel de Certeau. «L’invention du quotidien» 1 Arts de faire Folio-Essais. Gallimard, 1980, par Catherine Didier-Fevre

29


Les lieux formels définis par l’institution

L’urbain et l’architecture sont liés par

vont à l’encontre de la pratique des besoins car ceux-ci sont régis par des horaires administratifs et des budgets ne permettant pas la mise en place d’une pratique ‘normale’ et instinctive des besoins fondamentaux. Ainsi, en plus de savoir dans quels lieux se rendre pour assouvir tel besoin il faut également penser à quand y aller. On voit alors des besoins assouvis en fonction d’une horaire et non pas en fonction de l’envie de l’assouvissement du dit besoin.

la création de l’espace de la ville, ils créent ensemble un tout formant une ville. Néanmoins, après avoir sillonné la ville à la découverte des espaces pour les migrants je me suis rendue compte que la distance est importante entre les espaces qui leur sont consacrés et les espaces dédiés aux habitants de la ville.

NOUS HABITONS TOUS LA MÊME VILLE, SEUL NOTRE STATUT CHANGE.

C’est naturellement alors que l’intimité

L’urbain produit une différenciation envers ces habitants, producteur d’espace elle révèle ici, dans ces lieux, un rejet de celui que la ville considère comme un migrant.

vient se confronter à cette limite; comment garder son intimité et son intégrité quand la vie est gérée de façon déshumanisée? Où trouver le temps de se retrouver soi dans cet amas de contraintes et de limites? Les espaces des demandeurs d’asile, et donc les lieux qu’ils fréquentent, sont divers et variés en terme de fonctions mais sont souvent invisibles contrairement aux autres lieux. Leur architecture ne décrit pas l’usage du lieu, c’est l’homme qui de par sa forte présence interroge et révèle la fonction.

Couloirs, barrières,

barreaux, ou encore agent de sécurité, nombreux sont les dispositifs qui stigmatisent et donnent l’alerte comme pour dire :

«ICI, SE UN LIEU DEMANDEURS

TROUVE POUR D’ASILE»

Du moins un lieu où, pour y accéder, il faut faire partie d’une certaine catégorie. Catégorie identifiant alors l’usager comme un migrant et déterminant la mise en place d’une architecture type.

30


Les dispositifs alors mis en place

effacent la connexion entre l’homme -usager- et l’architecture -contenant de l’usage- pour mettre en place des limites physiques : limites qui ont une connotation péjorative dans l’esprit général.

En effet, les limites visent en premier

lieu à protéger mais également à contraindre dans ses limites l’espace et donc l’usager. Elles montrent que quelque chose se passe derrière ces limites et peut notoirement être dangereux pour les autres -les non migrants- Elles révèlent un danger latent et leurs nombres ne fait que croître le sentiment que le migrant est une source d’insécurité.

31



L’ADJ Marceau

On vient y déposer ses affaires pour

L’Accueil De Jour Marceau est un lieu

les faire laver? Il faut prendre rendezvous une semaine avant puisqu’il y a de l’attente. Le personnel va laver les vêtements, les faire sécher et les plier, ce qui nécessite un temps pour chaque lot à nettoyer.

de vie avec ses 150 à 250 usagers par jour; le bruit est permanent et le vaet-vient constant. Le lieu gronde mais l’atmosphère est celle d’un café; on s’y retrouve pour échanger des nouvelles, boire un café servi par Fatima, on s’installe à une table seul, ou à côté de quelqu’un déjà installé, on patiente pour son tour ou simplement pour l’heure de la fermeture.

C’est aussi le lieu pour parler à un éducateur spécialisé ou encore à un assistant social qui aide dans les démarches pour obtenir un visa par exemple. Un lieu de rencontres, d’échanges, culturel également ; des livres sont à disposition et un mardi sur deux l’association ‘C’est la faute à Voltaire’ vient pour faire des ateliers de lectures et d’écritures.

Les migrants vont principalement à l’ADJ dans le but de passer la journée dans un endroit chaud avec d’autres personnes. Lors d’une interview D.B m’a dit «quand j’arrive ici, je sais que je viens juste d’arriver» en référence à l’ADJ qui est pour lui le point de départ de sa journée -pour prétendre à une demande d’asile il faut prouver sa présence sur le territoire pendant 60 jours consécutifs, aller dans une ADJ permet de ‘pointer’ et donc de cumuler des jours de présence-

De même qu’il -le lieu- est celui de la transmission de l’information : savoir où aller pour manger; l’Association Noga offre 30 repas par personne -l’accès est donné après étude de la situation du demandeur, réalisée par un travailleur social-

À l’ADJ, lorsqu’on y est domicilié c’est-

C’est également celui du repos, les ADN, bruyant et surchargés -chambres de 4 à 8 personnes- ne sont pas des lieux propice à la tranquillité; c’est donc à l’ADJ sur les chaises courant le long des murs que les migrants viennent s’endormir...

à-dire que l’adresse postale du migrant est celle de la structure sociale, on vient récupérer son courrier sur présentation de sa carte d’identité. On vient également dans ce lieu pour y prendre sa douche, après avoir obtenu un ticket numéroté et avoir patiemment attendu son tour. Dans ce lieu seulement 3 douches sont présentes et c’est en moyenne 80 douches par jours qui sont faites.

Le personnel, en plus de son travail social, empreinte parfois la casquette d’infirmier, ou encore celle de coiffeur. L’ADJ c’est le lieu de tous les possibles, bibliothèque, bain public, hôtel, théâtre, café, fonction publique -pour l’administratif- ... un lieu ou tout est réalisable mais c’est avant tout un espace pratiqué de mille manières qui permet de répondre aux besoins. 33


C’est donc une limite entre la ville et

L’ADJ Marceau se situe au niveau de la

le lieux mais également une limite qui tend à créer un danger pour les usagers même puisque cet espace restreint n’est pas fait pour le nombre de personnes le pratiquant ; entre 150 à 250 personnes se rendent quotidiennement à l’ADJ.

Place de Strasbourg dans le quartier de la Porte d’Aix. Pour accéder à la structure il est nécessaire d’utiliser un ‘couloir’. Couloir qui crée une séparation avec l’espace public. Cet espace, latent, est une séparation physique importante qui, en plus d’éloigner l’architecture met à distance l’usager avec l’espace public, et donc avec la ville. Il y a, dès lors, une double limite puisqu’en plus de séparer deux professions liées -architecture et urbanisme- elle sépare l’homme de ce qui lui permettrait de s’enraciner : la ville.

L’ADJ est une démonstration de limites

spatiales ; limite entre l’espace urbain et les limites de la structure, limite humaine -par la présence d’un agent de sécurité-, et enfin, limite entre l’espace de la structure et la structure elle-même. C’est un panel de dispositifs de sécurité qui éloigne l’homme, le lieu qu’il pratique, ses besoins et leurs pratiques, et la ville. Tout ceci entre-mêlé génère un entonnoir de limites spatiales plus physiques et dévalorisantes les unes que les autres.

Ce couloir est un étranglement et peut

engendrer des problèmes de sécurité. Un samedi alors que j’allais à l’ADJ j’ai vu une cinquantaine de personnes rassemblées devant les grilles. Chose étrange puisqu’il était 09H05 alors que la structure ouvre ses portes à 07H00. Que faisaient-ils tous devant la grille? Quelque chose m’a interloquée ... la présence d’un camion de pompier; j‘ai pensé, de prime à bord, à une personne qui avait fait un malaise... non. C’était un usager qui s’en était pris à un des assistants sociaux. En cas d’agressions le principe est simple : la mise en sécurité du personnel et des locaux est primordiale. Or, la sur-présence des limites affecte cette sécurité puisque le portail entre l’espace urbain et l’ADJ sont éloignés physiquement et contraignent à un parcours ; il faut pousser les migrants à sortir de l’enceinte de la structure.

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Limite entre l’espace urbain et l’ADJ Marceau - Porte d’Aix -


Couloir

A

D

J

Espace urbain

Agent de sécurité

I L

Un entonnoir de limites entre la ville et le lieu de la pratique des besoins -

SCHÉMA D’UNE URBANITÉ DISTANCÉE /

Barrière ADJ

M

I

T

E

S

Portail ADJ Cours


7:00

Accueil De Jour Marceau - Porte d’Aix -


SÉPARER /

Accueil De Jour Marceau - Porte d’Aix -


Les autres lieux de la ressource à Marseille

Noga - Restaurant solidaire

Les trois lieux que je vais présenter sont

ceux que les migrants m’ont révélés lors des interviews, et qu’ils pratiquent quotidiennement -en fonction des horaires et jours d’ouvertures de ces derniers-. Ils sont répartis dans la ville et permettent aux migrants de réaliser les besoins fondamentaux énoncés précédemment.

Je suis passée des centaines de fois devant ce lieu sans jamais me questionner : Qu’est-ce qu’un restaurant associatif? A quoi sert-il? Pour qui ? Le restaurant Noga ouvre ses portes en Novembre 199614 et fait partie de l’association Maavar, leur spécificité est l’accueil par une prise en charge globale regroupant le logement, l’alimentation et l’accompagnement social. L’association répond à la demande croissante de personnes en situation de précarité et s’efforce encore aujourd’hui de répondre aux besoins alimentaires des usagers. Ici, je ne parle que du restaurant compte-tenu que les migrants interviewés ne m’ont fait part que de cette structure qu’ils fréquentaient pour leur repas.

Il s’agit de Noga, restaurant associatif, de l’Association Fraternité la Belle de Mai ainsi que de la Plate forme Asile. Ces lieux permettent de manger, apprendre la langue française et réaliser les démarches administratives afin d’obtenir l’asile.

C’est en premier lieu donc que les

migrants m’ont fait découvrir ces lieux et leurs modes de fonctionnement, ensuite, je me suis renseignée par moimême afin de les dévoiler.

Le restaurant ouvre ses portes 6 jours par semaines sauf le samedi -il faut alors trouver un autre endroit où se restaurerde 11h30 à 14H00 sur présentation d’une carte qui permet l’accès au restaurant. Cette carte est délivrée après analyse de la situation du demandeur et est délivrée pour 30 repas seulement. Se sont chaque jours environ 254 repas qui sont délivrés sur place ou emporté (chiffres de 2011) soit 79.543 repas sur cette même année.

Nota Bene :

Chacune de ces structures reçoit un certains nombre de migrants mais ne révèle pas l’ampleur du travail accompli ou restant à accomplir pour aider les personnes en situation de précarité.

