Habiter la lumière

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ARCHITECTURE / HABITER LA LUMIÈRE MÉMOIRE / Licence Cécile MICHAUD Sous la direction de Jean – Baptiste HÉMERY ENSA-Marseille Juin 2015


Fig. 01 : Photographie, Le couvent de la Tourette, Le Corbusier, ChambĂŠry, 1959


En quoi la lumière matérialise et produit l’espace architectural ?

ARCHITECTURE / HABITER LA LUMIÈRE MÉMOIRE / Licence Cécile MICHAUD Sous la direction de Jean – Baptiste HÉMERY ENSA-Marseille Juin 2015





Remerciements / Certaines personnes sont là pour éclairer notre chemin et nous aider à nous dévoiler.

A Monsieur Jean – Baptiste HÉMERY, mon Directeur de mémoire, pour sa patience et sa critique lumineuse de l’architecture. Aux architectes qui travaillent à la lumière ; la connaissance de cette architecture est un recueil de savoirs qui nous ouvre les portes d’un nouveau monde... « Plus on partage, plus on possède. Voilà le miracle. » Léonard Nimoy



Table des matières / Préambule ........................................................................................................................................ Page 1 Introduction ........................................................................................................................... Pages 3 à 7 CHAPITRE I. Lumière / Limite : L’architecture est un jeu d’échelles ............................................................................................................................................... Pages 9 à 37

Lumière / Limite ...................................................................................................................... Pages 10 à 13 Le Corbusier, Chapelle de Ronchamp Fan Ho, Hong Kong

Lumière / Ombre .................................................................................................................... Pages 14 à 21 Giovanni Battista Piranèse

Mario Nanni, Le concepteur illuminé des 8 règles de la lumière Junichiro Tanizaki, Éloge de l’ombre

Lumière / Temporalité ................................................................................................... Pages 22 à 25

Le Corbusier, Le Couvent de la Tourette

Lumière / Structure ............................................................................................................ Pages 26 à 29 Louis I. Kahn, Silence et Lumière

Bibliothèque Philippe Exeter

Lumière / Façade .................................................................................................................... Pages 30 à 33

Rudy Ricciotti, Épaisseur du MUCEM

Lumière / Reflet ........................................................................................................................ Pages 34 à 35

Ben Van Berkel, Villan NM

Conclusion chapitre I. .................................................................................................................. Page 37


CHAPITRE II. Lumière / Espace : L’architecture accueille un monde .................................................................................................................................................... Pages 38 à 61 Lumière / Matière ................................................................................................................. Pages 38 à 61

Peter Zumthor, Chapelle Saint-Nicolas-de-Flüe Thermes de Vals les Bains

Lumière / Couleur ................................................................................................................. Pages 39 à 51 Johannes Itten, La théorie des couleurs Piet Mondrian, La couleur spatiale Luis Barragan, Tradition architecturale / Casa Gilardi

Lumière / Géométrie ......................................................................................................... Pages 52 à 55 Laurent Salomon, Lumineuse géométrie

Alberto Campo Baeza, Apogée d’une géométrie sereine

Lumière / Gravité ................................................................................................................... Pages 56 à 59 Alberto Campo Baeza / Siège du Gouvernement Castille-Léon

Conclusion chapitre II. ................................................................................................................ Page 61


CHAPITRE III. Lumière / Émotion : L’architecture est anatomique, elle est un réceptacle d’ambiances sensorielles .........

............................................................................................................................................................................. Pages 63 à 79

Lumière / Émotion ............................................................................................................... Pages 63 à 65 Architecture émotionnelle

Lumière / Toucher ................................................................................................................ Pages 66 à 67 Touch me if you can

Lumière / Atmosphères ................................................................................................ Pages 68 à 69

Ambiance architecturale

Lumière / Photographie ............................................................................................. Pages 70 à 71 Mise en abîme

Lumière / Sacré ....................................................................................................................... Pages 72 à 73 Ouvrir au monde

Lumière / Mémoire .............................................................................................................. Pages 74 à 75

Réminiscence

Lumière / Silence .................................................................................................................... Pages 76 à 77

… (chute)

Conclusion chapitre III. ................................................................................................ Pages 78 à 79 Conclusion générale .......................................................................................................... Pages 80 à 81 Bibliographie .............................................................................................................................. Pages 83 à 85

Table des illustrations .................................................................................................. Pages 86 à 89



Préambule / Réaliser mon mémoire sur le thème de la lumière est pour moi une opportunité ; souvent pensée en marge du projet architectural j’ai voulu comprendre l’intérêt qu’y portaient certains architectes à la travailler comme l’élément phare de leur architecture. Comprendre ce qu’y faisait architecture au sein de cette matière intangible, pourquoi malgré l’universalité de son emprise sur notre terre, elle était oubliée ou peu exploitée à travers l’architecture.

Au sein de mes projets j’exploite la lumière comme un symbole, une attitude de bien-être, un parcours ; ils sont orientés de façon à construire une relation physique et physiologique avec la lumière. En passant par des espaces projetés qui cadrent la vue, et apportent une lumière propice aux usages, à des parcours rythmés par le temps qui passent et apportent leurs propres lumières et ombres. A mon sens, la lumière est indissociable de l’architecture, elle se donne à voir à travers la source lumineuse. Les projets sont mi en lumière, ou en situation de scénarisation artistique, afin de dévoiler leurs plus beaux aspects architecturaux. Traiter la lumière c’est la comprendre avant tout, comment elle éclaire, quelle couleur elle produit, quelles sont les sensations qu’elle va véhiculer au travers de l’architecture afin de la rendre matérielle et l’exposer comme une ‘matière’ entière. Les différents siècles ont tous eu un rapport à la lumière spécifique à leurs besoins, en passant par l’hygiène, la mise en valeur des volumes … à chaque siècle une lumière est identifiable. Aujourd’hui, elle est quantifiable par les normes mais elle ne doit pas se limiter à une quantification qui viendrait abstraire ses facultés. La lumière n’est pas une quantité dans l’architecture, elle la touche universellement tout en étant propre à chaque lieu. Elle fait appel aux souvenirs, au quotidien, aux émotions de chaque homme et femme, la quantifier revient à annihiler ses sensations et proposer une lumière vide et froide. L’architecture qui s’expose dans la lumière est riche, profuse de concepts et d’idéaux pour émouvoir l’homme. Ce mémoire traite de la lumière naturelle, de la couleur qu’elle dessine de par sa situation géographique, de l’ombre qu’elle porte sur les volumes, de l’absence de couleur due à sa profusion, du lien qu’elle met en valeur, du reflet … À travers divers couples de notions, j’approfondirai le rôle fondamental de la lumière ; à l’instar de Piranèse je souhaite révéler la lumière de par son absence.

Parler de lumière est pour moi l’occasion de me forger une sensibilité et une critique architecturale sur un thème intangible ; poser des mots propres et réalistes afin de comprendre cet élément naturel que nous voyons tous, qui nous touche tous sans réellement capter ce qu’elle est.

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Introduction / Selon sa définition la lumière est un phénomène naturel astral. Elle est ce qui éclaire naturellement 1 ; une énergie qui émane d’un corps agissant sur la rétine de manière à rendre les choses visibles.

Quand on parle de ‘lumière’ plusieurs significations nous viennent en tête ; le phénomène naturel, l’esprit savant, le siècle des Lumières, la force de Dieu jaillissant des rayons du soleil ... Elle reflète ainsi plusieurs sens, aussi bien physique, théologique, astral qu’astronomique.

De par le monde, le Soleil est représenté comme une divinité et est relaté par des histoires mythologiques. Les grecs en firent un Dieu, theos ; Zeus ou Deux, ayant pour racine deiwoos qui signifie lumière. Dieu de tous les Dieux, de Zeus émanait une force et un pouvoir nullement contesté et égalé de toute l’Olympe. Les Celtes l’appelaient Belens, le Dieu soleil, les Irlandais Lug, le Dieu solaire. Les Égyptiens représentaient le Dieu soleil, Ré ou Râ, le créateur de l’univers, avec une tête de faucon ou de bélier coiffé d’un disque solaire. De tout temps le soleil, et la lumière qui en émane, a fasciné les hommes ; ils cherchent à comprendre ce phénomène qui se répète éternellement. Louis XIV s’octroya le nom de Roi Soleil, symbole de l’ordre, il se donnait à voir chaque jour signifiant alors que sa présence était primordiale. Ce Roi fit de la lumière une institution, elle force l’Homme à suivre son cycle chaque jour en se contraignant à la lumière qu’elle nous offre.

La lumière influe sur l’hormone la mélatonine, naturellement présente dans les cellules du corps humain, elle impact le rythme du sommeil ainsi que le bien-être. Elle oblige à travailler la terre en rythme avec elle, sa présence éveille les hommes et sa disparition fait naître un univers sombre chargé de mélancolies et de peurs. La lumière est une entité naturelle et primordiale à la création de toute vie sur Terre, sa présence permet la construction et l’évolution de la vie. Parler de lumière en architecture renvoie à l’écriture d’un poème ; la lumière balayant l’architecture s’écrit indépendamment dans un cycle propre en emportant avec elle l’architecture. Elle la fait se dévoiler sous un nouveau jour, de nouvelles teintes, sensations physiques et émotionnelles ...

Aujourd’hui nous parlons ‘du droit à la lumière’ où l’homme souhaite renouer avec les fondements de ce monde ; la terre, et plus implicitement, la lumière. Ce droit est une nécessité pour les hommes d’être dans, et avec la lumière, afin de ne pas habiter une architecture d’ombres. 1 <http://cntrl.fr/definition/lumière>

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Sa capacité à nous toucher physiquement permet de nous émouvoir et de la vivre individuellement. Perçue aux 4 points cardinaux, elle se comprend dans une intimité propre, et c’est dans cette complexité qu’elle nous est additionnelle.

Parler de lumière en architecture peut s’apparenter à un manque de terminologies de par l’absence d’un terme générique regroupant l’architecture et la lumière dans la langue française. En anglais, light, signifie légèreté et lumière, en espagnol, luz, renvoie à la lumière et à la portée. Ici, la portée est celle de la structure de l’édifice ; un abri, un intérieur fait d’un toit ‘porté’ entre deux soutiens mais aussi un extérieur d’où provient la lumière qui permet de l’éclairer. Cette faculté qu’ont ces deux langues à transcender architecture et lumière n’a pas d’équivalent direct dans la langue française. Mon travail de recherche s’est enrichi par la lecture, en particulier, du livre « Qu’est-ce que la lumière pour les architectes » où 44 architectes décrivent leur travail à travers la lumière. De cette première recherche des mots-clés ont émergé (ceux-ci permettant de constituer les différentes parties de ce mémoire). Mais développer mon mémoire sur la lumière tend à tenir un discours où chacun s’approprie la notion en fonction de son vécu, ses expériences, son histoire. Dès lors, pour unifier mes propos et rendre la compréhension ‘universelle’, je baserai mon propos sur 3 points qui reflètent ma vision de l’architecture à travers la lumière : L’architecture crée des paliers d’intimité par un jeu d’échelles, L’architecture accueille un monde, L’architecture est anatomique, elle est un réceptacle d’ambiances sensorielles.

Je souhaite appliquer aux exemples exposés ces différentes thématiques afin de dévoiler l’étendue du thème de la lumière dans l’architecture. L’architecture, la photographie, l’émotion … sont autant d’exemples où la lumière est créatrice et me permet de me mettre à distance afin d’appréhender au mieux ce qu’est la lumière et de comprendre toute sa complexité

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LUMIÈRE

Idée LUMINEUSE

Être dans la LUMIÈRE Grain de LUMIÈRE LUMIÈRE douce

LUMIÈRE éblouissante LUMIÈRE chaude LUMIÈRE froide

Siècle des LUMIÈRES Halo de LUMIÈRE

LUMIÈRE naturelle

LUMIÈRE artificielle

Faire la LUMIÈRE sur LUMIÈRE tamisée

LUMIÈRE dramatique LUMIÈRE violente

Mettre en LUMIÈRE LUMIÈRE picturale LUMIÈRE dure

LUMIÈRE chatoyante

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CHAPITRE I. Lumière / Limite : L’architecture est un jeu d’échelles L’architecture crée des paliers d’intimités par un jeu d’échelles , alternances de pleins et de vides devenant des espaces avec leurs propres lumières, clairs obscurs ou contre-jours. Les échelles en architecture, permettent de générer une coupure physique ou symbolique de part l’usage de seuils ou de limites. Créant alors un espace architectural au sein même de l’architecture, elles confèrent à l’espace une nouvelle échelle. La lumière joue le rôle de créatrice de limites en proposant à l’espace une nouvelle configuration.

La lumière est brute, elle déchire l’espace comme un tissu, le marquant d’un trait net et définit ; l’espace est scindé par la lumière et l’ombre ; l’architecture profite de la lumière. La lumière, elle, s’expose, se dévoile, s’affirme matériellement sur l’architecture.

Lumière / Limite La limite de la lumière est visuelle et irréelle de part sa non composition matérielle ce qui, malgré tout, permet de la rendre tangible par le jeu de créations de limites. Son oxymore, l’ombre, permet de révéler cette limite par une trace nette la séparant de la lumière. Or, pour constituer cette limite, il est nécessaire que la lumière ‘touche’ une surface, une masse, une architecture. Cette dernière permet de matérialiser la lumière en créant visuellement une rupture qui s’avère psychologique. Ces deux entités ont la faculté de créer un nouveau monde lorsque qu’elles rencontrent une surface sur laquelle s’exposer. La limite constituée est un jeu avec l’architecture, où la lumière rencontre l’architecture, et où l’ombre donne de l’épaisseur, elle crée un seuil.

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Le Corbusier, Chapelle de Ronchamp, visite août 2014 Lors de ma visite à la chapelle je suis restée assise un moment... j’attendais peut-être de comprendre Le Corbusier … je m’y sentais bien, apaisée, entourée par les collines et cette vaste plaine verte. Je regardais. Je regardais et la façade et la lumière jouaient d’un trait, l’une marquant l’autre et l’autre la matérialisant. La lumière frappant la façade a fait éclater une réalité ; le plein et le vide émergeaient matériellement sous mes yeux. La lumière et l’ombre, comme coupées par l’angle de la chapelle, frappaient chacune une façade ; comme 2 rôles attribués indépendamment mais pourtant indissociables l’un de l’autre ; ils venaient se présenter à ceux qui voulaient les voir.

La lumière venait de révéler la façade ; sa matérialité était brute, saillante voire tranchante. La matière était là sous mes yeux, malgré l’avoir touché, je l’ai véritablement ressentie visuellement d’une autre manière ; bien plus profondément ; elle me rappelait des souvenirs, des sensations. L’ombre, elle, était comme mélancolique, dévoilant une façade douce mais presque inatteignable, tant la dualité entre ombre et lumière était saisissante et marquante à cet instant.