14-http://association.maavar.free.fr/R.A.2011/ RAPPORT%20D’ACTIVITE%202011%20MAAVAR%20MARSEILLE.pdf

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NOGA - Multiples limites spatiales - Cours Julien - Marseille 40


Association Fraternité la Belle de Mai Cette association permet aux migrants

de bénéficier de cours de français à la Friche Belle de Mai. Située au niveau des grands plateaux, à côté du restaurant les grandes tables, il n’y aucune indication qui permettent de savoir qu’un espace est dédié à l’apprentissage de la langue française pour les personnes étrangères. Qui plus est, celui-ci n’est pas sur le même niveau que le restaurant, il faut emprunter un escalier se situant au-dessus des cuisines du restaurant. L’espace est simple chaises, tables, et tableaux mais l’enjeu important.

Cette mise à distance, à l’inverse de

celle de l’ADJ, n’est pas source de danger ou de stigmatisation de la pratique du lieu. Néanmoins, la mise à distance est présente puisque l’on peut imaginer un seuil de pratique. Sur le ‘vrai’ plancher, celui porteur, il y a le restaurant, tandis que sur un plancher intermédiaire, il y a les migrants.

CACHEZ DONC CES MIGRANTS QUE JE NE SAURAIS VOIR. De plus, malgré l’intérêt irréfutable du

lieu sa pratique n’est pas inscrite. Ce que j’entends par là, c’est qu’aucuns signes extérieurs ne rend la pratique visible par tous.

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Association FraternitĂŠ Belle de Mai - La Friche 42


Plate forme Asile Je suis alors partie un matin à la

La Plate forme Asile est le lieu

découverte de ce lieu. Je l’ai cherché Boulevard d’Athènes. Je ne l’ai pas trouvé...

administratif pour les demandeurs d’asile. Situé au boulevard d’Athènes aucunes indications ne laisse entendre la nécessité de posséder ce lieu dans la ville. Il permet de réaliser les démarches administratives afin d’obtenir des papiers et être régularisé.

Je ne connais pas la ville sur le bout

des doigts mais si l’on me dit : «tu descends depuis la gare, c’est tout droit, au numéro 27» je ne peux pas vraisemblablement pas me tromper. Ce que j’avais négligé ce jour là c’était précisément le jour; un samedi. Qui dit samedi dit administration fermée. Or, je pensais qu’une telle structure, serait ouverte un samedi pour répondre à une demande somme toute de plus en plus importante...

Ce lieu j’en entends souvent parler, les migrants que j’ai rencontré m’ont à chaque fois montré le document officiel qui stipule qu’ils sont en attente d’asile et où il est indiqué par le biais d’un tampon le prochain rendez-vous. Rendez-vous pris mensuellement pour prouver leur présence sur le territoire français et peut-être leur permettre d’acquérir le statut de demandeur d’asile.

Comment se fait-il que moi, française, francophone, habitante de Marseille depuis maintenant 5 ans, et de ce fait étrangère, je n’aie pas réussis à trouver le lieu ?

J’ai demandé où était ce lieu, tous ont

été surpris par cette question; parce que, pour eux, ce lieu c’est celui de l’aboutissement, c’est celui qui «donnera le papier» D.S. Et comment se fait-il que faisant une recherche sur les migrants je ne connaisse pas ce lieu ? D’une part, parce qu’il ressort de l’administration et donc, est en dehors des lieux que je recherche, et d’autre part, parce que je ne connais pas, précisément, toutes les démarches administratives.

Pour la simple et bonne raison qu’aucune indication ne laissait voir qu’ici la plate forme asile siégeait. Rien sur la façade ou les sonnettes n’indiquaient la pratique du lieu... La seule visibilité du lieu est en semaine... quand la foule se masse devant pour attendre son tour ...

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INVISIBILITÉ /

?


Q

u’est-ce qu’une ressource

?

D’un point de vue sociologique

l’existence même des lieux de la ressources permet d’assouvir les besoins fondamentaux que nous connaissons tous et pratiquons avec plus ou moins de différences, mais avant tout de connaître les hommes qui pratiquent ces lieux. Cette approche socioanthropologique que j’ai eu pendant ces mois d’investigations, avec le soutien de Mattéo, m’ont permis de m’interroger longuement et d’orienter ma vision de l’architecture.

Cette question me paraissait incompréhensible lorsque j’ai commencé ma réflexion et ce, comptetenu que je n’avais jamais mis les pieds dans un ADJ, un ADN ou un restaurant solidaire. Aujourd’hui je peut dire ses ressources sont une source incommensurable de connaissances sur la pratique des lieux, sur les hommes et leur pratiques -déterminées par leur mode de vies mais aussi leurs origines et leurs vécus-

Arrivée sur le terrain pleine d’ambition j’ai dû très vite les revoir; une énergie débordante pour un manque de temps flagrant en vue du terrain à découvrir. Toujours est-il que je ne vous ai présenté ici qu’un aperçu succinct de ce qu’était les ressources formelles à Marseille, bien sûr il y en a beaucoup d’autres et certaines spécialisées selon le profil des personnes pratiquant le lieu. Toutes ces structures je ne les connaissais pas, et la première fois que je suis allée à l’ADJ j’ai dû passer pour une extra-terrestre compte-tenu que je n’étais pas à l’aise et j’appréhendais l’accueil que l’on pouvait me faire vis-à-vis de ma démarche. C’était sans compter qu’au sein de l’architecture que nous visitons chaque jour pour réaliser différents besoins, il y a des hommes et des femmes qui font de ce lieu une pépite d’or.

La quête incessante d’un lieu en vue

d’y pratiquer un besoin est, à mon sens, archaïque puisqu’il va à l’encontre même de la pratique d’un besoin. Selon Pascale Pichon la pratique des lieux de la ressources est une «démarche incessante qui oblige à puiser ses forces aux marges des lieux de la vie quotidienne commune et aux portes des services d’assistance, afin de « tenir » 15 «Tenir», «l’épreuve de la rue», même si les sujets rencontrés -les migrants- ne sont pas définis comme vivant dans la rue, malgré le travail incessant des différents protagonistes et du 115, il est possible qu’ils soient obligés d’y vivre un temps. Manque de places, manque d’infrastructures, beaucoup de défauts à dépeindre mais c’est sans compter le travail incessant des personnels de ces structures qui les font vivre et se battent quotidiennement pour faire exister les structures mais également donner un peu de vie aux hommes et femmes qu’ils rencontrent.

D.B. m’a dit lors d’une interview «je reviens vite ici pour leur parler, je n’aime pas rester loin d’elle» il parlait d’Edwige et de Jean-Sébastien de l’ADJ Marceau. Il fait des aller-retour tout au long de la journée pour passer un peu de temps avec eux.

15- Pichon Pascale. Vivre sans domicile fixe : l’épreuve de l’habitat précaire. In: Communications, 73, 2002. pp. 11-29. http://www.persee.fr/ web/revues/home/prescript/article/comm_05888018_2002_num_73_1_2109

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D’un point de vue architectural,

La limite spatiale de l’architecture ne

connaître ce que font les hommes, et ce, basé d’après une étude socioanthropologique permet de mettre en exergue les résultats obtenus au dessin de l’architecture. Pour exister l’architecture a besoin de matière, tout comme les hommes ont besoin d’un toit.

doit pas être une limite, une fin en soi, mais le début d’une construction nouvelle où les divers protagonistes doivent jouer un rôle non pas contraire mais emprunt de la même envie. En effet, mon mémoire est celui de l’habiter. Habiter non pas différemment, car l’on vient d’ailleurs, mais tout simplement habiter sans réaliser des démarches pour devoir tenir.

Nous pensons des espaces comme étant

des pratiques mais à mon sens nous oublions de mêler certaines professions à la notre afin de lui donner une âme. Dans ce mémoire j’ai découvert des structures dîtes d’urgences et l’univers s’y rattachant. Aujourd’hui l’urgence que nous vivons est de penser sur du long terme pour permettre aux hommes et femmes de pouvoir vivre sur notre territoire non plus comme migrant mais comme résident à part entière de nos villes.

Marseille est une ville aux milles

facettes et aux milles couleurs, brassée de multiples identités d’où elle tire sa force. Mais force est de constater que les politiques n’attisent pas le vent de la mixité mais de la différence culturelle. Qui plus est je me rends-compte que très peu d’architectes travaillent du côté de l’urgence et du social alors que nous créons tous des toits, nous oublions que se sont des hommes qui y habitent. Le lien avec l’anthropologie et la rencontre avec Mattéo m’ont permit d’ouvrir des frontières auxquelles je souhaite m’intéresser et approfondir pour mettre en exergue les deux professions.

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-

- LIMITE TEMPORELLE -

- LIMITE TEMPORELLE Une vie de parcours Périmètre de vie : une appropriation définie De l’accueil au rejet : hospitalité et hostilité

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Une vie de parcours

La vie des migrants peut se résumer

Pour identifier les parcours des

à celle d’un parcours du combattant. Entre limite physique, produite par une architecture qui tend à éloigner et séparer, et limite temporelle, où le migrant dans sa quête de la ville doit organiser sa journée en fonction non pas d’une réalisation d’un besoin mais d’une contrainte administrative, il parcourt la ville à la recherche des besoins fondamentaux qu’il peut réaliser.

demandeurs d’asile que j’ai rencontré je leur ai demandé de réaliser une carte mentale; en partant de l’ADJ ou de l’ADN de me montrer comment ils vivaient la ville. Ils ont tous été, de prime à bord surpris, par cette demande mais se sont tous prêtés au jeu. Au début ils étaient intimidés, et me disaient : «je ne sais pas dessiner» «non, je sais pas quoi faire» mais à force de leur expliquer et de leur demander, ce qu’ils faisaient dans la ville et par quel chemin, ils ont fini par poser la mine du stylo sur le papier et dessiner. Leur parcours est identique, j’entends par là quotidiennement, le trajet se répète inlassablement comme une toupie qui ne cesserait de tourner. Les demandeurs d’asile pratiquent les même chemins. Simplement par soucis de sécurité, ou pour se sentir rassurer de connaître quelque chose dans la ville...

À l’inverse de notre mode de vie, et de

notre parcours quotidien, le migrant ira dans différentes structures afin d’accéder à différents besoins. Le parcours est à l’échelle de l’homme puisque pratiqué à pied mais reste toujours confiné à une pratique d’un besoin et non pas à la découverte de la ville comme lieu d’habitat.

Ces cartes mentales ont un contenu varié en terme de ce qu’elles apportent comme connaissances sur la pratique de la ville par les demandeurs d’asile que j’ai rencontré. Parfois minimaliste le dessin regorge d’informations, a contrario il peut être détaillé mais n’informe que sur deux lieux (souvent l’ADJ et l’ADN).

Les parcours que j’ai rencontré sont

quasi identiques du fait du statut de migrants et de leurs modes d’habiter dans la ville lié aux lieux institutionnels qui leur sont mis à disposition. Ainsi, le parcours de D.B. est semblable à celui de D.S ou encore de M.D.

> CF annexes

LES PARCOURS SE RESSEMBLENT ET S’ASSEMBLENT POUR CRÉER DES LIEUX DE PRODUCTIONS DE BIENS FONDAMENTAUX. 51


Ce qui m’a frappé lorsqu’ils dessinaient

Chaque fois que j’ai posé la question il y a eu un long silence, j’expliquais les mots, les écrivais, les expliquais... Mais ils n’avaient pas réellement envie d’en parler. D.S. m’a répondu «dormir parce qu’avec le climat là tu peux pas rester dehors, si tu t’arrêtes là tu as la maladie». Il voulait avant tout dire avoir un toit. Beaucoup ensuite m’ont répondu manger, qu’ils avaient des problèmes à s’accoutumer avec notre alimentation et qu’alors certains ne mangeaient que le soir, par nécessité d’avoir quelque chose dans le ventre...

les cartes mentales c’était leur connaissance précise et détaillée du parcours; ils me le décrivaient par l’architecture et l’urbanisme «là tu vois il y a le rond-point» «il y a l’hôtel» «il y a les arbres» «pour aller à la plate forme on passe à côté de la gare» ... leurs explications étaient très claires et permettraient à un étranger de se rendre d’un point A à un point B sans avoir jamais mis les pieds dans la ville auparavant. Le parcours est identifié comme permettant d’assouvir un besoin et devient donc la clé de réussite de la pratique.

Lorsque j’ai demandé «que penses-tu de la ville?» la réponse de D.S. m’a surprise... «je ne peux rien dire on est sur la route» elle m’a rappelé les livres que j’ai lu, des récits de migrants sur la fuite jusqu’à nous... Ces récits m’ont glacés le sang, et je vivais la course avec le migrant, l’auteur, je sursautais de joie lorsqu’il décrit la frontière, qu’elle est derrière lui, qu’il l’a enfin passée, que son périple est enfin fini. Sa réponse m’a rappelé les récits qui fleurissent dans les librairies ces derniers temps, témoins de ce qui se passe et de notre inaction. Sa réponse me fait l’effet d’une batte, il a toujours la peur d’être arrêté, stoppé dans son élan, ramené à ce qu’il fuit. J’ai été déstabilisé -

- Lorsque je leur posais des questions ou leur ré-affirmait leur parcours, dans le but qu’ils le dessine, il est arrivé que certaines personnes me disent «mais tu ne m’as pas demandé où j’allais l’aprèsmidi» «où j’allais prendre ma douche, tu ne m’as pas dis de le dessiner» D.S. Etant donné que l’interview est semidirectif il était facile -malheureusementde passer à côté d’une question mais c’était sans compter que les demandeurs d’asiles étaient sur le qui-vive. J’appréciais cette remarque puisqu’elle signifiait qu’ils étaient impliqués et surtout qu’il voulait me dire ce qu’ils faisaient de leur journée. J’ai aussi eu des remerciements pour certaines questions qui ne figurent pas dans mon propos aujourd’hui. Par exemple quel est pour eux le besoin primordial a assouvir, celui dont il ne pourrait se passer. Il est aléatoire, et ceci est du aux différentes vies que j’ai eu en face de moi et qui ont toutes empruntées un chemin différent.

52


- Ces cartes, en annexes, je les ais réinterprétées pour vous faire part des parcours, du temps, de leur périmètre de vies. Mais si vous regardez attentivement ces cartes et leur sommaire description vous verrez bien plus qu’un dessin, en effet, selon l’étude sur les cartes mentales et représentations spatiales réalisée par l’Université Lyon 3 une carte mentale «permet (...) de traiter les aspects de localisation spatiale dont la connaissance se décompose par : – la position géographique (lieu de l’activité) ; – le cheminement (entre le lieu d’habitation et le lieu de l’activité). La carte mentale est la représentation des routines cognitives avec les adaptations événementielles opérées par les individus. On peut en faire ressortir l’espace d’activités/déplacements. La carte mentale met en avant l’ancrage comportemental dans son aspect spatial. On voit apparaître des territoires de mobilité (Boulahbal, 2000) qui ressortent des routines quotidiennes des individus. » 16

Ces cartes sont donc une source

d’informations cruciales pour connaître et comprendre chaque parcours de vies s’établissant dans la ville. Se sont des aspects personnels transposés à un territoire afin de l’habiter.

16- http://norois.revues.org/3343 «Cartes mentales et représentations spatiales de résidants en MARPA : un outil d’aide à l’implantation de nouvelles structures d’hébergement ?» Pierre-Marie Chapon, Clémence Beuret , Clément Bolomier, Philippe Choisy  et Sandro Zambernardi

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«

Je ne connais aucunes adresses. J’ai beaucoup marché mais je ne connais même pas.

»

D.S


Le mouvement est engagé et compté;

le créneau horaire entraîne l’obligation de réaliser un besoin spécifique dans un temps donné. Cette première limite est de prime à bord sans conséquences mais elle oblige le migrant à mettre en place un emploi du temps strict auquel il ne peut déroger sous peine de ne pas réaliser le besoin. Peut-être pouvonsnous un jour sauter une douche, remettre au lendemain une lessive mais pour le migrant ce besoin ainsi que sa réalisation permet de garder une dignité. La dignité d’être propre sur soi et de ne pas faire la différence dans le flot des passants. Ne pas être stigmatisé comme une personne vivant dans la rue car connoté visuellement par une absence de soin du corps, un négligemment physique.

CETTE PRATIQUE DÉTOURNÉE PAR LA TEMPORALITÉ REND LE BESOIN PASSIF À CELUI QUI LE PRATIQUE. Il y a comme un détachement entre

l’homme et ses besoins. Une non prise en compte de quand faire quoi, ni même comment le faire.

55


«Le fait d’errer dans la ville est une expérience sociale à part entière. La manière de raconter l’espace est centrale dans sa perception. Tout récit est un récit de voyage, - une pratique de l’espace. » De Certeau voit deux manières de raconter l’espace : celle qui dresse un parcours : l’interrogé indique quelle direction suivre pour arriver dans un endroit précis ; celle qui s’apparente à une carte : tel lieu se trouve à côté de tel autre.»17

17- Michel de Certeau «L’invention du quotidien.» 1 Arts de faire. Folio-Essais. Gallimard, 1980, par Catherine Didier-Fevre

56


«

«

J’aime le temps , d’avoir le temps.

D.B


ADJ Marceau ADN Forbun Gare Saint-Charles Plate forme Asile Restaurant solidaire Noga Vieux Port Parcours de D.B.


ADJ Marceau ADN Forbun Association FraternitÊ Belle de Mai Gare Saint-Charles Bibliothèque Alcazar Plate forme Asile Restaurant solidaire Noga Parcours de M.D.


ADJ Marceau ADN Forbun Gare Saint-Charles Plate forme Asile Restaurant solidaire Noga Parcours de D.S.


1. ADJ Marceau 2. ADN Forbun 3. Gare Saint-Charles 4. Plate forme Asile 5. Restaurant solidaire Noga 6. Vieux Port 7. Association Fraternité Belle de Mai 8. Bibliothèque Alcazar

Les lieux présentés ici sont utilisés uniquement en vue de leurs pratiques respectives.

61


8.

2. 1.

3.

7.

4.

6.

5. Lieux des parcours -


Périmètre de vie : une appropriation définie

Autrefois habitants d’une ville, ou

Quand nous avons le temps, mais aussi l’envie, nous nous évadons de notre quotidien, nous nous octroyons du temps pour nous. Pour se retrouver seul. Ce moment est bénéfique et permet de se ressourcer, les migrants n’ont pas ce temps. Certes certains diront ils n’ont pas de travail, oui, effectivement, mais ‘Dieu seul sait’ combien ils souhaitent retrouver un travail parce que «rester les bras croisés à rien faire c’est un peu bizarre, c’est pas bon du tout» D.D.

d’un village ceux que nous appelons grossièrement migrants avaient une vie établie, un avenir tracé. Ils étaient pratiquants de leur ville, la connaissant dans ces détails ou du moins dans le périmètre qu’ils s’étaient forgés de par leur pratique. Ils avaient leurs habitudes et leurs endroits favoris. Aujourd’hui ils habitent une ville qu’ils ne connaissent pas; où les us et coutumes diffèrent mais également où ils n’ont aucuns repères spatio-temporels.

COMMENT S’APPROPRIER L’ARCHITECTURE ?

J’ai constaté lors des interview que

la pratique de la ville par le migrant se résumait à quelques bâtiments. Ces derniers permettant toujours la réalisation d’un besoin spécifique. La réalisation des cartes mentales des lieux qu’ils pratiquent permet de mettre en exergue leurs connaissances des lieux face à la connaissance de la ville.

Question banale mais qui pose à réfléchir. Puisque l’architecture regroupe un grand nombre de professions transversales il est important de se questionner sur comment les mêler pour qu’ensemble elles forment un tout, une entité permettant d’habiter. Pour les migrants, habiter est un challenge quotidien et a renouveler afin de réaliser la pratique. L’appropriation du lieu que j’expose ici est une appropriation spatiale qui détermine un périmètre de vie et d’habitudes qui permettent la pratique. Par exemple, Cyrille Hannap met en place depuis 2015 avec ses étudiants, des ENSA Bretagne et Belleville, et des associations une réflexion afin de répondre à la question de l’habitat indigne. Ensemble ils imaginent des prototypes d’habiter permettant d’habiter le lieu et répondre aux besoins des habitants18.

Avec les cartes mentales j’ai notée que

leurs périmètres de vie était totalement dérisoire face au périmètre de la ville. Leurs lieux de vies sont définis par les usages des lieux mis en place par l’institution.

Leur ville n’a rien à voir avec la ville que je connais. Ils l’arpentent de manière à pratiquer les besoins fondamentaux et non pas la découvrir comme nous l’entendons et ceci est du aux lieux qui sont réglés par une limite temporelle.

18- http://www.airarchitectures.com/engagement

63


«

Le vieux port c’est animé, y’a les gens qui circulent ici, se ballade tout ça.

«

D.B.


NOTE

65


J’ai volontairement extrait les bâtiments

d’un contexte spatial ou urbain qui va avec la représentation architecturale -le plan- puisque leur représentation de la ville ne se définit qu’à travers certains bâtiments et non par un ensemble,c’està-dire une ville. Ainsi, par cette extraction je dénonce l’échelle de vie des demandeurs d’asile face à l’échelle à laquelle nous vivons.

66


7.

6.