Chaque pan de mur se révélait et instaurait son propre dialogue avec sa source et le murmurait à celui qui voulait bien les regarder. Comme une limite physique, chaque pan de mur a créé sa propre anatomie ; à ce moment là chaque pan révélait ses propres caractéristiques ; ils étaient pour un moment unique. Unique parce que la lumière et l’ombre les ont identifiés chacun d’une manière à faire voir que l’architecture ce n’est pas qu’un tout, pas un bâtiment physique émergeant dans un site boisé, pas une matière, pas un concept, mais une multiplicité de lectures qui se donnent à voir à travers la lumière, à travers l’ombre. Fig. 02 : Photographie, 2014, Chapelle de Ronchamp, Le Corbusier.

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Fan Ho, Hong Kong, 1950

Fan Ho est un photographe chinois surnommé ‘le poète avec un appareil photo’. Son travail, exclusivement réalisé en noir et blanc, met en exergue la ville et la vie par le jeu du contraste de lumière. Cette accentuation permet de dévoiler une image forte et poignante. Sa photographie révèle une puissance, des échelles démesurées qui confronte l’homme dans son espace ; il est une poussière au sein même de ce qu’il a créé – l’architecture -. Malgré la présence de l’homme pour lui donner une échelle, l’architecture révélée sur l’image est immesurable.

La limite est visuelle, elle donne à rendre compte d’une autre matérialité de l’architecture dans la lumière. Le mur est fragmenté ; le yang est éblouissant, le yin, doux, subtil, dévoilant l’aspérité de la matière. Une limite se crée sur ce pan de mur, une nouvelle lecture se donne à voir par le contraste profond des deux notions – lumière et ombre – un seuil se dévoile à nos yeux.

La photographie se donne à voir à travers les yeux du photographe mais avant tout, à travers les yeux de l’architecte qui le guide pour dévoiler l’architecture. Lucien Hervé, était l’homme de Le Corbusier, il était « celui qui sait voir (son) architecture 21 » Les deux hommes ont travaillés ensemble dès 1949, et ce fut une collaboration de quinze ans où photographe et architecte se nourrissaient l’un l’autre de leur travail pour se perfectionner. Lucien Hervé était le révélateur de l’architecture de Le Corbusier à travers des ‘planches contacts‘, qui forment un essais photographique de vingt mille contacts de format 21 x 32 cm, l’architecture est révélée à travers la lumière.

Fig. 03 : Lucien Hervé, 1952, Planche contacts, Chandigarh, La Haute Cour de Justice Fig. 04 : Fan Ho, Photographie,1950, Hong Kong,

La limite dans l’architecture est éveillée par la lumière qui la frappe d’un trait net et visible ; comme une cicatrice elle donne à lire une nouvelle dimension spatiale à l’architecture donnant une profondeur immatérielle, mais néanmoins visuelle. C’est la dualité entre l’ombre et la lumière qui permet d’instaurer ce rapport à l’architecture et de nous le révéler ; une confusion s’instaure par la mise en lecture d’une nouvelle architecture. 2 Le Corbusier Lucien Hervé, Contacts, L’atelier d’édition, 2011

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Lumière / Ombre

L’ombre est une zone d’obscurité formée par l’interception de la lumière par un corps, c’est une apparence, un ombrage une trace23. La pénombre quant à elle est un point, où l’ombre s’associant à la lumière, établit le passage du clair à l’obscur, c’est une clarté de faible intensité, un état à peine visible, secret.

L’ombre est le yin de la lumière, son opposé, sans qui elle ne subsisterait, puisqu’elle se révèle par la masse que rencontre la lumière. Ici, ce n’est plus la lumière, pour un temps, l’élément créateur de l’architecture, mais l’ombre. Cette ombre, épaisse, travaillée pour créer des espaces, les assembler entre eux pour que la lumière vienne s’y confronter dans une lecture visuelle. Dans la culture chinoise taoïste, les forces de l’univers sont en constant mouvement où les extrêmes forment un tout et coexistent ensemble. Le yin et le yang, sont ces deux forces qui se transforment mutuellement et s’inversent l’une et l’autre. Le yang représente le soleil, la chaleur, le plein, le clair, la lumière tandis que le yin représente la lune, le sombre, le froid, la force, le mouvement...

Giovanni Battista Piranèse, Gravures

Giovanni Battista Piranèse, graveur du XVIIIème siècle, est le premier à réaliser des épreuves issues d’une invention personnelle pour retranscrire le génie des villes éternelles. Originaire d’une famille d’artisan il est destiné à devenir architecte, mais son intérêt croissant pour les ruines sera plus fort et il se lancera dans la réalisation de gravures pour restituer « l’infini dans le fini au cœur des villes » de Rome. Il met en avant la perspective qui lui a été enseignée par Scarfaroto, entre autre, où il réalise sa propre vision idyllique de l’architecture pour inventer, sans aucun lien avec la tradition, une expression puissante de l’architecture où il y révèle le drame, le spectacle cruel, l’univers carcéral : ce sont les prisons imaginaires. Par la technique de l’eau-forte, les aspérités de la pointe de fer sur le cuivre sont révélées ; le support devient une matière où l’artiste expose sa vision personnelle de son architecture idéale.

« Carcere Oscuro » en 1743 est la première gravure qu’il réalise ; il créé une véritable association picturale de la lumière et de l’ombre ; il convoque un état provoquant une émotion de dualité ; l’ombre marque, donne la profondeur, tandis que la lumière qui révèle ne dévoile pas sa source lumineuse. 2 <http://cnrtl.fr/definition/ombre> 3

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L’ombre par son épaisseur –retranscrite par les traits gravés – insuffle de l’énergie aux détails : les chaînes, les soupiraux, tout tend à nous emmener dans un univers de détails, qui, à la première vision de la gravure ne se dévoile pas. C’est l’ombre et la lumière qui nous aveuglent de par une confusion graphique; l’œil cherche une perspective, un point de fuite mais cet univers est un labyrinthe, sans mur, sans fuite, l’œil se confond dans la pénombre. C’est dans ces contrastes d’ombre que s’établit un rapport de profondeur ; Giovanni Battista Piranèse43 met ces gravures en relief par l’absence de lumière. La source lumineuse n’est jamais visible et l’intensité est produite par des nuances de noir qui créent un contraste. L’artiste donne l’impression d’un univers fermé, clos, infini, l’espace est cerné de noir mais en rien étouffant.

L’œil se ballade d’ombre en ombre et s’enfonce toujours plus loin ; l’effet de perspective est saisissant.

Fig. 05 : Francisco de Goya, Peinture, 1819 - 1923, ‘Saturne dévorant l’un de ses enfants’ Fig. 06 : Giovanni Battista Piranesi, Gravure, 1760, ‘The arch with a shell ornament’ 2ème édition,

L’artiste crée un espace profondément noir, baigné par les peurs véhiculées de ces lieux, figé d’une lumière invisible. Son univers cerné de noir tend à rappeler les peintures noires de Goya, où l’artiste expose une cruauté réelle, magnifiée, par la lumière et l’ombre où nous sommes tenus de survivre. 3 <http://www.irisceramica.biz/news-dettaglio.php?id=247> 4

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Une gravure de Piranèse pourrait se décomposer ainsi : Le premier plan où l’ombre est prédominante, elle encadre avec force la gravure de l’artiste. Le second plan, appartient lui à la lumière qui tente de s’échapper; elle est comme ces hommes piégés dans le labyrinthe, elle cherche à aller en dehors des murs, de les pousser comme pour faire exploser le cadre qui la contient.

Fig. 07 : Giovanni Battista Piranesi, Gravure, 1743, ‘Carcere oscuro’, 1ère gravure

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Mario Nanni, le concepteur illuminé des 8 règles de la lumière 5

Mario Nanni4, luministe du XXème siècle souhaite « doser avec amour, perception et passion la lumière dans l’architecture ». La lumière, est selon lui, l’expérience du visible et du sensible qu’il nous donne à voir à travers l’architecture dans laquelle il intervient. Mario Nanni n’est pas architecte, il n’a pas une formation d’artiste conventionnelle, son premier rapport à l’architecture vient de sa formation d’électricien, où sur les chantiers, il côtoie les architectes et essais de résoudre les problèmes liés à la lumière – électriques – Très vite, il se retrouve à manipuler la matière pour l’allier à l’éclairage pour mettre en place, à travers ses créations, une projection poétique ; comme un nuage ; évanescente, subtile, légère. Comme Piranèse, il cache la source lumineuse, non pas dans un but de rendre l’espace noir et interrogatif, mais d’être discret et de donner LA place à l’architecture et non au dispositif lumineux. L’espace crée par Piranèse peut être rattaché à deux des règles que Mario Nanni a mis en place pour la lumière artificielle qui, selon moi, peuvent être rattachées et explicitées à la lumière naturelle.

Mario Nanni rapproche cet élément à sa 8ème règle ‘L’émotion du néant’, le souhait de vivre dans une situation agréable au moyen de la lumière qui enveloppe l’espace sans qu’elle se manifeste ouvertement. Créer une magie invisible, traiter la lumière comme un cadrage et faire se poser les regards de la lumière où se posent les regards du spectateur.

On peut également rapprocher sa 1ère règle : ‘Présence / Absence’ qui définit la lumière comme étant un voyage spatio-temporel qui fait éclater les limites de la matière. Elle illumine les corps sur lesquels elle vient se poser (depuis sa source cachée). Expliciter une référence qui n’est pas directement issus d’une œuvre architecturale permet de mettre en rapport et d’élargir le champ d’action de la lumière. Ces différentes références sont établies dans une ligne indirecte avec l’architecture, mais regroupe néanmoins, des similarités de par l’effet révélateur de la lumière. Mario Nanni, joue des effets de la lumière pour générer des contrastes au sein d’espaces architecturés ; comme dans l’architecture traditionnelle japonaise c’est dans les nuances de la lumière et de l’ombre qu’il révèle l’espace.

45 <http://www.irisceramica.biz/news-dettaglio.php?id=247>

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Junichiro TANIZAKI, Éloge de l’ombre

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Junichiro Tanizaki dans le livre Éloge de l’ombre5 propose une réflexion sur la conception japonaise du beau en opposition à la culture occidentale. L’auteur souhaite allier la tradition culturelle du japon au confort et infrastructure moderne dans un pavillon de thé ; construction régie par la culture japonaise. L’auteur relève une incompatibilité du fait de la non prise de conscience des occidentaux de la véritable beauté qui selon lui se trouve dans l’absence de lumière «éteintes les lampes, place donc au magicien et à son théâtre d’ombres». Ainsi, dans un pavillon de thé la lumière est absente, seuls des jeux de pénombre suffisent à différencier les usages ; la limite entre lumière et ombre structure l’espace grâce à un jeu subtil d’intensité qui magnifie le lieu.

«La lumière se conforte dans son absence», la culture japonaise utilise les laques noires, utilisées pour la vaisselle et des objets. Celles-ci sont magnifiées par l’obscurité, une abondance de lumière ternirait le laque brillant et profond ; ainsi, les habitations traditionnelles japonaises sont baignées dans la pénombre pour permettre de révéler la beauté du lieu et des objets cultuels. Dans notre société occidentale, la profusion d’objets et de mise en lumière éblouit, affaiblit, affadit la douceur des choses en les projetant en permanence, alors, l’œil ne les voit plus, il ne distingue plus le relief, les courbes, le grain, les volumes … «Rien n’est en valeur si tout est en lumière.»

Mario Nanni décrit cette approche au travers de sa 5ème règle ‘Éloge de l’ombre’, la lumière prend toute sa force au moment où elle est sur le point de s’éteindre. La frontière prend forme par l’architecture qui l’entoure.

En occident, les édifices religieux sont mis en lumière de par leur emplacement urbain, quant à l’épaisseur, elle leur permette de signifier une rupture avec le monde des mortels en instituant un seuil propre au recueillement et à la dévotion. Les édifices religieux sont créateurs d’ombre de part leur monumentalité manifeste, mais également par ce seuil imposé au prêcheur. Ce seuil, est une entrée dans une lumière tamisée, douce presque intrusive de par l’ambiance qui y règne. Il fait entrer le passant d’un monde baigné de lumière à un monde configuré par des ouvertures en hauteurs ne laissant passer qu’un filet de lumière. La transition entre ces deux mondes est brutale, froide, comme un couperet.

6 5 Junichiro Tanizaki 1978 Éloge de l’ombre Édition Verdier II220 LAGRASSE

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Le seuil, cette entrée dans l’édifice est renversante; l’œil se fourvoie de par l’absence quasiment instantanée de lumière, il met du temps à re-prendre ses repères à re-trouver la lumière qui permettra de voir et discerner les volumes. Le passage du profane au sacré est un jeu de lumière, de mise en ambiance architecturale mis en valeur par la lumière ambiante et absente.

Fig. 08: Photographie, 2013, Cathédrâle de Santa Maria, Gérone Fig. 09 : Photographie, Intérieur d’un pavillon de Thé

L’ombre magnifie la lumière en lui offrant une surface d’exposition et d’expression libre ; lire l’architecture à travers l’ombre, et son opposé la lumière, offre une perception différente de l’architecture. L’ombre crée une extension de l’architecture, la dévoilant, la sculptant, identifiant de nouveaux espaces, lui donnant toute la profondeur nécessaire à sa tenue structurelle, car c’est de l’ombre, que jaillit la lumière.

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Lumière / Temporalité La temporalité dans l’architecture joue un rôle qui, la plupart du temps, est émotionnel ; rapprochant l’homme au site et à l’espace dans lequel il interragit. Cette émotion est principalement retranscrite dans les édifices religieux où la lumière est associée à la parole de Dieu.

Plus communément en architecture, les ouvertures ayant pour mission première de laisser entrer le paysage et la lumière pour éclairer, ont ici la mission de montrer le temps qui passe en balayant les espaces d’un rayon lumineux.

Les volumes quant à eux se feront le reflet du temps par leur ombre projetée. L’architecture de par sa condition physique matérielle est intemporelle, est liée à une époque, sa critique (ou son impact) résonnera à travers le temps mais aura un écho variable en fonction de l’évolution des mœurs, des pensées architecturales… Ainsi malgré le temps qui passe, l’architecture reste, son ombre passe et le sentiment procuré à l’instant T, est lui, toujours éphémère et propre à chacun. Puisque le site est unique, la lumière qui s’y réfère l’est également, alors la vision temporelle de cette lumière est elle aussi unique.