1.

2. 3.

5.

M.D. - 1,5Km2 de pÊrimètre de vie dans la ville -

4.


1. ADN Forbun 2. ADJ Marceau 3. Gare Saint-Charles 4. Noga 5. Alcazar 6. Association Fraternité Belle de Mai 7. Bonnes Soeurs

M.D pratique 6 lieux et 2 espaces urbains dans le but d’assouvir ses besoins.

Originaire du Sénégal il est le premier demandeur d’asile que j’ai rencontré et m’a remercié de lui avoir accordé du temps pour l’écouter. Car l’interview n’est pas qu’obtenir des réponses mais savoir écouter ce que l’autre veut bien nous dévoiler. Il faut savoir que l’ensemble des migrants sont très sollicités pour des recherches en tout genre et certains se méfient, ou refusent d’y participer de peur qu’on dévoile leur vie et qu’ils soient dénoncés. Mais de par ma présence à l’ADJ et des liens que j’ai noué avec l’ensemble de l’équipe les migrants ont été à l’aise et ont souhaités répondre à mes interrogations.

M.D a tout juste 20 ans et a quitté son

pays à 16 ans, dans le but d’une vie meilleure. Ici, à Marseille, il va à l’école à l’Association Fraternité Belle de Mai 2 jours par semaine. Pour dormir il va à l’ADN Forbun et y prend également sa douche. À la fermeture il vient directement à l’ADJ Marceau regarder la télévision ou faire une sieste (rude épreuve au vu du bruit) puis il va à Noga pour manger. Il s’assoit sur les bancs et patiente. Le restaurant solidaire est ouvert tous les jours sauf le samedi, il va alors chez les Bonnes soeurs qui le comprennent depuis qu’il lit la bible. Lire l’apaise et lui fait penser un temps à autre chose qu’à sa situation. La bible il va la lire à l’Alcazar, et quand il veut passer le temps il va à la gare. Juste s’assoir. Attendre.

68


2.

1.

4.

5.

D.B. - 1,8Km2 de pÊrimètre de vie dans la ville -

3.


1. ADJ Marceau 2. ADN Forbun 3. Noga 4. Plate forme Asile 5. Vieux Port

D.B. vient du Sénégal, il a 28 ans,

lorsque je l’ai rencontré il venait tout juste d’arriver à Marseille depuis deux semaines. En 2010 il quitte son village pour Dakar et part définitivement du Sénégal en 2011 pour aller au Niger, puis au Nigeria, au Cameroun, en Centre Afrique, au Tchad, en Lybie, et enfin en Italie où il y restera 1 an et 6 mois avant de rejoindre Marseille. L’histoire de D.B. m’a marquée puisque nous avons le même âge; moi j’ai choisis de reprendre mes études et je suis sur le point de les terminer tandis que lui sillonne les routes depuis 7 ans déjà en quête d’un présent stable. Il pratique 4 lieux et 1 espace public. L’ADN Madrague où il dort mais vient à l’ADJ prendre sa douche et parler avec Stéphane -éducateur- et Edwige -femme de ménage qui est originaire du même village que lui- ensuite il va manger à NOGA. C’est un bus qui part de l’ADN à 07H00 qui dépose les migrants aux portes des ADJ. Quand il le peut il va au vieux port s’asseoir à côté de la grande roue. Etant arrivé récemment il est domicilié à la Plate forme Asile, il y passe donc chaque jour dans la matinée pour prendre son courrier et quelques fois lorsqu’il a un rendez-vous pour suivre l’évolution de son dossier.

70


B.M.L.. - 1,27Km2 de pÊrimètre de vie dans la ville -


B.M.L vient de Guinée, il est né en

1. ADJ Marceau 2. ADN Forbun 3. Hôpital de la Timone 4. NOGA 5. Boutique 6. Plate forme Asile 7. Alcazar

1996 et est passé par l’Italie avant d’arriver à Marseille en août.

Il a beaucoup de mal à s’adapter à notre mode vie, à la nourriture et ses problèmes de santé l’empêche de dormir ce qui n’aide pas dans sa vie de tous les jours. Il est suivit médicalement depuis 3 mois mais son traitement est lourd et compliqué à suivre. Il pratique 7 lieux : Il dort à l’ADN Forbun y prend son petit déjeuner et sa douche. Il a toujours peur qu’on lui prenne ses affaires pendant son sommeil. Ensuite dès la fermeture de l’ADN il se rend à l’ADJ pour pointer sa présence -il est nécessaire de prouver sa présence sur le territoire dans le cas d’une demande d’asile- à 13H30 il retourne à l’ADN. Quelques fois il va à la plate forme asile pour prendre son courrier. Pour manger, il va à Noga mais il a beaucoup de mal à s’adapter à la cuisine et mange donc peu, il va alors dans une boutique à côté de Forbun pour acheter à manger, mais seulement quand il a de l’argent. Il préfère s’abstenir de manger le midi la plupart du temps. Il a eu un rendez-vous à l’hôpital la Timone pour son suivi médical. Quant à l’Alcazar il y va pour apprendre à mieux lire et parler français. Il y va peu mais aime l’endroit.

72


De l’accueil au rejet : hospitalité et hostilité

Seulement, qu’advient-il de cet accueil

L’accueil en architecture peut sembler

lorsqu’il est conditionné par des horaires, de l’administratif ou encore du quantitatif ? Il devient passif, sans âme et à l’opposé de sa fonction première ; répondre à un besoin d’urgence et vital. Il dénature et est également un rejet pour l’architecture elle-même.

être un concept utopique et détaché de l’architecture compte-tenu de son immatérialité cependant, il peut se concrétiser de diverses manières au sein même de celle-ci; travail avec la lumière, effet de matières, acoustique, jeux de volumes... Physique ou émotionnel cet accueil est créateur de pratiques dans l’espace architectural puisqu’il génère une atmosphère propice à l’usage du lieu.

Comment l’architecture peut-elle être si

aimante et méfiante à la fois? - Parce qu’elle ne connaît pas les hommes qui y vivent.

Cependant je me suis questionnée au

cours de mes interview et ‘ballades’ dans la ville concernant les structures des migrants :

Pourquoi fabriquer des lieux de vies qui

répondent à un programme et non pas à l’homme? - Parce que l’hospitalité n’est pas pensée comme un espace architectural.

COMMENT L’ACCUEIL SE MATÉRIALISE À MARSEILLE ?

L’architecte cherche, et à bon escient,

Cet accueil se traite d’un point de vue spatial par la mise en place d’une distante entre l’espace pubic et l’architecture dédiée aux migrants; effacer semble être le mot d’ordre pour rendre l’homme, devenu pour un temps migrant, invisible dans la ville. Cet accueil rejette plus qu’il n’accueille il est hostile plus qu’hospitalié.

à répondre à un programme, une mise en valeur de l’espace architectural, mais il semble oublier que se sont des hommes qui vont l’habiter. Pourtant, dans chaque architecture, et peutêtre plus dans celle destinées à des usagers comme les migrants, l’homme devrait être le centre névralgique de la conception architecturale pour apporter une réponse physique à la réalisation de besoins fondamentaux.

A C C U E I L INCONDITIONNEL

C’est pourquoi Cyrille Hanappe a réalisé un atelier avec ses étudiants de l’ENSA-Belleville afin de proposer l’aménagement de la jungle de calais mêlant ainsi, hospitalité et connaissance des hommes y habitant.

2 mots pour un accueil sans distinctions aucune de l’usager, aucune caractéristique spécifique n’est recommandée hormis celles d’être dans une situation d’urgence.

73


Le début d’une journée commence

«Il faut la regarder avec attention, et savoir en tirer les leçons. Les migrants et les réfugiés n’ont pas vocation à y rester éternellement, mais certains y sont depuis de longs mois et d’autres ont même décidé de s’y installer. Doiventils être condamnés à un cadre de vie infernal ? Le modèle urbain connaissant le plus fort développement est celui de la ville précaire et près du tiers de la population mondiale vivra dans de tels quartiers d’ici à 2030, soit 2 milliards de personnes.

lorsque les portes de l’ADN ferment, il est 07H00 du matin il faut trouver un endroit où passer la journée. L’ADJ est alors le meilleur endroit; prendre une douche, un café, rencontrer d’autres personnes, faire des démarches administratives avec les travailleurs sociaux... Les portes ouvrent également à 07H00 (pour fermer à 16H00). Les jours d’ouvertures sont du lundi au mardi et du jeudi au dimanche. Une fois quelques besoins accomplis le migrant passe généralement son temps ‘libre’ à la gare, il s’y assoit et patiente «sur la petite place en face de l’école». Les migrants qui ne sont pas domiciliés à l’ADJ vont à la Plate forme asile afin de savoir s’ils ont eu du courrier et le récupérer, l’ouverture de la structure est à 09H00. Puis à 11H30 c’est le temps d’aller manger à Noga sur le cours Julien le repas dure une heure. Il est 12H30 l’heure de repartir. S’asseoir sur un banc, retourner à la gare patienter, ou directement retourner à l’ADN puisque les grilles ouvrent à 16H00 et que chacun doit être présent pour valider sa place pour avoir son lit ... Cette journée type est donc réglée et définie par les horaires de chacune des structures ou un besoin spécifique y est pratiqué.

Ce modèle définit une nouvelle sorte de ville-monde, une nouvelle ville générique qui prend la suite de la ville historique, de la ville moderne, et des marées pavillonnaires. L’ensemble des acteurs travaillant sur le sujet des quartiers précaires ont démontré, depuis un certain temps que les politiques de démolition-relogement de ces quartiers ne constituaient pas un modèle valable, dans la mesure où, à un coût exorbitant, elles ne font que briser les solidarités existantes et casser les fragiles tissus économiques qui auraient plutôt besoin d’être renforcés et soutenus. (...) Plutôt que de créer un nouveau camp de réfugiés fait de tentes et de misère qui ne manquera pas d’être rapidement comparé à un camp de prisonniers, ne serait-il pas plus heureux de réfléchir à l’amélioration de l’existant, et cela pour que les habitants puissent mieux en sortir un jour ?»19

19- http://www.liberation.fr/societe/2015/09/08/ calais-la-jungle-future-ville_1378304

74


16H00 - 07H00 07H00 - 16H00 TEMPS LIBRE

09H00 - 12H30 14H00 - 18H00

TEMPS LIBRE

11H30 - 13H30

Les limites temporelles de la pratique des espaces -


1. ADN Forbun 2. ADJ Marceau 3. Gare Saint-Charles 4. Plate forme Asile 5. Noga 6. Vieux Port

L’architecture produite n’est donc pas

accueillante, pas hospitalière puisqu’elle devient contrainte par une temporalité forte et rédhibitoire. Lors d’un interview D.M me racontait qu’il n’aimait pas cette vie «parce qu(‘il) aime avoir le temps» sa journée est donc définie, programmée et ne laisse en aucun cas la place à une quelconque spontanéité. Cette pratique, cette vie ainsi pratiquée va à l’encontre même de l’assouvissement du besoin qui doit non pas être réfléchi mais instinctif puisque fondamental.

Lieux principaux utilisés par les personnes rencontrés lors des interviews

Si vous demandez à un demandeur

d’asile où il sera demain il vous répondra à telle heure à l’ADJ ensuite à NOGA puis...

CETTE ROUTINE EST FIGÉE PAR LE TEMPS DE LA PRATIQUE DES BESOINS. Alors que nous vivons, certaine fois,

la pratique de l’espace architectural comme une découverte ou un partage, il n’en est rien lorsque notre statut n’est pas défini.

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« L’hospitalité, définie comme ce qui permet à des individus, des familles de lieux différents (à des villes et des Etats également) de se faire société, se loger et se rendre des services mutuellement et réciproquement, est une question tout à la fois d’actualité et très ancienne.

J’ai réalisé à pied le parcours principal que m’avait donné les migrants et celui-ci se pratique en l’espace de peu de temps. J’ai donc chronométré ce parcours pour mieux appréhender leur pratique de la ville.

C’est une notion dont la puissance évocatrice est grande et qui puise à des registres divers : religieux, moral et social. Devoir sacré envers l’étranger qui, parce que loin de chez lui, intéressait particulièrement les dieux, mais qui, parce que hors des frontières, peut devenir l’ennemi (nous rappelant la parenté entre hôte et hostile) ; vertu bourgeoise associée à l’idée de maison, de grandeur, supposant qu’on peut recevoir sans gêne et constituant une marque de savoir-vivre ; libéralité laissée à l’initiative individuelle, proche de l’amitié, voire de l’adoption. L’hospitalité peut aussi avoir une dimension collective et un caractère d’obligation qui, longtemps, furent religieux (et associés à l’idée de charité) et qui aujourd’hui relèveraient davantage du service public et du domaine de la protection sociale (on pense au logement social, à l’hôpital...), ou du domaine commercial (hôtels notamment).

(Temps parcouru à pied en minutes) Vieux port - l’Alcazar 6’34 Alcazar - l’ADJ Marceau 6’25 ADJ Marceau - ADN Forbun 3’10 ADN Forbun - Gare Saint-Charles 6’25 Gare - Association Fraternité Belle de Mai 9’45 Gare - Plate forme Asile 3’10 Plate forme Asile - Noga 14’37

Cette pratique, du moins la spatialité

temporelle, des espaces dédiés montre que les lieux sont proches les uns et des autres pour une pratique plus soutenue. Or, ceci ne permet pas aux migrants de pratiquer à l’échelle de la ville ou de la métropole le lieu qu’ils habitent. Mais plus encore cette représentation spatiale dévoile l’hostilité de la ville face à un statut différent.

Elle serait enfin au fondement de droits : droits internes aux Etats régissant le statut des personnes étrangères, déplacées, expulsées (droit d’entrée, droit d’asile) ; et conventions inter-étatiques définissant le cadre des relations diplomatiques. Etant entendu que les sociétés à très forte division du travail social rangent préférentiellement l’hospitalité dans la catégorie des libéralités, du côté de la spontanéité plutôt que des conventions sociales ou du droit.»20 20- Gotman Anne. La question de l’hospitalité aujourd’hui. In: Communications, 65, 1997. L’hospitalité. pp. 5-19; http://www.persee.fr/doc/ comm_0588-8018_1997_num_65_1_1983

77


9’45

3’10

6’25

12’35

6’34

3’01

14’37


L

D’un point de vue architectural il est

a limite temporelle est importante dans la vie du migrant et reflète la ville dans leur pratique quotidienne. Confiné à des lieux par leur pratique temporelle ils ne peuvent habiter la ville que par temporalité.

important de lier l’usage des lieux à leur pratique. Comment les personnes vont utiliser le lieu? pourquoi? et dans quel but? Ces questions permettent de mettre en place une architecture en accord avec les personnes l’utilisant.

Utiliser la ville comme un réceptacle

Utiliser le lieu c’est avant tout le

de besoins n’est pour eux pas possible puisque, du fait de leur statut, ils ne leur est pas permit d’accéder à certains lieux par faute de temps mais aussi faute d’argent. Les migrants ne pouvant travailler ils ne peuvent se rendre que dans les lieux dédiés, et, ou, lors de manifestations gratuites comme Massilia Afropéa à la Friche Belle de Mai où beaucoup de migrants d’origine africaine se sont retrouvés pour être ensemble et réalisé une activité qui sortait de leur quotidien réglé.

connaître, or, nous avons remarqués que cette connaissance, cette appropriation ne peut se faire qu’à travers une pratique de la ville. Pratique que les migrants réalisent, mais différemment et donc ne pratique pas la ville.

Marcher. Sans cesse. C’est ainsi qu’ils

pratiquent la ville, aller d’un point A à un point B pour pratiquer le lieu en vue de réaliser un besoin. Rien de plus. Or, par cette restriction de la pratique et du lieu dûent à une vie parcourue uniquement au travers des faits énoncés il ne peut y avoir de façon d’habiter. Il ne peut y avoir de d’appropriation qu’au travers d’une découverte des lieux, des nonlieux. Habiter la ville c’est s’y perdre pour mieux reconnaître les endroits, découvrir des lieux où l’on va aimer s’y attarder, ou tout simplement connaître des raccourcis. Leurs parcours sont régis et identifiables à un besoin mais avant tout à un bâtiment puisque c’est l’architecture qui permet la pratique.

CETTE TEMPORALITÉ EST RÉGLÉE PAR UN PARCOURS AUQUEL LES MIGRANTS NE DÉROGENT PAS Tous les parcours présentés sont tirés

de l’analyse des cartes mentales que j’ai fais faire par chacune des personnes que j’ai interviewé au sein de l’ADJ Marceau. Le résultat obtenu, au travers de ces différentes cartes, révèle la pratique, l’appropriation faite par la temporalité des lieux dédiés aux migrants mais est avant tout est un outil de travail pour les architectes.

D’une certaine manière l’on pourrait dire que les migrants n’habitent pas la ville. Leur périmètre de vie, étant si restreint qu’il ne s’apparente qu’à quelques ilôts dans la ville...

79


Dès lors qu’ils pratiquent

l’ont pourraient faire le constat qu’ils habitent mais comment pratiquer quand l’hospitalité fait défaut?

La limite temporelle fait son arrivée là où

la limite spatiale s’arrête. Tout en étant dans la continuité de celle-ci elle sépare, encore. Les structures sont ouvertes certains jours de la semaine à certaines heures. Il faut donc prévoir à l’avance où aller et quand pour pourvoir pratiquer l’espace. Ce qui m’a étonnement surprise a été, certes leurs connaissances de la ville, mais leur connaissance d’euxmêmes au travers de la pratique comme si l’homme était entre-mêlé au lieu du fait de la temporalité régissant ce dernier.

Créer une architecture hospitalière est

un véritable défi que peu d’architectes aujourd’hui semble relever, barrière administratives, ou législatives -il est interdit aujorud’hui d’aider un migrant sous peine d’emprisonnement- alors comment créer l’hospitalité sachant que celle-ci n’est plus sous couvert de l’individualité mais de l’Etat? Cyrille Hanappe relève le défi, et même à plusieurs reprises. A Grande-Synthe, Calais ou encore à Paris, mais les architectes sont encore peu nombreux à s’intéresser à cette question de l’urgence ou de l’habitat indigne. En révèle le peu d’informations ou d’enseignements portés sur cette thématique dans les écoles d’architectures.

«Je ne connais pas ici, je ne connais pas les gens» D.A.M.





-

- LIMITE D’USAGE -

- LIMITE D’USAGE Détournement d’une pensée d’architecte Pluri-fonctionnalité des lieux Et demain ?

84


DÉTOURNEMENT /

Gare Saint - Charles -



Détournement d’une pensée d’architecte

Ce que j’appelle détournement est le

L’architecture n’est pas faite uniquement

fait que par l’usage fait des lieux par les demandeurs d’asile dévie de l’usage préconisé et pensé par l’architecte. Cet usage répond à un programme que l’architecte est obligé de suivre comptetenu qu’il est lié par un contrat avec le maître d’ouvrage, mais qu’en est-il de la pratique de l’homme lorsque tout est dessiné, programmé et défini? Cette pensée linéaire du lieu n’anéantit-elle pas la pratique? J’aime au musée, du moins j’aimerais, pouvoir toucher les tableaux, les installations, ceci est formellement interdit et qui plus est révélé par la présence d’agent de sécurité ou tout simplement par une mise à distance avec l’oeuvre d’art. Peut-être est-ce exagéré de faire ce lien entre l’art et l’envie de toucher d’avec la pratique de l’espace mais j’aime l’idée de pouvoir pratiquer un lieu comme je l’entends sans me dire que ceci est interdit ou pourrait être mal vu. Qui ne s’est jamais posé cette question : si je le fais on va venir me dire d’arrêter?

de béton et de fer mais d’espaces qui tendent à devenir autre chose par l’usage et la pratique détournée qu’en font les migrants.

Les demandeurs d’asile pratique le lieux

d’une certaine manière, et j’ai réalisé qu’elle n’était pas forcément en lien avec le lieu architectural, du moins avec le programme qui s’y réfère. J’ai également aperçu que certains demandeurs d’asile ne voulaient pas pratiquer certains lieux car ils étaient définis par une pratique et la changer allait à l’encontre du lieu.

Il s’avère que le lieu de nuit -ADN- est

bruyant, sale, et surchargé. Alors dormir dans cet endroit n’est pas possible, il faut trouver durant la journée comment se reposer et dormir. L’ADJ est une première solution mais l’espace restreint et le nombre de personnes le fréquentant rende la pratique quasi impossible. Du moins, ce repos ne sera pas bénéfique.

POURQUOI NE PAS PENSER DES ESPACES SANS USAGES, SANS PROGRAMMATIONS DÉFINIES POUR LAISSER LE LIBRE CHOIX DE LE PRATIQUER?