Le Corbusier, le Couvent de la Tourette, Chambéry, 1959

Conçue entre 1953 et 1955, et achevé en 1960, le Couvent de la Tourette est commandé par le Révérent Père Couturier pour les frères Dominicains de la province de Lyon. Les frères demandent à Le Corbusier de leurs construire « un relais vers le ciel »76 où l’une des prérogatives est de lier le projet dans une symbiose avec la nature et son temps. Je vais exposer ici ma vision de cette architecture à travers la lecture de la lumière au sein de la nef du couvent.

La nef de l’église est un plan rectangulaire où la répartition des masses s’effectue selon « l’équilibre dynamique » ; la position de l’autel déterminant l’ensemble de l’équilibre de l’espace.

L’autel est une centralité, mais il n’est pas un centre géométrique. Une expérience physique et religieuse sublimée par la lumière est offerte. Les ouvertures sont une source de réflexion importante chez Le Corbusier qu’il nomme pour ce projet «l’heure cosmique de l’architecture»7 67 LE CORBUSIER Le Couvent de la Tourette, 1987-2006 Éditions Parenthèses

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Trois ouvertures indiquent le temps ; liaison entre le lieu et le sacré :

L’autel est éclairé par une ouverture située dans le mur Est - derrière l’autel - lieu où se déroulera le premier office de la journée. La lumière glisse sur les murs de la sacristie et sur le sol jusqu’aux frères, seul l’autel reçoit une lumière directe. Les frères perçoivent cette lumière verticale, blanche, pure encore vierge de toutes les expériences qui se dérouleront tout au long de cette journée. Latéralement, les puits de lumière de la crypte éclairent ces espaces liés à la nef, ils permettent aux frères d’être éclairés par la première lumière du matin lors de leurs prières individuelles. Dans la nef, sur les murs derrières les stelles, les fenêtres horizontales et colorées éclairent les frères pour l’office du matin. Cette lumière est ‘propre’ elle se veut à chaque jour nouvelle pour recommencer et débuter le cycle de prière. Le puit de lumière zénithal, éclaire les frères dans une même lumière ; le faisceau lumineux centre l’assemblée.

La ligne de lumière horizontale - positionnée en rez de plafond sur le mur Ouest – éclaire la sous face du toit puis épouse le mur nord : l’office du soir est immaculé d’une lumière dorée. L’autel est alors éclairé de face.

Le Corbusier met en place un cycle journalier dans le Couvent de la Tourette ; l’autel éclairé de dos, les frères lors de leurs prières, le re-centrement des frères et enfin le balayage de l’espace qui permet d’éclairer de nouveau l’autel : il crée une boucle entre la lumière et l’architecture.

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Fig. 10 : Plan schématique de la lumière au matin Fig. 11 : Plan schématique de la lumière à midi Fig. 12 : Plan schématique de la lumière au coucher du soleil

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Selon Le Corbusier «chaque homme serait porteur d’un sentiment religieux à travers duquel il interprète et donne un sens sacral à l’univers»4 le Couvent de la Tourette possède une lumière qui épouse le rythme des offices ; elle indique le temps spatial.

Une temporalité est fixée, comme un métronome elle temporise le temps et l’espace qu’elle constitue de par l’émergence ponctuelle, mais régulière, d’une lumière identifiable. « Le problème de l’éclairage est toujours celui-ci, c’est de savoir ce qu’est l’éclairage : ce sont des murs qui reçoivent une lumière. Ce sont des murs éclairés. L’émotion vient de ce que les yeux voient, c’est-à-dire les volumes, de ce que le corps reçoit par impression ou pression des murs sur soi-même et ensuite, de ce que l’éclairage vous donne soit en intensité, soit en douceur selon les endroits où il se produit » Le Corbusier.

Le Corbusier n’invente pas la lumière sacralisatrice, il tire les expériences du passé afin de les retravailler dans son architecture et proposer une lumière digne du lieu où elle se propagera. Cette sacralisation est exacerbée par la présence de la temporalité de cette lumière qui vient émouvoir le fidèle et le mettre en conditionnement dans l’architecture. Le Parthénon est un exemple monumental ; l’arrivée dans l’édifice est une épreuve physique où la lumière écrase le visiteur. Une fois entré, le prêtre est face à la statue d’Athéna, recouverte d’or et d’ivoire elle reçoit la lumière temporellement : le sanctuaire est dans l’ombre mais l’ouverture du toit au-dessus de la déesse sacralise l’espace et renvoi à la course du soleil de part son balayage constant de l’architecture.

Fig. 13 : Photographie, Lucien Hervé, intérieur du Couvent de la Tourette Fig. 14 : Coupe du Parthénon, image de reconstitution XIXème

La temporalité est un objet faiseur d’architecture, abreuvée par la lumière elle permet d’émouvoir le fidèle et de le conditionner à la dévotion de son Dieu. Balayant l’architecture, cette lumière temporelle est un lien direct avec le ciel ; le signe d’une présence. Elle joue de nombreux rôles avec nous et c’est l’architecture qui permet de nous les retranscrire en nous permettant de voir ce qu’elle est et d’affirmer sa présence temporelle à travers l’instant T.

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Lumière / Structure La structure est un élément majeur de l’architecture, où certains architectes comme Louis Isidor Kahn, la mettent en place dans une pensée constructive pour lui permettre de s’exprimer. Celle-ci est alors un élément constituant et constitutif du projet. Cependant, la structure n’est pas que la portée au sens statique, elle est également un sens conféré à l’architecture comme la lumière. 8

Selon Marc Mimram7, « dans le domaine des structures, le dialogue entre lumière et structure fonde la conception. Le pli, la surface, les membrures s’expriment dans les variations des lumières, les saisons et le temps »

Louis Isidor KAHN, Silence et Lumière

Dans ses mémoires intitulées Silence et Lumière89 Louis I.Kahn développe son principe constructif en 2 entités ; le faire ‘maker’ et l’acte ‘making’. Selon lui, ils emportent avec eux le concept. Kahn parle alors du ‘statut’ d’un espace ou de ses fonctions particulières, qu’il nomme, ‘servant’. Désignant ici la nature de l’espace qui est une source de multiples possibilités, il est le lieu complémentaire de la pièce. Cet espace permet également de libérer l’espace architectural des servitudes. Le ‘servi’ désignant quant à lui l’espace permettant la circulation des flux et des personnes et donnant toute l’importance a l’espace servant. Kahn décrit l’architecture comme un ‘realm of spaces’ ; un royaume d’espaces, un ensemble de lieux et de pièces qui, réunis, deviennent inséparable et forment le principe formel ; form. Chaque pièce est ainsi définie par sa structure et sa lumière. Le choix de la structure est donc synonyme de lumière, permettant de créer une atmosphère continue et changeante au cours des heures du jour.

78 Qu’est-ce que la lumière pour les architectes, Marc SAUTERAU, Archibooks + Sautereau Éditeur, 2008 89 Luis I. KAHN, Silence et Lumière, 1996, Édition du Linteau

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Bibliothèque Philippe Exeter, New Hampshire, 1972

La Bibliothèque Philippe Exeter, construite en 1972, est un exemple de lumière alliée à la structure où elle dévoile un jeu de structure géométrique. La lumière pour Kahn est un outil qui lui permet de dévoiler la structure afin de créer un continuum architectural. La bibliothèque est constituée d’une structure carrée faite de deux couronnes où les espaces de lectures se situent contre la façade. « Le commencement de la bibliothèque c’est de prendre un livre dans les rayons et de s’approcher de la fenêtre pour le lire» et l’espace de rayonnage entourant le vide qui représente dans cette bibliothèque le savoir.

Fig. 15 : Photographie, coin lecture ‘alcôve’, Bibliothèque Exeter, 1972, Louis Kahn Fig. 16 : Photographie, vide central illuminant la bibliothèque, Exeter Bibliothèque, Louis Kahn

« (Pour moi) quand je vois un plan, c’est comme si c’était une symphonie, un royaume d’espaces dans la construction et la lumière. Quand je vois un plan qui essaie de me vendre des espaces sans lumière, je le rejette tout bonnement, (…) je sais que c’est mauvais.»

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Le bâtiment carré doit avoir une lumière qui met en évidence cette forme géométrique ; la lumière soutient la forme qui lui permet de dévoiler sa structure et son envergure. La coupe du bâtiment révèle une structure pleine et fermée qui se forme de plateaux longitudinaux où les latéraux sont ouverts pour permettre l’éclairement. Les salles de lectures bénéficient d’une lumière directe où la structure en double hauteur tous les 2 niveaux permet de créer un espace lumineux.

Fig. 17 & 18 : Plan rez-de-chaussée et étage courant, Bibliothèque Exeter, Louis Kahn

Louis Kahn écrit «la structure est un donneur de lumière» une pièce a «sa propre structure»

Fig. 19 : Coupe, Bibliothèque Exeter, Louis Kahn

La structure du bâtiment est faite de béton et brique, le projet s’articule autour de 2 couronnes entourant le vide central. Chaque couronne est définie par son usage, sa lumière, sa structure. ­ La première couronne extérieure réalisée en brique, correspond aux salles de lecture ouvertes sur l’extérieur qui bénéficient d’une lumière directe. Les salles de lecture constituées d’alcôves individuelles permettent à chaque lecteur d’avoir une relation unique et privilégiée avec la lumière naturelle. Kahn propose ici à chaque livre sa lumière. Les alcôves positionnées sur le plancher bas de la double hauteur, bénéficient d’une lumière cadrée sur le paysage afin que le lecteur ait un rapport direct avec la lumière ; il gère l’intensité de la lumière qu’il souhaite recevoir.

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La seconde couronne, entourant le vide central, réalisée de béton, est la bibliothèque et les rayonnages. L’espace dispose d’une lumière indirecte zénithale et transversale ; plus sombre et resserré il est représenté comme l’espace servant de par l’usage de béton. Le concept de Kahn peut être retranscrit selon ce schéma : Structure

Matière

Lumière L’architecte met en place une structure identifiée par une matière où la lumière s’exprime en fonction de la structure.

Les espaces de rayonnage entourés par la structure en béton filtre l’apport lumineux, nécessaire à la bonne conservation des ouvrages. Kahn permet la pénombre mais pas l’obscurité totale ; ainsi, chaque angle est biseauté et filtre la lumière par un renfermement de la structure qui ouvre sur des espaces distributifs. La lumière pénètre en étant filtrée jusqu’aux livres pour créer une lumière plus douce et tamisée qui renvoi au silence que confère la lecture. Une lumière unique, une lumière tamisée, le silence, une lumière directe individuelle.

Ainsi, Kahn différencie les matériaux en incarnant une hiérarchie au sein de la structure. Celle-ci est dévoilée par les matériaux et l’usage fait des pièces, où se développera une lumière propre. Kahn propose une vision différente en amenant la lumière comme révélatrice de la structure architecturale. Sa structure est donc faite de matière et de lumière où celle-ci hiérarchise les espaces de par la noblesse des matériaux utilisés, structure et matériaux sont alliés pour être révélés. Louis I. Kahn exploite la structure à travers des principes forts qui lui permettent de développer sa conception en alliant la structure à la lumière. Ces notions existent depuis longtemps en architecture, une envie de faire entrer le monde extérieur à l’intérieur de l’architecture ; en son cœur. Se faire se rencontrer ces deux mondes doit être à la fois subtil et aisé pour permettre au visiteur d’entrer dans l’architecture à la manière de la lumière.

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Lumière / Façade La façade est l’élément qui lie le monde à l’architecture, elle est première au sens où elle est celle qui est en relation avec les hommes, qui lui transmet un message -son propre message d’architecture-. La façade s’élève entre le monde et celui qu’elle confine de par sa limite physique. Elle porte différents rôles ; structurels, protecteur, limite physique elle ne cesse d’être au cœur des attendus des architectes. Elle propose avec la lumière un jeu de confrontations, où la lumière en s’exposant sur sa surface la rend tangible ; elles s’exposent l’une à l’autre comme premières vis-à-vis de l’architecture. Plusieurs types de façades peuvent être révélés à travers la notion ‘Lumière / Façade’. La façade muraille, est une rupture majeure dans le paysage, elle encercle et protège –dans l’architecture militaire- en redéfinissant un nouvel usage en son sein ; c’est un nouveau monde. Elle est une limite physique constituée à partir d’une géométrie stricte qui permet d’identifier différents espaces. Elle s’apparente à un mur ou une barrière, la lumière frappe ces façades en ne la pénétrant que ponctuellement.

La façade miroir, le musée d’histoire de Berne des architectes MLZD est une extension du château neuchâtelois nommée Kubus, la face sud de l’édifice est une enveloppe de verre qui renvoi l’image architecturale du château. Il y a une mise à distance qui s’opère physiquement de par l’éloignement des deux architectures, cependant, la façade miroir opère la magie en entremêlant l’histoire à la modernité. La façade évanescente de la Farnsworth House de Mies Van Der Rohe met en place une intériorité - extérioté ; l’architecture est en dialogue constant avec le paysage. L’horizontalité des 3 dalles permet de ne pas interrompre la lecture visuelle entre l’édifice et le site ; la continuité spatiale est totale.

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Fig. 20 : Photographie, 2014, Muraille de la Citadelle de Besançon Fig. 21 : Élévation Citadelle de Besançon, 1668-1693, Vauban, Besançon

Fig. 22 : Photographie, Extension du Musée d’Histoire de Berne Rez-de-chaussée Fig. 23 : Plan du Musée d’Histoire de Berne, 2009, MLZD Achitekten, Berne

Fig. 24 : Photographie,Farnsworth House Fig. 25 : Plan de la Farnsworth House, 1951, Mies Van Der Rohe, Illinois

31 GSPublisherEngine 0.93.100.95


Rudy Ricciotti, Épaisseur du MUCEM, Marseille, 2013 Mario Nanni regroupe la notion de façade dans sa 3ème règle ‘Épaisseur de la lumière’ : car ce qui a du volume a de l’épaisseur et génère alors de l’ombre. L’ombre naît de la lumière et la lumière génère des volumes en en définissant les espaces. La lumière permet la découverte et la lecture de l’architecture. Rudy Ricciotti réalise au MUCEM, une œuvre plastique. L’utilisation d’une trame ajourée en façade en témoigne ; cette trame permet de faire entrer la lumière mais crée également un parcours pour amener le visiteur dans un entre-deux. La façade épaisse n’est pas un mur infranchissable, elle est un seuil propre à l’architecture qui permet de l’identifier et de lui donner forme.

L’architecte met en place une résille constituée de pleins et de vides qui est une peau visuelle et structurelle pour l’édifice qu’elle confine. Elle établit une relation donnant-donnant avec la lumière ; épaisseur de la façade pour alternance d’ombres et de lumières. Par l’épaisseur de sa résille, l’ombre portée de la façade crée un mouvement emmenant l’architecture dans son sillage et rappelant le temps ; la lumière détient le rôle de révélatrice de l’épaisseur. Elle fabrique une distance vis-à-vis de son architecture tout en l’enveloppant, l’architecte met en place un système identifiable où l’espace intérieur est vu de l’extérieur, et vice et versa, mais ne peut être pratiqué qu’en utilisant cet entre-deux que génère la façade.

La façade est le visage de l’architecture, lui conférant un statut ‘d’ami’ auprès de ceux qui la regarde pour les inviter à la pratiquer. Elle est l’interface entre l’architecture et l’homme, mais elle n’existe qu’à travers la vision de la lumière qui lui donne toute son épaisseur et sa volumétrie physique.

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Fig. 26 : Photographie, Entre-deux du MUCEM

Fig. 27 : Plan de toiture, MUCEM, 2013, Rudy Ricciotti, Marseille

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Lumière / Reflets Le reflet est un phénomène par lequel une lumière, colorée ou non, renvoyée par un corps ou une surface réfléchissante, produit dans une zone moins éclairée une image affaiblie de cette lumière. Ainsi de par le renvoi de l’image la lumière crée un seuil, une limite visuelle qui engendre une double lecture de l’espace : ce que l’on voit et ce qui est vu par la lumière réfléchie.

La lumière est capable de générer des tensions au sein de l’espace et de l’architecture qu’elle convoite ; elle crée des jeux de reflets dévoilant des limites réellement infranchissables mais néanmoins intangibles. Là où l’architecture est physique la lumière est elle psychique, elle convoque l’espace pour le dématérialiser tout en lui donnant une nouvelle perception, une lecture autre ; le reflet. Celui-ci peut être opaque, il ne renvoi que l’image se trouvant derrière l’observateur, mais il peut également être transparent laissant dévoiler l’architecture qu’il confine par sa limite. Il permet alors de prolonger l’espace, de créer une continuité visuelle malgré la limite spatiale.

Cet éclat qui rejaillit de l’architecture est l’idée d’une renaissance, le miroir généré par la lumière donne à voir autrement l’architecture ; de façon détournée, dos à elle.

Ben Van Berkel, Villa NM, New York, 2000-2007

L’architecte emploie ici une matière réfléchissante afin de rendre à l’observateur ce qu’il ne regarde plus, son regard étant détourné du site pour voir l’architecture. Celle-ci capture le site pour le renvoyer à l’observateur, comme une rupture dans son environnement l’architecture de la Villa NM s’oppose à la Farnsworth House qui est une architecture d’air. Le quadrilatère est, d’une part, en opposition au site par la fracture qu’il génère en son sein et d’autre part, en adéquation par la démultiplication de l’espace qu’il crée ; une perspective quasi infinie s’instaure entre l’architecture et son site. Le reflet, généré par la lumière, est un phénomène éphémère car il n’existe qu’à travers l’afflux de lumière sur la surface transparente ; un nouveau dialogue s’effectue entre l’architecture et le site. Ils établissent un rapport permanent où l’architecture se transforme suivant l’incidence lumineuse qu’elle reçoit.

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La maison de verre de Philip Johnson illustre ce propose, sa façade se matérialise par le reflet de l’environnement direct, créant une continuité visuelle ; les façades, l’architecture s’effacent pour donner une lecture d’un seul paysage où l’architecture devient, elle, éphémère.

Fig. 28 : Photographie, Villa NM, Ben Van Berkel, 2000-2007, New-York

Fig. 29 : Photographie, Maison de Verre, Philip Johnson, 1949, Connecticut

La lumière à la capacité à rendre la matière intangible, comme intelligible pour convoquer de nouveaux sens à notre corps et transformer notre perception car c’est là qu’est la magie ; elle déforme la matière et notre œil devient son outil d’expression. Le reflet devient une matière propre à l’architecture qui nous renvoi l’image fausse de notre perception ; le négatif de ce que nous regardons. Elle possède également la faculté d’effacer le physique, la matérialité même devient évanescente au contact du reflet. C’est la beauté de la lumière ; nous montrer ce qu’il mérite d’être vu.

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Conclusion chapitre I. Ces différentes notions tendent à nous monter la lumière sous un nouvel angle ; immatérielle mais tangible car révélatrice d’espaces et de concepts architecturaux. De la limite imaginaire qui rend à créer un monde réel, la lumière se manifeste au travers des jeux d’échelles qui induisent dans l’architecture de nouvelles réalités. Ces nouvelles réalités sont en architecture imaginaires ou physiques mais toutes liées dans la lumière qui les expose ; elle possède le rôle de révélatrice et se révèle tangible par sa révélation sur le support architectural. Cet élément physique qu’est la lumière génère des tensions architecturales de par sa conception évanescente qui suppose de nouvelles limites mais également en opérant de nouvelles dimensions. La fragmentation de la lumière permet d’éclater l’objet visuel en une multitude de perceptions. Dans la lumière, est confinée une part d’ombre mis en exergue dans certaines architectures afin de magnifier le lieu, car c’est là l’essence même de la lumière et de l’ombre ; créer une beauté à l’état pure où l’architecte dans son travail se doit de la souligner sans la surcharger. Le balayage de la trace lumineuse épouse l’architecture en révélant dans son sillon une nouvelle limite visuelle et immuable mais marque l’architecture d’une cicatrice intemporelle. La lumière a l’aptitude de contraindre l’architecture à se révéler dans une autre vision et d’identifier des espaces aux spécificités propres. Elle rend l’espace visible et lui confère une attitude propre en fonction de son statut. Marqueur de temps, le tempus fugit est exprimé par la lumière, le faisceau lumineux permet de créer un lien avec le ciel pour identifier la temporalité qu’il existe dans l’architecture. La lumière permet de dévoiler l’espace architectural et temporel qu’elle expose sur l’architecture en usant de moyens lumineux. Créatrice de liens avec les hommes elle se donne à voir sur la première face de l’architecture afin d’établir un rapport frontal, où lumière et architecture dialoguent ensemble pour nous initier à leur langage.

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CHAPITRE II. Lumière / Espace : L’architecture accueille un monde L’architecture regroupe les objets choisis et placés pour renforcer la présence tranquille de la matière ; l’architecture et la matière doivent révéler la lumière.

L’espace compose l’architecture, il lui donne de la masse, de l’ampleur, il est mis en lumière, extérieur ou intérieur, il est perçu, ou non, mais jamais il ne se soustrait à la lumière. Il est le lieu de l’expression, créateur de mouvements, incubateurs de sensations, il donne la volumétrie de l’architecture en permettant de se l’approprier parce qu’il lie l’homme à l’architecture. La notion ‘Lumière / Espace’ est un concept vague qui se lit à travers différentes lectures, notamment la matière, la couleur qui permette d’appréhender la notion spatiale.

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Lumière / Matière Selon Hubert Godet10 (architecte) la lumière s’oppose par nature à la matière car elle est intangible. L’architecture est là pour canaliser et générer un flux allant à la rencontre de la matière afin de la donner à voir dans la lumière. La lumière est un « matériaux immatériel. Elle permet de valoriser l’espace physique, de créer des profondeurs, et de souligner les volumes » L’architecte conçoit que la lumière est une matière physique et révélatrice, « elle est la matière des matières. Celle qui révèle les autres, leur donne sens, corps ; celle qui filtre, accepte le temps » selon Marc Mimram. La lumière crée un dialogue avec son environnement, et par conséquent, avec l’architecture. Sa présence physique permet de dévoiler l’architecture par la vue intangible, mais physique, et visuelle de la lumière.

Comme dans l’architecture du Luis Barragan, la lumière joue un rôle prépondérant, elle manie des effets d’optiques afin d’intensifier ou masquer l’architecture. Pour voir la lumière, l’architecture doit établir un lien qui lui permet d’être mis en lumière, d’être vu. La matière, en tant que matérialité tangible, permet de voir la lumière, car c’est cette dernière qui révèle l’aspérité de la matière sur les pans de murs nimbés de lumière. Par la seule présence de la lumière sur l’architecture, celle-ci exprime la matérialité. Elle montre l’architecture sous un nouvel angle ; la préciosité. La matière même est dévoilée, mise à nu, exacerbée par l’intensité de la lumière qui permet de rendre un mur prétendu lisse en une infinie de grains de matières. Lumière et matière sont indissociables ; sans support la matière est invisible, sans lumière le support n’est pas mis en scène. Il est pour ainsi dire inexistant.

Pour l’architecte la lumière est une réalité physique ; elle peut exister sans la lumière, puisqu’on la touche, elle peut exister sans matériau, car elle nous touche. La matière est révélée par la lumière différemment, et elle est révélée par le matériau autrement. Mario Nanni exprime la lumière à travers sa 4ème règle ‘ La lumière comme matériau de construction’ l’architecture est une conception de lumière. La lumière que l’on ne voit pas mais que l’on devine, elle ne fait qu’un avec la matière sur laquelle elle vient se poser.

10 Qu’est-ce que la lumière pour les architectes, Marc SAUTEREAU, Archibooks + Sautereau Éditeur, 2013

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Peter Zumthor, Chapelle Saint-Nicolas-de-Flüe, 2007 Cette chapelle réalisée au milieu de la prairie suisse à partir de 112 troncs de pins de 22 m de hauteur assemblés à la façon d’un tipi, puis recouvert d’un coffrage en béton, vont par leurs propre consumation créer la matière même.

Pensée in situ, la Chapelle Saint-Nicolas-de-Flüe créée une atmosphère d’harmonie où le site naturel répond à l’architecture de pins calcinés. Peter Zumthor donne à voir les marques des troncs de pins absents grâce à l’incendie de ces derniers. Il révèle la matière par le marquage de son absence en l’incrustant au sein d’une autre matière. Il réalise ainsi un jeu d’accords de matière où les empreintes des troncs calcinés forgent la matière de l’architecture. Les pins en étant consumés ont marqués le béton ; la trace visible des troncs, aujourd’hui inexistante, est inscrite dans la matière comme vérité absolue. Le coffrage de béton efface l’élément marqueur ; l’architecte coule un élément structurel sur ce dernier afin de révéler la structure porteuse où seul le symbole de son expressivité subsiste. Le symbole même de cette absence se retrouve dans l’édifice ; lorsque la liturgie n’a pas lieu, l’autel est figé permettant de révéler l’absence du lieu. Un dialogue s’installe entre la structure et l’usage du lieu manifesté par l’absence. La lumière du jour porte le rôle de révélatrice, elle embrase et embrasse de nouveau la matière pour lui donner corps. L’ouverture zénithale balaye et embrasse la marque sculpturale du bois dans le béton, créant un jeu de reliefs et d’ondulations lumineuses à la surface de la matière. L’architecte a fait apposer 350 billes de verre sur les parois internes de la chapelle pour véhiculer la lumière ce qui peut renvoyer l’image des cierges présents dans les édifices religieux. Les billes de verre, qui permettent de faire vibrer la lumière au sein de l’édifice, me font penser à une constellation céleste ; l’univers est retranscrit et permet de propager la lumière.

Fig. 30 : Photographie, Coffrage en pin, Chapelle Saint-Nicolas-de-Flüe, Peter Zumthor, 2007 Fig. 31 : Photographie, Vue intérieure des pins. Fig. 32 : Photographie, Vue intérieure des pins calcinés et des billes de verre. L’architecture prend vie par l’embrasement de la matière révélatrice.

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Peter Zumthor, Les Thermes de Vals les Bains, Suisse, 1996911 L’architecte crée une surface de lignes droites parallèles en pierre de gneiss issue de la carrière locale. L’alliance de la matière et de la lumière est mise en place par des interstices de 8 cm correspondant à l’espace entre chaque toit. Cette dissociation entre la matière permet d’obtenir une lumière zénithale qui se fond sur les murs réveillant ainsi toutes les aspérités de la pierre. Peter Zumthor travaille l’effet que produira la lumière avec la matière où les interstices permettent de faire entrer la lumière. Cette ligne droite, comme coupée au scalpel, rend la toiture légère, comme souple, elle la dématérialise créant alors des effets de contre-jours. Cette ligne est une force, elle est vigoureuse et se transporte dans la lumière afin d’éclairer l’espace. L’interstice est une faille dans la matière, la lumière s’en empare et s’approprie sa force pour exister.

Fig. 33 : Plan schématique des interstices de lumière entre les 15 blocs Fig. 34 : Photographie, Interstice de lumière, Therms de Vals, Suisse GSPublisherEngine 0.93.100.95

La présence de l’eau permet de véhiculer la matière au sein de l’ensemble de l’architecture, le reflet de la lumière reflété par l’eau sur la pierre permet alors, d’unifier l’ensemble. Selon Peter Zumthor «Last but not least, l’espace architectural et ses accords de matière doivent révéler la lumière.» La pierre de Gneiss est utilisée par Zumthor pour son aspect physique ‘mat-mouillé’ ; la pierre n’est jamais brillante. L’architecte utilise une seule et unique matière au sein des thermes afin de créer une continuité spatiale. L’intérêt pour la matière vient de son enfance où son père lui a transmis le goût de l’authenticité ; l’architecte révèle ici ses racines qui construisent son architecture ; une présence incontestée de la matière créant l’architecture.

La lumière existe par son union avec la matière, se révélant dans une ligne immatérielle au sein d’un espace, en marquant la matière ou en révélant l’absence même de la matière génératrice de l’espace. La lumière touche la matière en l’exposant d’une autre manière pour révéler son essence même, et ce, afin de nous permettre de ne plus la voir mais de la regarder. 911 <https://www.youtube.com/watch?v=GjX_eB_xnBY (ARTE) Collection architecture, Episode 10 : Peter ZUMTHOR - The Therma of Stone, 2013>

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Lumière / Couleur La couleur dans l’architecture peut être abordée d’une manière purement picturale, ou à l’inverse spatiale, ce qui permet d’identifier des espaces et de les nommer en fonction de la couleur qui leur est attribuée.

Cette pigmentation permet de jouer de contraste et d’inventer de nouveaux seuils, comme le fait Barragan, mais c’est avant tout une technique d’ajout et de complémentarité afin d’obtenir le juste dosage permettant de générer la magie entre la couleur et l’architecture qui sera révélée par la lumière, c’est l’harmonie qui dicte la couleur autrement dit le juste équilibre.