Il y a la gare qui est par définition un

lieu de transit, cependant, de nombreux migrants m’ont informés qu’ils allaient là-bas non pas pour voyager comme nous le faisons mais pour y dormir. Puisque les ADN sont peu nombreux et les demandes importantes il arrive parfois que les demandeurs d’asiles se retrouvent à la rue et privilégie alors les lieux de transit comme la gare par soucis d’être vue, et de retrouver sa communauté. 87


Quant à l’ADJ sa cour extérieur devient

Ce détournement des lieux créé donc

le lieu de rencontres. L’espace intérieur étant petit et bruyant se retrouver dehors autour d’un café et d’une cigarette et plus propice à l’échange ne serait-ce qu’entre migrants mais également avec le personnel de la structure.

des lieux informels où la pratique diffère de celle envisagée par l’architecte. Cette informalité est néanmoins nécessaires afin de réaliser une pratique utile. Nous verrons alors que ce détournement créer alors une pluri-fonctionnalité du lieu afin de répondre à un ensemble de pratiques des besoins fondamentaux.

Michel de Certeau «s’émerveille, avec

autant de respect que de tendresse, de l’inventivité des gens ordinaires, dont les manières de faire font des espaces publics et privés un «lieu de vie possible». c’est ce qu’il nomme «les arts de faire avec»21 Cette invention du quotidien ou ces «arts de faire avec» renvoient directement à la pratique des lieux et leur détournement puisque pour recréer un usage Y dans un lieu Z il faut de la stratégie et un certain art.

C’est le choix du lieu pour dormir qui est le plus souvent détourné de son usage initial. Ce besoin fondamental en soit n’est que très peu réalisable ou du moins dans des conditions permettant son accomplissement total. Ainsi les lieux de nuits imaginés par l’architecte via le programme défini qui lui avait été confié est détourné par les migrants. Le lieu de nuit n’est pas utilisé comme tel puisque c’est l’ADJ et la gare qui vont permettre de réaliser ce besoin.

21- Certeau, M., 1990, L’invention du quotidien : arts de faire, vol 1, Gallimard : Paris

88


Le migrant a alors le choix entre un

lieu qui ressemble à un café de part son atmosphère et dormir dans la journée sur des chaises, ou, aller à la gare et s’allonger entre les épais piliers et la façade et dormir à la belle étoile et tenter de se réchauffer avec le peu d’affaires que l’on a...

89


DORMIR /


UN USAGE /

Gare Saint - Charles - Marseille


DÉTOURNEMENT DE L’USAGE /

Gare Saint - Charles - Marseille


PRISE DE VUE

93


Sophie Calle dans son ouvrage «L’hôtel»22, réalisé en 1981, est une série photographique sur les objets qu’ont emmenés avec eux les clients d’un hôtel à Venise. Se sont de objets ordinaires, de la vie de tous les jours mais qui racontent, ensemble, une histoire. A sa façon, les prises de vue que j’ai réalisé vont dans ce sens; raconter l’histoire non pas d’une personne mais du lieu, de sa pratique. Chaque cliché est prit de façon a garder l’anonymat des sujets, qui plus est, le cadre centré et zoomé permet de rendre-compte de l’univers des migrants à savoir renfermé et craintif.

22- http://www.medienkunstnetz.de/works/hotel/

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«

Je ne vais pas à la gare, je vais au vieux port là où il y a les bâteaux (...) Je préfère le vieux port à la gare (...) c’est animé je vois les gens qui circulent, ici on se ballade tout ça (...) la gare c’est les gens qui voyagent, qui rentrent et qui prennent le bus ou le train.

»

D.B


S’ASSEOIR /

Sortie de métro - Vieux port -


L’instant ‘détente’ beaucoup de

migrants se rendent au vieux port pour passer le temps. Les espaces qu’ils convoitent sont ceux autour des entrées/ sorties de métro du vieux port où il est possible de s’asseoir et de regarder. Il n’y a pas de différence entre deux personnes qui attendent malgré qu’elles aient un statut différent.

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ATTENDRE /

Sortie de métro - Vieux port -


Pluri-fonctionnalité des lieux

La Gare Saint-Charles

Le migrant de par sa situation se voit contraint, dans la réalisation de ses besoins fondamentaux, de re-visiter le champ de la fonction destinée d’un espace. Dormir, manger, se laver, se reposer, lire, sont des besoins que nous ne remettons pas en cause du fait de notre statut. Or, un migrant, dans sa quête recherche a améliorer son quotidien transitionnel. Chaque lieu est déterminé par un usage, or, de par la pratique cet usage peut être changé on peut alors parler de contournement de l’usage. De plus, le lieu peut regrouper plusieurs usages non définis par le lieu c’est ce que l’on peut nommer la plurifonctionnalité du lieu.

Lieu de transit par définition, les migrants en font une toute autre appropriation. En effet, l’espace entre la façade et les piliers du côté nord de la gare, sont utilisés comme lieu pour dormir. Protégé par les épais piliers du vent et des voyageurs les migrants se retrouvent souvent à dormir sur ce lieu. Chacune des personnes que j’ai interviewé m’a affirmé y avoir déjà dormit, ne serait-ce qu’une fois ou plusieurs fois lorsque les Accueil De Nuit étaient complet.

Quant à l’ADJ Marceau il est un lieu

qui regroupe un ensemble de besoins et de pratiques divers. Dormir, lire, se renseigner, s’informer sur des démarches, prendre sa douche... Ce lieu est une source variée de la pratique des besoins pour le migrant, et ce, regroupé au même endroit.

Nous voyons alors apparaître, avec

la figure du migrant de nouveaux visages de la fonction donnée d’un lieu qui par sa pratique devient un espace pluri-fonctionnel. UHU*, CHRS*, ADJ* ... tous ces lieux nommés par des acronymes identifient un besoin spécifique et donc une fonction. Hors, cette identification ne détermine pas un seul usage.

Ce sous-chapitre se dévoile au travers

des photographies que j’ai prises au détour des ballades et des interviews. Partie à la découverte des lieux je vous retranscris par la photographie la plurifonctionnalité des lieux comme je les aient vu. «Une image vaut parfois mieux que mille mots». Confucius.

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DORMIR /

Gare Saint-Charles -



PLURI-FONCTIONNALITÉ /

Le lieu de toutes les pratiques - ADJ Marceau


LIBRAIRIE /

Lire - ADJ Marceau -


COURRIER /

Demander son courrier - ADJ Marceau -


LAVERIE /

ADJ Marceau -


TICKET DE DOUCHE /

ADJ Marceau -


DOUCHES /

ADJ Marceau -


USINE À DOUCHES /

3 douches = 82 douches prises/jour pour 150 à 250 personnes -


Et demain ?

Il y a des questions humaines à se poser

Il y a deux types de camps, ceux où les

en tant qu’architecte, à mon sens, l’une des premières si ce n’est la première, est la question de l’hospitalité. Ne construisons-nous pas pour des hommes et des femmes ? Créer une architecture hospitalière me semble honnête, et ce, afin de permettre à chacun de se projeter dans le vide que nous créons, et d’habiter le plein que nous dessinons.

moyens et les équipements existent et les autres...

À Skaramangas, situé en Grèce au nord

d’Athènes, pour ne citer que ce camp, il est celui de la honte puisque les hommes, femmes et enfants habitent des containers à peine isolés. Ces conditions ne permettent pas d’habiter et encore moins de s’approprier le lieu. Tout ici remet en cause la pratique du lieu.

La question de l’habitat d’urgence, et des camps est en train de se poser et selon

«la meilleure manière d’en finir avec les camps c’est de repenser l’hospitalité» Michel Agier23

Contrairement à Sounio où le camp est équipé mais manque de certaines infrastructures pour permettre d’habiter dignement, Skaramangas essaye de survivre avec le peu de moyens qu’il bénéficie. Mais c’est sans compter l’équipe de volontaires qui ne cesse de redoubler d’efforts pour palier à ce manque afin de redonner le sourire aux hommes et femmes y habitant.

et je le rejoins sur cette idée. Pour avoir vécu dans un camp de réfugiés au rythme des résidents -c’est ainsi qu’avec l’équipe de bénévoles nous appelions les migrants du camp- ces camps sont à repenser en intégralité. Le camp de Sounio est un camp 3 étoiles du fait qu’il est situé dans l’ancien camp d’été du Ministère de la Culture Grecque et de ce fait, les infrastructures sont déjà présentes, ne manque plus que les fenêtres et l’isolation nécessaires de chacun des chalets ou s’entasse entre 5 à 10 personnes dans une surface de 7 mètres carrés...

«Je pose l’hypothèse suivante : le contraire des camps c’est l’hospitalité, il faut reprendre les conditions des possibilités de l ’ h o s p i t a l i t é » 23 Michel Agier

23- Colloque de rentré du Collège de France «Migrations, réfugiés, exil. L’hospitalité aujorud’hui» 13 et 14 octobre 2016 - Paris https://www.franceculture.fr/emissions/les-coursdu-college-de-france/migrations-refugies-exil-99michel-agier-lhospitalite

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Camp de Skaramangas - Grèce - AoÝt 2016 - Photographie Halah Ahmad -


Challet décoré pour l’anniversaire de Mohammed


-Camp de Sounio - Octobre 2016 - Photogrpahie Mohammed Albokai -


À Marseille, pour les fêtes, on illumine

l’espace public de mots chaleureux: accueillante et généreuse. Serait-ce un présage pour le futur? Une ville côtière proche de ces racines migratoires renouant avec son passé pour créer un futur riche d’innovations architecturales afin de permettre l’habitat d’urgence dans la dignité de l’homme?

113


Vieux port - DĂŠcembre 2016 - Marseille -


R

Alejandra

Haiek, originaire du Vénézuela, prône une architecture sociale. Dès qu’il obtient son diplôme sa première réalisation est un prototype de d’habitat social pour les plus démunis des favelas de Caracas. Selon lui il faut considéré les atouts socio-culturels de notre société afin de produire l’architecture. Pour exemple après avoir occupé avec des jeunes un parking abandonné il se rend-compte que la communauté a besoin d’un centre culturel. Le parking deviendra le Tiuna Fuerte Cultural Park où des artistes de rues vont s’approprier le lieu pour l’adapter en fonction de leurs besoins. L’architecte propose une architecture participative et révélatrice des besoins des habitants du lieu.26

eprendre les conditions des possibilités de l’hospitalité. C’est ainsi que Cyrille Hanappe propose des ateliers à ses étudiants afin de prendre en compte l’existant et le modifier pour en faire une hospitalité. Et qui dit hospitalité dit architecture puisqu’elle est génératrice d’habiter.