Johannes Itten, La théorie des couleurs Johannes Itten, qui enseigna au Bauhaus de 1919 à 1923, écrit le livre ‘L’art de la couleur’, un traité sur le sens de la composition des couleurs. Selon lui « les formes et les couleurs réelles de la matière peuvent se muer en vibrations irréelles 12 et elles donnent à l’artiste la possibilité d’exprimer ce qui ne peut se dire » Son traité expose la décomposition de la lumière à travers le prisme, ou encore les différents types de compositions picturales pour comprendre les accords de couleurs et leurs interactions entre elles pour identifier différentes harmonie de couleurs. Le Bauhaus fut un moment où les arts graphiques sont liés à l’architecture et ont permis de constituer une réflexion sur l’architecture moderne. Ce mouvement exercera une forte influence sur les arts plastiques qui seront exprimés à travers l’architecture.

Fig. 35 : Johannes Itten «Carré gris sur bleu glacé et rouge orangé» Art de la couleur, réédition 2004

12<http://paris.blog.lemonde.fr/2012/11/12/johannes-itten-la-couleur-selon-un-desfondateurs-du-bauhaus/>

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Pour Johannes Itten la couleur est un moyen d’expression qui doit être manié avec la plus grande dextérité afin de créer une harmonie, et par harmonie il faut entendre la symétrie des forces.

Fig. 36 : Cercle chromatique, Johannes Itten

Son traité expose les couleurs les une aux autres afin d’expliciter comment les couleur interagissent entre elles. Son travail en 2D, peut s’apparenter à celui des architectes qui composent avec la couleur ; son travail a été repris par certains architectes afin de conceptualiser l’espace dans l’architecture. 
Johannes Itten distingue sept contrastes de couleurs ; par leur étude on peut apprendre à les utiliser, accentuer, atténuer ....

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Piet Mondrian, La couleur spatiale10 De formation artistique, Piet Mondrian est dans une recherche de composition d’éléments combinés et de géométrie ; il remplace la couleur naturelle par une couleur vive car « (J’en) étais venu à comprendre qu’on ne peut représenter les couleurs de la nature sur la toile.» Il utilise les couleurs fondamentales qui seront le jaune, le rouge, le bleu et le blanc où chacune possède un caractère ; il recherche l’équilibre stable entre les couleurs.

Artiste, mais aussi théoricien et architecte, il transcende dans ses textes sa vision de la société future qui sera selon lui équilibrée, et où chaque élément y trouvera sa justification - ce qui renvoi à son architecture utopique basée sur la géométrie et l’espace déterminé par un élément, la couleur- . Dans ses peintures, Piet Mondrian utilise le contraste de proportion et le contraste de couleur ; le carré est la forme retenue et utilisée car il représente la totalité. Cette forme géométrie est obtenue par « des directions horizontales et verticales ». On appelle contraste une différence entre deux choses (forme, valeur, couleur ...) qui sera visualisé entre deux ou plusieurs couleurs lorsque une différence entre celle-ci sera observée.

Fig. 37 :Piet Mondrian, «Composition in Red Yellow and Blue» 1922

Le tableau est partagé en surface de lignes droites où chacune prend son indépendance vis-à-vis des autres, de par sa surface unique et identifiable par une couleur fondamentale.

Pour permettre à chacune des surfaces d’être indépendantes, Piet Mondrian les sépare par une bande noire –elle est le contraste : ce qui permet de leur donner une visibilité complète – la couleur est libre d’expression (il n’y a ici pas de mélange avec une autre couleur ). C’est une parfaite harmonie que réalise Piet Mondrian au travers ces travaux picturaux qui seront la base de son architecture.

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Fig. 38 :Photographie intérieur de la Schröder House, Piet Mondrian, 1924, Utrecht

Fig. 39 : Schéma de l’élévation nord de la Schröder House ; on peut voir le lien étroit avec les tableaux de l’artiste où les lignes noires constitues le contraste qui permet aux couleurs d’être identifiées et d’exister par leur propre autonomie.

La couleur est un concept fort des arts graphiques qui se retrouve dans l’architecture, par la pensée de l’espace, par la couleur, comme le fait Piet Mondrian.

Gerrit Rietveld réalisa la Maison Schröder où il met en place une harmonie composée de lignes droites et couleurs primaires. Elles sont le fondement du concept architectural qui génère les espaces. Cet édifice est la volonté de l’architecture d’aboutir à une synthèse entre la couleur, l’architecture et le graphisme. Par le simple usage de la couleur Gerrit Rietveld crée des espaces tangibles ; aucunes cloisons fixes ne ferment l’espace car seule la couleur détermine les limites. L’architecte plasticien exécute un concept spatial constitué de couleurs primaires qu’il reporte sur la façade de la Schröder House afin d’établir un ordre total ; l’architecture et les arts sont en coalition. Tout comme Gerrit Rietveld, Luis Barragan compose avec la couleur, cependant, cet architecte ne choisit pas la couleur comme outils spatial conférant des limites mais à la façon d’une outil perceptif.

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Luis Barragan, Tradition architecturale Luis Barragan est un architecte dit coloriste, proche de ses racines mexicaine il évoque à travers son architecture le fruit de la tradition et des coutumes par l’utilisation de couleurs saturées monochromiques. La tradition populaire mexicaine utilise la couleur comme représentation de la vie, du cosmique, elle est omniprésente, et est intimement liée aux différents moments de la vie. L’utilisation de la couleur permet de révéler l’architecture ; Luis Barragan utilise le bleu indigo, le rose cochenille, le jaune d’or, l’orange ainsi que le mauve, couleurs traditionnelles du Mexique. L’architecte est également fortement marqué par les maîtres du Bauhaus comme Johannes Itten.

Selon Luis Barragan il faut accorder une importance de taille à la lumière et à la couleur dans la création architecturale ; chacune prise ensemble permettent de modifier la conception de l’espace. «Elle permet d’élargir ou de délimiter un 13 espace. Elle est nécessaire pour ajouter une touche de magie à un lieu...11». La présence d’une couleur chaude (jaune, orange, rouge) utilisée comme monochromie permet d’unifier et agrandir l’espace qui engendre un effet d’optique modifiant ainsi la perspective visuelle. La couleur est pensée sur le site, elle est modifiée, ou déplacée, en fonction de ce que recherche l’architecte mais également selon l’effet obtenu. Elle est un point d’orgue à l’architecture de volumes dépouillés. L’utilisation de la couleur chez Luis Barragan est un objet permettant l’expression de l’espace architectural qui se révèle à travers la lumière par des jeux de saturations et de reflets.

D’après le travail de Luis Barragan on peut exposer la 7ème règle de Mario Nanni, ‘La lumière comme génératrice de couleurs‘ ; elle se propage tout au long d’une journée, la lumière constante de par le flux lumineux émanant du soleil ne possède pas une couleur égale. La lumière confère une couleur propre à chaque objet.

Casa Gilardi, Tacubaya Mexico, 1976

La première construction de Luis Barragan, évoque plusieurs thèmes que l’architecte réitèrera dans ses différents projets. La propagation de la couleur par lumière, la présence de l’eau, le reflet ou encore la saturation de la lumière absorbant la couleur. 11 <http://blog.couleuraddict.com/post/2009/03/08/Luis-Barragan-architecte-coloriste13 mexicain>

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La propagation de la couleur par la lumière L’exemple le plus marquant dans la première construction de Luis Barragan, est le corridor. Peint par la main de l’architecte, par ajout de touches de jaune d’or, le mur illumine progressivement le corridor par une couleur changeante. Le matin, la lumière indirecte du soleil permet de distinguer nettement la ‘touche’ du coloriste, seule la couleur est visible. Lorsque le soleil est au zénith ,et ce jusqu’au coucher, le corridor devient un halo jaune d’or où la couleur est propagée par la lumière. L’espace entier est essaimé d’une couleur flamboyante, la couleur a rencontré la lumière et transforme l’espace en une couleur massive qui se propage et glisse à travers l’architecture. La présence de l’eau

La présence constante de l’eau dans les réalisations architecturales de l’architecte renvoie à sa culture ; le mouvement de l’eau est signe de vie. La piscine aux murs bleus et au mur rose est un exercice d’effet. Il a déclaré que le 12 mur rose n’était en rien structurel14 , «c’est une touche de couleur rajoutée dans l’eau - pour le seul plaisir - » Le reflet

L’architecte joue ici avec le reflet de l’eau, le mur se prolonge dans la piscine et semble infini. De par sa composition l’eau permet, ici, de générer une tension spatiale en démultipliant l’espace physique. La lumière qui éclaire cet espace est une ouverture zénithale, elle vient marquer le mur par un rayon lumineux qui se reflète, comme l’architecture, dans l’eau. Seulement le rayon lumineux change d’angle lorsqu’il rencontre la surface de l’eau. La perspective est faussée, l’effet visuel est figé dans l’eau comme une nouvelle couleur. Luis Barragan par l’utilisation de l’eau comme une matière révélatrice de l’architecture, comme une matière propre, créé une nouvelle couleur La saturation de la lumière – Absorption de la couleur

L’architecte utilise la lumière comme source révélatrice ou absorptive de la couleur ; un effet d’optique se produit par la surexposition de la couleur à la lumière ; l’œil ne distingue plus les pigments de la couleur; le mur apparaît blanc.

14 12 Architectes Lauréats du Pritzker Price, 30 ans de créations, Ruth Peltason et Grace Ong-Yan,2011, Édition de la marinière

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Fig. 40 & 41 : Photographies du corridor de la Casa Gilardi à différents moments de la journée, Luis Barragan, Tacubaya Mexico

Fig. 42 : Photographie de la piscine, 1976, Casa Gilardi, Luis Barragan

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Fig. 43 & 44 : Photographies du mur de la Casa Galvez, 1955, Luis Barragan, Mexico

La couleur prend sa force dans la lumière qui lui permet de s’exprimer en créant un rapport nouveau avec l’observateur et l’architecture sur laquelle elle prend forme. La lumière peut à elle seule transformer un matériau en en changeant sa perception visuelle ; la couleur se mue en une autre au gré de l’intensité lumineuse.

Le toit de l’Unité d’Habitation de Le Corbusier en est un parfait exemple ; le béton brut de décoffrage à la lumière du matin est exposé à sa couleur propre – le bleu- tandis que la lumière du soir le change en une couleur dorée. La lumière permet de transcender la matière même en une couleur différente ; elle véhicule alors des sensations propres à chacune de ces lumières. La couleur est un matériau artistique utilisé dans l’architecture afin d’établir une filiation avec la lumière, car c’est elle, qui permet de révéler les couleurs à travers son spectre lumineux. Elle interagit avec les couleurs pour nous permettre à nous qui les regardons – les couleurs- de les voir différemment, sous un autre jour. Le concept n’est pas uniquement de voir, mais de transcender un nouvel espace physique par l’apport d’une couleur déterminant des limites visuelles, ou encore révéler la couleur dans un soucis d’effet temporel – ce que fait Luis Barragan en proposant une couleur mouvante au fil de la lumière-

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Lumière / Géométrie Nombreuses sont les architectures qui sont basées sur une géométrie stricte et conceptuelle. Vitruve base son architecture sur une géométrie issue de l’école des beaux-arts où l’espace devient à lui seul une géométrie complexe et symétrique. - Cette école des Beaux-Arts n’est plus celle d’aujourd’hui ; elle composait l’architecture dans un souci d’esthétique, et de proportions liées à une géométrie stricte et rigoureuse permettant de créer l’harmonie spatiale-. Léonard de Vinci voit dans l’architecture la géométrie par l’usage des proportions du corps de l’homme, quant à Campo Baeza, dans sa quête de la réduction formelle, il utilise la figure du carré ; forme sacrée considérée comme parfaite. Cet usage de la géométrie qui est associé à la lumière impose une lumière sculptée, taillée à vif dans la matière architecturale, une lumière comme régie par et pour l’architecture.

Fig. 45 : Dessin, 1492 «L’homme de Vitruve» Leonard De Vinci

15 Laurent Salomon, Lumineuse géométrie13

La lumière découpée au scalpel ne laisse aucune place au hasard quand à la réalisation de la géométrie de l’architecture, selon Laurent Salomon la géométrie « est le cadre dans lequel se transforme la nature au gré des saisons » Ainsi, la géométrie régie l’architecture en renvoyant le temps qui passe sur ses formes.

Cet usage de la géométrie qui est associé à la lumière impose une lumière sculptée, taillée à vif dans la matière architecturale, une lumière comme régie par et pour l’architecture. 15 Revue Le Visiteur novembre 2012 n°18 Revue Critique d’Architecture Infolio Éditions, 13 C.GOLLION

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Alberto Campo Baeza, Apogée d’une géométrie sereine1416

Gian Lorenzo Bernini dit, Le Bernin, est selon Alberto Campo Baeza le premier maître de l’architecture ; il le fascine par ses jeux de transparence que le sculpteur fabrique avec le marbre – ce qui renvoie également à Antonio Canova avec son œuvre «Psyché ranimée par le baiser de l’amour» de 1793-. Sa « précision chirurgicale » permet d’apprécier la géométrie en mettant à nu le matériau ; seule la forme subsiste. La blancheur du marbre, ou de l’architecture d’Alberto Campo Baeza, n’est pas une abstraction, mais bel est bien un capteur de lumière qui se décline en tonalités vivantes de lumière.

Fig. 46 : Sculpture, 1621-1622, «L’enlèvement de Prospérine» Le Bernin Fig. 47 : Sculpture, Détail, 1822 «Psyché ranimée par le baiser de l’amour», Antonio Canova

Le Bernin comme Alberto Campo Baeza recherche un langage à la limite du silence, comme un effacement pour mieux mettre en valeur la lumière. Cette réduction formelle se fait pour la lumière dans un simple rapport rendu possible par la pure et simple géométrie. L’architecte évoque alors que seule la lumière d’un bâtiment est clairement mémorisable, sa forme disparaissant sous la lumière. L’architecte met en avant des formes géométriques simples pour centrer l’attention sur la lumière ; car là est l’outil révélateur de l’architecture : elle lui donne sens, force et vie. C’est donc un rapport exclusif qui n’est rendu possible que par une extrême simplification géométrique : une architecture épurée pour lui donner sens uniquement par le biais de la lumière. 16 14 <http://www.infociments.fr/betons/matiere-creation/portraits-architectes/portrait-campobaeza>

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La House of the Infinite à Cadix est l’architecture la plus radicale d’Alberto Campo Baeza, l’architecte n’utilise que le cube pour générer ses espaces et ouvertures. La géométrie est mise en place dans sa totalité pour qu’elle soit décuplée ; le cube est omniprésent et ce n’est que par lui que la lumière s’exprime dans l’édifice jouant d’effets de pleins et de vides sur la façade.

Fig. 48 : Photographie, Mur Sud de la House of the Infinite, Alberto Campo Baeza Fig. 49 : Coupe, House of the Infinite, Alberto Campo Baeza 17

La Casa Turegano15 conçue par l’architecte est une géométrie complète ; par souci de rationalité l’architecte a réalisé une forme simple, un carré de 10 m x 10 m de côté par 10 m de hauteur.

Fig. 50 : Croquis de l’architecte, CasaTuregano, Alberto Campo Baeza

La lumière est inscrite dans ce cube en créant des fuites et des continuités où l’espace vertical est connecté par une diagonale. Celle-ci est développée sur trois hauteurs, elle devient l’espace de cette architecture ; descendant en cascade sur l’ensemble de l’édifice elle exalte l’espace en une unité. 17 15 <http://planosdecasas.net/cubos-blancos-de-10-x-10/>

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Fig. 51 : Coupe, Casa Turegano, Alberto Campo Baeza

Fig. 52 : Plans, Casa Turegano, Alberto Campo Baeza

L’architecture d’Alberto Campo Baeza est caractérisée par un traitement puriste et minimaliste de volumes architectoniques où la lumière est qualifiée spatialement ; la lumière diagonale de la Casa Turegano, la lumière frontale de la House of Infinite … Son architecture est celle d’une géométrie pure, sans superficialité, au service de la lumière ; «Architettura sine brille, nulla architettura est».

La géométrie est un outils qui permet d’exprimer un processus constructif mais surtout un concept spatial ; l’unité. Celle-ci n’est consentie qu’au travers d’un effacement qui permet à la lumière de s’exprimer dans une simplicité formelle exquise ; l’architecte est au service de la lumière pour la magnifier. Car là est le rôle de la géométrie, permettre à la lumière de voguer dans l’architecture avec aisance.

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Lumière / Gravité 18

Simone Weil « deux forces gouvernent l’univers : la gravité et la lumière »16

Dans la langue française la lumière peut se rapprocher de la légèreté et donc s’opposer à la gravité, elle renvoie également à la transparence et à la translucidité. De multiples mots existent pour nommer la lumière sans véritablement préciser ce qu’elle est, à l’inverse de l’anglais, par exemple, qui rapproche deux termes à celui de lumière -légèreté et lumière : light-. La gravité donne l’importance au mouvement dans la perception de la profondeur, ce qui renvoie aux gravures de Piranèse où son univers instable et pesant, est associé à une légèreté grâce à l’utilisation d’une perspective infinie créée par la lumière.

Alberto Campo Baeza

« La lumière construit le temps, la lumière avec sa capacité ineffable de vaincre la gravité » L’architecture d’Alberto Campo Baeza est un travail d’équilibre fait de lumière et d’espace où l’idée construite est matérialisée dans des espaces animés par la lumière.

Selon Alberto Campo Baeza la lumière est un matériau toujours en mouvement, qui est la seule « capable de faire flotter, léviter les espaces créés par les formes construites avec du matériau lourd » ainsi, il évoque la gravité. Par la mise en lévitation des choses et de l’espace, alors, l’architecture vainc la gravité elle emporte la lourdeur, la masse, pour n’en faire paraître qu’une fine couche légère. « La lumière matériau est toujours en mouvement, elle fait voler et disparaître la Gravité. Elle la vainc. L’insupportable lourdeur de l’inévitable et indispensable matière ne peut être vaincue que par la lumière. » Le travail de l’architecte convoque le léger et la gravité en réalisant un contraste entre un élément stéréotomique et un élément tectonique. Le béton est l’élément stéréotomique qui est « apte à transmettre cette gravité » Il souhaite contrôler la gravité et le dialogue avec la lumière, ainsi il créé des espaces en tension permanente qui sont révélés par la lumière. 18 16 La idea construida Montpellier, Edition de l’Espérou, p 91, 2010

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Siège du gouvernement Castille-Léon, 2012

L’architecte joue d’une dichotomie entre le lourd et le léger – la matière et l’espace – où l’édifice est au cœur d’un mur d’enceinte ; ce dernier assiégeant l’architecture doit s’en échapper ; l’architecte réalise un projet de verre et de béton qui semble flotter au milieu de cette masse périphérique.

Fig. 53 : Plan, 2012, Siège du Gouvernement Castille-Léon, Alberto Campo Baeza Fig. 54 : Photographie d’une maquette coupe

La transparence permet d’établir une confrontation directe avec la matière du mur périphérique et de générer une tension spatiale ; l’édifice est comme confiné mais se détache de cette pesanteur par le flottement de ces planchers. Cette architecture possède un verre structurant, qui définit le gabarit général de l’édifice, cette façade permet de créer une continuité visuelle afin de renvoyer l’image de la matérialité extérieure. Cette confrontation visuelle qu’offre l’architecte en proposant un édifice totalement ouvert permet de mettre en tension l’architecture légère face à cette façade muraille.

C’est une hiérarchisation de la lumière que propose l’architecte :

L’architecture transparente bénéficie d’une lumière directe propagée naturellement à l’intérieur de l’édifice. Le mur périphérique établit un lien visuel mais également lumineux ; il renvoie la lumière dans l’architecture.

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Par l’absence de matière dans l’architecture, Alberto Campo Baeza crée un espace sous-tendu entre masse périphérique et espace transparent où la gravité règne en maîtresse. Elle élève l’architecture à une essence fluide et légère s’affranchissant de la pesanteur par l’absence de masse. Le regard s’échappe, la lumière glisse de part en part de l’architecture se laissant se dévoiler dans sa plus pure abstraction. Car c’est là le travail de l’architecte ; allier l’abstraction formelle à une simplicité de contrainte générant un vide visuel et lumineux.

Fig. 55 : Photographie, Siège du Gouvernement Castille-Léon, Alberto Campo Baeza

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Conclusion chapitre II. La lumière se donne à voir sur l’architecture en matérialisant une trace visible à l’œil nu, noire, sombre, douce elle permet d’offrir une nouvelle vision de la matière sur laquelle elle s’est formée. Elle sublime la matière en un motif sculptural ; sensible elle créée un rapport sensuel où les yeux la touche. Dévoiler la lumière en architecture est un concept spatial qui permet de générer des tensions mais c’est surtout et avant tout un monde chargé de couleurs animées et animant l’espace. C’est un jeu entre l’architecte et la lumière, une mise en lumière de l’architecture par la mise en couleur de l’espace qui permet de créer un renversement physique et visuel. Une nouvelle architecture se forme au gré de la lumière mouvante. La couleur est une dialectique qui joue avec la spatialité ; limite visuelle elle permet à l’architecture d’être dans un nouveau rapport spatial et l’observateur d’être dans une nouvelle dimension de par la transformation qu’elle opère. Ce nouveau monde est peuplé de lignes droites, parallèles, courbes, qui visent à former une unité spatiale dans la plus pure expressivité. L’absence, l’effacement là est le secret d’une architecture subtile qui n’a que pour seul langage l’universalité de ses traits, de ses plis, elle est compréhensible par tous.

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CHAPITRE III. Lumière / Émotion : l’architecture est anatomique, elle est un réceptacle d’ambiances sensorielles.

L’architecture est comme un corps qui peut toucher avec ses masses, membranes, limites ; l’architecture est physique. L’architecture est propre à chacun, c’est une évocation complexe que de faire comprendre son ressenti, son émotion face à ce que l’on regarde. Nommer, capter le fil de son émoi et le dérouler jusqu’à en épuiser tous les mots nécessaires pour se faire comprendre. Cette position face à nos sentiments envers l’architecture renvoie aux paradigmes constituants ce mémoire : une lecture comparative de la lumière face à des paramètres qu’elle fédère.

L’émotion en architecture se base sur nos souvenirs vécus où la lumière en est toujours le fil conducteur car elle permet de nommer ces instants en une lumière spécifique. Chaque souvenir est alors constitué d’une lumière identifiable que l’on cherche à retrouver afin de ressentir cette émotion passée. Selon Tadao ANDO l’architecture doit « élever les consciences, réveiller l’émotion, solliciter ce qui dort au fond de nous-mêmes »19

Retrouver une émotion c’est également tenter de découvrir un lieu à travers la photographie de cette architecture mise en lumière ; trouver le bon angle, la bonne lumière pour susciter la même émotion lorsque l’on a découvert cette photographie. La lumière a la faculté d’animer les visages, de confondre la vue et la réalité en obligeant l’œil à s’adapter, un temps, pour voir. Elle possède cette relation intrinsèque avec l’homme, elle est comme un corps possédant ses propres émotions qu’elle véhicule à travers notre propre corps.

19 <http://interieurites.com/TADAO-ANDO-ARCHITECTE-DE-LA-LUMIERE/>

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Lumière / Émotion 20

Architecture émotionnelle17

‘L’architecture est une machine à émouvoir’ concept issu des années 1920 dans la revue L’Esprit Nouveau, elle fonde une nouvelle perception de la matière architecturale comme étant fondatrice de ressentis.

Cette machine est la synthèse d’une harmonie des formes et des jeux de lumière qui compose l’ensemble architectural où les architectes comme Le Corbusier, au travers ces cinq points d’architecture – le plan libre, le toit terrasse, les pilotis, la fenêtre en longueur et la façade libre – façonnent les formes pour répondre à une spatialité architecturale évocatrice d’émotions. Faîte d’acier et de béton, de verre ou de bois, l’architecture véhicule des concepts, langages, couleurs, où leur trait commun est la lumière qui est LA fondatrice de ces éléments. La démarche conceptuelle de Luis Barragan peut être comprise comme celle d’un peintre ; il met en place un processus créatif. Dans ses projets Luis Barragan insiste sur le caractère émotionnel à donner au lieu en faisant appel aux qualités physiologiques de la couleur.

Le travail de Barragan se réfère aux peintures de Kandinsky, par des volumes simples ou géométriques il éveille l’espace en l’accentuant par une monochromie. La lumière donne sens à l’aplat de couleur elle se veut être, non pas un complément de l’architecture, mais une composante unique et entière qui permet d’émouvoir. Chaque espace est ainsi inscrit dans une mise en scène afin de caractériser le lieu, l’architecte cerne le paysage en colorant les murs et le définit en lui donnant une émotion propre véhiculée par la lumière. Mario Nanni évoque pour sa 2ème règle ‘La lumière uniquement là où elle est nécessaires’, la lumière est une chimie où l’alchimie ne naît que d’un juste dosage équilibré. Un seul point de lumière suffit, il n’y a pas de nécessité à le multiplier, seul, il est capable de révéler des émotions.

Selon Jean-Paul Viguier, architecte, l’émotion renvoie par nature à la subjectivité et l’intériorité de celui qui la regarde ; il faut donc manier l’architecture par des concepts de légèreté, d’absence, de vide afin de rendre compte d’une émotion sous tendue qui se chuchote calmement à tous ceux qui la traverse. L’espace est là afin de stimuler la pensée des visiteurs et ainsi créer un espace de vie où l’émotion est première. 20 Danièle PAULY, ‘Luis Barragan, ou l’architecture émotionnelle’ conférence ENSAM 17 octobre 17 2013

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« Les émotions visuelles provoquées engendrent une réaction physique (…) visant à atteindre l’âme » Kandinsky 20

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Lumière / Toucher

Touch me if you can

L’architecture permet de nous émouvoir, de par ses formes, volumes, matières, ingénieries, elle nous confronte à une échelle humaine ou démesurée dans le but de nous la faire contempler. L’émotion en architecture vient de différents paramètres physiques, certains issus de la matière, d’autres de la structure, mais sont tous vus grâce à la lumière. Cette lumière nous émeut par l’unification qu’elle engendre avec l’architecture. Cette lumière nous touche émotionnellement et physiquement. Chaque lumière se caractérise par sa chaleur, son intensité et chacun la perçoit d’une manière telle qu’une interaction propre se développe entre elle et nous. D’un côté purement physiologique, la lumière composée de mélatonine impact notre corps et notre sommeil, elle a donc cette capacité sur le corps humain de nous toucher physiologiquement.

Toucher c’est entrer en contact avec quelque chose, se rendre compte de la masse, de l’aspérité physique. La lumière, aussi intangible qu’évanescente, possède cette capacité à nous toucher malgré son immatérialité ; elle est un rayon qui se fond dans une pénombre, un trait qui se matérialise sur l’architecture. Et pourtant la lumière est émotion, elle nous habille, se dévoile et nous touche.

Elle a ce côté chaleureux et sensuel, qui, en nous touchant réveille des souvenirs et émotions ancré en nous. La lumière a ce rôle unique de nous rappeler de faire naître un sentiment de bien-être chez l’homme. Elle est un effleurement de notre corps pour mettre en abîme nos sens à travers notre mémoire.

La lumière est sensorielle, c’est un toucher ‘ physiquement émotionnel ‘ on ne saisit pas la lumière, elle nous implique dans une confrontation de duplicité ; on la cherche, la convoite, la fuit … Sentir la lumière sur notre peau c’est REssentir une chaleur, une brûlure, une sensation ; une vague de chaleur, un frisson … Capturer la lumière c’est aller à son encontre. Elle se faufile, glisse, se répand, inonde le monde et l’architecture en une même onde ; elle est majestueuse et la minimiser peut apparaître comme un étouffement qui viendrait corrompre les choses sur lesquelles elle s’épanouie. Fig. 56 : Photographie

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Lumière / Atmosphères

Ambiance architecturale

L’œuvre architecturale de Peter Zumthor peut être désignée en un mot : atmosphères car « Il s’agit de notre première impression»11 L’architecte recherche une émotion qui est suscitée par l’architecture de qualité, ainsi, son œuvre architecturale, qui n’est pas celle des ‘starsarchitectes’, nous transporte à une émotion propre et unique. Il apporte un soin minutieux aux détails, selon lui « beauty is in the eye of the beholder»11 (la beauté est dans les yeux de l’observateur) la qualité architecturale est donc véhiculée à travers les yeux des observateurs par l’atmosphère qui s’y dégage.

Les thermes de Vals les Bains sont une concentration d’atmosphères que l’architecte a souhaité mettre en œuvre pour créer une continuité spatiale par l’usage d’un matériau unique, mais également, en opérant un décollement des toitures pour faire entrer la lumière. L’usage de la pierre de gneiss permet de rassembler l’espace en l’unifiant où les quinze blocs de formes différentes ne forment qu’un.