À Grande-Synthe, ville au nord de la

France, le premier camp français aux normes du HCR -l’agence des Nations Unies pour les réfugiés- voit le jour. Initié d’après les habitants, le maire et l’association Petites Pierres24 avec l’aide de l’architecte Cyrille Hanappe et ses étudiants de l’ENSA-Belleveille le camp mêle hospitalité individuelle et collective pour palier à l’action lente de l’Etat. Ce premier projet est celui de la création d’une cuisine collective, tandis qu’un second projet est soutenu par Médecins Sans Frontières pour la conception d’un lieu d’accueil pour 320 personnes. Basé d’après le module Dhomino le lieu d’accueil est un nouveau modèle architectural afin de répondre à la ‘crise’ humanitaire. Ce module est un système rapide et économique répondant aux normes thermiques actuelles, l’architecte allie donc économie et hospitalité.

À Paris on met en place une bulle

gonflable permettant d’accueillir 400 migrants. Belle initiative, mais il y a quelques zones d’ombres qui méritent d’être éclaircies et dévoilées afin de ne pas refaire les mêmes erreurs. Après avoir fait effacé du paysage le camp sauvage du jardin d’Eode du XVIII arrondissement la mairie à mis en place cette structure, le premier camp humanitaire de Paris ... mais il ne permet d’accueillir que pour 5 jours ... Il pallie donc aux manques de places des différentes structures d’accueil de nuit mais ne répond pas intégralement à la question27.

«La crise des réfugiés nous met au défi de réinventer des formes d’hospitalité»25 Patrick Boucheron

26http://masteremergencyarchitecture. com/2016/03/29/how-to-become-a-social-architect-interview-with-alejandro-haiek/ 27-http://www.france24.com/fr/20161110-migrants-ouverture-premier-camp-humanitaireparis-refugies-emmaus-migrants/

24http://www.lespetitespierres.org/faire-undon/urgence-la-halte-des-migrants-a-grandesynthe#ambassadeur 25- https://www.franceculture.fr/emissions/lescours-du-college-de-france/migrations-refugiesexil-99-michel-agier-lhospitalite

115


Aux Pays-Bas un concours a été lancé

afin de proposer un nouveau type d’habitat pour les réfugiés puisque «le pays a préféré jouer la carte de l’innovation en laissant le champ libre aux idées novatrices pour résoudre cet épineux problème.» L’idée du concours est de proposer un habitat décent, salubre, bon marché et compact (le PaysBas a un taux plus fort taux de densité de population d’Europe). Les premières idées étaient de réhabiliter les prisons -très nombreuses et abandonnées en vue du baisse constant de criminalité dans le paysmais l’idée a été abandonnée pour «trouver mieux» Le non du concours ? «Une maison loin de la maison» le titre donne le ton et va permettre aux architectes de proposer des types mêlant technologies, économie et hospitalité. Certaines propositions sont de mettre en place des mini villages temporaires ayant leur propre économie et énergie, ou encore des habitats compacts possédant toutes les commodités d’un appartement. Les habitats proposés sont modulables et peuvent s’installer au sein même de bâtiments inoccupés afin de palier au manque d’espace des villes, et sont également empilables. Une autre proposition est celle d’un habitat auto-suffisant en énergie qui permet de générer des revenus pour ses habitants. Les Pays-Bas mènent une politique visant à accueillir, et ceci permet alors de repenser les modes d’habités et de faire évoluer notre discipline afin de sans cesse se questionner sur, comment habiter dans nos villes aujourd’hui, et comment gérer les crises que nous vivons.

Ces divers acteurs nous montrent

qu’allier architecture et hospitalité est possible et que connaître le terrain permet de répondre avec finesse à la création d’un habitat. Même si temporaire, modulable ou déplaçable, ces habitats possèdent toutes les commodités d’un logement type. La prise en compte des événements actuels permet de renouveler la profession en re-questionnant le champ architectural.




- CONCLUSION -


Exposition des dessins réalisés par les enfants - Août 2016 - Sounio - Grèce -


M

arseille développe une particularité propre aux villes côtières méditerranéennes ; de son passé migratoire elle a été une terre d’asile et d’accueil qui lui permet de se forger une identité multiculturelle forte et unique. Du Moyen-Orient en passant par l’Afrique les migrants venus s’établir dans les limites de la ville créent un environnement à leur image mêlant l’identité du pays quitté à celle du pays accueillant.

Besoins limités temporellement et spatiallement puisque le périmètre d’appropriation du migrant est négligeable à l’échelle de la métropole tant il se restreint à quelques bâtiments de la ville.

De plus, les lieux de la ressource

dégagent de nombreuses fonctions non pensées, ou pensées à une échelle lointaine de la réalité : trois douches pour 250 personnes par exemple... La prévision de l’usage est obsolète; tout comme la pensée du lieu. Lieu qui propose non pas une fonction déterminée mais plusieurs : hygiène, santé, repos, dormir, manger, administratif ... rendant alors l’usage du lieu minimal.

Cette image se heurte dans un premier temps à la perte de repères émergeant de la ville inconnue, celle-ci même qui accueille est au premier contact hostile; la culture, la langue, tout y est différent, de même que l’architecture qu’elle propose. Cette architecture renferme de nombreuses limites, tant spatiales que temporelles, qui augmentent l’effet d’hostilité pour le migrant. Cette hostilité est celle que nous fabriquons en tant qu’architecte, nous posons des limites à l‘usage et à la fonction des projets pensés. Hors, la pensée s’arrête là où l’usage commence.

LE LIEU A UNE PRATIQUE A DOUBLE VITESSE

A double vitesse puisque sa pratique doit être détournée pour produire un besoin fondamental.

La ville du marseillais n’est pas la

ville du migrant, elle est pratiquée en fonction des lieux, mais surtout, selon les règles administrées et avec une architecture bannissant la visibilité du lieu. Ces migrants sont un visage à part entière de la ville, visage changeant les programmes définis et permettant un renouveau architectural, un visage à considérer comme entier puisque l’architecture semble l’éloigner de ce qui fait ville. Ce visage il est très peu vu, voire pas du tout. Il est enfermé dans le monde de la migration, de l’illégalité. Ne pas être vu, est un soucis que partage tous les migrants ou personnes dans la rue, ne pas être vu c’est aussi ne pas s’attirer de problèmes.

En effet, de par la délimitation du

programme nous enfermons un usage défini, aujourd’hui de nombreuses reconversions ont lieu pour donner une seconde vie à une architecture oubliée ou à un usage ne répondant plus à une demande spécifique et locale. A Marseille, les lieux de la ressources des migrants sont nombreux, mais ne répondent pas à l’ensemble des besoins nécessaires à un individu pour s’établir dans une vi(ll)e. Ainsi, le migrant parcours la ville dans le seul but de répondre à des besoins spécifiques.

121


Mais voir l’architecture c’est aussi

Hospitalité Pluri-fonctionnalité Pratique

montrer que l’architecte répond à certaines questions ...

Ces mots sont à considérer ensemble pour permettre à l’architecture de donner aux migrants la possibilités d’Habiter, et ce, sans limites afin de permettre la pratique des lieux architecturaux.

La grande question de ce mémoire est :

Qu’est-ce qu’habiter ? Habiter, non pas dans l’urgence, puisque seule l’action de réagir face aux conflits que nous vivons est urgente, mais dans le temps. La façon d’habiter, elle, doit être pérenne et permettre l’établissement de chacun au sein de nos frontières. Habiter, beaucoup d’architectes, philosophes, sociologues ou anthropologues ont donné des définitions mais la meilleure ne seraitelle pas de vivre avec un toit et dans la dignité? Cyrille Hanappe, Alejandro Haiek ou encore les participants au concours proposés par les Pays-Bas donnent le ton pour les années à venir concernant l’architecture répondant aux grandes questions de notre époque. Les migrants sont on ne peut plus nombreux chaque jour et il faut répondre à cette présence par une mise en place des conditions d’habiter dignement. Proposer des nouveaux habitats, réhabiliter, rénover... Entre 2001 et 2012 le nombre de logements vacants à augmenté de 25%28 ... Que faire de ces logements? Les proposer en parc d’habitat? culturel? La question des migrants révèle d’autres questions sous-tendues auxquelles nous devons nous atteler de répondre.

Cette conclusion n’en est pas une,

elle n’est pas une fin en soit. Elle est comme un récapitulatif des constats que j’ai remarqué pendants ces mois de recherches, d’enquêtes, d’interviews... Une envie de continuer le constat et de me rapprocher de Cyrille Hanappe et des autres architectes travaillant l’hospitalité au travers d’une pluri-disciplinarité.

28- http://onattendquoi.fondation-abbe-pierre. fr/#1713

122


I

Orienter mon Projet de Fin d’Etude

ci, je me pose les questions de ce que serait mon architecture, quelle architecte je souhaiterais être, lier mes idéaux à ma profession.

sur la question de l’habitat d’urgence permet de lier le constat que j’ai fais sur Marseille au dessin d’une architecture hospitalière.

Toujours est-il que la pratique des lieux, que je réalise également, doit jouer un rôle essentiel dans le dessin de l’espace architectural; imaginer, se projeter pour définir un non-lieu ou simplement un espace en devenir.

Penser un lieu pluri-fonctionnel basé

d’après les récits de vies de migrants que j’ai rencontré et des différents acteurs professionnels afin de coller au plus proche. Coller non pas à la réalité, car celle-ci reviendrait à créer mille lieux pour mille vies pratiquant le lieu, mais des pratiques liées au statut de migrants.

Créer des liens interdisciplinaires

comme le font les migrants au travers d’un usage pluri-fonctionnel des lieux pour mettre en place une architecture répondant à l’ensemble des besoins. Réhabiliter? Rénover ? Peut-être estce dans la lignée que de considérer ce qui existe pour en faire un état de l’art et lui faire exalter ses atouts passés pour permettre une nouvelle forme d’hospitalité future. Créer, dessiner, imaginer c’est ce que nous faisons au sein de l’école d’architecture, mais que nous mettons peu en relation avec les conditions réelles.

C’est aussi prendre du recul sur la ville

et regarder à l’échelle de la métropole ce qui est réalisable. Lier l’homme au site, ou tout simplement regarder ailleurs pour reproduire en tenant en compte les spécificités du lieux et de la pratique des hommes.

Mon PFE tente à s’orienter sur cette

question de l’habiter, et si je dois mettre des mots pour que tout le monde comprenne alors se serait habiter l’urgence. Démunis, défavorisés, exclus ... ceux que l’on ne voient pas du moins que l’on ne regarde qu’en baissant les yeux. Je souhaite redonner un peu d’amour à l’architecture pour qu’enfin elle aime les hommes qu’elle habite en son sein.

123


TO BE CONTINUED ...





À Gilles Aspinas, chef de service de l’ADJ Marceau, et à toute son équipe : Jean-Sébastien, Mohamed, Manoubi, Sabrina, Marie, Edwige, Fatima, Stéphane et tous les autres ... Travailleurs sociaux, assitants socials, agents d’entretiens ou agent de sécurité ils m’ont accueillis comme l’une des leurs et m’ont aidés bien plus que je ne l’aurais imaginé.