Peter Zumthor imagine une montagne ouverte ; il y insert quinze blocs portant chacun un morceau de toit, cette alternance de pleins et de vides renvoie à la méthode de construction du bâtiment. Entre chaque blocs, des seuils qui permettent de créer une tension et d’offrir à chaque espace une ‘surprise’, une rencontre avec l’eau à 42° associée à la couleur rouge, une eau qui tourbillonne, une eau avec des pétales de fleurs ou encore des bains vapeurs ou une eau froide à 14°. L’architecte met en place la libre déambulation et l’expérience spatiale ; chacun réalise son propre parcours des bains dans un ordre librement choisit. C’est une expérience de l’eau unique que l’architecte a voulu développer. Le décollement des toitures des façades par des interstices de 8 cm permet à la lumière d’entrer dans le bâtiment et épouser les murs qui se prolongent dans les bains. En plus d’une unification par la matière, l’architecte crée une unité avec la lumière qui crée des seuils et se marie à chacune des atmosphères des bains. Une émotion de calme et de sérénité se dégage de l’édifice par l’utilisation d’une matière minérale répétée presque à l’infini sur l’ensemble des parois. L’architecte créé une atmosphère comme close par la matière où l’eau vient l’ouvrir et lui donner vie. Malgré la rupture d’échelle humaine opérée par la présence des murs de 5 m de haut, Peter Zumthor crée une unité ; le corps et l’architecture sont à l’unisson. Fig. 57 : Photographie, Bains des Thermes de Vals, Peter Zumthor

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Lumière / Photographie

Mise en abîme

La photographie est le relais de l’architecture pour se faire connaître et voir au monde ; cette photographie est étudiée pour être ‘belle’ et révéler une lumière intense, nette, propre, dégagée de tout éléments extérieurs – perturbateurs-.

Par la démultiplication des moyens de communication il est aisé de découvrir d’innombrables lieux et alors nous essayons d’en reproduire une photographie celle que l’on a découverte ; un lien se forme entre la réalité du site, son interaction, ses visiteurs mais avant tout avec sa lumière. Parce qu’en cherchant à reproduire la même photographie ce n’est plus l’image de l’architecture que l’on souhaite capturer mais le même moment, la même lumière.

La lumière révèle la plasticité de l’architecture, mais lorsque l’on prend une photographie c’est l’image qui supplante l’architecture. L’image d’une forme, d’une matière, d’une atmosphère, d’une lumière. La photographie témoigne d’un ‘point de vue’ aussi bien spatial, photographique qu’émotionnel. A travers l’objectif le photographe cadre son intention afin de la révéler au travers de l’image.

Lucien Hervé réalise son travail de photographe en association à celui de Le Corbusier. Ses planches contacts explorent l’architecture à travers les yeux de l’architecte ; il doit saisir ce que voit le créateur de l’édifice afin d’en rendre compte au monde. Telle est la mission des photographes, relater une pensée propre pour la rendre perceptible à tout à chacun où ombre à 45° et espace vide sont les mots d’ordre pour que chacun puisse se projeter dans cette architecture.

La photographie – comme l’architecture- est un art où la composition permet à elle seule de rendre compte et d’émouvoir ; contraste, intensité, symétrie, profondeur sont des techniques qui sont mises à profit à travers l’objectif pour mettre en valeur l’objet photographié. La recherche de l’émotion se transcende par la photographie, elle capture la lumière d’un moment de l’architecture. Fig. 58 : Photographie, Lucien Hervé, Unité de Vie et d’Habitation de Le Corbusier, 1955

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Lumière / Sacré

Ouverture au monde

Le sacre de l’architecture c’est de la mettre en lumière. Permettre à cet élément de voguer librement, sans limite, avec pour seul résultat sa matérialisation dans l’espace. Elle fait entrer le monde dans l’architecture.

Elle enveloppe le corps dans une lumière unique ; un instant, le corps baigné et la lumière ne font qu’un.

Elle est une source unique -dans l’architecture sacré- pour magnifier l’espace et rappeler que les fidèles ne croient qu’en une seule parole, elle vient du ciel elle est le signe d’une communion ; céleste – homme.

Cette seule ouverture balaye le temps, l’espace, elle ne se cache pas des autres ; si les Dieux ne sont pas satisfaits ils laisseront exploser leur colère ; le temps se déchaînera et les hommes verront leur culpabilité à travers cet œil de lumière. Cet œil est également celui qui amène des réponses, comme pointant du doigt, il baigne l’homme dans une lumière unique ; c’est un échange direct entre le prêcheur et son Dieu.

Par cet œil, la lumière dévoile sa course céleste aux yeux de l’Homme afin de lui renvoyer l’image de sa situation ; il est une poussière face à elle. Elle, immense, incommensurable, elle qui défit le temps, l’espace et la gravité, face à lui, l’homme, subissant son poids, subissant la pesanteur.

Fig. 59 : Photographie, Mosquée en Irak

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Lumière / Mémoire Réminiscence

La mémoire est ce qui nous lie au temps, au passé des moments vécus aujourd’hui effacés, c’est leur absence qui résonne en nous en un objet du désir convoité, car souvent rêvé d’être vécu de nouveau. A chaque mémoire nous pouvons lier une lumière ; elle identifie l’acte révolu en un souvenir. Bon ou mauvais, il est lié à notre ressenti du moment, car c’est l’instant T qui réveille ce souvenir et nous fait nous remémorer, l’espace d’un temps, ce qui n’est plus.

La lumière ‘possède’ une âme, elle nous touche psychologiquement, nous rendant presque faible le temps de la remémoration ; le temps d’un instant nous n’appartenons plus à notre temps –temporel- nous sommes dans le passé, et notre mémoire se reflète dans nos yeux. La lumière de l’instant présent nous baigne dans nos songes et nous renvoie à l’image d’un souvenir vécu ; elle nous entraîne dans des sentiments de douceurs et d’émotions qui s’embellissent sous la lumière.

La lumière possède cette caractéristique de nous transporter temporellement dans notre mémoire ; elle est liée à un moment, un lieu. La mémoire est ‘mise en lumière’ par la lumière.

Redécouvrir une photographie renvoie à la mémoire non plus du temps mais de l’image que l’on en a fait ; la lumière évoque les souvenirs de l’instant et c’est ce souvenir qui suscite l’émotion.

La lumière nous permet de nous projeter dans le temps à venir ; le lever du soleil reflète chaque jour une renaissance, un nouveau monde à découvrir. Il est riche d’émotions et de secrets encore inavoués. Le corps s’éveille, le visage s’illumine, la vie re-prend son court. Chaque jour la lumière nous révèle à nouveau ce que nous connaissons. Cette mémoire peut se développer sur le papier ; la photographie est le support visuel d’un événement passé qui lorsqu’on le regarde de nouveau devient un souvenir. La lumière autrefois chatoyante du souvenir se jaunie avec le temps ; la mémoire s’efface lentement comme la lumière à l’approche du crépuscule. Fig. 60 : Photographie, Santorini, Grèce

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Lumière / Silence … (chute)

« Et au cœur de la lumière, le silence » T.S ELIOT in La Terre vaine, 1922

Alberto Campo Baeza a travers son architecture fait vivre une expérience du temps et du silence, se libérant de tout superflu par la réduction formelle il invoque une relation entre les éléments et l’espace. Ce silence est instauré et obtenu par la lumière, élément le plus primaire de la nature qui permet de transformer les objets. L’architecte veut percer la translucidité avec une lumière qui construit le temps et où la gravité construit l’espace. « Sans lumière, l’architecture n’est rien, et encore moins que rien »1821 « Si l’architecture renferme, comme je le pense, les espaces conduisant à l’épanouissement physique et spirituel du moi, alors je veux créer des bâtiments 22 qui influent sur la vie de l’homme. »19 L’architecture c’est faire entrer la lumière en une multitude de lumières ; il n’y plus une lumière mais des lumières. Celles-ci, avec le jeu de simplicité formelle de l’architecture, conçoivent un espace emplit de sérénité et de silence où la lumière chatoie la matière et l’espace. Le vide est unifié par une multitude de lumières qui ne forment qu’une.

Pour créer du silence, l’architecture se doit d’être au service de la lumière, la laisser s’exprimer au fil de l’espace pour permettre sa contemplation. Contempler la lumière c’est la regarder, comprendre sa course, la ressentir ; le silence se change en couleur d’or, en couleur de lumières.

Fig. 61 : Photographie,Alberto Campo Baeza, Banque de Grenade 18 21 <http://toolstudio.gonzalosomolinos.com/2010/11/23/caja-de-ahorros-de-granadaalbertocampo-baeza/> 22 19 <http://interieurites.com/tadao-ando-architecte-de-la-lumiere/>

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Conclusion chapitre III. Lumière / Emotion est une notion tangible à travers notre ressenti, où la photographie en est un parfait révélateur. Elle –la lumière- véhicule l’image d’une architecture en émoi, attentive à ceux qui l’habitent afin d’exacerber leurs sensations dans l’espace, la photographie, elle, est le reflet du passé sensible. L’émotion éclaire nos souvenirs, révélés pas une atmosphère propice à la remémoration, ils sont une lumière évanescente, intangible, mais pourtant révélatrice d’une multitude d’émotions physiques. Elle nous effleure, nous touche dans une vague de lumière nous émouvant, nous touchant jusqu’à l’âme pour révéler ce qui n’est plus. Qu’elle soit unique ou une multiple, la lumière nous enveloppe de son manteau pour nous emporter avec elle ; elle est comme un bateau qui vogue jusqu’à la rencontre du moment qui révèlera la lumière pour illuminer nos souvenirs. « (Je) me suis rendu compte d’une proportion consternante de textes consacrés à l’architecture ignore les mots, beauté, inspiration, magie, fascination, enchantement, ainsi que les concepts de sérénité, de silence, d’intimité et de surprise. Tous sont incrustés dan mon âme et, bien qu’étant pleinement conscient de ne pas leur avoir fait complètement justice dans 23 mon œuvre, ils n’ont jamais cessés de me guider »20 Mathias Goeritz, sculpteur publie en 1954 la revue ‘Le Manifeste de l’architecture émotionnelle’ La lumière est avant tout une matière d’expression qui se diffuse au travers de l’architecture ; elle est artistique et révèle tout ce qu’elle touche en une perfection. Convoquer l’émotion au sein de l’architecture est un travail d’orfèvre qui ne saurait être révélé qu’à travers la lumière.

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<https://archiemo.files.wordpress.com/2011/01/lt-10-1-21.pdf>


« La lumière l’emportera toujours sur tout » 10 Henry Miller - Le Colosse de Massouri

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Conclusion / Mathias Goeritz révèle ce que beaucoup d’architectes ne font pas ; oublier de travailler non pas avec la lumière mais dans la lumière. Elle est le matériau le plus précieux. La célébrer n’est que justice. Travailler à la lumière c’est la laisser déambuler, danser librement sur les murs de l’architecture pour nous permettre de la voir se mouvoir et se changer au fil de la journée. Voir qu’elle n’est pas une lumière mais une multiplicité de facettes qui se composent les unes avec les autres afin de tonifier l’espace architectural. L’architecture fascine, elle est celle qui abrite les hommes, et les hommes la construisent à leur image. Mais que serait l’architecture sans lumière ? Sans ombre ? Ne serait-ce qu’une simple perception ? Mais alors comment ‘voir’ ce qui ne peut être vu ? Comment l’exprimer sans mots en référence à un volume, une matière que nous ne connaîtrions qu’à travers le toucher ? Notre œil en architecture est notre premier outil de perception ; il analyse, décortique, décompose pour recomposer le projet ; seulement, cet œil devient à son tour l’outil de manipulation de la lumière. Elle lui fait croire en un reflet matériel qui n’est rien de plus qu’une image renvoyée, intangible. Elle révèle un nouvel espace chargé d’ombre, d’épaisseur et de profondeur laissant imaginer un nouveau monde imperceptible si elle ne nous y guide pas. La lumière n’est pas tangible elle est liée à notre perception individuelle, notre vécu ce qui nous touche émotionnellement afin de la rendre perceptible à nos yeux. Elle exprime une dualité entre ce que nous voyons et ce qu’elle veut nous faire voir. Elle est une matière sans aucune commune ressemblance à toutes autres sur terre ; sa matérialité est imperceptible mais son effet, lui, est magnifique. Elle est là sans qu’on le choisisse, elle est présente chaque jour. C’est autour d’elle que l’espace s’organise et se vit. áρχƞ -Arché en latin- signifie le principe des choses, la divinité mais c’est la lumière qui en est la révélatrice ; elle dévoile l’architecture à travers elle.

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Architecture, Lumière. Lumière, Architecture. Comment composer un mot qui regrouperait ces deux notions, qui les exprimerait dans leur plus pure abstractivité et essence ? Être architecte c’est travailler la lumière en lui permettant de mettre en exergue ses spécificités malgré son universalité de toucher chaque Homme sur terre.

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Bibliographie /

Livres /

Eloge de l’ombre – TANIZAKI Junichirô – Edition Verdier Lagrasse – 1978 Qu’est-ce que la lumière pour les architectes ? - DUBET Alice - Edition ArchiBooks + Sauterau Editeur – 2013 L’ordre cistercien – CALI François – Edition Hazan EDS - 2005 LC Le couvent de la Tourette – FERRO Sergio, KEBBAL Cherif, POTIE Philippe, SIMONNET – Edition Parenthèses – 1987 L’abbaye du Thoronet – MOLINA Nathalie – Edition du Patrimoine – 1999 Le Petit Larousse Illustré des Légendes et des Mythes – KINDERSLEY Dorling – Edition Larousse – 2013 I. Kahn, Silence et Lumière – KAHN Louis Isidor – Edition du linteau – 1996 Architectes lauréats du Pritzker Prize 30 ans de créations – Edition de la Martinière et Mediasarbacane Edition en France – 2011 Indéfinition de l’architecture – GOETS Benoit, MADEC Philippe, YOUNES Chris – Edition de la Vilette - 2009 Espèce d’espaces – PEREC George – Edition Galilée – 2000 Manière de penser Ronchamp – COHEN Jean Louis – Edition de la Villette Fondation Le Corbusier – 2011 Le Corbusier le symbolique, le sacré, la spiritualité - ANTONINI Debora, BAUDOUÏ Rémi, CASALI Valerio, CAVALCANTI Roberto, GRESLERI Guiliano, LINTON Johan, PAPILLAUT Rémi, POTIE Philippe ,SAMUEL Flora - 2004 Peter Zumthor Atmosphères – ZUMTHOR Peter - Birkhäuser - 2012 Le Corbusier / Lucien Hervé / Contacts – ANDRIEUX Béatrice, BAJAC Quentin, RICHARD Michel, SBRIGLIO Jacques – L’atelier d’Edition - 2011

Revues /

Au cœur de la lumière, le silence - A’A’ n°389 – Mai/Juin 2012 La musique c’est l’air, l’architecture la lumière – A’A’ n°389 – Mai/Juin 2012 Laurent Salomon, lumineuse géométrie – Le Visiteur – n°18 Revue Critique d’Architecture – Infolio Editions – GOLLION Charles - 2012 L’architecture et le sacré – AMC n°122 – 2002 Architecture sacrée – Technique et Architecture – n°405 - 1992 La idea construida Montpellier - Edition de l’Espérou - p 91 - 2010