À Mattéo Fano pour son aide précieuse et son soutien, ses nombreux conseils et re-lectures. À D.B. à M.D. à A.L.D. à D.S. à D.D. à B.M. à D.T. à A.D. pour leur implication dans ma recherche. Sans leur récit rien n’aurait été possible.

À Marion Serre pour ses relectures et ses précieux conseils,

- REMERCIEMENTS -

À Rémy Marciano .



Un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu.

Et le colibri lui répondit : «Je le sais, mais je fais ma part.»

Légende amérindienne du colibri

- LE MOT DE LA FIN -

Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : «Colibri ! Tu n’es pas fou? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu ! «




DEFINITIONS / http://www.cnrtl.fr/definition/transit//1 http://www.cnrtl.fr/definition/MIGRANT http://www.cnrtl.fr/definition/migrER http://www.cnrtl.fr/definition/emigré http://www.cnrtl.fr/definition/réfugié http://www.insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/immigre.htm http://www.cnrtl.fr/definition/apatride

ARTICLES INTERNET / h t t p : / / w w w. h u f f i n g t o n p o s t . f r / 2 0 1 5 / 0 4 / 2 4 / m i g r a n t s - e u r o p e - c h i f f r e s immigration_n_7133634.html SOPHIE CALLE / https://psiconautablog.wordpress.com/2014/02/04/explorando-el-abismocon-enrique-vila-matas/ Jacques Prévert «L’étrange étranger» extraits du poème écrit en 1951 et paru en 1955 dans le recueil La pluie et le beau temps Gallimard. http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/04/20/en-2015-un-migrant-meurttoutes-les-deux-heures-en-moyenne-en-mediterranee_4619379_4355770.html http://ancrages.org/nos-actions/balades-patrimoniales/marseille-terre-daccueil/ «Migration de la fin du XIX à aujourd’hui» http://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/politique-immigration/chronologieimmigration/ Pascal GUYOT, AFP, «Bézier : affiche anti migrants» http://www.leparisien.fr/faits-divers/beziers-la-justice-saisie-apres-la-polemique-sur-lesaffiches-anti-migrants-12-10-2016-6198327.php

- BILBIOGRAPHIE -

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RAPPORT DE RECHERCHE / Cyril FARNARIER- Carlotta MAGNANI - MAttéo FANO - Yannick JAFFRÉ - Projet TREPSAM. (Trajectoire de soins des personnes sans abri à Marseille). mai 2015.

OUVRAGES / Sylvie MAZELLA. «Que sais-je?» Sociologie des Migrations - Collection Encyclopédique, 2014. ISBN 978-2-13-°62164-5 Sophie CALLE, «Voir la mer» 2011 ISBN 978-2-330-01616-6 Edition Actes Sud Doug SANDERS «Du village à la ville. Comment les migrants changent le monde» 2012 ISBN 978-2-02-106712-5 Edition du Seuil Claude LIAUZU, «Histoire des migrations en méditerranée occidentale» Edition Complexe 1996. ISBN 2-87-027-608-7 Jacques BAROU, «Le point sur ... L’habitat des immigrés et de leurs familles» 2002, La documentation française, ISBN 2-11-005251-1 Victor EOCK et Nicolas BALU «La rage de survivre, Récit d’un migrant» Edition de l’aube, 2016, ISBN 978-2-8159-1975-3 Wolfgang BAUER «Franchir la mer» LUX Edition, 2016, ISBN 9782895966944

DOCUMENTAIRE / Rachid OUJDI, «J’ai marché jusqu’à vous. Récits d’une jeunesse exilée. » 2016 / 52 mn / Comic Strip Production - France Télévisions - LCP Assemblée nationale http://oujdirachid.wixsite.com/jmjv-jeunessexilee


COLLOQUE /

Assaf DAHDAH et Virginie BABY-COLLIN, «Hébergement et logique de l’accueil. Les hôtels dits meublés du centre ville de Marseille miroir de la précarité sociale et des dynamiques migratoires» 11 octobre 2016 Colloque de rentré du Collège de France «Migrations, réfugiés, exil. L’hospitalité aujorud’hui» 13 et 14 octobre 2016 - Paris https://www.franceculture.fr/emissions/les-cours-du-college-de-france/migrations-refugiesexil-99-michel-agier-lhospitalite

EMISSION DE RADIO /

http://www.radiogalere.org/station/archives/224 Emission du 16 novembre 2016 Radio Galère



TRANSIT /

. Régime douanier en vertu duquel les marchandises peuvent traverser le territoire en suspension des droits, taxes et obligations. . En droit pénal / Situation des voyageurs qui passent par un lieu sans y séjourner, avant d’être acheminés vers un autre lieu. Cité de transit : lieu d’hébergement provisoire où sont logés des immigrés ou des réfugiés (dictionnaire du XX°) Transir « mourir »

MIGRANT /

Individu travaillant dans un autre pays. Personne effectuant une migration. Immigrant / Emigrant / émigrer

MIGRER /

Les oiseaux qui migrent sur une vaste zone obéissent aux changements de conditions physiques. « se déplacer par une action physique » migrar -latin- s’en aller, émigrer migrer / se rendre quelque part

IMMIGRER /

Venir dans un pays étranger pour s’y établir, souvent définitivement. Passer d’un endroit à un autre. INSEE IMMIGRE Selon la définition adoptée par le Haut Conseil à l’Intégration, un immigré est une personne née étrangère à l’étranger et résidant en France. Les personnes nées françaises à l’étranger et vivant en France ne sont donc pas comptabilisées. À l’inverse, certains immigrés ont pu devenir français, les autres restant étrangers. Les populations étrangère et immigrée ne se confondent pas totalement : un immigré n’est pas nécessairement étranger et réciproquement, certains étrangers sont nés en France (essentiellement des mineurs). La qualité d’immigré est permanente : un individu continue à appartenir à la population immigrée même s’il devient français par acquisition. C’est le pays de naissance, et non la nationalité à la naissance, qui définit l’origine géographique d’un immigré.

- LEXIQUE -

IMMIGRER / ÉTRANGER

Née étranger à l’étranger et réside en France Nationalité étrangère peu importe le lieu de naissance


ÉMIGRER /

Quitter sa région pour aller vivre dans une autre, considérée comme étrangère. « quitter son pays pour aller s’établir dans un autre » Changer / Quitter / S’expatrier / Partir / S’exiler / Se réfugier / Transmigrer

RÉFUGIÉ /

. Se mettre en un lieu sûr pour y trouver refuge . Trouver asile et réconfort face à une situation pénible ou hostile, dans un milieu, réel ou imaginaire, qui est accueillant et protecteur. . Trouver un point d’ancrage, se fixer, se cristalliser sur quelque chose. . (Personne) qui a trouvé refuge hors de sa région, de son pays d’origine dans lequel il était menacé (par une catastrophe naturelle, une guerre, des persécutions politiques, raciales, etc.). Réfugié politique. . Exilé protestant qui a quitté la France après la Révocation de l’Édit de Nantes. « trouver asile » Apatride / Asilé / Déplacé / Exilé / Expatrié / Protestant / Emigré / Etranger

ÉTRANGER /

. Celui, celle qui n’est pas d’un pays, d’une nation donnée; qui est d’une autre nationalité ou sans nationalité; plus largement, qui est d’une communauté géographique différente. . Être (un) étranger dans son (propre) pays. En ignorer les coutumes, les événements, être tenu à l’écart de ce qui s’y passe. . Qui est sans lien, sans rapport avec quelque chose, qui ne fait pas partie d’un ensemble, qui est différent d’autre chose. « celui qui n’est pas du pays » Impénétrable / Eloigné / Insensible / inconnu / Détaché …

APATRIDE /

Personne sans nationalité, aucun État ne la considérant comme son ressortissant (Nouv. répertoire de dr., Paris, Dalloz, t. 3, 1964, p. 379). Sans patrie / Heimatlos / Métèque / Réfugié

HEIMATLOS /

. Qui est dépourvu de nationalité légale. « personne sans papier d’origine »


MÉTÈQUE /

. Étranger domicilié dans la cité, protégé par la loi et soumis, d’une façon générale, aux mêmes obligations militaires et fiscales que les citoyens, sans être admis, toutefois, à la citoyenneté. . Personne, souvent étrangère, dont l’aspect exotique, l’allure, le comportement n’inspirent pas confiance. mestèque «étranger domicilié à Athènes»

ADJ /

Accueil De Jour pour les personnes en situation de précarité. Permet d’avoir un lieu chaud où trouver une écoute et de l’aide - auprès d’un éducateur spécialisé ou d’un assistant social-. C’est également un lieu où il est possible de se doucher, ou d’avoir accès à la culture.

ADN /

Accueil De Nuit, lieu pour dormir, accessible uniquement par le 115 et selon les places disponibles. Chaque demande est à renouveler, le première place est donnée pour 30 jours les suivantes pour 9 jours; la demande est donc à ré-itérer auprès du 115 tous les 9 jours pour avoir un lit.

UHU /

L’Unité d’Hébergement d’Urgence (UHU) a été créée par la Ville de Marseille afin de répondre aux besoins des personnes en errance. Elle occupe une position essentielle au sein du dispositif de prise en charge des sans-abri sur le territoire marseillais. L’UHU, gérée par l’association Agence Immobilière à Caractère Social (AICS), s’inscrit dans la continuité du SAMU Social. La structure d’accueil et d’hébergement offre une capacité permanente de 329 places. En cas de déclenchement du dispositif de très grande urgence, elle peut être portée à 372 places. L’UHU propose gratuitement un hébergement d’urgence aux personnes en grande difficulté, de 16h30 à 9h30, sept jours sur sept et 365 jours par an. Les hébergés bénéficient d’un repas à leur arrivée, le soir et le matin avant de quitter le centre. Des soins corporels et une aide vestimentaire leur sont également proposés. Une équipe médicale, présente sur place, assure le suivi des personnes nécessitant des soins immédiats. Elle comprend deux médecins, trois infirmiers, un aide-soignant et trois aides médico-psychologiques pour les soins sanitaires et d’hygiène. Les personnes hébergées peuvent consulter un infirmier de 10h à 21h et un médecin de 19h à 21h30. Une permanence est également assurée par une assistante sociale. Un psychologue de rue travaille en amont, directement sur le terrain auprès des sans-abri.




- CARTES MENTALES -

M.D.


A.L.D.


D.S.


D.D.


B.M.


D.T.


A.D.


D.B.





Ecole Nationale SupĂŠrieur d'Architecture de Marseille

- CECILE MICHAUD -

S9

LAB 43


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