Conférences /

’Luis Barragan ou l’architecture émotionnelle’ – PAULY Danièle – 2013

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Documents vidéo /

Peter ZUMTHOR - The Therma of Stone – 2013 - (ARTE) Collection architecture, épisode 10 - <https://WWW.youtube.com/watch?v=GjX_eB_ xnBY> Giovanni Battista PIRANESI Les Prisons Imaginaires – RENAUDINEAU Bertrand, DA SILVA Gérard-Emmanuelle – Collection IMPRESSIONS FORTES Henri Alekan, Des lumières et des hommes – ROTH Laurent – Images de la culture cinéma – Genius Loci, Le génie du lieu – Atelier A.M.DESMIER - 2014

Articles internet /

Lumière dans l’architecture <www.new-learn.info/packages/tareb/docs/ecb/ecb_ch4_fr.pdf > Texture une certaine présence des matériaux <http://lavilledessens.net/textes/> La lumière dans l’architecture – PAULE Bernard <http://moodle.epfl.ch/file.php/3371/DOCUMENTS/COURS_THEORIE/ Lumiere_Architecture.pdf?#zoom=81&statusbar=0&navpanes=0&messag es=0> Lumières d’architectes, Lumières de cinéastes – GOUJET Marine sous la direction de ANGELO Yves <http://www.ens-louis-lumiere.fr/fileadmin/recherche/Goujet-cine-2007mem.pdf?#zoom=81&statusbar=0&navpanes=0&messages=0> Les 8 règles de l’architecte – NANNI Mario <http://www.irisceramica.biz/news-dettaglio.php?id=247> Silence de la lumière, conversation du monde – BASBOUS Karim <http://www.scopalto.com/le-visiteur/18/silence-de-la-lumiereconversation-du-monde> Mythes et réalités de la lumière – ALMARIC Pierre <http://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx1992x026x002/ HSMx1992x026x002x0131.pdf> Piranèse exposition erre variations labyrinthiques captifs – CENTRE POMPIDOU <http://www.centrepompidou-metz.fr/sites/default/files/images/ dossiers/2011-12_erre_captifs.pdf> Tadao Ando architecte de la lumière <http://interieurites.com/TADAO-ANDO-ARCHITECTE-DE-LA-LUMIERE/> Cosa mentale carnets d’architecture et de résistance <http://cosamentale.com/01-penser-le-paysage> Campo Baeza apogée d’une géométrie sereine <http://www.infociments.fr/betons/matiere-creation/portraits-architectes/ portrait-campo-baeza>

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Eclairer pour rien la nuit <http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/13079-Eclairage_ Depliant15x210_web.pdf> Architecture ĂŠmotionnelle <https://archiemo.files.wordpress.com/2011/01/lt-10-1-21.pdf>

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Table des illustrations / Fig. 01 : Le Corbusier, «Couvent de la Tourette», Photographie, Page de Couverture En ligne : < https://www.pinterest.com/pin/337629303286776028/ > Fig. 02 : Michaud, Cécile, Août 2014, «Chapelle de Ronchamp», Me Corbusier, 1953, Photographie, Page 11 Fig. 03 : Hervé, Lucien, 1952, Planches contacts, «Chandigarh, La cour de Haute Justice», Photographie, Page 12 En ligne : < https://www.pinterest.com/pin/265008759298615214/> Fig. 04 : Fan, Ho, 1950, Hong Kong, «Yesterday», Photographie, Page 13 En ligne : < https://mrmondialisation.org/25-photos-du-coeur-dhong-kongdes-annees-50-vu-par-fan-ho/> Fig. 05 : De Goya, Francisco, 1819-1823, «Saturne dévorant l’un de ses enfants» Peinture, Page 15 En ligne : < http://www.lankaart.org/article-goya-saturne-47904298.html > Fig. 06 : Piranese, Giovanni Battista, 1760 «The arch with a shell ornament» Gravure, Page 15 En ligne : < the-arch-with-a-shell-ornament.jpg!Blog > Fig. 07 : Piranese, Giovanni Battista, 1760 «Carcere Oscuro» Gravure, Page 17 En ligne : <http://www.mutualart.com/Artist/Giovanni-Battista-Piranesi/ CAFC51798DFCFE06/Artworks?Params=3936382C43757272656E74506167 652C31322C31 > Fig. 08 : Michaud, Cécile, 2013, «Cathédrâle Santa Maria», Gérône, Photographie, Page 23 Fig. 09 : «Intérieur d’un pavillon de thé» Photographie, Page 21 En ligne : < http://4.bp.blogspot.com/_onuLlm7VILA/SCBqZaHofDI/ AAAAAAAAA9w/wbbmnydenyY/s1600/matin%2Bcalme.JPG> Fig. 10 : Michaud, Cécile «Plan schématique de la lumière au matin» Plan du Couvent de la Tourette, Page 23 Fig. 11 : Michaud, Cécile «Plan schématique de la lumière à midi » Plan du Couvent de la Tourette, Page 23 Fig. 12 : Michaud, Cécile «Plan schématique de la lumière au coucher du soleil» Plan du Couvent de la Tourette, Page 23 Fig. 13 : Hervé, Lucien «Intérieur du couvent de la Tourette», Photographie, Page 24 En ligne : < https://www.pinterest.com/pin/45739752438528751/> Fig. 14 : Coupe Panthéon, Dessin de reconstitution, XIXème, Page 25 En ligne : < http://www.photo.rmn.fr/archive/13-598848-2C6NU063X5VC. html> Fig. 15 : «Coin de lecture», Bibliothèque Exeter, Luis Kahn, 1972, Page 26 En ligne : < https://www.pinterest.com/pin/330310953889822216/>

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Fig. 16 : «Vide central», Bibliothèque Exeter, Luis Kahn, 1972, Page 27 En ligne : < https://www.pinterest.com/pin/524387950333640842/> Fig. 17 : Michaud, Cécile, «Plan rez-de-chaussée» Bibliothèque Exeter, Luis Kahn, 1972, 200°, Page 28 Fig. 18 : Michaud, Cécile, «Plan étage courant» Bibliothèque Exeter, Luis Kahn, 1972, 200°, Page 28 Fig. 19 : Michaud, Cécile, «Coupe», Bibliothèque Exeter, Luis Kahn, 1972, 200°, Page 28 Fig. 20 : Michaud, Cécile «Citadelle de Besançon» 2014, Citadelle de Besançon, Vauban, 1668,1693, Photographie, Page 31 Fig. 21 : Vauban «Elevation Citadelle de Besançon» Dessin, Page 31 Fig. 22 : MLZD, 2009, «Musée d’Histoire de Bern», Photographie, Page 31 En ligne : < http://www.bhm.ch/fr/informations/medias/images-destineesaux-medias/vues-exterieures/> Fig. 23 : MLZD, 2009, Plan du Musée d’Histoire de Bern, Plan, Page 31 En ligne: < http://www.bhm.ch/fr/informations/medias/images-destineesaux-medias/vues-exterieures/> Fig. 24 : Mies Van Der Rohe, 1951 «Farnsworth House», Photographie, Page 31 En ligne : < http://www.evermotion.org/vbulletin/showthread.php?73894Mies-van-der-Rohe-Farnsworth-House> Fig. 25 : Mies Van Der Rohe, 1951, Plan Farnsworth House, Page 31 En ligne : < http://pinterest.com/pin/286119382548193055/> Fig. 26 : Ricctiotti, Rudy, 2013, «Entre-deux Mucem» Photographie, Page 33 En ligne : < 11159959_880140888690656_6851892343385391966_n> Fig. 27 : Ricctiotti, Rudy, 2013, Plan toiture, Plan, Page 33 En ligne : < http://www.archdaily.com/400727/mucem-rudy-ricciotti/51dce8 87e8e44e34bf00008f_mucem-rudy-ricciotti_fourth_floor_plan-png/> Fig. 28 : Van Berkel, Ben, 2000-2007, «Villa NM», Photographie, Page 35 En ligne : < http://design-milk.com/villa-nm-by-ben-van-berkel/> Fig. 29 : Johnson, Philip, 1949, «Maison de Verre», Photographie, Page 35 En ligne : < https://lecahierdartsplastiques.wordpress.com/about/niveautroisieme-2/montrez-moi-du-vide/> Fig. 30 : Zmthor, Peter, «Coffrage», Chapelle Saint-Nicolas-de-Flüe, 2007, Photographie, Page 40 En ligne : < https://www.pinterest.com/pin/345088390170194930/> Fig. 31 : Zmthor, Peter, «Intérieur chapelle», Chapelle Saint-Nicolas-deFlüe, 2007, Photographie, Page 40 En ligne : < https://s-media-cache-ak0.pinimg.com/736x/b7/b0/47/ b7b0476558961> Fig. 32 : Zmthor, Peter, «Pins calcinés et billes de verre», Chapelle SaintNicolas-de-Flüe, 2007, Photographie, Page 40 En ligne : < https://farm4.staticflickr.com/3619/3453848144c465404080_o _d.png, https://www.flickr.com/>

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Fig. 33 : Michaud, Cécile, Schéma interstices de lumière, Schéma, Page 42 Fig. 34 : Zunthor, Peter, Thermes de Vals, 1996, Photographie, Page 43 En ligne : < http://www.miaow-design.fr/le-blog/files/2012/03/> Fig. 35 : Itten, Johannes, «Carré gris sur bleu glacé et rouge orangé» Art de la couleur, Peinture, Page 44 En ligne : < http://paris.blog.lemonde.fr/2012/11/12/johannes-itten-lacouleur-selon-un-des-fondateurs-du-bauhaus/> Fig. 36 : Itten, Johannes, «Cercle chromatique», Peinture, Page 45 En ligne : < http://www.graxx.ca/Images/Cercle_Chromatique_Itten.png> Fig. 37 : Mondrian, Piet, 1922, «Composition in Red Yellow and Blue», Peinture, Page 46 En ligne : < http://classconnection.s3.amazonaws.com/94/ flashcards/668094/jpg/> Fig. 38 : Rietveld, Gerrit, 1924, Schröder House, Photorgraphie, Page 47 En ligne : < http://wikiarquitectura.com/es/images/> Fig. 39 : Rietveld, Gerrit « Schéma élévation nord de la Shröder House» Schéma, Page 47 En ligne : < http://fr.wikiarquitectura.com/index.php/Maison_RietveldSchröder> Fig. 40 : Barragan, Luis, Casa Gilardi couloir,1976, Photographie, Page 50 En ligne : < https://s-media-cache-ak0.pinimg.com/736x/4f/ > Fig. 41 : Barragan, Luis, Casa Gilardi couloir, 1976, Photographie, Page 50 En ligne : < https://s-media-cache-ak0.pinimg. com/736x/36/1f/68/361f68a70cc > Fig. 42 : Barragan, Luis, Casa Gilardi, piscine,1976, Photographie, Page 50 En ligne : < https://s-media-cache-ak0.pinimg.com/736x/38/97/6d/ > Fig. 43 : Barragan, Luis, Casa Calvez, mur, 1954, Photographie, Page 50 En ligne : < https://s-media-cache-ak0.pinimg.com/736x/f0/11/0f/ > Fig. 44 : Barragan, Luis, Casa Calvez, mur, 1954, Photographie, Page 50 En ligne : < https://s-media-cache-ak0.pinimg.com/736x/e2/7f/4b/ > Fig. 45 : De Vinci, Leonard, «L’homme de Vitruve» 1492, Dessin, Page 52 En ligne : < http://www.google.fr/url?source=imglanding&ct=img&q=http:// www.astrosurf.com/luxorion/Sciences/vinci- > Fig. 46 : Le Bernin, «L’enlèvement de Prospérine», 1621-1622, Sculpture, Page 53 En ligne : < http://img4.hostingpics.net/pics/ > Fig. 47 : Canova, Antonio, «Psyché ranimée par le baiser de l’Amour» 1822, Sculpture, Page 53 En ligne : < http://mechtild.livejournal.com/4776.html > Fig. 48 : Baeza, Alberto Campo, House of the Infinite,2014 , Photographie, Page 54 En ligne : < http://www.highsnobiety.com/2014/07/15/house-of-the-infiniteby-alberto-campo-baeza/ >

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Fig. 49 : Baeza, Alberto Campo, House of the Infinite, 2014 , Coupe, Page 54 En ligne : < http://www.homedsgn.com/2014/09/26/house-of-the-infiniteby-alberto-campo-baeza/ > Fig. 50 : Baeza, Alberto Campo, House of the Infinite,2014 , Croquis, Page 54 En ligne : < http://www.homedsgn.com/2014/09/26/house-of-the-infiniteby-alberto-campo-baeza/ > Fig. 51 : Baeza, Alberto Campo, Casa Turegano, 2012, Coupe, Page 55 En ligne : < http://noticias.arq.com.mx/Detalles/16544.html > Fig. 52 : Baeza, Alberto Campo, Casa Turegano, 2012, Plans, Page 55 En ligne : < http://noticias.arq.com.mx/Detalles/16544.html > Fig. 53 : Baeza, Alberto Campo, «iège du Gouvernement Castille Léon» 2011, Plan; Page 57 En ligne : < http://www.designboom.com/architecture/alberto-campo-baezaoffices-in-zamora/ > Fig. 54 : Baeza, Alberto Campo, Siège du Gouvernement Castille-Léon 2011, Maquette Coupe, Page 57 En ligne : < http://www.designboom.com/architecture/alberto-campo-baezaoffices-in-zamora/ > Fig. 55 : Baeza, Alberto Campo, Siège du Gouvernement Castille-Léon»2011, Photographie, Page 59 En ligne : < http://www.designboom.com/architecture/alberto-campo-baezaoffices-in-zamora/ > Fig. 56 : Photographie, Page 67 En ligne : < www.pinterest.com/pin/324681454361724060/ > Fig. 57 : Zumthor, Peter, Thermes de Vals, 1996, Photographie, Page 69 En ligne : < https://www.pinterest.com/pin/508484614150118761/ > Fig. 58 : Hervé, Lucien, Unité de Vie et d’Habitation, 1955, Photographie, Page 71 En ligne : < https://www.pinterest.com/pin/148196643958390639/ > Fig. 59 : Mosquée, Irak, Photographie, Page 73 En ligne : < http://imgfave.com/view/1940991 > Fig. 60 : Santorini, grèce, Photographie, Page 75 En ligne : < https://www.pinterest.com/pin/566398090613097880/ > Fig. 61 :Baeza, Alberto Campo, Banque de Grenade, 2001 , Page 77 En ligne : < https://www.pinterest.com/pin/248753579391520262/ >

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